M. René-Paul Savary, rapporteur. Merci !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il nous demande comment nous pouvons à la fois demander la suppression de cet article et essayer de lui donner du contenu. Les choses sont pourtant simples !
Le premier message que nous voulons faire passer, c’est que le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, comme le prévoit ce texte, va accroître de manière considérable les difficultés d’emploi pour les seniors. Et ce n’est aucunement par le mécanisme de l’index seniors, qui n’est qu’une forme de leurre, que vous pourrez conjurer les drames qui s’annoncent du fait de cette décision.
Le second message, c’est que nous avons toujours pensé que l’emploi des seniors était un enjeu très important. Certes, l’emploi des seniors est parfois une contrainte pour eux et ils sont alors obligés de travailler dans de très mauvaises conditions, mais bien souvent, ils sont évincés de leur emploi, alors qu’ils voudraient poursuivre leur carrière professionnelle. D’ailleurs, notre pays n’est pas suffisamment armé pour favoriser les reconversions.
Il eût donc été de bonne méthode d’avoir, avec les partenaires sociaux, non pas une concertation, mais une vraie négociation sur la manière dont le pays pourrait améliorer l’emploi des seniors.
La méthode que vous proposez est celle d’un index. Nous ne croyons absolument pas à l’efficacité naturelle de cet index, mais, à partir du moment où vous le mettez en œuvre, essayons de faire en sorte qu’il soit le plus opérationnel possible, même si c’est dans un champ limité.
Cela signifie, premièrement, qu’il doit y avoir des sanctions. (C’est fini ! au banc des commissions.)
Mme le président. Il faut conclure.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’interviendrai sur les autres amendements, madame la présidente.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Elle en a le droit !
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je n’interviens pas sur un amendement en particulier : je me limiterai à une seule intervention globale.
Permettez-moi de vous dire que vous vous livrez là à un jeu dangereux, madame la présidente…
Mme le président. Madame Poncet Monge, pourquoi donc m’agressez-vous ?
Mme Raymonde Poncet Monge. Je ne vous agresse pas !
Mme le président. Je demande simplement à chacun de me préciser s’il intervient sur un amendement en particulier ou s’il s’agit d’une intervention plus globale… (Marques d’assentiment sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Je vous rassure, je n’interviendrai qu’une seule fois, globalement…
Monsieur le rapporteur, cela ne me gêne pas que vous soyez ironique ; ce qui me gêne, c’est que vous vous réclamiez de l’écoute des partenaires sociaux. Cela me gêne vraiment !
En effet, respecter les partenaires sociaux, ce n’est pas créer un index dans une loi qui n’a rien à voir, alors que vous auriez pu le mettre dans une loi Travail – d’autant qu’il y en aura certainement une prochainement.
Créer un index de cette manière, sans poser de diagnostic sur les causes ni sur le travail, sans disposer de diagnostic partagé, ce n’est pas respecter les partenaires sociaux. Vous fournissez un alibi aux employeurs.
Respecter les partenaires sociaux, c’est parler de l’article 7, qui porte à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite et qui est le cœur de votre projet. Les partenaires sociaux sont très intéressés par ce débat. Ne vous inquiétez pas : nous l’aurons.
Et je crois que les partenaires sociaux, malgré leur intérêt pour ce débat, respectent notre indépendance, comme nous respectons la leur. Ils ne nous demandent rien de particulier. Les partis politiques que nous représentons sont autonomes – c’est la Charte d’Amiens, dans le sens inverse…
En conclusion, respecter les partenaires sociaux, monsieur le rapporteur, c’est retirer cette loi. L’index est un détail, que vous pourrez inscrire dans la loi Travail.
Retirer cette loi, c’est ce que vous demandent les partenaires sociaux, et c’est cela que nous vous demanderons !
Mme le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Madame la présidente, je veux aussi répondre à notre rapporteur.
Tout d’abord, il dit être surpris par le dépôt d’un certain nombre d’amendements de suppression de l’index, suivis de tout un tas d’amendements visant à l’améliorer.
Si ces amendements le perturbent, je lui explique leur sens bien volontiers : nous ne voulons tout simplement pas d’un index seniors qui ne sert à rien !
Comme Laurence Rossignol, je ne suis pas opposée au fait de disposer de données. C’est d’ailleurs un élément très important, notamment des politiques féministes, parce que cela permet d’objectiver un certain nombre de faits. Je suis donc très ouverte à de telles informations, mais il faut que l’on en fasse quelque chose.
