M. le président. L’amendement n° 58, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
l’amélioration de leur compétitivité, leur mécanisation,
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Avec ce livret Agri, vous souhaitez réorienter l’épargne populaire vers l’agriculture afin d’en améliorer la compétitivité, voire la mécanisation. Nous l’avons bien compris.
De notre point de vue, ce livret doit permettre de financer la transition de notre modèle agricole vers une agriculture durable et permettre de faire face au changement climatique. C’est l’urgence à laquelle nous devons tous faire face.
Comme le souligne le rapport de la commission, l’agriculture souffre non pas d’une insuffisance majeure de financement, les encours d’emprunt progressant d’année en année, mais du surendettement de nombreuses exploitations, ce qui fragilise l’installation des agriculteurs. Or ce surendettement est parfois dû à un suréquipement.
Si l’aide à l’installation des agriculteurs est une bonne chose, il n’en demeure pas moins que le vrai problème reste le renchérissement du coût du foncier. Or le risque est grand de voir ce livret Agri accompagner l’augmentation du coût du foncier, alors que nous avons plutôt besoin d’encadrement et de régulation pour lutter contre la pression de plus en plus forte de la part d’investisseurs parfois étrangers ou n’ayant rien à voir avec l’agriculture.
Enfin, comme le rappelle le réseau Solidarité Paysans, tout pousse les agriculteurs à investir. Les revues et salons spécialisés valorisent à outrance la technologie, signe de modernité, de performance, mais aussi d’appartenance à une profession. (M. Joël Labbé acquiesce.) Pourtant, investir n’est pas forcément un marqueur social de réussite.
Sur le plan fiscal, les agriculteurs sont encouragés à investir pour payer moins d’impôts et moins de cotisations sociales. Or le surinvestissement peut rendre une exploitation vulnérable et devenir un frein pour la transmission.
M. le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Marie-Claude Varaillas. C’est pourquoi nous pensons que, tel qu’il est rédigé, cet article 4 va à rebours de la nécessité de redonner de l’autonomie aux fermes et de limiter les dépendances à l’égard du système bancaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Je ne résiste pas à l’envie de rendre hommage à la proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Lenoir, à l’origine de cette idée de création d’un livret agricole ayant pour but non pas de conduire au surinvestissement, mais de créer ce lien perdu entre les Français et leur agriculture.
Ces amendements, identiques dans leur finalité, mais différents dans leur forme, ont pour but de réorienter un livret Agri revu à la baisse soit vers l’agriculture biologique ou en agroécologie – c’est l’amendement de M. Labbé –, soit vers les exploitations sous signe de qualité ou en bio – c’est l’amendement de M. Redon-Sarrazy. C’est en contradiction avec l’objectif général du texte d’aider de façon indifférenciée l’ensemble des agriculteurs, en évitant d’opposer une fois de plus les agricultures les unes aux autres.
Je vous fais remarquer que nous avons ajouté dans les investissements éligibles les investissements immatériels, qui sont trop souvent oubliés, alors qu’ils permettent justement d’éviter des mécanisations trop poussées en allant vers des agricultures de précision.
Nous avons de surcroît rendu éligible l’accès au foncier agricole pour les jeunes agriculteurs. Je n’imagine pas en priver ceux qui seraient en conventionnel. Ce serait tout de même curieux…
Enfin, l’amendement de Mme Varaillas tend à faire disparaître le mot « compétitivité » de l’article, ce qui serait pour le moins incongru si l’on considère le titre de cette proposition de loi.
Vous l’aurez compris, l’avis est défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Je veux en préambule redire l’intérêt que nous portons à cet article 4, même s’il y a encore du travail à faire.
À mes yeux, il a deux vertus.
D’abord, il permet de flécher l’épargne des Français vers l’agriculture et donc d’essayer d’améliorer la compétitivité. Tel est d’ailleurs l’objet plus large de cette proposition de loi.
