M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bailleur doit mettre à disposition du locataire un « logement décent », notion introduite dans notre droit par la loi SRU.

C’est ainsi qu’on garantit que chacun pourra satisfaire l’un des besoins les plus essentiels et qu’on lui apporte sécurité physique et préservation de la santé. La lutte contre le mal-logement doit donc constituer une priorité nationale, quel que soit le territoire concerné.

Quelle réponse apporte-t-on aux territoires ultramarins ? Il est inacceptable que 13 % du parc de logements y relève de l’habitat indigne, soit dix fois plus qu’en métropole. À La Réunion, territoire cité dans l’exposé des motifs de ce texte, 18 000 logements seraient concernés ; la tendance est à la hausse. Les chiffres concernant la non-décence sont plus complexes à obtenir.

La présente proposition de loi procède à une légère modification de la loi en vigueur, de manière à inciter le propriétaire d’un logement non décent pour lequel des allocations de logement sont versées à réaliser les travaux de mise en conformité au plus vite. Elle dispose que le locataire consigne le montant du loyer qui lui incombe – déduction faite des allocations – auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), plutôt que de le verser au bailleur.

Il apparaît que la mise en place de la suspension du versement des allocations de logement au propriétaire pendant ce délai, limité à dix-huit mois, mais prolongeable de six mois, a porté ses fruits. Le droit en vigueur serait donc suffisamment dissuasif pour provoquer la remise en état du bien. En effet, le taux de libération des allocations serait de 95 %, soit une très forte effectivité.

La rapporteure a par ailleurs exprimé ses craintes quant au caractère contre-productif du dispositif proposé, qui retirerait aux propriétaires modestes les moyens financiers nécessaires à la réalisation des travaux. Or, rappelons-le, ces derniers peuvent donner lieu à des aides à la rénovation.

Encore faut-il que le locataire signale à la caisse d’allocations familiales l’état de non-décence de son logement. C’est tout le problème lorsque la demande est loin de satisfaire l’offre. Le locataire est prêt à tout accepter pour dormir sous un toit.

Que le dispositif ne soit pas adapté, soit ! Mais l’argument selon lequel il enverrait au locataire le signal de ne pas payer le loyer ne nous a pas convaincus. Si l’on exclut une minorité de mauvais payeurs, la principale préoccupation des locataires et notamment des plus modestes d’entre eux est de parvenir à régler le loyer, par peur de l’expulsion.

D’ailleurs, il aurait été intéressant de disposer de chiffres plus précis quant aux délais de réalisation des travaux. Est-ce qu’ils sont majoritairement réalisés dans un délai de 6, 12, 18 ou 24 mois ? S’ils sont achevés à la fin du délai réglementaire seulement, le dispositif proposé dans ce texte pourrait s’avérer utile pour accélérer la mise en décence du bien.

Bien que les deux tiers des logements non décents soient traités au bout d’un an dans le cadre de cette procédure, son expérimentation à La Réunion, proposée au travers de l’amendement déposé par M. Lagourgue, pourrait nous éclairer sur ce point.

Certes, les difficultés structurelles de l’accès à un logement décent en outre-mer méritent une réponse plus complète, notamment sur l’île de La Réunion. Nous sommes tous d’accord pour affirmer que, face à une telle hémorragie, il convient d’en traiter les causes plutôt que de proposer des pansements.

L’excellent rapport sur ce sujet de la délégation sénatoriale aux outre-mer, dont notre collègue Micheline Jacques était l’un des auteurs, pointe un certain nombre de défaillances.

Si le contrôle de la qualité des nouvelles constructions demeure déficient, on alimente la machine à produire de l’habitat indigne. Il est ahurissant de constater que la moitié des habitants de La Réunion affrontent des problèmes d’humidité dans leur domicile. La multiplication des malfaçons, notamment sur des constructions de moins de dix ans, alors même que les règles se renforcent, doit être rapidement réglée par les pouvoirs publics.

Nous faisons donc face à un défi à la fois quantitatif et qualitatif. Où en est-on des plans logement outre-mer ? Après l’échec du premier, le bilan en attente du deuxième et l’abandon du troisième, quelles solutions sont envisagées ?

