Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, hier, le Giec a publié un guide à destination des décideurs publics pour proposer des solutions permettant d’avancer en la matière. Sans surprise, la fusion des filières REP n’y figure pas !
Je le dis pour souligner le fait que, parmi toutes les urgences en cours, et pour lutter contre le dérèglement climatique, très corrélé à notre utilisation des ressources naturelles, nous utilisons le temps parlementaire sous un angle qui peut paraître légèrement décalé, même si personne ne remet en cause ici la fusion des filières.
Il faut, c’est vrai, souligner l’utilité de faire contribuer les producteurs de déchets plutôt que les consommateurs, qui n’ont parfois pas d’autres solutions que de consommer des produits emballés, voire suremballés.
La loi Agec a entamé le travail en créant de nouvelles filières et en interdisant certains types d’emballages, et donc de nouveaux déchets.
Alors, fusionner les filières, pourquoi pas ? Il y a sans doute un enjeu de lisibilité, d’efficacité et d’économie sur les coûts de fonctionnement qui pose une vraie question : comment financer la collecte des déchets si ces deniers diminuent ? Un rapport de la Cour des comptes de septembre dernier pointe cet enjeu et rappelle également un argument de bon sens : le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas.
Le coût de la collecte, organisée par les collectivités qui en ont la compétence, augmente, notamment du fait de la hausse de l’énergie. Cette collecte est d’autant plus difficile à assumer que le soutien aux collectivités peine à se faire sentir. Dans de nombreuses intercommunalités, le ramassage des déchets se fait plus rare, faute de moyens ; cette dégradation et le surcoût du service sont supportés par les usagers. Le risque est que de nouvelles décharges sauvages finissent par apparaître, avec les conséquences pour notre environnement que l’on imagine.
Enfin, cette proposition de loi pose aussi la question de la presse, de son financement et de sa viabilité. L’enjeu du traitement des déchets concerne également ce secteur, dont j’ai bien noté qu’il représentait 20 % du tonnage papier. Néanmoins, le coût supplémentaire que cela représente, pour un objet qui n’est pas tout à fait comme les autres, mérite qu’on le questionne. C’est ce qu’avait fait l’Assemblée nationale, dont le travail a été reconsidéré ici pour préconiser des dispositions qui demeurent floues – elles renvoient à des décrets – et qui créent des situations particulières, sur lesquelles je ne m’étendrai pas.
Il eût été, à nos yeux, bien plus opportun d’associer le ministère de la culture à cette question.
Mme Sylvie Robert. Oui !
M. Gérard Lahellec. Une vraie réforme doit être menée sur le sujet, mais la discussion ne peut avoir lieu uniquement sur la question de l’écocontribution ou de l’écomodulation.
Au fond, cette proposition de loi ne répondra pas aux enjeux, réels, que j’ai rappelés brièvement. Pour autant, elle ne conduit pas à dégrader davantage la situation. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi, qui est en réalité un texte voulu par le Gouvernement, a deux objets d’inégale importance.
Le premier de ces objets est la fusion de deux filières à responsabilité élargie du producteur, les REP d’emballages ménagers et de papier. Cette fusion est rendue souhaitable par l’harmonisation des modalités de collecte de ces deux types de déchets à l’échelle nationale depuis le 1er janvier 2023.
Ainsi, cette simplification administrative devrait faciliter la tâche des collectivités, qui pourront contractualiser avec un éco-organisme unique, via un contrat unique. Elle contribuera plus globalement à l’harmonisation de la collecte des déchets d’emballages et de papier sur l’ensemble du territoire national.
Cela a déjà été dit, mais je tiens tout de même à souligner que cette fusion intervient à un moment stratégique pour les filières concernées : celui de la mise en place envisagée de la consigne pour le recyclage des bouteilles plastiques, qui ne concernera pas, par définition, la filière des papiers graphiques ; et celui de l’expérimentation du « Oui pub », institué par la loi Climat et résilience, qui doit aboutir à la fin de 2024 et qui, elle, ne concernera pas la filière emballages ménagers.
Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur votre vigilance pour que, dans ce contexte, la fusion ne perturbe pas le fonctionnement des filières.