Ensuite, dans l’esprit du travail que nous menons sur le pacte, il a l’immense mérite de tenter de mieux connecter la société avec l’agriculture. C’est une question de dialogue entre les Français et le monde agricole : l’épargne des Français doit servir l’agriculture.
J’y insiste, cet article 4 nous paraît intéressant, et ce débat se poursuivra dans le cadre de la loi d’orientation. Ces deux éléments, compétitivité et dialogue entre la société et ses agriculteurs, remontent beaucoup de nos échanges en région et au niveau national.
Par ailleurs, il ressort des trois amendements que la nature de ce lien que je viens d’évoquer n’est pas la même pour tous. Pour les uns, c’est le bio ; pour les autres, ce sont les circuits courts et les signes de qualité ; pour les troisièmes, c’est la question de l’investissement. Cela prouve que l’on a besoin de continuer à travailler sur ces sujets-là et de mieux qualifier les choses. C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait des trois amendements, faute de quoi l’avis sera défavorable.
C’est vrai, il faut envisager ces systèmes d’épargne en pensant à la transition. Qu’est-ce qui permet la transition ? On ne peut pas vouloir celle-ci et ne pas s’en donner les moyens. Cependant, ces trois amendements ne correspondent pas tout à fait à l’idée qu’on peut se faire de la compétitivité. Il y a aussi la question des jeunes ou du surinvestissement, qu’a évoqué Mme Varaillas. Sur ce dernier sujet, il faudrait poser plus globalement la question de la fiscalité. Quels sont les dispositifs fiscaux qui encouragent la transition et permettent de répondre aux inquiétudes de M. Montaugé sur les zones intermédiaires ? L’article 4 a vocation à favoriser le portage de capitaux plus que le surinvestissement, à faire en sorte que le foncier soit plus accessible aux jeunes, sans considération du modèle dans lequel ils souhaitent s’installer. N’oublions pas que le sujet principal, c’est le renouvellement des générations d’agriculteurs.
Pour conclure, je le redis, je suis favorable à l’idée de travailler, dans le prolongement de cet article 4, sur le sujet de la transition.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Cet article a une vocation très large, comme M. le ministre vient de le dire.
Nous souhaitons d’abord recomposer le lien que l’on n’aurait jamais dû perdre entre les Français et leur agriculture. Cette distanciation ne vaut pas partout. Nous sommes allés en Italie et nous avons vu la différence : aujourd’hui, les Italiens sont 57 millions d’ambassadeurs des produits italiens ; en France, il y a 30 millions de procureurs de l’agriculture française !
Les messages qui viennent de certaines travées, notamment de celles du groupe communiste, sont d’arrière-garde. Aujourd’hui, il n’y a plus d’agriculteurs qui investissent pour le plaisir d’investir ! Le suramortissement constitue certes une incitation fiscale, mais, dans les faits, il n’y a plus une exploitation qui n’achète pas dans le cadre d’une coopérative d’utilisation de matériel agricole (Cuma). Les agriculteurs se regroupent pour acheter du matériel, car l’évolution des prix fait qu’ils ne peuvent plus se payer le luxe d’acheter un tracteur pour le plaisir de s’acheter un tracteur ! Il y a dix ans, pour changer trois tracteurs sur mon exploitation, je devais payer 80 000 euros de soulte entre les anciens et les nouveaux ; aujourd’hui, c’est 240 000 euros ! Pensez-vous que les agriculteurs vont acheter des tracteurs simplement pour le plaisir de défiscaliser ? Ce temps est révolu ! Il faut arrêter de relayer ce type de message.
