Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP. – Mmes Michelle Meunier et Brigitte Devésa applaudissent également.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’intéresse à un sujet qui touche une femme sur dix tout en étant presque tabou, à un événement qui a concerné une grossesse sur quatre l’an dernier, tout en étant très peu pris en charge.
Le constat est partagé : la fausse couche a été trop longtemps minimisée et l’accompagnement des couples doit être renforcé. Ce constat s’appuie notamment sur une étude du Lancet, qui décrit le silence et le manque d’empathie autour des fausses couches et qui demande une meilleure prise en charge des femmes non seulement sur le plan médical, mais aussi et surtout sur le plan psychologique.
En effet, l’arrêt spontané d’une grossesse peut être vécu comme un événement traumatique. Au-delà des douleurs et des éventuelles complications médicales, on constate chez certains couples une véritable souffrance liée au deuil d’une parentalité dans laquelle ils s’étaient projetés. Les taux d’anxiété et de dépression ont été mesurés : ils sont plus élevés chez les femmes et leur partenaire après un tel événement. Plus qu’une insuffisance de prise en charge, le professeur Frydman parle d’un « véritable vide juridique ».
Cette proposition de loi prévoit un parcours d’accompagnement médical et psychologique des femmes et de leur partenaire, compte tenu de l’implication croissante de ces derniers dans la grossesse des femmes et dans l’arrivée du bébé, ce que l’on ne peut que saluer. Cette mesure intégrée lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale nous paraît pertinente.
L’autre mesure essentielle de cette proposition de loi a été prise par le Gouvernement, dont nous saluons l’initiative. Le délai de carence lors des arrêts de travail liés à une interruption spontanée de grossesse sera ainsi supprimé.
De même, nous nous félicitons du travail conjoint réalisé par le rapporteur et le Gouvernement, qui devrait permettre, sous réserve de l’adoption d’un amendement, à toutes les femmes de bénéficier de cette mesure, quel que soit leur statut professionnel. Il s’agit d’une question d’équité et de justice.
Sur les jours de congé octroyés par certaines entreprises en cas de fausse couche, l’avis de notre groupe est mitigé. Si la mesure paraît intéressante, nous craignons qu’en n’incitant pas la patiente à consulter, la mesure n’éloigne le couple d’un parcours de soins dont il aurait besoin. Nous pensons en outre qu’elle s’écarte de l’esprit du texte. L’évaluation des expérimentations qui débutent permettra peut-être de lever ces doutes.
La possibilité pour les sages-femmes d’adresser des patients au dispositif MonParcoursPsy, avec à la clé le remboursement de huit séances chez un psychologue conventionné, va évidemment dans le bon sens. Mais le faible déploiement du dispositif fait douter de son efficience et ne permettra probablement pas de répondre à tous les besoins. En effet, à ce jour, moins de 10 % des psychologues en libéral ou en exercice mixte y participent.
Je sais que le Sénat n’est pas favorable aux demandes de rapport – et nous avons eu un large débat sur ce point en commission –, mais il est particulièrement justifié d’évaluer MonParcoursPsy et de le corriger si besoin, notamment parce que la proposition de loi repose en grande partie sur l’efficacité de ce dispositif.
Je défendrai donc, comme ma collègue Annick Billon, un amendement visant à inclure dans le rapport prévu l’an prochain sur MonParcoursPsy une évaluation de l’accessibilité du dispositif aux couples confrontés à une fausse couche.
Pour finir, je tenais à insister, madame la ministre, sur le volet de la prévention. Si les fausses couches sont le plus souvent consécutives à des anomalies génétiques de l’embryon, certains facteurs individuels sont associés à une augmentation du risque : l’âge des parents, un indice de masse corporelle (IMC) très bas ou très élevé, l’alcool, le tabac, le stress, le travail de nuit ou encore l’exposition aux pesticides. La Stratégie nationale de santé sexuelle 2017-2030 inclut la prévention de l’infertilité, mais on peut regretter que les fausses couches ne fassent pas l’objet d’une mention particulière.
Nous avons par ailleurs voté dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 la mise en place de rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie, qui pourraient être une excellente occasion d’aborder le sujet auprès des personnes en âge en procréer.
