Sommaire
Présidence de Mme Pascale Gruny
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
Question n° 409 de M. Stéphane Sautarel. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
construction de logements sociaux dans les territoires ruraux
Question n° 429 de M. Guillaume Chevrollier. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
compétence zone d’activités économiques
Question n° 370 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
traitement des boues par les collectivités et analyse covid
Question n° 390 de M. Pierre Louault. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Pierre Louault.
éligibilité de sedan à la dotation de politique de la ville
Question n° 347 de M. Marc Laménie. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Marc Laménie.
Question n° 388 de M. Jean-Michel Arnaud. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Jean-Michel Arnaud.
Question n° 423 de M. Daniel Salmon. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
création d’une ferme aquacole géante en baie de vallauris golfe-juan dans les alpes-maritimes
Question n° 431 de M. Philippe Tabarot. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Philippe Tabarot.
projet de quartier charenton-bercy
Question n° 424 de M. Christian Cambon. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Christian Cambon.
contrôle technique des deux-roues
Question n° 352 de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Christine Bonfanti-Dossat.
demande de précisions sur le financement des lignes à grande vitesse dans le département de l’aude
Question n° 377 de M. Sebastien Pla. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Sebastien Pla.
taxe spéciale d’équipement grand projet ferroviaire sud-ouest
Question n° 383 de M. Daniel Laurent. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; M. Daniel Laurent.
travaux d’aménagement sur la ligne « trains d’équilibre du territoire » paris-nevers
Question n° 046 de Mme Nadia Sollogoub. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement ; Mme Nadia Sollogoub.
responsabilité des maires et des collectivités en matière d’éclairage public
Question n° 418 de Mme Annick Jacquemet. – M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement.
annulations de rendez-vous médicaux
Question n° 349 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Chantal Deseyne.
recrutement de médecins généralistes étrangers dans les alpes-maritimes en zone sous-dense
Question n° 379 de Mme Patricia Demas. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
avancement du projet de création d’un centre hospitalier universitaire régional en guyane
Question n° 416 de M. Georges Patient. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
abattement de cotisations sociales pour les établissements et services médico-sociaux publics
Question n° 422 de M. Alain Milon. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Alain Milon.
stratégie vaccinale et prévention des infections invasives à méningocoques
Question n° 430 de Mme Catherine Deroche. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; Mme Catherine Deroche.
manque de places d’accueil pour les jeunes autistes adultes dans le département du nord
Question n° 405 de M. Éric Bocquet. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
absence de débouchés pour la laine de brebis
Question n° 359 de M. Max Brisson. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Max Brisson.
Question n° 381 de M. Jean-Yves Roux. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Jean-Yves Roux.
situation de la filière porcine biologique en bretagne et sur le territoire national
Question n° 384 de Mme Annie Le Houerou. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé.
épidémies de norovirus dans les cultures conchylicoles
Question n° 412 de M. Jean-François Longeot. – Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé ; M. Jean-François Longeot.
zone organisée d’accès aux soins transfrontaliers entre la france et le luxembourg
Question n° 238 de Mme Véronique Guillotin. – Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux ; Mme Véronique Guillotin.
crimes de guerre commis par l’armée azerbaïdjanaise
Question n° 229 de M. Pierre Ouzoulias. – Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux ; M. Pierre Ouzoulias.
modification des heures creuses pour l’électricité
Question n° 194 de M. Gilbert Roger. – Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux ; M. Gilbert Roger.
Question n° 391 de M. Philippe Mouiller. – Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
construction de la future cité judiciaire de marseille
Question n° 427 de Mme Brigitte Devésa. – Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.
levée du secret-défense sur le triple assassinat de militantes kurdes en 2013 à paris
Question n° 432 de Mme Marie-Arlette Carlotti. – Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux ; Mme Marie-Arlette Carlotti.
retards sur le raccordement en fibre optique des villes des sables d’olonne et de la roche-sur-yon
Question n° 364 de M. Didier Mandelli. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; M. Didier Mandelli.
conséquences de la hausse des prix de l’électricité pour le patrimoine religieux
Question n° 372 de M. François Calvet. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
encadrement de l’installation et du fonctionnement des dark kitchens et des dark stores
Question n° 259 de Mme Christine Lavarde. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; Mme Christine Lavarde.
présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires
Question n° 286 de M. Serge Babary. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie ; M. Serge Babary.
Question n° 335 de Mme Elsa Schalck. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
situation fiscale des travailleurs français du secteur public belge
Question n° 411 de M. Éric Bocquet, en remplacement de Mme Michelle Gréaume. – M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie.
faillite de l’école républicaine en matière de mixité sociale
Question n° 366 de Mme Martine Filleul. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Martine Filleul.
harcèlement scolaire et violences sexuelles
Question n° 373 de Mme Marie Mercier. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Marie Mercier.
Question n° 374 de Mme Angèle Préville. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; Mme Angèle Préville.
Question n° 378 de M. Daniel Gueret. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
conditions de la rentrée scolaire 2023 en seine-maritime
Question n° 417 de Mme Céline Brulin. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
inquiétudes sur la rentrée scolaire 2023-2024 du lycée darchicourt d’hénin-beaumont
Question n° 419 de Mme Sabine Van Heghe. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
revalorisation de la dotation de l’association transition pro de mayotte
Question n° 321 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel ; M. Thani Mohamed Soilihi.
Question n° 428 de M. Cyril Pellevat. – Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
4. Mises au point au sujet de votes
5. Encadrement des centres de santé. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 12 de M. Jean-Luc Fichet. – Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 13 de Mme Annie Le Houerou. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. Jean-Luc Fichet. – Rejet.
Amendement n° 20 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 1er bis A (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 24 de M. Jean Sol. – Adoption.
Amendement n° 22 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 1er quater et 1er quinquies (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 25 de M. Jean Sol. – Adoption.
Amendement n° 26 de M. Jean Sol. – Adoption.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Annie Le Houerou. – Retrait.
Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 9 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Article 3 (suppression maintenue)
Amendement n° 16 de M. Jean-Luc Fichet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 18 de M. Xavier Iacovelli. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
6. Amélioration de l’accès aux soins. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 74 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention
Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Chantal Deseyne. – Rejet.
Amendement n° 78 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet par scrutin public n° 129.
Amendement n° 42 rectifié bis de Mme Martine Berthet. – Adoption.
Amendement n° 53 de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public n° 130.
Amendement n° 77 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet par scrutin public n° 131.
Amendement n° 89 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 41 rectifié ter de Mme Martine Berthet. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 132, de l’article modifié.
Amendement n° 75 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Amendement n° 69 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Chantal Deseyne. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Annie Delmont-Koropoulis. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Bernard Jomier. – Adoption.
Mme Corinne Imbert, rapporteure
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 27 de Mme Émilienne Poumirol. – Retrait.
Amendement n° 22 de M. Bernard Jomier. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
Amendement n° 48 rectifié de M. Xavier Iacovelli. – Retrait.
Amendement n° 90 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 57 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 33 de M. Xavier Iacovelli. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié de M. François Patriat. – Retrait.
Amendement n° 23 de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 30 de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Stéphane Sautarel. – Rejet par scrutin public n° 134.
L’article demeure supprimé.
Article 4 quinquies – Adoption.
Amendement n° 66 rectifié ter de Mme Martine Berthet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 87 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Articles 4 septies, 4 octies et 4 nonies – Adoption.
Amendement n° 88 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Annie Delmont-Koropoulis. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article 4 duodecies (supprimé)
Amendement n° 84 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 4 terdecies – Adoption.
Article 5 (suppression maintenue)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales
Adoption, par scrutin public n° 135, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Questions orales
Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
situation des syndicats de communes concernés par le transfert de la compétence eau aux syndicats infracommunautaires
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 409, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Stéphane Sautarel. Ma question était adressée à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je souhaite en effet attirer l’attention du Gouvernement sur la situation des syndicats de communes concernés par le transfert de la compétence eau et assainissement, qu’ils existent déjà ou qu’ils doivent encore être créés.
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), modifiée en 2018, a prévu que le transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et d’agglomérations serait obligatoire le 1er janvier 2026.
L’article 14 de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique autorise les communautés de communes à déléguer par convention tout ou partie de ces compétences à une commune ou à un syndicat infracommunautaire existant au 1er janvier 2019 qui en fait la demande.
La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, renverse ce principe en prévoyant que, pour les communautés de communes qui deviennent compétentes à titre obligatoire au 1er janvier 2026, les syndicats infracommunautaires ayant ces compétences soient désormais maintenus par voie de délégation, sauf si les communautés de communes délibèrent contre ce maintien.
Ainsi, faute de garantir aux communes de nos territoires la liberté dans le choix du mode de gestion – que nous pourrons encore établir, j’espère, d’ici à 2025 – nous devrions au moins écarter le risque de mitage obligeant les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à refuser toute délégation ou bien à n’être que des acteurs partiels, à l’instar des syndicats interdépartementaux.
Alors que de nouveaux syndicats intercommunaux souhaitent se mettre en place de manière concertée, il importe qu’ils puissent le faire, voire y être incités, pour que leur soient déléguées les compétences eau et assainissement.
Pourriez-vous nous préciser les modalités pratiques et les délais qui seraient prévus par voie réglementaire à cet effet ? Quelles instructions seront données aux préfets pour les créations postérieures au 1er janvier 2019 ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Vous le savez, monsieur le sénateur Sautarel, la montée en puissance de l’intercommunalité dans la gestion de l’eau et de l’assainissement doit être remise dans la perspective du dérèglement climatique et des enjeux de gestion de l’eau potable, car elle doit permettre que cette compétence soit exercée à un échelon de mutualisation et de solidarité.
La loi du 27 décembre 2019, que vous avez mentionnée, autorise ainsi les communautés de communes et les communautés d’agglomération à déléguer tout ou partie des compétences eau et assainissement à un syndicat. Le 1er janvier 2026, en application de la loi 3DS, ces syndicats infracommunautaires seront maintenus par voie de délégation, sauf délibération contraire de la communauté de communes, comme vous l’avez rappelé.
Je souligne que, dans le cas d’une délégation de compétence, la communauté de communes demeure responsable de la compétence déléguée, qui est exercée en son nom et pour son compte. Elle est donc bien responsable des compétences eau et assainissement sur l’ensemble de son territoire, que ces compétences soient ou non déléguées en partie à un syndicat infracommunautaire existant au 1er janvier 2019.
Rien n’interdit la création d’un syndicat exerçant ces compétences après le 1er janvier 2019, dès lors que deux conditions sont respectées : la première est que cette création soit compatible avec le schéma départemental de coopération intercommunale ; la seconde est que ses limites territoriales dépassent le seul périmètre de la communauté de communes – il ne peut s’agir d’un syndicat infracommunautaire.
Dans le cadre de la création d’un tel syndicat, la communauté de communes est substituée, pour les compétences qu’elle exerce, aux communes qui en sont membres.
construction de logements sociaux dans les territoires ruraux
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 429, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
M. Guillaume Chevrollier. Vous êtes chargé du logement, monsieur le ministre, et je souhaite vous interroger sur la politique de construction de logements sociaux dans les territoires ruraux, où les besoins sont forts. Ces logements sociaux permettent d’accueillir une population vieillissante, mais également des familles, monoparentales souvent, ou de jeunes actifs.
Pourtant, de nombreuses difficultés viennent ralentir, voire stopper, les projets de logements sociaux dans les communes rurales. En effet, l’inflation et l’augmentation du coût des matières premières ont un impact direct sur des projets qui, pour la plupart, sont plus coûteux qu’en zone urbaine.
Les bailleurs sociaux sont également impactés par l’augmentation du taux du livret A, qui est passé de 0,5 % à 3 % en un an, ce qui a alourdi les charges d’intérêts des organismes de logement social de 3,75 milliards d’euros.
Enfin, la réduction du loyer de solidarité mise en place en 2018 pour compenser la baisse des aides au logement, et qui grève les budgets des bailleurs, a un impact plus fort en milieu rural.
Cette situation entraîne le désengagement des bailleurs sociaux.
Dans mon département de la Mayenne, la commune d’Astillé, qui compte moins de 1 000 habitants, connaît une croissance démographique importante. Un permis a été délivré il y a plus d’un an pour y construire quatre logements sociaux. L’appel d’offres du bailleur social aboutit à une augmentation du coût prévisionnel de plus de 12 %, ce qui nécessite de mobiliser trois fois plus de fonds propres que d’habitude. Résultat : le projet est ajourné. Pourtant, les besoins sont toujours réels dans cette commune, et pas seulement les besoins en logements sociaux. Et la baisse du nombre d’habitants poserait problème aux écoles rurales, qui devraient fermer des classes.
Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour soutenir les projets de logements sociaux dans les communes rurales qui n’ont pas les moyens de les financer ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Comme vous le savez, monsieur le sénateur Guillaume Chevrollier, les bailleurs sociaux sont d’ores et déjà présents en zone rurale, fort heureusement. Au cours de l’année 2022, plus de 16 203 logements locatifs sociaux en offre nouvelle ont été agréés en zone rurale.
Pour faire face à la hausse du coût des travaux, que vous soulignez, les montants moyens de subvention par logement locatif social en offre nouvelle ont été revalorisés de 5,4 % à l’échelle nationale pour l’année 2023. Cette revalorisation est modulée entre les régions, et à l’échelle infrarégionale.
Par ailleurs, le Gouvernement continue à promouvoir l’acquisition-amélioration, en particulier dans les territoires détendus, qui concentrent 74 % du parc privé durablement vacant.
L’acquisition-amélioration représente un levier important pour créer une offre nouvelle de logements locatifs sociaux cohérente avec les objectifs de diminution de l’artificialisation des espaces agricoles, naturels et forestiers, et participe à la dynamisation des territoires.
Une dotation de 23 millions d’euros a donc été créée en 2022 pour aider les opérations d’acquisition-amélioration difficiles à équilibrer financièrement. En 2023, cette dotation est élargie à toutes les opérations participant à la sobriété foncière de l’offre nouvelle de logements locatifs sociaux, et son montant est relevé à 45 millions d’euros.
La revitalisation des centres-villes et des centres bourgs fait l’objet d’un fort soutien du Gouvernement, notamment dans le cadre du plan Action cœur de ville, qui permet à la réhabilitation des logements de bénéficier d’aides importantes.
Enfin, la lutte contre la vacance des logements en milieu rural et l’amélioration du parc devraient être des axes clés du second souffle de l’agenda rural, en cours d’élaboration.
compétence zone d’activités économiques
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 370, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la délégation aux communes de la compétence zone d’activités économiques (ZAE).
Si la loi 3DS apporte un certain nombre d’assouplissements pour les transferts de compétences, la compétence concernant les ZAE n’a fait l’objet, à ce jour, d’aucune modification. Depuis la loi NOTRe du 7 août 2015, elle est obligatoirement transférée des communes aux EPCI à fiscalité propre.
Pourtant, il existe des cas de figure dans lesquels le transfert permettrait aux communes de porter des projets plus efficacement que l’EPCI. Par exemple, la commune de Touët-sur-Var, dans mon département, est propriétaire d’un terrain classé zone d’activités au plan local d’urbanisme (PLU), en cohérence avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) de la communauté de communes des Alpes d’Azur. La commune souhaite y réaliser une zone artisanale, et le maire a déjà obtenu une subvention de l’État et de la région. Mais, lorsqu’il a été question de la TVA, à laquelle les opérations d’aménagement comportant des cessions de terrains sont assujetties de plein droit, il a été précisé au maire que l’opération était impossible puisque la compétence relève de l’EPCI. Or la communauté de communes ne dispose pas des fonds pour réaliser cette zone artisanale. Le terrain appartient toujours à la commune, et les subventions obtenues le sont au nom de la commune.
Entendez-vous revoir la législation, monsieur le ministre, afin que le transfert de compétence soit possible dans le cas d’une commune volontaire ou, au moins, afin de créer une possibilité de subdélégation de l’EPCI à la commune en vue d’obtenir l’autorisation de réaliser certains aménagements, comme une ZAE ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Dominique Estrosi Sassone, depuis la loi NOTRe, les EPCI à fiscalité propre exercent la compétence obligatoire de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des ZAE. En effet, ils sont identifiés comme l’échelon le plus à même de créer et de gérer des zones d’activités à l’échelle pertinente du bassin de vie économique, pour un développement équilibré du territoire.
La loi 3DS du 21 février 2022, que vous citez, permet à un EPCI à fiscalité propre, avec l’accord de ses communes membres, de déléguer à un département ou à une région tout ou partie d’une compétence qui lui a été transférée. Cette possibilité concerne les compétences facultatives.
Vous le comprendrez, et la position du Gouvernement est constante sur ce point, il n’est pas envisagé de revenir sur l’attribution de la compétence de développement économique au niveau intercommunal. Cet acquis de la loi NOTRe permet de porter des projets plus ambitieux et de rationaliser la création de zones d’activités à l’échelle de territoires plus vastes.
De nombreux outils existent toutefois pour assurer une meilleure association des maires à la décision au sein des EPCI à fiscalité propre. La loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a permis, par exemple, l’élaboration d’un pacte de gouvernance entre les EPCI et leurs communes membres, ce qui peut favoriser une meilleure concertation en amont sur ce type de projet. Le dialogue entre la commune et l’EPCI concernés devrait permettre de statuer sur l’avenir de ce projet ou d’en organiser la reprise par l’EPCI.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. J’entends ces arguments, et je sais qu’un tel changement n’est pas à l’ordre du jour, mais il faudrait regarder les choses dans le détail. En l’espèce, il s’agit d’une communauté de communes de taille modeste, comportant des communes qui, elles, ont la possibilité de créer une zone artisanale. Un assouplissement des règles serait donc bienvenu.
traitement des boues par les collectivités et analyse covid
Mme le président. La parole est à M. Pierre Louault, auteur de la question n° 390, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Pierre Louault. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique.
En avril 2020, le Gouvernement a souhaité limiter les facteurs de transmission du covid-19 en imposant un traitement hygiénisant supplémentaire avant l’épandage agricole des boues de stations d’épuration.
Les collectivités publiques ont alors massivement investi pour moderniser leurs stations, notamment grâce à l’aide d’une subvention exceptionnelle de l’État.
Je souligne qu’elles subissent par ailleurs l’augmentation des prix de l’énergie et du point d’indice des fonctionnaires.
Actuellement, elles ne perçoivent plus cette subvention exceptionnelle.
De plus, dans un rapport publié en octobre 2022, le Haut Conseil de la santé publique a indiqué qu’il ne lui semblait pas nécessaire de maintenir les mesures restrictives d’épandage des boues actuellement en vigueur.
J’ai appris ces derniers jours que l’arrêt de ces traitements allait être décidé de manière imminente. Je souhaiterais donc savoir si vous confirmez bien l’abrogation à venir des arrêtés du 30 avril 2020 et du 20 avril 2021 relatifs aux restrictions d’épandage des boues.
Cette application disproportionnée du principe de précaution aura coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros aux collectivités territoriales.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Pierre Louault, à cause du risque de propagation du virus lors de l’épidémie de covid-19, les conditions d’épandage agricole des boues d’épuration urbaine et industrielle ont été modifiées pour prévoir leur hygiénisation ou leur traitement avant épandage.
Pour aider les collectivités compétentes en matière d’assainissement à supporter les dépenses liées à ces nouvelles conditions d’épandage, l’État a rapidement mis en place un dispositif de soutien financier exceptionnel par l’intermédiaire des agences de l’eau.
Pour les années 2021 et 2022, les investissements nécessaires à la gestion des boues ont ainsi été pris en charge dans le cadre du plan de relance, ce qui a par ailleurs été sans incidence sur la capacité des agences à accompagner financièrement les collectivités dans leurs projets d’assainissement.
En juillet 2022, compte tenu de l’évolution favorable de l’épidémie, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires a saisi le Haut Conseil de la santé publique afin de savoir si ces mesures pouvaient désormais être amoindries, voire totalement levées.
Dans son avis du 21 octobre 2022, ce Haut Conseil s’est montré favorable à la levée des restrictions en matière d’épandage des boues en période de covid-19 fixées par l’arrêté du 30 avril 2020, modifié le 20 avril 2021.
Cet avis a conduit le Gouvernement à préparer un arrêté visant à lever ces restrictions.
Les observations formulées ayant fait état, dans leur grande majorité, de l’approbation des contributeurs concernant la levée des restrictions en vigueur, l’arrêté a été signé par les quatre ministres concernés, et sa publication est donc imminente.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.
M. Pierre Louault. Je souhaite que sa publication intervienne dans les meilleurs délais. Les hauts fonctionnaires sont rapides pour poser des contraintes, mais beaucoup moins pour les lever ! (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)
éligibilité de sedan à la dotation de politique de la ville
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, auteur de la question n° 347, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Marc Laménie. Ma question concerne l’éligibilité à la dotation politique de la ville (DPV) de la ville de Sedan, deuxième commune des Ardennes après Charleville-Mézières, et chef-lieu d’arrondissement.
Depuis 2021, Sedan n’est plus éligible à la DPV du fait de l’absence de convention avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) sur cette politique.
Toutefois, le centre ancien de la ville est reconnu comme quartier prioritaire de la ville (QPV) et Sedan bénéficie d’une convention avec l’Anru au titre du nouveau programme national de renouvellement urbain 2014-2024 pour la déclinaison du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
De plus, l’intégration du quartier Le Lac – Centre ancien dans la liste des quartiers qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants permettrait à la ville de Sedan de figurer parmi les communes éligibles à la DPV.
Compte tenu des enjeux démographiques, sociaux, économiques et financiers, je vous suggère de reconsidérer l’éligibilité de la ville de Sedan au dispositif de la DPV tel qu’il est prévu à l’article L. 2334-40 du code général des collectivités territoriales, surtout modifié par la loi de finances pour 2023.
L’accès à la DPV aurait un effet cumulatif avec le dispositif « Pacte Ardennes », qui vise à mettre en cohérence les politiques d’accompagnement social et urbain pour renforcer l’attractivité du département des Ardennes.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Marc Laménie, la commune de Sedan n’est effectivement plus éligible à la DPV depuis 2021, car elle ne remplit plus l’un des trois critères d’éligibilité prévus par la loi.
Elle disposait d’une convention Anru, au titre du premier programme national de rénovation urbaine. Ce programme, institué par la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, prévoit un effort national de transformation des quartiers les plus fragiles en matière de logements, d’équipements publics et aménagements urbains. Comme il a expiré en 2020, Sedan a perdu l’accès à la DPV en 2021.
La convention que vous évoquez, qui porte sur le centre ancien de Sedan, relève d’un autre programme de l’Anru, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, qui a pour objectif de lutter contre l’habitat indigne dans les quartiers de centre ancien, et non dans les QPV. Elle ne permet donc pas de bénéficier de la DPV.
La commune de Sedan peut néanmoins accéder à d’autres financements pour développer ses projets d’investissement, comme la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou le fonds vert mis en place par la Première ministre.
Elle a également bénéficié des hausses des dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR) prévues chaque année par les lois de finances depuis 2017.
Sa dotation globale de fonctionnement (DGF) a ainsi progressé de 458 415 euros entre 2017 et 2022, et représente désormais 577 euros par habitant, contre 164 euros en moyenne pour l’ensemble des communes.
Cette hausse devrait se poursuivre en 2023, grâce à l’abondement par l’État des dotations de péréquation communales à hauteur de 200 millions d’euros pour la DSR et de 90 millions d’euros pour la DSU.
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.
M. Marc Laménie. Merci, monsieur le ministre. Je souhaite que la situation évolue dans un sens favorable pour Sedan.
difficultés rencontrées en vue du futur transfert obligatoire des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, auteur de la question n° 388, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Jean-Michel Arnaud. La loi du 7 août 2015, dite loi NOTRe, a rendu obligatoire le transfert des compétences eau et assainissement des communes aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération avant le 1er janvier 2020. Par la suite, un report a été prévu jusqu’en 2026 pour les communautés de communes.
Monsieur le ministre, dans les zones rurales, en montagne et dans nombre de territoires, il serait bon qu’on puisse librement choisir d’exercer cette compétence dans le cadre communal ou intercommunal. Que pensez-vous de cette demande forte ? J’attends votre réponse avec beaucoup d’attention.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Jean-Michel Arnaud, je rappelle que ce transfert a été décidé en 2015 par la loi NOTRe pour 2020. L’obligation a depuis lors été assouplie, puisque la date limite est désormais fixée à 2026. La poursuite de ce transfert est une volonté forte du Gouvernement. Cette disposition est essentielle.
L’émiettement des services est un facteur d’inefficacité, comme l’a déjà souligné la Cour des comptes. Plus les services couvrent une population importante, meilleurs sont la connaissance du réseau, son rendement et sa gestion.
Le transfert de compétences au niveau intercommunal permet de mutualiser efficacement les moyens techniques, financiers et humains, afin d’assurer une meilleure maîtrise des infrastructures de distribution d’eau potable et d’assainissement et donc un service durable et plus performant aux usagers.
La sécurisation de cet approvisionnement, tant en quantité qu’en qualité, nécessite des interconnexions qui se conçoivent à l’échelle des bassins de vie, voire du département.
Par ailleurs, nous avons trouvé ces dernières années des solutions qui permettent de résoudre beaucoup de problèmes locaux. Les collectivités peuvent par exemple garder un prix de l’eau individualisé par secteur lors de l’entrée dans l’EPCI. Il est possible de garder des syndicats pour assurer la compétence eau et assainissement. Bref, des solutions ont été élaborées – le Sénat y a très largement contribué.
Ainsi, le Gouvernement ne soutiendra pas un texte visant à revenir en arrière sur les transferts de compétences eau et assainissement. À l’occasion des travaux de planification écologique, le Comité national de l’eau a souligné la nécessité d’une stabilité de la législation à ce sujet, les reports successifs ayant entraîné une posture d’attentisme des collectivités récalcitrantes préjudiciable à la bonne gestion de l’eau.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour la réplique.
M. Jean-Michel Arnaud. J’entends ces arguments, monsieur le ministre, d’autant qu’ils sont régulièrement mis en avant par votre ministère. Vous invoquez l’inefficacité de la gestion de l’eau par les communes rurales : celles-ci apprécieront… Vous parlez aussi de collectivités territoriales « récalcitrantes » : le terme est particulièrement violent, s’agissant de libertés locales. Matin, midi et soir, le Gouvernement nous répète qu’il fait confiance aux collectivités locales, le couple préfet-maire est valorisé, et vous nous parlez de communes « récalcitrantes »… Je trouve que le mot est extrêmement déplacé.
Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet, puisque sont régulièrement déposées dans cette maison des propositions de loi sur ces questions. Je pense en particulier à celle de notre collègue sénateur de l’Ardèche Mathieu Darnaud, à celle de Jean-Yves Roux, dont nous discuterons dans quelques jours et même, peut-être, à celle qu’un éminent sénateur centriste pourrait déposer prochainement…
Il faut écouter la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, Françoise Gatel, il faut entendre ce qu’expriment les deux tiers des collectivités intercommunales, qui, à la demande de leurs communes membres, n’ont toujours pas procédé au transfert de la compétence eau.
Bref, il faut faire bouger les lignes. Sinon, ce sont les collectivités territoriales, les communes et les maires qui vous bougeront, monsieur le ministre.
barème applicable aux articles de sport et de loisirs dans le cadre du principe de responsabilité élargie du producteur
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, auteur de la question n° 423, transmise à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
M. Daniel Salmon. Ma question concerne le barème applicable aux articles de sport et de loisirs dans le cadre du principe de responsabilité élargie du producteur.
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, a étendu le principe de responsabilité élargie du producteur (REP) aux articles de sport et loisirs.
Il n’est pas question de remettre en cause ce dispositif, qui vise à renforcer l’effort de recyclage et à limiter à la source la production de déchets. Cependant, les critères retenus ne sont pas en adéquation avec les efforts réalisés par de nombreuses entreprises pour garantir la durabilité de leurs produits.
Un agrément a été confié à la société Ecologic France, qui a proposé un barème basé sur les coûts réels de réemploi, de collecte, de dépollution et de traitement, et incluant les fonds de réparation et de réemploi des articles concernés.
Cependant, les barèmes choisis retiennent essentiellement, comme critère, le poids, ce qui pénalise certains produits sans prendre en compte leur origine, leur « recyclabilité » ou leur valeur.
Ainsi, un jeu de palet breton, composé d’une planche de bois et de palets de fonte, est taxé à hauteur de 1,32 euro en 2023 et le sera à hauteur de 2,22 euros en 2024 alors qu’il s’agit d’un produit fabriqué en France et vendu autour de 80 euros.
Un jeu de cornhole, composé d’une planche de bois et de huit petits sacs en tissu remplis de grains, est lui taxé à hauteur de 2,92 euros en 2023 et le sera à hauteur de 4,91 euros en 2024, pour un prix de vente qui se situe autour de 80 euros.
À l’inverse, une table de billard, plus ou moins recyclable, est taxée à hauteur de 3,18 euros en 2023 et le sera à hauteur de 5,34 euros en 2024, pour une valeur pouvant aller de 1 000 euros à plusieurs milliers d’euros.
Cette situation place plusieurs entreprises dans la difficulté. Ainsi, une entreprise familiale bretonne, utilisant des processus de fabrication respectueux de l’environnement, se voit redevable pour 2022, au titre de la responsabilité élargie du producteur, de 55 000 euros, sur un résultat de 150 000 euros, en raison du poids de ses produits constitués de bois et de fonte, matériaux pourtant reconnus pour leur durabilité. Il me semble urgent de revoir ces barèmes pour les rendre plus cohérents. Quelles sont vos intentions à cet égard ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Daniel Salmon, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a créé une nouvelle filière à responsabilité élargie du producteur pour les articles de sport et de loisirs.
Chaque année, 200 000 tonnes d’articles de sport et de loisirs neufs sont mis sur le marché. Sans filière REP, ce sont autant de produits usagés qui seraient sans solution de réemploi ou de recyclage et qui finiraient par être envoyés en décharge.
Dans le cadre de cette nouvelle filière REP lancée en 2022, l’État a chargé un éco-organisme d’organiser la collecte des produits usagés, de financer les associations qui réparent ces produits pour leur donner une seconde vie et de développer le recyclage des matériaux.
Pour financer la filière, les fabricants et importateurs de produits neufs versent à l’éco-organisme une contribution visant à couvrir les coûts de collecte, de transport et de recyclage des déchets. Ces coûts dépendent principalement du poids de ces derniers et de la valeur résiduelle des matériaux.
En complément de cette écocontribution, la loi Agec a également prévu des bonus et malus d’écoconception. Il s’agit notamment de valoriser les critères de performance environnementale, comme la durabilité et la « recyclabilité » des produits.
La feuille de route fixée à l’éco-organisme prévoit d’étudier comment mesurer et valoriser ces deux critères, puis de proposer en conséquence des bonus-malus d’ici à la fin de 2024.
Nous serons attentifs au respect de cette feuille de route, qui permettra de favoriser des produits durables et recyclables.
création d’une ferme aquacole géante en baie de vallauris golfe-juan dans les alpes-maritimes
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 431, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de l’écologie.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, un projet d’extension démesuré de la ferme aquacole située dans la baie de Golfe-Juan est en cours d’instruction à la préfecture des Alpes-Maritimes.
Il est prévu de regrouper trois concessions éparses déjà existantes en une structure dont les dimensions équivaudraient à trois stades de football en surface et quinze sur le fond.
Cette gigastructure de 24 000 mètres carrés devrait faire passer la production de la ferme de 570 tonnes à 1 200 tonnes par an. Or ce projet démultiplié suscite des interrogations quant à ses conséquences sur la qualité des eaux, la biodiversité, les habitats naturels et, potentiellement, plusieurs espèces protégées.
Dès la connaissance du projet, les prud’homies des pêcheurs professionnels de Golfe-Juan, d’Antibes et de Cannes ont lancé l’alerte. Elles ont été très vite rejointes par les professionnels de la mer, la municipalité de Vallauris Golfe-Juan, les plaisanciers et les riverains dans une opposition, non pas à l’aquaculture, mais à ce projet pharaonique.
Nous étions encore sur site vendredi dernier et nous sommes nombreux à nous inquiéter de cette extension piscicole. Nous craignons en effet des conséquences écologiques qui seraient désastreuses et qui contreviendraient aux impératifs de protection découlant du classement de la baie de Golfe-Juan en zone Natura 2000, mais également des conséquences sur l’attractivité touristique et sur la sécurité de la circulation maritime.
Alors que l’enquête publique est en cours, le maire de Vallauris se sent spectateur, malgré lui, d’un projet d’implantation pourtant rejeté par la population et auquel il n’a même pas été associé en amont. L’État se prononcera-t-il concrètement contre cette autorisation ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Philippe Tabarot, je tiens tout d’abord à vous préciser de nouveau que l’enquête publique menée dans le cadre de la procédure de concession sur le domaine public maritime est achevée depuis le 6 février dernier.
L’enquête publique portant sur l’étude d’impact et l’autorisation environnementale se terminera de son côté le 22 février prochain.
Les décisions à prendre relèvent, vous le savez, de l’autorité du préfet de département. À l’issue de l’ensemble des procédures liées au projet, et dans le cas où il serait donné droit à la demande de création du nouveau site, les autorisations devront être assorties de prescriptions environnementales permettant de respecter les écosystèmes marins.
L’instruction par les services de l’État permet de s’assurer que le projet peut se développer en conformité avec les objectifs de conservation, mais également en cohérence avec le schéma régional de développement de l’aquaculture marine et le document stratégique de façade Méditerranée, dont le plan d’action a été adopté par les préfets coordonnateurs le 28 avril 2022.
Le périmètre de 24 000 mètres carrés que vous évoquez correspond au périmètre balisé des amarrages de surface des cages. Le volume de 1 200 tonnes correspond au tonnage total de la production espérée par l’entreprise, sur l’ensemble de son parc aquacole du littoral des Alpes-Maritimes.
Le projet est implanté dans un secteur identifié depuis 2015 comme propice, dans le schéma régional de développement de la loi de l’aquaculture marine.
Il prévoit, en compensation, la fermeture de trois sites existants, qui représentent une surface totale de 6 000 mètres carrés et un potentiel total de production de 400 tonnes par an.
L’État joue donc pleinement son rôle afin de garantir le respect de toutes les exigences environnementales. En outre, des échanges ont lieu régulièrement entre l’État, le préfet et ses services, les collectivités et les acteurs concernés.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Monsieur le ministre, votre réponse est inquiétante. Je le regrette, au regard de la démesure prévisible des rejets de la pisciculture.
Ce projet détruirait des années d’efforts pour préserver la faune et la flore marines méditerranéennes. Vous allez, semble-t-il, le cautionner.
projet de quartier charenton-bercy
Mme le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 424, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, un terrain de dix hectares de friches industrielles sépare actuellement Paris et sa banlieue est, au niveau de la commune de Charenton-le-Pont, dont je salue le maire, présent en tribunes.
En 2016, un contrat d’intérêt national a été signé, par lequel la Ville de Charenton-le-Pont, l’État, l’établissement public territorial Paris Est Marne et Bois, Grand Paris Aménagement et la SNCF s’engageaient à conduire un travail collaboratif devant déboucher sur la création d’un quartier destiné à gommer, enfin, cette fracture urbaine.
Un projet partenarial d’aménagement a été signé et, au terme de l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris », que vous connaissez bien, Bouygues Immobilier a été désigné lauréat, en 2018, de ce projet métropolitain.
Plus de 1,6 million d’euros ont, d’ores et déjà, été dépensés en études. Il s’agit de réaliser un programme très important comprenant 1 600 logements, dont 30 % de logements sociaux, des logements affectés à des catégories particulières – jeunes et étudiants, notamment –, des bureaux, des commerces, des hôtels, des équipements publics avec, à la clef, la création de 15 000 emplois.
L’objectif est évidemment de redynamiser une partie de ce territoire en déclin et de réduire la coupure urbaine due aux entreprises ferroviaires entre Charenton nord et sud, tout en respectant les exigences de la SNCF.
Nous en sommes aujourd’hui au dépôt du permis de construire. Il faut donc que la SNCF formalise son accord, une partie importante du projet étant assise sur les fonciers en sursol des voies de chemin de fer. La SNCF a, du reste, été totalement associée à l’instruction du projet.
Or, en dépit d’un accord passé au début de 2022 – en présence du préfet de région, excusez du peu ! –, la SNCF vient de faire volte-face de manière assez cavalière, en proposant de décaler le permis de construire de deux à trois ans, au motif qu’elle a des études complémentaires à mener.
Monsieur le ministre, après six ans de négociations, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour ramener la SNCF à la raison et, ainsi, offrir une opportunité de restructuration à l’un des derniers grands terrains de la métropole ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Je salue à mon tour M. le maire de Charenton-le-Pont.
Monsieur le sénateur Christian Cambon, le projet Charenton-Bercy est une opération d’aménagement de grande ampleur, qui s’inscrit dans le cadre de l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris ».
Il prévoit la création d’un quartier mixte, composé de 1 600 logements, dont 30 % de logements sociaux. Vous imaginez à quel point le ministre de la ville et du logement y est, lui aussi, attaché.
Ce projet permet aussi une nouvelle couture urbaine entre Charenton-le-Pont et la ville de Paris, un désenclavement nécessaire et une requalification du secteur, en écho au projet parisien Bercy-Charenton.
Ces dernières années, le soutien de l’État à ce projet s’est manifesté en particulier par la prise d’initiative de Grand Paris Aménagement, par la signature, en 2016, d’un contrat d’intérêt national et par la qualification, en 2021, en grande opération d’urbanisme.
Le programme immobilier de l’opération se développe sur une dalle à réaliser en surplomb de fonciers de la SNCF. Le dépôt de permis de construire de Bouygues Immobilier requiert en effet l’autorisation de la SNCF, en qualité de propriétaire d’une partie des volumes fonciers.
La SNCF se préoccupe à juste titre des impacts du projet sur l’exploitation ferroviaire, à terme et pendant la phase de travaux, en particulier compte tenu des fonctionnalités de la base de maintenance de l’axe Paris-Sud-Est.
Indépendamment des besoins d’exploitation, le projet doit également composer avec la réalisation de voies de fret pour le futur hôtel logistique parisien, qui crée de fortes contraintes.
Soyez certain que ce projet est suivi avec attention par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, mais aussi par mon propre ministère délégué à la ville et au logement, ainsi que par le préfet de la région d’Île-de-France, en lien avec l’ensemble des parties prenantes.
Au cours des dernières semaines, un important travail technique a été réalisé, en association étroite avec la SNCF, en vue de trouver un compromis. À ce stade les discussions se poursuivent avec le ministre Christophe Béchu et mes équipes. Les principaux acteurs du dossier seront réunis prochainement.
Mme le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour la réplique.
M. Christian Cambon. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre détermination et de votre action en vue de débloquer cette opération, dont l’Est parisien a bien besoin.
contrôle technique des deux-roues
Mme le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, auteur de la question n° 352, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le ministre, en 2014, l’Union européenne avait adopté une directive de contrôle des véhicules motorisés de cylindrée supérieure à 125 centimètres cubes, avec l’objectif affiché de diviser par deux en dix ans le nombre de morts sur les routes.
Le contrôle technique pour les deux-roues devait ainsi, selon une obligation européenne, s’appliquer au plus tard au 1er janvier 2022, mais le Gouvernement a décidé à juste titre, par un décret en date du 25 juillet 2022, de reporter cette obligation à 2023.
Or, le 31 octobre 2022, le Conseil d’État a annulé ce décret pour excès de pouvoir. Dans sa décision, il précise toutefois que la transposition effective de cette directive peut faire l’objet de mesures d’application différenciées.
Ainsi, le Gouvernement bénéficie encore d’une marge de manœuvre dans l’élaboration de ce contrôle.
Rappelons que, en France, le pourcentage d’accidents des deux-roues qui sont liés à des défaillances techniques n’est que de 0,3 %. Tout le monde comprendra alors que le contrôle technique obligatoire n’est absolument pas une solution pertinente.
Monsieur le ministre, dans ce contexte européen coercitif, comment comptez-vous ne pas imposer le contrôle technique des deux-roues, tout en prenant en compte les remarques du Conseil d’État, qui permettraient d’assouplir cette règle ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, la directive européenne 2014/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques prévoit en effet qu’un contrôle technique périodique des véhicules à deux roues motorisés de cylindrée supérieure à 125 centimètres cubes soit mis en place à partir du 1er janvier 2022, sauf si les États membres peuvent démontrer qu’ils ont mis en place des « mesures alternatives de sécurité routière », en tenant compte notamment des statistiques pertinentes en matière de sécurité routière pour les cinq dernières années.
Comme d’autres pays européens l’ont fait, le Gouvernement a privilégié la mise en place de mesures alternatives, en lieu et place de l’instauration du contrôle technique.
Cependant, à la suite de plusieurs procédures contentieuses engagées par des associations environnementales, le Conseil d’État a jugé que de telles mesures ne pouvaient « qu’être regardées comme trop ponctuelles et manifestement insuffisantes pour assurer efficacement la sécurité des usagers ». Le Gouvernement a donc pris acte de la décision du Conseil d’État.
Toutefois, il faut souligner que cette décision ne conduit pas à une entrée en vigueur immédiate du contrôle technique, compte tenu de la nécessité de publier préalablement des textes d’application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique des véhicules motorisés à deux ou trois roues et quadricycles à moteur.
En vue de déterminer les modalités de mise en œuvre de ce contrôle, le ministre chargé des transports a lancé, en novembre dernier, une consultation des associations de motards, des associations environnementales et des représentants des professionnels du contrôle technique. L’objectif est d’identifier une solution acceptable pour tous, dans le respect de la réglementation européenne.
Le Gouvernement veillera à tenir la représentation nationale informée des résultats de ces échanges.
Mme le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le ministre, d’autres solutions doivent encore être trouvées. Les motards sont prêts à travailler avec vous pour les renforcer.
demande de précisions sur le financement des lignes à grande vitesse dans le département de l’aude
Mme le président. La parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la question n° 377, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Sebastien Pla. Monsieur le ministre, par l’arrêté du 31 décembre 2022 établissant la liste des communes mentionnée à l’article 1609 H du code général des impôts et instaurant une taxe spéciale d’équipement pour contribuer au financement du « grand projet ferroviaire du Sud-Ouest » (GPSO), vous infligez une double peine à quatre-vingt-huit communes de l’agglomération de Carcassonne, des communautés de communes de Castelnaudary Lauragais Audois et de Piège-Lauragais-Malepère.
En effet, les élus audois du conseil départemental, de ces agglomérations et communautés de communes, se sont déjà engagés à participer au financement de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP).
Ce chaînon manquant est absolument prioritaire pour notre écosystème économique. Il est aussi d’un intérêt européen majeur.
Monsieur le ministre, je vous invite, si vous le souhaitez, à prendre avec moi la ligne à grande vitesse à Perpignan. Vous verrez que nous irons plus vite pour rallier Madrid que pour venir ici, au Sénat ! C’est dire l’importance de ce projet.
Voilà que le Gouvernement nous impose aujourd’hui de participer au bouclage financier du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest, alors même que nous ignorons à quelle échéance et dans quelles conditions la liaison Toulouse-Narbonne verra le jour.
En quelque sorte, monsieur le ministre, vous nous proposez de payer pour voir. Je déplore que, avant la promulgation dudit arrêté, le ministère des transports ait ignoré mes nombreuses alertes, ainsi que celles des élus locaux, sur le risque induit par le choix du mode de calcul de la participation financière.
La facture risque en effet d’être salée pour les communes situées à moins de soixante minutes d’une gare desservie par une future ligne à grande vitesse.
Ce dispositif, qui place l’Ouest audois dans l’obligation de financer les deux projets de ligne à grande vitesse, ressemble à une double peine.
Si je souscris parfaitement au montage collectif du financement des grands équipements structurants, en faisant appel à la participation des collectivités locales concernées, je ne peux accepter cette injustice qui vient frapper des collectivités certes volontaires, mais aux moyens limités.
Monsieur le ministre, pouvez-vous prendre l’engagement que des ajustements seront proposés afin d’éviter que les habitants comme les entreprises de ce territoire ne soient doublement assujettis au financement des grandes infrastructures ferroviaires ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Sebastien Pla, afin d’alléger la contribution budgétaire des collectivités territoriales dans le financement du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest, une taxe spéciale d’équipement a été instituée dans la loi de finances pour 2022 dans les communes situées à moins de soixante minutes en voiture des gares desservies par le projet.
Certaines communes de l’Ouest audois sont concernées par cette taxe. Sur l’initiative des collectivités territoriales, des amendements à la loi de finances pour 2023 ont été adoptés par le Sénat et viennent compléter ce dispositif, en instituant notamment une taxe additionnelle à la taxe de séjour affectée au financement du GPSO, mais également de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan à partir de 2024.
Ce dispositif distingue un périmètre pour chacun des deux projets. Ainsi, les recettes perçues à ce titre dans le département de l’Aude bénéficient à la seule Société de la LNMP.
Certains contribuables de l’Ouest audois, qui habitent à moins de soixante minutes de Toulouse, sont donc assujettis à la taxe spéciale d’équipement fléchée vers le GPSO.
Les visiteurs et touristes de ces territoires seront, quant à eux, concernés par la taxe additionnelle à la taxe de séjour au titre de la LNMP.
Néanmoins, les contribuables de l’Ouest audois ne sont pas davantage imposés que leurs homologues concernés par ces taxes. L’est de la Haute-Garonne et l’Ouest audois sont soumis à la même fiscalité, si ce n’est que la surtaxe de séjour est perçue au profit de la LNMP dans l’Aude et au profit du GPSO dans la Haute-Garonne.
Mme le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.
M. Sebastien Pla. Monsieur le ministre, nous ne parlons pas de la même chose. La taxe additionnelle à la taxe de séjour est payée par les touristes qui visitent le territoire, alors que la taxe d’équipement l’est par les contribuables locaux.
Les touristes payeront certes la taxe dans toutes les parties du territoire départemental, mais dans l’Ouest audois, les contribuables et les entreprises subiront, du fait de la taxe locale d’équipement, une double imposition.
taxe spéciale d’équipement grand projet ferroviaire sud-ouest
Mme le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 383, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, ma question porte également sur la taxe spéciale d’équipement grand projet ferroviaire Sud-Ouest, introduite par le Gouvernement dans la loi de finances pour 2022 afin de financer l’aménagement des lignes à grande vitesse (LGV) entre Bordeaux et Toulouse, d’une part, et Bordeaux et Dax, d’autre part.
Ce n’est qu’à la publication de l’arrêté du 31 décembre 2022 établissant la liste des communes mentionnée à l’article 1609 H du code général des impôts que nombre d’entre elles ont appris qu’elles étaient concernées.
Dans mon département, cette taxe s’appliquera dans soixante-sept communes, au motif qu’elles sont situées, comme les 2 340 autres, à soixante minutes en véhicule d’une gare desservie par la LGV.
Si vous êtes à soixante et une minutes, vous y échappez. Quelle logique d’équité !
Il suffit de connaître les conditions de circulation aux abords de la métropole bordelaise : pour les habitants de nombre de ces communes, rallier Bordeaux en moins de soixante minutes est quasiment mission impossible !
Cette mesure a révolté les élus, qui sont mobilisés depuis plusieurs années contre les nuisances causées auprès des riverains par la LGV Sud-Europe-Atlantique, sans parler de l’absence de travaux de maintenance – toujours pas financés – sur l’axe Nantes-Bordeaux, qui est responsable d’un allongement des temps de parcours et d’une moindre qualité de service.
Alors que la fracture territoriale est une réalité, en matière de mobilité, dans les territoires ruraux et périphériques des métropoles, vous comprendrez aisément les réactions provoquées par cette mesure.
Après la crise sanitaire, un contexte international incertain, un taux d’inflation qui obère les finances des ménages, ce prélèvement supplémentaire pèsera sur les propriétaires et sur les entreprises. C’est inadmissible et inéquitable !
En conséquence, monsieur le ministre, quelles réponses pouvez-vous apporter aux élus, aux administrés et aux entreprises, qui devront payer pendant quarante ans une taxe annuelle estimée, pour le moment, entre 4 et 8 euros ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, à la demande des régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, le Gouvernement a créé par ordonnance, en application de l’article 4 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, la Société du Grand Projet du Sud-Ouest, établissement public local visant à faciliter le financement de ce projet par les collectivités, via la mobilisation de ressources fiscales dédiées.
Comme vous l’indiquez, afin d’alléger la contribution budgétaire des collectivités territoriales, et sur l’initiative de ces dernières, une taxe spéciale d’équipement a été instituée au profit de ladite société par la loi de finances pour 2022, à hauteur de 24 millions d’euros, dans les communes situées à moins de soixante minutes en voiture des gares desservies par le projet.
Ce dispositif a par ailleurs été conforté et complété par un amendement sénatorial dans la loi de finances pour 2023.
L’arrêté du 31 décembre 2022 vient permettre la mise en œuvre de ces dispositions législatives, en précisant la liste des communes assujetties, conformément à la méthodologie prévue par la loi de finances pour 2022, et donc connue depuis plus d’un an.
De ce fait, les contribuables de certaines communes de Charente-Maritime situées à moins de soixante minutes de la gare de Bordeaux sont assujettis à cette taxe.
Il convient toutefois de souligner que le dispositif prend en compte le contexte actuel, en limitant l’effort financier des contribuables.
La société du GPSO a en particulier indiqué que le montant de la taxe pour le propriétaire d’un bien d’une valeur locative de 1000 euros serait de moins de 3,5 euros en 2023.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.
M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, ce dispositif est injuste ! Au sein d’un même territoire, nous sommes tous égaux et devons profiter des mêmes équipements.
Il revient à l’État et aux collectivités, auprès de qui nous payons des impôts, d’entreprendre ces investissements. Cibler des contribuables de territoires situés à moins de soixante minutes d’une gare est déconnecté de la réalité. Je vous remercie d’en tenir compte.
travaux d’aménagement sur la ligne « trains d’équilibre du territoire » paris-nevers
Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, auteur de la question n° 46, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur la situation de la ligne « trains d’équilibre du territoire » (TET) Paris-Clermont-Ferrand, qui dessert la gare de Nevers, dans la Nièvre.
Les trains au départ de Nevers et en direction de Paris n’ont pas d’itinéraire de substitution, sauf à être détournés vers Saincaize depuis Nevers, ce qui occasionne une heure de trajet supplémentaire a minima, pour éviter le secteur de Moret-sur-Loing, en Seine-et-Marne, qui constitue un véritable goulet d’étranglement.