Au contraire, le livret Agri est une possibilité offerte aux Français de se reconnecter avec l’agriculture et de revenir à des choses que nous avons abandonnées trop vite. Nous parlons tous ce soir d’installation et de renouvellement des générations : ne faudra-t-il pas remettre en place demain des prêts bonifiés, compte tenu de l’évolution des taux d’intérêt, lesquels sont passés de 0 % voilà quelques mois à 4 % aujourd’hui,…
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Laurent Duplomb. … surtout quand le patrimoine à transmettre représente une somme colossale en capital ? Le livret Agri aurait toute son utilité à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. J’entends les arguments selon lesquels ces aides doivent être larges et indifférenciées. Pour nous, c’est non ! Nous avons des préférences. Nous estimons qu’il y a des modèles plus vertueux que les autres. C’est ce qui nous différencie. Nous ne sommes pas caricaturaux : nous avons des convictions !
Selon nous, il y a des modèles qui s’inscrivent dans une vraie transition et qui vont nous apporter de la résilience. Aussi, nous voulons soutenir ces modèles, tout simplement, ce qui me semble limpide. Une politique publique doit servir à orienter l’agriculture, et nous souhaitons l’orienter d’une certaine manière. Nous ne sommes pas d’accord avec vous, et nous sommes cohérents avec notre vision de l’agriculture.
Pour terminer, je voudrais répondre à mon collègue Laurent Duplomb sur la moutarde. Il aura fallu le temps qu’elle me monte au nez… (Sourires.)
Ce que vous nous avez dit sur la moutarde montre bien qu’il y a deux modèles totalement différents. Vous nous parlez d’un modèle ouvert, libéral, où nous sommes en concurrence avec les Ukrainiens. Selon vous, pour être compétitif sur ce marché, il faut s’asseoir sur nos normes environnementales et essayer d’avoir le coût salarial le plus bas possible. Vous êtes dans cette dynamique du libéralisme défendue depuis des décennies et qui se justifie pleinement à vos yeux.
Pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas de ce cadre. Nous voulons des clauses miroirs pour protéger notre agriculture, notre environnement et la santé des Françaises et des Français dans un monde habitable.
Voilà notre différence : elle est macroscopique et porte sur la conception de l’économie.
M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.
M. Daniel Breuiller. Je voudrais à mon tour défendre ces amendements, comme vient de le faire mon collègue Daniel Salmon.
Puisque l’enjeu, à travers ce livret Agri, c’est de créer un lien entre la société et les agriculteurs, prenons exemple sur ce qui se passe avec le livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui n’a de développement durable souvent que le nom, et qui n’incite pas un grand nombre de nos concitoyens souhaitant soutenir la transition écologique à s’engager sur ces produits financiers.
À mon sens, il serait très sage d’avoir un livret Agri qui vienne soutenir la transition écologique et qui permette à nos concitoyens de s’engager avec confiance sur ce produit financier, en soutien à un nouveau modèle agricole. Cela n’empêcherait pas, d’ailleurs, d’avoir un livret Agri conventionnel, mais il faut être clair : soutenir tous les modèles agricoles ne me paraît pas correspondre à ce que souhaitent beaucoup de nos concitoyens,…
M. Laurent Duplomb. Alors çà…
M. Daniel Breuiller. … à savoir participer activement à la transition agroécologique, face aux dangers liés à la crise climatique, à la pollution et au modèle agro-industriel. Permettons-le !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Je voudrais préciser que, lors des auditions sur cette proposition de loi, j’ai eu l’occasion de rencontrer les dirigeants de La Ferme Digitale, que chacun connaît, et en particulier un chef d’entreprise qui a une plateforme de financement de l’agriculture assez intéressante. Celle-ci permet, selon son témoignage, de collecter des fonds en ligne pour financer beaucoup de projets agricoles très divers. Il importe à mon sens d’être neutre par rapport aux projets d’installation, notamment des jeunes, qui sont souvent financés par ces plateformes, et de permettre au livret Agri d’être très large pour ce qui est des conditions d’éligibilité. En effet, monsieur Salmon, c’est une différence idéologique, mais nous l’assumons pleinement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Je vais faire un petit pas de côté par rapport à ce qui vient d’être dit. Nous devons essayer d’embrasser à la fois les problèmes liés à la transition et nos besoins de compétitivité et de souveraineté alimentaire.