Après toutes ces remarques, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mmes Michelle Meunier et Brigitte Devésa applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Laurent Burgoa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de libérer la parole sur un événement aussi difficile que fréquent pour de nombreuses femmes.
Ce que l’on qualifie encore de « fausse couche » concerne en effet près de 15 % des grossesses et plus d’une femme sur dix y aurait été confrontée. Il s’agit d’un chiffre important, qui reste pourtant trop souvent tabou et qui, en 2023, ne devrait plus l’être.
Ce tabou masque souvent une blessure, mais il peut aussi être le marqueur d’un sentiment de culpabilité qui n’est pas acceptable.
Prenons alors le temps de rappeler que ces fausses couches sont en grande majorité consécutives à des anomalies génétiques de l’embryon, ces dernières faisant obstacle à la poursuite de la grossesse. La probabilité de leur survenue dépend d’ailleurs d’une multitude de facteurs qui peuvent, par exemple, être associés au géniteur.
L’âge de conception du premier enfant étant de plus en plus élevé dans notre société, il est important de s’emparer de ce sujet. J’ai suivi les auditions conduites par notre collègue rapporteur, Martin Lévrier, avec beaucoup d’intérêt, et je l’en remercie.
Aujourd’hui, les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse, avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée, ne bénéficient d’aucun dispositif, ce qui laisse penser qu’il s’agit d’un non-événement. Pourtant, les femmes concernées souffrent de saignements importants, de douleurs abdominales et parfois d’infections.
Si les conséquences restent souvent bénignes, il n’empêche que cet événement intervient subitement, alors que la femme qui en est victime peut être en train de faire une présentation ou d’assister à un rendez-vous, bref, être en plein travail. Et puis sa survenue soulève de nombreuses questions.
Il m’apparaît important de saluer ici l’accompagnement accordé par certaines entreprises françaises, qui octroient désormais des congés aux femmes ayant subi une interruption spontanée de grossesse.
Cet accompagnement mérite d’autant plus d’être salué que ces interruptions interviennent au cours des trois premiers mois de la grossesse, laquelle, très souvent, n’a pas encore été annoncée aux proches. C’est d’ailleurs ce non-dit qui participe à l’isolement des couples, leurs questions restant sans réponse. Et c’est ce même isolement qui est le terreau fertile de répercussions psychologiques.
En effet, un mois après l’interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d’anxiété et 11 % de dépression.
L’article 1er A de la présente proposition de loi fait obligation aux agences régionales de santé de mettre en place un « parcours interruption spontanée de grossesse » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Les objectifs de ce parcours sont le développement de la formation des professionnelles et l’amélioration du suivi psychologique et médical des patientes et de leur partenaire.
Ces dispositions ont évidemment été accueillies favorablement en commission, même si nous avons adopté deux amendements sur cet article : l’un vise à substituer à l’expression « fausse couche », souvent perçue comme stigmatisante, les termes « interruption spontanée de grossesse » ; l’autre à renforcer les objectifs d’information qui leur sont assignés. En effet, il est essentiel que toutes les femmes puissent recevoir des renseignements complets sur les dispositifs d’accompagnement disponibles.
L’article 1er favorise également l’accompagnement psychologique des couples en permettant aux sages-femmes d’adresser leurs patientes à un psychologue conventionné. Sur le principe, c’est une bonne chose, mais – disons-le – le dispositif MonParcoursPsy doit véritablement être amélioré, tant le déficit de professionnels est criant. Aujourd’hui, 93 % de la profession semble boycotter ce dispositif, dont certains dénoncent les conséquences délétères sur l’organisation des soins en santé mentale et sa propension à creuser les inégalités d’accès aux soins.
Quant à l’article 1er B, il prévoit la suppression du délai de carence applicable aux arrêts maladie liés à une interruption spontanée pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux. Le texte, et c’est une excellente chose, prévoit de desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes concernées en permettant une indemnisation dès le premier jour d’arrêt.
Notre collègue rapporteur a déposé un amendement visant à en étendre le bénéfice de cette disposition aux indépendantes et invite le Gouvernement à faire de même pour les non-salariées agricoles afin, vous l’aurez compris, de l’étendre à toutes les assurées sociales, ce qui serait une mesure de justice que je soutiens. Je remercie Mme la ministre d’avoir déposé un amendement en ce sens.