Sur ce tronçon très précisément, les installations ferroviaires peuvent permettre, en cas de besoin, la circulation d’un train en sens contraire, sous réserve d’une procédure manuelle peu performante en matière de débit.
Sur ce même tronçon, les trains TET subissent le trafic des trains de banlieue, qui ne peuvent être dépassés, sauf lorsqu’ils sont en gare.
Ces constats appellent la nécessité de procéder à des aménagements de voies à Moret-sur-Loing, notamment pour améliorer l’insertion des trains qui desservent la Nièvre.
Par ailleurs, en raison de la saturation du trafic en gare de Lyon, les trains qui desservent la Nièvre ont depuis de nombreuses années maintenant comme gare de départ ou terminus la gare de Paris-Bercy.
Face aux limites des infrastructures existantes, une amélioration du trafic serait souhaitable par la création d’un saut-de-mouton.
Ces travaux, réalisables sans interruption du trafic, seraient de nature à limiter fortement le phénomène des retards en cascade, qui affecte l’ensemble des trains circulant sur cette ligne.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Nadia Sollogoub, je vous confirme que la modernisation de la ligne Paris-Clermont-Ferrand fait partie des réalisations prioritaires de l’État en matière de modernisation de lignes existantes.
En plus du comité de suivi annuel, le ministre des transports a ainsi lancé le 15 septembre dernier un groupe de travail pour suivre l’amélioration de la qualité de service sur cette ligne.
L’infrastructure de la ligne fait l’objet, depuis plusieurs années, d’investissements importants dans le cadre du schéma directeur de la ligne approuvé par l’État.
En premier lieu, un programme de régénération de l’axe, pour lequel SNCF Réseau investira 760 millions d’euros jusqu’en 2025 est lancé : la trajectoire prévisionnelle est aujourd’hui tenue, malgré la crise sanitaire.
Par ailleurs, un programme de modernisation à hauteur de 130 millions d’euros, cofinancé par l’État et la région Auvergne-Rhône-Alpes, est en préparation.
Enfin, le schéma directeur prévoit également l’arrivée de nouveaux matériels roulants, qui représentent un investissement de 250 millions d’euros pour les rames qui circuleront sur cette ligne.
Ces investissements permettront une amélioration de la robustesse d’exploitation sur l’ensemble de la ligne Paris-Clermont-Ferrand, y compris pour la desserte de la Nièvre.
Comme vous le savez, la programmation pluriannuelle des investissements dans le domaine des transports est en cours d’actualisation. Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, préparé à cet effet, sera prochainement remis à Mme la Première ministre.
Le financement et les conditions de poursuite des études jusqu’à l’enquête publique pourront être discutés avec les cofinanceurs du projet, en particulier la région d’Île-de-France.
Mme le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le ministre, j’ai connaissance des travaux qui sont prévus.
Vous évoquez le changement des rames ; je vous parle quant à moi de la saturation de la ligne, d’autant plus que des trains express régionaux (TER) desservent également la ligne Cosne-Paris.
Dans la Nièvre, les usagers qui font tous les jours le trajet vers Paris depuis Cosne ou Nevers sont excédés. Les dysfonctionnements sont maintenant quotidiens et la situation devient totalement insupportable. Il faut absolument en tenir compte ! (M. le ministre délégué acquiesce.)
Ces personnes n’ont d’autre solution à présent que de prendre la voiture. Finalement, les trains d’équilibre du territoire sont des trains déséquilibrés, qui déséquilibrent nos territoires !
responsabilité des maires et des collectivités en matière d’éclairage public
Mme le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet, auteure de la question n° 418, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.
Mme Annick Jacquemet. Monsieur le ministre, ma question porte sur la responsabilité des maires et des communes en cas d’agression de personnes, d’accident et d’atteinte aux biens à la suite d’une interruption volontaire de l’éclairage public.
Je viens de terminer un rapport pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la pollution lumineuse, dont les conclusions invitent notamment les maires à produire un effort de sobriété lumineuse et énergétique raisonné en matière d’éclairage public.
Plusieurs raisons légitimes peuvent être invoquées pour justifier une telle recommandation, à commencer par les défis liés à la transition écologique : dans notre pays en effet, le seul éclairage public émet 670 000 tonnes de CO2 par an.
Ensuite, les préoccupations sur la santé publique – en particulier chez les enfants et les jeunes adultes – ou sur la biodiversité, en raison notamment de l’utilisation des lampes électroluminescentes (LED), sont réelles.
Enfin, l’éclairage public représente en moyenne 41 % de la consommation électrique des communes. Dans le contexte de crise énergétique actuel et compte tenu de la flambée des coûts de l’électricité, la modulation de l’éclairage public constitue pour elles une source d’économie budgétaire importante.
De nombreux élus, d’ores et déjà sensibilisés à ces enjeux, ont commencé à agir. Près de 12 000 communes ont ainsi fait le choix de réduire, voire de supprimer l’éclairage public la nuit.
Le problème est que, aujourd’hui, ces 12 000 maires prennent potentiellement des risques : en l’état actuel du droit, ils ne sont pas suffisamment protégés.
En effet, même si le juge administratif admet que chaque maire peut fixer volontairement des horaires d’extinction partielle ou totale des éclairages la nuit, sa responsabilité est susceptible d’être engagée en l’absence d’un cadre législatif et réglementaire clair.
Ainsi, au regard des enjeux évoqués et de l’inquiétude des maires concernés, quelles sont, monsieur le ministre, les intentions du Gouvernement pour définir ce cadre législatif et réglementaire autour de cette question et dans quels délais ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Annick Jacquemet, le professeur de physique-chimie, grand amateur d’astronomie que je suis, confirme l’intérêt de lutter contre les pollutions lumineuses !
Le juge administratif examine au cas par cas si l’absence ou l’insuffisance d’éclairage public est constitutive d’une carence du gestionnaire de voirie et/ou du maire, susceptible d’engager la responsabilité administrative des collectivités concernées.
Au-delà de l’intervention du juge administratif, la carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police peut aussi conduire à la constitution d’infractions susceptibles d’engager sa responsabilité pénale, même si le risque paraît limité.
En effet, si l’absence d’éclairage public était considérée comme directement à l’origine du dommage, la responsabilité du maire ne serait susceptible d’être engagée qu’à la condition qu’il n’ait pas accompli les diligences dites « normales » au sens de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.
Lorsque le dommage est indirect, la responsabilité pénale du maire ne peut être mise en œuvre sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal qu’en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, ou de faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité que le maire ne pouvait ignorer.
Par conséquent, les infractions d’homicide ou de blessures involontaires et de mise en danger délibérée de la vie d’autrui ne seraient susceptibles d’être caractérisées que s’il apparaissait que le maire s’était délibérément abstenu d’identifier les risques d’accident et de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la circulation sur la voie publique.
Compte tenu de cet état du droit qui lui paraît équilibré, le Gouvernement ne compte pas faire évoluer le cadre juridique des responsabilités administratives et pénales des maires et des collectivités territoriales en matière d’éclairage public.
annulations de rendez-vous médicaux
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 349, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Chantal Deseyne. Ma question porte sur l’augmentation importante du nombre d’annulations de rendez-vous médicaux à la dernière minute, au détriment du temps médical destiné à la population, et ce dans un climat de tensions et de difficultés dans l’accès aux soins.
Chaque année, près de 27 millions de rendez-vous ne sont pas honorés. C’est insupportable pour les médecins, mais aussi pour les patients qui en attendent un.
L’article R. 4127-53 du code de la santé publique dispose que les honoraires « ne peuvent être réclamés qu’à l’occasion d’actes réellement effectués ». C’est la raison pour laquelle il est interdit de facturer des honoraires de consultation, si le patient ne se présente pas au rendez-vous.
Pourtant, dans des conditions strictes, on pourrait imaginer que le service de réservation, et non celui de la consultation, puisse faire l’objet d’une facturation afin de dissuader ces incivilités, qui ne sont pas sans conséquence.
Une régulation financière pourrait être mise en place avec l’aide des plateformes de réservation. Une précision dans le code de la santé publique pourrait ouvrir la possibilité pour les professionnels de santé d’être dédommagés pour un temps médical qui leur a été soustrait.
Madame la ministre, sur la base de cette proposition, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement pour résoudre ce problème.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous appelez mon attention sur l’augmentation importante du nombre d’annulations de rendez-vous médicaux à la dernière minute, voire sans prévenir, au détriment du temps médical, et ce dans un climat de tensions sur l’offre de santé et de difficultés d’accès aux soins. Mes nombreux déplacements de terrain me permettent de confirmer ce constat.
Je partage donc votre préoccupation face à ces créneaux bloqués en vain, qui conduisent à gâcher du précieux temps médical, alors que certains de nos concitoyens peinent à obtenir un rendez-vous lorsqu’ils en ont réellement besoin.
À l’occasion de ses vœux aux acteurs de la santé, le Président de la République a pris position sur ce sujet et a annoncé qu’un travail serait engagé avec l’assurance maladie « pour supprimer cette perte sèche de temps médical » et « responsabiliser les patients lorsqu’un rendez-vous ou plusieurs ne sont pas honorés ou lorsqu’il y a des recours abusifs à des soins non programmés ».
C’est dans cette logique de responsabilité collective, de droits et de devoirs partagés, que le ministère de la santé et de la prévention œuvre de manière prioritaire à sensibiliser la population à cet enjeu qui nous concerne tous.
Aussi, avant d’envisager une pénalisation financière de ces patients, il nous faut arriver à objectiver avec davantage de précision le volume de rendez-vous médicaux non honorés – on parle de 28 millions, mais rien n’est moins sûr, même si le constat est clair. Malheureusement, à l’heure actuelle, nous manquons de données précises et partagées entre tous les acteurs.
Une fois cet état des lieux établi, nous pourrons envisager de nouveaux leviers pour réduire ce phénomène en lien avec toutes les parties prenantes.
En tout cas, je veux dire à nos concitoyens que le temps médical est précieux et que, s’ils prennent un rendez-vous, ils doivent le respecter.
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Je vous remercie, madame la ministre, de vous pencher sur ce problème.
Il est inacceptable, surtout dans un moment de tensions dans l’accès aux soins et de pénurie de médecins, que certains de nos concitoyens omettent d’annuler leurs rendez-vous médicaux.
Je compte sur le Gouvernement pour mettre en place un dispositif permettant de responsabiliser les patients et de les éduquer.
recrutement de médecins généralistes étrangers dans les alpes-maritimes en zone sous-dense
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Demas, auteure de la question n° 379, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Patricia Demas. Madame la ministre, le maire de la commune de Puget-Théniers dans mon département des Alpes-Maritimes a identifié depuis déjà quelques mois, via le conseil départemental, une médecin de nationalité marocaine dont l’installation permettrait de lutter contre la désertification médicale qui frappe son territoire.
Cette jeune médecin, qui a obtenu son diplôme dans l’Union européenne, en Espagne précisément, il y a quelques années, a effectué un stage en France et maîtrise parfaitement notre langue. De plus, elle a exprimé le souhait de s’installer dans ce territoire rural.
Or le temps passe et le parcours administratif pour valider sa venue devient long. Celle-ci pourrait même finir par être compromise.
Naturellement, la vérification des compétences est un absolu préalable, mais l’information sur les documents à produire et la procédure à suivre ne semblent pas suffisamment connues.
Par ailleurs, les délais de vérification des documents semblent anormalement longs.
Il en va ainsi de l’obtention de titres de séjour en préfecture, encore que la possibilité de demander et d’obtenir rapidement un passeport talent soit, en théorie, désormais ouverte.
Il en va surtout de la certification par le centre national de gestion (CNG), dont les délais d’instruction sont anormalement longs, sans que l’on puisse comprendre ce qui les justifie.
Alors que les mesures mises en place par le Gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux tardent à produire des effets, il est regrettable que ces lenteurs et obstacles de nature administrative pénalisent l’installation rapide d’un médecin, jusqu’à parfois l’en dissuader.
Je souhaite savoir, madame la ministre, si le Gouvernement a bien pris la mesure de ces lenteurs.
Une communication permettant de mieux faire connaître les procédures ne pourrait-elle pas être envisagée pour faciliter l’action des maires ?
Une simplification des procédures et un raccourcissement des délais de traitement des candidatures par le CNG ne pourraient-ils pas être prévus dans l’intérêt des collectivités en manque cruel de médecins généralistes, ce qui est particulièrement le cas en zone rurale ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, l’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme étranger, que celui-ci soit délivré par un pays membre de l’Union européenne ou non, est un enjeu individuel pour les intéressés, mais aussi une mesure permettant de garantir le maintien d’une offre de soins dans de nombreux territoires.
La seule voie d’accès à l’autorisation d’exercice pour les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) est la réussite aux épreuves de vérification des connaissances (EVC). Organisées annuellement par le CNG, elles sont anonymes et permettent de s’assurer des acquis fondamentaux et des connaissances pratiques.
Les lauréats doivent ensuite réaliser un parcours de consolidation des compétences de deux années en établissement pour obtenir l’autorisation de plein exercice, salarié ou libéral.
Pour obtenir de plus amples informations sur ces procédures, les Padhue et les élus peuvent se rapprocher des agences régionales de santé (ARS). Elles sauront leur préciser les documents à réunir et pourront s’assurer que les médecins remplissent les conditions pour se présenter aux épreuves.
Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, qui sera prochainement examiné par le Parlement, il est envisagé de créer, dans le prolongement du passeport talent, une carte de séjour pluriannuelle pour les professions médicales et de la pharmacie.
Cela permettrait aux Padhue qui ne remplissent pas encore la condition de l’obtention des EVC et qui s’engagent à les passer, mais qui satisfont aux critères nécessaires à l’obtention d’une attestation d’exercice provisoire, de venir exercer en France sans attendre et pour une durée limitée. Ce serait une mesure concrète pour des praticiens qui se trouvent empêchés, par cette seule exigence, de venir exercer en France.
Ce dispositif, avantageux, de la carte de séjour pluriannuelle talent constituerait un levier d’attractivité. Il permettrait de fluidifier les parcours d’accès à l’exercice et de répondre à nos besoins de court terme en matière de professionnels de santé.
avancement du projet de création d’un centre hospitalier universitaire régional en guyane
Mme le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 416, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Georges Patient. Ma question s’adresse au ministre de la santé et de la prévention à qui j’ai déjà adressé un courrier à ce sujet, courrier demeuré sans réponse à ce jour.
Aussi, madame la ministre, je viens une fois de plus alerter le Gouvernement et le sensibiliser sur l’état d’avancement du projet de centre hospitalier universitaire (CHU) de Guyane. En effet, l’objectif initial d’ouverture fixé au 1er janvier 2025 par vos prédécesseurs semble compromis.
Il s’agit là d’une situation fort inquiétante pour la population guyanaise, qui attend, depuis trop longtemps, l’égal accès aux soins. La population guyanaise en a fait légitimement une priorité et celle-ci a été actée dans les accords de Guyane de 2017.
Le Gouvernement a pris la décision de création du CHU au mois de mars 2021, mais force est de constater que, depuis lors, le dossier n’avance guère.
Certes, on peut noter quelques avancées, mais il existe des dissensions et des blocages qui viennent freiner le bon avancement du projet et interpellent sur la réelle volonté de tous les acteurs.
Tout d’abord, le projet a été conçu sur le prérequis d’une fusion administrative entre les trois centres hospitaliers de Guyane. Celle-ci est actuellement inopérante faute de consensus. Qu’en est-il ?
Ensuite, les formations pour le personnel nécessaire au fonctionnement de cet établissement sont-elles mises en place et assurées ? Devrons-nous continuer de dépendre indéfiniment de la réserve sanitaire ?
Plus inquiétante encore est la question du financement des nombreux chantiers immobiliers, notamment à Cayenne et à Kourou, et du matériel nécessaire pour la mise en place de ce CHU.
D’après certaines estimations, les besoins s’élèveraient à 800 millions d’euros. À ce jour pourtant, rien n’a été arrêté. Eu égard à la configuration du territoire, au dynamisme démographique et à l’effort massif de rattrapage qui doit être réalisé, ce montant doit être alloué à la Guyane, à l’instar de ce qui a pu être fait pour d’autres territoires.
Madame la ministre, le Gouvernement entend-il en faire bénéficier la Guyane ? Quand ce montant se matérialisera-t-il ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, le ministre de la santé et de la prévention François Braun regrette de ne pouvoir être présent ce matin. Il m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.
Comme vous le soulignez, ce projet ambitieux, en matière tant d’offre de soins que de formation et de recherche, reposera sur quatre piliers : les trois hôpitaux de Guyane et le réseau des centres départementaux de prévention et de santé (CDPS).
La première étape de ce projet consiste en la création de trois hôpitaux de proximité, à Maripasoula, Grand-Santi et Saint-Georges-de-l’Oyapock.
Cette première étape a grandement mobilisé les équipes qui, malgré l’épidémie de covid-19, ont pu présenter en 2022 les trois projets aboutis, lesquels ont ensuite fait l’objet de concertations nourries.
Les autorisations de médecine ont été délivrées. Ces nouveaux hôpitaux, pour lesquels des travaux et recrutements sont en cours, pourront ouvrir cette année.
C’est une avancée réelle pour les populations de ces territoires. Elles pourront être hospitalisées, pour de courts séjours de médecine, au plus près de chez elles et bénéficieront d’une offre de radiologie et de biologie de proximité.
La deuxième étape, la plus structurante pour l’avenir, est en cours. C’est celle de l’« universitarisation » des hôpitaux du territoire et de l’intégration du projet médical, de formation et de recherche des établissements. C’est ce projet qui sera le ciment des différents sites, réunira les équipes et les fera coopérer au mieux. Dans la construction de ce projet, il est également nécessaire de séquencer les étapes.
Le sujet du chantier administratif interviendra dans un second temps, une fois le projet finalisé, et au service de celui-ci. Il en va de même pour les projets d’investissement complémentaires à ceux qui sont en cours, lesquels sont non un préalable, mais des moyens de concrétiser le projet, une fois celui-ci abouti.
Les équipes sont pleinement à l’œuvre et les premières orientations médicales et de recherche semblent partagées par tous. Aussi, le ministre de la santé et de la prévention et moi-même sommes confiants dans la capacité à aboutir à un projet de territoire permettant d’engager la dynamique d’universitarisation à l’horizon 2025. Je veux aussi saluer l’engagement personnel sur ce dossier du président de la collectivité territoriale de Guyane, Gabriel Serville.
abattement de cotisations sociales pour les établissements et services médico-sociaux publics
Mme le président. La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 422, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
M. Alain Milon. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’inégalité de traitement dont sont victimes les établissements publics de santé et les établissements et services médico-sociaux (ESMS) publics en matière d’abattement pérenne de cotisations sociales.
Les pouvoirs publics ont décidé depuis 2019 d’accorder un abattement pérenne de cotisations sociales à l’ensemble des opérateurs privés. Cet abattement de cotisations représente une réduction du coût salarial d’environ 8 %, particulièrement stratégique dans le secteur de la santé et de l’autonomie où la masse salariale représente jusqu’à 90 % des coûts.
Pour autant, le Gouvernement a décidé d’en exclure les établissements publics de santé et les ESMS publics.
Or, si, dans le champ sanitaire, les établissements privés ont vu leurs tarifs réduits en compensation de la baisse des cotisations, rien de tel ne s’est produit dans le secteur médico-social.
Au moment où les errements de certains groupes privés qui bénéficient de ces abattements de cotisations sociales ont été mis au jour, il paraît impensable de continuer à taxer plus lourdement les établissements publics, dont les budgets sont intégralement contrôlés par les agences régionales de santé et les conseils départementaux.
Afin de mettre fin à cette inégalité de traitement et permettre aux ESMS publics de se moderniser et de recruter le personnel indispensable à la qualité de l’accompagnement des usagers, quelles dispositions le Gouvernement entend-il mettre en œuvre et dans quel délai ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, la réduction de six points du taux de cotisation d’assurance maladie que vous évoquez est applicable depuis le 1er janvier 2019 aux entreprises du secteur privé.
Elle s’est substituée au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Or les établissements publics ne bénéficiaient pas du CICE, puisqu’ils ne sont pas redevables de l’impôt sur les sociétés.
La création de cette réduction n’a donc eu aucun effet sur l’équilibre de l’imposition sociale et fiscale entre les établissements publics et les établissements privés.
De manière générale, le secteur public ne bénéficie pas des mêmes dispositifs d’exonérations que le secteur privé, puisqu’il n’est pas soumis au même régime de prélèvement. Par nature, les établissements de ce secteur sont, pour la plus grande part, financés par des ressources publiques. Il n’est pas possible de leur appliquer des raisonnements propres au secteur concurrentiel.
Élargir le bénéfice du bandeau maladie de six points aux ESMS publics reviendrait indirectement à augmenter le financement de ces structures par l’assurance maladie, en diminuant des cotisations qui reviennent directement à cette branche. Le canal des exonérations de cotisations sociales n’est donc pas le plus approprié.
Par ailleurs, je tiens à le rappeler, le Gouvernement est pleinement engagé dans le soutien aux ESMS. Des efforts importants ont été réalisés en ce sens.
Ainsi, le Ségur de la santé a permis un financement exceptionnel d’un total de 2,1 milliards d’euros sur la période 2021-2025 pour le soutien à l’investissement dans le secteur médico-social.
Une revalorisation de rémunération – elle est a minima de 183 euros net et est majorée pour les soignants – a été décidée au bénéfice des personnels des établissements publics de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cette revalorisation a été étendue aux autres ESMS à l’occasion de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février 2022. Les ESMS ont perçu plus de 3 milliards d’euros.
Enfin, une prime « grand âge », spécifique au secteur public, a été créée en 2020 pour 161 millions d’euros.
Mme le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Madame la ministre, le Gouvernement a souvent utilisé le Ségur de la santé comme une excuse, mais ce qui a alors été décidé ne constitue en fait qu’un rattrapage de tous les retards qui s’étaient accumulés les années précédentes.
M. Alain Milon. Il n’a pas entraîné de conséquences pour les autres établissements.
La tarification publique progresse beaucoup moins vite que la tarification privée, alors que les deux secteurs subissent la même inflation. On constate donc une fragilisation majeure de l’offre médico-sociale publique.
Je conclurai par une phrase qui ne vous plaira peut-être pas, madame la ministre : il est grand temps de réagir pour favoriser la « renaissance » du secteur public… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
stratégie vaccinale et prévention des infections invasives à méningocoques
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, auteure de la question n° 430, adressée à M. le ministre de la santé et de la prévention.
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, dans son dernier bilan publié le 24 janvier 2023, Santé publique France rapporte une augmentation inquiétante du nombre de cas d’infections invasives à méningocoques depuis la levée des gestes barrières en 2021, avec une nette accélération de cette augmentation sur la fin de l’année 2022, notamment chez les enfants jeunes, les adolescents et les adultes jeunes.
Derrière ces chiffres, il y a des vies humaines. De nombreux cas tragiques ont été évoqués dans la presse et plusieurs agences régionales de santé (ARS) alertent sur des situations épidémiques. Ainsi, un enfant de trois ans, scolarisé dans une école d’Angers, est décédé au mois d’octobre dernier d’une méningite de sérogroupe Y.
Cette situation épidémiologique doit conduire la Haute Autorité de santé (HAS) à revoir sa position concernant la recommandation vaccinale : elle date du mois de mars 2021, quand l’épidémiologie des maladies infectieuses était ralentie du fait des mesures barrières.
La solution existe : une simple substitution du vaccin C par un vaccin ACWY permettrait de conserver un nombre de rendez-vous et d’injections constant durant la petite enfance, mais à valences accrues, sans travail supplémentaire pour les professionnels de santé vaccinateurs.
Il existe trois vaccins ACWY, mais ils ne sont à ce jour ni recommandés ni remboursés pour l’ensemble des enfants. Or il est nécessaire d’assurer la prise en charge de ces vaccins par la solidarité nationale dans un but de réduction des inégalités sociales de santé.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement au sujet de ces vaccins tétravalents ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, la situation épidémiologique des infections invasives à méningocoques fait l’objet d’une surveillance en temps réel et d’une vigilance élevée de la part du ministère de la santé, de Santé publique France, du centre national de référence, ainsi que de la HAS, qui est en charge des recommandations vaccinales nationales.
S’agissant des méningocoques de sérogroupe B, la vaccination de l’ensemble des nourrissons fait l’objet d’une nouvelle recommandation dans le calendrier vaccinal 2022. Elle est ainsi, depuis le mois d’avril de cette même année, prise en charge par l’assurance maladie dans les mêmes conditions que les autres vaccins.
S’agissant de la stratégie de vaccination contre les méningocoques A, C, W et Y, la HAS a rendu un avis au mois de mars 2021.
À cette époque, en l’absence d’augmentation des infections, la vaccination de l’ensemble des nourrissons par le vaccin tétravalent couvrant les souches A, C, W et Y n’a pas été recommandée.
La HAS a toutefois indiqué que, au regard de l’importante variabilité de l’épidémiologie des infections invasives à méningocoques, une vigilance particulière était nécessaire pour évaluer la pertinence d’un futur élargissement de la vaccination méningococcique.
Après plus de deux années de faible incidence, notamment liée aux mesures sanitaires mises en place durant la pandémie de covid-19, le nombre de cas d’infections connaît une nouvelle hausse depuis le mois d’octobre 2022. Les cas sont en grande majorité liés aux sérogroupes B – à hauteur de 53 % –, Y – 23 % – et W – 19 %.
En réponse à cette récente augmentation, la HAS a repris ses travaux de révision de la stratégie 2021 de vaccination contre les infections invasives à méningocoques de manière globale. Les recommandations actualisées seront mises en œuvre dès leur publication par la HAS.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Madame la ministre, je participais jeudi dernier à un colloque organisé par une association de mon département, Méningites France – Association Audrey : un représentant de Santé publique France a été très clair sur la géographie de l’épidémie et sur le fait que, contrairement à la France, la plupart des pays européens utilisaient des vaccins tétravalents.
Or la mobilité des personnes est importante en Europe, notamment celle des jeunes dans le cadre du programme Erasmus. L’utilisation d’un vaccin monovalent fait courir des risques à ces personnes et j’espère que nous pourrons trouver rapidement une solution à ce problème. (Mmes Nadine Bellurot et Florence Lassarade applaudissent.)
manque de places d’accueil pour les jeunes autistes adultes dans le département du nord
Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, auteur de la question n° 405, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, chargée des personnes handicapées.
M. Éric Bocquet. Madame la ministre, la presse régionale des Hauts-de-France s’est récemment fait l’écho des difficultés que rencontrent de nombreuses familles dont un enfant est atteint de troubles du spectre de l’autisme.
Dans le cadre de la stratégie nationale pour l’autisme 2018-2022, diverses mesures ont été mises en œuvre dans la région des Hauts-de-France.
À titre d’exemple, 999 enfants ont été intégrés au dispositif des plateformes de coordination et d’orientation et 1 184 ont bénéficié d’une prise en charge.
Ce dispositif constitue un net progrès en matière de repérage et de diagnostic pour les enfants porteurs de troubles du spectre de l’autisme, mais, lorsque ces enfants grandissent et deviennent adultes, on constate qu’il y a un manque criant de structures prêtes à les accueillir.
Pour pallier ce déficit de places, depuis 1989, l’amendement dit Creton permet aux jeunes de 18 à 20 ans de rester en instituts médico-éducatifs (IME) en l’absence d’une autre solution.
Or il apparaît que ces structures ne sont plus adaptées à leurs besoins et que d’autres enfants, plus jeunes, attendent d’être pris en charge à leur tour.
De plus, ils ne peuvent pas rester en IME au-delà de 20 ans. Leurs familles se trouvent alors sans solution. Trop souvent, l’un des deux parents doit cesser de travailler, lorsque cela est possible, pour s’occuper à plein temps de son enfant : certes, il est adulte, mais il exige toujours une attention de chaque instant.
Dans le département du Nord, les places en structures d’accueil pour les autistes adultes sont si peu nombreuses que les délais d’attente peuvent atteindre plusieurs années.
La situation, qui était déjà tendue, s’est encore aggravée après que l’agence régionale de santé (ARS) a pris la décision de ne plus financer les placements dans des établissements situés en Belgique, où de nombreux Nordistes étaient auparavant hébergés, laissant les familles démunies.
Il existe pourtant une solution : des associations spécialisées sont prêtes à s’investir dans l’accueil d’une quarantaine de jeunes adultes, pour peu qu’elles soient sollicitées par un appel à projets de l’ARS des Hauts-de-France.
Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, regrette de ne pouvoir être présente ce matin. Elle m’a priée de vous fournir les éléments suivants en réponse à votre question.
L’autisme et les troubles du neuro-développement font partie des préoccupations majeures de nos politiques publiques : les 490 millions d’euros qui ont été consacrés à la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neuro-développement en attestent.
Pour la région des Hauts-de-France, nous savons les besoins importants. Quelques données pour rappeler l’engagement de l’État ces dernières années : création de huit plateformes de coordination et d’orientation, de vingt unités d’enseignement en maternelle autisme, de quatre dispositifs d’autorégulation et de 136 places pour personnes autistes. Bientôt seront créées trois nouvelles unités de vie pour adultes autistes en situation complexe.
Monsieur le sénateur, vous indiquez que l’ARS des Hauts-de-France ne finance plus l’accueil dans des établissements belges. Permettez-moi de vous contredire : au 1er janvier 2022, 1 508 adultes et 693 enfants du Nord voyaient leur accompagnement en Belgique financé par l’État français.
Je le dis clairement : la France était en retard sur l’accompagnement des personnes autistes. Notre action ces dernières années permet de rattraper ce retard. Les solutions d’accueil et d’accompagnement se sont multipliées.
Pour autant, toutes les personnes concernées ne trouvent pas une solution satisfaisante – nous les entendons. Le cap est clair, l’engagement du Gouvernement l’est également. Nous devons être exemplaires.
L’ouverture de la future Maison de l’autisme, voulue par le Président de la République, l’illustre parfaitement. Cette maison sera une ressource pour les familles, encore trop souvent désemparées, et permettra aux associations de se retrouver, d’avoir accès aux meilleures pratiques et de disposer d’informations sur toutes les aides et sur tous les dispositifs. Elle permettra aussi de mieux faire comprendre ce qu’est l’autisme au plus grand nombre. Il s’agit d’un enjeu essentiel auquel je sais ma collègue Geneviève Darrieussecq particulièrement attachée.
absence de débouchés pour la laine de brebis
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 359, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Max Brisson. La production de laine de brebis des trois races laitières présentes dans les Pyrénées-Atlantiques s’élève chaque année à 1 000 tonnes. Si de petites entreprises en valorisent une infime part, aucune solution n’existe pour la grande partie de la production.
Pourtant, bien qu’elle ne soit pas adaptée à certaines valorisations, notamment textiles, cette laine a de nombreux atouts reconnus.
C’est pourquoi la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques et la chambre de commerce et d’industrie Pau-Béarn ont lancé un programme de recherche sur le traitement de la laine, qui s’est achevé en 2022.
Deux prototypes concluants ont été développés.
Tout d’abord, le compostage, qui permet aux éleveurs de valoriser la laine directement dans leur exploitation et de produire un compost plus riche pour leurs prairies ou cultures.
Ensuite, les granulés fertilisants, qui permettent aux coopératives et entreprises locales de commercialiser un engrais durable et local à base de laine.
Ces deux prototypes créeraient, s’ils étaient généralisés, des débouchés intéressants pour la laine de brebis, ce qui profiterait à chacun des acteurs du secteur.
Cependant, leur développement bute sur la réglementation européenne. Résultat, bien que le processus de compostage permette de lever les risques microbiologiques, les conditions de sa réalisation sont rendues quasiment impossibles.
Quant à la solution des granulés fertilisants, les éleveurs de mon département constatent que, dans d’autres pays européens, des entreprises les commercialisent, enfreignant ainsi la même législation communautaire. Il en ressort une distorsion de concurrence inacceptable.
Aussi, madame la ministre, ma question est simple : le Gouvernement est-il prêt à soutenir la mise en œuvre de ces prototypes innovants, en engageant une négociation afin d’obtenir une évolution de la législation européenne ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur l’absence de débouchés pour la laine de brebis.
Le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire accompagne d’ores et déjà la filière ovine dans la structuration d’une filière laine au travers du plan d’action national pour la bioéconomie, le plan de relance via le projet Tricolor et la mise en place par FranceAgriMer d’un observatoire du marché des cuirs, laines, peaux et plumes, ainsi que d’un groupe de travail chargé d’identifier des pistes de valorisation pour ces productions.
Concernant le volet sanitaire, la laine a le statut de sous-produit animal de catégorie 3 au titre de la réglementation européenne.
Pour cette catégorie de sous-produits animaux, les possibilités de valorisation sont multiples et ouvertes à l’innovation, par exemple le textile, les matériaux isolants, l’industrie pharmaceutique et cosmétique, l’alimentation animale ou encore les engrais.
Néanmoins, la réglementation européenne impose des règles pour son usage direct dans le sol en tant que fertilisant, compte tenu des risques sanitaires de diffusion de maladies animales pour les animaux d’élevage, la faune sauvage, voire l’être humain.
L’expérimentation Lanaland lancée dans le cadre du programme Interreg-Poctefa présente un intérêt, qu’il conviendra d’analyser avec attention.
La valorisation de la laine par le compostage sur place, dans l’élevage, est autorisée, mais elle nécessite l’obtention par l’établissement d’un agrément sanitaire couvrant la conformité des locaux, des équipements et du fonctionnement, ainsi que la sécurité et la maîtrise du procédé.
Afin de faciliter les démarches des exploitants, la direction générale de l’alimentation a travaillé avec la filière sur un dossier de demande d’agrément type pour les exploitants et à une flexibilité sur la fréquence des analyses d’autocontrôle.
En complément, une mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux est en cours pour élaborer une feuille de route afin d’améliorer la valorisation et les débouchés de ces produits. Son rapport est attendu pour le mois d’avril prochain.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions.
La chambre d’agriculture et la chambre de commerce et d’industrie Pau-Béarn ont beaucoup investi, avec le soutien du Poctefa – vous l’avez dit –, dans ces deux prototypes qui pourraient constituer des débouchés très intéressants pour les éleveurs, les entreprises et les coopératives.
Par conséquent, l’ensemble des acteurs attend maintenant le résultat des analyses demandées – il faut que cela soit rapide – et la mise en place d’une procédure plus simple pour l’agrément.
situation des arboriculteurs
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 381, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Jean-Yves Roux. Les pommes des Alpes-de-Haute-Provence, grâce à un ensoleillement exceptionnel et des variations de température qui favorisent une bonne teneur en sucre et une acidité remarquable, constituent une fierté pour notre département.
Depuis 2018, les 250 exploitations arboricoles, qui produisent pour une grande part des pommes golden et gala, ont effectué un travail de diversification important pour s’adapter aux embargos russe, chinois et algérien, ainsi qu’à des épisodes répétés de grêle et de gel.
Aujourd’hui, ces arboriculteurs sont confrontés à une hausse des coûts de production, hausse sans précédent par son ampleur et sa rapidité : l’augmentation du prix de l’électricité, de l’eau et des emballages a conduit à une hausse de 8 % du prix de vente de leurs produits.
Dans le même temps, des pommes extra-hexagonales sont proposées à la vente pour un prix inférieur de 7 % à celui de nos productions, lesquelles se trouvent mises en concurrence avec des fruits défiant les normes sanitaires respectées par nos arboriculteurs.
Pris en étau, ceux-ci en arrivent à arracher des pommiers afin de ne pas vendre à perte leur production. Les plus petites exploitations ne parviennent plus à assurer un niveau de revenu décent pour les agriculteurs, ce qui n’est pas acceptable.
Madame la ministre, voilà une partie de notre patrimoine alimentaire aujourd’hui menacée, alors que notre approvisionnement en pommes se révèle de plus en plus dépendant de prix cassés et de normes sanitaires dégradées.
Comment entendez-vous nous aider à préserver la production de grande qualité des arboriculteurs de Haute-Provence ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a mené des échanges avec les professionnels de l’arboriculture sur les difficultés de cette filière lors de son récent déplacement au Salon international des techniques de production végétale, à Angers.
Vous avez en premier lieu exprimé l’inquiétude des arboriculteurs quant au prix du kilo de pommes.
C’est tout l’enjeu de la loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2, mais cette loi ne couvre pas les fruits et légumes, à la demande de leurs producteurs. Le Gouvernement le regrette. Il faut sans doute se poser la question de leur inclusion dans ce mécanisme et y travailler. En effet, pour protéger la rémunération des agriculteurs, il faut que des contrats puissent être conclus dans le cadre de cette loi. Le bon prix, c’est celui qui permet de rémunérer le producteur.
Le deuxième sujet de préoccupation est le retrait des produits phytosanitaires et les difficultés liées à la protection des végétaux.
Il nous faut en la matière imaginer des transitions ambitieuses et soutenables sur le territoire européen ; nous devons nous assurer de la nécessaire réduction des usages de ces produits sans que ces transitions soient pénalisantes pour les producteurs français. C’est une nécessité, par exemple, pour les néonicotinoïdes, ou pour le phosmet dans la filière de production de cerises. La France veille à ce que l’action européenne en la matière soit bien coordonnée et va déclencher une clause de sauvegarde afin d’éviter toute distorsion de concurrence.
C’est cette logique de réciprocité des normes et de clauses miroirs que nous devons défendre dans les accords commerciaux, en parallèle de notre ambition partagée de transition écologique.
Enfin, il faut anticiper en développant la recherche d’alternatives, afin de ne pas laisser cette filière sans solution technique. C’est aussi l’un des enjeux des renouvellements de vergers, dont le taux atteint actuellement 4,2 %, par de nouvelles variétés plus résistantes et mieux adaptées au climat. C’est tout l’enjeu de la planification écologique.
Le plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, qui est en cours de finalisation et sera présenté au Salon de l’agriculture, intégrera ces dimensions et les enjeux d’innovation qui sont au cœur de la troisième révolution agricole. Nous conduirons ce chantier, visant à inverser d’ici à 2030 la tendance baissière de notre souveraineté sur ces filières, dans cette même logique de transition et de planification.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour la réplique.
M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, vous n’ignorez pas qu’il s’agit d’un enjeu important pour nos agriculteurs et, surtout, nos arboriculteurs, au vu de la concurrence que nous subissons. Aujourd’hui, malheureusement, ils sont obligés d’arracher des pommiers pour essayer d’équilibrer leur budget !
situation de la filière porcine biologique en bretagne et sur le territoire national
Mme le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, auteure de la question n° 384, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, ma question porte sur les soutiens qu’il convient d’apporter en urgence à la filière porcine biologique qui s’effondre en Bretagne.
La filière porcine s’est organisée pour répondre à une demande croissante en porcs biologiques. Or, depuis le second semestre 2021, la consommation de viande de porc bio connaît une forte baisse. La filière porcine biologique subit de ce fait une situation de surproduction qui la contraint à baisser ses prix en s’alignant sur ceux des porcs conventionnels.
Ce déclassement ne permet plus aux producteurs biologiques de couvrir leurs coûts de production. L’augmentation du prix des matières premières, de l’alimentation et de l’énergie, conjuguée à l’amortissement des investissements nécessaires à la conversion à l’agriculture biologique, notamment l’adaptation des bâtiments, met les producteurs en très grande difficulté.
L’avenir de la filière porcine biologique est donc en danger, alors même que l’objectif, fixé par le plan de la filière porcine française, de passer de 0,5 % à 5 % de production porcine biologique est loin d’être atteint : en France, en 2021, seuls 1,45 % des porcs abattus étaient issus d’un élevage biologique.
La loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, complétée par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, prévoit l’emploi dans la restauration collective d’au moins 50 % de produits de qualité et durables, avec au moins 20 % de produits biologiques. Nous en sommes très loin dans nos écoles, nos collèges, nos lycées, nos hôpitaux ou nos établissements médico-sociaux. Le seul respect de cette loi permettrait pourtant d’éviter la situation de surproduction que je viens d’évoquer et assurerait la pérennité de la filière porcine biologique en Bretagne et dans la France entière.
L’agriculture biologique a un impact positif sur la santé, le climat et la biodiversité. Elle permet de réduire diverses pollutions et répond assurément aux enjeux agricoles et sociaux actuels et futurs.
Madame la ministre, que prévoit le Gouvernement pour venir, d’urgence, en aide aux producteurs de viande bio, qui se trouvent dans un désarroi total ?
Sans un soutien apporté au plus vite, ces producteurs de Plouisy, de Plélo et d’ailleurs courent à la catastrophe. On sait quels dégâts humains cela entraînerait !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la situation de la filière porcine biologique sur le territoire national, plus particulièrement en Bretagne.
Rien n’indique qu’atteindre l’objectif de 20 % de produits bio servis en restauration collective augmenterait de façon significative les achats de porc bio. En effet, les restaurants collectifs n’auraient pas l’obligation de servir de la viande de porc bio et pourraient toujours retenir d’autres productions sous label biologique ou de la viande de porc vendue sous d’autres labels, voire dépourvue de label.
La principale difficulté de la filière porcine biologique réside dans les problèmes qu’elle rencontre en s’efforçant de mieux valoriser ses produits, notamment toute la carcasse du porc. À ce jour, dans la majorité des cas, seule une partie de la carcasse, notamment les jambons, est valorisée en agriculture biologique ; le reste intègre des circuits conventionnels.
Une deuxième difficulté provient des surcoûts importants générés par les bâtiments d’élevage et l’organisation de production spécifiques que nécessite la production de porc bio. Cela rend impossible de déclasser transitoirement les viandes en produits conventionnels, alors que d’autres filières peuvent se le permettre, car les pertes financières seraient vite intenables.
Le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé le 6 décembre 2022, aux assises de l’agriculture et de l’alimentation biologiques, un projet de structuration de la filière porcine biologique ; le travail a été engagé avec l’agence Bio et les représentants de la filière.
Il a également annoncé un abondement supplémentaire du fonds Avenir Bio, à hauteur de 2 millions d’euros, à destination des filières biologiques les plus touchées, dont la filière porcine, ainsi qu’une campagne de communication à destination du grand public, dotée de 750 000 euros, pour augmenter la demande, réitération de la campagne #BioRéflexe de 2022.
Enfin, une campagne de communication sera lancée en 2023, grâce aux financements du programme européen de promotion de la filière, de manière à stimuler la consommation de produits bio en restauration commerciale.
Par ailleurs, le ministère a ouvert aux régions qui le souhaitent la possibilité de mobiliser les reliquats du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) 2014-2022 pour mettre en place en 2023 une aide au maintien à l’agriculture biologique. La région Bretagne l’a fait.
Par ailleurs, le futur programme Ambition Bio sera l’occasion de construire, avec les filières et les acteurs de l’agriculture et de l’alimentation biologiques, une véritable stratégie renouvelée d’accompagnement et de structuration de ces filières de qualité tenant compte des résultats des études prospectives en cours, qui seront d’ailleurs l’occasion de mieux équilibrer l’offre et la demande.
épidémies de norovirus dans les cultures conchylicoles
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 412, transmise à M. le secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargé de la mer.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, chaque année, la conchyliculture est touchée par des épidémies de norovirus qui sont en grande partie causées par les problèmes persistants liés au traitement des eaux usées dans les zones littorales.
À la faveur des épidémies hivernales sévissant chez les êtres humains, certains virus deviennent présents en grande quantité dans les eaux usées. Il apparaît que l’on ne parvient pas à les détruire dans leur totalité lors des phases de traitement. Aussi, nous assistons régulièrement à des épidémies dues à la contamination des huîtres par des norovirus, responsables de la gastro-entérite virale.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour affronter ces problèmes de manière efficace et garantir la sécurité sanitaire des consommateurs de produits de la mer ?
Les ostréiculteurs touchés par les restrictions de production ne sont aucunement responsables de la situation, mais payent pourtant le prix fort. Comment le Gouvernement peut-il mettre en place un mécanisme pérenne qui permette de soutenir nos ostréiculteurs face à ces aléas ?
En réponse à une question d’actualité posée en 2020, durant un épisode de crise de la conchyliculture, le Gouvernement s’était engagé à améliorer le contrôle du traitement des eaux usées, en adressant des instructions aux préfets pour renforcer les contrôles sur les épandages dans les zones concernées.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous informer de l’avancement de cette stratégie et de l’impact qu’elle a eu sur la situation actuelle des épidémies de norovirus dans la conchyliculture ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, je vous prie avant tout d’excuser l’absence du secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, qui ne peut être présent ici ce matin.
Vous nous interrogez sur les enjeux de la conchyliculture. La Normande que je suis ne peut qu’être attentive à ces questions ! (Sourires.)
Le fléau que vous évoquez est bien identifié. Comme vous l’expliquez très justement, cet hiver, les cultures conchylicoles ont été touchées de plein fouet par les contaminations au norovirus. En pleine période de fêtes de fin d’année, ces contaminations ont causé d’importants préjudices à cette filière.
Le Gouvernement suit ce sujet avec attention et travaille à des solutions de court et moyen termes, notamment des actions sur la qualité du milieu.
Parmi elles, je mentionnerai la mise en conformité des systèmes d’assainissement, rendue nécessaire par l’augmentation des populations côtières et l’évolution de la réglementation environnementale.
Il s’agit toutefois de chantiers longs et complexes. Face à l’urgence de la situation, les ministres chargés de l’écologie, de l’agriculture et de la mer travaillent donc avec les préfets pour que soient rapidement lancés les travaux de mise en conformité dans les zones à usages sensibles, comme celles qui sont destinées à la conchyliculture.
Un état des lieux sera demandé pour dresser la liste des chantiers prioritaires, valoriser les bonnes pratiques et identifier les blocages.
Le Gouvernement va également travailler, avec les collectivités concernées, à un plan d’action complémentaire de ces travaux.
Enfin, un accompagnement financier pourra être apporté aux conchyliculteurs, notamment via le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture.
Ces aides à l’investissement pourront financer des bassins de mise à l’abri ou de purification, des systèmes d’alerte, des projets portés par les régions, ou encore la constitution d’un système d’assurances, pour laquelle l’État est prêt à accompagner la profession.
Mme le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour la réplique.
M. Jean-François Longeot. Madame la ministre, ce sujet est important, non seulement du point de vue sanitaire, mais aussi parce qu’il s’agit d’un sujet d’avenir pour les ostréiculteurs. Au-delà des accompagnements que le Gouvernement pourrait mettre en place, il est temps que, pour l’ensemble de nos stations d’épuration, des techniciens puissent adapter nos modes de traitement des eaux usées à nos modes de vie actuels.
zone organisée d’accès aux soins transfrontaliers entre la france et le luxembourg
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, auteure de la question n° 238, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe.
Mme Véronique Guillotin. Madame la secrétaire d’État, vous connaissez certainement la situation de l’accès aux soins dans notre pays. Je n’entrerai pas dans les détails, car tout le monde peut malheureusement expérimenter ces difficultés au quotidien.
Je vous parlerai plutôt d’Europe et de ceux qui la vivent chaque jour, parce qu’ils habitent dans une zone frontalière. C’est le cas dans le nord de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle, notamment à la frontière avec le Luxembourg, qui attire chaque année de plus en plus de travailleurs : 112 000 Français y travaillaient en 2021 ; plus de 30 000 d’entre eux vivent à proximité de la frontière.
Pour eux, pour tous ceux qui habitent dans cette zone, la frontière n’est qu’une réalité administrative, tant les échanges et les déplacements entre les deux pays sont fréquents.
Malheureusement, l’administration vient compliquer leur quotidien. Alors que l’accès aux soins devient de plus en plus difficile du côté français, ce qui est en partie dû à l’aspiration massive de professionnels de santé par le Luxembourg, de nombreux frontaliers voudraient voir certains verrous administratifs levés.
Ceux qui demandent à l’assurance maladie de valider le remboursement d’une consultation au Luxembourg se voient souvent opposer l’absence de pertinence des soins souhaités, lorsqu’ils n’abandonnent pas eux-mêmes les démarches du fait de leur longueur et de leur complexité.
Pour éviter cela, dans certaines zones frontalières françaises, belges et allemandes, les populations, établissements de soins et professionnels de santé ont émis le souhait de mettre en œuvre des dispositifs de simplification administrative et financière en matière d’accès aux soins à l’étranger. Il existe ainsi plusieurs Zoast, zones organisées d’accès aux soins transfrontaliers, mais aucune n’a encore vu le jour entre la France et le Luxembourg. Nous travaillons déjà sur de nombreux projets communs au sein du groupement européen de coopération territoriale, le Gect. La Zoast apparaît donc plus particulièrement pour nous une solution pertinente et souhaitable.
Le Gouvernement entend-il se saisir de ce sujet, qui nécessite une intervention des deux États ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Véronique Guillotin, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme la secrétaire d’État chargée de l’Europe, qui m’a chargée de vous répondre.
Comme vous le savez, la pandémie a renforcé les difficultés de certains de nos concitoyens en matière d’accès aux soins, tout en mettant en lumière la forte tension qui pesait déjà sur nos systèmes de santé. Pour cette raison, la santé est, avec les transports, la première des attentes de nos concitoyens vis-à-vis de la coopération frontalière.
Le développement d’une offre mutualisée aux frontières est une façon efficiente d’améliorer l’accès aux soins, en s’appuyant sur des ressources médicales déjà existantes, et en simplifiant les démarches administratives pour nos concitoyens. C’est bien l’objectif du concept de zone organisée d’accès aux soins transfrontaliers. Cela a par exemple été développé dans l’eurodistrict Saar-Moselle, à travers la convention Mosar et, plus récemment, par la constitution expérimentale de corridors sanitaires. L’agence régionale de santé d’Occitanie a aussi piloté un projet d’établissement de santé binational entre la France et l’Espagne.
Il convient toutefois de noter que le déploiement de tels mécanismes est complexe et n’apporte pour l’instant qu’une réponse partielle aux difficultés de nos concitoyens. L’imbrication de deux systèmes de santé nationaux implique en effet une préparation et une mise en œuvre importantes, qui mobilisent de nombreux moyens, sur un ensemble de sujets fondamentaux. Une réflexion a été entamée entre les services des ministères de la santé français et luxembourgeois sur la mise en place d’un tel dispositif entre nos deux pays.
Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. J’ai entendu que le sujet avançait. Si c’est possible entre la France et la Belgique, ce doit l’être entre la France et le Luxembourg. Je pense que c’est une vraie difficulté sur le territoire français. Les deux pays seraient gagnants et je crois qu’il faut vraiment aujourd’hui accélérer et nous proposer un horizon un peu plus clair en matière d’accès aux soins. Cette Zoast pourrait y contribuer.
crimes de guerre commis par l’armée azerbaïdjanaise
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 229, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée de l’Europe.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, pendant la guerre des 44 jours que l’Azerbaïdjan a livrée à la petite République d’Artsakh, puis de nouveau en septembre 2022, l’armée azérie s’est livrée à des exactions contre les militaires arméniens, en violation du droit international, mais aussi contre les civils.
