M. le président. L’amendement n° 1509 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 1597.
M. Joël Bigot. L’article 2 instaure une obligation de publication d’un index seniors pour les entreprises de plus de cinquante salariés.
Une nouvelle fois, le Gouvernement mise sur la bonne volonté des entreprises. Les codes de bonne conduite et le name and shame sont des illusions auxquelles seul le Gouvernement croit encore pour améliorer la situation des travailleurs seniors.
En effet, cet article ne contient aucun moyen de contraindre les entreprises à atteindre un seuil minimum d’emploi des seniors, pas même une contrepartie qui représenterait une réelle incitation pour les employeurs.
Monsieur le ministre, vous vous devez de proposer des mesures efficaces et non cosmétiques, alors que vous vous apprêtez à précariser encore un peu plus une catégorie de travailleurs déjà fragilisée.
La question est fondamentale. Une augmentation de dix points du taux d’emploi des seniors entraînerait une hausse de près de 10 milliards d’euros des recettes. La question ne peut donc être abordée sur un coin de table sans concertation avec les syndicats. La réflexion doit s’inscrire dans un projet global sur le travail.
Enfin, cet article, comme d’autres de votre projet de loi, mérite mieux qu’une procédure accélérée, qu’un raccourci démocratique.
L’index ne touche nullement au financement de la sécurité sociale : on ne peut donc absolument pas justifier sa présence au sein d’un PLFRSS, comme l’ont déjà relevé mes collègues. Tel est l’avis du Conseil d’État, que vous avez choisi d’ignorer ; ce sera sans doute celui du Conseil constitutionnel.
Non content de détourner une procédure de rééquilibrage du financement de la sécurité sociale pour une réforme d’ampleur, vous manifestez votre désintérêt pour la situation précaire des travailleurs seniors.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer cet index, aussi inefficient qu’inefficace. (Mmes Mélanie Vogel et Victoire Jasmin et M. Franck Montaugé applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 1627.
Mme Émilienne Poumirol. L’index seniors créé à l’article 2 n’a aucune valeur de contrainte : aucune pénalité financière n’est prévue si l’on ne respecte pas ce fameux index.
Le taux d’emploi des seniors est certes insuffisant, de 53 % en France contre 70 % en Allemagne ou en Suède. Ce taux est même de 36 % seulement pour les 60-64 ans.
En reculant de 60 à 62 ans l’âge de départ à la retraite, avec la réforme Woerth de 2010, on a créé 100 000 chômeurs supplémentaires. Qu’en sera-t-il en le reculant à 64 ans ? D’après la Dares, le chiffre s’élèverait à 90 000. Si l’on compte ce que Marie-Noëlle Lienemann appelle la « zone grise », c’est-à-dire les seniors au chômage, en affections de longue durée, en invalidité ou au RSA, alors, selon l’OFCE, ce serait 300 000 personnes. Dites-nous quel en sera le coût social, monsieur le ministre, et comment vivront ces personnes, ce qui est encore plus important !
Le rapport de l’Unédic paru le 1er mars 2023 montre un pic de ruptures conventionnelles à l’approche de l’âge légal de la retraite. L’arme de la rupture conventionnelle collective a été parfaitement comprise par les grandes entreprises, qui en font un mode banal de gestion, précarisant les salariés, durcissant les conditions de travail et sacrifiant la santé et la sécurité des travailleurs.
Cet index qui n’oblige en rien les entreprises est donc inutile, tout comme est inutile l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui ne donne pas lieu, lui non plus, à des sanctions financières et qui n’a rien changé à la situation.
L’index seniors ne changera rien non plus. Il faut donc supprimer cet article.
M. le président. Les amendements nos 1657 et 1666 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1698.
M. Jean-Yves Leconte. Un chiffre, terrible : seuls 55 % des Français valident un trimestre l’année de la liquidation de leur retraite. Alors, bien entendu, s’ils ne peuvent la liquider que deux ans après, la situation sera encore pire.
Pourtant, nous n’avons eu aucune réponse, monsieur le ministre, aux questions que nous avons posées quant au coût que la réforme aura via les allocations chômage et le RSA de personnes qui seront encore plus précarisées qu’aujourd’hui. Selon les estimations, ce coût serait de 5 milliards d’euros. À quoi bon faire de prétendues économies si c’est pour engendrer de la précarisation et de telles dépenses ?