Enfin, puisque je viens d’évoquer un vœu de notre rapporteur, permettez-moi de formuler également le mien !
J’ai rencontré des représentants de sages-femmes, qui m’ont interpellé sur le fait que leur profession peut bel et bien prescrire du misoprostol dans les cas – très souvent difficiles – d’interruptions volontaires de grossesse (IVG), mais qu’elle ne le peut pas dans les cas bien plus courants d’interruption spontanée. Les sages-femmes doivent alors réorienter leurs patientes vers les urgences, dont ce n’est pas le rôle, ce qui rend le parcours de soins de ces femmes plus difficile encore.
Aussi, une telle prescription relevant du domaine réglementaire, je vous invite, madame la ministre, à modifier le décret concerné afin de l’autoriser dans les cas d’interruption spontanée, jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée.
Pour conclure, bien que cette proposition de loi ne règle pas toutes les difficultés, elle contient des avancées qu’il convient de soutenir ; c’est ce que le groupe Les Républicains fera en la votant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI. – Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qui ne connaît pas au moins une femme ayant été confrontée à une fausse couche dans son entourage plus ou moins proche ? Pour cause, cet événement touche environ 200 000 femmes par an en France et concerne une grossesse sur quatre. Les interruptions spontanées de grossesse (ISG) sont donc des événements fréquents. Mais ce n’est pas parce qu’un événement est fréquent qu’il est banal pour la personne qui le vit.
Je tiens avant tout à saluer la qualité des échanges qui se sont tenus en commission sur un sujet aussi délicat. Comme cela a été rappelé au cours de l’examen du texte, une interruption spontanée de grossesse n’est pas nécessairement vécue comme un traumatisme ou une souffrance. C’est un point important qu’il est nécessaire de rappeler, ne serait-ce que pour éviter aux femmes qui ne le vivent pas comme un drame de se penser insensibles.
Certaines femmes vivent néanmoins un tel événement comme un choc, un traumatisme, voire comme la véritable perte d’un enfant dans lequel elles s’étaient projetées. Et quand il s’agit non pas d’une interruption spontanée de grossesse isolée, mais de la troisième ou de la quatrième, elle peut être vécue de façon particulièrement difficile.
Chaque femme vit donc cet événement différemment et d’une manière qui lui est propre. Il ne doit être ni banalisé ni dramatisé. Il doit simplement faire l’objet d’un accompagnement spécifique, adapté à la façon dont la femme qui y est confrontée le vit. C’est ce que tend à prévoir le présent texte, qui vise à permettre aux couples qui le vivraient comme un traumatisme d’être mieux accompagnés sur le plan psychologique, voire accompagnés tout court. Car s’il est un point commun à tous les différents vécus à la suite d’une ISG, c’est le tabou dont ils sont l’objet.
Combien de femmes font une fausse couche le lundi soir et retournent travailler le mardi matin, comme si de rien n’était ? Combien, parmi celles qui le vivent comme un drame, en parlent ensuite avec un psychologue ?
La mise en place d’un « parcours interruption spontanée de grossesse » par chaque ARS, comme le prévoit le texte, constitue une première étape indispensable pour améliorer l’accompagnement des femmes sur ce sujet. Développer la coordination et la formation des médecins, des sages-femmes et des psychologues, ainsi que la bonne information des femmes sur ce sujet, est en effet primordial.
Le texte prévoit également la possibilité pour les sages-femmes d’adresser leurs patientes victimes d’une ISG, ainsi que leur partenaire, à un psychologue dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy. Les sages-femmes réalisent, pas toujours dans les meilleures conditions, un travail formidable, et sont au plus près des patientes. Cette mesure est une juste reconnaissance de leur rôle fondamental.
En commission s’est aussi posée la question de la création d’un congé spécial à la suite d’une ISG. Nous n’y sommes pas favorables, car il risquerait de conduire à la stigmatisation des femmes en entreprise. Nous pensons que la suppression du délai de carence dans le cadre d’un arrêt maladie faisant suite à une ISG, comme le prévoit le texte, représente déjà une avancée satisfaisante.