Il faut savoir que nous manquons d’éleveurs en ovins. Pas en ovins bio, mais en ovins ! Vous ne pouvez pas dénoncer le fait que nous devions aller chercher des ovins en dehors des frontières et n’exiger que du bio. Vous le savez, ces marchés sont compliqués. J’ai aussi besoin de reconquérir quasiment 60 % de la filière fruits et légumes et de répondre à l’ensemble des besoins des consommateurs français, qui veulent parfois du bio, parfois autre chose.
Le corollaire de ce que vous revendiquez, c’est une capacité coercitive sur l’alimentation de nos concitoyens. Je ne pense pas que ce soit ce à quoi vous aspirez…
Si je veux assurer notre souveraineté, rien que pour ces deux seules filières, j’ai besoin de l’ensemble des modèles. J’ai cependant une petite différence avec Mme Primas : je pense que nous avons besoin d’encourager les transitions. Mais nous avons aussi besoin de reconquérir notre souveraineté ! Sinon, nous parlons dans le vide. Nous pouvons toujours donner notre préférence pour tel ou tel type de produits, mais si les gens n’en veulent pas… À la fin des fins, cela encourage ce qui vient de l’extérieur.
À cet égard, l’exemple de la moutarde est très parlant. Si j’ai bien compris, monsieur Salmon, vous proposez qu’il n’y ait pas de moutarde tout court si elle n’est pas produite en France.
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Daniel Salmon. Mais non !
M. Marc Fesneau, ministre. Si je pousse votre raisonnement, vous n’acceptez pas les produits du Canada, mais comme on a du mal à produire de la moutarde en France, non pas pour une question de compétitivité, mais pour une question de savoir-faire… (Exclamations sur des travées du groupe GEST.) Essayons de le comprendre et de trouver des solutions. Je ne me résous pas à ce que nous ne produisions plus de moutarde en France, mais je ne me résous pas non plus à ce que les Français n’aient pas de moutarde. Mais je préférerais quand même qu’ils aient de la moutarde de France !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Les trois amendements vont dans le sens de la transition que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre. Il ne s’agit que d’épargne populaire dans le cadre d’un livret Agroécologie, sachant que l’agriculture est déjà bien subventionnée pour ses investissements. C’est la Cour des comptes qui le dit. Avant votre prochaine loi, si une consultation populaire est menée pour savoir si nos concitoyens souhaitent financer un livret Agri ou un livret Agroécologie, une majorité se portera sans doute sur le second avec plus d’entrain.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, je suis un peu surpris de vos propos concernant la moutarde. Je vous invite à goûter celle d’Antras, le berceau de l’armagnac. (Sourires.)
M. Franck Montaugé. C’est une excellente moutarde, faite localement. Plus sérieusement, j’ai un peu de mal à entendre dire qu’il n’y a plus de savoir-faire en France…
M. Laurent Duplomb. Non, ce n’est pas ce qu’il a dit ! Ce n’est pas un problème de savoir-faire !
M. Franck Montaugé. Alors j’ai mal compris ! Je suis désolé !
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié, présenté par Mme Primas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer la seconde occurrence de la référence :
L. 221-28
par la référence :
L. 221-7
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sophie Primas, rapporteur. Rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
Après l’article 39 decies du code général des impôts, il est inséré un article 39 decies-0 A ainsi rédigé :
« Art. 39 decies-0 A. – I. – Dans les secteurs les plus intensifs en main d’œuvre, les entreprises exerçant une activité agricole, agroalimentaire et les sociétés coopératives agricoles peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 40 % de la valeur d’origine des biens hors frais financiers, et dans la limite de 20 000 euros, affectés à leur activité et qu’elles acquièrent ou fabriquent à compter du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026 lorsque ces biens, qui peuvent être de nature matérielle ou immatérielle, peuvent faire l’objet d’un amortissement selon le système prévu à l’article 39 A et qu’ils ont pour finalité la réduction ou la participation à la réduction de leurs coûts de production, l’amélioration de leur compétitivité-prix, l’adaptation au changement climatique ou la gestion économe de l’eau.