J’espère, monsieur le ministre, que, après le débat qui s’est tenu en janvier dernier au sein de cet hémicycle, vous pourrez nous donner plus de précisions sur les réponses qui seront apportées à la crise du logement en outre-mer, en particulier à La Réunion, mais aussi, en général, sur l’ensemble du territoire.

Au vu des arguments que j’ai développés, le groupe du RDSE se partagera entre vote favorable et abstention sur la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie notre collègue Jean-Louis Lagourgue et le groupe Les Indépendants de donner, ce matin, l’occasion à notre assemblée de faire un point sur la lutte contre le logement indécent dans notre pays et, plus particulièrement, outre-mer.

C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur et sur lequel je me suis beaucoup investie, avec la commission des affaires économiques et sa présidente Sophie Primas, notamment après le drame de la rue d’Aubagne, survenu le 5 novembre 2018, très présent encore dans nos mémoires.

Le logement est un bien de première nécessité, avons-nous coutume de répéter. C’est aussi un droit et un élément central de notre pacte républicain. C’est l’abri de la famille, la protection de la vie privée, une possibilité d’épanouissement personnel et, normalement, une garantie d’égalité, car grandir dans un logement délabré diminue les chances de réussite et même l’espérance de vie.

Mais ce droit est également un combat. Il nous mobilise, quel que soit notre groupe politique. Ce combat se fonde sur des principes simples – l’égalité, la justice et l’humanité –, mais il se décline dans des réalités compliquées. Malheureusement, il n’y a pas de martingale, pas de cause ou de responsable uniques, pas de baguette magique pour une solution immédiate.

Cette tension, nous la ressentons aujourd’hui en examinant la proposition de loi qui nous est soumise. La rapporteure de la commission, Micheline Jacques, dont je tiens à saluer le travail de fond, a osé affronter la complexité de la lutte contre l’habitat indécent et ne s’est pas contentée de solutions séduisantes, mais mal adaptées.

En effet, personne, bien évidemment, ne peut s’opposer à la recherche d’une meilleure protection des locataires bénéficiant d’une allocation logement et vivant dans un habitat non décent, comme l’indique le titre de la proposition de loi.

S’appuyant sur le rapport d’information de juillet 2021 de notre délégation aux outre-mer, dont Micheline Jacques était déjà l’un des auteurs, Jean-Louis Lagourgue souligne qu’environ 13 % des logements seraient considérés comme indignes dans les départements et régions ultramarins, soit 110 000 sur 900 000. C’est certainement un problème central et urgent.

Pour y porter remède, l’auteur de la proposition de loi propose, au-delà du mécanisme de retenue des aides personnelles au logement, que les locataires ne versent plus de loyer à leurs propriétaires, et que le montant de celui-ci soit consigné auprès de la CDC.

À première vue, on peut être séduit par la solution qui désigne un coupable et un seul : le bailleur ! C’est malheureusement trop simple. Le rapport de la commission a démonté cette fausse évidence.

On doit relever tout d’abord que le droit actuel, qui prévoit la retenue des APL lorsque le locataire fait valoir une situation d’indécence, est efficace dans 95 % des cas. Il permet donc, d’ores et déjà, d’apporter les solutions attendues.

Aller plus loin en retirant toute ressource aux propriétaires bailleurs aurait donc une dimension plus punitive qu’incitative, approche qui n’est pas justifiée par les faits. À La Réunion, la Fondation Abbé Pierre a estimé que la majorité des logements problématiques appartenaient à des propriétaires modestes dont les conditions de vie sont similaires à celles de leurs locataires. On le sait, à l’échelle nationale, un tiers des propriétaires ne sont pas imposables et deux tiers n’ont qu’un seul bien à louer, souvent pour compléter une retraite.

Par ailleurs, à La Réunion, de nombreux logements indécents sont des logements sociaux ; leur caractère indécent est notamment dû à des problèmes d’infiltrations. On se rend alors compte qu’il s’agit moins d’un conflit de classes entre propriétaires et locataires que d’un problème plus structurel de qualité du bâti, y compris pour les constructions récentes.