Enfin, nous avons entendu les arguments de Vincent Éblé. Je souhaiterais que notre rapporteur y réponde. Allouer à la Cnav le produit des amendes liées à la non-publication de l’index seniors constitue un détournement total des lois de financement de la sécurité sociale, puisque c’est l’argument utilisé aujourd’hui pour prétendre que l’index peut être intégré dans ce projet de loi.
Alors, parce que ce dispositif n’est absolument pas efficace et parce qu’il n’a pas sa place dans un PLFRSS, nous proposons de supprimer l’article 2.
M. le président. Les amendements nos 1754 et 1796 ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Patrick Kanner, pour présenter l’amendement n° 1824.
M. Patrick Kanner. Je qualifiais tout à l’heure l’article 1er bis d’« article Macron » ; là, c’est plutôt l’article Roux de Bézieux !
Comme l’évoquait notre collègue Joël Bigot, la démarche adoptée ici relève du name and shame : on nomme des gens et on couvre de honte leurs pratiques.
En tant que ministre de la ville, à la fin de 2016 ou au début de 2017, me semble-t-il, j’avais défendu, avec ma collègue ministre du travail, l’idée qu’il fallait repérer les entreprises qui ne jouaient pas le jeu en matière de diversité sociale et les mettre, non pas à l’index, sans jeu de mots, mais devant leurs responsabilités.
Mes chers collègues, je ne vous cache pas que cela n’a pas marché, car ce n’est pas ainsi que notre pays fonctionne – cela peut jouer dans les cultures anglo-saxonnes, mais pas dans un pays comme la France.
J’ai lu l’exposé des motifs de l’article 2 dans le texte initial, et notamment sa première phrase : « Afin de faire de l’emploi des seniors une priorité des entreprises, le présent article prévoit la création d’un index seniors qui a pour objectif d’objectiver la place des seniors en entreprise, d’assurer la transparence en matière de gestion des âges et de valoriser les bonnes pratiques en la matière. »
Très honnêtement, disons-le entre nous, c’est jouer du violon : cette bonne intention n’est pas à la hauteur de l’enjeu. L’emploi des seniors est très faible, trop faible, dans notre pays, et ce n’est pas votre index, monsieur le ministre, qui permettra de régler la situation.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 1851.
M. David Assouline. Quel dommage – cela a été souligné par plusieurs de nos collègues – de ne pas avoir abordé ce sujet à la hauteur du grand enjeu qu’il représente, y compris en termes de prospective ! Car un débat aurait pu se tenir. Nous sommes dans une société dans laquelle, d’un côté, l’espérance de vie augmente et, de l’autre, les classes d’âge du marché du travail rétrécissent.
Aujourd’hui, les entreprises considèrent que l’on n’est plus assez productif à partir de 50 ans, puisque la productivité est maintenant le seul étalon pris en compte pour faire toujours plus de bénéfices, quelles que soient les vies que l’on broie, quels que soient les dégâts que l’on cause au tissu social. C’est un fait ! Je sais bien que la droite a ses atavismes, mais ouvrez les yeux, mes chers collègues, sur ce qui est une réalité !
Ce n’est pas la peine de nous dire aujourd’hui qu’un index de ce type va changer les choses. Il y a un domaine où nous avons essayé d’avancer, avec des sanctions à la clé : l’emploi des personnes en situation de handicap. Or seulement 30 % des entreprises respectent l’obligation d’employer des personnes en situation de handicap à hauteur de 6 % de la masse salariale. Malgré les avancées obtenues – l’opinion est convaincue, et des sanctions ont été mises en place –, moins d’un tiers des entreprises respectent cette obligation !
Prévoir une publicité du non-respect de l’obligation d’emploi des seniors ne sert qu’à éviter la censure de cette disposition comme cavalier social. Mais c’en est pourtant un ! Je le redis, nous ne vous lâcherons pas, monsieur le ministre, car vous n’avez aucune raison de ne pas nous fournir, pour la transparence de nos débats, la note du Conseil d’État, qui dit justement que l’index seniors est un cavalier. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Les amendements nos 1869 et 1900 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 1997.
Mme Laurence Rossignol. Pour ma part, j’aime beaucoup les index ! Je ne suis pas une spécialiste de l’emploi des seniors, mais, en ce qui concerne l’emploi des femmes, j’ai la modestie de penser que je connais le sujet, pour travailler dessus depuis quelques années.