J’en viens au second enjeu de la présente proposition de loi, à nos yeux le plus stratégique, celui qui concerne spécifiquement le secteur de la presse.
Jusqu’au 1er janvier dernier, les éditeurs de presse étaient exemptés d’écocontribution. Plus précisément, il leur était possible de s’en acquitter en nature, par la mise à disposition d’encarts publicitaires relatifs aux bons gestes de tri.
Mais la loi du 10 février 2020, transposant la directive Déchets de 2018, a mis un terme à ce régime dérogatoire en disposant qu’à partir du 1er janvier 2023, l’écocontribution versée par les éditeurs de presse devrait obligatoirement avoir un caractère financier.
Or chacun a bien conscience aujourd’hui que la presse écrite est en grande difficulté – tous les orateurs l’ont signalé. Je veux parler des difficultés structurelles liées à la fonte tendancielle du lectorat, aujourd’hui aggravées par l’impact de chocs conjoncturels que sont le quasi-doublement du prix du papier et l’envolée des prix de l’énergie.
Compte tenu de cette situation et de l’importance que revêt la presse, particulièrement dans nos territoires ruraux, il nous faut continuer de soutenir le secteur en l’exonérant d’écocontribution. Cela ne fait pas débat. Ce qui est moins consensuel, c’est de savoir comment !
La proposition du Gouvernement n’était pas acceptable pour les représentants des collectivités que nous sommes. En effet, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale sortait le secteur de la presse de toute REP pour continuer de l’exonérer sans être en contradiction avec la directive européenne.
Résultat : avec ce dispositif, c’est aux collectivités locales de payer puisque, évidemment, l’État ne propose aucune compensation. C’est pourquoi nous soutenons vivement la solution proposée par notre rapporteure, dont je salue au passage la qualité du travail. Elle prévoit d’intégrer pleinement la presse écrite dans la nouvelle REP fusionnée et de moduler son écocontribution en contrepartie d’encarts d’information sur le recyclage.
Cette solution est un modus vivendi qui ménage tous les intérêts : celui de la presse et des collectivités, bien sûr, mais aussi celui de l’environnement, car sortir de facto la presse de sa REP créerait, nous le savons tous, un dangereux précédent. Ce serait ouvrir une brèche dans toute la politique du recyclage. Demain, tout secteur en difficulté pourrait légitimement se prévaloir de la jurisprudence « presse papier » en échange d’encarts sur son packaging.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera le texte issu des travaux de notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier.
Je tiens à saluer le travail remarquable de notre collègue Marta de Cidrac, qui a su trouver un subtil équilibre entre la nécessité, pour la France, de se conformer au droit européen, de préserver la situation, au demeurant très fragile, des éditeurs de presse et de protéger le service public de gestion des déchets, géré par les collectivités territoriales.
Le compromis auquel notre rapporteure est parvenue pour concilier ces enjeux en apparence contradictoires permet de protéger la presse sans l’exonérer pour autant des responsabilités qui lui incombent en tant que producteur de déchets.
Je précise que les collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant attentif, ne perdront rien à l’occasion de la mise en œuvre de cette réforme. Le manque à gagner lié au versement des primes, estimé entre 22 et 26 millions d’euros, sera en effet mutualisé entre l’ensemble des metteurs sur le marché relevant de cette nouvelle filière.
La proposition de loi de nos collègues députés était juridiquement contestable. Elle maintenait la presse dans un statut dérogatoire, permettant aux éditeurs de s’acquitter d’une prestation en nature, sous réserve qu’ils signent avec l’État une convention de partenariat prévoyant la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la transition écologique.
Or, la loi Agec du 10 février 2020 avait prévu l’extinction de ce régime dérogatoire au 1er janvier 2023, la possibilité de contribuer en nature étant en contradiction avec la directive du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018.
Le dispositif retenu par notre rapporteure prévoit que les publications de presse seront effectivement soumises aux obligations liées à la responsabilité élargie des producteurs et, en particulier, à une contribution financière versée à un éco-organisme.
Toutefois, le montant de cette contribution pourra être modulé, la modulation prenant la forme d’une prime accordée par l’éco-organisme, dès lors que les produits relevant de la nouvelle REP fusionnée contribueront à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets.