Utiliser l’outil de l’indécence des logements, c’est aussi faire reposer le poids de la résorption de l’habitat indigne sur les seuls locataires, dont on sait que beaucoup hésiteront à lancer une procédure face au risque de ne pas disposer d’un autre logement et de perdre le bénéfice des APL après les dix-huit mois de suspension s’ils demeurent dans le logement.

Par ailleurs, centrer la lutte contre l’habitat indigne sur les seuls locataires, c’est laisser de côté un pan important du sujet : les nombreux propriétaires qui vivent dans des logements de ce type et la question des copropriétés dégradées. Je sais que ce problème particulièrement difficile et long à traiter vous tient particulièrement à cœur, monsieur le ministre.

En outre-mer, l’habitat informel, ou spontané, est un sujet souvent important, mais il ne résulte pas de difficultés dans les relations entre propriétaires et locataires.

Enfin, les problèmes de logement indigne outre-mer, et plus particulièrement à La Réunion, ont un caractère structurel qui dépasse largement les défaillances d’entretien des logements.

Le rapport de la commission, sur la base des témoignages des services de l’État, mais aussi des associations de locataires et des bailleurs sociaux, pointe des malfaçons récurrentes, une formation et une qualification insuffisantes des professionnels et des matériaux inappropriés. Ainsi, beaucoup d’immeubles récents, encore sous garantie décennale, seraient aujourd’hui problématiques. Certains de ces défauts pourraient s’expliquer par un usage mal contrôlé des possibilités d’investissement défiscalisé.

Aussi, plutôt que de mettre en cause les seuls propriétaires bailleurs, le problème de l’habitat indigne outre-mer ne pourra trouver de solutions qu’à la suite d’une analyse multifactorielle de ses différentes causes, d’autant que ces départements font face à des risques sismiques et climatologiques spécifiques.

À cet égard, je regrette que l’auteur de la proposition de loi n’ait pas accepté la proposition d’un renvoi en commission, qui aurait permis de procéder à cette analyse conjointement avec la délégation aux outre-mer.

C’est pourtant la solution que nous avions trouvée sur la proposition de loi déposée par notre collègue Bruno Gilles à la suite du drame de la rue d’Aubagne. Nous avions pu mener un travail en profondeur et faire adopter la proposition de loi modifiée quelques mois plus tard.

Une expérimentation du dispositif évoqué dans la seule île de La Réunion ne paraît pas plus pertinente que la rédaction initiale s’appliquant à l’ensemble du territoire national, compte tenu des arguments que j’ai évoqués.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains suivra et appuiera les recommandations de la rapporteure et de la commission des affaires économiques, en rejetant, à regret, le présent texte et l’amendement présenté par son auteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi initiale.

proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d’une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent
Article unique (fin)

Article unique

Au dernier alinéa de l’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « s’acquitte du » sont remplacés par les mots : « consigne à la Caisse des dépôts et consignations le ».

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Lagourgue, Capus, Chasseing, Decool et Dennemont, Mme Dindar, MM. Grand, Guerriau et Longeot, Mme Malet, MM. Malhuret, A. Marc et Médevielle, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Paoli-Gagin et MM. Verzelen et Wattebled, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 843-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’alinéa précédent, à La Réunion et jusqu’au 31 décembre 2026, durant ce délai, le locataire consigne à la Caisse des dépôts et consignations le montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations de logement, dont il a été informé par l’organisme payeur, sans que cette diminution puisse fonder une action du propriétaire à son encontre pour obtenir la résiliation du bail. »

La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

M. Jean-Louis Lagourgue. J’ai entendu les réserves exprimées par Mme le rapporteur quant à l’application du dispositif proposé sur l’ensemble du territoire national.

J’ai aussi entendu que le problème du logement à La Réunion dépasse le sujet de l’habitat non décent, bien que celui-ci en représente une large part.

J’estime que la proposition que je formule au travers du présent amendement répond à ces inquiétudes. Il y est en effet prévu une application limitée, tant dans l’espace – le seul territoire de La Réunion – que dans le temps, du dispositif.