La raison pour laquelle nous avons déposé de nombreux amendements pour améliorer l’index ou pour le supprimer s’il n’était pas amélioré, c’est tout simplement parce que nous n’acceptons l’index que s’il sert à quelque chose. Autant ne pas se polluer la vie avec des choses inutiles…
Par ailleurs, faisons preuve d’un peu d’humilité à l’égard des partenaires sociaux.
Je veux bien que l’on se revendique de l’écoute des partenaires sociaux sur l’index. Mais vous savez très bien que l’unique demande de tous les partenaires sociaux, c’est le retrait de la réforme ! Ils ne veulent pas de l’index seniors ; ils veulent que la réforme soit retirée.
Je suis désolée, mais personne ne s’intéresse à l’index seniors.
Si vous respectez les partenaires sociaux, si vous écoutez ce qu’ils veulent, retirez la réforme ! C’est tout ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote. (La note du Conseil d’État ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, j’espère ne pas décevoir mes collègues… (Sourires.)
« Moi j’admire, ébloui, la grandeur des petits. […].
« Je n’ai point d’autre affaire ici-bas que d’aimer. »
Ces vers sont de notre illustre prédécesseur, Victor Hugo, et sont extraits du recueil L’art d’être grand-père.
Ce que je souhaite personnellement et ce que souhaitent les collègues de mon groupe et de la gauche, c’est que nos concitoyens puissent encore cultiver l’art d’être grand-père et avoir le temps pour ce faire.
D’ailleurs, je souhaite qu’ils aient aussi le temps de s’engager dans la vie associative, dans les conseils municipaux, dans l’aide aux parents et dans tant d’autres choses. C’est pour cette raison que nous combattons ce projet de loi, qui propose de leur voler deux ans.
J’en viens maintenant à l’article 2 et à l’index.
Je veux d’abord remercier M. le ministre – je ne le fais pas souvent – d’avoir donné des réponses détaillées sur les amendements. En effet, j’ai apprécié, monsieur le ministre, que vous souligniez que nos amendements sur la question du genre étaient satisfaits, donc que vous preniez des engagements dans ce domaine.
Je m’interroge cependant sur le compte rendu établi par M. le rapporteur sur la question de la confiance aux partenaires sociaux. Ces derniers demandent une seule chose : que l’on retire cette réforme ! Ils sont unanimes.
Effectivement, il existe un partenaire social qui ne demande pas le retrait : le Medef, qui demande, par ailleurs, qu’il n’y ait pas de sanctions financières.
Monsieur le rapporteur, je suis désolé, mais lorsque vous refusez les sanctions, j’entends, au fond, un soutien à un partenaire particulier, le Medef.
Je ne suis pas certain que la sanction soit un outil suffisant, mais je sais que le thermomètre ne suffit pas : il mesure la fièvre, il mesure la difficulté, mais il ne répare pas. Il faut des mesures qui réparent et qui permettent d’améliorer l’emploi des seniors.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. De même que Marie-Noëlle Lienemann et Mélanie Vogel, j’interviendrai de façon globale sur l’ensemble des amendements.
L’article 7 risque-t-il de dégrader l’emploi des seniors entre 60 ans et 64 ans, comme certains de mes collègues ont déclaré à l’instant le redouter ?
On a réussi à changer de paradigme depuis les années 1980 : souvenez-vous, l’État soutenait alors des plans de départ en préretraite pour faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Depuis vingt ans, on a réussi à augmenter de 20 points le taux d’emploi des seniors, en raison d’un effet horizon, qui a d’ailleurs été documenté par le Conseil d’orientation des retraites – Patrick Aubert a réalisé une étude très précise sur ce sujet en 2011. La situation s’est donc améliorée de ce point de vue.
D’ailleurs, le taux de chômage est inférieur à celui des autres catégories, même s’il faut naturellement être attentif à la catégorie des « NER » – « ni en emploi ni à la retraite » –, qui représentent à peu près 11 %. Ces derniers nécessitent évidemment des plans ad hoc.
Pour le reste, je crois que l’index est un bon outil.
On a essayé la taxe : souvenez-vous de la contribution Delalande, qui s’est retournée contre les seniors – elle a d’ailleurs été supprimée en 2008.