Ma première question est simple : quelles initiatives la France va-t-elle prendre pour faire reconnaître ces crimes de guerre par les instances internationales ?
Depuis le 12 décembre 2022, donc depuis deux mois, l’Azerbaïdjan met en œuvre un blocus militaire de la République d’Artsakh : 120 000 Arméniens sont privés de tout, l’Azerbaïdjan ne leur laisse le choix qu’entre fuir et périr.
La France et l’Europe ont des moyens de pression sur l’Azerbaïdjan. Pourquoi ne les utilisent-elles pas ?
En 1939, la France a abandonné à la Turquie le sandjak d’Alexandrette, condamnant à l’exil 50 000 Arméniens. Allons-nous, une nouvelle fois, abandonner la République d’Artsakh ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Ouzoulias, lors de l’offensive azerbaïdjanaise des 13 et 14 septembre 2022, la France a immédiatement dénoncé la violation de l’intégrité territoriale de l’Arménie et appelé au retour des forces azerbaïdjanaises à leurs positions initiales.
En outre, comme elle le fait depuis le déclenchement de la guerre du Haut-Karabagh en 2020, la France a rappelé que les crimes de guerre devaient être jugés et leurs auteurs punis. La lutte contre l’impunité est essentielle pour offrir, enfin, aux populations de la région une perspective de paix.
La réunion organisée par le Président de la République à Prague, le 6 octobre 2022, avec MM. Nikol Pachinian, Ilham Aliev et Charles Michel, a permis d’obtenir un accord pour l’envoi d’une mission civile de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Cette mission s’est déployée pour deux mois en territoire arménien. Elle a contribué à faire baisser la tension sur le terrain et le nombre d’incidents significatifs a diminué.
Après ce bon résultat, nos efforts ont concouru à ce que les 27 États membres de l’Union européenne décident, le 23 janvier dernier, le déploiement d’une mission en territoire arménien, pour deux ans cette fois. La France y contribuera par l’envoi de gendarmes.
La diplomatie française est mobilisée au plus haut niveau pour permettre une paix juste et durable dans le Caucase du Sud, au bénéfice des populations. Cette mobilisation, qui est la nôtre depuis plus de trente ans, se poursuit aujourd’hui avec la même détermination, comme l’ont montré les échanges qu’a encore eus, la semaine dernière, le Président de la République avec ses homologues d’Arménie et d’Azerbaïdjan.
Concernant le gaz, je rappelle que la France n’importe pas de gaz azerbaïdjanais. Nous soutenons les efforts de la Commission européenne pour diversifier les approvisionnements énergétiques de l’Europe et réduire notre dépendance au gaz russe.
Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État. Notre position sur le sujet est constante : les efforts indispensables pour renforcer la souveraineté énergétique de l’Union européenne ne doivent en aucun cas se faire au détriment de nos principes.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, j’aurais aimé que la France reconnaisse la violation de l’intégrité territoriale de l’Arménie, mais aussi de la République d’Artsakh, parce que c’est bien celle-ci qui a été attaquée par l’Azerbaïdjan.
Je pense qu’aujourd’hui la seule solution pour sauver les 120 000 Arméniens de la République d’Artsakh est une reconnaissance officielle de celle-ci par la France, comme le Sénat vous l’a demandée à une très large majorité.
Vous m’avez répondu, mais vous n’avez eu aucun mot au sujet du blocage actuel de la République d’Artsakh. Les gens y manquent de tout et en sont réduits à utiliser des tickets de rationnement : il n’y a plus de nourriture, il n’y a plus de médicaments, il n’y a plus rien ! Il faut agir maintenant ! (Mme Brigitte Devésa applaudit.)
modification des heures creuses pour l’électricité
Mme le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 194, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Gilbert Roger. Madame la secrétaire d’État, au regard de la crise énergétique que la France et l’Europe connaissent, le Gouvernement a demandé aux Français une certaine sobriété énergétique.
Les dirigeants d’EDF et d’Engie souhaitent que nos concitoyens étalent l’utilisation de leurs appareils électroménagers pour éviter une surcharge du réseau électrique ; ils suggèrent de déclencher ces équipements à partir de 22 heures. Or les horaires des « heures creuses », où le tarif bleu s’applique, diffèrent actuellement selon les abonnements ; majoritairement, ils courent entre 23 heures 36 et 7 heures 36.
Aussi, je souhaite savoir quelles mesures pourraient être prises par le Gouvernement pour uniformiser les abonnements et élargir les horaires des heures creuses de nuit, pour les faire courir de 22 heures 30 à 7 heures 30.
Avec le décret autorisant les fournisseurs d’électricité à suspendre la tranche d’heures creuses prévue de 12 heures à 14 heures pour certains abonnements, via l’utilisation du compteur Linky, cette décision s’insérerait de manière cohérente dans la communication du Gouvernement.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Gilbert Roger, je vous réponds au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Les huit heures creuses des options « heures pleines, heures creuses » sont aujourd’hui comprises dans les plages allant de 12 heures à 17 heures et de 20 heures à 8 heures.
Or, en hiver, la pointe de consommation du matin s’étend jusqu’à 13 heures, alors que certains équipements, surtout des chauffe-eau, étaient programmés pour démarrer vers 12 heures pour profiter des heures creuses méridiennes.
Cela a conduit le Gouvernement à demander aux gestionnaires de réseau de procéder à la désactivation partielle, pour l’hiver 2022, du démarrage des ballons d’eau chaude sur cette plage horaire, sans incidence sur la facture d’électricité ni sur l’usage de l’eau chaude, ces ballons stockant par nature la chaleur. Cela a permis de décaler pendant la nuit une consommation équivalente à la production de plus de deux réacteurs nucléaires, renforçant ainsi la résilience de notre système électrique.
La ministre de la transition énergétique souhaite développer encore plus les signaux tarifaires, à l’instar de l’offre Tempo, à laquelle on a eu bien plus recours en 2022 sous son impulsion. Je vous confirme qu’une évolution des heures creuses est également en cours d’expertise.
Mme le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.
M. Gilbert Roger. J’espère que, très rapidement, on en viendra à l’idée que les heures creuses courent de 22 heures à 7 heures 30, et non pas de 23 heures 36 à 7 heures 36 ! Il n’y a pas besoin de réunir très longuement une commission pour en décider ainsi. Nous attendons une décision rapide.
conséquences financières pour les acheteurs obligés liées au reversement des recettes induites par les obligations de service public dans un contexte de volatilité des prix de gros de l’électricité
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 391, adressée à Mme la ministre de la transition énergétique.
M. Philippe Mouiller. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition énergétique et porte sur les conséquences financières de l’envolée et de la volatilité des prix de gros de l’électricité pour les acheteurs obligés.
Conformément à l’article L. 121-6 du code de l’énergie, ceux-ci sont tenus de rembourser à l’État le différentiel entre la valorisation qu’ils font des productions d’énergie renouvelable et le prix d’achat garanti auquel ils les ont acquises.
Toutefois, en l’état, aucun texte n’encadre les modalités dans lesquelles s’effectuent l’évaluation de ces recettes et leur reversement au profit de l’État.
En effet, si l’article L. 121-6 du code de l’énergie prévoit bien le reversement des recettes induites par les obligations de service public, en particulier pour les acheteurs obligés, la loi n’habilite la Commission de régulation de l’énergie (CRE) à intervenir que lorsque les obligations de service donnent lieu à une compensation par l’État des charges qu’elles induisent pour les opérateurs.
Cette situation inédite n’avait pas été anticipée par le législateur, ni a fortiori par le pouvoir réglementaire.
Ainsi, les articles R. 121-22 et suivants du code de l’énergie n’encadrent que les opérations de compensation par l’État des charges induites par les obligations de service public et non les opérations de reversement censées intervenir lorsque lesdites obligations donnent lieu à des recettes pour les opérateurs concernés.
C’est dans ce contexte que la CRE a délibéré, le 3 novembre dernier, afin de réévaluer pour 2023 ces recettes, désignées par l’autorité de régulation « charges négatives », qui avaient déjà fait l’objet d’une délibération le 13 juillet 2022.
Cette nouvelle évaluation, qui se fonde notamment sur des réalités de marché de gros très évolutives, est de nature à mettre en grande difficulté les acheteurs obligés et, parmi eux, les entreprises locales de distribution (ELD).
En effet, les charges de trésorerie qui résultent de l’écart entre l’estimation basée sur la délibération de novembre et les réalités actuelles du marché de gros sont telles qu’elles pourraient causer des cessations de paiements d’ici à l’été prochain.
Aussi, madame la secrétaire d’État, est-il envisagé d’établir un cadre légal et réglementaire plus sécurisant pour les acheteurs obligés, plus particulièrement pour les ELD ?
Je vous remercie de la réponse que vous voudrez bien apporter à cette question technique.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Philippe Mouiller, je vous réponds au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Comme vous l’avez rappelé, la situation actuelle conduit à une contribution positive des énergies renouvelables aux finances publiques.
La réévaluation exceptionnelle des charges de service public décidée au mois de novembre 2022 a en effet conduit à un ajustement des nouveaux reversements, alors que les prix de marché ont baissé depuis lors.
Pour pallier ce problème, d’une part, la Commission de régulation de l’énergie a annoncé aux opérateurs son engagement de réviser ses évaluations de charges pour l’année 2023 à l’occasion de sa délibération de juillet 2023, ce qui permettra un recalibrage direct des reversements.
D’autre part, les services de l’État proposeront prochainement aux acteurs concernés, notamment aux entreprises locales de distribution, des solutions transitoires, y compris conventionnelles, afin de pouvoir éviter les cas où un stress de trésorerie insupportable se produirait au cours du premier semestre 2023. À cet égard, aucun reversement contraint ne sera mis en œuvre si un doute persiste sur son montant.
construction de la future cité judiciaire de marseille
Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Devésa, auteure de la question n° 427, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Devésa. Madame la secrétaire d’État, le 11 février 2022, l’État a annoncé la construction d’une nouvelle cité judiciaire à Marseille d’ici à 2028. Elle occupera 40 000 mètres carrés de locaux et réunira 600 magistrats et fonctionnaires.
Doter enfin la deuxième ville de France d’un site unique où se regrouperont toutes ses activités judiciaires permettra de mettre fin à l’éclatement géographique des juridictions marseillaises, qui ne facilite pas le travail de l’ensemble des acteurs de la justice.
En cela, l’initiative de l’État va dans le bon sens, il convient de le souligner.
Cependant, à seulement cinq ans de la date annoncée pour la fin de sa construction, la localisation de cette future cité judiciaire n’est toujours pas connue. Trois sites sont envisagés : le centre-ville de Marseille, qui semble l’option privilégiée, mais aussi les sites d’Euroméditerranée 2 et de la Capelette.
L’absence, à ce jour, d’une feuille de route exposant la méthode retenue pour choisir tant le futur site que l’architecture intérieure pose question. Pour faire aboutir ce projet, il sera nécessaire de consulter tous les acteurs du monde judiciaire marseillais, notamment les avocats, qui, par la voix de leur bâtonnier ainsi que de l’Union des jeunes avocats du barreau de Marseille, font part, à plus de 99 % selon un sondage, de leurs vives inquiétudes quant à l’emplacement du site.
En effet, étant installés dans des cabinets très souvent situés à proximité des tribunaux actuels, ils seront les premiers à être affectés par la nouvelle localisation des juridictions marseillaises. Or aucune consultation de cette nature n’a, pour le moment, été annoncée.
Madame la secrétaire d’État, la participation des avocats au sein du conseil d’administration de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (Apij) ne serait-elle pas souhaitable en vue de pérenniser le dialogue sur l’architecture et l’organisation des palais de justice ?
Par ailleurs, en tant que principal acteur et promoteur de ce site, l’État doit expliquer quel sera le processus de concertation envisagé pour aboutir à la décision définitive. Vers quel emplacement va actuellement sa préférence pour la construction de la cité judiciaire de Marseille ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Brigitte Devésa, je répondrai au nom de mon collègue Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, dont je vous prie d’excuser l’absence.
Le garde des sceaux a annoncé au mois de février dernier le projet de construction de la cité judiciaire à Marseille, afin de regrouper les juridictions marseillaises au sein d’un même bâtiment, fonctionnel et adapté à la justice du XXIe siècle.
Les réflexions pour définir le meilleur site se poursuivent de manière intense avec les services en charge de l’aménagement urbain, d’une part, et en concertation permanente avec les élus locaux, d’autre part.
L’ampleur des enjeux liés à ce projet nous impose de prendre le temps de la réflexion et, surtout, de la concertation. Le garde des sceaux est d’ailleurs en lien permanent avec le maire de Marseille et la présidente de la métropole.
À ce stade, les nombreuses contraintes fonctionnelles du site actuel interrogent quant à la possibilité d’offrir aux juridictions marseillaises à la fois une cité judiciaire unifiée et un outil de travail fonctionnel, sécurisé et conforme aux orientations du Gouvernement en matière de développement durable.
Par contraste, l’option d’une construction neuve et fonctionnelle permettrait de regrouper l’ensemble des juridictions dans un seul bâtiment moderne et performant d’un point de vue énergétique, et ce dans un calendrier beaucoup plus resserré.
C’est sur cette base, madame la sénatrice, que le garde des sceaux souhaite poursuivre la concertation avec l’ensemble des parties concernées, notamment les magistrats, greffiers et avocats, dans l’objectif d’apporter très rapidement un meilleur service public de la justice, à la hauteur des attentes des Marseillais.
levée du secret-défense sur le triple assassinat de militantes kurdes en 2013 à paris
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, auteure de la question n° 432, transmise à M. le ministre des armées.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Madame la secrétaire d’État, il y a dix ans, trois femmes, trois militantes de la cause kurde ont été assassinées en plein Paris. Sakine, Fidan et Leyla avaient été les premières à scander ce slogan, désormais symbole du courageux combat des femmes iraniennes : « Femme, vie, liberté ! »
Justice n’a pu être rendue, le principal suspect, qui a toujours nié les faits, ayant perdu la vie au mois de décembre 2016, à quelques mois de la date de son procès.
Depuis dix ans, les familles des trois victimes attendent la vérité – une vérité qu’on leur cache, et que l’on nous cache, puisque les autorités françaises refusent toujours la déclassification des documents détenus par les services secrets français.
Alors que la juge d’instruction antiterroriste qui a renvoyé aux assises Omer Güney pour ce triple assassinat a pointé les accointances du suspect avec les services secrets turcs, la Commission du secret de la défense nationale (CSDN) n’a autorisé la divulgation que de trente-six documents. Si le suspect était bel et bien écouté par les services secrets français, le contenu de ses conversations n’a pas été déclassifié.
L’enquête judiciaire n’est donc pas terminée : les avocats des victimes ont saisi le parquet pour que l’enquête reprenne, afin que soient identifiés les commanditaires. Nous ne pouvons accepter que des personnes soient liquidées sur le sol français.
Les 250 000 Kurdes vivant en France, qui ont été extrêmement marqués par ces assassinats, ont vu, dix ans après, leurs blessures rouvertes par un nouvel événement sanglant. La communauté kurde a été de nouveau attaquée à Paris le 23 décembre 2022. Des morts, encore des morts… Désormais, ses membres ont peur. Ils ont peur de vivre dans le pays où ils ont pourtant trouvé refuge : la France, pays des droits de l’homme et des Lumières.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement aura-t-il le courage de lever le secret-défense sur tous les éléments de ce dossier ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux. Madame la sénatrice Marie-Arlette Carlotti, je vous répondrai au nom de Sébastien Lecornu, ministre des armées, qui vous prie de bien vouloir l’excuser de son absence.
Le 9 janvier 2013, trois militantes kurdes ont été assassinées dans le Xe arrondissement de Paris, près de dix ans avant le drame qui a de nouveau endeuillé ce quartier au mois de décembre dernier. Nous avons une pensée pour ces victimes et leurs familles.
Depuis 2013, le ministère des armées est sollicité pour transmettre à la justice des éléments relatifs à ce crime. Ainsi, en 2015, le ministère des armées a déclassifié ses documents après avoir saisi la Commission du secret de la défense nationale.
Cette commission est une autorité administrative indépendante, qui a été créée pour émettre un avis indépendant sur les déclassifications et la communication d’informations ayant fait l’objet d’une classification. Elle est constituée d’un conseiller d’État, d’un magistrat de la Cour de cassation, d’un magistrat de la Cour des comptes, d’un député et d’un sénateur.
Ainsi, le ministère des armées indique qu’il ne détient plus de documents pouvant concourir à la manifestation de la vérité.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, pour la réplique.
Mme Marie-Arlette Carlotti. Le 21 mars aura lieu le nouvel an kurde. À cette occasion, nous espérons vraiment une réponse positive.
retards sur le raccordement en fibre optique des villes des sables d’olonne et de la roche-sur-yon
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli, auteur de la question n° 364, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Didier Mandelli. Ma question concerne le raccordement en fibre optique des villes des Sables d’Olonne et de la Roche-sur-Yon, en Vendée, situées en zone appel à manifestation d’intention d’investissement (Amii).
Le raccordement en fibre optique a pris en effet un retard important dans ces deux villes : environ un quart des foyers de ces deux agglomérations ne sont pas encore raccordés, ce qui nuit à l’attractivité de celles-ci.
Ainsi, en 2022, seuls 77 % des logements réels de l’agglomération des Sables d’Olonne et 70,7 % des 59 701 locaux de l’agglomération de La Roche-sur-Yon étaient raccordables à la fibre. Nous sommes donc loin des engagements pris en faveur d’un raccordement à 100 % pour 2020 – et je rappelle que nous sommes en 2023…
Face à cette situation, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a mis en demeure Orange à la fin du mois de décembre 2022 pour ces retards et a ouvert une procédure d’éventuelle sanction pour les manquements à ses engagements.
J’ai interrogé la présidente de l’Arcep en commission la semaine dernière à ce sujet, qui s’est dite plutôt favorable à la reprise en main du déploiement de la fibre par les collectivités si les opérateurs venaient à manquer à leurs engagements.
Monsieur le ministre, quelles actions le Gouvernement envisage-t-il pour répondre à cette situation ? Quelle est sa position sur l’annulation des contrats avec les opérateurs qui ne respectent pas les contrats passés avec les collectivités ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Mandelli, vous m’interrogez sur le raccordement à la fibre. Au mois de juillet 2018, le Gouvernement a accepté par arrêté les engagements proposés par Orange dans le cadre de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques, avec des échéances en 2020 et en 2022.
Le Gouvernement est pleinement conscient des efforts de l’ensemble des acteurs concernés par le déploiement et la réalisation du plan France Très Haut Débit, dont il faut reconnaître qu’il est ambitieux et, dans l’ensemble, assez bien livré si l’on se compare à nos partenaires européens, d’autant plus au regard de la crise sanitaire qui aurait pu ralentir durablement les déploiements. Se pose par ailleurs la question de l’efficacité opérationnelle des sous-traitants d’Orange, dont les enjeux financiers m’occupent souvent à Bercy.
Au regard des données chiffrées issues de l’observatoire de l’autorité de régulation, il est apparu que, dans certains départements, notamment le vôtre, monsieur le sénateur, les objectifs ne sont pas atteints. C’est la raison pour laquelle l’Arcep, sur demande du Gouvernement, a ouvert une procédure, prévue à l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, pouvant aboutir à une mise en demeure. Cette décision a été attaquée par l’opérateur devant le Conseil d’État, qui instruit actuellement le dossier et dont nous attendons la décision.
Soyez assuré que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour rendre effectives les promesses présidentielles. La France s’est fixé l’objectif ambitieux de généraliser les réseaux en fibre optique à horizon 2025. Forts de la conviction que la diffusion des réseaux en fibre optique constitue un levier d’attractivité des territoires, nous nous mobilisons pour éviter que le numérique ne soit source de fracture au sein de notre pays.
Monsieur le sénateur, les chiffres que vous avez cités concernant deux communes importantes de votre département sont insuffisants, ceux d’autres territoires sont malheureusement encore en deçà. Nous devons accélérer le mouvement dans les deux ou trois années à venir.
Mme le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Roland Lescure, ministre délégué. Nous avons toutes et tous à cœur de trouver des solutions rapides et efficaces pour que les citoyens de votre département puissent bénéficier d’un accès à la fibre optique. L’une des pistes de réflexion peut également être la reprise en main des engagements de l’opérateur par des acteurs économiques locaux, afin de mener à terme l’installation du très haut débit dans les territoires.
Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Monsieur le ministre, je souhaite que nous puissions travailler, notamment dans le département de la Vendée, sur la dernière hypothèse que vous avez évoquée, c’est-à-dire autoriser les collectivités locales, en lien avec les réseaux d’initiative publique, à reprendre à leur compte l’ensemble des opérations qui ne sont pas réalisées par l’opérateur historique.
conséquences de la hausse des prix de l’électricité pour le patrimoine religieux
Mme le président. La parole est à M. François Calvet, auteur de la question n° 372, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. François Calvet. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur les conséquences de la hausse des prix de l’électricité pour notre patrimoine religieux.
En effet, si le Gouvernement a déployé, d’une part, un bouclier tarifaire permettant de plafonner la hausse du prix de l’électricité pour les particuliers et les petites entreprises, d’autre part, un dispositif de minoration des tarifs de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), il apparaît que ce dispositif, qui concerne uniquement les tarifs réglementés dits bleus, ne permet pas à toutes les entreprises de supporter la hausse du prix de l’électricité.
La hausse des tarifs de l’énergie a également une incidence sur les édifices religieux. De fait, les gestionnaires des diocèses s’alarment de l’augmentation astronomique de leurs factures énergétiques, dans des édifices aux volumes parfois colossaux. Ne pouvant faire face à ces nouveaux coûts, des prêtres n’hésitent plus à tout éteindre et appellent les fidèles à se vêtir chaudement pour assister aux cérémonies.
Si la loi du 9 décembre 1905 pose, en son article 2, le principe de l’interdiction de subventionner les cultes, la réalité est plus complexe : le législateur a autorisé, dans le texte, puis ultérieurement, des exceptions à cette interdiction, l’entretien des édifices religieux étant confié aux communes depuis 1907.
Aussi, face à cette situation, envisagez-vous d’étendre le dispositif d’aides aux bâtiments religieux et aux salles annexes utilisées pour l’enseignement religieux ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Calvet, votre question, importante, me permet de rappeler, sans entrer dans le détail, le nombre important d’aides qui ont été mises en place par le Gouvernement pour accompagner l’économie française dans une situation difficile.
La guerre en Ukraine s’est traduite par une véritable crise énergétique, entraînant une forte hausse des factures. Pour nos concitoyens, elle a été très largement limitée par le bouclier tarifaire voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 et prolongé en 2023, ainsi que par des mesures spécifiques aux TPE, PME et grandes entreprises. Tout cela coûte évidemment beaucoup d’argent et ne permet pas, malheureusement, de couvrir l’ensemble des usagers, notamment les édifices religieux, qui ne sont pas directement concernés.
Avant de répondre à votre question, j’invite de nouveau les TPE et les PME à se signaler auprès de leur fournisseur d’électricité pour qu’elles puissent bénéficier du dispositif d’aide. En effet, le nombre d’entreprises éligibles ayant fait la demande est encore insuffisant. Il est dommage de constater que certains secteurs qui aimeraient bénéficier du dispositif n’y ont pas droit, tandis que ceux qui y ont droit n’y font pas appel. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de me permettre de rappeler ce message très important.
En ce qui concerne votre question, elle ne se limite pas aux seuls édifices religieux. Elle concerne tous les édifices détenus par des associations cultuelles, singulièrement les associations diocésaines, ainsi que les établissements d’enseignement catholique et d’autres lieux d’accueil du public, dont beaucoup d’entre eux ne sont pas couverts par le dispositif.
Le Gouvernement travaille encore à des mesures spécifiques complémentaires, qui pourraient prendre deux formes. La première, qui constitue l’enjeu majeur, serait de les appuyer dans la transition énergétique de manière que leur consommation d’énergie baisse de manière durable. La seconde, à plus court terme, serait d’accompagner les gestionnaires de ces édifices.
J’ai discuté ce matin avec M. le ministre de l’intérieur à ce sujet. Il m’a indiqué qu’il réunirait l’instance de dialogue avec l’Église catholique au mois de mars prochain : les échanges avec les représentants auront pour but d’évoquer les différentes solutions possibles. J’espère que celles que nous trouverons satisferont les acteurs.
encadrement de l’installation et du fonctionnement des dark kitchens et des dark stores
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, auteur de la question n° 259, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Mme Christine Lavarde. Monsieur le ministre, je ne vous présenterai pas les dark stores, les dark kitchens et les nuisances que ces structures engendrent – je suis sûre que vous les connaissez.
J’irai droit au but en vous posant deux questions.
Tout d’abord, quelle est la qualification juridique de ces locaux ? Sont-ils considérés comme des entrepôts, des commerces ou bien, ainsi que les a qualifiés le tribunal administratif de Paris au mois d’octobre 2022, comme des espaces de logistique urbaine ? Celui-ci a justifié cette définition par le fait que ces endroits permettaient de diminuer le trafic de camions et le nombre de points de livraisons dans Paris intra-muros.
Par ailleurs, quid de la promesse de régulation du secteur ? Au cours de l’été, les élus ont découvert par voie de presse un projet de texte réglementaire, ce qui a suscité des propos parfois vindicatifs. Le Gouvernement a alors décidé d’organiser rapidement une concertation, qui a abouti à l’annonce, par un communiqué de presse publié le 6 septembre dernier, de la mise en place rapide d’une réglementation par arrêté ministériel. Six mois plus tard, nous l’attendons toujours : quelle est la cause de ce retard ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice, le commerce rapide consiste en l’achat de produits livrés chez vous en quelques minutes. Les dark stores, comme les dark kitchens, sont la pierre angulaire de cette nouvelle forme de commerce. Il faut les distinguer des drives, où le consommateur se déplace, de la même manière que pour un commerce classique.
Depuis quelques mois, le modèle du quick commerce fait débat. Tout d’abord, son équilibre économique est loin d’avoir été trouvé. Si neuf acteurs se partageaient le marché à Paris il y a un an, il n’y en a plus que trois aujourd’hui et tous les plans de développement ont été gelés. Ensuite et surtout, ce type de commerce engendre des nuisances de voisinage et interroge notre modèle de société et de consommation.
Avec Olivier Klein et les associations d’élus locaux, je me suis engagé à ce que ces activités fassent l’objet d’une nouvelle régulation, qui sera entérinée dans un arrêté à paraître dans les prochains jours.
Ainsi, pour répondre de manière très concrète à vos questions, les dark stores seront intégrés dans la sous-destination d’urbanisme « entrepôts », qu’ils aient ou non un point de retrait, ce dernier critère permettait jusqu’à présent de les considérer comme des commerces.
En ce qui concerne les dark kitchens, leur activité est tellement spécifique que nous allons créer une catégorie ad hoc, ce qui a été également accepté par les élus.
Nous entendons donc réglementer l’implantation des dark stores et des dark kitchens, afin de permettre aux élus locaux de disposer d’outils pour les réguler, voire les interdire. Ainsi, les plans locaux d’urbanisme (PLU) donnant lieu à un zonage, les élus pourront autoriser, autoriser sous conditions ou interdire les dark stores comme les dark kitchens dans telle ou telle zone.
Ces outils, qui seront efficaces, ne seront pas les seuls à la disposition des élus. Par exemple, lorsqu’un opérateur achètera un commerce pour le transformer en dark store, il devra solliciter l’accord préalable de la commune.
Enfin et surtout, les maires disposent d’ores et déjà de pouvoirs de police leur permettant de réglementer les externalités négatives des dark stores, que ce soit en matière de regroupement de personnes devant un local, d’interdiction de stationnement ou même de régulation de la circulation des deux-roues servant à la livraison.
Nous sommes vigilants à ce que les élus soient dotés d’un arsenal complet pour encadrer la prolifération de ces nouveaux commerces. À cet effet, un arrêté sera, je le répète, publié dans les prochains jours pour apporter des précisions.
Mme le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Vous annoncez un arrêté dans quelques jours… J’aurais préféré qu’il figure d’ores et déjà dans le système Solon, système d’organisation en ligne des opérations normatives, ce qui m’aurait assurée de l’imminence de sa publication ! En effet, vos collègues présents à la conférence de presse du 6 septembre dernier avaient également parlé de « quelques jours ».
Je me réjouis toutefois des deux catégories qui ont été retenues, car elles permettront de limiter l’implantation de ces commerces, qui sont réellement source de nuisances.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez de nouveau argué des pouvoirs dont disposent les maires pour réguler ces activités. M’employant à le faire au quotidien, je suis au regret de vous dire qu’il est impossible d’agir sans un véritable partenariat avec les entreprises qui utilisent ces locaux, notamment Deliveroo et Uber Eats, car cela nécessite la mise en place de solutions technologiques.
Il y a donc encore à faire. Il faut certes le droit, mais aussi la pratique. Au reste, nous avons besoin de cet arrêté, je vous en remercie donc. Je me montrerai toutefois très vigilante sur ces « quelques jours »…
présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires
Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, auteur de la question n° 286, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Serge Babary. Monsieur le ministre, ma question porte sur la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires.
Dans un avis publié au mois de mai 2022, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a alerté sur la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires et de bureau, recommandant ainsi d’étendre aux fournitures scolaires la réglementation européenne relative à la sécurité des jouets.
Au mois de septembre dernier, les résultats d’une étude publiés par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir ont confirmé cette alerte. Il y a six ans, cette association avait déjà alerté les pouvoirs publics. Aucune mesure n’avait alors été prise.
Au mois de décembre, vous avez répondu à mon collègue Pascal Allizard que la réglementation européenne existante sur les substances chimiques était suffisante et avez annoncé une enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Il est tout de même question de conservateurs allergisants, de perturbateurs endocriniens, de substances cancérigènes !
Aussi, je souhaite obtenir des précisions sur les moyens dont dispose la DGCCRF pour contrôler les fournitures scolaires et assurer aux familles que, à la rentrée prochaine, les fournitures scolaires ne contiendront plus de produits dangereux, quelle que soit leur provenance géographique.
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Babary, le marché français des fournitures scolaires recouvre une vaste gamme de catégories de produits. Si certaines fournitures scolaires peuvent être considérées comme des jouets et relèvent donc de la directive européenne relative à la sécurité des jouets, cela ne vaut pas pour la plupart d’entre elles, compte tenu de leur absence de valeur ludique. Il n’est donc pas possible d’étendre à toutes les fournitures scolaires les dispositions réglementaires exigibles pour les jouets.
Pour autant, la sécurité des fournitures scolaires, à défaut de texte spécifique, est assurée au travers de l’obligation générale de sécurité (OGS) définie par une directive européenne sur la sécurité générale des produits, qui a été transposée en droit national dans le code de la consommation.
Par ailleurs, les matériaux et substances chimiques qu’elles contiennent sont encadrés par le règlement européen (CE) n° 1097/2006 sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions de substances chimiques, dit Reach, et par le règlement (CE) n° 1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, dit CLP. Ces textes prévoient respectivement des restrictions d’usage pour les substances les plus dangereuses, ainsi que, le cas échéant, des mentions obligatoires d’étiquetage.
Le Gouvernement, qui est très attentif à la protection des consommateurs, en particulier les plus jeunes et les plus vulnérables d’entre eux, à qui sont par nature destinés ces produits, a pris note avec la plus grande attention de l’avis de l’Anses relatif à une expertise hors évaluation des risques relative à l’état des connaissances sur la présence ou l’émission de substances dangereuses dans des fournitures scolaires et de bureau et leur impact éventuel sur la santé.
Aussi, je vous confirme que la DGCCRF renforcera le contrôle de ces produits dès cette année, au moyen d’une enquête dédiée. Une synthèse de cette enquête sera ensuite transmise à l’Anses, afin que cette dernière dispose de données supplémentaires pour évaluer les risques sanitaires en cause.
Mme le président. La parole est à M. Serge Babary, pour la réplique.
M. Serge Babary. Monsieur le ministre, l’inquiétude que je comptais traduire par cette question porte évidemment sur la rentrée prochaine. Je n’ignore pas la demande adressée à la DGCCRF, dont j’ai interrogé les personnels. Le problème concerne les moyens mis à la disposition de ces équipes pour surmonter la difficulté d’effectuer les contrôles.
Analyser ou écrire des rapports, c’est bien, mais il faudrait parvenir à contrôler la masse de produits importés. C’est évidemment compliqué, mais on ne peut pas imaginer que, à la rentrée prochaine, les familles découvrent encore dans la presse de nouvelles études révélant la présence de substances dangereuses dans les fournitures scolaires. Ces contrôles sont nécessaires pour éviter que ne survienne un accident, qui serait préjudiciable aux enfants.
exclusion des dépenses d’agencement et d’aménagement de terrains dans l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée
Mme le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 335, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
Mme Elsa Schalck. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur un sujet majeur pour les finances de nos collectivités territoriales : l’exclusion des dépenses d’acquisition, d’aménagement et d’agencement de terrain dans l’assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) depuis le 1er janvier 2021.
Nous avons évoqué ce sujet à plusieurs reprises au sein de cet hémicycle. En effet, nous avons voté la réintégration de ces dépenses pour les communes et leurs groupements au mois de juillet dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, ainsi qu’au mois de décembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023.
Au cours de ces débats budgétaires, le ministre délégué chargé des comptes publics a reconnu qu’il était nécessaire de revoir la situation. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas retenu, dans le texte issu du 49.3, l’amendement du Sénat, qui répondait pourtant aux attentes et aux besoins des collectivités territoriales et des associations d’élus locaux, et reprenait des engagements gouvernementaux.
Aussi, je voudrais de nouveau me faire l’écho de cette attente forte quant à la nécessaire révision de l’assiette des dépenses éligibles au FCTVA. Cette exclusion porte préjudice à l’investissement local, alors même que les collectivités locales représentent 70 % de l’investissement public. Les lourdes conséquences financières que cela comporte pour les communes s’ajoutent au contexte financier particulièrement compliqué pour ces dernières, qui sont frappées par l’inflation et par l’augmentation considérable du coût de l’énergie.
Monsieur le ministre, il est impératif de mettre fin aux discours contradictoires consistant à encourager l’investissement local en demandant aux communes de réaliser des travaux pour agir, notamment pour la biodiversité, tout en modifiant les règles de financement.
Le principe d’autonomie financière des collectivités doit recouvrer toute sa vigueur dans notre pays. Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : quand réintégrerez-vous ces dépenses d’aménagement et d’agencement de terrain au sein du FCTVA ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice Schalck, pour ma part, j’y vois non pas une contradiction, mais la réalité de l’action publique au jour le jour, dont l’objet est certes de promouvoir l’investissement, mais aussi de préserver les équilibres budgétaires de la Nation.
Nous discutons de l’efficacité d’une mesure votée à la fin de l’année 2020 dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 visant l’automatisation de la gestion du FCTVA, laquelle a conduit à revoir la définition de l’assiette des dépenses d’investissement éligibles.
Ainsi, certains comptes enregistrant des dépenses auparavant éligibles n’ont pas été retenus dans l’assiette – c’est le cas du compte 212 « Agencement et aménagement de terrains » –, dans la mesure où ils comportent des dépenses hors taxe inéligibles au FCTVA.
Dès lors, les dépenses engagées par les collectivités pour l’aménagement de terrains ne sont pas éligibles au FCTVA. Néanmoins, certaines dépenses réalisées par les collectivités dans le cadre de projets d’aménagement sont susceptibles d’ouvrir au bénéfice du fonds. C’est notamment le cas des achats d’équipements sportifs et urbains, qu’ils soient fixés au sol ou non – paires de buts, filets de tennis, panneaux d’informations, etc. –, qui relèvent du compte 2188 « Autres immobilisations corporelles ».
Par ailleurs, les dépenses qui relèvent d’une imputation au compte 2158 « Autres installations, matériel et outillages techniques », comme les dépenses relatives à l’achat d’un tracteur ou encore les travaux d’éclairage du stade municipal, sont éligibles au FCTVA, de même que les dépenses relatives à la voirie.
Si le principe d’inclure des dépenses des comptes 211 « Terrains » et 212 « Agencement et aménagement de terrains » a fait l’objet d’amendements et de discussions pendant les débats du projet de loi de finances pour 2023, ces mesures ont alors été écartées au regard de leurs conséquences budgétaires. Elles entraînaient en effet un surcoût, estimé à plus de 500 millions d’euros, contrevenant au principe de neutralité budgétaire de la réforme.
Considérée dans sa globalité, la réforme de l’automatisation du FCTVA se révèle donc favorable à l’investissement public local. Une évaluation du coût de ce dispositif est par ailleurs en cours de réalisation par les services de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de ceux de la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ces éléments seront présentés au printemps 2023.
situation fiscale des travailleurs français du secteur public belge
Mme le président. La parole est à M. Éric Bocquet, en remplacement de Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 411, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.
M. Éric Bocquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, nos compatriotes salariés des services publics belges nous alertent sur les conséquences d’une modification à venir de leur statut fiscal.
De quoi s’agit-il ? Actuellement, une personne de nationalité française, résidant en France et travaillant dans les services publics non concurrentiels belges, est imposable en France.
Or une nouvelle convention, signée entre nos deux pays et ayant pour objectif d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, revient sur cette disposition. Lorsqu’elle entrera en vigueur – puisqu’elle n’a pas encore été ratifiée –, des milliers de salariés devront payer leurs impôts en Belgique.
Les conséquences seront lourdes pour des femmes et des hommes employés d’hôpitaux, d’écoles ou de structures médico-sociales, qui verront leurs revenus baisser de 25 % à 30 %, les impôts sur le revenu en Belgique étant nettement supérieurs aux nôtres.
Les projets de vie à long terme de ces travailleurs sont remis en cause : nombre d’entre eux ont souscrit des prêts, notamment immobiliers, sur la base de revenus et de capacités d’emprunt risquant d’être subitement dévalués et s’inquiètent à juste titre pour leur avenir.
Une solution existe toutefois et a déjà été appliquée en 2012 lors de la suppression du statut fiscal frontalier. Contraints de payer leurs impôts en Belgique, les travailleurs français du secteur privé belge, déjà sous statut frontalier, avaient alors bénéficié d’un délai leur permettant de continuer à payer leurs impôts en France jusqu’en 2033. À l’époque, la modification du statut fiscal n’a été immédiatement appliquée qu’aux nouveaux frontaliers.
Les employés français du secteur public belge, qui ne remettent pas en cause la modification de leur statut fiscal, souhaitent tout simplement bénéficier du même délai et des mêmes dispositions afin d’anticiper la baisse de revenus à venir.
Aucune réponse précise ne leur a encore été apportée, sinon l’annonce d’une hypothétique et lointaine modification de la législation fiscale belge. Alors que cette réforme n’est pas confirmée de l’autre côté de la frontière et qu’elle est, semble-t-il, une nouvelle fois repoussée, la vague promesse qui leur est faite n’est pas de nature à apaiser leurs craintes bien légitimes.
Ma question est donc simple et précise, monsieur le ministre, et j’espère que votre réponse le sera tout autant : comptez-vous accéder à la demande des salariés français concernés de pouvoir bénéficier des mêmes délais et dispositions que leurs collègues du secteur privé en 2012 ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l’industrie. Je remercie Mme la sénatrice Gréaume de sa question, qui porte sur un sujet dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre dans cet hémicycle voilà quelques semaines avec Jean-Pierre Decool.
Vous l’avez rappelé, monsieur Bocquet, la France et la Belgique ont signé le 9 novembre 2021 une nouvelle convention fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, destinée à remplacer celle qui est en vigueur depuis 1964. Cette convention préserve le régime spécifique des frontaliers prévu au protocole additionnel à l’actuelle convention. Comme toute convention fiscale bilatérale, elle sera soumise au Parlement pour ratification.
En ce qui concerne les rémunérations de source publique, la convention franco-belge repose, sauf exception, sur le principe de l’imposition par l’État qui verse ces revenus. Les salaires des personnes travaillant en Belgique pour une entité publique belge sont donc taxés en Belgique, même si ces personnes habitent en France. L’inverse sera également vrai et ne pourra que rendre plus attractif l’emploi public de notre côté de la frontière dans des secteurs qui, comme la santé et l’éducation, sont décisifs pour le développement des zones frontalières.
Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’une règle de bon sens, permettant d’éviter qu’un État ne subventionne indirectement l’autre État et ne paie à sa place des fonctionnaires qui seraient recrutés de l’autre côté de la frontière. Je comprends de la question qui m’a été posée que ce constat est partagé.
Je précise que seule une catégorie de travailleurs résidant en France verra son régime d’imposition modifié par les futures dispositions conventionnelles. Il s’agit de ceux qui possèdent la seule nationalité française, qui perçoivent des traitements publics de source belge et exercent leur activité en Belgique. Ces revenus, qui sont actuellement imposables en France, le seront en Belgique en application de la nouvelle convention.
Afin d’atténuer les effets de ce changement, vous suggérez que la règle nouvelle ne s’applique qu’aux nouveaux travailleurs. La comparaison que vous établissez avec l’extinction du régime des frontaliers en 2012 a ses limites.
Tout d’abord, il s’agissait d’un régime historique, qui visait à traiter la situation particulière des personnes dont l’activité professionnelle requiert de franchir régulièrement la frontière. Ensuite, ce régime contraint la France à verser une compensation financière à la Belgique. Enfin, le régime des frontaliers a vocation à disparaître, y compris pour les personnes qui y étaient éligibles en 2011 ; ce sera le cas à partir de 2034.
faillite de l’école républicaine en matière de mixité sociale
Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, auteure de la question n° 366, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d’État, dans une tribune parue au mois de décembre dernier, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse décrivait l’état dramatique de l’école républicaine, qu’il comparait à un champ de ruines.
La publication de l’indice de position sociale (IPS) et des informations associées permet désormais de partager ce constat alarmant. Oui, le principe d’égalité est très largement battu en brèche : le déterminisme social frappe dès le plus jeune âge, brisant toute perspective d’égalité des chances. Au sommet d’une hiérarchie scolaire qui ne dit pas son nom trônent l’enseignement privé et l’enseignement catholique.
Dans le département du Nord, dont l’IPS est de 97, soit six points de moins que le niveau médian national, les voyants sont au rouge. À Lille, où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, les voyants sont d’un rouge très vif, puisque la moitié des établissements y affichent un IPS inférieur ou égal à 93, les différences étant très importantes entre les quartiers.
Ma question, contrairement à l’habitude, n’est pas simple, madame la secrétaire d’État : quelle réforme structurelle le Gouvernement envisage-t-il pour rétablir l’égalité républicaine et la mixité sociale dans nos écoles et combattre la ségrégation qui y est à l’œuvre ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Martine Filleul, vous avez raison : la seule manière de lutter contre les inégalités et les déterminismes sociaux, c’est de s’attaquer à la mixité sociale à l’école. C’est la mère des batailles. Vous avez également raison : ce n’est pas là un exercice aisé.
La première des étapes, c’est évidemment de faire la transparence sur les indices de position sociale en les rendant publics. Pour autant, il ne suffit pas de les connaître, encore faut-il savoir comment œuvrer, à court, à moyen et à long terme, pour assurer la mixité sociale à l’école. À cet égard, je puis vous assurer, madame la sénatrice, que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a fait de cette question un combat sincère.
La stratégie mise en œuvre doit reposer sur les territoires, les différences et les inégalités entre eux étant criantes. Il faut s’appuyer sur les maires, sur les présidents de département, mais aussi sur les associations de parents d’élèves et les parlementaires pour décliner des mesures fortes dans les établissements scolaires.
La première politique visant à accroître la justice et la mixité sociales dans les territoires a été expérimentée notamment dans l’académie de Lille. Il s’est d’abord agi de revoir la sectorisation scolaire. On le sait, ce n’est pas là un exercice facile. Pour autant, il est nécessaire et se doit d’être ambitieux. Il est accompli progressivement lorsque la géographie du territoire le permet, en s’appuyant sur des dispositifs de secteur.
Je pense évidemment aux secteurs multi-collèges et multi-lycées, au jumelage d’établissements, à la transformation effective des conditions d’affectation et à l’accueil d’élèves boursiers dans tous les établissements, mais aussi aux contrats de mixité par lesquels les établissements scolaires s’engagent à accompagner les élèves les plus fragiles socialement en mobilisant les cordées de la réussite, du soutien, du tutorat, du mentorat, les stages de réussite, l’enrichissement de l’offre pédagogique et l’implantation de cursus d’excellence.
Nous savons toutefois, madame la sénatrice, que ces dispositifs sont des éléments complémentaires, des correctifs, mais que, sur le fond, ce qu’il faut, c’est évidemment développer la coopération avec les collectivités territoriales pour la prise en charge des transports scolaires. La mobilité, les frais d’hébergement ou de restauration sont des freins. Or il faut faciliter plus fortement la mobilité des élèves, et ce sur l’ensemble du territoire.
Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État !
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État. Un débat sur la mixité sociale à l’école aura lieu au Sénat le 1er mars prochain, sur l’initiative de votre groupe, madame la sénatrice. M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse aura alors l’occasion d’entrer plus en détail sur ce sujet.
Mme le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Madame la secrétaire d’État, je le répète : il faut une réforme structurelle et globale ambitieuse pour faire évoluer notre système éducatif et endiguer la ségrégation. J’insiste en particulier sur la nécessaire transformation en profondeur de la carte scolaire.
Il faut par ailleurs mettre fin aux fermetures systématiques de classes auxquelles nous assistons et faire preuve de plus d’exigence et de fermeté à l’égard de l’enseignement privé. Enfin, il faut octroyer des moyens aux zones d’éducation prioritaire et mieux rémunérer les enseignants.
harcèlement scolaire et violences sexuelles
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, auteur de la question n° 373, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Marie Mercier. Ma question porte sur le harcèlement scolaire.
Près d’un million de jeunes seraient victimes de ce cauchemar, à l’école bien sûr, mais aussi en dehors, à cause des réseaux sociaux et des nouvelles technologies. Ces enfants vivent un véritable calvaire, où se mêlent à la fois la violence, la répétitivité, mais surtout l’isolement.
Que disent ces enfants ? Que personne ne les écoute, que personne ne les croit !
Permettez-moi d’évoquer le cas d’un jeune de mon département, que j’appellerai Maël. Cet enfant et ses parents ont eu beaucoup de mal à faire admettre qu’il était victime de harcèlement scolaire. À présent, il faut qu’ils se battent contre les institutions. Pourquoi ? Parce que c’est le jeune harceleur, qui a probablement lui aussi besoin d’aide, qui restera dans l’école, quand Maël est contraint de la quitter !
Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour lutter contre le harcèlement, qui gâche la vie de tant de nos enfants et leur fait vivre un véritable enfer ? Ne me parlez pas du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe), des mesures, des axes, des piliers. On connaît tout cela ! Que comptez-vous réellement faire pour aider et sauver nos enfants ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice, je ne vous parlerai ni des programmes de lutte contre le harcèlement, en particulier du programme pHARe, ni de la loi visant à combattre le harcèlement scolaire, dite Balanant.
Si ces programmes sont nécessaires et constituent une première réponse afin que Maël et ses parents puissent bénéficier d’une écoute et être accompagnés, il faut aussi évidemment former les encadrants et mobiliser l’ensemble des maillons de la chaîne éducative, les enseignants, les conseillers principaux d’éducation, les infirmiers scolaires, tous ceux qui encadrent au quotidien nos enfants.
Madame la sénatrice, le harcèlement est un fléau. Il tue et brise des familles. Il ne s’arrête jamais. Il vous prend aux tripes, il entre dans votre tête et, pour finir, il vous brise. Il est difficile pour un jeune adolescent de se rendre compte que la honte doit s’inverser, qu’il n’y est pour rien.
Le jeune Maël n’a pas à partir de son établissement. C’est mon intime conviction. Un jeune victime de harcèlement doit être accompagné. La victime n’a pas à quitter son établissement et à être ainsi doublement pénalisée.
Le harcèlement est un fléau de notre temps. Il s’aggrave dans notre société, qui est parfois plus violente. Avec les réseaux sociaux, il n’y a plus de frontières. Ce qui se passe dans les cours d’école se retrouve en ligne, puis dans la chambre de l’enfant, le soir, tard, sans les parents. Ces derniers sont démunis et ils n’ont parfois même pas conscience de ce que vit leur fils ou leur fille.
Si j’avais un message à faire passer, ce serait le suivant : il ne faut jamais avoir peur, jamais avoir honte, il faut parler. Ce message est valable également pour les camarades et les adultes encadrants. Mieux vaut mobiliser plus de monde que pas assez, chaque fois que cela est nécessaire.
Enfin, une prise de conscience de la société est nécessaire, puisque ce fléau tue nos enfants aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. C’est parce que le harcèlement tue, madame la secrétaire d’État, que je me suis permis d’évoquer le cas de cet enfant, qui a dit : « Il faudra peut-être que je meure pour que cela s’arrête. » Je relayerai vos propos sur le fait que Maël n’a pas à changer d’école et doit rester dans son établissement.
Vous avez évoqué l’ensemble des maillons de la chaîne. À cet égard, permettez-moi de vous faire une suggestion. Il y a des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté dans les écoles, dans les collèges, mais le maire n’y est pas souvent associé. Les maires doivent y participer, car ils sont les employeurs des Atsem, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Par ailleurs, ils assurent la cantine, s’occupent des transports scolaires ; or l’enfant souffre aussi pendant les temps périscolaires.
Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour que les écoles s’ouvrent et que le maire soit invité, en présence de la psychologue, à leur réunion.
financement de la pédagogie
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, auteure de la question n° 374, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Angèle Préville. Madame la secrétaire d’État, alertée par des élus du département du Lot, je souhaite vous interroger sur le financement de la pédagogie dans nos collèges.
Depuis plusieurs années, l’État semble se désengager, laissant les collectivités territoriales assumer toujours plus de dépenses qui, normalement, lui incombent.
Bien sûr, le financement des actions pédagogiques ne relève pas de la compétence des collectivités locales. Il semble par ailleurs qu’aucune logique nationale ne prévale en matière de financement du volet pédagogique.
Plus généralement, d’une année sur l’autre, d’une académie à l’autre, d’une collectivité territoriale à une autre, les règles de financement de la pédagogie sont devenues très variables.