« L’entreprise ou la coopérative qui prend en location un bien neuf mentionné au premier alinéa du présent I dans les conditions prévues au 1 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier en application d’un contrat de crédit-bail ou dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat peut bénéficier d’un crédit d’impôt d’une somme égale à 40 % de la valeur d’origine du bien hors frais financiers, au moment de la signature du contrat. Ces contrats sont ceux conclus à compter du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026. Si l’entreprise ou la coopérative crédit-preneuse ou locataire acquiert le bien, elle peut continuer à bénéficier du crédit d’impôt. Le crédit d’impôt cesse à compter de la cession ou de la cessation par celle-ci du contrat de crédit-bail ou de location avec option d’achat ou du bien et ne peut pas s’appliquer au nouvel exploitant.
« L’entreprise ou la coopérative qui donne le bien en crédit-bail ou en location avec option d’achat ne peut pas bénéficier du crédit d’impôt mentionné au premier alinéa du présent I.
« Un arrêté du ministère chargé de l’agriculture établit la liste des secteurs les plus intensifs en main-d’œuvre mentionnés au même premier alinéa ainsi que les équipements éligibles au crédit d’impôt.
« II. – Les associés coopérateurs des coopératives d’utilisation de matériel agricole et des coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 du présent code peuvent bénéficier du crédit d’impôt prévu au I du présent article à raison des biens acquis, fabriqués ou pris en crédit-bail ou en location avec option d’achat par ces coopératives du 1er avril 2023 et jusqu’au 1er avril 2026, d’une part au titre des biens affectés exclusivement à des opérations exonérées, et d’autre part au titre des biens affectés à la fois à des opérations exonérées et à des opérations taxables au prorata du chiffre d’affaires des opérations exonérées sur le chiffre d’affaires total.
« Chaque associé coopérateur peut déduire une quote-part de la déduction ainsi déterminée, égale à la proportion :
« 1° Soit de l’utilisation qu’il fait du bien, dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole ;
« 2° Soit du nombre de parts qu’il détient au capital de la coopérative, dans les autres cas.
« Dans le cas des coopératives d’utilisation de matériel agricole, la proportion d’utilisation d’un bien par un associé coopérateur est égale au rapport entre le montant des charges attribué à cet associé coopérateur par la coopérative au titre du bien et le montant total des charges supporté par la coopérative au cours de l’exercice à raison du même bien. Ce rapport est déterminé par la coopérative à la clôture de chaque exercice.
« La quote-part est déduite du bénéfice de l’exercice de l’associé coopérateur au cours duquel la coopérative a clos son propre exercice.
« Les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les coopératives régies par les 2°, 3° et 3° bis du 1 de l’article 207 et les associés coopérateurs sont tenus de produire, à toute réquisition de l’administration, les informations nécessaires permettant de justifier du crédit d’impôt pratiqué.
« Le bénéfice du crédit d’impôt prévu au présent article est subordonné au respect du règlement (UE) n° 1407/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis, au règlement (UE) n° 717/2014 du 27 juin 2014 concernant l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, ainsi qu’au règlement (UE) n° 2019/316 du 21 février 2019 modifiant le règlement (UE) n° 1408/2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, sur l’article.
M. Jean-Claude Tissot. Cet article 5 nous amène, à travers la création d’un crédit d’impôt, à aborder la question de la mécanisation en agriculture.
Nous ne sommes bien sûr pas favorables à la création d’un nouveau crédit d’impôt. Toutefois, la réécriture du texte par Mme la rapporteure, avec la mise en place d’un plafond, nous paraît un peu plus raisonnable. C’est pour cela que nous ne proposerons pas de suppression de l’article.
Pour revenir sur l’enjeu de la mécanisation, le CGAAER, qui accompagne votre ministère, monsieur le ministre, a rendu en 2021 un rapport intéressant sur les charges de mécanisation des exploitations agricoles.