On a essayé le contrat de génération, cher à François Hollande. La Cour des comptes a estimé, en 2016, qu’il s’agissait d’un échec sur toute la ligne – il n’y a eu que 40 000 contrats, je crois, contre 250 000 attendus.
On n’a pas essayé l’index, qui a prouvé son utilité en matière d’égalité. En quatre ans, il y a tout de même eu des progrès ! Comme on l’a dit voilà quelques jours, la France est numéro un mondial sur ce plan.
Je pense que l’index seniors aura cette vertu.
Certes, il sera perfectible. D’ailleurs, avec Martin Lévrier, François Patriat et les autres membres du groupe RDPI, nous avons proposé de l’améliorer, mais je crois que c’est un outil qui mérite d’être considéré, raison pour laquelle je voterai sa création.
Mme le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Je retire l’amendement n° 1970 rectifié, à la suite des excellentes explications de notre rapporteur.
Mme le président. L’amendement n° 1970 rectifié est retiré.
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais faire une intervention globale.
Nous ne voterons pas la plupart des amendements présentés, à part ceux qui ont reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement.
Nous sommes un peu étonnés que cent trente amendements de modification suivent quarante-huit amendements de suppression du même index seniors, qui – on n’est pas une incohérence près sur certaines travées de cet hémicycle – est pourtant demandé par les partenaires sociaux.
Mme Monique Lubin. Et c’est vous qui parlez d’incohérence !
M. Xavier Iacovelli. En outre, je me rappelle que le 8 novembre dernier a été présentée par notre collègue Olivier Henno la création d’un index seniors qui avait bizarrement fait l’unanimité dans les camps de la gauche, laquelle en demande aujourd’hui la suppression…
Mme Monique Lubin. Il y a beaucoup de choses qui varient…
M. Xavier Iacovelli. Pardonnez-moi, mais, si ce n’est pas de l’obstruction, c’est bien caché ! (Protestations sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je veux apporter quelques explications à la suite de l’intervention de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann.
Effectivement, l’emploi des seniors nous préoccupe. Nous souhaitons déjà, dans un premier temps – je le répète, parce que c’est important –, qu’il ne soit pas la variable d’ajustement des entreprises. Je rappelle que c’est la raison pour laquelle nous allons soutenir la proposition de monter à 30 % le forfait social pour les ruptures conventionnelles.
Cela me paraît une avancée importante. En effet, quand on regarde les courbes du chômage, on voit bien qu’il y a un pic à 59 ans.
Par ailleurs, quand on analyse toutes ces courbes, on voit bien que les précédentes réformes ayant reculé l’âge de départ – notamment celle qui l’a fait passer de 60 ans à 62 ans – ont déjà créé un décalage : elles ont fait reculer de deux ans l’entrée dans le chômage des seniors.
Il est donc tout à fait légitime de penser que l’on va décaler cette borne avec l’augmentation de l’âge – tous les économistes le disent.
Certes, ce n’est pas satisfaisant, ce n’est pas suffisant. Mais, si le taux d’emploi des seniors est beaucoup plus élevé dans les pays étrangers, c’est parce qu’ils se sont attaqués au problème avant nous : ils ont déjà décalé l’âge de départ à la retraite et ils ont mené une politique d’emploi des seniors, de prise en compte de leurs préoccupations. Ils ont fait en sorte de trouver l’aménagement nécessaire pour que les seniors puissent rester en emploi.
Dès lors, on peut penser que notre pays connaîtra la même progression.
Nous sommes tout à fait attachés à définir cette politique d’emploi des seniors de façon beaucoup plus précise que ce que nous a proposé le Gouvernement.
J’espère que nous allons avancer, que nous discuterons non seulement de l’article 5, mais aussi de tous les articles qui sont, à mes yeux, presque aussi importants que l’article 7, puisqu’ils visent à prendre en compte les différentes difficultés : la retraite progressive, l’incapacité permanente dès 60 ans, autant de marqueurs essentiels de notre réelle volonté de proposer une amélioration sociétale pour cette tranche de vie, tout à fait importante et qui prend de plus en plus de place dans la vie de nos concitoyens.
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote sur l’amendement n° 2614 rectifié.
Mme Victoire Jasmin. J’ai entendu les commentaires de M. le rapporteur.