Je sais que les index permettent d’objectiver des réalités souvent invisibles, dissimulées ou masquées par des arguties ou des explications relativisant les données concrètes. Je suis donc plutôt favorable a priori à la mise en place d’index partout, à chaque fois que l’on peut mesurer des réalités qui ne sont pas suffisamment visibles.
Pour autant, je ne considère pas les index comme un outil de mise en œuvre des politiques publiques. Ils constituent plutôt les bases sur lesquelles fonder des politiques publiques, notamment en matière d’emploi, en prévoyant des sanctions ou, éventuellement, des incitations.
Or vous avez choisi d’instituer un index et de ne prévoir que sa publication. Beaucoup de points sont renvoyés au décret ; c’est bien normal, la Constitution est ainsi conçue, mais cela pose tout de même une série de questions.
D’abord, comment sera appréhendé le temps partiel des seniors dans cet index ? Car ce n’est pas la même histoire que pour l’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes : on ne peut pas calquer l’un sur l’autre, dans la mesure où les paramètres sont différents. En outre, nous connaissons désormais les biais et les insuffisances de l’index femmes-hommes.
Ensuite, comment allez-vous croiser les deux index ? Pour les femmes seniors, on sait qu’il y a une prévalence du temps partiel. Le temps partiel des femmes sera-t-il considéré comme de l’emploi des seniors ? Va-t-on ainsi renforcer le temps partiel ?
Cette série d’interrogations aurait mérité que nous puissions mener une réflexion fine dans le cadre d’un projet de loi ordinaire sur les retraites, plutôt que d’un PLFRSS comme celui auquel cet article est raccordé in extremis.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Laurence Rossignol. Je vous prie de m’excuser, monsieur le président : je regardais M. le ministre en espérant qu’il se tourne vers moi et j’ai oublié de surveiller le chronomètre ! (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Il y en a marre !
M. le président. Les amendements nos 2076 et 2264 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 3170.
Mme Raymonde Poncet Monge. Puisque Laurence Rossignol n’a pas pu finir, je m’inscrirai dans la suite de son propos. (MM. Fabien Genet et Laurent Duplomb s’exclament.)
Les indicateurs choisis pour l’index ne seront pertinents, donc efficaces, que si on les construit à partir d’un diagnostic partagé des causes de la discrimination salariale.
Ainsi, s’agissant des femmes, la différence de rémunération est de plus de 20 %. Le temps partiel – souvent subi, parfois choisi, si l’on peut dire – est la première cause de cet écart salarial.
Comme deuxième cause, on doit noter le fait que les secteurs féminisés sont, pour des raisons diverses, structurellement moins rémunérés que les secteurs dits « masculins », comme l’industrie et les services – nous reviendrons sur ce point lorsque nous évoquerons les critères de pénibilité, qui sont majoritairement liés à l’industrie et au travail masculin.
La troisième cause est la discrimination pure. Même si elle ne représente que 6 % ou 7 %, elle est significative ; c’est celle que traque l’index de l’égalité professionnelle, par le biais de certains critères relatifs aux promotions ou aux augmentations individuelles – la formation n’est en revanche pas prise en compte.
Pour les seniors, c’est la même chose. Si vous ne commencez pas par relever que 11 % des pensionnés étaient au chômage avant leur retraite, si vous ne traitez pas le fait que l’intensification du travail contribue à les exclure, si vous ne prenez pas compte la contrainte que représentent les rythmes de travail, bref, si vous ne changez pas le travail et si vous n’intégrez pas leur besoin d’anticipation, de transmission et de formation, vous pourrez mettre en place n’importe quel index, cela ne changera rien à la réalité de la discrimination !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Monsieur le président, je veux consacrer quelques minutes à répondre à nos collègues après les avoir écoutés présenter une large proportion de ces quarante-huit amendements, dont je rappelle qu’ils sont identiques.