Dans leurs conclusions, les auteurs rappellent que celles-ci peuvent représenter de 30 % à 50 % des charges totales et que le pouvoir de négociation des agriculteurs est bien faible face à un marché fermé, avec des prix en constante augmentation.
Sur le conseil à l’achat, ils indiquent également que la plupart des organisations d’appui au développement ont peu à peu quitté ce domaine et qu’il n’existe aujourd’hui que très peu d’outils d’aide à la décision pour aider les agriculteurs à raisonner leurs investissements. Je pense que tout l’enjeu est là.
Oui, les agriculteurs ont indéniablement besoin de machines agricoles, mais, car il y a un « mais », ces achats doivent se faire de manière raisonnée et adaptée à leur exploitation. Pour cela, je pense qu’ils ont davantage besoin d’un conseil indépendant que d’un crédit d’impôt, qui ne servira que d’argumentaire de vente aux producteurs et aux vendeurs de machines agricoles.
La surmécanisation, avec parfois des crédits très importants pour acheter des machines inadaptées, représente un risque bien plus concret, sur lequel les pouvoirs publics devraient se pencher plus sérieusement.
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par M. Gay, Mmes Varaillas, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Sans nier que de nombreuses exploitations font aujourd’hui face à la transformation des systèmes de production et que les outils de l’agroéquipement sont au cœur de celle-ci, nous considérons que la recherche d’optimisation des charges sociales et fiscales accélère bien souvent la prise de décision des agriculteurs et n’implique pas nécessairement une réflexion stratégique d’équipement. C’est un des constats du rapport du CGAAER, La charge de mécanisation des exploitations agricoles, réalisé en 2021.
Ce constat est partagé par la Cour des comptes : « Cet encouragement à l’investissement n’est pas sans lien avec des pratiques d’optimisation fiscale et sociale qui nuisent à la constitution de droits à la retraite des agriculteurs dans la mesure où elles réduisent le résultat comptable qui constitue l’assiette d’imposition et de cotisations. Il renchérit le montant des reprises et des installations et semble mal articulé avec les dispositifs destinés à pallier le coût croissant des équipements, comme les pratiques de mise en commun des équipements par les exploitants (coopérative d’utilisation de matériels agricoles, achats groupés, assolement commun), ou de recours, quand cela est pertinent, à des entreprises de travaux agricoles (ETA). En outre, si des investissements apparaissent indispensables pour réduire l’usage d’intrants et des énergies fossiles (recourir par exemple à des pulvérisateurs plus précis et plus coûteux), les avantages fiscaux ne sont pas toujours orientés vers des outils mécaniques ou d’aide à la décision qui s’inscriraient dans une dynamique d’activité agricole durable. »
C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Sophie Primas, rapporteur. Je comprends les arguments qui sont avancés par les auteurs de cet amendement de suppression. Qu’ils soient rassurés : l’article 5 n’a pas pour objet de permettre l’achat d’un tracteur à 150 000 euros, à 200 000 euros ou, mieux encore, à 300 000 euros ! En effet, la commission a plafonné le crédit d’impôt prévu à l’article 5 à 20 000 euros.
Ensuite, il est institué pour une durée de trois ans seulement, afin d’inciter les entreprises agricoles, notamment les plus modestes, à investir.
Je rappelle aussi que, en dépit de certaines pressions, nous avons maintenu le choix du crédit d’impôt, qui a l’avantage, contrairement à la défiscalisation, de permettre à des entreprises ayant un résultat modeste d’investir, en se faisant rembourser le surplus, si le montant du crédit d’impôt est supérieur au résultat.
Enfin, j’ai souhaité que ce crédit d’impôt puisse soutenir des investissements immatériels, qui peuvent aussi avoir des effets sur la compétitivité et sur l’adaptation au changement et aux transitions nécessaires.
Avis défavorable.