Nous sommes ici pour travailler ! Nous sommes ici pour défendre les Français ! Nous sommes ici pour défendre l’emploi ! Je ne peux pas comprendre que vous ayez fait le choix d’adopter un amendement que tous les sénateurs de gauche refusaient !
Nous avions prévu des solutions de repli, parce que nous savons très bien que nous ne sommes pas majoritaires ici.
Nous avons toujours réclamé l’implication des partenaires sociaux, et nous allons continuer à le faire. Mes chers collègues, chaque fois que j’ai pris la parole ici, j’ai dit qu’il fallait supprimer ce texte. Je l’ai souvent dit ! Partout sur les travées de gauche, nous l’avons réclamé.
Ne cherchez donc pas à faire croire ce que vous voulez !
Il est possible qu’il y ait des problèmes de sémantique, mais nous devons rester respectueux les uns des autres. (Mmes Émilienne Poumirol et Laurence Cohen ainsi que M. Jacques Fernique applaudissent.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 2751 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dans ce débat sur l’index seniors, ce qu’ont dit notre rapporteur et M. Lemoyne mérite, pour le moins, d’être nuancé et, sur un certain nombre de points, contredit.
En effet, monsieur Lemoyne, en reculant l’âge de départ de 60 ans à 62 ans, le nombre de salariés de 60-61 ans en activité a augmenté de 20 points. C’est très peu en regard de ces deux ans de travail en plus !
Le corollaire de cette réforme a été l’augmentation massive de la zone grise, en particulier chez les ouvriers : elle a, pour ces derniers, augmenté de 16 points.
En 2019, à 61 ans, 28 % des actifs, au sens de l’Insee, étaient en emploi, et 35 % n’étaient ni en retraite ni en emploi. Il y avait donc plus de gens de 61 ans en zone grise qu’en activité en 2019 !
Par ailleurs, les inégalités sont grandes, puisqu’en 2021, pour la tranche d’âge 60-64 ans, 25 % des non-diplômés avaient un emploi, contre 53 % des diplômés. La réforme creuse de manière considérable les inégalités sociales.
Dès lors, c’est un leurre que de chercher à nous faire croire que c’est avec un index, qui ne sera même pas assorti de sanctions, que vous allez inverser la situation ! Celle-ci va, au contraire, se détériorer.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 4126 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous nous expliquez que l’index ne concernera que les grandes entreprises de plus de 300 salariés.
Or on sait que la plupart des problèmes de discrimination et des difficultés pour les seniors se rencontrent dans de petites et moyennes entreprises,…
MM. Philippe Mouiller et Jean-Michel Arnaud. Ce n’est pas vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … pour des raisons que l’on peut comprendre – la souplesse en matière de reconversion y est souvent moindre que dans les grandes entreprises.
Dans ces entreprises, il n’y aura aucune protection des seniors quant au risque d’éviction, risque similaire voire plus important. Vous laissez complètement en friche cette question centrale pour les entreprises de moins de 300 salariés, qui sont déjà des entreprises significatives.
Par ailleurs, il n’y a pas de sanction. Sur quoi comptez-vous ? Allez-vous mettre des cierges, porter des grigris, piquer des épingles dans des poupées vaudoues ? Par quel miracle ce qui n’a pas marché jusqu’à présent par la bonne volonté des gens fonctionnera simplement parce que l’on affichera un index ? Même les pays anglo-saxons croient de moins en moins au name and shame…
En réalité, l’index n’aura aucune efficience, et vous le savez très bien. Vous ne voulez ni contrainte pour les entreprises, ni efficacité, ni sanction.
Vous agissez vraiment au doigt mouillé, en espérant que le vent va tourner. Il ne tournera pas !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René-Paul Savary, rapporteur. Madame Lienemann je vais répondre à vos deux interventions.
Il est incontestable que les difficultés se creusent sur la question de la formation des seniors. C’est la raison pour laquelle il faut impérativement porter un regard différent sur eux. Il ne s’agit pas de rester les bras croisés ! C’est d’autant plus nécessaire que cette tranche de vie s’étend, avec l’augmentation de la longévité.
On constate aussi qu’il y a une évolution physiologique. On voit bien comme les jeunes sont grands par rapport à nos anciens, qui étaient plus trapus. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) La résistance aux travaux que réalisaient nos anciens ne peut pas être identique.