Les tarifs appliqués aux éditeurs de presse tiendront compte également des performances environnementales de leurs produits, l’objectif étant, bien entendu, de favoriser les produits vertueux au détriment des produits difficiles à recycler.
Les critères de l’écomodulation devraient porter sur l’origine des matériaux utilisés lors de la conception, la recyclabilité des produits et la présence, après recyclage, de substances susceptibles de compromettre l’utilisation du matériau recyclé.
Nous l’aurons compris, la modulation vise tout autant à favoriser l’écoconception des produits qu’à améliorer leur réemploi ou leur recyclabilité.
Les livres, traditionnellement exemptés en raison de la fragilité économique du secteur, sont maintenus hors du champ de la filière REP. Je m’en réjouis à titre personnel : l’édition fait face à des difficultés conjoncturelles importantes, comme la forte hausse du prix du papier et des coûts d’impression ; elle ne résisterait pas à de nouvelles contraintes financières. En outre, cette exemption me semble aller de soi, le livre étant un produit durable qui se retrouve rarement dans les conteneurs de collecte.
Avec les améliorations apportées par Mme de Cidrac au texte initial, c’est tout le secteur de la presse papier, économiquement mis à l’épreuve depuis plusieurs années en raison de l’évolution des usages de lecture et de la concurrence des plateformes numériques, qui se reprend à espérer. N’oublions pas, mes chers collègues, ce que la vitalité de notre démocratie doit à la presse. La liberté de cette dernière, son pluralisme et son indépendance sont garantis par notre Constitution.
Il nous fallait trouver une solution respectueuse de nos engagements européens, soucieuse de l’avenir de la presse et protectrice du service public de gestion des déchets géré par les collectivités territoriales. Elle est présente dans le texte amendé par la commission. En conséquence, je lui accorde sans réserve mon soutien. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Angèle Préville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre mode de vie entraîne une quantité toujours croissante de déchets. Leur gestion est très loin d’être parfaite et une part importante d’entre eux s’accumule dans l’environnement, allant des microplastiques, présents aussi bien dans les eaux de l’Arctique que dans les glaces au sommet de l’Everest, aux poubelles que nous enfouissons encore massivement dans nos territoires.
La grève des éboueurs a le mérite de nous montrer ce que nous ne voulons pas voir, ce à quoi nous ne pensons pas, à savoir cette quantité de déchets qui est le résultat de notre surconsommation et du tout-jetable. Ce n’est tout simplement plus supportable. Le maître mot reste d’abord, encore et toujours, de les réduire.
Il est urgent que tout le monde raisonne en termes de cycle de vie. Il faut que chacun assume sa part dans la gestion des déchets, aussi bien les metteurs sur le marché que les consommateurs, auxquels – il est vrai – on impose trop souvent certains modes de consommation générateurs de rebuts. Chacun doit être responsable.
Ce principe est celui du pollueur-payeur, acté dans la loi Agec. Cette loi d’économie circulaire aux objectifs ambitieux s’apparente à la quête du Graal… En effet, si la collecte s’améliore avec l’extension généralisée du geste de tri, le taux de recyclage stagne : seulement 24 % pour les plastiques. Les REP peinent à se mettre en place. On est donc très loin du compte. Tout le monde est en retard.
De plus, pour les collectivités qui gèrent la collecte des déchets, tout se complexifie avec l’explosion des coûts, notamment de l’énergie, avec la TGAP qui s’envole et un marché des matières fluctuant et instable. L’équation est très difficile à résoudre ; la solution – je le crains fort – finira par être l’augmentation constante des prix pour les citoyens.
Le problème est gigantesque. D’ailleurs, s’y est-on bien pris avec des filières REP fonctionnant par métiers plutôt que par matières ?
Cette proposition de loi vise à fusionner la filière REP emballages ménagers et la filière REP papier. La dissymétrie de volume et de valeur est grande : même si la presse ne représente que 20 % de la REP papier, est-il concevable de sortir un gisement de la filière alors que nous sommes en train de bâtir un dispositif qui englobe l’entièreté du cycle de vie de ce que nous produisons ? Est-ce que la notion même d’économie circulaire, pensée dans sa globalité, n’est pas en quelque sorte remise en cause ?