La dotation des départements est destinée à la construction et à l’entretien des collèges, mais le département du Lot subventionne également des projets éducatifs, sportifs, culturels et dans le domaine de la prévention. Pour l’instant, il augmente les subventions qu’il attribue à ces projets pédagogiques, voire au financement de la pédagogie elle-même, à savoir l’achat de manuels scolaires. S’il s’agit là d’un choix politique engagé, supportable jusqu’à présent, il ne perdurera peut-être pas compte tenu du contexte économique difficile que nous connaissons.
Pourtant, les équipes éducatives devraient pouvoir compter sur des budgets pérennes afin de pouvoir construire sereinement des projets ambitieux pour les enfants de notre département.
Madame la secrétaire d’État, n’est-ce pas à l’éducation nationale de donner aux établissements les moyens d’acheter les manuels, les livres pour les centres de documentation et d’information (CDI) et de financer les sorties scolaires, en d’autres termes de financer la pédagogie ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice Préville, la question budgétaire est souvent posée lorsque l’on parle d’école. Aujourd’hui, le budget de l’éducation nationale, on le sait, est le plus important de l’État : il s’élève à 59 milliards d’euros, en augmentation de plus de 6 % cette année, une telle augmentation étant loin d’être inutile.
Cela étant, la répartition des compétences est très claire. Le code de l’éducation prévoit que les locaux incombent au bloc communal. L’État, pour sa part, prend en charge la rémunération des enseignants, mais aussi le financement des actions pédagogiques du premier degré.
Dans cette optique, madame la sénatrice, un parcours de citoyenneté peut sans doute s’envisager. Un certain nombre de collectivités, dont je salue l’action, soutiennent des projets pédagogiques complémentaires. Je pense aux classes découvertes, à l’école hors les murs, mais aussi à certains forums associatifs qui ont lieu dans nos communes. Ces projets sont soutenus par les élus locaux, qui sont les premiers bâtisseurs de la citoyenneté.
Il y a deux manières de voir l’École – avec un grand E – : soit elle est exclusivement un lieu d’instruction, auquel cas la formation porte uniquement sur les fondamentaux pédagogiques, soit elle est un lieu d’éducation, donc d’éducation également à la citoyenneté, au civisme et à l’engagement, auquel cas les projets soutenus par l’ensemble des élus, du bloc communal ou du département, sont des bienfaits.
En revanche, il ne doit pas y avoir d’inégalités entre les territoires et en fonction des sensibilités politiques. C’est là un point d’alerte et vous voyez très bien à quoi je fais référence, madame la sénatrice.
Pour qu’il n’y ait pas d’inégalités, le Président de la République a souhaité que les projets d’établissement soient plus nourris et plus forts. À cet effet, il a été mis en place un fonds d’innovation pédagogique, doté de 500 millions d’euros sur le quinquennat, à la suite du Conseil national de la refondation (CNR).
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Bien évidemment, les collectivités financent des projets pédagogiques complémentaires. Madame la secrétaire d’État, j’espère que le fonds dont vous venez de nous parler pourra servir à l’achat de matériel pédagogique proprement dit, comme des manuels scolaires, et que les départements n’auront pas, à l’avenir, à financer de tels achats.
iniquité de traitement des enfants en situation de handicap selon qu’ils habitent en milieu urbain ou rural
Mme le président. La parole est à M. Daniel Gueret, auteur de la question n° 378, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Daniel Gueret. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la révision de la carte scolaire pour l’année scolaire 2023-2024.
Un certain nombre d’élus dans nos territoires ont été destinataires d’un courrier précisant que « l’évolution des effectifs prévus à la rentrée prochaine pourrait rendre nécessaire un retrait de moyens dans une école ». Il s’agit là d’une approche purement comptable, en aucun cas humaine, ce dont tout le monde est bien conscient. Inquiets, des élus et des parents d’élèves engagent des actions : ils organisent des manifestations, lancent des pétitions, font des points presse, comme c’est le cas dans plusieurs villes de mon département, l’Eure-et-Loir.
Je souhaite par conséquent interroger le ministre sur les conséquences de ces décisions qui s’imposent aux enseignants et aux élèves des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis), en particulier sur l’iniquité du traitement réservé aux enfants en situation de handicap en fonction de leur lieu de résidence, en milieu urbain ou en milieu rural. Les moyens mis à disposition d’un établissement sont en effet totalement différents selon que celui-ci se trouve dans une ville ou dans un village, ce qui est particulièrement choquant, vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État.
En prenant ces décisions, l’administration sous-estime le fait que la fermeture d’une classe a pour conséquence d’augmenter le nombre d’élèves Ulis dans les classes restantes, ce qui complique la tâche des enseignants très investis et les décourage, car ils sont privés de moyens pour accompagner ces enfants supplémentaires.
Aussi, madame la secrétaire d’État, alors que le Gouvernement promeut l’inclusion en milieu scolaire, je souhaite connaître les mesures concrètes mises en œuvre, en particulier en milieu rural, pour donner à tous ces enfants en difficulté les mêmes chances d’apprentissage et à tous nos enseignants l’appui nécessaire au bon exercice de leurs missions.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, chaque fois qu’une classe est menacée de fermeture dans mon territoire, les parents d’élèves se mobilisent, de même que, souvent, les équipes pédagogiques, lesquelles mesurent les conséquences objectives d’une telle réorganisation. Une fermeture de classe créée une émotion légitime.
S’il y a un domaine dans lequel il ne faut pas procéder à une analyse comptable, c’est dans l’éducation nationale, car on ne sait pas dire combien l’éducation, la prévention permettront d’éviter de dépenses demain. S’il existe un rêve français, c’est peut-être celui du mérite, de l’élévation par l’effort et de l’égalité en matière d’accès à l’éducation et à la formation. Zéro logique comptable au sein de l’éducation nationale !
Malgré la baisse démographique et la singularité de nos territoires, il est nécessaire aujourd’hui de continuer à accompagner tous les enfants, quelles que soient leurs difficultés.
Vous parlez des classes Ulis en particulier, monsieur le sénateur. Aucune ne sera fermée l’année prochaine. Mieux, quatre classes supplémentaires seront ouvertes.
Le département de l’Eure-et-Loir a perdu 2 690 élèves en quatre ans, mais seulement onze postes. Le taux d’encadrement moyen par classe y est supérieur à la moyenne nationale. Pour autant, il ne faut pas s’arrêter à ces moyennes – ce serait contredire totalement mon propos initial. Il faut accompagner les spécificités territoriales.
Les classes Ulis demandent une attention particulière. La carte de ces classes est déterminée en fonction des caractéristiques de la population scolaire, mais aussi de la mobilisation des élus locaux, qui est essentielle. La chaîne éducative et pédagogique dépend aussi de leur mobilisation et de leur sensibilité. La carte prend également en compte les distances, les questions de mobilité ayant des conséquences sur les enfants, mais aussi les zones d’enclavement, la carte des formations professionnelles sur le bassin, afin de voir les continuités, et l’offre sociale – c’est une spécificité – pilotée par l’agence régionale de santé.
Monsieur le sénateur, s’il fallait faire un seul investissement, ce serait dans l’éducation.
conditions de la rentrée scolaire 2023 en seine-maritime
Mme le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 417, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, la soustraction serait-elle l’opération préférée de l’éducation nationale ? En effet, 25 % des postes qui seront supprimés l’année prochaine dans les lycées le seront en Normandie, qui perdra 306 heures de dotation horaire globale, dont 134 heures dans le seul département de la Seine-Maritime.
Ainsi, le lycée Guy-de-Maupassant de Fécamp perdrait 98 heures, alors qu’il ne comptera que 34 élèves de moins qu’à la rentrée dernière. Cette équation ne prévoit aucun poste pour le retour de l’enseignement des mathématiques annoncé pour tous les lycéens en classe de première.
Dans les collèges, l’heure est également à la soustraction : des classes ferment, d’autres, en conséquence, sont surchargées, comme aux collèges Pablo-Picasso de Harfleur ou Claude-Monet de Gruchet-le-Valasse.
Quant aux enseignants de technologie, ils ont appris par les médias la suppression de leur heure de cours en sixième au profit d’une heure de renforcement en français et en mathématiques, sans que personne sache aujourd’hui qui l’assurera.
Dans le primaire, 111 fermetures de classes sont prévues en Seine-Maritime, contre 79 ouvertures. Les regroupements et les fermetures de classes en milieu rural se développent. Or nos villages aussi sont des zones prioritaires ! L’argument démographique a bon dos…
J’ajoute que le manque de remplaçants, y compris lorsque les absences sont prévues, a pour effet d’augmenter les effectifs dans les classes. L’école Thomas-Pesquet du Fontenay totalise 46 jours non remplacés depuis le mois de septembre ! Je sais que vous voyez dans le logiciel Andjaro « la solution parfaite face au sous-effectif », mais nos enfants ont besoin d’enseignants !
Enfin, comment faire de l’école inclusive une priorité, alors que quatre postes d’enseignants sont supprimés dans les centres médico-psycho-pédagogiques du Havre, de Rouen ou de Dieppe et que les élèves relevant d’une Ulis, unité localisée pour l’inclusion scolaire, ne pourront plus être accueillis en quatrième au collège Victor-Hugo de Rives-en-Seine ?
L’insuffisance des crédits sur laquelle nous avons alerté se confirme, madame la secrétaire d’État. Elle conduit à mettre tous les besoins en concurrence et à gérer la pénurie, alors que le seul objectif devrait être la réussite des élèves.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, à qui j’indique que je suis moi aussi très attachée au lycée de Fécamp ! (Sourires.)
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Message reçu, madame la présidente ! (Nouveaux sourires.)
Madame la sénatrice Brulin, vous parlez de soustraction. Il se trouve que les mathématiques ne sont pas mon fort. Je m’attarderai cependant sur une soustraction, la baisse de la démographie. L’argument démographique n’a pas bon dos. Le fait est que, d’ici à la fin du quinquennat, notre système scolaire comptera un demi-million d’élèves en moins. Cela nécessite des réorganisations et des évolutions.
Je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice, il faut prendre en compte les besoins spécifiques de chaque territoire. Il n’y a pas de raison que les territoires ruraux soient plus touchés que des territoires plus denses ou plus urbains.
L’académie de Normandie sur laquelle vous m’interrogez comptera à la rentrée prochaine 5 296 élèves en moins. Le département de la Seine-Maritime a perdu 6 747 élèves depuis 2016 dans le premier degré, le nombre d’élèves étant passé de 115 254 à 108 457. Pourtant, le département a gagné 270 postes. À la rentrée 2023, le département devrait perdre plus de 2 000 élèves.
Au-delà des chiffres – je vous l’ai dit, ils ne sont pas mon fort –, ce qui compte pour moi, ce pour quoi je me suis engagée en politique, c’est la vision que j’ai de l’école, ce qu’elle apporte aux jeunes, qui, parfois, n’ont pas les mêmes chances que les autres en raison du capital social de leur famille et du territoire où ils vivent.
Ce que je vois, c’est que le taux d’encadrement s’améliore en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Il n’est pas parfait, c’est vrai, mais le nombre d’élèves par classe est désormais plus bas.
Le regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de la forêt d’Eu – Longroy, Melleville, Millebosc et Guerville – comprend cinq classes réparties sur quatre sites, dans lesquels 88 élèves sont attendus à la rentrée 2023. L’effectif moyen par classe sera de 22 élèves après la fermeture d’une classe. Selon les projections, l’effectif devrait être de 70 élèves au maximum d’ici à deux ans.
Quant à la situation de l’école Thomas-Pesquet, qui était tendue, elle est en train de s’apaiser : une remplaçante est arrivée et le remplacement sera également assuré au retour des vacances d’hiver.
Madame la sénatrice, nous avons besoin d’enseignants, d’hommes et de femmes devant les élèves. Il est clair qu’aucun outil numérique, aucun outil pédagogique ne les remplacera. Je puis vous assurer que le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse se bat pour susciter des vocations et les accompagner, pour rendre le métier plus attractif, car c’est la condition de la réussite.
inquiétudes sur la rentrée scolaire 2023-2024 du lycée darchicourt d’hénin-beaumont
Mme le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteure de la question n° 419, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Sabine Van Heghe. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation préoccupante du lycée Fernand-Darchicourt d’Hénin-Beaumont à la prochaine rentrée scolaire.
Les professeurs de ce lycée ont toujours eu à cœur de mettre en application les principes de leur projet d’établissement intitulé « Culture, ambition, réussite ».
La communauté éducative du lycée Fernand-Darchicourt est guidée par les valeurs de la République et par la volonté de faire réussir les élèves. Leur action passe par la richesse de l’offre de spécialités, des options culturelles, artistiques, linguistiques et sportives, par la mise en œuvre d’échanges internationaux, de projets sur la mémoire de la Shoah ou d’éducation aux médias.
Le trop maigre abondement de la dotation horaire globale du lycée, fruit de la récente mobilisation de la communauté éducative, aura immédiatement pour effet dans la voie générale la suppression des demi-groupes en français et en philosophie en première et en terminale, ainsi qu’en français et en mathématiques en seconde. La réussite des élèves les plus fragiles pourrait malheureusement s’en trouver compromise…
Après cette forte mobilisation de la communauté éducative, les options, qui font la richesse de l’établissement, sont finalement maintenues, mais avec une quantité horaire diminuée. Par ailleurs, certaines options sont vouées à disparaître en 2024 et en 2025.
Comment lutter contre le racisme, l’antisémitisme et la discrimination liée aux origines quand on réduit aussi drastiquement les moyens les plus efficaces de cette même lutte, dans un bassin fortement marqué par la désespérance sociale ?
L’an dernier, la mobilisation des personnels a permis de récupérer des heures d’enseignement indûment supprimées. Il est primordial d’augmenter les moyens dans l’académie de Lille, qui connaît la plus forte réduction de moyens dans le second degré pour la cinquième année consécutive.
M. Pap Ndiaye pourrait-il mettre ses déclarations en adéquation avec la politique du Gouvernement et revenir sur la diminution des moyens octroyés à l’académie de Lille, en particulier au lycée Fernand-Darchicourt d’Hénin-Beaumont ? Il y va de l’avenir de leurs élèves !
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Madame la sénatrice, j’irai droit au but : le nombre d’élèves du lycée Fernand-Darchicourt est passé de 1 751 en 2020 à 1 659 cette année, soit une baisse de 5 % de ses effectifs en deux ans. Sur la même période, le nombre de lycéens a augmenté de 0,8 % à l’échelon national. Les ajustements de la dotation horaire globale de ce lycée s’inscrivent dans ce contexte.
Ce lycée, vous l’avez dit, madame la sénatrice, par la force de la mobilisation de son équipe pédagogique, offre une palette très large de formations. Je pense à la section européenne, à la section binationale, aux différents BTS, à la spécialité « numérique et sciences informatiques ».
Le nombre d’heures par élève, taux qui mesure l’offre d’enseignement, s’élève à 1,26, contre 1,18 à l’échelon national. Il est donc plus favorable.
Madame la sénatrice, ce lycée est déjà plutôt bien accompagné, comme le montrent ces deux indicateurs.
Ainsi que je l’ai dit précédemment à l’occasion d’une autre question, il ne faut pas avoir une approche mathématique de l’éducation nationale, mais il faut regarder les spécificités et les besoins du territoire.
Les services académiques, qui suivent avec attention la situation de ce lycée, prendront, si besoin est et j’en prends l’engagement, les mesures d’ajustement nécessaires à partir de la rentrée 2023. De telles mesures sont habituellement discutées à la fin de l’année scolaire, au cours des mois de juin ou de juillet – vous connaissez très bien la procédure, madame la sénatrice. Plus généralement, le taux d’encadrement dans l’académie de Lille est l’un des plus favorables à l’échelle nationale.
Aussi, il y a deux manières de voir les choses : soit l’on tire tout le monde vers le haut, soit l’on tire tout le monde vers le bas. Je suis plutôt de ceux qui veulent tirer tout le monde vers le haut !
Au lieu de comparer, préservons les plus beaux projets menés dans nos territoires et accompagnons-les avec beaucoup d’intelligence. Regardons comment sécuriser ces jolis climats scolaires, dont bénéficie notamment cet établissement – j’ai regardé le dossier dans le détail. Faisons en sorte de trouver, avec les services académiques, les réponses nécessaires.
revalorisation de la dotation de l’association transition pro de mayotte
Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 321, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation très critique que rencontre l’association Transition Pro de Mayotte.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR), dénommées associations Transition Pro, qui se sont substituées aux fonds de gestion des congés individuels de formation (Fongecif) en 2020.
Cet outil, qui permet la reconversion professionnelle des salariés du privé, est très récent à Mayotte, où ne sont appliqués ni le congé individuel de formation (CIF) ni le Fongecif.
La quote-part de la dotation du projet de transition professionnelle (PTP) allouée aux associations Transition Pro est calculée à partir de la masse salariale de chaque territoire. Or, à Mayotte, ces données ne sont ni stabilisées ni fiables. Aussi, la dotation actuelle ne permet pas à l’association Transition Pro de répondre pleinement aux besoins d’un public croissant et la contraint en outre à sous-traiter une partie de ses dossiers à La Réunion.
Cette sous-dotation met en péril l’existence même de la structure, puisque, faute de moyens, l’association devra cesser toute activité au mois de mars 2023, c’est-à-dire dans moins d’un mois !
Madame la secrétaire d’État, dans un contexte insulaire fortement marqué par des retards structurels de développement, notamment en matière d’emploi, de formation et de professionnalisation de la population active, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour sauvegarder l’existence de l’association Transition Pro de Mayotte ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, j’irai droit au but. Je peux vous assurer que le Gouvernement sera à vos côtés – son engagement est sans faille – pour garantir le droit d’accès au dispositif de transition professionnelle à tous les salariés et dans l’ensemble du territoire mahorais, ce qui permettra, bien sûr, le développement de l’île.
Monsieur le sénateur, en plus de vous garantir notre mobilisation, je vous livrerai quelques éléments, qui m’ont été transmis par le ministre du travail, compte tenu de la nature de la question. Vos préoccupations à l’égard de l’association Transition Pro de Mayotte ont déjà été identifiées par les services du ministère, qui y ont donné suite.
Ainsi que vous l’avez rappelé, le système actuel de définition des frais de gestion des transitions professionnelles rend difficile le bon fonctionnement de cette structure. Toutefois, les multiples alertes et sollicitations que vous avez pu nous adresser nous ont conduits à établir des évolutions nécessaires pour vous accompagner, monsieur le sénateur.
D’abord, la dotation votée par France Compétences et versée aux associations Transition Pro pour financer les projets est répartie entre elles au prorata de la masse salariée de leur région. Ensuite, des frais de gestion, exprimés en pourcentage de la dotation, sont négociés entre Transition Pro et les services déconcentrés.
Il se trouve que ce mode de calcul ne permet pas à l’association Transition Pro de Mayotte de bénéficier des frais de gestion suffisants pour assurer le paiement de locaux, de charges courantes et de deux effectifs qui permettraient a priori d’assurer ses missions.
Dans ce contexte, une convention de partenariat signée entre l’association Transition Pro de Mayotte et celle de La Réunion qui permet d’instruire les derniers dossiers des demandeurs, a pris fin au 31 décembre 2022. Son renouvellement, qui a été demandé par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), est en cours d’instruction.
Quant à la situation financière de l’association Transition Pro de Mayotte, une solution sera mise en œuvre pour remédier aux difficultés immédiates. Il faut toutefois penser à l’après. À cette fin, la ministre déléguée Carole Grandjean se penchera spécifiquement sur ce dossier et travaillera avec les services départementaux pour trouver une solution de long terme.
Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour la réplique.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je vous remercie de vos engagements, madame la secrétaire d’État.
Notre île rencontre des difficultés, vous le savez, mais nous nous battons, tout comme les administrateurs de Transition Pro, à qui je ferai part de cette bonne nouvelle.
travailleurs saisonniers
Mme le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 428, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel.
M. Cyril Pellevat. Ma question s’adressait au ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, que j’assure de mon plein et entier soutien, lui qui est confronté à des agissements qui n’honorent pas les politiques.
Ma question a pour objet l’opportunité d’instaurer un statut spécifique pour les travailleurs saisonniers, qui sont essentiels aux activités touristiques et participent à l’excellence de la France dans ce domaine. Ils ont pour spécificité d’être pluriactifs et d’exercer plusieurs métiers de manière intermittente.
Ainsi, au cours d’une année, un saisonnier typique disposera de deux contrats d’une durée moyenne de quatre mois, dont les amplitudes horaires sont importantes, et qui souvent l’exposeront à des facteurs de pénibilité.
Ces contrats sont habituellement séparés par des périodes d’inactivité d’environ deux mois pendant l’intersaison, parce qu’il est nécessaire de se reposer, mais également faute de trouver un emploi durant ces périodes de baisse d’activité. Si leurs employeurs font des efforts pour favoriser les CDI, l’essence même du tourisme fait que la signature de tels contrats reste rare.
Cette situation entraîne alors des effets de bord, qui ont des répercussions sur les saisonniers, notamment en matière de recherche de logement ou de droits au chômage. En effet, la réforme de l’assurance chômage requiert désormais de cotiser durant six mois, contre quatre par le passé. Alors qu’auparavant seules les périodes travaillées durant les six derniers mois étaient comptabilisées, les périodes d’inactivité sont maintenant prises en compte pour établir une moyenne sur dix mois. Les droits sont en outre ouverts sur dix mois, contre six avant la réforme.
Si l’objectif était de lutter contre les personnes profitant du système, qui cherchaient à travailler le moins possible, ces nouvelles règles font que nombre de saisonniers, qui sont simplement contraints par la saisonnalité de leurs activités, n’ont plus accès à l’assurance chômage ou, tout du moins, reçoivent une allocation dont le montant est réduit.
La réforme des retraites, elle aussi, pourrait les pénaliser. En effet, s’il est prévu d’instaurer une retraite minimale de 1 200 euros, cette mesure ne vaut que pour les carrières complètes. Or les saisonniers n’en ont que rarement, du fait des périodes d’inactivité entre leurs contrats. Ils devront donc travailler jusqu’à plus de 67 ans, alors même qu’ils exercent la plupart du temps des métiers physiques.
De surcroît, s’il pouvait être attendu un départ anticipé en raison de la pénibilité de certains métiers saisonniers, il semble que tel ne sera pas le cas, puisque les seuils définis par le texte ne seront probablement pas atteints du fait de la permittence de leurs activités.
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il d’adapter ces deux réformes pour mieux prendre en compte les spécificités des contrats saisonniers ?
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Cyril Pellevat. Faute d’adaptation, une désertification de ces métiers est à craindre, ce qui entraînerait une dégradation de la qualité du tourisme français. Il est pourtant l’un des plus performants au monde !
Plus largement, je m’interroge sur l’opportunité de créer un statut spécifique aux métiers saisonniers qui pourrait s’inspirer de celui des intermittents du spectacle. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre des armées et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de la jeunesse et du service national universel. Monsieur le sénateur, il y a un point commun entre les départements de Haute-Savoie et de Loire-Atlantique, c’est l’attractivité touristique, en raison de la montagne pour le premier, du littoral pour le second. La question des emplois saisonniers se pose dans ces territoires, mais également pour nos agriculteurs, et ce pour plusieurs raisons.
Monsieur le sénateur, pour être très explicite et vous apporter la réponse du ministre du travail, la réforme de l’assurance chômage n’a eu qu’un effet marginal sur les emplois saisonniers. La réforme du calcul de l’allocation n’a commencé à s’appliquer qu’à partir du 1er octobre 2021. Le passage de quatre à six mois, que vous avez évoqué, ne peut pas avoir touché les saisonniers de carrière qui, généralement, travaillent plus de six mois pendant l’année.
Cependant, le dispositif du bonus-malus a eu de premiers effets positifs sur les secteurs qui y sont assujettis depuis le 1er septembre 2022. La durée des contrats d’intérim a notamment augmenté considérablement.
Le Gouvernement s’inscrit tout à fait dans la démarche de soutien de la filière saisonnière que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur. Plusieurs mesures de soutien au secteur du tourisme ont déjà été mises en place. Je pense en particulier aux échanges au sein du plan Destination France, que vous connaissez, et aux nouveaux guichets d’accueil et d’orientation des saisonniers qui ont été installés dans les zones les plus touristiques. Ce plan doit se poursuivre pour couvrir l’ensemble des bassins touristiques.
Depuis le mois d’octobre 2022, Pôle emploi a également mis en place dans ses agences un certain nombre de viviers de demandeurs d’emploi motivés, qui sont dotés des compétences transversales, pour accompagner les métiers du secteur HCR (hôtels, cafés, restaurants). Par ailleurs, le service public de l’emploi et les opérateurs de compétences (Opco) ont commencé à nouer un certain nombre de partenariats.
Je ne sais pas si l’époque est aux régimes spécifiques. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est qu’actuellement les métiers saisonniers, qu’ils soient agricoles ou touristiques, subissent des contraintes supplémentaires, ce qui appelle un accompagnement particulier en matière de logement – à cause du montant du loyer, puisque parfois, un mois de salaire y passe, ou encore de la pénurie.
Pour ces raisons, nous devons traiter cette question de façon systémique. Je suis sûre que le ministre du travail sera à vos côtés pour travailler plus en profondeur sur ce sujet.
Mme le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Damien Regnard.
M. Damien Regnard. Lors du scrutin public n° 125 sur l’ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, j’ai été considéré comme votant pour, alors que je souhaitais voter contre.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Lors du scrutin public n° 122 sur l’article 1er de la proposition de loi visant à réhabiliter les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale, M. Jean Hingray a voté contre, mais il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins concernés.
5
Encadrement des centres de santé
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (proposition n° 162, texte de la commission n° 324, rapport n° 323).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, on compte aujourd’hui près de mille centres dentaires sur le territoire français ; leur nombre a progressé de 60 % en l’espace de cinq ans. La tendance est similaire pour les centres de soins ophtalmologiques : la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) en a recensé cent cinquante-sept en 2020, contre quatre-vingt-huit en 2015.
Le développement rapide et soutenu des centres de santé à travers notre pays nous impose une double exigence.
En premier lieu – comme je suis une optimiste, je regarde les opportunités à saisir –, nous devons soutenir ce modèle d’exercice collectif de la médecine, qui est de nature à améliorer l’accès aux soins de nombre de nos concitoyens. En second lieu – je fais preuve de réalisme –, il nous faut lutter avec intransigeance contre les dérives.
Il est de notre responsabilité, Gouvernement et Législateur, d’établir le cadre légal permettant un développement éthique et encadré des centres de santé, au service de la santé des Français. Voilà pourquoi nous sommes réunis aujourd’hui.
Je tiens à saluer Mme la députée Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui est à l’origine de cette proposition de loi. Je salue également le travail de M. le rapporteur Jean Sol et les membres de la commission des affaires sociales du Sénat.
Du fait de leur important écho médiatique et de l’émoi légitime qu’ils ont suscité dans la société, les scandales impliquant les centres de santé Dentexia et Proxidentaire nous ont tous marqués. Il y a eu des manquements évidents et répétés à la qualité et à la sécurité des soins. Il y a eu aussi, certes plus rarement, des faits assez graves pour conduire à des chefs d’accusation de violences volontaires et de mutilations volontaires, qui ont entraîné des infirmités permanentes chez les victimes.
Je pense également au fléau de la fraude, des surfacturations, des surtraitements et des multifacturations. Encore récemment, le 23 janvier dernier, deux centres de santé dentaire et ophtalmologique dans les Yvelines et en Seine-Saint-Denis ont été déconventionnés par la sécurité sociale. Le préjudice pour l’assurance maladie s’élève à 1,5 million d’euros. C’est un coût important pour nos finances sociales, mais c’est surtout un nouveau coup pour les usagers, qui sont aussi les victimes de ces pratiques tarifaires frauduleuses.
Ce que je vous décris, mesdames, messieurs les sénateurs, est d’autant plus choquant que ces centres de santé ont généralement abusé de la confiance de patients précaires, qui voyaient dans ces structures une solution à leurs difficultés d’accès aux soins. Je pense ainsi au témoignage d’un retraité qui, n’ayant pas eu les moyens de payer les 3 400 euros qu’un centre dentaire lui réclamait pour remplacer ses six dents arrachées sans nécessité, a perdu la capacité de s’alimenter normalement et s’est dit atteint en partie dans sa dignité : « On m’a volé une partie de moi ! » Ses mots nous obligent.
Confronté à l’ampleur d’une telle situation, le Gouvernement a rapidement réagi. L’ordonnance du 12 janvier 2018 a permis, sans attendre, la mise en œuvre de premières avancées concrètes pour contrôler davantage les conditions d’ouverture et de fonctionnement de ces centres.
Nous avons également consolidé l’arsenal de notre système de santé en matière de lutte contre la fraude sociale, ce qui nous permet, notamment en cas d’infraction grave, de déconventionner beaucoup plus rapidement ces centres. Pour ancrer et renforcer cet encadrement nécessaire, des mesures ont été étudiées dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 – je pense notamment à la création d’amendes administratives.
C’est l’union des différentes forces de contrôle qui nous permettra d’être efficaces. Ainsi, au mois de novembre dernier, dix centres de santé dentaires dans dix régions ont fait l’objet d’une mission d’inspection-contrôle des agences régionales de santé (ARS) conjointement avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), les services d’inspection du travail et les services fiscaux. Cette mission d’inspection-contrôle a également bénéficié du soutien de la mission interministérielle de coordination anti-fraude (Micaf).
Cette proposition de loi nous donne aujourd’hui l’occasion de concrétiser ces mesures, afin de toujours mieux sécuriser les prises en charge et d’assurer la qualité des soins à tous nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, François Braun et moi-même avons pour objectif premier de lutter contre les inégalités d’accès à la santé ; c’est une préoccupation majeure qui se trouve au cœur de notre action. Je le dis, ici, devant vous, car, je le sais, cet objectif est partagé sur les travées de cet hémicycle et c’est de cela qu’il est question aujourd’hui. En effet, dans un contexte de tensions sur l’offre de soins, les difficultés d’accès à la santé touchent l’ensemble du pays et ont avant tout des effets sur les plus fragiles.
Pour nombre de nos concitoyens, les centres de santé, qu’ils soient urbains, ruraux ou situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, sont reconnus comme des lieux qui leur permettent d’accéder facilement et rapidement à des soins. Près de deux mille quatre cents structures rassemblent trente-huit mille professionnels à travers le pays ; leur présence au cœur des territoires répond à l’objectif de responsabilité populationnelle qui nous est cher.
Ce sont également des structures collectives qui répondent à l’aspiration des professionnels, en particulier des jeunes, et permettent de rompre avec l’exercice isolé. Le Gouvernement les soutient et les encourage pleinement.
Si les dérives sont graves et toujours inacceptables – j’ai pu les décrire –, elles sont fort heureusement minoritaires et je ne veux pas jeter l’opprobre sur ce modèle. La multiplication des centres dentaires et ophtalmologiques permet avant tout de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens, au plus près de leurs besoins.
Aussi, je considère que lutter avec fermeté contre les dérives et créer un cadre législatif adapté est le meilleur moyen de soutenir le développement de ces structures d’accès à la santé. En effet, réguler, c’est redonner confiance aux Français dans les centres de santé ; encadrer, c’est assurer des opérateurs fiables pour garantir la qualité des soins.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que nous cherchons à atteindre cet objectif que sont prévues, dans la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui, des dispositions légitimes et équilibrées.
La logique d’agrément, sur laquelle nous avançons, permet de renforcer la démarche de projet de santé, autour de laquelle doivent être construits les centres de santé dentaires et ophtalmologiques. L’agrément, envisagé à l’échelon régional, permet également d’inscrire les structures dans un projet territorial plus large, défini localement par les agences régionales de santé.
La qualité des soins sera garantie, grâce à la transmission, puis à la vérification des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes, dans le dossier de demande d’agrément, comme à chaque nouvelle embauche.
Nous ne transigerons pas avec la sincérité de la gestion financière, en actant l’obligation de certification des comptes par un commissaire et leur transmission aux ARS.
Nous nous donnerons les moyens de procéder plus largement à des contrôles et à des vérifications, notamment durant la première année, puisque l’agrément délivré ne deviendra définitif qu’à l’issue d’une période de douze mois.
Les sanctions seront parallèlement renforcées, au moyen d’amendes dont le montant pourrait s’élever jusqu’à 500 000 euros et qui viendraient en complément d’éventuelles sanctions pénales pour les cas les plus graves. Sur proposition de son rapporteur, la commission des affaires sociales du Sénat a d’ailleurs souhaité durcir le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale afin de le rendre plus dissuasif ; nous y souscrivons pleinement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, réguler, encadrer, légiférer, c’est créer les conditions du développement de centres de santé de qualité pour nos concitoyens. Le Gouvernement soutient ainsi pleinement les mesures de cette proposition de loi : ses dispositions, nécessaires, répondent à de telles exigences et nous permettront d’assurer un développement éthique des centres de santé, au service d’un accès à des soins adaptés et de qualité pour chacun de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Sol, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2015, trois ans seulement après leur ouverture, les centres de santé Dentexia fermaient, après avoir mutilé et escroqué de nombreux patients.
Au mois de septembre 2020, les centres Dental Access fermaient à leur tour. Créés en 2015 dans les Alpes-Maritimes, ils avaient fait l’objet de nombreux signalements et de plusieurs inspections de l’agence régionale de santé à partir de 2016. Au mois de mars 2018, une patiente de 75 ans était même décédée pendant une intervention.
En 2021 a éclaté le scandale Proxidentaire, du nom de cette chaîne bourguignonne de centres exploitant les mêmes recettes, qui ont entraîné les mêmes résultats : des patients attirés par la promesse de soins à bas coûts, des soignants sommés de faire du chiffre, des soins superflus facturés en quantité excessive, des victimes parfois édentées à vie.
À chaque fois, c’est la même indifférence à la raison d’être de ces structures de la part de ce qu’il faut bien appeler des aigrefins. Les profils des gérants mis en cause dans ces scandales étaient en effet aussi éloignés qu’il est possible du monde sanitaire.
Les autres activités des centres de santé demeurent soumises au seul engagement de conformité, dont le récépissé vaut autorisation de dispenser des soins.
La demande d’agrément est examinée sur le fondement d’un dossier comprenant nécessairement les déclarations d’intérêts des membres de l’instance dirigeante et, le cas échéant, les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces. L’agrément pourra être refusé en cas d’insuffisance du dossier ou de manquements aux exigences du projet régional de santé.
Un agrément provisoire, délivré pour une durée d’un an, pourra être remis en cause à la suite d’une éventuelle visite de conformité organisée par l’ARS.
Enfin, comme souhaité par la rapporteure de l’Assemblée nationale, l’agrément est délivré définitivement et maintenu sous réserve d’une transmission sans délai aux ARS et aux ordres concernés des contrats de travail et des diplômes des professionnels.
La commission a clarifié la formulation de cet article. Elle a notamment précisé les dispositions relatives au retrait de l’agrément, qu’il soit provisoire ou définitif, particulièrement en cas de manquement aux règles applicables aux centres de santé ou relatives à la qualité et à la sécurité des soins.
La commission a également souhaité renforcer les moyens d’information des ARS postérieurement à l’envoi de la demande d’agrément sur les liens d’intérêts comme sur les contrats liant l’organisme gestionnaire.
L’article 1er quater prévoit un mécanisme transitoire de « gestion du stock » encadrant l’application du nouveau régime d’autorisation aux centres de santé existants. La commission a clarifié le dispositif transitoire, car il est indispensable que ces derniers soient également contrôlés. Elle a en outre aménagé le délai prévu afin de mieux prendre en compte la charge de certaines ARS.
L’article 1er bis prévoit l’exclusion du dirigeant d’un centre de santé de toute fonction dirigeante au sein de la structure gestionnaire si celui-ci a des liens d’intérêts avec une entreprise délivrant des prestations à la structure. Il s’agit de prévenir certains montages complexes identifiés par l’inspection générale des affaires sociales (Igas).
L’article 1er ter introduit une obligation d’information des ARS, des caisses primaires d’assurance maladie ainsi que des ordres professionnels en cas de fermeture d’un centre de santé. Cet article vise lui aussi à prévenir la survenue de certaines dérives, notamment l’utilisation frauduleuse de cartes de professionnels de santé (CPS) ou la facturation postérieure à la fermeture d’un centre.
La commission a approuvé ces deux articles sous réserve des clarifications nécessaires.
À ce premier bloc d’articles relatifs à l’autorisation des activités des centres de santé et à la prévention de certaines dérives, la commission a ajouté deux articles additionnels.
L’article 1er bis A prévoit que la continuité de la prise en charge des patients d’un centre de santé soit assurée après son éventuelle fermeture. Ces dispositions apportent une réponse aux difficultés rencontrées par des patients mutilés, dont les soins ne peuvent être repris par d’autres praticiens, faute de dossiers médicaux suffisamment documentés.
Par ailleurs, l’article 1er quinquies renforce l’interdiction de publicité des centres de santé.
L’article 2 oblige les centres à se doter d’un comité dentaire ou ophtalmologique dès lors qu’ils exercent l’une de ces activités. Ces comités, qui seront chargés de contribuer à la politique d’amélioration de la qualité des soins et à la formation continue des salariés, seront un utile contrepoids au pouvoir du gestionnaire. Ils seront composés des seuls médecins du centre, mais pourront convier à leurs réunions des représentants des usagers.
L’article 2 prévoit également de faciliter l’identification par les patients des professionnels qui les prennent en charge. Les amendements adoptés par la commission à cet article visent à clarifier la rédaction et à renvoyer le détail au décret.
L’article 2 bis dispose que les salariés des centres sont identifiés par un numéro personnel distinct de celui de la structure dans laquelle ils exercent. La commission a étendu cette mesure, qui visait initialement les seuls salariés, à tous les praticiens d’un centre afin d’inclure les bénévoles qui peuvent y exercer.
L’article 4 vise à préciser les conséquences d’un constat de manquement par un centre de santé à ses obligations légales et réglementaires.
Il garantit d’abord que les décisions de suspension et de fermeture prises par le directeur de l’ARS sont transmises sans délai à la Cnam ainsi qu’aux instances ordinales compétentes.
Il prévoit ensuite qu’une décision de suspension encore en vigueur ou une décision de fermeture peut, pendant huit ans, justifier le refus de délivrance du récépissé d’engagement de conformité ou de l’agrément demandé par le même organisme gestionnaire, le même représentant légal ou un membre de son instance dirigeante.
Il facilite enfin le recensement des mesures de suspension et de fermeture prises dans toute la France à l’attention des services de l’État et de l’assurance maladie.
La commission a en outre rendu obligatoire, sur l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, la publication de telles mesures sur le site internet de l’ARS.
L’article 5 prévoit la certification des comptes des centres de santé et leur transmission annuelle au directeur général de l’agence régionale de santé dès lors qu’ils remplissent certains critères qui seront fixés par voie réglementaire.
L’article 7 précise que les centres de santé ne peuvent demander le paiement intégral de soins qui n’ont pas encore été dispensés.
L’article 8, enfin, complète les dispositions relatives aux sanctions financières qui sont à la main du directeur général de l’ARS en élargissant les hypothèses dans lesquelles il peut les prononcer, en prévoyant un barème gradué qui sera précisé par voie réglementaire et en relevant de nouveau les valeurs de l’amende maximale ainsi que de l’astreinte journalière, respectivement portées par la commission à 500 000 et 5 000 euros afin de rendre ce pouvoir de sanction plus dissuasif.
Mes chers collègues, même si cette proposition de loi ne porte pas de vision nouvelle de l’organisation de l’offre de soins de ville, ce que nous regrettons, elle est toutefois indispensable – nul n’en doutera.
La commission, sous réserve des derniers ajustements souhaitables, espère que le texte sera adopté par le Sénat avant une adoption définitive, au terme d’une navette constructive, au Palais-Bourbon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et M. Alain Duffourg applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une recherche rapide sur internet sur le scandale Dentexia m’a conduit à consulter quelques photographies choquantes qui montrent le traumatisme subi par les victimes.
En 2016, l’explosion de ce scandale dans les médias fut le début d’une longue série : Proxidentaire, Dentexcelans, Dentego, etc. Ces noms commerciaux cachent une réalité entachée par des problèmes d’hygiène, de surfacturations et autres escroqueries, et même des mutilations. Plusieurs milliers de victimes ont, hélas ! fait les frais de ces centres dentaires dits low cost.
Se soigner ? Bien sûr ! Pour moins cher ? Pourquoi pas, mais avec quelles conséquences ?
La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, a favorisé le développement des centres de santé en supprimant l’obligation d’obtention de l’agrément, qui conditionnait alors leur ouverture, et en la remplaçant par une simple déclaration de conformité.
De nombreux Français se rendaient en effet à l’étranger afin de bénéficier de soins dentaires moins onéreux, quand ils ne renonçaient pas à se faire soigner. Cette disposition visait donc à répondre à ces difficultés. Quelques années et de nombreuses victimes plus tard, nous devons revenir sur la législation applicable à ces centres.
Les dérives constatées ne concernent bien sûr pas tous les centres. Ces derniers présentent l’avantage de délivrer des soins médicaux ou paramédicaux. Ils peuvent regrouper, par exemple, des médecins généralistes, des spécialistes, des kinésithérapeutes, et offrir ainsi aux patients l’accès à plusieurs professionnels de santé au même endroit et à des conditions tarifaires abordables.
Les professionnels de santé qui exercent au sein de ces centres bénéficient pour leur part de conditions d’exercice intéressantes – salariat, équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, congés payés, bénéfices de l’interdisciplinarité, mutualisation des investissements et des tâches administratives – susceptibles de satisfaire des aspirations nouvelles et tout à fait compréhensibles. Les dérives de quelques-uns ne doivent pas entacher l’exemplarité des autres.
Au-delà d’une réponse uniquement judiciaire, une prise en compte législative s’impose.
Prenant acte des difficultés constatées, la présente proposition de loi a pour objet de renforcer les conditions d’ouverture et les contrôles internes des centres de santé exerçant une activité dentaire ou ophtalmologique.
Ce texte prévoit donc de rétablir l’obligation d’agrément supprimée en 2009. Celui-ci ne sera de plus délivré dans un premier temps qu’à titre provisoire, l’établissement pouvant faire l’objet d’une visite de conformité, dont on peut regretter le caractère facultatif. Sa délivrance par ailleurs conditionnée à la transmission de diverses pièces telles que les contrats de travail et les diplômes des professionnels.
La proposition de loi vise également à prévenir les conflits d’intérêts, à mieux encadrer les éventuelles fermetures de centres, à instaurer un comité médical chargé de l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins et à imposer la transmission des comptes annuels à l’ARS.
Ces mesures permettront assurément d’encadrer plus strictement l’activité de ces centres et surtout de sécuriser la prise en charge des patients. En effet, un lieu de soins ne devrait jamais exposer des patients au risque d’être volés ou mutilés.
Pour que l’objectif visé par cette proposition de loi soit atteint, il faudra toutefois que les ARS disposent des moyens nécessaires pour effectuer les contrôles ad hoc. À défaut, la portée de ce texte ne sera malheureusement que symbolique.
Au-delà des dispositions qu’elle inscrit dans notre droit, cette proposition de loi nous rappelle qu’en toute situation le manque de contrôle favorise des dérives. Elle nous rappelle aussi que l’enfer est pavé de bonnes intentions et qu’à vouloir parfois trop simplifier la réglementation pour fluidifier l’accès aux soins des patients, on les expose en réalité à d’autres risques.
Ce texte nous invite enfin à mesurer les conséquences des décisions que nous prenons et à nous assurer que les patients ne soient jamais victimes ni de charlatans ni de mauvaises décisions politiques.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP. – Mmes Brigitte Devésa et Christine Bonfanti-Dossat applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pratiques commerciales trompeuses, surfacturations, manquements à l’hygiène, opacité concernant les employés, dilution des responsabilités : après l’affaire des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Orpea, ce terrible constat vise des centres dentaires.
Ces dernières années, des scandales sanitaires ont mis en lumière des pratiques de surprescription de soins et de fraudes à la sécurité sociale visant à réaliser d’énormes bénéfices. L’histoire de la rencontre entre le lucratif et la santé, qui affecte plus durement les plus pauvres, se joue donc encore une fois sous nos yeux.
Je rappelle qu’il existe une corrélation entre la gravité des pathologies bucco-dentaires et le statut socioéconomique et que de fortes inégalités en matière de santé bucco-dentaire demeurent.
D’après une enquête réalisée par le Centre de recherche, d’études et de documentation en économie de la santé (Credes), le pourcentage d’adultes ayant des dents manquantes non remplacées varie du simple au double selon la catégorie socioprofessionnelle – 45 % des ouvriers non qualifiés sont concernés.
L’une des causes d’une telle situation est le coût élevé des soins dentaires pour des personnes aux revenus modestes, qui ne possèdent pas toujours de complémentaire santé.
Les études sur le renoncement aux soins, notamment celle de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes), démontrent que les soins dentaires sont les premiers à être sacrifiés pour des raisons financières, juste avant les soins ophtalmologiques.
C’est pourquoi l’offre de soins de certains centres de santé dits « à bas prix » est devenue attractive pour ces publics. Tout ce qui relève du lucratif devrait être antinomique avec le modèle des centres de santé qui s’inscrit dans un projet collectif visant notamment à favoriser l’accessibilité financière aux soins de santé primaires, et souvent aux spécialistes, limitant ainsi le renoncement aux soins.
Les centres de santé demeurent des piliers de l’accès aux soins et de la lutte contre les déserts médicaux. Il n’est donc pas question de faire un amalgame avec ces pratiques délétères : la majorité de ces centres, notamment les centres mutualistes ainsi que les centres gérés par les caisses d’assurance maladie ou par les collectivités territoriales, jouent un rôle médico-social essentiel dans notre pays.
Du reste, des surfacturations sont aussi à déplorer dans le cadre de la pratique libérale.
Il s’agit donc, comme l’indiquait l’Igas en 2017 dans son rapport intitulé « Les centres de santé dentaire : propositions pour un encadrement améliorant la sécurité des soins », de « mettre en place des garde-fous législatifs et réglementaires pour prévenir une gestion à but lucratif […] des centres de santé ».
Certaines dispositions prévues par le texte semblent toutefois doublonner des dispositions légales et conventionnelles existantes.
Par ailleurs, le texte rétablit un agrément qui avait été supprimé en raison tant d’un manque de moyens humains des ARS, chargées de le délivrer, que du ralentissement du développement des centres de santé que la délivrance de ce même agrément induisait.
Dans le rapport précité, l’Igas estime « qu’il vaut mieux mobiliser les ressources humaines des pouvoirs publics sur des contrôles ciblés », car une telle mesure, « coûteuse en moyens », « n’aurait qu’un impact limité sur l’ouverture de centres s’inscrivant dans une logique lucrative ».
Les moyens humains d’inspection et de contrôle de l’État ainsi que des organismes d’assurance maladie se sont raréfiés au fil des années. Nous appelons certes à leur augmentation, mais nous partageons l’appréciation selon laquelle ils sont plus efficaces dans le cadre de contrôles inopinés, auxquels ils devraient être dévolus.
Nous regrettons par ailleurs que les maisons de santé pluridisciplinaires soient exemptées des dispositions du texte, ce qui crée une inégalité entre les différents types de structures d’exercice coordonné des soins.
Nous notons malgré tout que cette proposition de loi introduit des mesures importantes. Elle rend possible une meilleure traçabilité des actes, un renforcement des sanctions financières, la création d’un répertoire national des mesures de suspension et de fermeture ainsi que la facilitation de l’identification des professionnels.
Le texte prévoit également un renforcement du suivi des comptes des gestionnaires et des pratiques de facturation et entend lutter contre les conflits d’intérêts à l’origine des montages financiers.
Nous saluons l’adoption en commission de notre amendement qui, dans un souci de transparence, tend à rendre obligatoire la publication sur le site de l’ARS de la sanction financière prononcée à l’encontre d’un centre frauduleux.
Nous soutenons le modèle des centres de santé, dont la forme associative a parfois été détournée dans un but lucratif. Afin de contrer ces pratiques frauduleuses et malgré les réserves que j’ai formulées, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST. – Mmes Michelle Meunier et Laurence Cohen applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi est particulièrement attendue et nécessaire.
Elle est attendue par nos concitoyens, qui souhaitent accéder à des soins de qualité, abordables et pratiqués dans de bonnes conditions.
Elle est aussi largement soutenue par les acteurs de la santé – je pense aux ARS, à la Cnam, à la Fédération nationale des centres de santé, aux ordres et aux syndicats des professionnels de santé ainsi qu’aux associations de victimes.
Elle est enfin nécessaire, car treize ans après le vote de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, nous avons constaté que le cadre juridique des centres de santé existants n’avait pas empêché de nombreux scandales sanitaires d’éclater en leur sein.
Certains centres de santé se sont engouffrés dans la brèche ouverte par la suppression du régime d’agrément au profit d’un régime de simple déclaration de conformité à la réglementation. Ces établissements ont tiré profit de la souplesse permise par la forme associative des centres de santé, transformant ces derniers en entreprises lucratives.
Les scandales Dentexia en 2015 et Proxidentaire en 2021 ont révélé des pratiques d’une extrême gravité pour de nombreux patients.
J’évoquais précédemment des dérives lucratives. S’y ajoutent des escroqueries aux patients et des fraudes à l’assurance maladie.
Permettez-moi de souligner, mes chers collègues, toute l’importance des soins, de leur pertinence, de leur qualité et des conditions dans lesquelles ils sont dispensés.
À titre d’exemple, le scandale Dentexia a fait pas moins de 2 400 victimes, dont 350 ont déposé plainte.
La méthode est toujours la même : des tarifs au départ très attractifs, des soignants à qui l’on demande de faire du chiffre d’affaires, des soins réalisés à la va-vite et dangereux, avec comme conséquence des victimes trop nombreuses, qui souvent se sont endettées pour des traitements dentaires mal réalisés et inachevés.
Ces dérives ne sont bien sûr pas la norme : une majorité de centres de santé, notamment les centres mutualistes, ou encore les centres municipaux, continuent de jouer un rôle majeur et remplissent parfaitement leur mission.
Pour autant, ces cas nous obligent : il convient de garantir la sécurité des patients et d’éviter que l’opprobre soit jeté sur l’ensemble d’un secteur qui protège, qui soigne et qui est au cœur de notre système de santé.
Il nous faut donc pallier les faiblesses dont ces quelques acteurs profitent à des fins lucratives. Il existait un réel besoin de légiférer sur ce sujet. Je me félicite donc que nous puissions débattre aujourd’hui de ce texte qui comporte des avancées majeures.