L’évolution physiologique des êtres humains fait que l’on vit de plus en plus longtemps, mais peut-être avec des fragilités différentes. Il me paraît d’une redoutable évidence que nous devons prendre en compte ces réalités. Or, actuellement, tout le monde continue à regarder ailleurs. Cette évolution n’est pas prise à bras-le-corps.
Cela nous a interpellés, puisque le décalage de l’âge n’est qu’une conséquence de l’augmentation de la durée de cotisation – que je ne conteste pas, que les choses soient claires.
Ce n’est pas nous qui avons inventé les 43 ans de cotisation ! Ils sont déjà inscrits dans la loi depuis un certain temps.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne l’ai pas votée, monsieur le rapporteur !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Je n’entrerai pas dans ces querelles.
Quoi qu’il en soit, cette augmentation du temps de travail use forcément l’individu, raison pour laquelle il faut faire attention à ceux qui commencent à travailler jeunes. Nous le verrons avec les décalages de bornes et les retraites anticipées. On n’a pas la même endurance après 43 ans d’activité selon que l’on arrête sa carrière à 60 ans ou à 65 ans !
La prise en compte de la pénibilité doit donc également être adaptée aux âges, en fonction de l’usure professionnelle.
J’ai hâte d’attaquer l’article 9, parce que c’est là que nous allons entrer dans le dur. C’est là que nous allons parler de concret et de ce qui peut être fait pour prendre en compte cette usure supplémentaire liée à la durée de cotisation supplémentaire que l’on demande aux gens.
Soyons attentifs à tout cela, et travaillons véritablement dans le sens d’une meilleure prise en compte des seniors dans l’entreprise.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. La suppression du Sénat était l’une des premières mesures envisagées par Emmanuel Macron en 2017. Heureusement, le Sénat est encore là, et le Président de la République a le soutien des sénateurs pour faire passer un certain nombre de ses lois.
Cela ne veut pas dire que nous, qui ne sommes pas forcément d’accord avec les mesures que vous adoptez, allons rester les bras croisés ni mutiques ! Bien au contraire, nous voulons coconstruire.
Nous avons travaillé, collectivement, parce que c’est notre travail de sénateurs et de sénatrices.
Je ne souhaite donc pas avoir à réentendre des remarques du même acabit que celles qu’ont prononcées M. Henno, d’une part, et M. le rapporteur, d’autre part.
Je souhaiterais que nous soyons respectueux du travail collectif que nous faisons ici, dans l’intérêt des Français.
Sur ces travées de gauche de l’hémicycle, nous n’avons à aucun moment cessé de travailler depuis le début de l’examen de ce texte. Nous avons dit ce que nous pensions, nous avons défendu des amendements.
Vous n’êtes pas d’accord ? Vous votez contre. C’est votre droit. Vous avez également le droit de voter pour ! Pour notre part, nous sommes dans la coconstruction, et nous avons aussi le droit de faire comme nous voulons. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI.)
J’espère que, la prochaine fois, vous serez respectueux de nos démarches et de nos positions. Merci !
Mme le président. Madame Jasmin, je ne pense pas qu’il y ait eu de manque de respect. Chacun est libre ici de défendre ses convictions ! (Mme Victoire Jasmin le conteste.)
M. Pierre Laurent. Mme Jasmin a raison !
Mme le président. Nous sommes tous conscients du travail que nos collègues ont réalisé.
Je mets aux voix l’amendement n° 4126 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 4655.
Mme Laurence Cohen. Effectivement, M. le rapporteur, au début de son propos, a été un peu joueur. Il a voulu, à mon avis, réveiller l’hémicycle, ce qui, à vingt-trois heures trente, est une bonne chose…
Depuis le début du débat, à gauche, nous nous exprimons, nous critiquons, mais nous faisons aussi des propositions alternatives, conformément à notre responsabilité des parlementaires.
Ce matin, le débat a été très animé et plus passionnant, parce que les propos prononcés d’un côté de l’hémicycle trouvaient de l’écho de l’autre côté. De fait, pour un dialogue, il faut au moins être deux !
J’en reviens à l’amendement.
Vous aurez compris que le groupe CRCE est contre cette réforme. Vous ne nous avez pas convaincus. Nous sommes opposés à cette mauvaise réforme, comme la majorité des Françaises et des Français.