S’agissant de la presse, les situations sont bien différentes selon les titres. Si les petites diffusions peinent à trouver l’équilibre financier, ce n’est pas forcément le cas des autres, notamment dans la presse nationale. Est-ce que les conséquences de l’écocontribution peuvent fragiliser certains titres ? C’est là que nous entrons dans le dur face aux enjeux actuels d’écologie, d’économie et de démocratie.
Effectivement, les titres de presse engagés, militants et originaux qui font vivre notre démocratie en donnant d’autres points de vue sur le monde sont diffusés en petit nombre. Cette richesse doit être protégée, cultivée et garantie. Comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’homme, ce pluralisme est l’un des éléments constitutifs de la démocratie. Que l’État prenne ses responsabilités !
Cela dit, la compensation en nature par des encarts publicitaires, qui donne lieu à la réduction de l’écocontribution de la presse, représente un manque à gagner pour les collectivités. Ce n’est pas un petit sujet.
En outre, pour qu’elle ait un réel effet, il faut repenser et mieux encadrer cette pratique. En effet, les lecteurs ne doivent pas s’imaginer qu’il s’agit là d’une démarche volontaire ; ils doivent savoir que c’est la compensation d’une contribution financière dont le journal s’exonère.
En l’état, ces encarts ont-ils réellement un effet positif ? Leur contenu ne devrait-il pas être un tant soit peu contrôlé et, pourquoi pas, inspiré des rapports du Giec, dont le dernier a été rendu public hier ?
Le monde dans lequel nous vivons, celui du réchauffement climatique, de l’accumulation des déchets, de trop nombreuses pollutions diffuses et insidieuses, et de la diminution des ressources nous oblige. Le cap ambitieux et vertueux des « trois R » – réduction, réemploi, recyclage – doit absolument être maintenu en respectant scrupuleusement l’ordre de priorité.
Alors que nous entamons un chemin qui se veut plus vertueux, réaliste et responsable, mais qui demeure inabouti, peut-on adopter des mesures qui constitueraient des régressions environnementales ? Face à ces nombreuses questions, mon groupe fera le choix d’une abstention bienveillante.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Laugier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Laure Darcos applaudit également.)
M. Michel Laugier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprime devant vous au nom du groupe Union Centriste, mais également en ma qualité de rapporteur pour avis, au nom de la commission de la culture, du programme « Presse et médias ».
L’examen de cette proposition de loi issue de l’Assemblée nationale ne peut, sur le principe, que me satisfaire pleinement puisqu’elle reprend la recommandation n° 6 du rapport d’information Accompagner la rénovation de la presse quotidienne régionale, que j’ai présenté devant la commission de la culture et qui a été adopté à l’unanimité le 20 juillet dernier.
Quel était le sens de cette recommandation ? Je rappellerai quelques évidences, que je suis – hélas ! – conduit à marteler bien trop régulièrement.
La presse n’allait déjà pas très bien ces dernières années, avec des recettes divisées par huit depuis 2000 ; elle est désormais dans une position dramatique du fait des conséquences de l’inflation qui sont venues percuter de plein fouet le cœur de son modèle économique. En effet, avec l’explosion des prix du papier, des titres strictement à l’équilibre financier plongent désormais dans le rouge ; les autres reportent des investissements pourtant nécessaires.
Fort de ce constat, hélas ! toujours plus d’actualité, j’ai proposé plusieurs mesures d’accompagnement.
Je réfute, par ailleurs et par avance, tout procès en dépenses excessives. De fait, la presse aurait dû bénéficier d’un crédit d’impôt de 150 millions d’euros, qui a été presque sciemment complexifié avant d’être, finalement, annulé.
Je veux également mentionner les 500 millions d’euros d’amende infligés par l’Autorité de la concurrence en juillet 2021 à Google pour non-respect d’injonctions au titre de la rémunération des droits voisins : la presse n’a jamais autant rapporté au budget de l’État !
Dans ce contexte, il a paru à la commission de la culture que la fin, au 1er janvier 2023, du régime de compensation de l’écocontribution en nature à Citeo tombait plus que mal, et qu’il convenait de s’assurer que la presse ne soit pas frappée d’une nouvelle taxe d’une vingtaine de millions d’euros.