Je tiens d’ailleurs à saluer les parlementaires à l’initiative de cette proposition de loi, en particulier la présidente Khattabi pour son travail et pour son engagement sur ce sujet. Je profite de cette occasion pour lui adresser toute la solidarité du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants après les attaques dont elle a été victime.
Ce texte prévoit d’aller plus loin dans le contrôle des centres de santé. Permettez-moi, à ce titre, de saluer le travail du rapporteur Sol, qui a renforcé avec justesse plusieurs dispositions de cette proposition de loi.
Il était indispensable de durcir les conditions d’ouverture des centres de santé, notamment en rétablissant l’agrément préalable conditionnant la délivrance de soins. Il était également nécessaire de renforcer les conditions encadrant le refus et le retrait de l’agrément.
Le durcissement des mesures de contrôle suppose que des moyens substantiels soient consentis aux ARS pour que celles-ci puissent détecter en amont de l’ouverture d’un centre d’éventuels éléments contrevenant à la saine gestion de celui-ci.
Je me félicite par ailleurs que la délivrance de l’agrément et son maintien soient conditionnés à la transmission des diplômes et des contrats de travail tant aux ARS qu’aux ordres compétents. Il s’agit d’une avancée, au même titre que d’autres dispositifs de contrôle bienvenus introduits dans ce texte.
Cette proposition de loi répond à un problème systémique. Cette logique du profit réalisé aux dépens de la santé du patient doit cesser. Trop de victimes qui garderont des séquelles et trop de patients arnaqués sont à déplorer.
Pour éviter les dérives, pour assurer des soins de qualité, il nous faut, mes chers collègues, revenir à un encadrement plus strict. Il nous faut réguler, mais aussi mieux contrôler.
L’accès égal à des soins de qualité n’est pas négociable. C’est pourquoi le groupe RDPI soutient avec force cette proposition de loi. Ce texte est l’aboutissement d’un travail collectif visant à répondre aux attentes des Françaises et des Français en matière de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Annie Le Houerou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’émergence et le développement des centres de santé ont considérablement modifié l’accès aux soins et la pratique de la médecine de ville dans notre pays.
Ces structures sanitaires, publiques et privées, qui dispensent des soins de premier et de second recours, sont indispensables pour répondre aux besoins de soins et d’organisation des soins dans notre territoire.
Différents scandales, tels que celui de Dentexia, et plus récemment, celui de Proxidentaire, ont révélé les dérives d’ampleur constatées dans certains de ces centres.
Nous ne pouvons tolérer que des patients ne soient pas correctement pris en charge ni qu’ils soient mutilés ou encore escroqués par des charlatans qui n’ont d’autre objectif que le profit. Ces derniers n’ont pas leur place au sein de notre système de santé.
La proposition de loi visant à encadrer les centres de santé que nous examinons aujourd’hui était nécessaire. Il n’est pas acceptable, dans notre pays, au regard du système de soins qui est le nôtre, que de telles dérives puissent encore avoir lieu. Il y va de la sécurité sanitaire et de la garantie de la pérennité de notre système de sécurité sociale.
Il convient d’éviter les abus et les fraudes recensés par l’assurance maladie en luttant plus sévèrement contre l’exercice illégal de la profession, les surfacturations et autres surtraitements.
Cette proposition de loi s’ajoute à une succession de propositions de loi visant à mettre un bout de sparadrap sur un système de santé à bout de souffle, dont une remise à plat globale est aujourd’hui nécessaire.
Les soins ne sont pas des produits de consommation. Le service public doit garantir la pertinence et la qualité des soins à tout citoyen de notre pays.
Le nombre de centres de santé fonctionnant sans médecin physiquement présent est en augmentation. Dans mon département des Côtes-d’Armor, un tel centre ophtalmologique a ouvert ses portes en 2021 : sur place, aucun ophtalmologue n’est présent ; des assistants réalisent les examens et l’ophtalmologue pose le diagnostic à distance, sans entrer en contact avec le patient.
Ces pratiques, qui tirent profit de la situation de pénurie de professionnels de santé, déshumanisent progressivement notre système de santé ; la confiance entre le personnel médical et les patients se détériore. Face à ces dérives, un encadrement s’impose.
Le présent texte renforce le contrôle de ces centres en rétablissant l’agrément délivré par l’autorité administrative autorisant l’exercice de l’activité dentaire et ophtalmologique.
Par ailleurs, afin d’éviter que les gestionnaires sanctionnés sur le plan ordinal ou pénal puissent pratiquer du nomadisme en passant d’une région à une autre, le texte propose également la création d’un répertoire national des gestionnaires sanctionnés.
L’article 1er de la proposition de loi instaure l’obligation pour le gestionnaire de transmettre à l’ARS les copies des contrats de travail et les diplômes, notamment des chirurgiens-dentistes.
Enfin, le texte permet au directeur général de l’ARS de refuser à un gestionnaire l’ouverture d’un nouveau centre lorsque l’un de ceux dont il a la responsabilité fait déjà l’objet d’une procédure de suspension ou de fermeture.
Le renforcement des contrôles permettra de lutter contre les dérives et garantira à nos concitoyens la qualité des soins dispensés.
Pour être efficace, ce renforcement doit toutefois être accompagné d’une augmentation des moyens attribués aux ARS pour mener à bien leur mission de contrôle et d’instruction des dossiers. À l’heure actuelle, ces agences ne disposent pas des moyens humains ni matériels nécessaires pour le faire.
Se pose également la question du caractère lucratif de ces centres. En 2018, par voie d’ordonnance, le Gouvernement a permis aux personnes morales gestionnaires d’un établissement privé de santé à but lucratif de créer et de gérer des centres de santé. Telle n’est pas notre conception de l’organisation des soins.
Cette possibilité était jusqu’alors réservée aux seuls organismes à but non lucratif, aux collectivités territoriales, aux établissements publics ainsi qu’aux établissements publics de santé.
Cette mesure dénature les centres de santé. Elle participe de la marchandisation de la santé et organise la concurrence entre de grands groupes privés et d’autres acteurs dans le domaine de l’offre de soins.
Nous nous opposons à la financiarisation de la santé de premier recours et au développement de structures commerciales à but lucratif.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le choix d’appliquer de nouvelles mesures d’encadrement aux seuls centres dentaires et ophtalmologiques, sachant que des centres psychiatriques et gynécologiques se développent également.
Afin de remédier à cette dégradation de l’offre de soins, nous avons proposé un amendement tendant à fixer un ratio d’assistants dentaires ou médicaux calculé par rapport au nombre de dentistes ou d’ophtalmologistes présents dans un centre. Ce ratio a pour objectif de garantir les conditions d’une prise en charge adéquate des patients et la qualité des soins.
Tout en s’interrogeant sur la façon d’allouer aux ARS les moyens nécessaires pour leur permettre de mener à bien leur mission de contrôle des centres de santé, les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendront, comme ils l’ont fait en commission, cette proposition de loi qui vise à prévenir les dérives trop souvent constatées. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le rapporteur Jean Sol pour la qualité de son travail.
Vous connaissez l’attachement du groupe communiste républicain citoyen et écologiste aux centres de santé. Ces structures constituent à nos yeux un élément essentiel de l’accès aux soins.
Ces établissements de proximité, implantés historiquement dans des villes et quartiers populaires, se sont développés ces dix dernières années dans des zones rurales. Ils dispensent des soins de qualité sans dépassement d’honoraires, avec une pratique généralisée du tiers payant. Surtout, ces structures collectives permettent un exercice médical et paramédical salarié, aujourd’hui plus attractif pour les jeunes professionnels.
À l’heure où la santé est de plus en plus considérée comme une marchandise ouvrant des perspectives de profits juteux, nous défendons vivement ces établissements.
Certains centres de santé sont pourtant ébranlés depuis quelques années par des scandales sanitaires. Il me paraît essentiel de préciser d’emblée qu’il existe deux catégories bien distinctes de centres de santé : d’un côté, les centres de santé publics, municipaux, mutualistes, associatifs, à but non lucratif, où le patient est réellement au cœur de la prise en charge ; et de l’autre, des structures qui n’ont de centre de santé que le nom, qui sont à vocation lucrative, financière, et qui ont d’autres préoccupations que le soin.
Les établissements de cette seconde catégorie, que l’on pourrait renommer « marchands d’actes », ont pu s’implanter ces dernières années en profitant des dispositions de la loi HPST et de la suppression du régime d’agrément préalable pour ouvrir de telles structures, contre l’avis des organisations syndicales et professionnelles.
Ces centres low cost, spécifiquement dentaires et ophtalmologiques, sont détenus par des holdings et font remonter leurs bénéfices dans des structures commerciales à but lucratif.
Leur nombre s’est fortement accru : selon la Cnam, la patientèle de ces centres a doublé entre 2015 et 2019, passant de 400 000 à 800 000 patients en quatre ans, alors que le coût des remboursements de leurs actes a bondi de 245 %, pour atteindre 69 millions d’euros.
Parallèlement à cet assouplissement et à cette croissance exponentielle, le nombre de contrôles a diminué du fait du manque de moyens des ARS. Ce qui était malheureusement prévisible arriva donc, avec les affaires Dentexia en 2015 et Proxidentaire en 2021.
Comment ne pas être en colère et profondément choqué de voir des patients mutilés ? De trop nombreuses victimes de ces centres low cost ne peuvent même pas recourir à des soins de qualité réparateurs, faute de reconnaissance réelle et d’indemnisation de la part des autorités. À quand un procès pénal pour dénoncer ces escroqueries qui ont ruiné la vie de ces hommes et de ces femmes ? Comment ne pas être en colère de voir que rien n’a été fait malgré les recommandations formulées par l’Igas en 2016 et en 2017 et que les dérives ont pu continuer ?
Cette proposition de loi est donc la bienvenue, mais sera-t-elle suffisante et efficace ? Nous avons quelques doutes.
Rétablir un agrément pour les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique, activités pour lesquelles les dérives sont les plus fréquentes, est une bonne chose. De même, la transmission des copies des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes peut contribuer à plus de transparence et d’exigence.
Mais nous sommes très perplexes quant à l’efficacité de ces contrôles et de cet encadrement par les directeurs des ARS, car aucun moyen supplémentaire ne leur est accordé pour s’acquitter de ces nouvelles missions.
De même, nous regrettons que le texte, dans sa rédaction actuelle, permette aux centres déviants de poursuivre leur activité, même en cas de manquement à la qualité ou à la sécurité des soins. Il aurait fallu que l’obligation de fermeture comme les sanctions financières, dont nous saluons la réévaluation par notre rapporteur, aient un caractère automatique. En effet, le directeur d’une ARS aura toujours la possibilité de ne pas infliger d’amende. Nous aurions souhaité plus d’exigence et de fermeté sur tous ces sujets pour rendre le dispositif réellement dissuasif.
Soyons lucides, mes chers collègues, nous sommes face à des prédateurs qui ont une forte capacité à contourner la loi. Si celle-ci ne pose pas un cadre suffisamment précis, nous leur laisserons les mains quasi libres.
Nous aurions souhaité que cette proposition de loi aille plus loin et interdise aux gestionnaires ayant un but lucratif d’ouvrir des centres de santé – ce sera d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements. Il faut en finir avec les structures privées lucratives qui voient la carte vitale comme une carte bleue.
Cela étant, nous considérons que cette proposition de loi constitue une petite avancée et une première étape. Nous la voterons donc en souhaitant qu’il y ait une prochaine loi plus générale sur les centres de santé afin d’encourager le développement des centres vertueux et d’aider davantage les collectivités qui souhaitent avoir recours à ces structures. N’oublions pas, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il s’agit de l’un des moyens de faire reculer les déserts médicaux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mmes Patricia Schillinger et Véronique Guillotin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’excellent travail de M. le rapporteur Jean Sol, qui aura permis de soulever les grandes problématiques de notre système d’encadrement des centres de santé.
La révélation de scandales comme celui d’Orpea ou de certains centres dentaires et ophtalmologiques a confirmé nos inquiétudes. Aujourd’hui, le constat est simple : il y a urgence à renforcer l’encadrement de nos centres de santé pour lutter contre ces carences et ces abus. Ce constat est d’ailleurs partagé par tous les acteurs que nous avons entendus ces dernières semaines en commission.
En 2009, la suppression de l’agrément préalable et l’assouplissement du cadre juridique que permettait la forme associative ont été à l’origine du détournement du modèle des centres de santé et des dérives constatées. Le résultat est accablant, qu’il s’agisse des patients mutilés ou des multiples fraudes à l’assurance maladie. Je n’ai donc aucun doute sur le bien-fondé de cette proposition de loi.
Cependant, je veux profiter du temps qui m’est imparti dans ce débat pour aborder une question qui me tient à cœur, à savoir la perte de sens qui résulte du fait de légiférer à tour de bras sur le système de santé : un petit bout par-ci, un petit bout par-là ! Pour preuve, nous débattrons après ce texte d’une autre proposition de loi, et pas des moindres, puisqu’il s’agit de celle de Mme Stéphanie Rist sur l’amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Mes chers collègues, laissez-moi faire référence à Euripide – les amateurs de théâtre ancien apprécieront – avec cette citation : « Ce n’est pas l’abondance, mais l’excellence qui est richesse. ». C’est à méditer.
Ma conviction est que la multiplication des initiatives législatives contribue davantage à « stresser » le système de santé qu’à l’améliorer – c’est souvent le cas quand ces initiatives viennent du Gouvernement et cela arrive parfois quand elles sont issues du Parlement. Nous aurions surtout besoin d’une grande loi sur la santé, ni plus ni moins.
Pour faire écho à l’exaspération légitime des soignants et des médecins, que l’on constate cet après-midi encore devant les portes du Sénat, je ferai mien le mot du président Pompidou : arrêtons dans ce pays d’« emmerder » les soignants et les médecins !
Une autre priorité est de former davantage de médecins, car tous ces problèmes résultent en bonne partie de la pénurie de personnel. Or, M. le ministre de la santé, présent dans cet hémicycle lors des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, au mois de novembre dernier, avait reconnu que, malgré le déblocage du numerus clausus, nous ne formions en France que 17 % de médecins en plus en raison du manque de professeurs de médecine ou de locaux d’enseignement.
Autant de mauvaises raisons, autant de blocages et de freins malheureusement spécifiques à notre pays qui poussent de nombreux jeunes Français à partir se former en Roumanie ou ailleurs : c’est absurde et ubuesque !
J’en viens au fond de cette proposition de loi. Je dois reconnaître avec satisfaction que nous consacrons du temps à un fléau qui touche concrètement le quotidien de plusieurs de nos concitoyens. En effet, l’ordonnance du 22 janvier 2018, prise après le scandale Dentexia, a certes précisé un peu le droit, mais elle n’a visiblement pas été suffisante.
Ce texte contient de réelles avancées : le rétablissement de l’agrément délivré par le directeur de l’ARS, l’obligation pour le gestionnaire de transmettre les contrats de travail des praticiens de l’ARS et l’obligation pour l’ARS de communiquer ces contrats de travail aux ordres.
L’article 2 prévoit d’obliger les centres à se doter d’un comité dentaire ou ophtalmologique, pour ceux qui exercent ces activités. Un tel comité serait chargé de contribuer à la politique d’amélioration de la qualité des soins et à la formation continue des salariés : c’est une bonne mesure.
Attendue par les patients, qui ont vécu de véritables traumatismes, par les chirurgiens-dentistes, dans la mesure où les excès de certains cabinets dentaires ont taché l’image d’une profession qui ne le méritait pas, et par l’assurance maladie, victime de nombreuses fraudes, cette proposition de loi doit être appliquée rapidement.
Toutefois, mes chers collègues, rappelons que les centres de santé, dans leur grande majorité, qu’ils soient communaux, mutualistes ou associatifs à but non lucratif, effectuent un travail de qualité. Les brebis galeuses n’entachent pas la probité de la totalité du troupeau.
Parlons des brebis galeuses justement, de Dentexia ou de Proxidentaire, dont le scandale a mis en lumière le fonctionnement de certains centres de santé dentaire où la qualité et la sécurité ne sont clairement pas une priorité. C’est bien la preuve qu’il est indispensable de lutter contre les centres de santé dits low cost.
Ce débat me rappelle le cours d’économie sur les effets de la surconcentration : nous sommes soumis dans le domaine de la santé et des soins à des difficultés autrefois inconnues. Cette surconcentration se caractérise par l’apparition d’acteurs financiers en recherche de rentabilité record, qui ne sert ni les patients, ni les soignants, ni l’aménagement du territoire. Cela vaut pour les maisons de retraite, pour les soins dentaires et ophtalmologiques, pour les laboratoires, voire, dans un autre domaine, pour les biotechs. C’est le mérite de cette proposition de loi que de s’attaquer à cette surconcentration.
À ce titre, je tiens à saluer deux mesures : premièrement, l’introduction d’une obligation pour le représentant légal de l’organisme gestionnaire d’informer dans les sept jours le directeur général de l’ARS, le directeur de la caisse locale d’assurance maladie et le président du conseil départemental de l’ordre compétent en cas de fermeture d’un centre de santé ou de l’une de ses antennes.
Une telle mesure apportera une réponse au problème des cartes de professionnels de santé qui continuent de circuler sans contrôle, alors que les centres de santé dans lesquels leurs détenteurs exerçaient ont fermé.
Deuxièmement, l’obligation pour les professionnels de santé salariés d’un centre de santé d’être identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant du centre où ils exercent. Une telle traçabilité est une exigence morale.
Au-delà des scandales médiatiques, le développement de ces centres à bas prix a largement participé aux abus et fraudes recensés par l’assurance maladie. Il s’agit donc aujourd’hui de lutter plus sévèrement contre cette forme d’exercice illégal de la médecine.
J’ajoute aux autres effets pervers de cette surconcentration la fermeture de certains laboratoires, ce qui transforme encore un peu plus la ruralité en désert médical. Cette question est d’autant plus préoccupante que les centres de santé, comme l’ont déjà souligné plusieurs orateurs, sont souvent fréquentés par des publics vulnérables disposant de peu de moyens.
Mes chers collègues, parce que la qualité des soins n’est pas négociable et parce que toute fraude doit être lourdement combattue, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est pas possible de transiger avec la qualité des soins et la sécurité des patients.
Si, en 2009, le législateur a considérablement assoupli la procédure préalable à l’ouverture des centres de santé, c’était avant tout pour améliorer l’accès des plus démunis à des soins de meilleure qualité, en particulier dans les zones sous-dotées.
Ces centres présentaient une alternative à l’offre libérale dans un contexte de forte inégalité de l’accès aux soins dentaires, avec des prestations principalement remboursées par l’assurance maladie, le tiers payant et l’absence de dépassements d’honoraires.
Aussi, face à des devis de médecins libéraux qui dépassaient leurs capacités financières, certains patients se sont tournés vers des centres de santé dentaire d’un nouveau genre plutôt que de renoncer aux soins ou de partir se faire soigner à l’étranger. Ils l’ont fait en toute confiance.
Mais, alors que l’ouverture de ces centres était limitée à une déclaration avec dépôt d’un projet de santé et d’un règlement intérieur, les pouvoirs publics n’ont pas renforcé leur système de vigilance ni les contrôles pour s’assurer que la sécurité et la qualité des soins étaient garantis, comme le relève un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de janvier 2017.
Il n’en fallait pas davantage pour que des gestionnaires peu scrupuleux s’engouffrent dans la brèche, faisant des milliers de victimes mutilées et endettées : actes de soins fictifs ou inappropriés, infections dues à un manque d’hygiène, surfacturations… Ces infractions multiples ont laissé les patients désemparés, confrontés à des abandons de soins et souvent dans l’incapacité financière d’engager des poursuites.
Pour que des scandales tels que Dentexia et Proxidentaire ne puissent plus se reproduire, il est indispensable de renforcer les règles et les procédures de contrôle. Les associations de victimes attendent cela depuis longtemps.
Mettre un terme aux dérives sans entraver le développement et le fonctionnement des centres de santé vertueux, tel est l’objectif de cette proposition de loi à laquelle le groupe du RDSE souscrit pleinement.
Je salue, bien évidemment, le rétablissement de l’agrément préalable. Les travaux de réécriture de l’article 1er, tant à l’Assemblée nationale que lors de l’examen du texte par notre commission, ont amélioré le dispositif et renforcé le pouvoir des ARS. C’est une très bonne chose.
Je me félicite notamment de la transmission de la déclaration des liens et des conflits d’intérêts, ce qui évitera que des sociétés privées en lien avec les centres dentaires servent de canaux pour faire sortir l’argent de l’association à but non lucratif.
Toutefois, cela nécessitera certainement d’augmenter significativement les moyens alloués aux ARS pour leur permettre d’affecter du personnel à la surveillance de ces centres de santé.
Nous saluons également l’interdiction faite à toute personne de diriger un centre de santé dès lors qu’elle a des liens d’intérêts avec une entreprise délivrant des prestations à la structure gestionnaire. Jusqu’à présent, le président d’une association pouvait, par exemple, exercer cette fonction à titre bénévole et être en même temps rémunéré par une société dont l’association était la seule cliente, donc de fait par l’argent provenant de l’association dont il était président.
Cinq des sept centres dentaires associatifs visés par la mission de l’Igas de 2017 fonctionnaient de la sorte. C’était un moyen de contourner la gestion désintéressée et l’obligation de n’avoir aucun intérêt direct dans les résultats de l’exploitation. L’article 1er bis permet notamment de mieux cibler les dérives observées et de les contrer.
De la même façon, interdire le paiement anticipé intégral des soins qui n’ont pas encore été dispensés est une très bonne chose. Cette pratique, que l’on a pu observer, s’accompagnait parfois même d’offres de crédit, avec de terribles conséquences lorsque les soins étaient de mauvaise qualité ou qu’ils n’étaient tout simplement pas effectués.
Enfin, ce texte renforce le pouvoir de sanction des ARS et vise ainsi à empêcher qu’un gestionnaire fautif puisse ouvrir une nouvelle structure de soins en contournant les sanctions.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville et Mme Pascale Gruny applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen en séance publique de la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé. Ce texte résulte d’un double constat : l’augmentation exponentielle et rapide du nombre de centres de santé et, malheureusement, la hausse du nombre de dérives constatées.
Il ne s’agit pas là d’un procès intenté à l’encontre des centres de santé, lesquels ont permis de résoudre un certain nombre de difficultés en matière d’accès aux soins. Ils l’ont fait de manière qualitative, même si l’on ne peut que regretter leur forte concentration dans les grands centres urbains.
Toutefois, les pratiques frauduleuses, même si elles ne concernent qu’une minorité de ces structures, sont intolérables et inacceptables.
Ce texte se focalise sur les activités dentaires et ophtalmologiques, qui demeurent majoritaires. Comme cela a été rappelé, le scandale Dentexia a permis de mettre en lumière des pratiques frauduleuses et dangereuses qui nuisent à l’image de ce type de structure.
Les dérives constatées sont diverses : non-respect du code du travail, fraude à l’assurance maladie, fraude fiscale ou encore – et surtout – mise en danger de la sécurité du patient. Ces dérives sont inacceptables et intolérables au regard de la gravité des faits et de l’éthique qui doit normalement prévaloir dans l’univers de la santé. Ainsi, elles fragilisent la confiance des patients, qui deviennent des victimes, et sont une entorse au pacte républicain.
La majorité sénatoriale intervient régulièrement sur les questions de fraude à l’assurance maladie lorsqu’elles sont le fait des patients. Nous devons également être intransigeants lorsque les auteurs sont des professionnels de santé.
Ceux d’entre eux que nous avons entendus dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi sont favorables aux mesures contenues dans le texte. En effet, ces scandales à répétition ont un impact désastreux sur la confiance accordée à certaines professions, à une époque où le fait scientifique est régulièrement remis en cause.
Je tiens également à saluer la réintroduction bienvenue de la nécessité d’obtenir un agrément avant d’ouvrir un centre de santé. Cette disposition avait été supprimée par la loi de 2009, afin d’éviter aux professionnels de santé le capharnaüm administratif trop souvent présent dans notre pays. Quatorze ans plus tard, nous pouvons constater que cette mesure de bon sens et de simplification administrative a eu des effets désastreux pour certains patients, à cause de personnes mal intentionnées qui ont vu dans les centres de santé une manne financière sponsorisée par les Français.
C’est pourquoi je souhaite que nous soyons particulièrement vigilants dans les textes à venir sur les questions de simplification, afin de ne pas ouvrir une nouvelle boîte de Pandore remplie d’escrocs en tout genre.
Afin de compléter ce texte, déjà bien abouti après son passage en commission – j’en profite pour saluer l’excellent travail du rapporteur Jean Sol –, j’ai déposé un amendement visant à introduire un ratio de un pour un dans les centres de santé ophtalmologiques, qui correspond au ratio entre le nombre d’assistants médicaux et le nombre de médecins. Cette limitation serait un garde-fou utile pour éviter des dérives dans des centres de santé peu scrupuleux.
Cet encadrement figure dans la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé dont nous débattrons en fin d’après-midi, mais il me semble plus cohérent de le réintroduire dans cette proposition de loi.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte est relativement consensuel et ne devrait pas rencontrer d’opposition frontale dans cet hémicycle. Le rôle du Sénat sera de veiller à la bonne application de ces dispositions pour en mesurer prochainement les effets. Notre système de santé en sera grandi.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi nécessaire et bienvenue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol et M. Bernard Jomier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, notamment dentaires et ophtalmiques, à la suite d’une multiplication de scandales qui ont affecté très douloureusement les patients concernés. Ces scandales illustrent parfaitement les dérives que subit notre système de santé.
Force est de constater que les centres de santé n’ont pas essaimé sur l’ensemble du territoire, mais se sont concentrés dans des zones urbaines déjà surdotées. C’est particulièrement le cas pour les centres de santé visés par la présente proposition de loi.
L’outil que devait être le centre de santé déçoit mes attentes, moi qui suis élu du département du Finistère, où une partie de la population n’a pas correctement accès aux soins. En effet, il est clair que ces centres ne participent pas au rééquilibrage de l’offre de soins, car les besoins des populations en fonction des territoires ne sont pas pris en compte.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain présentera un amendement tendant à remédier à cet état de fait. Il faut être clair et ne plus autoriser l’implantation de nouveaux centres dans des zones géographiques où ils se concentrent déjà. Notre groupe entend ainsi lutter contre les dérives liées à la recherche d’une maximisation des profits.
Cette proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé comporte certaines dispositions qui vont dans le bon sens, comme l’agrément nécessaire et valant autorisation pour les centres de santé à dispenser des soins. Cet agrément, délivré par le directeur général de l’ARS, avait été supprimé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dans l’espoir de multiplier les installations sur l’ensemble du territoire français afin de lutter contre la désertification médicale.
Notre groupe entend faire des propositions pour améliorer le dispositif d’agrément prévu dans cette proposition de loi. En effet, le contrôle sur pièce est insuffisant pour se prémunir des dérives et scandales sanitaires qui ont lieu dans des centres de santé à structure commerciale, utilisés comme des machines à profit. Nous proposerons donc que l’agrément définitif soit soumis à une visite de conformité par l’ARS. Cette disposition permettrait à la fois de tirer les leçons des scandales dentaires et de se prémunir d’un futur scandale de type Orpea dans le secteur des soins de premier recours.
Si cette proposition de loi contient certaines dispositions bienvenues, elle ne permet absolument pas de lutter contre le véritable fléau qu’est la financiarisation de notre système. Malheureusement, la politique de santé menée depuis 2017 accroît incontestablement cette financiarisation. Pour tenter d’y mettre un coup d’arrêt, nous proposerons, par voie d’amendement, de soumettre tous les centres de santé à agrément.
La réintroduction de cet agrément, a fortiori pour tous les centres de santé et avec visites de conformité, suppose d’augmenter les moyens des agences régionales de santé. C’est une condition indispensable pour rendre cette disposition effective. C’est là votre responsabilité politique, madame la ministre. Il y va de la sécurité et de la santé de nos concitoyens.
Je me réjouis des dispositions prévues à l’article 4 de la proposition de loi. Nous présenterons un amendement visant à renforcer encore davantage l’interdiction du nomadisme des fraudeurs et des structures commerciales déviantes.
Les centres de santé ont suscité beaucoup d’espoirs avant l’apparition de scandaleuses dérives. C’est pourquoi notre groupe propose, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, de fixer un ratio d’emploi d’assistants pour les dentistes et les ophtalmologistes.
Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront cette proposition de loi parcellaire, mais utile. Ils soulignent l’absence de volonté politique de s’attaquer à la financiarisation du système de santé. Il est urgent d’écrire une nouvelle loi de santé qui structure l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, au service des Français et dans le respect des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme beaucoup de Français, j’ai été révoltée par les récents scandales survenus dans certains centres de santé, particulièrement dans des centres dentaires et ophtalmologiques.
Dans certains cas, ils ont causé des dégâts irréversibles sur la santé des patients ; dans d’autres, ils les ont conduits à contracter des emprunts pour financer leurs soins, entraînant un endettement de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Comme à chaque fois, ce sont principalement nos concitoyens les plus fragiles qui sont les victimes de telles pratiques.
Au-delà des scandales médiatiques, de nombreux abus et fraudes recensés par l’assurance maladie ont malheureusement accompagné le développement de ces centres : entorses aux règles déontologiques, exercice illégal de la profession, surfacturations, soins non pertinents, inachevés ou de mauvaise qualité.
Dans un esprit de rentabilité financière, certains gestionnaires mal intentionnés se sont installés dans de grandes villes au lieu de s’implanter dans des territoires ruraux et moins dotés, dévoyant ainsi la vocation première de ces centres.
Il est inacceptable que l’on puisse jouer ainsi avec la santé des Français. Il y a donc urgence à renforcer notre arsenal pour lutter contre ces abus.
Mais que de temps n’avons-nous pas perdu ! Voilà trois ans et demi, le Gouvernement a refusé de soutenir une proposition de loi du groupe Les Républicains visant à réinstaurer un agrément, tout comme il a systématiquement rejeté ses nombreux amendements aux textes sanitaires, objectant qu’un tel problème n’existait pas.
Cela étant dit, je me réjouis de l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement. Ce texte contient en effet de réelles avancées : rétablissement de l’agrément, délivré par le directeur de l’ARS, obligation pour le gestionnaire de transmettre les contrats de travail des praticiens à l’ARS, obligation pour l’ARS de communiquer ces contrats de travail aux ordres ou encore introduction d’un numéro personnel obligatoire pour chaque praticien d’un centre de santé, afin de mieux lutter contre les fraudes à l’assurance maladie et de réduire le risque de pratique illégale de la médecine.
Je veux saluer le travail des membres de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, Jean Sol, qui ont eu à cœur de renforcer l’efficacité pratique de cette proposition de loi en précisant certaines de ses modalités opérationnelles et en veillant à la coordination d’ensemble de ces dispositions.
Je citerai notamment le renforcement des pouvoirs d’information des ARS après la délivrance de l’agrément, afin de faciliter les contrôles sur les liens d’intérêts ou les contrats liant les organismes gestionnaires à des sociétés tierces, ou encore le retrait possible en cas de manquement aux règles applicables aux centres de santé ou relatives à la qualité et à la sécurité des soins.
L’alourdissement des sanctions applicables en cas de manquement des centres de santé à leur engagement de conformité va également dans le bon sens. En portant les valeurs de l’astreinte journalière à 5 000 euros au lieu de 2 000 euros et de l’amende administrative maximale à 500 000 euros au lieu de 300 000 euros, la commission permet au directeur de l’ARS de prononcer des sanctions réellement dissuasives.
Enfin, je veux saluer la volonté du rapporteur de permettre aux ordres de consulter le projet de santé du centre afin d’apprécier les contrats et diplômes qui lui sont soumis en vue de la remise de son avis motivé, répondant ainsi à une demande légitime de l’ordre des médecins.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai cette proposition de loi. La régulation de l’installation des centres de santé, trop souvent synonyme d’entorses aux règles déontologiques, de fraudes à la sécurité sociale et de soins non pertinents, est un combat que le groupe Les Républicains mène depuis longtemps. Nous attendons ce texte avec beaucoup de vigilance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais nous ne le dirons assez : l’accès aux soins de proximité est un enjeu fondamental pour notre pays. Car la désertification médicale, qui s’accroît encore malgré des propositions faites dans cet hémicycle et l’engagement de nombreux élus sur le terrain, remet en cause une liberté fondamentale, celle de choisir d’habiter à la ville ou à la campagne. En outre, je suis convaincu qu’en contribuant à vider nos campagnes de leurs habitants, elle fragilise notre identité nationale.
Mais ce combat, qui doit être mené à tous les étages, ne doit pas nous conduire à subir les pires affres de l’appât du gain ou d’un libéralisme débridé, sans foi ni loi, qui est le fait d’un petit nombre de praticiens – ils sont l’exception – au mépris de la santé de nos compatriotes.
Ainsi, la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale – fait trop rare pour ne pas être souligné – est indispensable à double titre.
D’une part, on dépasse aujourd’hui les 2 500 cabinets, dont la moitié sont des centres exclusivement dentaires et parmi lesquels on compte plus d’une centaine de centres uniquement ophtalmologiques. Ce chiffre, qui continue d’augmenter, a bondi de 50 % entre 2017 et 2021. Cet opportunisme doit donc désormais être davantage régulé, car il conduit parfois à des drames.
D’autre part, cette régulation est rendue nécessaire après les scandales que nous avons encore tous en mémoire et qui nous obligent.
En 2015, trois ans seulement après son ouverture, Dentexia fermait après avoir mutilé et escroqué de nombreux patients auxquels étaient proposés toujours plus d’actes afin de maintenir des flux de trésorerie élevés.
En 2021, éclatait celui de Proxidentaire, du nom de cette chaîne bourguignonne de centres exploitant les mêmes recettes, avec les mêmes résultats : des patients attirés par la promesse de soins à bas coût, des soignants sommés de faire du chiffre, des soins superflus facturés en quantité excessive et des victimes parfois édentées à vie. La liste ne s’arrête pas là et d’autres affaires apparaissent au gré des signalements et des inspections.
Or de telles dérives ont été rendues possibles par un assouplissement du cadre juridique. Afin de favoriser le développement de ces centres, la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires avait notamment substitué au régime d’agrément un régime de simple déclaration de conformité à la réglementation.
L’ordonnance du 22 janvier 2018 avait vocation à mettre de l’ordre, notamment en interdisant à ces centres la distribution des bénéfices issus de leur exploitation, en prohibant la publicité et en explicitant le principe d’une ouverture à tous les patients.
Force est de constater que ce que la loi a défait, il nous appartient de le refaire – en mieux ! C’est ce qui a été entrepris. À cet égard, je tiens à saluer le travail de grande qualité du rapporteur ainsi que celui qu’ont réalisé nos collègues du Palais Bourbon, dans un esprit de concorde bien différent de celui qui y règne ces derniers jours… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ainsi, au-delà du rétablissement de l’agrément pour ces deux types de centres, certaines avancées sont à noter comme la création d’un comité médical ou dentaire, en guise de contrepoids au pouvoir du gestionnaire, ou le renforcement du pouvoir de sanction de l’ARS pour plus de réactivité et de contrôle.
Nécessité faisant loi, j’appelle à l’adoption de ce texte, afin de circonscrire une dérive et de mettre réellement fin à des pratiques inacceptables.
Toutefois, madame la ministre, nous serons particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre de ce texte au terme de son parcours législatif. Il s’agit de redonner confiance aux patients dans les centres de soins qui effectuent, pour l’immense majorité d’entre eux, un travail sérieux et qui sont les premiers à pâtir de cette mauvaise presse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6323-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les centres de santé sont soumis, pour leurs activités de soins autres que dentaires et ophtalmologiques, à une procédure d’agrément définie par décret en Conseil d’État.
« Ceux de ces centres autorisés à dispenser des soins avant l’entrée en vigueur de la présente loi doivent effectuer une demande d’agrément dans des conditions fixées par décret, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tend à soumettre tous les centres de santé à la procédure d’agrément.
Si la proposition de loi vise à lutter contre les dérives et les scandales, elle ne prend pas en compte le phénomène de la multiplication des centres de santé spécialisés, en psychiatrie ou en gynécologie, par exemple, où le lien avec le médecin spécialiste se fait uniquement par téléconsultation.
L’objectif des gestionnaires de ces centres est de faire de l’argent au détriment du juste soin. Cette dérive, actuellement à l’œuvre, est favorisée par la politique du Gouvernement.
Pour lutter contre cette financiarisation en marche, il convient de soumettre tous les centres de santé à un agrément, afin de limiter la multiplication de structures purement commerciales et l’emprise de la concentration capitalistique dans ce secteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Je rappelle que la loi HPST a supprimé l’agrément auquel étaient soumis, jusqu’en 2009, les centres de santé. La raison en était double : il s’agissait tout d’abord de soutenir le développement de ces centres et ensuite d’en finir avec une procédure jugée bien trop lourde pour les autorités administratives.
Alors que la charge représentée par les seuls centres dentaires et ophtalmologiques est déjà particulièrement pesante pour les ARS, il me paraît irréaliste, à ce stade, de rétablir l’agrément pour l’ensemble des centres de santé.
Cela représenterait un travail substantiel au regard du flux de nouveaux centres, mais aussi une tâche colossale pour le traitement des centres existants. Concentrons-nous sur les activités manifestement sujettes aux dérives.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Vous souhaitez prévoir un agrément pour l’ensemble des centres de santé, dont je tiens à rappeler l’importance dans la réponse aux besoins de santé, notamment ceux des patients les plus fragiles, comme l’ont déjà souligné de nombreux orateurs. Pour faire actuellement la tournée des différents modes d’exercice des centres de santé, je peux en témoigner.
De plus, les dérives observées concernent les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique. Si d’autres manquements venaient à être constatés, les ARS pourraient diligenter des inspections de contrôle et mettre en œuvre une gamme de réponses aux dérives, allant de l’amende administrative à la fermeture du centre. L’assurance maladie, quant à elle, peut déconventionner les centres déviants.
Enfin, les dérives que vous mentionnez ne sont pas spécifiques aux centres de santé, où certaines activités, comme la gynécologie, sont peu présentes. L’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit justement un agrément pour les sociétés de téléconsultation adapté aux exemples que vous avez exposés.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je voudrais revenir sur l’intérêt du contrôle des centres de santé.
Le 16 février 2022, j’avais interpellé M. Olivier Véran, alors ministre de la santé, sur le projet de vente de centres de santé de la Croix-Rouge au groupe Ramsay Santé. Je l’avais alors interrogé sur la volonté du Gouvernement de protéger notre système de santé contre cette marchandisation – c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler – et de défendre l’égal accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité.
La réponse du ministre avait été claire : l’État n’a pas à intervenir dans une transaction entre deux acteurs privés. Il nous avait, en outre, fait part de sa volonté de conserver de prétendus équilibres entre les acteurs publics, privés à but lucratif et privés à but non lucratif. Bref, il faut laisser agir le marché. Le chef de l’État a d’ailleurs rappelé cette vision lors de ses vœux aux soignants au début du mois de janvier.
Après la biologie de ville, la gestion des agendas médicaux – nous en verrons les inconvénients – et le rachat des cliniques par des fonds d’investissement, la financiarisation touche désormais les soins primaires. Les chaînes de cliniques commerciales créent des centres de santé de premier recours, dont plusieurs ont déjà ouvert leurs portes dans le cadre d’expérimentations autorisées par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Les centres de santé de Ramsay Santé expérimentent aussi un nouveau mode de tarification, à la capitation plutôt qu’à l’acte, qui repose sur un forfait versé à l’établissement en fonction du nombre et de la typologie des patients qu’il accueille. Ce dispositif incite au tri des patients en fonction de leur rentabilité, en sélectionnant les moins coûteux. Les autres, dont le coût de la prise en charge dépasserait le montant du forfait, sont redirigés vers l’hôpital public.
En effet, ne l’oublions pas, la rentabilité reste le maître mot de ces organisations. Leur priorité ne réside ni dans les besoins en santé de la population, ni dans le service public, ni dans l’intérêt du patient. Tout cela nourrit le sentiment que les pouvoirs publics doivent avoir un rôle pilote dans la gouvernance du système de santé, laquelle ne doit pas devenir une marchandise comme une autre. (Mme Michelle Meunier applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
L’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés des II à V ainsi rédigés :
« II. – Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité dentaire sont soumis, pour leurs seules activités dentaires, à l’agrément du directeur général de l’agence régionale de santé, qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concerné.
« Les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité ophtalmologique sont soumis, pour leurs seules activités ophtalmologiques, à l’agrément du directeur général de l’agence régionale de santé, qui vaut autorisation de dispenser des soins aux assurés sociaux dans le centre ou l’antenne concerné.
« III. – Le représentant légal de l’organisme gestionnaire adresse au directeur général de l’agence régionale de santé un dossier en vue de l’obtention de l’agrément mentionné au II. Ce dossier comprend le projet de santé, les déclarations des liens d’intérêts de l’ensemble des membres de l’instance dirigeante et, le cas échéant, les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces suivant des critères définis par voie réglementaire.
« Le directeur général de l’agence régionale de santé peut refuser de délivrer l’agrément demandé au regard de la qualité des éléments adressés, si le projet de santé du centre ne remplit pas les objectifs de conformité mentionnés au I ou en cas d’incompatibilité de celui-ci avec les objectifs et besoins définis dans le cadre du projet régional de santé mentionné à l’article L. 1434-2.
« L’agrément délivré par le directeur général de l’agence régionale de santé est provisoire. Il ne devient définitif qu’à l’expiration d’une durée d’un an à compter de l’ouverture du centre.
« Au cours de l’année suivant la délivrance de l’agrément provisoire, l’agence régionale de santé peut organiser une visite de conformité dont les résultats sont transmis au directeur de la caisse locale d’assurance maladie. L’agrément est retiré lorsque la visite révèle des non-conformités ou une incompatibilité de la gestion et de l’offre de soins du centre avec le projet régional de santé.
« IV. – L’organisme gestionnaire adresse au directeur général de l’agence régionale de santé, à sa demande, les éléments actualisés de tout ou partie du dossier mentionné au III.
« La délivrance de l’agrément définitif mentionné au II et le maintien de cet agrément sont conditionnés à la transmission sans délai au directeur général de l’agence régionale de santé et au conseil départemental de l’ordre de la profession concernée de la copie des diplômes et contrats de travail des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes à chaque nouvelle embauche, de tout avenant au contrat de travail de l’un de ces professionnels et d’une mise à jour de l’organigramme du centre de santé pour toute embauche ou rupture du contrat de travail de l’un de ces professionnels. Le conseil départemental de l’ordre, qui peut consulter à cette fin le projet de santé, rend un avis motivé au directeur général de l’agence régionale de santé, dans un délai de deux mois, sur les contrats de travail qui lui sont transmis.
« L’agrément peut être retiré lorsqu’il est constaté un non-respect des règles applicables aux centres de santé dans le champ des activités mentionnées au II ou des manquements compromettant la qualité ou la sécurité des soins, après notification de l’organisme gestionnaire par le directeur général de l’agence régionale de santé et observations de l’organisme gestionnaire dans les conditions prévues au I de l’article L. 6323-1-12.
« V. – En cas de fermeture d’un centre de santé ou de l’une de ses antennes, le représentant légal de l’organisme gestionnaire est tenu d’en informer le directeur général de l’agence régionale de santé, le directeur de la caisse locale d’assurance maladie et le président du conseil départemental de l’ordre compétent. Il est procédé à cette information au moins quinze jours avant la date prévue de fermeture du centre de santé dans le cas d’un projet anticipé de fermeture ; en cas de fermeture immédiate, il est procédé à cette information dans un délai de sept jours. » ;
3° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « VI. – ».
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Après le mot :
dentaire
insérer les mots :
principale en termes de chiffre d’affaires
II. – Alinéa 5
Après le mot :
ophtalmologique
insérer les mots :
principale en termes de chiffre d’affaires
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons, par cet amendement, d’éviter les amalgames entre tous les centres de santé.
Je l’ai dit lors de la discussion générale, les scandales sanitaires tels que celui de Dentexia ont écorné l’image de tous les centres de santé. La proposition de loi entend encadrer les dérives, ce qui est une très bonne chose, mais la rédaction des dispositions concernant l’agrément risque en réalité de pénaliser tous les centres de santé, même les centres médicaux ou polyvalents vertueux.
C’est pourquoi nous proposons d’opérer une distinction et de soutenir le principe de l’agrément pour les structures monoprofessionnelles dentaires ou ophtalmologiques, ainsi que pour les centres, censément polyvalents, dont l’activité principale est dentaire ou ophtalmologique.
En effet, ce sont ceux-là qui doivent être visés. À défaut, nous risquons de jeter l’opprobre sur toutes ces structures, de stigmatiser ce modèle d’accès aux soins et, par là même, de freiner leur développement.
Cette distinction nous semble fondamentale pour ne pas se tromper de cible. Nous proposons donc qu’au-delà d’une part d’activité supérieure à 50 % du chiffre d’affaires, l’agrément soit obligatoire.
L’objectif de cette proposition de loi, avec lequel nous sommes tous d’accord, est de lutter contre les centres déviants et à bas coût. Aussi les moyens pour y parvenir doivent-ils être précisément identifiés et ciblés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Dans le cas d’un centre pluridisciplinaire, je comprends que l’agrément puisse apparaître lourd pour une activité minoritaire ou potentiellement limitée à un ou deux fauteuils.
Cependant, pour les nouveaux centres, comment savoir a priori si l’activité est minoritaire ou non ? Surtout, l’amendement me semble poser problème au regard du principe d’égalité, car son adoption conduirait à traiter différemment le régime d’autorisation d’une même activité.
Je rappelle que l’agrément est une procédure préalable, raison pour laquelle les dispositions de cet amendement ne semblent pas opérantes : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Vous souhaitez créer une procédure d’agrément pour les seuls centres de santé ayant une activité dentaire ou ophtalmologique principale en vous appuyant sur leur chiffre d’affaires.
Or l’activité majoritaire d’un centre de santé ne peut se caractériser avant sa création, lors du dépôt du dossier. Ainsi, la procédure d’agrément a priori serait inopérante.
De plus, cette proposition pourrait entraîner des comportements opportunistes dans l’application de la procédure a posteriori, les centres déviants risquant de licencier les personnels n’ayant pas d’activité dentaire ou ophtalmologique dès lors que la procédure d’agrément ne leur est plus applicable.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent fonctionner sans dentiste physiquement présent. »
II. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent fonctionner sans ophtalmologue physiquement présent. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a pour objet de lutter contre les dérives de centres de santé dentaire ou ophtalmologique au rabais, véritables structures commerciales sans spécialistes physiquement présents – notamment pour les ophtalmologues – dont la vocation première est la seule rentabilité, au détriment et aux dépens de la qualité des soins.
Nous vous proposons une mesure de bon sens. Nous déplorons la déshumanisation en marche de notre système de santé, où seule compte la rentabilité.
Ainsi, pour éviter la multiplication des centres où le lien avec le médecin spécialiste se fait uniquement par téléconsultation, nous proposons une obligation de présence physique d’un dentiste dans les centres dentaires – en général, c’est déjà le cas – et d’un ophtalmologue dans les centres ophtalmologiques – ce qui est bien plus rare.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement, mais je doute fortement de la portée de ce dispositif.
Concrètement, de telles situations sont-elles susceptibles de se produire sans que cela constitue déjà une fraude ? Les actes et prestations délivrées sont des actes médicaux, ce qui implique, a priori, la présence du dentiste ou de l’ophtalmologue dans le centre : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun agrément pour de tels centres de santé ou leurs antennes n’est délivré dans les zones définies au 2° de l’article L. 1434-4. »
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Comme l’indique le rapporteur de la commission des affaires sociales, les centres de santé ciblés par la proposition de loi sont principalement implantés dans des zones urbaines. C’est le cas de l’ensemble des centres ophtalmologiques et de 91 % des centres dentaires.
Ils sont surtout implantés dans les zones où la densité de professionnels de santé est déjà la plus importante. Ils ne viennent donc pas compléter une offre de soins dégradée.
En Île-de-France, le nombre de centres de santé a augmenté de 160 % entre 2016 et 2022. Cette croissance est, pour l’essentiel, tirée par les activités dentaires et ophtalmologiques : les premières représentent en effet 58 % du total des centres de santé franciliens, contre 49 % en 2017.
En outre, ces chiffres sont certainement sous-évalués, certains gestionnaires préférant déclarer leur centre comme médical ou polyvalent afin de ne pas attirer l’attention.
Ne plus autoriser l’implantation de nouveaux centres dans les zones géographiques où ceux-ci se concentrent déjà participe de la lutte contre les dérives inhérentes à la logique de pur profit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. L’adoption de cet amendement conduirait à interdire pour l’avenir l’implantation de centres de santé ophtalmologiques ou dentaires dans les zones où le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé.
Cependant, cela conduirait aussi, dans les deux ans, à la fermeture des centres de santé ophtalmologiques et dentaires déjà présents dans ces territoires, faute de pouvoir recevoir l’agrément, devenu obligatoire.
Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, qui veulent éviter que les centres de santé ne s’implantent dans des territoires où le besoin n’est pas établi, au détriment d’une bonne répartition géographique de l’offre de soins. Cependant, le dispositif proposé me paraît disproportionné.
Par ailleurs, l’agrément pourra être refusé en cas d’incompatibilité avec le projet régional de santé. Comme je l’avais expliqué en commission, cette disposition discrète est un outil de régulation des implantations à même de limiter les installations dans des zones déjà très dotées.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Au travers de cet amendement, vous souhaitez interdire la délivrance d’un agrément dans les zones où le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé.
Je partage totalement votre souhait de lutter contre les centres de santé déviants, ce qui est d’ailleurs l’objet de cette proposition de loi de la présidente Khattabi.
Cependant, ne pas autoriser les seuls centres de santé créerait une rupture d’égalité avec les autres professionnels de santé, ce qui serait préjudiciable aux centres vertueux et, in fine, aux patients, notamment en ce qu’ils proposent une offre à un tarif opposable.
Enfin, l’article 1er de la proposition de loi satisfait partiellement votre amendement, car son alinéa 7 prévoit que l’agrément peut être refusé en cas d’incompatibilité du projet du centre « avec les objectifs et besoins définis dans le cadre du projet régional de santé ».