Notre territoire en a cruellement besoin. Nombre de nos concitoyens, parmi lesquels des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, y vivent dans des conditions déplorables. Nous ne pouvons pas les laisser sans solution. Il faut agir dès aujourd’hui. Nous aurons besoin de données pour continuer ce travail : l’expérimentation proposée permettra de les recueillir.

Madame le rapporteur, chère collègue ultramarine, je pense que vous comprenez notre situation. Je veux croire que vous ne vous opposerez pas à la demande de la quasi-totalité des parlementaires de La Réunion, pour leur territoire et leurs concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Micheline Jacques, rapporteur. Le présent amendement vise à restreindre l’application du dispositif proposé au seul territoire de La Réunion et à une période courant jusqu’au 31 décembre 2026, à titre expérimental.

Toutefois, les motifs qui font douter de l’adéquation du dispositif proposé à l’objectif de ses auteurs sont tout aussi valables à La Réunion que sur le reste du territoire national.

Concernant l’utilité de la mesure, les acteurs réunionnais que j’ai interrogés, notamment la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal), ont confirmé la grande efficacité de la procédure actuelle de retenue des allocations de logement. Dès lors, pourquoi la durcir ?

Concernant le risque de fragilisation des propriétaires modestes, je me reporte à un récent rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui soulignait justement le manque de ressources des bailleurs privés de La Réunion pour réhabiliter leurs logements. J’ajoute que, si les critères de performance énergétique ne s’appliquent pas pour l’instant dans les outre-mer, ils y entreront progressivement en vigueur à partir de 2028, ce qui induira des coûts supplémentaires pour les bailleurs dès avant cette année.

Enfin, le risque d’exposition à des situations d’impayés de locataires victimes d’une mauvaise compréhension du dispositif a bien été relevé par mes interlocuteurs de la Deal de La Réunion.

Je comprends la tentation de l’expérimentation, face aux situations ubuesques dont je vous ai parlé tout à l’heure, mais, je le répète, le dispositif n’est pas efficient et les risques d’effets de bord sont réels, à La Réunion comme ailleurs.

En outre, étant donné que le régime des allocations de logement diffère entre les outre-mer et la métropole, le bilan d’une expérimentation limitée à La Réunion ne permettrait de tirer aucune conclusion quant à la pertinence d’étendre le dispositif à l’ensemble du territoire national. Ce qui est demandé au travers de cet amendement est donc moins une expérimentation qu’une législation dérogatoire temporaire.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Klein, ministre délégué. Par constance, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Évidemment, les problématiques d’habitat indigne et insalubre sont particulièrement prégnantes dans les collectivités d’outre-mer. Je me suis rendu outre-mer à plusieurs reprises en tant que président de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), notamment à La Réunion. Dans mes fonctions actuelles, je me suis rendu tout récemment à Mayotte, où la situation est encore plus difficile.

Néanmoins, comme Mme la rapporteure vient de l’expliquer, la mise en œuvre du dispositif proposé, même à titre expérimental, me paraît susciter les difficultés que j’avais déjà relevées dans mon intervention liminaire.

Ajoutons que la mobilisation du Gouvernement sur le logement à La Réunion est extrêmement importante. Nous nous y employons notamment avec mon collègue Jean-François Carenco. La ligne budgétaire unique (LBU) a été très largement mobilisée pour une politique du logement plus incitative dans nos territoires d’outre-mer : 20 millions d’euros sont inscrits à ce titre sur la LBU pour 2023. Je peux donc vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, de notre profonde mobilisation sur la question du logement indigne et du renouvellement urbain outre-mer.

Ces éléments justifient l’avis de sagesse du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 252 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 213
Pour l’adoption 19
Contre 194

Le Sénat n’a pas adopté.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d’une allocation de logement et vivant dans un habitat non décent.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble de la proposition de loi.

Y a-t-il des demandes d’explication de vote ?…

(Larticle unique nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non-décent
 

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités
Article unique (début)

Lutte contre la désertification médicale des collectivités

Rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités, présentée par M. Dany Wattebled et plusieurs de ses collègues (proposition n° 102, texte de la commission n° 414, rapport n° 413).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Dany Wattebled, auteur de la proposition de loi.