M. Vincent Éblé. Avez-vous bien regardé ?
M. René-Paul Savary, rapporteur. Voulez-vous que j’en prenne un au hasard pour voir s’il n’est pas identique aux autres ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
À vrai dire, il y en a un dont la défense a légèrement différé de celle des autres : c’est celui de M. Jacquin, dont l’argument a d’ailleurs été repris par un autre de nos collègues. Je le cite parce qu’il évoque un point intéressant : les salariés de plus de 55 ans sont trop souvent une variable d’ajustement. Oui, nous le constatons, mais quand l’âge de départ à la retraite aura été décalé, cela concernera non plus cette catégorie, mais des salariés plus âgés. C’est ainsi que les choses se passent.
Ainsi, tous les pays étrangers qui ont augmenté l’âge de départ à la retraite ont un taux d’emploi des seniors beaucoup plus élevé que le nôtre. C’est la raison pour laquelle nous voulons prendre des mesures pour accompagner l’allongement de la durée du travail. Chers collègues de gauche, vous avez d’ailleurs tellement hâte d’examiner les mesures que nous vous proposons à l’article 9 que vous traduisez votre impatience par la répétition de vos amendements !
Cette théorie ne vous a d’ailleurs pas échappé, puisque la réforme Touraine a bien constitué en un allongement de la durée de travail, par un passage de 41,5 annuités à 43 annuités, allongement légèrement différé, puisque cela n’aurait pesé que sur des générations plus tardives que celles dès lesquelles nous entendons appliquer la réforme. Pourquoi avez-vous augmenté la durée de travail ? Parce que vous avez constaté qu’en France nous ne produisions pas assez ! La durée annuelle moyenne de travail est de 1 680 heures en France, contre plus de 1 800 heures en Allemagne, et le solde de notre balance commerciale est largement négatif.
J’y insiste, nous ne produisons pas assez, et c’est la raison pour laquelle il nous paraît tout à fait important de prendre les mesures nécessaires, tout en accompagnant l’allongement de la durée du travail.
Accompagner le travail, c’est mieux travailler, prendre en compte le bien-être…
M. David Assouline. Et la pénibilité !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … et ne pas forcément faire en 35 heures ce que l’on pourrait faire en 39 heures : il nous paraît important de réfléchir à tout cela.
Que devions-nous faire ? Vous évoquez la menace d’inconstitutionnalité qui pèserait sur l’article 2. (M. David Assouline opine.)
Cela ne nous a pas échappé, pas plus qu’aux services de la commission ! Nous en avons parlé bien avant de lire la note du Conseil d’État,…
Mme Éliane Assassi. Mais on ne l’a pas !
M. Vincent Éblé. On la voudrait !
M. René-Paul Savary, rapporteur. … qui reprend exactement les mêmes points que ceux auxquels nous avions pensé. Cette note est très claire.
M. David Assouline. Que dit-elle ?
M. Laurent Duplomb. Ça suffit !
M. le président. Mes chers collègues, laissez M. le rapporteur s’exprimer !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Mes chers collègues, je ne vous ai pas interrompus, alors arrêtez de m’interpeller et d’interrompre la présentation de mon argumentation !
Cessons de parler de cette note : il faut respecter la loi ; or ces notes sont confidentielles, comme le savent bien les présidents de commission…
Pour ma part, je suis respectueux des règles : les notes sont à la disposition de certains parlementaires, dont les membres de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss).
Mme Cathy Apourceau-Poly. On va venir la consulter, alors !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Ma chère collègue, j’ai dit il y a je ne sais combien d’heures que j’étais à disposition des membres de la Mecss, dont vous faites partie, pour montrer à ceux qui le souhaitent cette note que je ne peux vous confier. Je le redis, la loi est ainsi faite : elle assure la confidentialité des documents, je n’y peux rien !
Vous pouvez prendre contact avec moi et c’est avec une grande convivialité que je vous la montrerai, comme à tous les membres de la Mecss qui en formuleraient la demande. Il vous appartiendra ensuite de voir comment vous en parlerez à vos collègues. Le système est ainsi fait. Si vous en êtes d’accord, nous pourrions maintenant arrêter de parler de ce sujet. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe Les Républicains.)
De toute manière, vous allez être déçus, car, comme vous le savez bien, tout a été publié dans Le Monde. Vous verrez qu’il n’y a rien de neuf !
J’en reviens à la position de la commission. Une fois le constat fait, nous pouvions opter pour une première solution, consistant à juger l’article inconstitutionnel et à en conclure qu’il fallait le supprimer, comme vous le proposez, mes chers collègues : il n’y aurait alors plus rien eu sur l’emploi des seniors dans ce projet de loi.