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite insister sur le problème de la discrimination : même si l’objectif des auteurs de cet amendement, qui vise à éviter l’installation de centres déviants, est louable, la rédaction proposée risque de créer une difficulté en ce qu’elle se concentre uniquement sur les centres de santé et non sur les pratiques libérales, individuelles ou en maisons de santé pluridisciplinaires (MSP).
Il nous semble donc qu’il s’agit d’une fausse bonne idée.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 9, première phrase
Supprimer le mot :
provisoire
III. – Alinéa 11, première phrase
Supprimer le mot :
définitif
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 1er rétablit l’agrément des ARS, qui ne deviendrait définitif qu’au bout d’un an à compter de l’ouverture du centre, sous réserve d’obtenir de bons résultats à l’issue d’une visite de conformité.
Notre amendement a pour objet de supprimer le caractère provisoire de l’agrément, tel que cet article le prévoit. En effet, ce dispositif semble complexe à mettre en œuvre pour les ARS et l’incertitude pèse quant à leur capacité à instruire correctement les contrôles nécessaires.
L’agrément préalable avait été supprimé en 2009, non seulement faute de moyens humains suffisants dévolus aux ARS, mais aussi en raison du frein qu’il constituait au développement des centres de santé.
Nous saluons l’intégration, par la commission des affaires sociales, d’une visite inopinée dans les douze premiers mois suivant la délivrance de l’agrément – que nous avions d’ailleurs proposée par voie d’amendement – et estimons qu’elle se suffit à elle-même.
Le caractère provisoire, pendant un an, de l’agrément, risque en effet de freiner le développement des centres de santé, y compris polyvalents. Il faudrait en priorité partir de l’existant, c’est-à-dire renforcer les moyens de contrôle des ARS et de la CPAM.
Cet amendement vise donc à supprimer le caractère provisoire de l’agrément tout en maintenant la visite inopinée dans les douze premiers mois, issue de nos travaux en commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Les dispositions de cet amendement sont contraires à la position de la commission, qui avait adhéré au schéma proposé dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, lequel prévoyait un agrément en deux temps, avec une période d’un an durant laquelle l’agrément délivré n’est que provisoire.
Ce dispositif, qui prévoit un retrait facilité durant l’année au regard de la visite de conformité, a du sens, alors que le régime de retrait de l’agrément définitif est plus contraignant.
Il convient de maintenir cette souplesse et ce retrait rapide en cas de manquements constatés dans les mois qui suivent l’autorisation, pour répondre aux contraintes des agences régionales de santé dans leurs contrôles, mais aussi et surtout pour agir vite en cas de dérives.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis A (nouveau)
L’article L. 6323-1-8 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Il est ajouté un I ainsi rédigé :
« I. – Le centre de santé est responsable de la conservation du dossier médical du patient dans des conditions garantissant la qualité et la continuité de la prise en charge de ce dernier.
« En cas de fermeture prolongée ou définitive, le centre de santé transmet sans délai les dossiers médicaux dont il dispose à l’agence régionale de santé en vue d’assurer la continuité de la prise en charge du patient. » ;
2° Au début, est ajoutée la mention : « II. – ». – (Adopté.)
Après l’article 1er bis A
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 5 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 17 rectifié est présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique, les mots : « ou à but lucratif » sont supprimés.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 5.
Mme Laurence Cohen. Nous débattons d’une proposition de loi dont l’objet est de lutter contre des structures de santé déviantes, celles qui ont la rentabilité financière et le profit pour seules finalités. Il apparaît donc pour le moins totalement incohérent de laisser s’implanter dans nos territoires des structures utilisant la dénomination de « centres de santé », mais qui sont en réalité gérées par des organismes dont la vocation est avant tout lucrative.
Cet antagonisme est un bel exemple d’oxymore. La santé ne peut être considérée comme une marchandise, elle n’est pas un slogan. Si des scandales tels que ceux que nous avons dénoncés dans nos différentes interventions en discussion générale ont pu exister, c’est précisément en raison de la présence de ces structures lucratives.
Nous ne parlons pas d’une petite erreur de diagnostic, mais d’un véritable système, qui a prospéré sur les failles de notre législation pour abuser de centaines de patientes et de patients.
Dentexia, mais aussi Orpea : nous ne connaissons que trop les dérives d’une gestion privée lucrative. Il est temps, madame la ministre, mes chers collègues, d’y mettre fin. Nous proposons donc de modifier l’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique pour retirer aux personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé à but lucratif la possibilité de créer et de gérer des centres de santé.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.
Mme Annie Le Houerou. Nous proposons également d’interdire la gestion des centres de santé aux groupes de santé privés à but lucratif.
Cette proposition de loi ne met pas suffisamment en cause les dérives de certains centres, dont le caractère lucratif en fait des machines à profit en exploitant les modalités de tarification et les personnes vulnérables.
En 2018, le Gouvernement lui-même a permis aux personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé à but lucratif de créer et de gérer des centres de santé. Cette mesure contribue à la marchandisation de la santé et organise la concurrence entre les grands groupes privés et d’autres acteurs dans le domaine de l’offre de soins. Nous nous y opposons.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. J’insiste sur l’alerte de l’Igas relative au développement en série des dysfonctionnements, qui souligne la nécessité de mettre en place des garde-fous législatifs et réglementaires pour prévenir une gestion à but lucratif des centres de santé dentaire.
En effet, la maximisation du profit ne saurait être un mode de gestion. Il faut tout simplement mettre fin à la possibilité d’ouvrir des centres de santé administrés par des gestionnaires d’établissements privés de santé à but lucratif. Pourquoi ? Parce que le secteur lucratif trouvera toujours les moyens de contourner les tentatives de régulation. Nous pourrons peut-être ainsi examiner une nouvelle proposition de loi sur de nouvelles manières d’éviter ces garde-fous législatifs et réglementaires.
Nous proposons donc de réserver, dans le code de la santé publique, la possibilité d’ouvrir des centres de santé aux seuls organismes publics ou de l’économie sociale et solidaire, qu’ils soient mutualistes, associatifs ou coopératifs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Nous avons eu ce débat la semaine passée : l’exclusion des cliniques ne semble pas pertinente à ce stade.
La commission a exposé, à différentes reprises, de vives inquiétudes quant à la place prépondérante que tendent à occuper les acteurs privés lucratifs dans la gestion de l’offre de soins sur le territoire. Nous avons considéré que ce n’était pas l’objet de ce texte, même si la vigilance nous semble particulièrement nécessaire. Il ne faut être naïf ni sur ce point ni sur les intentions de certains acteurs.
Sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, je rappelle que les dérives constatées au sein des centres de santé ne viennent ni de cliniques privées gestionnaires ni d’acteurs déjà positionnés et connaisseurs du système de santé. Au contraire, elles ont été le fait de groupes privés utilisant des associations comme paravents et avec des gestionnaires déconnectés du monde de la santé.
Je pense, en outre, que les groupes de santé gérant de tels établissements encourent un risque réputationnel qui les incite à être exemplaires, un scandale pouvant atteindre toute leur activité.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Les auteurs de ces amendements souhaitent interdire aux établissements de santé lucratifs de créer et de gérer des centres de santé. Si un tel établissement en a actuellement la faculté, cela ne remet pas en cause l’obligation de gestion non lucrative dudit centre. Ainsi, une clinique gestionnaire a l’interdiction de redistribuer les bénéfices issus de l’exploitation de son centre.
De plus, les dérives observées concernent exclusivement des centres de santé gérés par des associations à but non lucratif qui détournent ce statut pour frauder. L’adoption de ces amendements n’aurait donc pas d’effet sur les déviances contre lesquelles cette proposition de loi tend à lutter.
Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 17 rectifié et 21 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 1er bis
L’article L. 6323-1-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« Le dirigeant d’un centre de santé ne peut exercer de fonction dirigeante au sein de la structure gestionnaire lorsqu’il a un intérêt, direct ou indirect, avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire. »
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par M. Sol, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la seconde phrase du second alinéa, les mots : « présent article » sont remplacés par les mots : « présent I » ;
La parole est à M. Jean Sol.
M. Jean Sol. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle. Je précise, en tant que rapporteur, que la commission y est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
privées
insérer le mot :
lucratives
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 1er bis, introduit par un amendement du groupe écologiste à l’Assemblée nationale, interdit de cumuler la direction d’un centre de santé avec une fonction dirigeante dans la structure gestionnaire.
Cette interdiction se fonde sur les conclusions du rapport de l’Igas sur les centres de santé dentaire qui a mis en lumière les montages juridiques opaques de plusieurs centres, lesquels remettent en cause le principe de non « lucrativité » de leurs associations gestionnaires.
Je cite le rapport : « Par exemple, le président d’une association peut exercer cette fonction à titre bénévole, ou avec une rémunération et des avantages limités conformes à la réglementation. En même temps, il peut être rémunéré par ailleurs, au-delà de ces limites, par une société dont l’association est la seule cliente, donc de fait par l’argent provenant de l’association dont il est président. »
Pour contrecarrer ces pratiques, l’Igas recommande de systématiser la déclaration des liens et conflits d’intérêts des dirigeants des associations gestionnaires et d’exclure « une poursuite des fonctions au sein de la structure gestionnaire lorsqu’ils ont un intérêt, direct ou indirect, avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire ».
En conclusion, notre amendement vise à préciser la rédaction de l’article 1er bis afin que cette piste de régulation n’emporte pas d’effet disproportionné sur les structures mutualistes ou coopératives dont l’organisation est réalisée dans le cadre de groupements d’achats au statut de groupement d’intérêt économique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Je tiens à souligner que le caractère lucratif ne se postule pas ; il conviendrait plutôt de parler de but lucratif.
Sur le fond, je considère qu’il vaut mieux expertiser les cas réels où la disposition serait bloquante en matière de gestion. Quelles situations concrètes d’incompatibilité de gestion les mutuelles qui ont suggéré cet amendement anticipent-elles ?
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous souhaitez que l’interdiction d’exercice d’une fonction dirigeante, lorsqu’il y a des liens d’intérêts avec des entreprises privées, soit restreinte aux seules entreprises lucratives.
Or, dans le cas de la gestion des déviances de ces centres de santé, le détournement du caractère non lucratif de ces structures a été fréquemment constaté. Aussi apparaît-il nécessaire de contrôler l’ensemble des liens financiers du gestionnaire, y compris avec des prestataires non lucratifs. L’interdiction d’exercice dépendant de l’ARS, son directeur général appréciera la nature et les risques des liens d’intérêts afin d’éviter un usage disproportionné de cette interdiction, en particulier pour les structures vertueuses.
Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
(Supprimé)
Article 1er quater
Les centres de santé autorisés à dispenser des soins avant l’entrée en vigueur de la présente loi doivent effectuer une demande d’agrément auprès du directeur général de l’agence régionale de santé pour leurs seules activités dentaires et ophtalmologiques. À cette fin, le dépôt du dossier mentionné au III de l’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique doit être effectué dans un délai de six mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. L’examen du dossier de demande d’agrément est effectué dans les conditions prévues au même III.
À l’expiration du délai de six mois mentionné au premier alinéa, aucun centre de santé autorisé à dispenser des soins avant l’entrée en vigueur n’est autorisé à dispenser des soins dentaires ou ophtalmologiques s’il n’a pas effectué le dépôt exigé du dossier de demande d’agrément.
À l’expiration d’un délai de trente mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, aucun centre de santé n’est autorisé à dispenser des soins dentaires ou ophtalmologiques s’il ne dispose pas d’un agrément pour ces activités. – (Adopté.)
Article 1er quinquies (nouveau)
Au deuxième alinéa de l’article L. 6323-1-9 du code de la santé publique, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou incitant à recourir à des actes ou prestations délivrées par ces derniers ». – (Adopté.)
Article 2
L’article L. 6323-1-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Les centres de santé ayant une activité dentaire ou ophtalmologique constituent en leur sein un comité dentaire ou ophtalmologique. Ce comité est composé des professionnels médicaux exerçant dans le centre au titre de ses activités dentaire ou ophtalmologique, à l’exclusion du représentant légal de son organisme gestionnaire. Il peut inviter des représentants des usagers à participer à ses réunions. Il contribue à la politique d’amélioration de la qualité, de la pertinence et de la sécurité des soins ainsi qu’à la formation continue des salariés du centre de santé. Ses missions et son fonctionnement sont précisés par décret.
« III. – Le gestionnaire d’un centre de santé met à la disposition des patients, sur tous supports utiles, une information claire et lisible relative aux médecins et aux chirurgiens-dentistes qui y exercent. Il assure l’identification, par le patient, de chaque professionnel de santé qui contribue à sa prise en charge. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Guerriau, Chasseing et Decool, Mme Mélot et MM. A. Marc, Lagourgue, Grand, Wattebled, Chatillon, Haye, Moga, Pellevat et Laménie.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. Corbisez, Guérini, Cabanel, Gold et Bilhac et Mme M. Carrère.
L’amendement n° 7 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 10 est présenté par M. Longeot.
L’amendement n° 19 rectifié bis est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. D. Laurent, Savary, Calvet, Daubresse, J.B. Blanc, Burgoa et Cardoux, Mmes Chauvin, Belrhiti, Di Folco et Puissat, MM. Savin et Tabarot, Mmes L. Darcos et Micouleau, MM. Belin, Brisson, Frassa, Rapin, Panunzi et Bascher, Mme Dumont, MM. Charon, Bouchet et Meignen, Mme Joseph, M. Cuypers, Mme Richer et MM. Gremillet, B. Fournier et Klinger.
L’amendement n° 23 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
1° Première phrase
Après le mot :
Les
insérer les mots :
organismes gestionnaires de
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
, à l’exclusion du représentant légal de son organisme gestionnaire
par les mots :
et du représentant légal de l’organisme gestionnaire
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
M. Joël Guerriau. La mise en place d’un comité médical au sein de chaque centre pose des difficultés pratiques, notamment pour les plus petits d’entre eux, qui n’ont, par exemple, qu’un seul cabinet ou deux praticiens, mais aussi dans les centres pluridisciplinaires, où l’on risque de retrouver plusieurs comités médicaux.
Pour ces raisons, nous proposons que le comité médical soit mis en place à hauteur de l’organisme gestionnaire plutôt que dans chacun des centres. Dans le cas où le gestionnaire aurait une activité nationale ou plurirégionale, le comité pourrait être mis en place à l’échelon régional, sur le périmètre de l’ARS.
Par ailleurs, il est essentiel, pour que le comité joue un rôle sur les modalités de gestion du centre, que le représentant de l’organisme gestionnaire puisse y participer, comme c’est le cas dans les comités médicaux mis en place dans les hôpitaux.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 7.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement nous a été suggéré par des organismes gestionnaires de centres de santé.
En effet, selon le regroupement national des organismes gestionnaires de centres de santé (RNOGCS), qui réunit l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA), la Fédération des mutuelles de France (FMF), la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap), la Croix-Rouge et l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), l’article 2 pose un double problème.
D’une part, sa rédaction ne tient pas compte des difficultés de création d’un comité ophtalmologique ou dentaire pour les centres de santé de taille réduite.
D’autre part, et c’est le principal grief, ce comité de professionnels de santé ne prévoit pas la présence de l’organisme gestionnaire. Dès lors, cette instance, qui va doublonner l’instance de dialogue social, mais sans représentant des salariés du centre de santé, ne pourra être le lieu d’un dialogue social ni même celui de l’organisation du centre, dans la mesure où le représentant de l’organisme gestionnaire en est exclu.
Cette exclusion est d’autant plus préjudiciable que seul ce représentant légal engage sa responsabilité pénale vis-à-vis de l’assurance maladie en cas de non-respect des règles de sécurité, d’hygiène et de comptabilité.
Dans la mesure où le texte vise à lutter contre les centres de santé déviants, la présence d’un représentant de l’organisme gestionnaire au sein des comités nous paraît indispensable.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Vous risquez d’ouvrir une brèche !
M. le président. L’amendement n° 10 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié bis.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Il me semble préférable de renforcer le contrôle de la bonne application des dispositifs de droit commun pour garantir le respect des bonnes pratiques. Je pense en particulier aux obligations ordinales, conventionnelles, aux contrôles réalisés par l’assurance maladie obligatoire.
Pour autant, à partir du moment où un comité médical ou dentaire est créé, il me semble important que celui-ci soit mis en place au niveau de l’organisme gestionnaire, et non dans chaque centre.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 23.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement est identique aux précédents.
J’ajoute aux arguments de mes collègues que, dans les petits centres de santé, notamment dentaires, n’exercent parfois qu’un ou deux praticiens ; à l’inverse, les centres pluridisciplinaires pourraient avoir à constituer un, voire deux comités médicaux pour les activités visées par la présente proposition de loi, tandis que le dispositif ne s’appliquerait pas pour les autres disciplines.
Sachez, pour finir, que cet amendement nous a été suggéré par la Fédération nationale de la mutualité française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. La commission est défavorable aux cinq amendements identiques restant en discussion.
L’idée de faire entrer le gestionnaire du centre de santé dans la composition des comités dentaires ou ophtalmologiques et celle de mettre en place ces comités à l’échelle des organismes gestionnaires sont très intéressantes, mais totalement contre-productives et certainement contraires à l’esprit de la proposition de loi.
Le comité médical ou ophtalmologique a vocation à faire contrepoids au pouvoir du gestionnaire, selon une logique tenant mieux compte de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, qui doit contrebalancer une logique fondée sur la seule efficacité de gestion – c’est de cela qu’il s’agit ici. Associer le gestionnaire aux réunions du comité risquerait d’en saper le principe même.
Il semble par ailleurs plus efficace de positionner le comité à hauteur des centres plutôt que des organismes gestionnaires, car cela permettra de faire remonter rapidement les risques de dérives compromettant la qualité des soins. Sans compter que le décret d’application pourra parfaitement adapter les modalités de fonctionnement des comités à la taille des centres.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Les auteurs de ces amendements souhaitent que le comité médical soit installé, non pas au niveau de chaque centre de santé, mais à celui de l’organisme gestionnaire du centre. Ils proposent aussi que l’organisme gestionnaire puisse être membre dudit comité.
Au vu des enjeux de qualité et de sécurité des soins, il est au contraire nécessaire que le comité se situe au sein de chaque centre, afin d’être au plus proche des pratiques de terrain et de pouvoir signaler les éventuels dysfonctionnements. De même, il me semble utile de permettre à l’ensemble des salariés concernés d’être présents sur leur lieu de travail.
Exclure le gestionnaire du comité est en outre indispensable si l’on veut créer une instance indépendante, favorisant le dialogue et les bonnes pratiques en matière de soins. Nous avons observé trop de dérives en la matière.
Il me semble que ces cinq amendements identiques vont à l’encontre de l’esprit de la présente proposition de loi, raison pour laquelle j’y serai défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour explication de vote.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je souhaite retirer mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié bis est retiré.
La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je conçois tout à fait que de tels amendements aient été suggérés à certains de nos collègues par des organismes gestionnaires de centres de santé « classiques », comme la Mutualité française, c’est-à-dire des centres qui ne sont pas coutumiers des dérives que l’on a évoquées.
Cela étant, la constitution de comités médicaux a précisément pour objet d’éloigner le gestionnaire des centres de santé. En prévoyant sa participation au sein du comité médical, nous perdrons tout le bénéfice que le texte pourrait apporter.
Certains organismes gestionnaires mal intentionnés, ceux dont les dérives ont été prouvées, risquent d’ailleurs de s’engouffrer dans cette brèche.
M. Jean Sol, rapporteur. Bien sûr !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission. J’invite chacun à réfléchir à cet argument et à ne pas voter des amendements, que leurs auteurs soutiennent certes avec de bonnes intentions, mais qui vont à l’encontre de ce texte.
Je signale enfin que Jean Sol vous présentera dans quelques instants un amendement tendant, pour les plus petits centres de santé, à élargir le comité médical aux professionnels de santé plutôt qu’à le cantonner aux seuls médecins.
Mes chers collègues, je voulais vous mettre en garde contre les risques que ces mesures font peser sur l’équilibre du texte.
Mme Laurence Cohen. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
Mme Raymonde Poncet Monge. Je le retire également !
Mme Maryse Carrère. Moi aussi !
M. Joël Guerriau. Mon groupe retire aussi le sien !
M. le président. Les amendements nos 1 rectifié, 2 rectifié et 23 sont donc retirés.
L’amendement n° 25, présenté par M. Sol, est ainsi libellé :
Alinéa 4, deuxième phrase
Remplacer le mot :
médicaux
par les mots :
de santé
La parole est à M. Jean Sol.
M. Jean Sol. Cet amendement vise à intégrer les professionnels paramédicaux au comité dentaire ou ophtalmologique créé au sein des centres de santé concernés.
Pour prendre l’exemple des comités ophtalmologiques, il serait pertinent de permettre aux orthoptistes de prendre part aux travaux d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins dont le comité est le garant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez intégrer au sein du comité dentaire ou ophtalmologique l’ensemble des professionnels de santé contribuant à l’activité dentaire ou ophtalmologique du centre.
Les professionnels de santé non médicaux, tels que les assistants dentaires ou les orthoptistes, sont des acteurs à part entière de l’activité dentaire ou ophtalmologique d’un centre de santé.
De surcroît, les dérives observées dans certains centres résultent souvent de « glissements » de tâches. La politique d’amélioration de la qualité, la pertinence et la sécurité des soins ainsi que la formation continue des salariés concernent bien l’ensemble des professionnels de santé exerçant ces activités.
Je suis par conséquent favorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Sol, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
à compter de la prise de rendez-vous
La parole est à M. Jean Sol.
M. Jean Sol. Cet amendement vise à renforcer les obligations d’identification des professionnels prodiguant des soins à des patients pris en charge dans un centre de santé en prévoyant de délivrer une information relative aux praticiens dès la prise de rendez-vous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur, vous proposez de renforcer les obligations d’identification des professionnels de santé en prévoyant une information du patient dès la prise de rendez-vous.
Cette obligation va dans le sens d’une meilleure information des patients et d’un meilleur contrôle des éventuelles dérives. C’est la raison pour laquelle je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Le Houerou, M. Fichet, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa et un paragraphe ainsi rédigés :
« … - Dans les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité ophtalmologique, l’emploi d’assistants médicaux au sens de l’article L. 4161-1 est subordonné, pour ces activités, à l’embauche, en nombre identique, de médecins. »
… - Le chapitre III bis du titre IX du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4393-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4393 -…. – Quelle que soit la structure d’exercice, le nombre d’assistants dentaires ne peut excéder le nombre de chirurgiens-dentistes ou de médecins qui la composent. »
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Mon amendement vise à instaurer un ratio d’emploi entre le nombre d’assistants dentaires et celui de dentistes, ainsi qu’entre le nombre d’assistants médicaux et celui d’ophtalmologistes. Il s’agit ainsi de garantir les conditions d’une prise en charge adéquate des patients et la qualité des soins.
Avec cet amendement, nous reprenons une disposition qui figurait dans la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, mais qui a été supprimée par la rapporteure, notre collègue Corinne Imbert, au motif qu’elle avait davantage sa place dans la présente proposition de loi, ce qui nous semble judicieux.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, M. Grosperrin, Mme Delmont-Koropoulis, M. Burgoa, Mme Joseph, M. Somon, Mmes Estrosi Sassone, Demas et Di Folco, MM. Lefèvre, J.B. Blanc, Savary, D. Laurent, Chatillon et Tabarot, Mme L. Darcos, MM. Bouchet, Belin et Savin, Mme Richer, M. Brisson, Mmes Ventalon, M. Mercier et Gruny et MM. Favreau, Meignen, Gremillet, Cuypers, Charon, Klinger, B. Fournier, Houpert et Pointereau, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Dans les centres de santé et leurs antennes ayant une activité ophtalmologique, le nombre d’assistants médicaux ne peut excéder le nombre de médecins. »
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Comme je l’ai déjà souligné, cet amendement tend à introduire un ratio de un pour un dans les centres de santé ophtalmologique entre le nombre d’assistants médicaux et le nombre de médecins.
Cette limitation serait un garde-fou utile permettant d’empêcher les dérives de certains centres de santé peu scrupuleux.
Cette disposition, adoptée par l’Assemblée nationale à l’article 4 bis de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, a davantage sa place dans la présente proposition de loi, raison pour laquelle notre commission des affaires sociales l’avait supprimée du texte où elle figurait initialement. Mon amendement vise donc à la réintroduire dans le présent texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Votre amendement, madame Le Houerou, reprend le dispositif de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, qui prévoyait de plafonner le nombre d’assistants dentaires et ophtalmologiques à la même hauteur que celui des praticiens médicaux.
Or la mesure concernant les assistants dentaires a été maintenue dans le texte que je viens de mentionner et celle qui a trait aux assistants ophtalmologiques, que vient de défendre Mme Imbert, serait introduite, si elle était adoptée, dans le présent texte.
Par souci de clarté, je vous demanderai donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de Mme Imbert ; à défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement n° 3 rectifié bis, auquel je suis donc favorable, a pour objet de plafonner, dans les centres ayant une activité ophtalmologique, le nombre d’assistants médicaux à la même hauteur que le nombre d’ophtalmologues.
Cette disposition, issue de la proposition de loi relative à la confiance dans les professionnels de santé, vise à limiter les dérives constatées dans certains centres peu scrupuleux, qui seraient tentés de substituer des assistants aux médecins dans une logique de compression des coûts.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Le Gouvernement vous demande, madame Le Houerou, de bien vouloir retirer votre amendement n° 11 rectifié au profit de l’amendement n° 3 rectifié bis, pour les mêmes raisons que celles qu’a exposées M. le rapporteur, faute de quoi il y sera défavorable.
Nous sommes favorables à l’amendement de Mme Imbert, car il a pour objet de limiter le nombre d’assistants médicaux en le plafonnant au niveau de celui des médecins présents dans le centre de santé ayant une activité ophtalmologique.
Cette mesure, qui figurait initialement dans la proposition de loi de votre collègue députée Stéphanie Rist, permettra de lutter contre les dérives observées dans un certain nombre de centres de santé où une multitude d’assistants médicaux effectuaient des tâches qui ne leur étaient pas forcément dévolues, car cela permettait à ces centres de ne pas avoir à rémunérer des médecins. Ce type de situation constitue un risque grave pour la sécurité et la qualité des soins délivrés.
M. le président. Madame Le Houerou, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annie Le Houerou. Non, je le retire, monsieur le président, car je partage les observations de M. le rapporteur et de Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le i du II de l’article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 avait été adoptée une mesure permettant, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, de déroger à l’article L. 6323-1-5 du code de la santé publique, aux termes duquel les professionnels qui exercent au sein des centres de santé sont salariés.
Je me permets de rappeler que notre Haute Assemblée, sur la proposition de mon groupe, avait supprimé cette disposition. Cette expérimentation entre en effet en contradiction avec l’un des principes qui sont au fondement des centres de santé, à savoir le salariat, qui participe de l’efficacité et de la pertinence de ce mode d’exercice regroupé et coordonné.
La possibilité pour les centres de santé d’avoir recours à des médecins conservant leur statut libéral avait déjà été examinée et rejetée en 2017 et en 2018 par les services du ministère de la santé, en particulier la direction générale de l’offre de soins (DGOS), après qu’elle avait mené une concertation avec toutes les organisations des centres de santé, les gestionnaires et les professions de santé.
Rien n’interdit – j’y insiste – à des praticiens libéraux d’exercer dans des centres de santé en tant que salariés. De nombreux praticiens travaillant en centre de santé choisissent ce cadre d’activité mixte, à la fois libéral et salarié. Il satisfait toutes les parties depuis toujours, puisque le praticien travaille en libéral, mais aussi en centre de santé en tant que salarié.
L’exercice libéral en centre de santé témoigne d’une grande méconnaissance des caractéristiques fondamentales de ces centres. Il crée une confusion qui troublera certains promoteurs et professionnels de santé au moment de l’élaboration des projets, alors que de plus en plus d’élus, de toutes sensibilités, s’orientent vers la création de tels centres.
Nous profitons de la discussion de ce texte pour tenter de revenir sur cette mesure, car nous considérons depuis le début qu’elle constitue un danger pour le mode d’organisation des centres et les valeurs qu’ils promeuvent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Cet amendement vise à abroger la disposition autorisant à déroger au principe du salariat dans les centres de santé, introduite en 2019 à titre expérimental pour cinq ans dans les zones sous-denses.
Je suis défavorable à la suppression d’une telle mesure d’application temporaire, dont les effets n’ont pas encore été évalués.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Comme M. le rapporteur vient de l’expliquer, cet amendement tend à revenir sur une expérimentation lancée en 2020 pour cinq ans. Il nous semble préférable de la laisser aller jusqu’à son terme, afin de pouvoir en évaluer correctement l’intérêt. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Tout d’abord, je me réjouis de vous entendre dire, madame la ministre, que vous souhaitez aller jusqu’au bout d’une expérimentation… On en reparlera tout à l’heure lorsque nous examinerons la proposition de loi Rist, car cette position de principe ne s’appliquera peut-être plus. Je me méfie des arguments à géométrie variable et appelle chacun, en particulier le Gouvernement, à davantage de cohérence.
Ensuite, je ne comprends absolument pas les raisons pour lesquelles vous êtes défavorable à notre amendement. Aujourd’hui, en effet, les centres de santé fonctionnent avec des professionnels exerçant en tant que salariés, les mêmes professionnels pratiquant aussi en libéral à l’extérieur de ces centres, ce qui ne pose aucun problème, bien au contraire, puisqu’une telle démarche s’inscrit dans une logique de complémentarité.
La position du Gouvernement n’a d’autre effet que d’ajouter de la confusion en permettant une espèce de perméabilité qui n’a aucune raison d’être. Nous maintenons par conséquent notre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis
Après l’article L. 162-34 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-34-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 162-34-1. – Les professionnels de santé exerçant dans un centre de santé mentionné à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique sont identifiés par un numéro personnel distinct du numéro identifiant la structure où ils exercent, au moins en partie, leur activité.
« Le décret prévu au premier alinéa de l’article L. 161-33 du présent code précise les cas dans lesquels ce numéro personnel ainsi que le numéro identifiant la structure au sein de laquelle l’acte, la consultation ou la prescription a été réalisé figurent sur les documents transmis aux caisses d’assurance maladie en vue du remboursement ou de la prise en charge des soins dispensés par ces praticiens. » – (Adopté.)
Article 3
(Suppression maintenue)
Article 4
L’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (nouveau) À la première phrase du cinquième alinéa du I, les mots : « peut décider de publier » sont remplacés par les mots : « publie » ;
2° (nouveau) Sont ajoutés des III à V ainsi rédigés :
« III. – Les décisions de suspension et de fermeture prises en application du II sont communiquées sans délai à la Caisse nationale de l’assurance maladie et aux instances ordinales compétentes.
« IV. – La suspension de l’activité d’un centre ou la fermeture d’un centre ou de l’une de ses antennes peut, jusqu’à la levée de la suspension et pour une durée de huit ans dans le cas d’une fermeture, justifier le refus de délivrance, par le directeur général de l’agence régionale de santé, du récépissé de l’engagement de conformité ou de l’agrément demandé, pour l’ouverture d’un nouveau centre de santé ou d’une nouvelle antenne, par le même représentant légal, le même organisme gestionnaire ou un membre de son instance dirigeante.
« V. – Un décret précise les modalités de recensement des mesures de suspension et de fermeture de centres de santé décidées en application du II, et de leur mise à disposition des services de l’État et des organismes de sécurité sociale. »
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
sur tout le territoire national
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Le présent amendement vise à éviter le nomadisme des fraudeurs et des structures commerciales déviantes, en s’assurant que les refus d’ouverture d’un nouveau centre ou d’une nouvelle antenne aient une portée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que le motif sur le fondement duquel le directeur général de l’ARS se fonde pour suspendre ou fermer un centre de santé, refuser l’ouverture d’une nouvelle antenne ou d’un nouveau centre, est applicable sur tout le territoire national.
Or l’amendement semble satisfait par la rédaction de l’article et la création du répertoire national des décisions de suspension ou de fermeture des centres de santé, qui sera rendu accessible aux services de l’État intéressés.
Même si je vous accorde que la précision ne nuit pas, monsieur Fichet, je suis tout de même enclin à vous demander de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous souhaiter préciser le périmètre national du dispositif prévu à l’article 4, qui permet au directeur général de l’agence régionale de santé de refuser l’ouverture d’un centre lorsque le gestionnaire a déjà vu un autre de ses centres sanctionné.
Or tel est justement l’objet de cet article, qui crée également un répertoire national permettant de recenser l’ensemble des mesures de suspension et de fermeture des centres de santé sur le territoire, et ainsi d’apporter une connaissance nécessaire à l’application de cette mesure.
Je suis donc favorable à votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article 5
L’article L. 6323-1-4 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les comptes du gestionnaire sont certifiés par un commissaire aux comptes lorsqu’ils remplissent les critères fixés par décret, lequel détermine également les modalités de leur transmission au directeur général de l’agence régionale de santé et aux organismes de sécurité sociale. » – (Adopté.)
Article 6
(Supprimé)
Article 7
L’article L. 6323-1-7 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le paiement intégral des soins qui n’ont pas encore été dispensés ne peut être exigé. » – (Adopté.)
Article 8
Le I de l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le directeur général de l’agence régional de santé informe également les instances ordinales compétentes de tout manquement compromettant la qualité ou la sécurité des soins. » ;
1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début de la première phrase, les mots : « Lorsqu’un manquement à l’engagement de conformité » sont remplacés par les mots : « Lorsque l’un des manquements mentionnés au premier alinéa » ;
b) À la fin de la deuxième phrase, le montant : « 150 000 euros » est remplacé par le montant : « 500 000 euros » ;
c) À la dernière phrase, le montant : « 1 000 euros » est remplacé par le montant : « 5 000 euros » ;
d) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les montants respectifs de l’amende et de l’astreinte journalière sont fixés en fonction de la gravité des manquements constatés, par application d’un barème établi par décret. » ;
2° (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par MM. Iacovelli, Hassani, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au dernier alinéa de l’article L. 162-32-3 du code de la sécurité sociale, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Le présent amendement vise à renforcer la protection des patients et à se prémunir des pratiques déviantes existantes.
Il tend en effet à rétablir la base légale permettant le déconventionnement d’urgence des centres de santé responsables de violations graves des engagements prévus ou ayant engendré un préjudice financier. Il s’agit d’une mesure nécessaire à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Cet amendement a pour objet de corriger une malfaçon légistique, qui conduit à ne plus rendre applicable aux centres de santé la procédure de déconventionnement d’urgence, qui peut être lancée lorsqu’une violation particulièrement grave des engagements prévus par la convention ou ayant engendré un préjudice financier pour l’organisme de sécurité sociale a été commise.
Il est bien sûr nécessaire de la rendre applicable de nouveau aux centres de santé en rétablissant la rédaction initiale du code de la santé publique issue de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, au travers de votre amendement, vous souhaitez rétablir la base légale permettant l’application du déconventionnement d’urgence des centres de santé.
Je rappelle que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, en renforçant le dispositif de déconventionnement des professionnels de santé fraudeurs, a en effet malencontreusement supprimé la base légale du déconventionnement en urgence des centres de santé, introduite dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement partage votre volonté de sanctionner de manière adéquate les centres de santé déviants et de limiter le préjudice subi par l’assurance maladie en cas de faute grave. Je suis donc favorable à votre amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
(Supprimé)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé.
(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité) – (Applaudissements.)
6
Amélioration de l’accès aux soins
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (proposition n° 263, texte de la commission n° 329, rapport n° 328).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le début de l’année 2023 a été marqué, dans le monde de la santé, par d’importantes annonces.
Le 6 janvier dernier, le Président de la République a tenu à adresser directement ses vœux aux acteurs de la santé. Cela témoigne de l’importance accordée à ce que nous réussissions les changements profonds auxquels aspirent les professionnels de santé et les Français.
Avec le ministre de la santé et de la prévention François Braun, nous avons également tenu à nous adresser, fin janvier, à toutes nos forces vives pour détailler la feuille de route et les jalons de cette refondation.
Moins de quinze jours plus tard, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traduit ces paroles fortes en actes concrets.
Ce texte, déposé par la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Stéphanie Rist, et cosigné par l’ensemble du groupe Renaissance, comporte de nombreuses dispositions importantes pour accélérer le décloisonnement de notre système de santé.
Il témoigne du besoin ressenti sur le terrain de favoriser les coopérations entre les professionnels de santé, en ville comme en établissement. Cela doit nous permettre, sans dégrader la qualité des soins ou créer une médecine à deux vitesses, de libérer du temps médical et de faciliter l’accès à la santé.
Je veux le dire ici : alors que nos médecins généralistes manifestent aujourd’hui, il ne s’agit pas de nier leur rôle essentiel. C’est bien eux, dans le cadre des coopérations dont je parlais, qui sont au centre du parcours de soins, car ils disposent d’une expertise essentielle.
Nous devons poursuivre la transformation de notre système de santé pour répondre à des besoins qui évoluent et à une démographique médicale qui est celle que nous connaissons.
En effet, la pandémie mondiale de la covid-19 a profondément bouleversé notre système de santé qui, pour y faire face, a déployé des ressources et des moyens parfaitement inédits. Nous avons inventé des solutions, expérimenté des modes d’organisation innovants et bâti des solidarités nouvelles.
Je pense, par exemple, à l’extension des compétences vaccinales aux professionnels de proximité en 2021, qui a permis d’accompagner le déploiement d’une campagne de vaccination massive, laquelle fut une réussite collective.
Il s’agit d’un progrès que nous avons ensuite entériné dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, en élargissant l’accès à la prescription de vaccins aux pharmaciens, maïeuticiens et infirmiers.
Les contextes de crise ont peut-être ce seul avantage d’être des vecteurs de transformation et des catalyseurs de changements, portant en eux les ferments d’une résilience renouvelée, une fois les difficultés surmontées.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 comporte d’ailleurs de nombreuses autres mesures opérationnelles et efficaces pour l’accès aux soins, dont certaines sont d’origine parlementaire et transpartisane.
Je pense à la simplification des aides à l’installation, aux expérimentations relatives à l’établissement de certificats de décès par les infirmiers ou aux consultations avancées en zones sous-denses.
Nous avons récemment lancé une expérimentation qui permet aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse (IVG) instrumentales, dans certaines conditions et dans un cadre sécurisé. Ce nouvel élargissement de compétences sera généralisé fin 2023, ce qui favorisera l’accès à l’IVG pour toutes les femmes.
Pour amplifier la dynamique amorcée et faire face aux défis actuels et futurs, qui sont immenses, il nous appartient de nous inscrire dans ce mouvement qui fait bouger les lignes et de tracer le chemin d’un système de santé où chaque professionnel trouve sa place.
Ce système de santé, que nous refondons, doit reposer sur une confiance et une collaboration renforcées entre tous les professionnels, et permettre de mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de lutter contre toutes les inégalités d’accès aux soins.
Si la pandémie de la covid-19 est désormais derrière nous, nous faisons face à d’autres défis majeurs, auxquels il faut opposer des actions immédiates adossées à des changements structurels.
Il faut nommer les choses : l’urgence à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés est celle d’une crise de l’accès à la santé.
En matière de santé publique, une bonne politique contribue à faire coïncider le temps de la gestion des crises et les nécessités de plus long terme.
En ce qui concerne les médecins, nous avons corrigé une erreur historique en supprimant le numerus clausus. Il faudra toutefois attendre encore des années avant d’en voir les effets sur le terrain.
Dans le cadre d’un grand pacte autour de la formation, que nous construisons avec les régions, nous avons déjà créé plus de 5 000 places supplémentaires dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) et plus de 3 000 dans les instituts de formation d’aides-soignants (Ifas).
Par ailleurs, nous comptons déjà près de 200 infirmiers et infirmières en pratique avancée et 4 000 assistants médicaux. Nous en visons 10 000 d’ici à 2024.
Aujourd’hui, notre objectif et notre défi, qui vont au-delà du simple fait de poursuivre le renforcement de nos effectifs, c’est de mobiliser tous les leviers nous permettant de mieux partager les tâches et de gagner du temps médical pour nos soignants, au service des patients.
Les leviers que nous actionnons avec ce texte sont la rénovation des métiers du soin, avec des compétences élargies pour chaque acteur de santé, dans le rôle qui est le sien, ainsi que la rénovation de l’organisation du parcours de soins autour du médecin traitant, pour que chacun, avec ses compétences, soit le plus efficace possible au service du patient.
Tout cela s’inscrit dans une logique partenariale entre les soignants, une logique de confiance entre les pouvoirs publics et les professionnels, une logique de coopération entre la ville et l’hôpital, et dans un esprit de dialogue et de responsabilités partagées.
C’est là aussi un enjeu majeur d’attractivité et de fidélisation, pour les jeunes en particulier, alors que je soulignais l’insuffisance de l’offre de soins par rapport aux besoins croissants de la population.
Vous l’aurez compris, il s’agit de répondre à la double exigence d’améliorer l’accès aux soins des Français et de donner de nouvelles responsabilités et perspectives d’évolution professionnelle aux soignants.
C’est ce à quoi nous nous sommes attelés au travers de cette proposition de loi, qui nous permet d’avancer dans le sens d’un renforcement de la pratique avancée, de l’accès direct, des partages de compétences et des délégations d’actes, qui doivent se déployer dans des organisations territoriales collectives et coordonnées.
Grâce à un débat parlementaire transpartisan de grande qualité, nous avons pu faire de ce texte le vecteur de nombreuses avancées qui n’étaient pas prévues dans le dispositif initial.
Je pense, par exemple, à la possibilité pour les personnes souffrant de diabète de se faire prescrire directement des orthèses plantaires par un pédicure-podologue, à la possibilité pour le pharmacien de renouveler les traitements chroniques lorsque le médecin prescripteur n’est pas disponible, pour une durée maximale de trois mois, à la possibilité pour les infirmiers formés à cet effet de prendre en charge le traitement des plaies chroniques, à l’évolution du métier d’assistant dentaire, en lien avec la demande des chirurgiens-dentistes de libérer du temps médical, ou encore à la reconnaissance des assistants de régulation médicale comme professionnels de santé, ce qui contribue à améliorer l’attractivité d’une profession où les besoins de recrutement sont importants.
Je salue ces élargissements et ces facilités d’accès. Je suis profondément convaincue que le chemin que nous empruntons est le bon.
Je veux aussi saluer, madame la rapporteure, le travail effectué par les sénateurs dans le cadre de la commission des affaires sociales.
J’ai, par ailleurs, été sensible aux questions portant sur les évolutions du statut des infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE). Les métiers des soins infirmiers sont aussi divers qu’indispensables et j’accorde la plus grande attention aux réformes qui les concernent.
Les professions d’IADE, d’infirmier de bloc opératoire diplômé d’État (Ibode), d’infirmier puériculteur (Ipuer) sont aussi spécifiques que celle, plus récente, d’infirmier en pratique avancée (IPA).
Une définition du cadre d’exercice en pratique avancée, propre à chacune de ces professions, est nécessaire. Ce cadre est appelé à se stabiliser au travers de concertations que nous mènerons et poursuivrons, en associant l’ensemble des parties prenantes concernées.
Dans cette perspective, les auteurs du rapport de l’Igas et de l’IGESR rendu public en janvier, Jean Debeaupuis et Patrice Blemont, proposent de maintenir la notion de spécialité infirmière, notion ancienne et toujours structurante de l’identité de ces professionnels.
La commission des affaires sociales du Sénat a choisi de ne pas retenir les dispositions distinguant infirmiers en pratique avancée spécialisés et praticiens. À la suite des concertations que nous avons conduites avec les représentants professionnels, cette distinction semble effectivement inadaptée au système français. Par conséquent, le Gouvernement soutiendra ce choix.
Les IADE, Ibode ou Ipuer ont tous une page à écrire dans le projet que nous élaborons actuellement autour de la pratique avancée. Les parlementaires souhaitant être associés à ce travail, qui sera suivi d’évolutions principalement réglementaires, sont bien évidemment les bienvenus.
Attentive à l’ensemble de ces sujets, je le suis également particulièrement à l’égard de certaines craintes exprimées par les médecins généralistes.
Je veux encore m’adresser ici autant à vous qu’à eux, dont certains sont aujourd’hui dans la rue, en grève. Je le répète : l’objectif n’est en aucun cas de mettre de côté le médecin généraliste ! Au contraire, nous voulons accroître le niveau de coopération entre les professions de santé, en organisant le système autour du médecin généraliste traitant qui joue un rôle pivot en la matière et dont nous renforçons la place centrale.
Le Président de la République l’a rappelé lors de ses vœux aux soignants : « nos médecins généralistes sont, pour les Français, le visage le plus familier de notre système de santé ».
La médecine de ville est la colonne vertébrale de notre système de santé. Les généralistes reçoivent en moyenne 1 million de patients par jour. Ce chiffre est important et doit rester un motif de fierté pour la profession. Cependant, cela ne change rien au fait que 6 millions de Français n’ont actuellement pas de médecin traitant.
Cette situation ne peut être acceptée sans rien changer. C’est pour cela qu’il est indispensable de trouver les voies afin de toujours mieux concilier le principe de liberté, qui structure la médecine libérale et qui ne saurait être remis en cause, avec la nécessité d’un engagement territorial d’un plus grand nombre de professionnels de santé.
Nous souhaitons qu’une part structurante de la rémunération repose sur ces objectifs de santé publique, à l’échelle d’un territoire.
Je suis profondément convaincue que le médecin traitant assure un rôle central dans la réponse locale aux besoins de santé. Nous devons mieux reconnaître et mieux valoriser ce rôle, lorsqu’un médecin s’engage à la fois envers ses patients et en faveur de la coopération à l’échelle de son territoire.
Pour susciter et ancrer cet engagement, la solution, n’est pas la contrainte, mais encore une fois le développement accéléré des coopérations et de l’exercice coordonné. Ainsi, il nous faut encourager le plus grand nombre de médecins à s’engager envers leurs patients et leur territoire, par une démarche collective au service de la santé des Français. Certains le font déjà et doivent, à ce titre, bénéficier d’une valorisation financière supérieure.
Ce mécanisme d’engagement territorial, que nous voulons inscrire dans la loi, aura des traductions très concrètes. Il s’agit, par exemple, d’accepter de prendre en charge des patients qui ne trouvent pas de médecin traitant, d’assurer des soins non programmés, de limiter le reste à charge des patients ou encore de proposer des parcours de prise en charge pluriprofessionnels par l’exercice coordonné.
Oui, nous souhaitons accorder davantage de moyens à nos médecins généralistes, mais encore faut-il, pour être efficaces, qu’ils soient au bon endroit.
J’entends les craintes et je veux rassurer ceux qui les expriment, mais je souhaite aussi profiter de cette tribune pour appeler chacun à faire preuve de sang-froid et pour réfuter certaines affirmations relevant de l’instrumentalisation politique.
Je l’ai détaillé : les mesures d’accès direct ne sont en aucun cas généralisées. J’ai pu entendre que les IPA constitueraient une « menace » pour les médecins. De nouveau, je m’inscris en faux !
Dans le cadre d’un exercice coordonné pour le bien des patients, la montée en charge des infirmiers en pratique avancée, le déploiement d’assistants médicaux et bucco-dentaires comme l’accès facilité aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes, ce sont autant de professionnels directement mis au service des patients que d’heures gagnées pour nos médecins, qui ont tout à y gagner.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour réussir à convaincre sans contraindre et à transformer sans abîmer, nous devons collectivement adopter une vision systémique de la réponse aux besoins de santé, au sein de laquelle chaque professionnel et chaque structure, à sa juste place, sera le plus efficace et le plus utile.
Nous débattons aujourd’hui pour progresser dans cette voie et structurer ensemble les déterminants de l’exercice professionnel médical de demain. Je sais pouvoir compter sur l’engagement et la compétence des sénateurs dans ce travail collectif, encore une fois, et toujours, au service de la santé de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales appelait de ses vœux une loi Santé pour examiner les dispositions touchant aux compétences et aux conditions d’exercice des professionnels de santé. Les délais contraints attachés à l’examen d’un texte financier ne nous semblaient pas permettre le débat serein que ce type de mesures nécessite.
Il faut croire, madame la ministre, que nous nous sommes mal compris. Le Gouvernement a choisi de profiter d’un texte, déjà hautement sensible, en discussion à l’Assemblée nationale, pour insérer diverses dispositions, sans étude d’impact et – il faut le dire – sans cohérence d’ensemble ni vision de long terme. Puis, il a opté pour une inscription sans délai à l’ordre du jour du Sénat, laissant moins de deux semaines à notre commission pour examiner ce texte.
Il ne s’agit pas seulement d’un reproche fréquent et mérité sur le respect du travail parlementaire. J’insiste sur la méthode employée, car cet examen précipité a un effet délétère sur les professions de santé et ruine l’ambition affichée dans l’intitulé du texte.
Loin de favoriser la confiance parmi les professionnels de santé, le texte a opposé les professions entre elles ces dernières semaines. Très attendu des paramédicaux dont il valorise les compétences, il a suscité, à l’inverse, l’incompréhension et l’inquiétude de nombreux médecins, qui jugent que certaines de ses dispositions désorganisent le parcours de soins et présentent un risque et de dégradation de la qualité des prises en charge et, in fine, de perte de chances pour les patients.
Or l’examen intervient concomitamment aux négociations de la prochaine convention médicale et contribue largement à en détériorer le climat. Il eût été difficile de choisir moment plus inopportun pour discuter de ce texte !
Un mot enfin de la seconde ambition de la proposition de loi : l’amélioration de l’accès aux soins. Je crois, mes chers collègues, qu’il ne faut pas se bercer de chimères : ce texte oppose des réponses parcellaires à un problème structurel et ne permettra pas de résoudre les graves difficultés auxquelles certains de nos territoires sont confrontés. La démographie des médecins ne s’améliorera pas de sitôt, les professionnels de santé mettront plusieurs années avant de s’approprier de telles innovations et les patients pourront se sentir désorientés.
Malgré ces vents contraires, la commission a examiné ce texte en retenant une approche équilibrée, consistant à adopter les mesures les mieux à même de fluidifier le parcours du patient et de valoriser les compétences des professionnels de santé. Elle a amendé la proposition de loi lorsque cela paraissait nécessaire, pour garantir la sécurité des soins comme pour conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi des patients.
Le premier volet de ce texte, sans doute le plus conflictuel, concerne l’accès direct à trois professions paramédicales – infirmiers en pratique avancée, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes – exerçant actuellement sur prescription médicale préalable.