M. Dany Wattebled, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la désertification médicale ne cesse de progresser en France. Derrière cette expression, entrée dans le langage courant, il y a une réalité pour 49 millions de Français et de Françaises.

Nous avons tous entendu les mêmes récits et les mêmes questions : comment faire renouveler son ordonnance quand il n’y a plus de médecin généraliste ? Comment accéder à un spécialiste quand ce dernier n’a pas de remplaçant ? Comment se faire soigner s’il n’y a pas de médecin près de chez soi ?

Lutter contre la désertification médicale constitue un enjeu de santé publique pour une population qui augmente, qui vieillit et qui souffre de plus en plus souvent de maladies chroniques.

Dans certains territoires, il faut parfois attendre vingt jours pour obtenir un rendez-vous chez un généraliste. Pour ce qui est des consultations chez un spécialiste, les délais augmentent : il y a jusqu’à cinq mois d’attente pour obtenir un rendez-vous auprès d’un ORL. Il s’agit d’un vrai problème en matière de soins et de dépistage, qui augmente les risques d’aggravation de l’état de santé des patients.

Ce problème affecte également tous les professionnels de santé, qui sont confrontés à une charge de travail très importante, dont une partie n’est pas consacrée à la médecine.

Par ailleurs, cette question accentue le désintérêt des étudiants et des étudiantes pour l’exercice de la médecine générale en libéral.

Pendant cinquante ans, le numerus clausus a contribué à tarir l’offre de soins. Si sa réforme, en 2019, a été une bonne nouvelle, nous savons tous qu’il nous faudra attendre plusieurs années avant d’en voir les premiers effets.

D’autres réponses ont également été apportées, mais la politique qui a été menée associe insuffisamment les collectivités.

En effet, les élus locaux se retrouvent démunis face à des départs de médecins, les moyens dont ils disposent étant insuffisants pour rendre leur territoire attractif afin d’en faire venir de nouveaux. Pourtant, les maires font preuve d’initiatives et proposent des réponses innovantes.

Nous devons leur faire confiance. J’en veux pour preuve que les collectivités se sont systématiquement et pleinement saisies de chacun des outils mis à leur disposition en matière de santé.

Par exemple, les collectivités se sont montrées innovantes en étant à l’origine de 23 % des créations de centres de santé. Elles ont également été pragmatiques et volontaristes, en mettant des locaux à disposition auprès des médecins qui s’installeraient sur leur territoire ou en offrant à ceux-ci des aides financières.

Face au désarroi de nombreux maires, il m’est apparu utile de leur donner de nouveaux moyens d’agir en matière de santé.

Nous savons tous que les médecins croulent sous les tâches administratives. Aussi pouvons-nous comprendre leur inquiétude de s’installer dans un territoire inconnu, auprès d’une patientèle nouvelle, sans personnel administratif. C’est pourquoi j’ai proposé de mettre à la disposition des cabinets médicaux et des maisons de santé situées dans un désert médical des fonctionnaires territoriaux.

Pourquoi des fonctionnaires territoriaux, me direz-vous ? En réalité, cela relève de l’évidence. Imaginons une commune mettant à disposition un agent municipal afin d’officier temporairement en tant que secrétaire d’un cabinet médical. Cet agent serait en parfaite mesure d’accueillir les patients et d’apporter un appui administratif au médecin. Il connaîtrait et les professionnels de santé locaux et les habitants et pourrait ainsi assurer une bonne coordination entre ceux-ci et le médecin nouvellement arrivé. Il s’agit d’une mesure simple, pragmatique et efficace.

Je profite de cette intervention pour remercier très chaleureusement l’ensemble de la commission et le rapporteur Daniel Chasseing de leur excellent travail. Fort de son expérience en tant que médecin généraliste en milieu rural, le docteur Chasseing a parfaitement compris l’esprit que j’ai voulu donner à cette proposition de loi et l’intérêt pour certaines communes de recourir à ce dispositif.

Aussi a-t-il proposé une nouvelle rédaction particulièrement claire afin de délimiter le dispositif avec précision. Le texte de la commission qui est soumis au vote de notre Haute Assemblée ouvre ainsi la possibilité, pour les collectivités territoriales situées dans les déserts médicaux, de mettre un agent à la disposition d’un médecin. Cet agent devra exercer la mission de service public de permanence des soins et sera mis à disposition pour une durée de trois mois, renouvelable deux fois et seulement à l’arrivée du médecin sur le territoire.