Nous considérons que l’index seniors est un écran de fumée, de l’enfumage, parce qu’il n’y a aucune sanction sérieuse contre les entreprises contrevenantes.
Nos amendements de suppression ont été rejetés. Comme les sénateurs de gauche sont constructifs – au sein du groupe communiste, nous sommes très constants –, nous avons fait des propositions pour améliorer l’index, qui, à notre avis, ne servira à rien et ne pénalisera pas suffisamment les entreprises contrevenantes.
Pour votre part, vous rejetez tous nos amendements, pour nous dire ensuite, sur le ton du reproche : « Franchement, vous n’êtes pas sérieux ! Non seulement vous êtes contre, mais en plus de cela, vous la ramenez pour enrichir ce texte ! »
M. Laurent Duplomb. Ça, c’est sûr !
Mme Laurence Cohen. Il faut savoir, mes chers collègues ! Nous jouons notre rôle, qui est celui de l’opposition constructive.
Cet amendement est très important, et nous le soutenons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 2753 rectifié et 4129 rectifié.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Monsieur le rapporteur, vous avez accepté l’index seniors, qui est un dispositif vide. Sur les travées de la gauche, nous tentons de l’améliorer.
Nous faisons tout simplement notre travail, monsieur le rapporteur ! (Mme Victoire Jasmin applaudit.)
En 2019, deux collègues, Monique Lubin et vous-même, monsieur Savary, s’étaient penchés sur le défi des fins de carrière. Vous avez réalisé un travail considérable, qui nous sera fort utile dans le cadre de la loi Travail qui devrait nous être soumise prochainement.
Dès lors, monsieur Savary, je ne comprends pas pourquoi vous n’êtes pas d’accord avec nous. Pourquoi avez-vous rejeté la totalité de nos amendements ? Pas un seul n’a été accepté !
Pourtant, avec Monique Lubin, vous disiez les mêmes choses que ce que nous avons dit durant ce débat : vous releviez les difficultés, la dureté de la vie des seniors dans le monde du travail, trop vite vieux pour être recrutés, premiers licenciés dans les plans sociaux, poussés à partir, car soumis à des conditions de travail difficiles, placardisés.
Un senior sur deux n’est plus en emploi lorsqu’il arrive à l’âge de la retraite. Monsieur le ministre, vous les condamnez à deux ans de plus !
Un tiers vivent en dessous du seuil de pauvreté. Monsieur le ministre, vous ne leur proposez rien, si ce n’est d’aller encore plus vers la précarité !
Mme Marie-Arlette Carlotti. Les amendements du groupe socialiste et du groupe communiste que je défends développent différentes pistes, qui devraient faire l’objet de réunions, de réflexion, de travail : le recrutement, l’évolution des carrières, les conditions de travail, la formation, le tutorat, etc. Autant de pistes qu’il faut désormais intégrer dans cet index seniors.
Bien sûr, la parole doit rester, au bout du bout, aux organisations patronales et syndicales. Je vous demande de retirer votre réforme afin de relancer enfin le dialogue social dans ce pays. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je tiens à soutenir de nouveau ces deux amendements identiques – dont l’un a été déposé par notre groupe – visant à enrichir l’index seniors.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, notre logique est très claire depuis le début : nous ne voulons pas d’un article 2 qui soit un article alibi pour voter une loi dont la seule mesure « sérieuse » est le départ à la retraite à 64 ans. Voilà la vérité !
Nous avons formulé des propositions dès lors que vous avez vous-même accepté cet index vide de contraintes et d’obligations pour les entreprises. Vous avez refusé tous nos amendements, en ayant le culot de dire que vous privilégiez la négociation avec les organisations syndicales. Or chaque fois que nous avons défendu des amendements dont l’objet était de négocier avec les organisations syndicales, vous les avez rejetés aussi. Tout comme vous avez rejeté en bloc tous les autres !
La réalité, c’est que c’est votre logique qui pose un problème ! Vous avez accepté l’index seniors sans rien y ajouter de substantiel pour faire plaisir au Gouvernement, car vous avez « dealé » avec lui l’article 7 ! Ce n’est pas l’article 9 qui vous intéresse… Le seul article que vous attendez – d’où votre silence, alors que vous ne pensez qu’à cela –, c’est l’article 7 ! C’est les 64 ans ! (Marques d’assentiment sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Dominique Estrosi Sassone proteste.)