Enfin, n’oublions pas que l’essentiel de ce texte repose sur le dispositif MonParcoursPsy, dont l’efficacité est discutable, en raison du manque de professionnels volontaires. Il est donc essentiel de renforcer la participation des psychologues pour que ce dispositif soit efficace. Plus largement, c’est sur la santé mentale en général dans notre pays qu’il est urgent d’avancer.
Avant de conclure, j’insisterai sur le rôle que peuvent jouer, d’une part, l’éducation en milieu scolaire, notamment en matière sexuelle, laquelle n’est pas encore assez développée pour aider vraiment la jeunesse à se construire, et, d’autre part, la sensibilisation à la prévention – cette remarque est valable dans de nombreux domaines.
Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps pendant trois jours. » ; « J’étais haineuse, je détestais la planète entière. » ; « En sortant de chez le docteur, tout d’un coup, je me suis effondrée. » ; « Je vois toutes les copines, elles ont des bébés, tout va bien, qu’est-ce que j’ai fait de mal ? »
Ce sont là les témoignages de femmes qui ont vécu des fausses couches et qui se sont confiées à une équipe de chercheurs et de chercheuses autour de Natalène Séjourné.
Parfois, une fausse couche peut être extrêmement traumatisante pour la femme, du fait de la perte, certes, mais aussi parce qu’elle reste un non-dit et donc, de fait, un tabou.
Pourtant, les fausses couches existent bel et bien. En France, chaque année, 200 000 femmes en vivent une. Un quart des grossesses sont ainsi interrompues.
Quand, malgré ce tabou, on parle de ces fausses couches, elles sont présentées comme des échecs, des défauts. Dès lors, il est peu surprenant que seul un petit nombre de femmes osent en parler, même à leur famille, même à leurs amies les plus proches. Ce tabou étouffe les femmes qui ont fait une fausse couche et qui en souffrent. Il faut améliorer l’accompagnement de ces femmes et de leur partenaire qui en ont besoin.
C’est pourquoi cette proposition de loi est une étape importante. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en est reconnaissant à la députée Sandrine Josso.
Monsieur le rapporteur, merci pour votre travail, qui améliore le texte à plusieurs égards. Nous apprécions que vous systématisiez l’expression « interruption spontanée de grossesse » et que vous souteniez le versement immédiat des indemnités journalières.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient évidemment cette proposition de loi et ne doute pas qu’elle trouvera un large soutien transpartisan.
Mélanie Vogel, à qui je prête ma voix le temps qu’elle retrouve la sienne, a suivi cette proposition de loi et souhaitait poser une question. Pourquoi ne permettons-nous pas à un couple de se reposer après une fausse couche, qui peut être traumatisante ? Pourquoi ne libérons-nous pas du temps pour que le couple engage un travail du deuil ?
Imaginez que vous ayez projeté d’avoir un enfant, et puis soudainement, rien. Les couples qui le souhaitent doivent avoir le temps de se poser et de se reposer.
D’autres pays reconnaissent déjà ce besoin : un congé spécial de trois jours après une fausse couche existe en Nouvelle-Zélande ; aux Philippines, les femmes bénéficient d’indemnités de maternité jusqu’à soixante jours en cas de fausse couche ; jusqu’à six semaines en Inde.
En France, la loi ne prévoit rien. Mais cela commence à changer : depuis quelques semaines, les salariées de la convention collective Syntec peuvent demander un congé spécial après une fausse couche.
À nous d’inscrire ce congé dans le droit du travail et de l’ouvrir à l’ensemble des salariées. À nous de permettre aux couples qui en ont besoin de se reposer quelques jours après une interruption spontanée de grossesse.
C’est pourquoi notre groupe demande la création d’un congé spécial de trois jours au bénéfice des couples. Il me semble que ce n’est pas trop demander.
Un tel congé serait bien évidemment non pas une obligation, mais une possibilité : il appartiendrait à la femme et à sa ou à son partenaire de décider de le prendre ou non. Il doit être ouvert au couple, je le précise, pour éviter tout risque de stigmatisation.
Pourquoi un tel congé ? Parce que le travail est une charge quand on est en deuil après une fausse couche, mais aussi parce que cette mesure serait une aide concrète après une fausse couche. Les autres mesures de ce texte n’en seront que plus efficaces.