Le droit commun prévoit, sauf dérogation, que le salaire de l’agent doit être remboursé par la structure d’accueil. Aussi ce dispositif peut-il se concevoir comme une avance de trésorerie pour les médecins nouvellement arrivés.

Il s’agit de donner aux élus locaux la possibilité d’accueillir dans les meilleures conditions un médecin lorsqu’il n’y en a plus. Une fois lancé, le médecin recrutera son équipe ou bénéficiera des différentes aides proposées par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) ou par les agences régionales de santé, et l’agent recouvrera ses fonctions initiales. Les cabinets libéraux doivent bien entendu rester libéraux !

Mes chers collègues, l’urgence de la situation nous oblige à faire feu de tout bois dans la lutte contre la désertification médicale. Je vous sais tous concernés et compte sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mmes Véronique Guillotin et Nadia Sollogoub applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (M. Jean-Pierre Decool applaudit.)

M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2015, l’accessibilité des consultations chez le médecin généraliste a reculé dans 86 départements.

Un à un, nos territoires les plus fragiles se transforment en déserts médicaux, tant et si bien que près de neuf millions de nos concitoyens disposent actuellement d’une offre médicale insuffisante pour répondre à leurs besoins en santé.

Trop de fois déjà, la commission des affaires sociales a eu à diagnostiquer l’origine du mal. Un manque de médecins, lié à l’application aveugle d’un numerus clausus trop restrictif, en est bien sûr la cause principale. Le premier cycle comporte trop peu de stages pour découvrir la médecine libérale et les hôpitaux et cabinets médicaux périphériques ne comptent pas assez d’internes. Cette situation est la conséquence d’une action publique décidée à l’échelle nationale en associant insuffisamment les collectivités.

Nombre d’administrés expriment leur désarroi, leur sentiment d’abandon et parfois même leur colère à leurs élus locaux, qui sont souvent démunis pour faire face à des départs de médecins, faute de disposer de leviers d’attractivité suffisants pour en faire venir de nouveaux.

La proposition de loi que nous examinons a été déposée par notre collègue Dany Wattebled. Son article unique vise à élargir la liste des entités éligibles à la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux, en y ajoutant les cabinets médicaux et les maisons de santé situés en zones sous-denses.

Le texte a été adopté par la commission des affaires sociales, modifié par un amendement que j’ai soutenu. Ainsi, tout en restant fidèles à l’esprit du dispositif, nous en avons précisé le champ, encadré la durée et conditionné l’éligibilité à la participation au service public de permanence des soins ambulatoires, répondant ainsi à certaines observations formulées lors des auditions.

La mise à disposition consiste, pour un agent public réputé occuper son emploi, à exercer ses fonctions hors de l’administration où il a vocation à servir. À ce jour, la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux est ouverte à une liste limitative d’entités, qui sont de droit public, exercent une mission de service public, ou, à titre expérimental et sur un champ restreint, sont des organismes sans but lucratif.

Le texte se situe donc entre rupture et continuité vis-à-vis du droit de la fonction publique. Rupture, tout d’abord, car il marque l’engagement du législateur dans la lutte contre la désertification médicale, puisque le dispositif ouvre la mise à disposition à des entités de droit privé à but lucratif. Continuité, ensuite, dès lors que le texte adopté en commission maintient bien le lien consubstantiel unissant l’agent mis à disposition et le service public, en conditionnant la mise à disposition à la participation à la permanence des soins ambulatoires.

L’objectif de ce texte, madame la ministre, mes chers collègues, est de proposer un accompagnement humain articulé avec les différents dispositifs existants pour aider ponctuellement l’installation de médecins en zones sous-denses.

La plupart des dispositifs existants pour lutter contre la désertification médicale se concentrent sur l’appui financier et logistique aux nouveaux arrivants. Ces dispositifs, s’ils sont une composante essentielle pour revitaliser l’attractivité médicale, ne doivent pas éclipser l’accompagnement humain du médecin libéral dans les semaines suivant son arrivée dans un nouveau territoire, qui demeure un angle mort des politiques conduites jusqu’à présent.