Notre collègue Marta de Cidrac a mené – je dois le reconnaître – un remarquable travail, tant juridique que politique, et je loue sa compréhension des enjeux relatifs non seulement à l’écologie, mais également à la presse.
En effet, elle s’est trouvée face à une équation cruelle : une fois admis que la presse ne devait pas payer, sur qui doit retomber la charge ?
Dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, le payeur est in fine la collectivité locale, qui a engagé de lourdes dépenses pour assurer la collecte et le recyclage des déchets et qui ne recevrait donc pas les sommes prévues.
Nous sommes dans cette chambre les représentants des élus locaux et les défenseurs d’une décentralisation souvent piétinée par des gouvernements toujours prêts à mener des politiques d’autant plus ambitieuses qu’elles se font aux frais du contribuable local. Dès lors, je comprends l’émotion suscitée par le texte de l’Assemblée nationale.
La solution proposée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable me paraît concilier nos deux lignes rouges : ni paiement pour la presse ni nouvelle charge pour les collectivités.
Dès lors, je m’inscris pleinement dans la logique de Marta de Cidrac et je souhaite que le Gouvernement soit s’engage à ce que le décret prévu exempte bien la presse, soit prenne à sa charge la facture finale.
Comme l’a indiqué tout à l’heure Stéphane Demilly, le groupe Union Centriste votera le texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, les auteurs de cette proposition de loi, comme cela a été indiqué, se fixent deux objectifs : d’une part, l’organisation de la fusion des filières REP papier, comprenant les producteurs de papier graphique, et REP emballages ménagers, d’autre part, un soutien indirect au secteur de la presse en prolongeant pour celui-ci la possibilité de payer son écocontribution non en numéraire, mais en nature, par la mise à disposition gratuite d’encarts publicitaires faisant la promotion de la transition écologique.
Concernant la fusion des deux filières REP, les parlementaires à l’initiative de la proposition de loi estiment qu’elle s’inscrit dans la logique de collecte simplifiée des déchets introduite par la loi Agec du 10 février 2020. Il n’y aurait désormais plus qu’une seule filière pour un seul bac jaune puisque tous les papiers graphiques et les emballages en carton ou en papier seraient collectés, triés et recyclés de manière commune.
Naturellement, ce dispositif de fusion peut paraître séduisant sur le papier. Pourtant, il n’a été réclamé par aucun acteur de l’une des deux filières, ni par les éco-organismes, ni par les collectivités, ni même par l’industrie papetière. Il a aussi été critiqué par de nombreuses associations d’élus qui considèrent qu’il représente une atteinte, voire une menace à la mise en place par les collectivités de la filière REP.
Cette crainte porte sur une nouvelle hausse des coûts supportés par les collectivités et sur un manque de contrôle du respect des objectifs environnementaux de ces filières. En effet, la fusion risque d’entraîner une baisse de la participation à la prise en charge des frais fixes spécifiques à la filière papier. Dans le contexte actuel d’explosion des coûts du service public de gestion des déchets, de la hausse future de la TGAP ou encore des coûts de l’énergie, les acteurs mettent en garde contre une nouvelle remise en cause des soutiens perçus par les collectivités pour les investissements qu’elles ont dû consentir afin d’améliorer, notamment, le tri spécifique des déchets de la filière papier.
Dès lors, cela risque d’entraîner un alourdissement des charges financières des collectivités puisqu’elles devront continuer à couvrir des frais fixes. Le contribuable devra-t-il payer, à la fin de la chaîne, l’addition ? Pour leur part, les élus, notamment communaux, s’inquiètent du risque de déstabilisation de l’organisation des éco-organismes et de la future disparition de la filière papier, entraînant de nouvelles pertes.
La fusion des deux filières soulève aussi des questions concernant le suivi des objectifs environnementaux : ils ne sont pas identiques de chaque côté et accusent déjà du retard. Est-il opportun de créer de l’incertitude en opérant cette fusion alors que de nouveaux objectifs ne sont pas clairement définis ?
Le dernier point qui nous interroge concerne la faisabilité rapide de la fusion. Cette dernière devrait intervenir en 2024 avec, d’ici là, la publication d’un nouveau cahier des charges et le déploiement de la procédure d’agrément des acteurs autorisés à intervenir dans la nouvelle REP. Pour l’instant, seul l’un d’entre eux, en l’occurrence Citeo, bénéficie en 2023 de l’agrément pour les emballages ménagers et le papier.