L’article 1er vise à revaloriser la profession d’infirmier en pratique avancée en améliorant les conditions dans lesquelles celle-ci peut prendre en charge des patients. Pour cela, il prévoit d’autoriser les IPA à prescrire des prestations et des produits de santé à prescription médicale obligatoire. Il permet surtout l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, dès lors que ceux-ci exercent à l’hôpital, en établissement médico-social ou en ville au sein d’une structure d’exercice coordonné. Cette autorisation est assortie de conditions permettant d’assurer l’information du médecin traitant.
Les infirmiers en pratique avancée bénéficient d’une formation de deux ans supplémentaires et de compétences élargies dans l’un des cinq domaines d’intervention actuellement reconnus. Ils apportent, à l’hôpital comme en ambulatoire, un appui précieux aux équipes de soins.
Autorisée en 2018, la pratique avancée n’a connu jusque-là qu’un développement limité : la France ne comptait l’été dernier qu’environ 1 700 IPA, dont moins de 200 d’entre eux exerçaient en libéral. Le nombre insuffisant de patients qui leur sont confiés par les médecins constitue l’un des principaux obstacles à leur déploiement.
Compte tenu de ces effectifs et contrairement à l’ambition affichée de ce texte, les difficultés d’accès aux soins dans nos territoires ne seront donc pas résolues, à court terme, par ces dispositions. Celles-ci contribueront toutefois à renforcer l’attractivité et la reconnaissance de la pratique avancée. C’est pourquoi la commission les a adoptées, tout en veillant à ce que l’accès direct s’exerce en étroite coordination avec les autres professionnels de santé en le réservant, en ville, aux structures les plus intégrées qui partagent une patientèle commune.
L’article 1er visait également à restructurer la profession en créant deux catégories d’infirmiers en pratique avancée, spécialisés et praticiens. Ces dispositions n’étant pas adaptées au modèle français de pratique avancée infirmière et les organisations d’IPA elles-mêmes y étant opposées, la commission a choisi de les supprimer.
Les articles 2 et 3 visent à permettre également aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes d’exercer sans prescription médicale préalable, dans les mêmes conditions que les infirmiers en pratique avancée. De nouveau, la commission a adopté ces dispositions susceptibles de simplifier le parcours de soins, tout en veillant à mieux encadrer l’accès direct pour le réserver aux structures les mieux intégrées et assurer la sécurité des soins.
Un deuxième volet de la proposition de loi vise à étendre les compétences des professionnels de santé.
Ainsi, l’article 1er bis autorise les infirmiers à prendre en charge la prévention et le traitement de plaies, y compris par la prescription d’examens complémentaires et de produits de santé définis.
L’article 2 bis autorise les masseurs-kinésithérapeutes à prescrire une activité physique adaptée. La commission a adopté ces dispositions en précisant toutefois que la Haute Autorité de santé devrait se prononcer sur leurs conditions de mise en œuvre.
L’article 4 a pour objet de confier de nouvelles compétences à des assistants dentaires dits de niveau II. Leurs missions, actuellement circonscrites à la simple assistance du praticien, seraient étendues à une contribution active aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à des soins post-chirurgicaux. La commission a complété le dispositif en conditionnant l’exercice de ces nouvelles activités à la validation, par l’assistant dentaire, d’une formation spécifique.
L’article 4 bis tend à encadrer le nombre d’assistants dentaires de niveau II en le limitant au nombre de chirurgiens-dentistes. Là encore, la commission a adopté l’article en précisant le dispositif prévu afin de prévenir les risques de contournement de la règle. Ce ratio s’appliquera ainsi sur un même site d’exercice de l’art dentaire et au regard du nombre de chirurgiens-dentistes effectivement présents.
D’autres articles élargissent les compétences reconnues à certains professionnels de santé, sans profondes modifications.
La commission a adopté l’article 4 septies ayant trait à l’élargissement des compétences des pédicures-podologues, afin de fluidifier le parcours de soins des patients et d’éviter les retards de prise en charge du risque podologique pour les patients diabétiques.
Elle a également adopté l’article 4 octies, qui tend à élargir, sous certaines conditions, la compétence reconnue aux opticiens-lunetiers d’adapter la prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact.
La commission a, en outre, soutenu l’article 4 nonies qui permet aux professionnels de l’appareillage d’adapter et de renouveler des prescriptions d’orthèses plantaires.
Enfin, l’article 4 terdecies vise à autoriser, à titre expérimental, les pharmaciens biologistes à pratiquer des prélèvements cervico-vaginaux pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. Nous avons soutenu cet article en commission. Je regrette simplement que le Gouvernement ne pérennise pas cette reconnaissance législative d’une compétence que les pharmaciens biologistes détiennent et qui permettrait de renforcer les efforts en matière de prévention de ce cancer.
Une troisième partie de la proposition de loi concerne l’organisation du parcours de soins.
L’article 4 ter vise à permettre aux sages-femmes, aux chirurgiens-dentistes et aux infirmiers de concourir à la permanence des soins ambulatoires. Si ces dispositions sont souhaitables pour améliorer l’accès aux soins non programmés pendant les heures de fermeture des cabinets, la commission a toutefois souhaité supprimer la notion de responsabilité collective, imprécise juridiquement, qui inquiétait les professionnels impliqués.
Elle a également supprimé l’article 4 quater, qui tendait à valoriser l’engagement territorial des médecins. La commission a jugé ces dispositions inutiles, car les partenaires conventionnels sont déjà en mesure de rémunérer l’implication du médecin dans l’amélioration de l’accès aux soins. En outre, elles interféraient avec les négociations en cours, qui d’ores et déjà prévoient la mise en place d’un tel contrat.
En revanche, et pour rendre du temps médical utile aux médecins, la commission a adopté un nouvel article 3 bis visant à lutter contre les rendez-vous médicaux non honorés. Selon les termes de cet article, le soin de déterminer une indemnisation du médecin auquel un patient fait faux bond sans raison légitime est confié à la convention médicale. Cette indemnisation serait à la charge du patient concerné afin de responsabiliser les assurés sociaux.
Enfin, deux articles ont trait au statut de certaines professions et à leurs conditions d’exercice.
L’article 4 sexies tend à modifier les conditions de qualification autorisant l’exercice des professions de préparateur en pharmacie et pharmacie hospitalière, afin de permettre aux étudiants du diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques, récemment créé, d’exercer leur profession, une fois diplômés. La commission a soutenu cet article, de même que l’article 4 decies, qui vise à reconnaître les assistants de régulation médicale comme professionnels de santé. Ce nouveau statut contribuerait à améliorer l’attractivité d’une profession concentrant d’importants besoins de recrutement.
Vous le voyez, mes chers collègues, la commission s’est efforcée d’aborder le texte de manière pragmatique. Elle a retenu les mesures apportant des améliorations attendues sur le terrain par les professionnels, mais a prévenu, grâce à un meilleur encadrement de certaines dispositions, toute désorganisation du système de santé. La commission vous invite à adopter le texte dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons, et depuis fort longtemps, notre système de santé a dépassé le stade de la crise pour entrer dans une phase de réel effondrement, que nous mettrons des décennies à dépasser, même en faisant preuve de la meilleure volonté politique du monde et en réalisant les investissements nécessaires.
En effet, l’enchaînement de décisions politiques à courte vue, articulées autour d’une idéologie considérant que les services publics doivent coûter le moins cher possible à court terme, que le secteur privé et le marché sont par nature plus efficaces, qu’il faudrait « marchandiser » les soins et rentabiliser la santé, a eu raison de la force de nos services publics.
Les personnels de santé ont ainsi vu leurs conditions de travail se dégrader fortement, accélérant d’autant plus cet effondrement.
Tant d’entre eux renoncent et partent, quand trop peu arrivent, et ceux qui restent sont en proie à l’épuisement ainsi qu’au terrible sentiment d’impuissance face aux conséquences désastreuses pour leurs vies, mais surtout pour celles des patientes et des patients, mis en danger par les politiques menées jusqu’ici.
Dans ce contexte, revaloriser ces métiers est l’une des batailles à mener.
En permettant l’accès direct aux IPA, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes dans le cadre de structures d’exercice coordonné, la proposition de loi vise à élargir les responsabilités de ces derniers et contribue à améliorer l’accès aux soins, à l’heure où 6 millions de Français, dont 600 000 souffrant d’une affection de longue durée, n’ont pas de médecin traitant et, de façon réaliste, ne peuvent matériellement pas en trouver, à court ou moyen terme.
Mon groupe salue évidemment la montée en responsabilité de ces professionnels, qui participe à la reconnaissance de leurs qualifications.
Nous sommes cependant surpris que ces propositions ne soient pas accompagnées d’une importante revalorisation salariale. Si l’idée est de remplacer des infirmières sous-payées par des infirmières sous-payées avec plus de responsabilités, je ne suis pas sûre que nous allions bien loin dans la résolution du problème.
De la même manière, nous savons qu’une des clefs pour améliorer réellement l’accès aux soins réside dans les effectifs. Investir dans nos services publics pour former davantage de personnels de santé et, surtout, construire un système de santé fondé sur les besoins de la population est bien plus important que d’avoir directement accès à des séances de kinésithérapie.
Cet impératif d’investissement public doit se retrouver dans les décisions à venir, faute de quoi la proposition de loi examinée aujourd’hui ne fera office que de fragile rustine posée sur un navire déjà à moitié englouti.
Nous regrettons par ailleurs l’adoption en commission d’un dispositif de sanction des rendez-vous non honorés, laissé à la discrétion de la convention médicale et sans cadre légal très précis.
Naturellement, les rendez-vous doivent être honorés et en réserver un sans s’y présenter pose plusieurs problèmes, aussi bien au médecin privé de la consultation qu’aux autres patients privés d’accès aux soins faute d’avoir pu profiter de ce créneau de rendez-vous, et ce d’autant plus dans un contexte de pénurie de médecins.
Néanmoins, l’alternative est soit de définir un dispositif réellement juste, s’appliquant uniquement aux annulations véritablement illégitimes – ce qui n’est pas explicitement prévu dans la version actuelle du texte –, assorti d’une sanction financière ne représentant pas une charge disproportionnée pour les patients concernés, ce qui aboutira à coup sûr à une « usine à gaz », soit de s’exposer à la mise en place d’une double peine pour de nombreux malades, accompagnée d’un mécanisme à peu près inapplicable.
Nous avons d’ores et déjà du mal à trouver des créneaux de rendez-vous pour être soignés en payant, évitons peut-être de faire payer les gens pour ne pas l’être. D’autant que, pour plusieurs raisons, il est statistiquement prouvé que les publics les plus précaires sont les plus susceptibles de ne pas honorer leur rendez-vous.
Encore une fois, je suis tout à fait consciente du problème, de son ampleur et de la nécessité d’y remédier, mais je veux croire que des dispositifs différents de la sanction financière ou du non-remboursement de soins ultérieurs, auxquels personnes n’a intérêt, peuvent être trouvés.
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur la philosophie générale du texte, illustrée de manière assez limpide par son titre : « Proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » : nous savons parfaitement que les problèmes d’accès aux soins dans notre pays n’ont pas beaucoup à voir avec la confiance dans les professionnels de santé, que ce soit celle que les pouvoirs publics ou que les patients leur portent.
La raison majeure de ce problème d’accès aux soins est le désinvestissement public dans notre système de santé. Réinvestir dans les services publics, revaloriser les rémunérations, construire un système de santé fondé sur les besoins et accordant toute sa place à la prévention doit rester notre cap.
D’ici là, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur ce texte, eu égard à son équilibre général. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les chiffres sont là : 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux, 11 % des Français âgés de plus de 17 ans n’ont pas accès à un médecin traitant et 600 000 d’entre eux sont atteints d’affection de longue durée. Ces derniers ont besoin de suivi et de soins pour éviter d’éventuelles complications et, in fine, une hospitalisation.
Face à cette situation, il existe aussi une autre réalité, celle de professionnels de santé aux compétences variées, qui peuvent collaborer utilement, ou de nouveaux accès à des formations de plus en plus complètes, par exemple celle des infirmiers en pratique avancée.
En tenant compte de ces éléments, le texte déposé par notre collègue députée Stéphanie Rist vise à améliorer l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Plusieurs mesures ont d’ores et déjà été prises pour renforcer l’accès aux soins. Je pense notamment à l’investissement massif de 19 milliards d’euros dans notre système de soins à l’occasion du Ségur de la santé, à la suppression du numerus clausus, aux revalorisations de 180 euros à 400 euros par mois, à l’augmentation des places ouvertes aux infirmiers, à l’assouplissement des règles concernant le cumul emploi-retraite ou encore au renforcement du déploiement des assistants médicaux.
Plusieurs dispositifs votés ont également déjà visé à renforcer la coopération entre professionnels de santé, par exemple en matière de vaccination par les pharmaciens et d’autres professionnels de santé.
En trois ans, le budget de la santé a augmenté de 50 milliards d’euros, madame la ministre.
Désormais, il nous faut aller plus loin et les conseils nationaux de la refondation (CNR) territoriaux, sources de multiples propositions, seront utiles à une réflexion globale en faveur de l’amélioration à la fois de notre système de santé et de l’accès aux soins à moyen et long terme.
La proposition de loi soumise à notre examen constitue une étape supplémentaire et s’ajoute à ces mesures.
Si le médecin traitant demeure le maillon central de notre organisation de santé, les soins peuvent être délégués à d’autres professionnels de santé compétents, tout en respectant le parcours de soins.
Comme son titre l’indique, cette proposition de loi nous invite à faire confiance : faire confiance aux compétences de nos professionnels de santé, faire confiance à leur expérience. Il ne s’agit pas ici de se substituer aux médecins.
Cependant, ce texte nous invite aussi à réfléchir plus largement à la revalorisation, à la coopération et, plus globalement, à l’organisation des professions de santé.
Lutter contre les déserts médicaux, améliorer la qualité de la prise en charge des patients, valoriser les compétences acquises tout en assurant une organisation cohérente des soins, voilà les objectifs ce texte.
Certes, il n’a pas la prétention de régler tous les maux d’un système malade, mais il contribue amplement à cette démarche de refondation.
La simplification du parcours de soins est un vrai sujet pour des millions de Français. Nous devons aménager l’accès direct, c’est-à-dire la possibilité pour un patient de consulter, en première intention, un professionnel de santé autre que son médecin généraliste, dans le cadre d’un exercice coordonné.
Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de Mme la rapporteure Imbert et l’ensemble des contributions afférentes à ce texte pour parvenir à l’équilibre.
Le texte prévoit, dans son article 4 ter, une organisation de la permanence des soins sur chaque territoire, en tenant compte de leurs spécificités, grâce à une collaboration efficace entre les professionnels de santé présents sur le terrain. Il nous paraît opportun de pouvoir associer les communautés professionnelles territoriales de santé, de la même manière que les ordres des professionnels de santé concernés.
L’introduction d’un principe de responsabilité collective de participation à la permanence des soins nous semble également pertinente, c’est pourquoi nous proposons de rétablir ce principe au travers d’un amendement.
Il est important de laisser aux partenaires conventionnels la définition des modalités de l’engagement territorial des médecins, afin que ceux-ci puissent s’en saisir. Cela permettrait de définir les mesures envisageables pour une juste reconnaissance et une valorisation des professionnels s’engageant en faveur de la coopération ainsi que d’un accès aux soins de proximité et aux soins non programmés, avec des pratiques tarifaires maîtrisées au bénéfice de la population de leur territoire, au-delà des limites de leur propre patientèle.
Enfin, mes chers collègues, une problématique que nous ne pouvons ignorer, tant les retours de terrain sont nombreux, a trait aux rendez-vous non honorés. Nous en comptons plus de 27 millions chaque année. Ils représentent une perte de temps médical, par ailleurs précieux, particulièrement au sein de territoires sous-dotés. Nous saluons le dispositif proposé par la commission, mais il nous paraît comporter certaines limites. C’est pourquoi nous avons proposé une nouvelle rédaction visant à prévoir le recouvrement d’une pénalité financière d’un euro symbolique si plusieurs rendez-vous ne sont pas honorés par un même patient.
Enfin, mes chers collègues, j’aimerais également dire quelques mots des métiers de la santé et saluer l’engagement, le dévouement de ces femmes et de ces hommes au service des autres.
Comme je le soulignais, notre système de santé est à bout de souffle. Il existe des situations professionnelles extrêmement compliquées, mais il existe aussi de beaux parcours et de belles expériences dans ce secteur du soin qui fait la fierté de notre pays.
Il ne tient qu’à nous de poursuivre la dynamique enclenchée depuis plusieurs années, afin de mettre en valeur ces parcours, d’agir face à cette crise des vocations et surtout de continuer à écouter ces personnels pour coconstruire le système de soins de demain.
C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, examiner ce texte à ce moment précis est une faute, madame la ministre.
En accélérant la procédure parlementaire au lieu d’attendre la fin de négociations conventionnelles pour saisir notre assemblée, votre gouvernement a fait le choix d’ignorer le respect dû aux acteurs intermédiaires.
Le président du Sénat avait d’ailleurs souhaité que cette proposition de loi ne nous soit soumise qu’à l’issue des négociations conventionnelles. Votre gouvernement a refusé ces deux mois de report.
C’est une habitude depuis qu’Emmanuel Macron est chef de l’État. Aujourd’hui, le monde de la santé, qui a besoin d’écoute, de sens de la négociation et du compromis, est un peu plus en rupture avec votre gouvernement en raison de votre inaptitude à respecter la démocratie sociale.
Voilà deux semaines, dans ce même hémicycle, madame la ministre, vous avez repoussé, sans discuter et sans montrer la moindre volonté de dialoguer, la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, soutenue par toutes les catégories de soignants hospitaliers et largement approuvée par le Sénat.
Aujourd’hui, vous cristallisez des oppositions entre professions de santé, alors qu’il faudrait davantage de coopération pour permettre à notre système de soins de répondre aux besoins de santé de notre population, qui est en grande difficulté à cet égard.
Madame la ministre, après avoir jeté tant d’huile sur le feu et en avoir mis si peu dans les rouages, comment espérez-vous parvenir à un accord sur de nouvelles répartitions de missions entre professionnels de santé ?
La difficulté est engagée quand vous commencez par poser un cadre par trop restrictif. Un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) hospitalier fixé à 4 % est un signal négatif quand l’inflation s’élève à 6 %. Nous l’avons clamé haut et fort lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
Nous avions alors également souligné que l’évolution de l’Ondam de ville, à 2,9 %, était inférieure de moitié à la hausse de l’inflation.
Dans de telles conditions, comment voulez-vous apporter du grain à moudre au moulin des discussions ?
Vous accordez des revalorisations de quelques centimes aux kinésithérapeutes, qui ont dénoncé l’avenant n° 7 de leur convention, ainsi qu’aux médecins, alors que le tarif de l’acte n’a pas été revu à la hausse depuis 2017 et que la convention sera valable pour une durée de quatre à cinq ans ; la revalorisation portera donc sur plus de dix ans.
En conséquence, tous les syndicats, y compris les plus modérés, ont unanimement claqué la porte des négociations.
Force est de constater que la recherche d’un accord avec les syndicats réformistes n’est pas toujours, et c’est un euphémisme, la ligne du Gouvernement.
Votre projet consiste-t-il à demander aux soignants de maintenir leurs revenus en multipliant les actes ? C’est ce que le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) a indiqué ce matin encore, en demandant aux médecins, déjà surchargés, de voir plus de patients. Il faudrait donc travailler plus pour gagner pas plus ! Les infirmières de ville devront-elles maintenir demain leurs revenus en réduisant le temps des toilettes, les kinésithérapeutes passer moins de temps avec leurs patients, les médecins se résoudre à des consultations toujours plus courtes, dans lesquelles le temps accordé à la prévention s’amenuise ?
Nous ne pouvons pas répondre à la pénurie par la désorganisation des parcours de soins et la multiplication des actes !
Dans ce contexte dégradé, l’utilisation de la voie parlementaire pour imposer de nouveaux partages de tâches est vouée à l’échec, non pas sur le plan législatif – un texte peut évidemment être adopté –, mais sur le terrain, dans l’application de ces mesures par des professionnels que l’on aura opposés au lieu de les rassembler.
Oui, sur le fond, de nouveaux partages de tâches sont nécessaires, et nous le soutenons, non pas uniquement d’ailleurs pour répondre à la pénurie de médecins, mais parce que notre système de santé reconnaît et valorise insuffisamment les compétences des différentes professions qui le composent.
Je veux rappeler à cette tribune que, depuis cinq ans, texte après texte, mon groupe dépose des amendements pour mieux valoriser la profession d’infirmière. Si cet hémicycle a souvent adopté nos propositions, vos deux prédécesseurs s’y sont systématiquement opposés, madame la ministre.
C’est au Gouvernement et au législateur qu’appartient la responsabilité de fixer les principes : pour nous, ces partages de tâches doivent respecter la nécessité d’un haut niveau de compétences du professionnel à qui la mission est confiée et l’inscription dans un parcours de soins. Charge ensuite aux organisations professionnelles, aidées par un cadre tarifaire soutenant, d’avancer par la négociation.
Réformer l’organisation des soins de ville implique l’adhésion des professionnels concernés. Je sais, pour l’avoir constaté, que, dans chaque profession – médecins, kinésithérapeutes, infirmières, sages-femmes –, beaucoup y sont prêts. Laissez-leur un peu de temps !
En effet, indépendamment des améliorations, réelles et significatives, que la commission des affaires sociales a apportées au texte sur proposition de sa rapporteure, dont je salue la qualité du travail, mieux légiférer, c’est aussi savoir quand ne pas légiférer. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le travail de notre rapporteure Corinne Imbert, qui a tenté de repêcher une proposition de loi bien insatisfaisante.
On a tendance à dire que, très souvent, les suites de film sont moins bonnes que la première version. Nous n’étions déjà pas satisfaits de la première proposition de loi Rist ; je dois dire que cette deuxième saison n’est pas plus convaincante !
Sur la forme, cette proposition de loi est en réalité, une fois de plus, un projet de loi déguisé du Gouvernement. C’est pourquoi, madame la ministre, je m’adresserai directement à vous lors de mon intervention, d’autant que vous avez fait adopter plusieurs amendements sur des sujets majeurs, et ce sans étude d’impact ni concertation.
Nous avons de nouveau l’impression d’une loi fourre-tout, visant à réorganiser notre système de santé, mais sans vision d’ensemble, sans réelle ambition.
Depuis 2017, on ne compte plus le nombre de propositions de loi sur la santé censées régler un aspect du problème. Six ans plus tard, la situation est toujours la même : près du quart des Françaises et des Français vivent dans un désert médical ; beaucoup renoncent aux soins ; treize départements n’ont pas de gynécologue médical ; de nombreux patients n’ont plus de suivi psychiatrique. Je pourrai – hélas ! – poursuivre cette triste litanie.
Votre pseudo-réforme du numerus clausus ne produira aucun effet sur la pénurie de professionnels ou sur le développement des déserts médicaux. Les mesures du Ségur de la santé, elles non plus, n’ont eu aucun effet sur l’amélioration des conditions de travail des personnels.
Votre gestion de la pénurie se transforme aujourd’hui en discours pour, supposément, libérer du temps médical et mieux articuler les compétences des professionnels de santé.
Pour notre part, nous sommes favorables à une revalorisation des missions et des professions, notamment paramédicales, ainsi qu’à une reconnaissance des compétences. Mais l’objectif ne peut pas seulement être de remédier au manque de médecins. Il faut un haut niveau d’ambition pour notre système de santé, une vision globale et cohérente, ainsi, surtout, que le souci d’anticiper au lieu de réagir au coup par coup.
Il a été proposé une expérimentation de l’autorisation de la primo-prescription pour les IPA dans le PLFSS pour 2022, et une expérimentation de l’accès direct dans le PLFSS pour 2023. Nous avions soutenu ces dispositions. Mais, quelques mois plus tard, alors que l’expérimentation n’a pas eu lieu, vous nous proposez la généralisation des dispositifs. Notre propos n’est pas d’exprimer de la défiance à l’égard des professionnels concernés. Nous voulons simplement bien comprendre les raisons d’une telle accélération.
Madame la ministre, reconnaissez enfin que les politiques de restrictions budgétaires n’ont fait qu’affaiblir notre système de santé publique et que nous sommes proches de la rupture. Travaillez enfin à une loi sur la santé digne de ce nom, en prenant en compte les revendications, les aspirations et les besoins des professionnels comme des patients. C’est cela, l’urgence !
Or ce n’est pas du tout le chemin que vous empruntez. Sans même attendre la fin des négociations conventionnelles, vous inscrivez à l’ordre du jour du Parlement la présente proposition de loi, qui n’a fait qu’enfler au fil des différentes lectures.
Les conséquences sont immédiates : un arrêt des négociations et l’opposition des différentes professions médicales et paramédicales entre elles, là où il faudrait plus que jamais coordination et complémentarité.
Même les mesures qui pourraient améliorer les prises en charge des patients sont réduites dans leur portée.
Ainsi, que ce soit pour les IPA ou les orthophonistes, l’accès direct tel qu’il est envisagé est plus que restrictif : il serait uniquement autorisé dans les structures d’exercice coordonné. Il y a là une méconnaissance totale non seulement des territoires, mais également des professions concernées. Une telle rédaction ne prend en compte qu’une toute petite minorité des orthophonistes, pour ne pas dire quasiment aucun ! C’est pourquoi nous avions proposé plusieurs amendements en faveur de cette profession ; malheureusement, un seul d’entre eux a été jugé recevable.
En résumé, avec ce texte, les Françaises et les Français auront toujours autant de difficultés à se faire soigner. Ce ne sont pas les dispositions de l’article 4 ter sur la permanence des soins et l’élargissement de cette mission de service public à d’autres professions qui régleront le problème, puisque vous ne revenez pas sur l’obligation de garde.
Le parcours de soins, qui fait du médecin traitant le point d’entrée des patients, ne peut pas être détricoté sans réflexion globale et cohérente pour trouver des solutions immédiates face aux 6 millions de Françaises et de Français qui sont privés de médecin généraliste.
Une nouvelle fois, écoutez nos propositions !
Investissez massivement dans notre système de sécurité sociale pour augmenter les capacités de formation des professionnels de santé et améliorer l’attractivité des carrières, tout en donnant aux universités les moyens d’accueillir plus d’étudiants.
Réorganisez notre système de santé en partant des besoins des usagers, en maintenant les structures d’accès aux soins de proximité et en revoyant la gouvernance des hôpitaux pour une véritable démocratie sanitaire.
Confiez aux autres professionnels de santé une mission d’orientation du patient dans le système de santé, en leur permettant d’assurer une première prise en charge et d’organiser, avec les autres acteurs du territoire, l’orientation vers un médecin traitant, comme cela se fait dans les centres de santé.
En attendant tout cela, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi, qui constitue une nouvelle occasion manquée d’améliorer l’accès aux soins. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux ans après l’examen de la première proposition de loi Rist au Sénat, texte hospitalo-centré qui, déjà, avait suscité une avalanche de réactions, nous examinons une deuxième proposition de loi Rist, portant, elle, sur la médecine de ville.
Aujourd’hui comme hier, on ne peut pas dire que ces initiatives emportent l’adhésion des professionnels. Bien au contraire : les médecins font grève et sont dans la rue !
Je commencerai donc mon propos par deux observations.
La première observation concerne la temporalité ; le sujet a déjà été évoqué par plusieurs de mes collègues. Est-il bien judicieux de choisir le temps des négociations conventionnelles pour réorganiser le système d’accès aux soins ?
Mme Élisabeth Doineau. Est-il bien raisonnable de jeter de l’huile sur le feu – je reprends l’expression de Bernard Jomier – dans cette période privilégiée pour fixer avec la Cnam les tarifs, les forfaits, les bonifications liés au prix des actes et des consultations ?
La deuxième observation concerne le choix du véhicule législatif. Pourquoi choisir l’initiative parlementaire en deux temps, désolidarisant l’hôpital et la médecine de ville, deux sujets intimement liés ? Pourquoi, alors que le Gouvernement soutient ces dispositions, ne pas avoir construit un projet de loi cohérent et, surtout, enrichi d’une étude d’impact ?
Je poursuis en évoquant deux obligations.
La première obligation est d’assurer un accès à des soins de qualité à tous les Français.
Nos concitoyens et nos élus nous pressent de trouver des solutions pour répondre à la faiblesse de la démographie médicale. Je comprends parfaitement l’exaspération des uns et des autres. Mais doit-on y répondre sans l’adhésion des professionnels ? Je ne le pense pas ! Je pense au contraire qu’il faut absolument rétablir la confiance. Celle-ci, comme on a coutume de le dire, ne se décrète pas ; elle se construit.
Or les médecins, pour ne parler que d’eux en ce jour de grève, n’en peuvent plus. Le climat est devenu délétère au fil du temps, avec une succession de propositions de loi imposant des mesures de régulation, des permanences de soins obligatoires, l’installation en zone sous-dense ou encore la dixième année de médecine générale.
On peut défendre l’objectif d’une offre de santé pour tous, mais on doit aussi préserver nos médecins. Maltraiter les soignants, c’est maltraiter les patients ! Il faut donc ramener la confiance et la sérénité.
Les médecins n’en peuvent plus des propositions de loi qui traversent le temps législatif comme les ballons chinois traversent le ciel américain ! (Mme Catherine Procaccia applaudit.) C’est insupportable et les conséquences sont importantes pour la médecine générale. Je ne vous dis pas, mes chers collègues, combien de médecins, de futurs médecins et d’étudiants en médecine m’ont exprimé leur désarroi et leur désaffection pour cette spécialité. Prenons-y garde !
La deuxième obligation est de reconnaître la montée en compétences d’autres professionnels de santé, comme j’ai toujours tenté de le faire par des amendements aux différents PLFSS ; sans doute le temps n’était-il pas venu…
La première marche s’est matérialisée à l’automne dernier par les annonces du Comité de liaison des institutions ordinales (Clio). Les différents ordres se sont accordés pour agir sur la pluridisciplinarité, la coordination des soins, la valorisation des compétences et l’amélioration de la lisibilité du système.
Il me semblait que cette première marche était à saluer et que nous devions poursuivre en ce sens ; la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui nous en donne peut-être l’occasion. Il y a donc – il faut le reconnaître – des raisons d’adopter ce texte, notamment parce qu’il octroie de nouvelles responsabilités à certaines professions.
Comme je l’ai indiqué, il faut garder en tête certaines observations et les obligations qui nous incombent. Nous devons regarder combien certains professionnels, notamment par des formations adaptées, sont montés en compétences. Je pense aux infirmières en pratique avancée, ou même aux infirmières de bloc opératoire, infirmières-anesthésistes, infirmières puéricultrices. Je pense à d’autres professionnels de santé, des paramédicaux qui sont devenus des éléments importants d’équipes pluridisciplinaires ou de soins primaires. Nous devons en tenir compte.
J’en viens aux dispositions prévues par la proposition de loi.
D’abord, je salue et fais mienne l’approche équilibrée de Mme la rapporteure Corinne Imbert. Je ne m’étendrai pas trop longuement sur le détail des articles.
Dans un premier temps, le texte ouvre l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. J’y suis favorable.
La profession d’IPA n’en est encore qu’à ses balbutiements. Il convient de faciliter son essor, en étendant ses compétences et en lui assurant un cadre sécurisant. Mais ne nous leurrons pas, il n’y a pas tant d’IPA en libéral que cela, et nous n’allons pas trouver des capacités supplémentaires en termes d’accès aux soins du jour au lendemain.
L’article 2 est relatif aux kinésithérapeutes. Le nombre maximal de séances accessibles sans diagnostic médical préalable a fluctué lors des différents examens du texte entre dix et cinq. Je m’interroge : est-ce vraiment au législateur de définir ce nombre ?
Par ailleurs, en concertation avec Mme Corinne Imbert, j’ai proposé un amendement tendant à lutter contre la pratique des rendez-vous médicaux non honorés, afin de regagner du temps médical. Je trouve réellement inacceptable que certaines personnes prennent des rendez-vous et ne les honorent pas, au détriment d’autres qui en ont besoin et n’en obtiennent pas.
L’objet de mon amendement est de confier à la convention médicale le soin de déterminer une indemnisation du médecin à qui un patient fait faux bond sans raison légitime. Je soutiendrai en outre un amendement de Mme la rapporteure visant à étendre cette disposition à l’ensemble des professionnels de santé ; nous avions pensé aux médecins, car c’était eux, principalement, qui avaient évoqué un levier important, nécessitant d’être pris en compte, mais d’autres professions médicales peuvent effectivement être affectées par les rendez-vous non honorés.
Cette indemnisation serait mise à la charge du patient manquant à l’appel, afin de responsabiliser les assurés sociaux. La CPAM pourra par exemple déduire la somme des remboursements ultérieurs versés au patient.
Même si ces amendements ne sont pas adoptés, il est aujourd’hui important de parler du problème.
Enfin, nous connaissons tous les difficultés rencontrées par les familles pour accéder à un orthophoniste. On sait aussi que ces professionnels sont en nombre insuffisant pour répondre à la demande. Essayons néanmoins de faciliter leur accès en évitant certains passages par le médecin traitant, notamment lorsque les enfants ont été vus par le médecin de la protection maternelle et infantile.
Je n’insisterai pas sur les autres dispositions, car je suivrai sur ces différents articles l’avis de Mme la rapporteure.
Cette proposition de loi crée des tensions au sein et entre certaines professions de santé. C’est regrettable au moment où nous avons besoin de la pleine mobilisation de chacun dans la lutte pour l’accès aux soins.
« Que faire dans la confusion et l’inquiétude ? C’est simple, dire ce que l’on croit », disait Jean-François Deniau. Voilà ce que je crois : il y a le volet santé du Conseil national de la refondation, qui n’a pas encore livré ses conclusions ; il y a les douze travaux du ministre de la santé, annoncés à la fin du mois de janvier ; il faut se recentrer sur ces deux chantiers, qui sont importants et dont j’attends beaucoup. Sans cela, on pourrait se retrouver à dire, à l’instar de l’auteur cité précédemment : « Dans le méli-mélo, j’ai toujours préféré le méli. » Quel dommage de ne pas choisir l’ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi dont l’objectif affiché est d’améliorer l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Souvenons-nous de la crise liée à la covid-19 et de l’extrême agilité dont ont fait preuve les professionnels pour s’organiser et travailler ensemble, comme jamais auparavant. Ils ont relevé des défis incroyables. Nous avons tous salué cette nouvelle façon de faire ; nous avons tous dit que nous en tirerions les leçons et qu’il fallait laisser le terrain s’organiser.
Mais, avec l’examen de cette proposition de loi, les choses prennent une tout autre tournure… Cet examen intervient en effet alors que les négociations conventionnelles ne sont pas achevées, que les conclusions du Conseil national de la refondation ne sont pas rendues, que l’expérimentation de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée commence à peine, et déjà se termine.
La concorde entre professionnels de santé s’est transformée en défiance. On voit les uns s’opposer aux autres, parfois de manière un peu fleurie. La colère et l’inquiétude sont grandes chez les médecins, qui voient dans les mesures portées par le texte un risque de désorganisation et de dégradation des soins. Les professions paramédicales, elles, l’accueillent avec satisfaction.
J’ai beaucoup échangé avec les professionnels de santé – ces derniers jours encore plus – et tous s’accordent à dire que la montée en compétences et les partages de tâches sont des évolutions positives. Ils sont d’ailleurs nombreux, je crois, à avoir entamé le virage de ces nouvelles pratiques.
Dès lors, quel est le point de crispation ? C’est principalement l’accès direct et le sentiment de dévalorisation qui inquiètent et font monter la colère dans la profession médicale. Ce serait, je pense, une erreur de réduire cette colère à une simple réaction de corporatisme.
Si je vois dans les montées en compétences des métiers un levier d’amélioration de la prise en charge des patients, ainsi qu’un facteur d’attractivité, je n’envisage cette évolution que dans un cadre coordonné autour du médecin traitant, qui est et doit rester le pivot de la prise en charge. C’est pourquoi, avant de légiférer à nouveau, j’aurais préféré que l’expérimentation de l’accès direct aux IPA aille à son terme et nous permette, préalablement à son extension définitive, une véritable évaluation de la mesure.
Je tiens à saluer très sincèrement le travail, qui n’a pas été facile, de la commission et de sa rapporteure Corinne Imbert. De manière pragmatique et équilibrée, il permet de renforcer l’encadrement de l’accès direct aux professions paramédicales, afin d’allier accès aux soins et sécurité du patient.
La suppression des notions d’IPA praticiens ou spécialisés va dans le bon sens, tout comme le fait de réserver l’accès direct aux IPA aux structures de proximité que sont les équipes de soins primaires et les maisons de santé.
L’autorisation de l’accès direct aux kinésithérapeutes dans la limite de cinq séances, comme la commission l’a proposé, me paraît acceptable. À titre personnel, je suis moins favorable à la prescription de l’activité physique adaptée par les kinésithérapeutes, celle-ci demandant un examen plus global du patient.
La création d’un assistant dentaire de niveau II est une bonne chose, de même que la prise en charge des plaies par les infirmières, allant de la prévention jusqu’à la réalisation d’examens complémentaires.
Je partage par ailleurs l’ambition de mettre un coup d’arrêt aux pratiques, inacceptables et préjudiciables à tous, consistant à prendre des rendez-vous et ne pas les honorer. Il est urgent de responsabiliser les patients, afin de libérer des créneaux pour ceux qui en ont vraiment besoin. Toutefois, je doute du caractère opérationnel de l’amendement adopté en commission, susceptible à mes yeux d’être source de nombreux contentieux.
Le temps qui m’est imparti ne me permettant pas d’entrer plus en détail dans le contenu de cette proposition de loi, je m’exprimerai plus avant au cours de l’examen des amendements.
Si la crise de notre système de soins nécessite des réformes profondes et durables – autant de changements qui ne sont pas simples à mettre en œuvre –, si, comme nous en sommes convaincus, le statu quo n’est pas possible, mon groupe demeure vigilant quant à une potentielle désorganisation du parcours de soins, voire une dégradation de ce dernier. Il faut que médecins et professions paramédicales travaillent ensemble de manière coordonnée, mais c’est bien le médecin qui doit rester le pivot de l’équipe.
Gardons-nous d’une inflation de propositions de loi n’apportant aucune réponse structurelle. L’urgence est de former des médecins, de rendre l’exercice des professions de santé attractif, de donner envie aux jeunes de s’installer, de répondre à une crise identitaire que traverse la médecine générale. Pour cela, il faut restaurer la confiance.
Je formule donc le vœu qu’en ce jour de Saint-Valentin, nous parvenions à réunir tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, autour d’un projet commun de refondation profonde de notre système de santé. Nous devons le faire avec eux, et pas contre eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Corinne Imbert dans son rapport, la question de la répartition des compétences entre les différentes professions de santé était déjà posée dans le rapport du professeur Yvon Berland, qui invitait à « redéfinir les missions des médecins avec le souci qu’ils soient utilisés de manière optimale à leur juste niveau de formation ». C’était il y a vingt ans !
En 2014, dans un rapport cosigné par Catherine Génisson, notre collègue Alain Milon invitait à ce nouveau partage des tâches, alors que la formation des médecins s’allongeait et que se renforçait dans le même temps celle des paramédicaux.
Il y a donc bien une voie à explorer, dans laquelle notre pays s’est engagé plus tardivement et moins fortement que d’autres du fait de son histoire et, probablement, de l’expérience des officiers de santé, passée à la postérité sous les traits peu flattés de Charles Bovary et l’épisode du pied bot du malheureux Hippolyte.
Pourtant, cette évolution est d’autant plus nécessaire que le temps médical se fait plus rare et que nous souhaitons parallèlement développer la coopération des professionnels de santé autour du patient.
Je crois pouvoir dire que cet objectif est plutôt consensuel ; nous le voyons quotidiennement sur le terrain, au sein des équipes de soins primaires ou des maisons de santé pluriprofessionnelles de nos territoires. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est la manière dont cette coopération doit s’opérer concrètement.
Les infirmiers en pratique avancée, créés par la loi de 2016, n’ont connu qu’un développement limité, entravé par des textes réglementaires restrictifs.
Les expérimentations adoptées dans différents projets de loi de financement de la sécurité sociale n’ont pas été jugées suffisamment prioritaires pour se voir dotées d’un décret d’application.
Plus récemment, l’annonce d’un accord intervenu dans le cadre d’un comité de liaison entre les différents ordres, le Clio, a rapidement fait place à un niveau de défiance très élevé entre les professions et à l’égard du Gouvernement.
Pour compliquer encore le dossier, son calendrier est parallèle à celui des négociations conventionnelles entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins, ces derniers ayant quitté la table des négociations le 20 janvier dernier.
Tel est le contexte, devenu tendu – chaque partenaire prête à l’autre les intentions les plus sombres –, dans lequel nous sommes appelés à légiférer.
Tout en partageant l’objectif, je ne crois pas que la méthode soit adaptée, notamment lorsqu’il s’agit de pérenniser une expérimentation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, dont l’encre est à peine sèche, mais aussi d’ajuster, parfois de façon très pointilliste, les compétences de tel ou tel professionnel. Cette matière étant réglementaire, l’intervention du législateur produit des résultats peu concluants dans ce domaine.
Est-ce à la loi d’entrer dans un tel niveau de détail ? Sans doute pas. Faut-il utiliser le débat parlementaire dans le cadre de négociations conventionnelles ? Je ne le crois pas non plus.
C’est pourquoi notre commission a supprimé les dispositions relatives à l’engagement territorial des médecins. Elles étaient trop floues pour produire elles-mêmes des effets normatifs. Par ailleurs, elles sont censées être traitées par la voie conventionnelle ; souvenons-nous de l’article 35 voté en loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, elles étaient de nature à agiter inutilement un chiffon rouge dont il serait plus judicieux de se passer.
Rappelons également que notre système de santé est abîmé par une crise structurelle, avec des professionnels confrontés à une perte de sens.
Avec la rapporteure Corinne Imbert, nous aurions préféré un report du texte, le temps qu’un nécessaire apaisement soit obtenu. Cela n’a pas été possible. Nous invitons donc le Sénat à garder le cap d’un nécessaire partage des tâches, à retrouver les conditions d’une indispensable sérénité entre les professionnels et à sécuriser les questions de responsabilité et de formation. C’est toujours l’intérêt du patient qui doit nous guider.
Dans l’intérêt du patient, justement, nous invitons le Gouvernement à changer de méthode, à utiliser prioritairement le levier conventionnel, puis à réinscrire ce texte dans un chantier plus large, qui comprendrait notamment une refonte de l’ingénierie de formation des paramédicaux.
Néanmoins, tout en exprimant un grand nombre de réserves, nous avons trouvé un équilibre fragile. C’est notre rapporteure Corinne Imbert qui a réalisé cet exercice délicat d’équilibriste, et je l’en remercie. Parce qu’il nous semble important de préserver le fruit de ce travail, je vous demande de voter ce texte, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, porter « amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » : voilà un objectif ambitieux, que nous partageons sans doute tous.
Oui, l’accès aux soins doit être renforcé dans notre pays, où beaucoup de territoires sont considérés comme des déserts médicaux et où 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant. Oui, il faut redonner du temps médical aux médecins. Oui, il faut renforcer l’attractivité des métiers de la santé et former davantage d’infirmières, notamment d’IPA.
Si nous partageons le constat et l’objectif affiché dans la proposition de loi, les moyens pour l’atteindre ne font en revanche pas l’unanimité. Au contraire, le texte a largement divisé, au sein même des professionnels de santé. Je remercie Mme la rapporteure Corinne Imbert d’avoir essayé de l’améliorer.
La proposition de loi vise à élargir les compétences de certaines professions de santé et à permettre l’accès direct à trois d’entre elles. Certains articles remettant en question l’organisation du parcours de soins du patient, nous devons nous montrer prudents, afin que réorganisation ne rime pas avec désorganisation.
L’article 1er, notamment, tend à autoriser l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.
Les IPA devraient aujourd’hui apporter un appui précieux aux équipes de soins, en assurant le suivi de patients chroniques qui leur sont confiés par les médecins, ce qui permet à ceux-ci d’augmenter leur temps médical. Nous ne souhaitons remettre en cause ni les compétences ni la légitimité des IPA. Vous l’avez dit, madame la ministre, c’est une chance d’avoir ces professionnels, à condition qu’ils soient bien utilisés par délégation des médecins.
Les IPA sont formés à la prise en soins des pathologies chroniques stabilisées. Ces formations ne peuvent pas remplacer les dix ans d’études des médecins en sémiologie, physiologie et pathologie, assorties d’une expérience de plusieurs années en internat dans les services hospitaliers.
Le médecin doit donc garder la compétence du diagnostic. Nous pensons que médecins et IPA doivent travailler ensemble, en synergie et par délégation, et ce afin de sécuriser tant la prise en charge du patient que l’activité de l’IPA elle-même. Les travaux portant sur ces professions dans d’autres pays montrent d’ailleurs des preuves d’efficacité uniquement lorsqu’il existe une collaboration réelle entre médecin traitant et infirmier.
J’en viens à l’article 2, relatif aux kinésithérapeutes. Si nous pensons que les médecins doivent conserver la prescription, nous avions déposé un amendement tendant à autoriser les kinésithérapeutes à renouveler des séances, avec l’avis du médecin, en cas d’exercice en Ehpad.
L’accès direct aux orthophonistes mérite d’être soutenu, compte tenu du type de prise en charge très ciblée que ces professionnels sont amenés à assurer.
Les nouvelles compétences octroyées aux assistants médicaux dits de niveau II, aux orthoprothésistes et aux opticiens semblent constituer des solutions pratiques.
Dans l’article 1er bis, relatif à la prise en charge par les infirmiers de la prévention et du traitement des plaies chroniques, il serait important de préciser que le renouvellement pourra se faire par l’infirmier diplômé d’État, après avis du médecin. En effet, si une plaie chronique ne guérit pas, cela peut révéler une mauvaise prise en charge par non-détection d’un trouble artéritique ou une mauvaise contention effectuée sur une insuffisance veineuse et, dans ce cas, l’intervention du médecin est nécessaire.
L’article 4 septies fait bénéficier les pédicures-podologues d’une consultation tous les trois mois par prescription pour les patients diabétiques. Pourquoi ne pas l’autoriser en accès direct ? Si un patient diabétique a besoin d’une consultation plus fréquente qu’une fois par trimestre, cela peut traduire un risque d’artérite et révéler la nécessité de consulter un médecin.
Je soutiens enfin l’extension de la possibilité de faire renouveler une prescription par le pharmacien et je regrette qu’aucun de mes amendements élargissant les compétences en question n’ait été accepté. Je suis aussi favorable à l’extension de la vaccination aux infirmiers.
La place du médecin traitant doit rester centrale, tout simplement, car c’est le professionnel qui détient aujourd’hui, du fait de sa formation, les meilleures compétences pour assurer la coordination du parcours de soins du patient.
L’ensemble des amendements que j’ai déposés ou que je soutiendrai vont dans ce sens, pour les patients et pour sécuriser les professions paramédicales. Madame la ministre déléguée, nous devons plus écouter les médecins et les professionnels de santé ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Émilienne Poumirol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans notre pays.
Ce texte, déposé par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, a été très largement amendé par le Gouvernement, puisque pas moins de neuf articles ont été ajoutés à la proposition de loi initiale.
Peut-être serait-il temps pour le Gouvernement de nous proposer enfin le projet de grande loi sur la santé que nous appelons de nos vœux dans cette assemblée et que plusieurs de mes collègues ont évoqué.
Je commence par remercier Mme la rapporteure Corinne Imbert de son travail et de son écoute des professionnels de santé. La commission a supprimé ou modifié des dispositions qui nous apparaissaient comme favorisant la destruction du parcours de soins. Je pense par exemple à la création des IPA praticiens, car on ne voyait pas ce que cette appellation recouvrait. Nous sommes également favorables au retrait des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) du nombre des structures autorisant l’accès direct : ce n’est pas leur rôle. La réduction du nombre de séances en accès direct chez un kinésithérapeute est également bienvenue.
Nous soutenons la création de la profession d’assistant en médecine bucco-dentaire, et nous saluons la reconnaissance de la qualité de professionnels de santé aux assistants de régulation médicale, qui sont le premier maillon de la chaîne de secours.
Néanmoins, je tiens à rappeler l’attachement de notre groupe au respect du parcours de soins et à l’exercice coordonné de la médecine, et son refus d’une médecine dégradée et à deux vitesses.
Je regrette que la médecine coordonnée, qui est – nous le savons bien – l’avenir de l’exercice de la médecine et qui constitue une partie de la réponse à la problématique de l’accès aux soins, ne soit pas la question centrale de ce texte.
Celui-ci traite toutes les professions de santé en silo, article après article : IPA, kinésithérapeutes, orthophonistes, podologues, opticiens, orthoprothésistes… Au lieu de cela, il faudrait repenser l’exercice collectif, collaboratif, de la médecine. Pourtant, seule une organisation centrée sur un partage des tâches – je dis bien un partage des tâches – entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé, dont les IPA, au travers de projets dûment établis par l’ensemble de l’équipe traitante, permettra de dégager du temps médical, afin de favoriser l’accès aux soins pour l’ensemble de la population.
Il s’agit d’ailleurs d’un souhait de l’ordre des médecins, qui propose de le rendre obligatoire dès 2027. Nous l’avons repris au mois de décembre à l’article 2 de notre proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux.
La présente proposition de loi consacre l’accès direct des patients et octroie la primo-prescription à différentes professions de santé. Nous saluons à cet égard la possibilité d’un accès direct aux kinésithérapeutes ou aux orthophonistes formés au diagnostic.
De plus, si nous soutenons le développement du rôle des IPA, celui-ci n’a de sens que dans le cadre d’un exercice coordonné, comme une convention d’équipes de soins primaires, une maison de santé pluriprofessionnelle ou un centre de santé.
Afin de développer la présence des IPA sur notre territoire, il est indispensable non seulement de renforcer leur formation, mais aussi de mettre en place des aides financières pour les soutenir face au coût et aux sacrifices que représente la formation de deux ans.
Enfin, le texte prévoit à l’article 3 bis, pour gagner du temps médical, de sanctionner les patients qui ne se présentent pas aux rendez-vous. Cette idée nous paraît simpliste et inefficace.
Ainsi, même si quelques mesures vont dans le bon sens, le groupe SER ne votera pas en faveur de ce texte. Compte tenu du manque de moyens dans la santé en général, du non-respect du processus de négociation des conventions médicales et de l’absence de vision d’ensemble, de cohérence et d’ambition pour l’accès à la santé en France, notre groupe s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, face à la désertification médicale et à l’insuffisance de l’offre de soins, cette proposition de loi cherche à renouveler notre façon d’aborder la prise en charge médicale. L’esprit du texte est de favoriser l’accès aux soins pour nos concitoyens. Nous ne pouvons que partager un tel objectif, tout en nous interrogeant sur les modalités retenues et les choix mis en œuvre par le Gouvernement et sa majorité.