Pourtant, si l’on veut éviter qu’un médecin nouvellement installé ne plie bagage précocement, il convient de ne pas le laisser livré à lui-même lors de ses premiers mois d’exercice, au moment où il a besoin d’appui pour accomplir des démarches d’installation chronophages et des tâches administratives. Ces dernières, qui occupent une part importante du temps des médecins, sont démultipliées, à l’arrivée dans un nouveau territoire, par la constitution d’une nouvelle patientèle.

Le fait de pouvoir partager, voire déléguer une partie de cette charge administrative à un agent mis à disposition répondrait aux préoccupations légitimes des médecins en la matière et pourrait contribuer à lever une barrière à l’installation.

L’aide apportée pourrait également répondre à des contraintes organisationnelles. Exercer la médecine dans un nouveau territoire, dont on ne connaît ni les caractéristiques ni l’écosystème professionnel, peut relever de la gageure, à plus forte raison pour les médecins étrangers.

En effet, les représentants des professions médicales que nous avons auditionnés se sont montrés intéressés par la possibilité offerte au nouveau médecin de recourir à des fonctionnaires territoriaux, qui pourront faciliter la coordination avec les autres professionnels de santé du territoire lors des premiers mois d’installation.

La rémunération du fonctionnaire mis à disposition sera versée par l’administration d’origine, puis remboursée dans les conditions fixées par la convention de mise à disposition. Les salaires du personnel mis à disposition feront obligatoirement, je le répète, l’objet d’un remboursement intégral par l’entité bénéficiaire. À terme, le dispositif est donc neutre pour les finances des collectivités.

Dès lors, ce texte, s’il devait être voté, n’alimenterait pas une quelconque forme de concurrence financière délétère entre collectivités, comme le craignaient certains élus auditionnés. Les personnels mis à disposition pourraient être des agents de municipaux, intercommunaux ou départementaux, qui seraient chargés de l’accueil de la patientèle, de la gestion administrative – classement de dossiers, saisie de documents dans le dossier médical partagé, etc. – et de la coordination avec les autres professionnels paramédicaux.

Ces derniers, qu’ils soient infirmiers, kinés, orthophonistes, pédicures, etc. ont besoin de prescriptions dans le cadre de leur travail auprès du patient. Ainsi, la réception de demandes ou la transmission de documents entre professionnels de santé sont journaliers.

De même, les agents pourront informer les personnes en salle d’attente au cas où le médecin aurait dû s’absenter pour prescrire des soins urgents non programmés. Ils pourront parfois même prendre des rendez-vous auprès de médecins spécialistes.

Ce personnel mis à disposition travaillera bien souvent à mi-temps et de manière temporaire – trois mois renouvelables deux fois – afin que le médecin arrivant trouve ses marques et puisse recruter son propre personnel. À cet égard, ce texte, loin de faire doublon avec les dispositifs existants, notamment celui des assistants médicaux, en est le complément.

Le fonctionnaire mis à disposition a vocation à passer le témoin à un assistant médical ou à un secrétaire médical, qui sera recruté sous un contrat de droit privé par le médecin. Ce dernier aura simplement bénéficié ponctuellement d’un accompagnement personnalisé à son arrivée.

Cette proposition de loi ouvre donc une possibilité, dont pourront se saisir les collectivités qui le souhaiteront. À ceux qui estiment que les communes ne disposent pas de moyens humains ou financiers suffisants pour le faire, je rappelle que le dispositif proposé est bien sûr facultatif et qu’il est remboursé.

Au reste, les collectivités se sont pleinement saisies de l’ensemble des potentialités que leur offre, à date, la loi en matière de santé : elles se sont montrées innovantes en étant à l’origine de 23 % des créations de centres de santé à activité médicale. Elles ont également été pragmatiques et volontaristes, en mettant des locaux à disposition auprès des médecins qui s’y installeraient et en leur proposant des aides financières.

Mes chers collègues, madame la ministre, cette proposition de loi ne résoudra pas le problème de la désertification médicale.