Enfin, il est juste que le Gouvernement ait enfin accepté de verser les indemnités journalières dès le premier jour pour les femmes en incapacité de travailler après une fausse couche : nous l’en remercions.
Saisissons cette occasion pour faire reculer le tabou – grâce notamment au congé spécial – et permettre aux femmes de bénéficier d’une grande avancée.
Nous soutenons bien évidemment ce texte, mais nous vous proposons d’aller plus loin. C’est possible et nécessaire. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER, CRCE, RDSE, RDPI et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le corps des femmes et tout ce qui s’y rapporte sont encore trop souvent tabous. En nous saisissant de la question des femmes victimes de fausse couche, je me réjouis, avec le groupe RDPI, que notre chambre contribue à éclairer un non-dit.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail de Sandrine Josso, auteure de cette proposition de loi, que je remercie de s’être saisie de ce sujet sensible et important.
Ce sujet est important, au regard du nombre de femmes concernées : environ 200 000 fausses couches sont dénombrées chaque année en France. Alors que l’on estime qu’une femme sur quatre y est confrontée au moins une fois au cours de sa vie, la fréquence de ce phénomène contraste avec le peu, voire l’absence, d’accompagnement proposé à ces femmes.
En effet, les interruptions spontanées de grossesse ne sont que rarement considérées comme un problème médicalement grave. Pourtant, entre 20 % et 55 % des femmes présentent des symptômes dépressifs après une fausse couche, tandis que 15 % connaissent un état de stress post-traumatique.
La douleur et le traumatisme induits par une fausse couche ne sont pas proportionnels à l’âge gestationnel. On peut, très tôt dans la grossesse, s’être projeté en tant que parent et s’être préparé à l’accueil d’un enfant. Lorsque tout s’arrête brutalement, c’est non pas de la grossesse qu’il faut faire le deuil, mais bien de cet enfant dont on préparait déjà la venue.
Bien sûr, en pareille situation, le ressenti de chacun peut différer, mais il est important de pouvoir proposer un accompagnement psychologique adapté aux femmes et à leur conjoint, dont la santé mentale peut être affectée par une interruption spontanée de grossesse. C’est ce que permet cette proposition de loi en habilitant les sages-femmes à adresser leurs patientes à un psychologue dans le cadre de MonParcoursPsy.
À l’issue de son passage en commission à l’Assemblée nationale, cette habilitation vaut désormais pour tout type de situation liée à la grossesse.
Autre apport de l’Assemblée nationale : l’extension, en cas de fausse couche, de cet accompagnement au ou à la partenaire de la patiente.
Ces deux améliorations vont dans le bon sens. Elles contribuent à la reconnaissance de la souffrance de ces femmes et de leur conjoint et à souligner le rôle capital des sages-femmes dans l’accompagnement de la grossesse.
Il y a un autre apport de l’Assemblée nationale que je tiens à saluer : la mise en place d’ici au mois de septembre 2024, par chaque agence régionale de santé, d’un parcours « interruption spontanée de grossesse ».
Notre rapporteur Martin Lévrier a tenu à renforcer les objectifs d’information dans le cadre de ce parcours et je ne peux que souscrire à cet objectif, tant cela est nécessaire pour prévenir le sentiment d’isolement et d’incompréhension auxquels ces femmes et leur partenaire font face et pour y répondre.
Je salue également la suppression du délai de carence pour l’indemnisation des arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse, soutenue à l’Assemblée nationale par le Gouvernement. Son extension aux indépendants, grâce à notre rapporteur, mérite d’être soulignée : c’est un apport pertinent.
Les sénateurs du groupe RDPI voteront donc ce texte, porteur d’une avancée significative pour le droit des femmes, tout particulièrement pour leur droit à la santé. Je me réjouis du consensus transpartisan auquel l’examen de ce texte a donné lieu. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE, GEST, SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de renforcer la prise en charge médicale et psychologique des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire, après une ISG survenue avant la vingt-deuxième semaine d’aménorrhée.
D’après un rapport de 2021 de la revue scientifique britannique The Lancet, environ 23 millions de fausses couches se produisent chaque année dans le monde, soit 15 % du total des grossesses. Une femme sur dix est concernée. En France, 200 000 femmes sont confrontées à une ISG chaque année.