Concernant la prolongation de l’exemption de participation à la filière REP emballages ménagers et REP papier accordée à la presse, je rappelle que, depuis le 1er janvier 2019, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché des produits manufacturés non recyclables est soumise à une écocontribution.
Comme tous les autres écocontributeurs, la presse devait ainsi participer au financement de la collecte, du tri et du recyclage. Compte tenu de la fragilité, invoquée ici et là, du modèle économique de la presse papier, il avait été décidé à l’époque que les éditeurs concernés pourraient bénéficier d’un régime spécifique. Ainsi, il leur serait possible de choisir de régler leur écocontribution en numéraire ou bien en nature, c’est-à-dire sous forme d’encarts publicitaires faisant la promotion de la transition écologique.
Or la loi Agec tendait, à partir du 1er janvier 2023, à la suppression de ce régime particulier et à un alignement du mode d’écocontribution sur les autres secteurs. La crise de la presse, qui n’en finit pas, n’est pas une surprise : chaque année, depuis vingt ans, nous en parlons ici et là, du fait de la conjonction de la perte continue et générale de lecteurs et de l’augmentation réelle des coûts du papier, de la distribution, du transport et de la fabrication.
Dans ce contexte, les auteurs de la proposition de loi envisagent à l’article 2 de proroger la date de la fin de cette exonération de contribution financière. En échange, ils prévoient que l’État et le secteur de la presse signent une convention de partenariat.
Dans ce cadre, les collectivités territoriales devront être consultées, ce qui semble pour le moins être le minimum étant donné qu’elles supportent les frais financiers liés aux investissements REP.
Pourtant, cette nouvelle esquive visant à éviter que l’écocontribution concerne la presse interroge.
Est-il sain qu’un secteur fasse l’objet d’un dispositif d’exemption dans le champ d’application des REP ? Cela tend à déresponsabiliser les éditeurs de presse quant au financement de la collecte provoquée par leurs activités.
N’est-ce pas aussi un mauvais signal envoyé à diverses autres filières ? En effet, bien d’autres secteurs d’activité subissent la crise ; je pense notamment au BTP, dont l’activité est menacée par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Dès lors, chaque filière pourrait, à bon droit, demander un examen de sa situation particulière au regard de sa part de financement au titre de la REP.
Voilà ce qu’il en est des réserves que je pourrais émettre. Elles me poussent, en dépit du travail minutieux de notre rapporteure, à ne pas pouvoir voter, en l’état, ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant fusion des filières à responsabilité élargie des producteurs d’emballages ménagers et des producteurs de papier
Article 1er
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’article L. 541-10-1 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Les emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les ménages, y compris ceux susceptibles de l’être et ceux consommés hors foyer, les imprimés papiers, à l’exception des livres, émis, y compris à titre gratuit, par des donneurs d’ordre ou pour leur compte et les papiers à usage graphique, à destination des utilisateurs finaux qui produisent des déchets ménagers et assimilés ; »
b) Le 3° est abrogé ;
2° L’article L. 541-10-18 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa du III, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° » ;
b) (Supprimé)
c) (nouveau) Il est ajouté un VII ainsi rédigé :
« VII. – La modulation des contributions financières versées par les producteurs dont les produits sont soumis au régime de responsabilité élargie du producteur en application du 1° de l’article L. 541-10-1 prend la forme d’une prime accordée par les éco-organismes agréés lorsque ces produits contribuent à une information du public d’intérêt général sur la prévention et la gestion des déchets, en particulier sur le geste de tri, notamment par la mise à disposition gratuite d’encarts d’information, sous réserve que ces produits respectent par ailleurs des critères de performance environnementale.
« Les modalités de mise à disposition gratuite des encarts d’information, leurs caractéristiques techniques et les critères de performance environnementale mentionnés au premier alinéa du présent VII sont définis par décret. » ;
3° L’article L. 541-10-19 est abrogé ;
4° Au second alinéa de l’article L. 541-10- 25, les mots : « aux 1° et 3° » sont remplacés par les mots : « au 1° ».