M. Daniel Breuiller. C’est bien le problème !
Mme Éliane Assassi. Nous voulons une loi sur le travail !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Oui, vous avez répété plusieurs dizaines de fois que l’absence de dispositions sur l’emploi des seniors dans le texte vous interpellait et que vous auriez souhaité qu’elles figurent dans une loi Travail.
Certes, nous faisons les choses quelque peu à l’envers, mais la question de l’employabilité des seniors a été remise dans le texte. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas rejeté l’index seniors.
Nous avons par ailleurs mené de très larges consultations. Cela fait tout de même quatre ans que nous sommes un certain nombre à nous pencher sur cette affaire ! (M. Alain Milon acquiesce.) Les partenaires sociaux, que nous connaissons bien, nous ont dit, notamment ceux de la CFDT, qu’ils étaient attachés à cet index. Nous les avons écoutés. Notre collègue Olivier Henno considère que l’index n’est pas suffisant, mais qu’il mérite quand même d’être instauré. J’y insiste : plutôt que de rejeter l’index d’un revers de main, nous avons préféré écouter nos partenaires.
Nous avons également décidé d’inscrire dans ce texte une disposition qui constituera une avancée : l’employabilité des seniors sera prise en compte au travers du CDI seniors, que nous vous proposerons tout à l’heure et que nous avons rattaché à ce PLFRSS par une exonération de cotisations famille. L’exonération de cotisation chômage aurait été plus judicieuse, mais elle ne relève pas, comme vous le savez, d’un PLFSS.
Mme Éliane Assassi. Cela non plus !
M. René-Paul Savary, rapporteur. Le Gouvernement pourra ainsi prendre en compte cette dimension nouvelle, qui devra être discutée – nous rejoignons la position de M. le ministre sur ce point – avec les partenaires sociaux. C’est une avancée, que les partenaires sociaux nous ont demandée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pas dans ce texte !
M. René-Paul Savary, rapporteur. C’est pourquoi nous avons décidé d’avancer dans cette direction.
Par ailleurs, nous trouvons inacceptable que les seniors se retrouvent au chômage, comme cela a été exposé : ils ne sont pas une variable d’ajustement ! Il faut donc prendre en compte certaines difficultés, certains facteurs de risques, car on sait que certains travailleurs peuvent être usés par le travail. C’est la raison pour laquelle l’article 9 constitue une avancée considérable.
Je ne peux pas laisser dire que, en dehors du compte professionnel de prévention, nous avons écarté tous les facteurs de risque. Le C2P en intègre quatre, qui peuvent ainsi mieux être identifiés : ils sont pris en considération dans le cadre de la prévention, mais aussi pour l’octroi d’un temps partiel ou, éventuellement, au titre de la réparation, par un âge anticipé de départ à la retraite. Il est important de tenir également compte des autres facteurs, notamment ergonomiques. La création d’un fonds spécial constitue une avancée.
Nous devons encore améliorer le dispositif. L’âge de départ à la retraite pour invalidité ou inaptitude au travail restera fixé à 62 ans.
Si vous acceptez, mes chers collègues, d’éviter un certain nombre de monologues de manière à nous permettre de parvenir à l’article 9, nous pourrons faire en sorte que l’incapacité permanente puisse être prise en compte dès 60 ans, sans attendre 62 ans. Ces avancées sociales ont été annoncées, et les seniors les attendent, me semble-t-il. Nous espérons que M. le ministre nous apportera la garantie qu’elles figureront dans la prochaine loi sociale.
Voilà comment nous avons envisagé les choses. Nous avons même été encore plus loin, puisque nous avons décidé de réinscrire dans la loi le critère de l’exposition aux agents chimiques dangereux afin d’assurer une meilleure prévention.
Notre ambition est claire. Comme l’ont dit certains d’entre vous, nous avons besoin de prendre en compte spécifiquement l’emploi des jeunes comme l’emploi des seniors.
Vous l’aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements de suppression de l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements de suppression.
J’ai promis d’être bref et je vais l’être, mais je voudrais revenir sur deux points. (M. David Assouline s’exclame.)
Monsieur Assouline, je ne vous ai pas interrompu quand vous avez partagé avec nous votre connaissance de l’entreprise et de l’économie, aussi laissez-moi aller au bout de mon explication de l’avis du Gouvernement.