Le rapport appelait à prendre au sérieux les troubles liés à une fausse couche et recommandait que les femmes puissent bénéficier d’un suivi minimum, notamment d’un soutien psychologique pour le couple et de conseils avant des grossesses ultérieures.
Bien qu’elle soit dans la majorité des cas considérée comme bénigne sur le plan médical, une telle interruption de grossesse peut avoir des conséquences psychologiques et psychiques très importantes chez certaines femmes et leur partenaire, même à un stade précoce de la grossesse.
Cette dimension psychique reste sous-estimée en France, voire oubliée dans la prise en charge des fausses couches spontanées : bien entendu, les professionnels médicaux prennent en charge l’aspect purement médical de ces interruptions, mais ils sont peu formés au savoir-dire, ainsi qu’à l’annonce et à l’accompagnement des patientes.
Face à ce phénomène, des initiatives locales, que je salue, ont vu le jour pour accompagner les femmes et améliorer l’information. Ainsi, dans mon département de la Haute-Garonne, l’association L’école des parents et des éducateurs a élaboré un livret comportant notamment les coordonnées de personnes à contacter en cas de besoin : psychologues référents, associations spécialisées, groupes de parole, etc.
Le sujet dont nous nous saisissons aujourd’hui ne nécessite pas nécessairement de cadre contraignant : il devrait faire partie de la déontologie des professionnels médicaux.
Je me réjouis néanmoins des avancées sur ce sujet, encore trop tabou et invisibilisé. Il est désormais indispensable d’accompagner ces situations dans le cadre d’une approche globale, holistique, de la santé de la femme.
L’article 1er A de la proposition de loi crée un parcours, judicieusement rebaptisé « parcours interruption spontanée de grossesse » par notre rapporteur, que je remercie.
Ce parcours sera mis en place par les agences régionales de santé et associera médecins, sages-femmes et psychologues, afin de développer la formation des professionnels, d’améliorer l’orientation des femmes et de faciliter leur accès à un suivi psychologique.
Dans l’objectif de faciliter le suivi, nous avons déposé un amendement visant à permettre aux sages-femmes de traiter et d’administrer les médicaments nécessaires à une ISG et ainsi de prendre en charge de manière globale les femmes face à une fausse couche.
L’article 1er B du texte supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux.
Je salue le travail du rapporteur qui a élargi le bénéfice de cette disposition aux travailleurs indépendants. Madame la ministre, je me joins à son souhait de voir cette mesure également appliquée aux non-salariées agricoles, dans un souci d’égalité entre les femmes, quel que soit leur statut.
Mais nous pouvons aller plus loin : comme le groupe GEST, nous proposons de mettre en place un congé spécial de trois jours pour les femmes confrontées à une telle interruption de grossesse. Certaines femmes choisiront peut-être de ne pas y avoir recours de peur d’être discriminées sur leur lieu de travail, mais ce congé n’en demeure pas moins un droit nouveau pour les femmes. Elles auront ainsi le choix, notamment celui ne pas dépendre de leur médecin pour bénéficier d’un nécessaire temps de récupération.
Enfin, la proposition de loi améliore l’accompagnement psychologique des couples concernés, qui pourront être orientés vers MonParcoursPsy.
Si nous partageons l’ambition de cette mesure, nous pensons que sa portée risque d’être limitée, la psychiatrie restant le parent pauvre de la médecine. En outre, les consultations en ambulatoire dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, mises en place depuis plus d’un an, n’ont bénéficié en 2022 qu’à 76 000 patientes.
Nous le savons, ce dispositif a été très mal accueilli par les psychologues. Moins de 10 % d’entre eux exerçant en libéral y ont adhéré. Ce nombre est très insuffisant au regard des besoins identifiés. Aussi, j’appelle le Gouvernement à retravailler ce dispositif en concertation avec les psychologues, afin de le rendre pleinement opérationnel.
Le groupe SER, profondément engagé dans la protection de la santé des femmes, qu’elle soit mentale ou physique, partage la volonté d’accompagner davantage les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse, ainsi que leur partenaire. Il soutiendra donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDPI et INDEP.)