Premièrement, certains arguments que j’ai entendus employés pour justifier ces amendements m’ont donné le sentiment que l’on cherchait toutes les bonnes raisons de supprimer cet article. Je prendrai un seul exemple : M. Montaugé nous dit que nous devrions déplafonner les points que l’on peut obtenir du C2P. Cela tombe bien, c’est ce que nous faisons ! Vous voterez donc l’article 9.
Ont aussi été citées un certain nombre d’actions que nous mettons en œuvre ou sur lesquelles nous nous sommes engagés, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Assumez donc, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche, de vouloir supprimer un outil qui va accompagner l’emploi des seniors sans nécessairement chercher des raisons qui n’en sont pas ou qui ne correspondent pas à ce que nous avons mis dans le texte !
Deuxièmement, il est vrai que l’Assemblée nationale a fait le choix, en particulier parce qu’un amendement abaissant de 300 à 50 salariés le seuil de déclenchement du dispositif avait été adopté, de rejeter l’article 2, ce qui a été pour moi une déception.
Ce sentiment était apparemment partagé puisque, le lendemain de cette suppression, lors de l’audition par votre commission des affaires sociales de représentants des organisations syndicales, M. Ricordeau, secrétaire national de la CFDT, a dit qu’il regrettait la suppression de l’index.
Il a ajouté que l’emploi des seniors ne pourrait progresser qu’avec le dialogue social et que la suppression de l’index par l’Assemblée nationale revenait à prendre le chemin inverse. S’il dit cela, c’est notamment parce que nous renvoyons la définition des critères prévus dans le décret au dialogue social interprofessionnel et les modalités de l’adaptation de ces critères au dialogue social de branche. J’y insiste, nous avons renvoyé aux partenaires sociaux la définition d’indicateurs pertinents pour l’index et la bonne mise en œuvre de celui-ci.
M. Xavier Iacovelli. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre. Je m’arrête là, mais ces deux raisons s’ajoutent à ce que j’ai dit plus tôt pour justifier notre avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour explication de vote.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Je soutiens les amendements de suppression de cet article. Comme l’a très bien expliqué ma collègue, nous ne devrions même pas en discuter. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Et pourtant, c’est reparti !
Mme Marie-Arlette Carlotti. En effet, d’après l’avis secret du Conseil d’État, il s’agirait d’un cavalier social, susceptible d’être inconstitutionnel.
La droite n’a pas voulu renvoyer cet article en commission, ce qui est fort dommage, surtout à entendre M. le rapporteur à l’instant. Nous aurions pu, ensemble, tout remettre à plat, élaborer de vraies propositions pour le maintien dans l’emploi des seniors, pour la mise en place de procédures de reconversion, pour la transmission des savoirs, pour la valorisation de leur expérience personnelle ; nous aurions également pu parler du niveau de leurs pensions.
Il y a véritablement là un enjeu de société qui mériterait que l’on s’y attarde. J’espère que le projet de loi qui a été annoncé sur le travail nous en donnera l’occasion : au lieu d’avoir un débat complet, nous tournons autour de la mesure gadget qu’est l’index seniors. Ce n’est ni normal, ni sérieux, ni suffisant ; ce n’est pas ainsi que nous devrions répondre à la situation des seniors.
Je soutiens donc le retrait de cet article et je soutiens même, monsieur le ministre, le retrait de votre réforme : vous voyez bien, au fur et à mesure, qu’elle n’est pas aboutie !
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je veux répondre à M. le rapporteur, qui nous parle, comme à chaque discussion, des mesures d’âge et notamment de celles qui ont été adoptées dans les autres pays européens. Or vous savez très bien, plusieurs études l’ayant démontré, qu’il faudrait avant tout être en mesure de comparer avec exactitude les différents systèmes ! Ce n’est pas si simple, comme l’a bien souligné Bruno Palier.
De plus, vous comparez uniquement les âges de départ, ce qui n’est pas forcément pertinent. Ainsi, au Danemark, le départ à la retraite est certes plus tardif, mais rappelons que les étudiants peuvent recevoir pendant six ans jusqu’à 840 euros par mois d’allocations. Il faut donc disposer de l’ensemble des éléments de comparaison.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, j’ai cru comprendre que vous étiez un peu agacé par la répétition de nos arguments.