Il y a bien urgence, car 6 millions de Français sont aujourd’hui dépourvus de médecin traitant ! Et 600 000 d’entre eux sont atteints d’affection de longue durée, alors que leur maladie chronique exige prévention, dépistages et soins. Cette absence de médecin traitant entraîne des complications et des hospitalisations, ce qui est très grave.
La présente proposition de loi cherche à pallier de telles difficultés en ouvrant l’accès direct et en élargissant les compétences de plusieurs professionnels de santé. L’objectif est de fluidifier le parcours de soins du patient et de libérer du temps médical.
Le texte donne la possibilité aux patients de consulter en première intention un professionnel de santé sans devoir passer par un médecin. Trois professions sont concernées par cet accès direct : les IPA, les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes.
Il propose aussi d’étendre le champ de compétence des IPA à la prescription de produits de santé et de prestations soumises à des prescriptions médicales obligatoires. N’aurait-il pas été préférable d’attendre la fin de l’expérimentation en cours pour envisager une telle extension ? Ce texte ne précise d’ailleurs pas les conditions d’exercice et les protocoles de prises en charge. Concrètement, comment se ferait cette ouverture ?
Il ne s’agit pas de contester les compétences des IPA, mais je voudrais partager mes inquiétudes, en ma qualité de médecin ayant exercé de longues années en milieu hospitalier et en libéral. Jusqu’où les IPA et les masseurs-kinésithérapeutes pourront-ils aller avant de pratiquer la médecine ? Comment pouvons-nous déterminer leurs responsabilités en cas d’erreur médicale ? Qui endossera la responsabilité d’un acte qui aura été mal effectué ? Les médecins devront-ils endosser la responsabilité des actes réalisés en premier recours par les IPA ? Vous évoquez une responsabilité collective, mais comment cela se traduira-t-il juridiquement ? Ce n’est pas clair du tout ! Il convient d’encadrer formellement le dispositif. J’aurais aimé que nous puissions être éclairés sur cet aspect avant de voter le texte.
Les IPA pourront donc intervenir en premier sur des pathologies courantes et bénignes. Mais, pour affirmer que c’est bénin, il faut poser un diagnostic, donc intervenir comme un médecin. La bénignité apparente peut aussi parfois cacher une pathologie grave.
Madame la ministre, il faut également entendre les médecins sur ces évolutions du système de santé.
En premier lieu, je m’étonne que l’examen de ce texte coïncide avec les négociations sur la revalorisation du tarif de la consultation. Cette revalorisation est d’autant plus nécessaire que l’inflation est importante. Or, la seule hausse tarifaire proposée est de 1,50 euro pour l’acte de base ! Cela ne rattrape même pas l’inflation liée au blocage des honoraires depuis 2016… C’est inacceptable ! De surcroît, aucune valorisation financière n’est prévue dans le texte, car il est impossible de créer une charge pour les finances publiques dans une proposition de loi. Ainsi, la revalorisation des actes reste encore dans les limbes.
Sans exclure la nécessité de mieux considérer les professions paramédicales, je considère que le médecin doit rester au cœur de notre système de santé.
Je rappelle que dix années à quinze années sont nécessaires pour former un médecin, afin de lui permettre de poser des diagnostics, d’éliminer des diagnostics différentiels et de donner la bonne indication au bon moment. Les infirmiers font les soins pour lesquels ils ont été formés. C’est très différent, et les formations sont différentes ! Nous sommes complémentaires, mais pas substituables. Les soins peuvent être partagés avec d’autres professionnels de santé, à condition de travailler en coordination avec les médecins.
Enfin, cette proposition de loi met bel et bien en œuvre une santé à deux vitesses. Il y aura ceux de nos concitoyens qui auront un médecin et ceux qui auront accès à des non-médecins pour établir un diagnostic et prescrire un traitement. C’est le choix du Gouvernement et de sa majorité.
Sur l’initiative de la rapporteure Corinne Imbert, dont je salue le travail, le texte que nous allons examiner a fait l’objet de nombreuses modifications bienvenues, notamment pour conserver le rôle central du médecin dans la coordination et le suivi des patients. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Demas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme toutes les Françaises et tous les Français, je partage l’exigence d’un accès aux soins pour tous, soumis à une saine régulation, surtout lorsqu’on sait que 6 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant, que chaque médecin partant à la retraite laisse orphelins, en moyenne, 1 550 patients, et qu’au regard de leur pyramide des âges et des effets tardifs attendus de la suppression du numerus clausus, tout laisse à penser que la situation ne peut que s’aggraver.
Ce constat d’urgence, alarmant, nous pose un cas de conscience. Pour y répondre, une évolution de notre système de santé est indispensable.
Le Gouvernement a annoncé vouloir développer la profession des IPA pour lutter contre les déserts médicaux et soigner le système de santé. Son objectif était d’atteindre un effectif de 5 000 IPA en 2022. Ils sont quelque 1 700 en 2023. C’est bien peu…
Dans la mesure où les IPA trouveront leur place, ils pourraient être rapidement plus nombreux à remplir un rôle important dans la régulation d’un secteur au bord de l’asphyxie, mais aussi dans la résorption de situations de soin dégradées, par manque de médecins.
Ils pourraient être, de plus, un levier non négligeable de reconnaissance et d’attractivité pour les soignants. Cela étant, le statut des IPA mérite d’être mieux encadré et surtout mieux compris, lorsqu’il s’agit d’accès direct ou de primo-prescription, comme le prévoit la proposition de loi Rist.
Je félicite d’ailleurs notre rapporteure Corinne Imbert de la qualité de son travail, qui a permis de rééquilibrer le texte. Élue de la ruralité, aux prises directes avec les problématiques de désertification médicale, je me suis essentiellement attachée aux implications concrètes que ce texte aura au quotidien : c’est mon principal, sinon unique baromètre. Les patients trouveront-ils demain davantage d’IPA dans les déserts médicaux ? Je pense particulièrement aux territoires ruraux ? Ce n’est pas certain. Il faudrait que les IPA soient suffisamment nombreux et incités à s’installer dans un périmètre géographique dépourvu de médecin généraliste.
Il conviendrait aussi que l’accès et la prise en charge durant les formations d’IPA soient les mêmes pour tous les infirmiers, ce qui n’est pas le cas. Il y a effectivement une rupture d’équité inacceptable qui frappe les infirmiers libéraux et qui est défavorable aux territoires sous tension, où ils exercent souvent. J’invite donc le Gouvernement à encourager l’émergence de nouvelles passerelles et à favoriser celles qui sont censées exister, mais dont l’application varie d’un département à l’autre.
Il y a d’autres points d’interrogation périphériques, en lien néanmoins avec le sujet : celui des assistants médicaux, par exemple, censés décharger les médecins des tâches administratives. J’aimerais comprendre pourquoi, au regard des besoins exprimés par la profession, nous sommes encore si loin du compte. Dans la lutte contre les déserts médicaux, je voudrais revenir sur l’appel à des médecins étrangers comme à une autre solution insuffisamment exploitée, ce qui est regrettable. Enfin, j’ai le souvenir d’avoir voté, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un article prévoyant un stage en dernière année de médecine générale, en priorité dans les zones sous-denses. Qu’est devenue cette disposition ?
Notre système de santé est malade ; nous le savons. Il nous faut agir avec lucidité, mais aussi avec courage. Je plaide ce soir pour notre système de santé collective, dont les besoins évoluent au fur et à mesure que notre population vieillit, pour davantage de fluidité, de flexibilité, d’efficacité et de reconnaissance. Je plaide pour un système de santé évolutif, finalement utile à tous les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc et Somon, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mme Dumont et MM. Houpert et Gremillet, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article L. 4130-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 3° Être le seul responsable du parcours de soins, de sa coordination et de l’adressage pour le second recours ; »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à modifier l’article L. 4130-1 du code de la santé publique, qui définit les missions du médecin généraliste de premier recours, pour préciser que ce dernier est le seul responsable du parcours de soins de ses patients et de l’adressage pour le second recours.
Le médecin généraliste est la clé de voûte du parcours de soins coordonné. Bien au-delà de son rôle de coordinateur, le médecin généraliste traitant est le responsable et le garant de la qualité et de la sécurité des soins prescrits aux patients.
L’adoption de cet amendement permettrait de réaffirmer le rôle et les missions du médecin généraliste, qui doit rester le responsable des soins coordonnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement me semble largement satisfait en droit.
En effet, le code de la santé publique reconnaît déjà au médecin généraliste la mission d’orienter les patients dans le système de soins, de s’assurer de la coordination des soins et de contribuer au suivi des maladies chroniques, mais en coordination avec les autres professionnels de santé, car d’autres professionnels de santé peuvent utilement intervenir dans le parcours de soins. Nous avons supprimé en commission la demande d’un rapport sur la pertinence qu’il y aurait à supprimer l’adressage préalable du médecin traitant, précisément pour réaffirmer son rôle dans le parcours de soins.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon absence lors de la discussion générale : j’étais retenu à l’Assemblée nationale pour les questions d’actualité au Gouvernement.
Je suis ravi d’être à vos côtés pour l’examen de ce projet de loi important, qui a été enrichi par vos débats en commission et qui – je l’espère – le sera encore dans les heures à venir.
Monsieur le sénateur Chasseing, vous proposez que le médecin généraliste soit le seul responsable du parcours de soins.
Je vous rejoins lorsque vous indiquez que le médecin généraliste est la clé de voûte du système de santé. Mais la rédaction actuelle du code de la santé publique précise déjà, en son article L. 4130-1, qu’il est l’organisateur du parcours de soins de ses patients. Il y est en effet précisé que le médecin généraliste oriente « ses patients, selon leurs besoins, dans le système de soins » et qu’il doit s’assurer de la « coordination des soins nécessaire à ses patients ».
La souplesse qui est permise aujourd’hui doit être préservée, pour deux raisons. D’une part, il faut continuer à rendre possible l’accès direct à certaines spécialités, comme la gynécologie ou l’ophtalmologie. D’autre part, il me semble un peu excessif de rendre le médecin généraliste responsable de tout événement survenu au cours du parcours de soins, ce qui serait le cas si le présent amendement était adopté.
Je vous demande donc de retirer cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 74 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 74 rectifié est retiré.
Article 1er
I. – Le titre préliminaire du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 4301-1 est ainsi modifié :
a) (nouveau) Au sixième alinéa, après le mot : « médecine », sont insérés les mots : « , de la Haute Autorité de santé » ;
b) Au c du 1° du même I, les mots : « non soumis à prescription médicale obligatoire » sont remplacés par les mots : « et prestations soumis ou non à prescription médicale obligatoire » ;
c) (nouveau) Le II est complété par les mots : « ou d’un diplôme équivalent figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de la santé » ;
2° Il est ajouté un article L. 4301-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4301-2. – I. – Les infirmiers relevant du titre Ier du présent livre peuvent exercer en pratique avancée, dans les conditions prévues à l’article L. 4301-1.
« II. – Dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1, dans les établissements et services médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l’action sociale et des familles et dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du présent code, les infirmiers exerçant en pratique avancée peuvent prendre en charge directement les patients. Un compte rendu des soins réalisés est systématiquement adressé au médecin traitant du patient et reporté dans le dossier médical partagé de celui-ci. »
II. – (Non modifié) Après le mot : « conventionné », la fin du 1° de l’article L. 162-12-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « , les actes effectués par les infirmiers conventionnés dans les établissements et structures d’hébergement de toute nature et les actes effectués, le cas échéant sans adressage préalable de la part d’un médecin, par les infirmiers en pratique avancée ; ».
III. – L’article 76 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 et l’article 40 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 sont abrogés.
M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, sur l’article.
Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les territoires médicalement sous-dotés, la présence médicale de proximité constitue un enjeu vital. Dans bien des départements, et notamment dans le mien, l’Ardèche, se faire soigner est devenu difficile, tant les professionnels de santé s’y font rares.
Je tiens donc à saluer le dispositif de l’article 1er, qui consiste à revaloriser la profession d’infirmier en pratique avancée, et je remercie Mme la rapporteure de son travail de précision.
L’évolution des modes de vie et l’éloignement géographique rendent de plus en plus difficile l’accès aux soins, tandis que le vieillissement de la population exige au contraire une prise en charge accrue. Nous observons également une explosion des pathologies chroniques, comme le diabète, l’hypertension, l’insuffisance cardiaque et respiratoire. Bien qu’elles soient liées à notre mode de vie, notamment à notre sédentarité, elles peuvent néanmoins être soignées, à condition de suivre régulièrement les patients.
Dans ce contexte, il est judicieux d’intégrer la formation d’IPA, afin d’améliorer constamment les professions paramédicales en visant la qualité des soins, en particulier ceux du quotidien. Au-delà de l’objectif de libérer du temps médical, l’IPA en exercice coordonné répond aux besoins de santé de la population par son implication et ses activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage. Il ne faut pas oublier que ces professionnels sont des infirmiers expérimentés, qui détiennent un diplôme d’État reconnu au grade universitaire de master II.
Selon moi, ces soignants ont toute leur place dans le parcours de soins du patient, et ils ont un rôle à jouer dans la lutte contre les inégalités médicales et territoriales.
Certes, il convient d’avancer prudemment sur cette question, mais à condition que la rédaction du décret qui définira les contours de cette avancée ne brise pas les espoirs que fait naître cet article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.
Mme Raymonde Poncet Monge. À la suite de l’adoption d’un amendement de Mme la rapporteure en commission, l’article 1er permet l’accession à la pratique avancée des auxiliaires médicaux disposant d’un diplôme équivalent. Si l’objet de l’amendement précise que les infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE) sont concernés par cette accession à la pratique avancée, le dispositif actuellement intégré dans l’article 1er prévoit que la liste des diplômes équivalents sera fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Or une reconnaissance statutaire, garantie et inscrite dans la loi, est attendue depuis trop longtemps par les IADE.
Ces derniers bénéficient depuis 1973 d’un diplôme de niveau bac+5, qui impose deux années de pratique préalables à l’entrée en formation et qui est de grade master 2 depuis 2014.
En août 2022, l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont publié un rapport conjoint dans lequel elles appellent à « reconnaître en pratique avancée l’exercice des IADE ». Monsieur le ministre, ceux-ci ne veulent plus attendre un arrêté défini par le ministère qui les inclura de façon incertaine, d’autant plus que, depuis Olivier Véran, ministre après ministre, l’inclusion dans la pratique avancée leur est promise sans être jamais réalisée.
Les voilà une fois de plus renvoyés à une nouvelle promesse ! Comment s’y fier ? Nous souhaiterions qu’ils soient reconnus en pratique avancée dans le code de la santé publique. C’était l’objet de l’amendement que nous avions déposé et qui a été déclaré irrecevable, alors que le dispositif proposé ne modifierait en rien la formation requise et la rémunération.
Au regard des évolutions contenues dans les articles 2 et 3, qui reconnaissent la caractéristique principale de la pratique avancée, c’est-à-dire l’absence d’obligation de prescription médicale pour exercer des professions qui ont aujourd’hui, en termes d’autonomie, de pratiques et de formation, les caractéristiques historiques des IADE. Mme la ministre nous a suggéré de réfléchir à des évolutions réglementaires.
M. le président. Il faut conclure.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il est temps de les mener à leur terme pour les IADE, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Beaucoup de choses ont déjà été dites par mes collègues. Notre amendement a également été déclaré irrecevable.
Je souhaiterais donc intervenir, à l’occasion de l’examen de cet article 1er, sur la situation particulière des IADE. J’ai déjà eu l’occasion de prendre la parole en commission des affaires sociales et dans cet hémicycle, afin de relayer leur lutte pour la reconnaissance de leurs compétences. L’examen de cette proposition de loi nous offre l’occasion de faire évoluer le statut de ces professionnels vers celui d’auxiliaires médicaux de pratique avancée.
Pour rappel, au mois de février 2021, nous avons déjà discuté favorablement de ce dossier, mais les IADE ont été confrontés à un blocage gouvernemental. Depuis le mois de janvier 2022, ils attendent que les engagements de ce même gouvernement se concrétisent. Jusqu’en octobre dernier, la seule réponse donnée était l’absence de vecteur législatif. Nous y sommes !
Maintenant que tout est réuni pour leur attribuer enfin un statut à la hauteur de leur valeur au sein de notre système de soins, l’article 40 de la Constitution bloque tout amendement visant à leur revalorisation. Seul le Gouvernement peut faire cette démarche. Nous vous incitons à agir en ce sens, monsieur le ministre.
En attendant, cet article donne l’occasion de rappeler la nécessité d’intégrer cette spécialité aux dispositifs auxiliaires médicaux en pratique avancée. De fait, les IADE remplissent les critères de la pratique avancée depuis des années, mais sont exclus de la reconnaissance de cette pratique. À l’heure où le Gouvernement souhaite faire reconnaître toutes les spécialités infirmières en pratique avancée, il y a un risque réel de disparition des IADE. Que faut-il penser de leur absence de cette proposition de loi, alors que son auteure, la députée Rist, a affirmé vouloir reconnaître leur métier en pratique avancée ? Que faut-il penser du fait que les amendements déposés sur le sujet sont tous tombés sous le coup de l’article 40 ? Les IADE nous regardent aujourd’hui et veulent des réponses. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un certain nombre de sénateurs, notamment Frédérique Puissat et Jean-Jacques Panunzi, je souhaite profiter de cette proposition de loi pour attribuer un statut spécifique aux IADE au sein des auxiliaires médicaux en pratique avancée. Mais l’article 40 de la Constitution en a décidé autrement, malgré les recherches de notre rapporteure pour trouver des solutions.
En effet, la profession d’IADE, pionnière de l’exercice en autonomie supervisée, a d’ores et déjà le niveau de qualification requis. Le manque de valorisation la compromet dangereusement, alors qu’elle souffre depuis de nombreuses années du dissensus entre son activité réelle et son exclusion d’un statut juridique à la hauteur de ses compétences.
Monsieur le ministre, cette reconnaissance statutaire est recommandée depuis plus d’un an par l’Igas et avait été garantie par votre prédécesseur, M. Véran, qui s’était engagé devant les instances médicales représentatives des professions de l’anesthésie à l’obtention d’un statut en pratique avancée pour tous les IADE, différencié de celui des IPA, au maintien des décrets réglementaires régissant la profession d’IADE et au maintien de la formation actuelle. Le principe était de consacrer dans la loi aux IADE un statut unique et distinct de celui de la profession d’IPA, au sein du titre préliminaire du livre 3 du code de la santé publique, par l’ajout d’un article L. 4301-3.
Nous souhaitions leur permettre d’être reconnus comme une profession réglementée exerçant officiellement en pratique avancée, avec des modalités spécifiques dans leurs quatre domaines de compétence, ce qui est le cas depuis des années. Les médecins anesthésistes-réanimateurs soutiennent cette démarche de reconnaissance statutaire au sein de la pratique avancée, dans le respect des décrets de sécurité anesthésique.
Monsieur le ministre, face à ce blocage, nous souhaitons connaître votre position et savoir quelles mesures vous souhaitez prendre.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. L’exercice de la médecine évolue : en 2017, il n’y avait que très peu de maisons de santé pluridisciplinaires ; elles représentent aujourd’hui plus de 20 % de l’exercice libéral. L’exercice coordonné en équipe de soins primaires est une nécessité, à la fois pour faciliter le travail des soignants, mais aussi pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Il faut donc une équipe, avec un projet de santé coconstruit qui crée un véritable parcours de soins autour du patient. Dans ce projet, coélaboré et évalué, les IPA spécialisés ont toute leur place. La formation à la prise en charge complexe leur permettra de répondre parfaitement à la démarche de soins primaires.
Il faudrait donc former plusieurs milliers d’IPA au suivi des pathologies chroniques, mais aussi en pédiatrie, en cancérologie, en psychiatrie ou encore en pédopsychiatrie.
En revanche, l’accès direct aux IPA et la possibilité de primo-prescription en dehors des structures de soins coordonnés relèvent d’une fausse bonne idée : donner une telle responsabilité à des IPA non formés au diagnostic est un risque pour les patients.
Nous irions vers une médecine à deux vitesses, avec, d’un côté, des patients qui pourraient consulter un médecin généraliste et, de l’autre, des patients qui, faute de médecins généralistes en particulier dans les zones sous-dotées, seraient vus par des IPA.
Pour notre part, nous sommes favorables à un parcours de soins coordonnés comprenant non pas une délégation, mais un partage des tâches et au maintien d’un haut niveau de compétences, qui implique une formation adéquate.
J’abonde dans le sens des propos qui viennent d’être tenus sur les IADE. Permettez-moi d’évoquer également les Ibode. Ces dernières suivent, elles aussi, une formation supplémentaire de deux ans.
Selon un décret paru récemment, il est possible, en tant qu’infirmier et après avoir suivi une formation de vingt-huit jours, de « faire fonction d’Ibode ».
Les IADE craignent un décret similaire. Monsieur le ministre, allez-vous les rassurer ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir abordé le cas particulier des IADE. Si nous devons effectivement traiter le sujet, nous ne pourrons pas le faire ici – j’en suis désolé –, pour plusieurs raisons.
La première est que, de par leur formation, les IADE n’entrent pas dans le cadre des IPA. Les IPA ont d’abord une formation en tronc commun, puis une formation de spécialité, qui leur permet d’ailleurs, au cours de leur carrière, de changer de spécialité.
Dans l’absolu, il faudrait ajouter une année de formation aux IADE, ce qui serait totalement absurde.
Par ailleurs, outre les IADE et les Ibode, n’oublions pas les infirmières puéricultrices.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. François Braun, ministre. Toutes bénéficient – vous avez évoqué le rapport Igas-IGESR – du statut particulier d’infirmière spécialisée.
Je vous réaffirme mon engagement à travailler pour faire évoluer le statut d’infirmière spécialisée et reconnaître la pratique avancée pour les trois professions, pas simplement pour les IADE.
J’y travaille avec les sociétés savantes ; j’en ai encore discuté la semaine dernière avec la société française d’anesthésie-réanimation en ce qui concerne les IADE.
L’objectif est d’aboutir, en lien avec les professionnels, les médecins et infirmiers de chaque catégorie, à un statut particulier – nous aurons des textes législatifs en fin d’année –, qui reconnaîtra l’exercice de pratique avancée, sans pour autant enfermer les infirmières dans le statut d’IPA.
Je suis particulièrement sensible à ce sujet. Comme promis aux IADE par mon prédécesseur, nous avancerons dans cette direction, mais, surtout, n’oublions pas les Ibode et les infirmières puéricultrices.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme Deseyne, MM. Cambon, Burgoa et Calvet, Mme Chauvin, MM. Klinger, Chasseing et Brisson, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Bonne et Panunzi, Mme F. Gerbaud, M. Bouchet, Mme de Cidrac, M. Lefèvre, Mme Gruny, MM. Somon, Gremillet, Genet et Chatillon, Mmes Di Folco et M. Mercier et MM. Sido et Cuypers, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. L’article 1er étend le champ des compétences des infirmiers en pratique avancée aux prescriptions de produits de santé et à la prise en charge directe des patients dans le cadre d’un exercice coordonné.
Cette proposition de loi, présentée comme une réponse aux déserts médicaux, ne répond pas aux attentes et besoins en matière de soins.
Le médecin doit rester celui qui pose le diagnostic et définit la stratégie thérapeutique. Il est formé pour cela, pendant neuf ans, et prochainement dix ans, d’études.
Comment un IPA formé aux soins – n’y voyez aucune défiance – pourrait-il avoir la même connaissance et la même compétence en cinq ans seulement ?
Le dispositif d’IPA est une perte de temps et, éventuellement, une perte de chance pour le patient. C’est une médecine à deux vitesses, qui distingue ceux qui auront accès à un médecin et les autres.
Mes chers collègues, quand vous avez besoin, pour vous-même ou pour vos proches, d’une prise en charge médicale, à qui vous adressez-vous ? À un médecin bien sûr ! Je souhaite que tous les Français puissent avoir le même accès.
Les médecins ont besoin de plus de temps médical. Ils veulent moins de tracasseries administratives, attendent que l’on traite le problème des rendez-vous non honorés.
Je ne parle pas du signal envoyé aux patients, aux jeunes médecins, aux étudiants en médecine. Cette proposition de loi est un leurre. C’est un emplâtre sur une jambe de bois !
Cet amendement vise donc à supprimer l’article 1er. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission est, sans surprise, défavorable à cet amendement.
En effet, nous avons largement revu l’article 1er pour mieux encadrer l’accès direct et la primo-prescription. J’espère qu’il permettra, dans la rédaction issue des travaux de la commission, d’améliorer à la fois l’attractivité de la pratique avancée, mais aussi – c’est important – de sécuriser les conditions de prise en charge.
Ma chère collègue Chantal Deseyne, je ne vous en veux pas. Je connais vos préoccupations. La qualité des soins ne doit pas être mise à mal.
Je vous rappelle que nous avons encadré ces dispositions par des garanties : décret en Conseil d’État après avis de l’Académie nationale de médecine, de la Haute Autorité de santé et des représentants des professions concernées.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Vous comprendrez que je sois également défavorable à cet amendement, mais permettez-moi de développer quelques arguments.
Les IPA sont des infirmières qui justifient de trois ans de formation, de quatre ans d’exercice professionnel et de deux ans de formation complémentaire. Elles totalisent donc neuf ans de formation, ce qui est loin d’être négligeable.
Pour autant, les IPA ne remplacent pas et ne remplaceront jamais le médecin, notamment le médecin généraliste.
Il est important de comprendre, dans l’organisation du système de santé que nous voulons reconstruire, que les IPA ont vocation non pas à remplacer le médecin, mais à apporter une solution complémentaire.
La colonne vertébrale du système reste le médecin, dans le cadre d’un exercice coordonné, dont les travaux de la commission ont encore renforcé le principe.
Pour autant, une question demeure : l’IPA peut-elle et doit-elle être un point d’entrée en cas de difficulté d’accès à un médecin traitant ou à un médecin généraliste ? Assurément !
Il est préférable de faire de l’IPA le point d’entrée vers un médecin traitant plutôt que de laisser un patient n’ayant pas trouvé de médecin se diriger vers les services d’urgence, dont vous connaissez les problèmes.
Les IPA ont leur place dans notre système de santé. Le dispositif de pratique avancée n’est, certes, pas la seule solution, mais ce n’est pas un « emplâtre sur une jambe de bois ».
Vous évoquez le temps administratif. La semaine dernière, j’ai annoncé quinze mesures visant à diminuer la « paperasserie » des médecins. Cela va dans le sens indiqué.
C’est en combinant toutes ces solutions que nous parviendrons à prendre en charge les six millions de nos concitoyens qui n’ont pas de médecin traitant aujourd’hui.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je dois dire que l’on peut très largement souscrire aux propos de Chantal Deseyne. Nous aurions même pu considérer que l’article 1er n’était pas recevable si celui-ci n’avait pas été modifié par la commission.
En effet, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, cet article distinguait les IPA spécialisés des IPA « praticiens », une notion floue d’autant plus sujette à interprétation qu’elle ne figure nulle part dans le code de la santé publique et qu’elle n’était pas définie dans la proposition de loi. À ce propos, monsieur le ministre, je vous rappelle qu’il s’agit bien d’une « proposition de loi », et non, comme vous l’avez indiqué, d’un « projet de loi ». Mais, comme tous les lapsus, le vôtre est très révélateur. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, une telle rédaction donnait entièrement raison à notre collègue Chantal Deseyne : nous aurions mis les deux pieds dans un système dont les deux vitesses auraient été institutionnalisées. Il y aurait eu des territoires dans lesquels les uns auraient eu le droit de voir un médecin et d’autres territoires dans lesquels on n’aurait eu le droit, en première intention, de ne voir – cela n’est pas péjoratif – qu’un infirmier.
La commission a clarifié les choses. Elle a posé des bornes et proposé un cadre beaucoup plus restrictif.
Nous voterons contre l’amendement n° 1 rectifié et nous approuverons l’article 1er dans la rédaction proposée par la commission. Mais j’en appelle aussi à la responsabilité du Gouvernement, qui est à la manœuvre sur cette proposition de loi.
Puissions-nous, dans la suite de l’examen du texte, ne pas aboutir à la situation que Mme Deseyne a décrite ! En rejetant son amendement et en votant pour l’article 1er, nous exprimons en quelque sorte un vote de confiance. Nous tenons à le préciser de manière très claire.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 78 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc et Somon, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mme Dumont, M. Gremillet et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 5
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, uniquement avec adressage préalable par un médecin
III. – Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Notre système de santé est en difficulté. Notre pays manque de médecins, et cela n’ira pas en s’améliorant.
Il faut donc trouver des solutions à court terme pour améliorer l’accès aux soins des Français. Or l’accès direct aux IPA n’en est pas une.
Certes, la création des IPA est une bonne chose, notamment pour la prise en charge des maladies chroniques : pour certaines pathologies, ces professionnels peuvent assurer le suivi des patients qui leur sont confiés par un médecin, ce qui permet d’augmenter le temps médical de ce dernier.
Toutefois, remplacer en première intention un médecin par un infirmier ne saurait être la solution au manque de médecins dont souffrent certains Français.
Quand bien même la profession d’IPA bénéficie d’une formation approfondie sanctionnée par un master, elle ne peut pas remplacer celle de médecin, qui doit garder la compétence du diagnostic.
Médecins et IPA doivent travailler ensemble, en synergie, par délégation. Seul le médecin, au terme de dix années d’études, dont quatre d’internat, est apte à établir un diagnostic.
Une collaboration étroite est indispensable. Cependant, c’est au médecin de décider, en fonction des rendez-vous, des patients qui seront confiés à l’IPA, en consultation ou en visite.
En cas d’anomalie des constantes que détecterait l’IPA, le médecin présent à proximité pourra intervenir et, éventuellement, prescrire des examens complémentaires ou une modification du traitement.
En cas d’accès direct à l’IPA et en l’absence d’un médecin en revanche, le patient devra revenir en consultation, ce qui risque d’entraîner une perte de temps et une confusion.
Les travaux réalisés sur le sujet n’apportent des preuves d’efficacité de la pratique avancée que lorsqu’il existe une collaboration réelle entre médecin traitant et infirmier.
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié bis, présenté par Mme Berthet, MM. Belin, Bouchet, Bonhomme et Brisson, Mmes Drexler et Dumont, MM. Genet et Gremillet, Mme Joseph et MM. Lefèvre, Pellevat, Sido et Somon, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et des ordres des professions de santé
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Les médicaments à prescription médicale obligatoire sont classés en trois catégories – liste I, liste II, stupéfiants – en fonction des risques pour la santé qu’ils présentent et de la nécessité d’une surveillance médicale du patient tout au long de son traitement.
Certains de ces médicaments présentent des conditions particulières de prescription et de délivrance. Dans la mesure où les IPA pourraient désormais prescrire ces produits de santé à prescription médicale obligatoire et que ces prescriptions auraient un impact pour différents professionnels, il convient de consulter les ordres des professions de santé compétents avant de déterminer la liste des médicaments et dispositifs médicaux concernés.
M. le président. L’amendement n° 53, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 10
1° Supprimer les mots :
L’article 76 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 et
2° Remplacer les mots :
sont abrogés
par les mots :
est abrogé
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, nous avons soutenu l’expérimentation de la primo-prescription par les IPA lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Je l’ai dit également : nous sommes favorables à la valorisation des professions paramédicales et au fait de leur octroyer des compétences supplémentaires.
Monsieur le ministre, nous aimerions que vous nous expliquiez, d’une part, pourquoi une expérimentation votée au mois de décembre 2021 n’a toujours pas débuté et, d’autre part, ce qui justifie une généralisation sans évaluation de fait, dès aujourd’hui.
Nombreuses sont les propositions adoptées par le Parlement, qui sont d’abord des demandes d’expérimentation. Quel est le sens de mesures de généralisation qui ne passent pas par des expérimentations pourtant votées par les assemblées ? Il y a tout de même là un certain paradoxe.
Monsieur le ministre, vous vous dites attaché au fait de discuter ce texte en personne devant la Haute Assemblée. Dites-nous pourquoi vous ne faites pas cas des votes que nous émettons dès lors qu’il s’agit d’expérimentations !
Au mieux, nous aurons perdu un an et demi et la généralisation aurait pu débuter dès 2022. Au pire, nous risquons de regretter une généralisation trop hâtive.
Nous avons bien noté que l’évolution du nombre d’IPA en France était insatisfaisante, car trop lente. En renforçant les missions de ces derniers, l’article 1er a, pour vous, vocation à y remédier.
Mais n’est-ce pas aussi votre crainte de voir les effets finalement quasi nuls du numerus apertus sur l’accès aux soins qui vous fait aujourd’hui accélérer le calendrier ?
La primo-prescription médicale n’est pas un acte anodin. Il nous semble essentiel d’avoir tous bien étudié les arguments justifiant une introduction directe dans le droit commun.
C’est le sens de notre amendement. J’espère que vous nous apporterez des réponses, monsieur le ministre.
M. le président. L’amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 4 et, partant, la possibilité pour les IPA de prescrire des produits de santé, ainsi que des prestations soumises à prescription médicale obligatoire.
Il est très difficile de lister une série d’actes et de prescriptions bénignes. Il est en effet du ressort du médecin généraliste d’apporter un diagnostic complet et de juger du caractère bénin ou non d’un symptôme, après un examen clinique.
Pour ma part, je préconise une collaboration entre une infirmière de pratique avancée et un médecin, dans laquelle les consultations et visites seraient, certes, partagées, mais le médecin toujours à proximité.
À défaut, une infirmière qui visiterait un patient atteint d’une maladie chronique – hypertension ou diabète – et qui constaterait une anomalie dans les constantes n’aurait pas d’autre choix que d’inviter le patient à revenir consulter le médecin ultérieurement. Cela créerait une confusion.
Je suis tout à fait favorable aux IPA, sous réserve que le travail s’effectue en synergie et que les tâches soient partagées. Le médecin doit déléguer à l’IPA.
Globalement, la présence de l’IPA est une bonne chose, car elle permet de dégager du temps médical pour le médecin.
M. le président. L’amendement n° 89, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
Le II
par les mots :
Le premier alinéa du II
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Amendement rédactionnel.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par Mmes Delmont-Koropoulis, Belrhiti et Thomas, MM. Burgoa, Frassa et Bouchet, Mme Chauvin, MM. Joyandet et Somon, Mme Lassarade, MM. Charon et Cambon et Mmes F. Gerbaud et Malet.
L’amendement n° 36 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire et Guérini et Mme Pantel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8, première phrase
Remplacer les mots :
directement les patients
par les mots et une phrase ainsi rédigée :
les patients dans un exercice coordonné par le médecin et protocolisé avec ce dernier. Dans ce cas, l’infirmier en pratique avancée peut, le cas échéant, intervenir avant une consultation médicale.
La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
M. Laurent Somon. Le dispositif d’infirmiers en pratique avancée devait être dédié aux prises en charge protocolisées en ville, notamment en soins primaires. Il ne saurait s’exonérer du diagnostic.
Il n’est pas concevable, au regard des exigences de qualité et de sécurité des soins, que des patients n’ayant pas bénéficié d’un diagnostic médical soient pris en charge directement par un IPA, sans intervention d’un médecin.
Dans toute équipe de soins, ambulatoire ou hospitalière, un médecin assure la coordination de la prise en charge du patient dans le cadre d’un protocole organisationnel.
On ne saurait substituer à cette organisation une démarche d’accès direct aux IPA.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. L’exercice de la profession d’IPA nécessite à la fois une montée en compétences et un espace de soins coordonnés.
Je suis très attachée au fait que le médecin traitant reste au cœur de cette coordination. Si accès direct il doit y avoir, cela doit toujours être en lien avec ce dernier.
Ne laissons pas s’installer une désorganisation de la médecine.
M. le président. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par Mmes Delmont-Koropoulis, Belrhiti et Thomas, MM. Burgoa, Frassa et Bouchet, Mme Chauvin, MM. Joyandet et Somon, Mme Lassarade, MM. Charon et Cambon et Mmes F. Gerbaud et Malet.
L’amendement n° 37 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini et Mme Pantel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
sans adressage préalable de la part d’un médecin
par les mots :
dans les conditions prévues au II de l’article L. 4301-2 du code de la santé publique
La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
M. Laurent Somon. L’exercice de l’IPA est toujours coordonné par un médecin et protocolisé. Les termes « sans adressage […] du médecin » créent une confusion.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement est défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La plupart de ces amendements ont pour objectif de revenir sur les compétences attribuées aux infirmiers en pratique avancée par l’article 1er.
L’amendement n° 78 rectifié bis tend à supprimer l’accès direct et la primo-prescription. L’amendement n° 77 vise à supprimer la primo-prescription. Et l’amendement n° 53 a pour objet de supprimer la primo-prescription et de rétablir l’expérimentation votée en 2021.
Les auteurs des amendements identiques nos 7 rectifié et 36 rectifié souhaitent limiter l’accès direct à un exercice protocolisé avec le médecin et les mêmes proposent de supprimer la mention d’actes sans adressage préalable de la part d’un médecin aux amendements identiques nos 8 rectifié et 37 rectifié.
L’accès direct et la primo-prescription correspondent à des attentes importantes. Les infirmiers en pratique avancée doivent améliorer les conditions de prise en charge des patients. Ils ne peuvent exercer que dans le cadre d’un exercice coordonné avec le médecin.
La commission a d’ailleurs encadré ces dispositions en réservant l’accès direct en ville aux structures les plus intégrées et partageant une patientèle commune.
En outre, le décret sur les infirmiers en pratique avancée prévoit déjà que ces derniers n’exercent que dans le cadre d’un protocole d’organisation conclu avec le médecin.
Cette condition est donc déjà satisfaite en droit. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Enfin, l’amendement n° 42 rectifié bis tend à prévoir que les ordres professionnels soient saisis préalablement à toute adoption d’un décret relatif aux compétences d’un auxiliaire médical en pratique avancée. La loi prévoit déjà la consultation de l’Académie de médecine et des professionnels concernés tandis que la commission a encore enrichi le texte, en prévoyant également la saisine de la Haute Autorité de santé. L’implication des ordres professionnels permettra d’inclure ces derniers dans les réflexions relatives au partage des tâches, à la suite notamment des travaux importants menés ces derniers mois par le Clio. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Sans reprendre les arguments qui ont été brillamment développés par Mme la rapporteure, j’apporterai quelques éléments de concept et de précision.
Permettez-moi d’abord de remercier le sénateur Jomier de sa confiance. Je suis sûr que j’en serai digne (Mme Laurence Cohen s’esclaffe.), car nous partageons l’objectif de reconstruction de notre système de santé pour mieux répondre aux besoins de santé de la population.
Nous voulons tous ensemble améliorer notre système de santé. Je le répète : cela se fera non pas grâce à une seule mesure, mais par un ensemble de mesures complémentaires.
L’exercice coordonné est le maître mot de notre discussion. Exercice « coordonné » signifie coordonné par un médecin traitant généraliste, voire par un médecin spécialiste dans le cadre d’un protocole défini avec l’IPA, pour suivre des pathologies chroniques comme le diabète.
Nous disposons donc d’un cadre qui nous permet d’avancer. L’exercice coordonné précise et sécurise l’accès aux IPA, en lien avec le médecin traitant du patient.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui tendent à remettre en cause l’accès direct aux IPA.
Sur les amendements nos 89, 37 rectifié et 8 rectifié, qui sont de nature essentiellement rédactionnelle, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Nous ne voterons pas l’amendement n° 78 rectifié bis.
Mais j’aimerais tout de même évoquer la pénurie de médecins, car on voit bien la motivation majeure du dispositif dans son ensemble.
Monsieur le ministre, j’ai rappelé tout à l’heure que vos deux prédécesseurs avaient rejeté plusieurs années de suite tous les amendements votés par le Sénat visant à valoriser la profession infirmière.
D’un coup, il n’est plus seulement question aujourd’hui de créer un infirmier référent ou de procéder à de petites avancées. Nous assistons à un saut majeur qui suscite des interrogations.
La pénurie de médecins ne peut pas être le seul moteur. Notre système de soins a été beaucoup trop figé dans le partage des tâches ; nous en sommes d’accord.
Malgré tout, il faut répondre à la pénurie de médecins. À cet égard, je tiens à souligner que la transformation du numerus clausus en numerus apertus est une simple opération de communication.
L’augmentation de 15 % du nombre de médecins formés n’est pas suffisante, au moment où tous les indicateurs montrent que les jeunes ne veulent plus choisir la médecine générale, du fait de l’avalanche de dispositions négatives envers cette profession.
Le simple fait que le taux d’abandon des études de médecine s’exprime désormais en deux chiffres annihilera l’augmentation du nombre de médecins formés.
On nous a d’abord dit que le creux de la pénurie interviendrait en 2026, avant d’évoquer 2030. Voilà qu’on nous parle désormais de 2032 à 2035…
Monsieur le ministre, si nous n’augmentons pas fortement le nombre de médecins formés, nous donnerons raison à ceux qui prétendent que, sous prétexte de la pénurie, nous sommes en train de changer délibérément de système, et donc de dégrader l’accès aux soins dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. L’amendement de Daniel Chasseing m’a interpellée, et je me suis demandé ces derniers jours si j’allais ou non le cosigner.
Durant la discussion générale, j’ai été surprise d’entendre une majorité de sénateurs indiquer que le texte n’était pas satisfaisant sur la forme, mais qu’ils allaient tout de même le voter en raison de la pénurie de médecins généralistes. Cela revient à adopter une solution sans savoir si elle est bonne !
Le manque d’attractivité de la médecine générale qu’évoquait à l’instant M. Jomier est réel. Toutes les mesures qui nous sont soumises au travers de différentes propositions de loi – installation obligatoire dans les territoires, modification du parcours de soins – réduisent finalement l’attractivité.
Je salue le travail de la rapporteure, qui a vraiment tenté d’améliorer le texte, mais je voterai l’amendement de notre collègue Chasseing. En effet, le protocole proposé n’est pas, à mes yeux, une garantie de simplification. J’ai au contraire l’impression que l’on complexifie les choses.
Sans méconnaître la formation complémentaire des IPA, j’estime qu’en l’état, nous ne devons pas soutenir une telle proposition.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Étant cosignataire de l’amendement de Daniel Chasseing, je le voterai.
Monsieur le ministre, permettez-moi néanmoins – je rejoins les propos Bernard Jomier – de vous poser une question. Vous dites que l’article 1er tel qu’il est issu de la commission des affaires sociales du Sénat vous convient. Or il ne correspond pas du tout au texte issu de l’Assemblée nationale, qui vous convenait aussi.
Lequel, du texte de l’Assemblée nationale ou de celui du Sénat, aura finalement votre soutien lors de la commission mixte paritaire ? (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Laurence Cohen. Très bonne question !
M. Bernard Jomier. Très juste !
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Je voterai également l’amendement de notre collègue, pour une raison simple : ce débat fait beaucoup de mal.
D’abord, nous parlons beaucoup, mais en fin de compte, le nombre d’IPA est très faible. Nous parlons donc en vain ou presque.
Ensuite, nous donnons l’impression de dresser deux professions l’une contre l’autre. Les médecins défendraient leur pré carré et l’on refuserait de donner des attributions supplémentaires aux infirmiers…
Or nous avons besoin aujourd’hui de tous nos professionnels de santé.
M. Chasseing insiste sur le fait que la seule voie de sortie est de miser sur la collaboration de l’ensemble des professionnels de santé. Je voterai son amendement.
M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. Je suis d’accord avec ce que vient de dire Bernard Jomier, mais si nous voulons avoir davantage de médecins, nous devrions laisser redoubler les étudiants qui ratent leur première année tout en étant motivés pour continuer. Aujourd’hui, ils sont découragés et ont le sentiment d’être traités comme des bons à rien ! (Applaudissements.)
Par ailleurs, on entend souvent l’argument selon lequel on résoudrait le problème de la désertification médicale grâce aux IPA, en prenant l’exemple des maladies chroniques.
Pour les maladies chroniques, on comprend bien que le médecin fera d’abord le diagnostic et qu’il y aura ensuite un suivi dans le cadre d’une coordination, mais l’accès direct ne sera pas limité, d’après ce que je comprends, à ces maladies. Dans les autres cas, je ne vois pas cette coordination et je ne pense pas que ce soit une avancée.
Nous nous dirigeons ainsi vers une médecine à deux vitesses, voire à trois vitesses si l’on prend en compte les professionnels déconventionnés ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 78 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 37 |
Contre | 275 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 42 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 53.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Pour l’adoption | 86 |
Contre | 226 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 77 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Pour l’adoption | 36 |
Contre | 291 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 89.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié et 36 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 37 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié ter, présenté par Mme Berthet, MM. Belin, Bonhomme, Bouchet et Brisson, Mmes Drexler et Dumont, MM. Genet et Gremillet, Mme Joseph, M. Lefèvre, Mme Malet et MM. Pellevat et Sido, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1110 12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre d’un exercice en pratique avancée mentionné à l’article L. 4301-1 du présent code, le pharmacien délivrant les médicaments prescrits est réputé membre de l’équipe de soins. » ;
2° Au dernier alinéa du I de l’article L. 1521-1 et au dernier alinéa de l’article L. 1541-1, les mots : « l’ordonnance n° 2018-20 du 17 janvier 2018 » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. L’article 1er de la présente proposition de loi prévoit la possibilité d’une primo-prescription par les IPA.
Or le renouvellement et l’adaptation des prescriptions médicales par les IPA dans le cadre d’un protocole de soins défini avec le médecin posent déjà d’importantes difficultés d’application concrètes pour les pharmaciens chargés de dispenser ces ordonnances.
En effet, selon l’article R. 4235-48 du code de la santé publique, le pharmacien doit assurer l’acte de dispensation dans son intégralité et réaliser notamment une analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale, quel que soit le prescripteur. Les bonnes pratiques de dispensation prévoient que le pharmacien doit vérifier la validité de l’ordonnance, l’identité du patient, la régularité formelle de l’ordonnance, la qualification du prescripteur, etc.
L’article R. 4301-4 du code de la santé publique prévoit que le protocole établi entre l’IPA et le médecin est porté à la connaissance de l’ensemble de l’équipe de soins.
Or le pharmacien d’officine, s’il n’exerce pas au sein d’une structure d’exercice coordonnée, n’est pas reconnu comme faisant partie de l’équipe de soins telle que définie à l’article L. 1110-12 du code de la santé publique.
Il ne dispose donc pas des informations nécessaires à la dispensation sécurisée des médicaments prescrits par les IPA, alors même que ceux-ci peuvent renouveler ou adapter des traitements présentant des conditions particulières de prescription ou de délivrance.
Pour exercer sa mission en toute sécurité et réaliser l’acte de dispensation dont il a la responsabilité, le pharmacien doit pouvoir vérifier le cadre dans lequel l’IPA peut renouveler et adapter la prescription initiale, ainsi qu’être informé de la procédure établie par le médecin qui précise les modalités de ce renouvellement ou de cette adaptation.
Ainsi, le présent amendement prévoit que, dans le cadre d’un exercice en pratique avancée, le pharmacien délivrant les médicaments prescrits est réputé membre de l’équipe de soins. En conséquence, le protocole lui sera communiqué, et il pourra assurer l’acte de dispensation dans son intégralité dans un cadre sécurisé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les conditions dans lesquelles un infirmier en pratique avancée pourra prescrire et les protocoles actuels d’organisation maintenus devront être déterminés par décret en Conseil d’État après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Académie nationale de médecine.
Sur l’opportunité d’inclure le pharmacien au sein de l’équipe de soins dans le cadre d’un exercice en pratique avancée, la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Cet amendement vise à faire en sorte que, dans le cadre d’un exercice en pratique avancée, le pharmacien délivrant des médicaments ainsi prescrits soit réputé membre de l’équipe de soins.
Le droit prévoit que les patients sont libres de choisir la pharmacie de leur choix ; c’est un élément essentiel de notre système de santé. Le concept de pharmacien traitant n’existe donc pas en tant que tel : on peut aller chercher ses médicaments dans toutes les pharmacies.
En outre, le pharmacien peut déjà délivrer des médicaments prescrits par un professionnel en pratique avancée, dès lors que la prescription est conforme à la réglementation.
L’adoption de cet amendement aurait donc tendance à complexifier et alourdir le parcours de soins, alors que l’objectif de cette proposition de loi est plutôt de simplifier.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour explication de vote.
Mme Martine Berthet. Monsieur le ministre, il est indispensable que les pharmaciens aient connaissance de l’ensemble des éléments que j’ai mentionnés. Or ce ne sera pas le cas s’ils ne sont pas inclus dans le parcours de soins.
D’ailleurs, ils sont déjà confrontés à ce problème aujourd’hui dans le cadre d’un renouvellement d’ordonnance ou d’une adaptation de posologie, lorsque ces décisions sont prises par un IPA.
Il est donc nécessaire d’inclure les pharmaciens dans le parcours de soins dès lors qu’ils sont confrontés à une ordonnance rédigée par un IPA. C’est d’autant plus important – vous en avez parlé – que les patients sont libres de choisir leur pharmacie.
M. le président. Quel est finalement l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission, qui avait souhaité connaître la position du Gouvernement, suivra son avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.
Mme Berthet pose au fond la question de la responsabilité des professionnels de santé, en demandant une forme de garantie – le pharmacien doit connaître les modalités du parcours de soins pour exercer sa responsabilité dans les meilleures conditions –, et il ne nous semble pas que la réponse apportée soit satisfaisante.
J’ajoute que la même question plane sur l’ensemble de la proposition de loi : un professionnel de santé est responsable individuellement des actes qu’il pratique ou prescrit et on ne sait pas trop dans ce texte comment les choses vont se passer de ce point de vue ; il y a là une fragilité.
Il est clair que le professionnel de santé a une responsabilité individuelle, y compris lorsqu’il accepte le transfert d’une mission. Si un infirmier qui voit un enfant avec un mal de ventre identifie une gastroentérite plutôt qu’une colite ischémique, il devra en assumer les conséquences à titre individuel.
Or le texte – une proposition de loi, je le rappelle – ne met pas les choses à plat de ce point de vue, ce qui rend encore plus regrettable le fait de ne pas disposer d’un avis du Conseil d’État.
Ne pas répondre clairement à la question de la responsabilité des professionnels de santé fragilise l’ensemble du dispositif.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Le sujet de la responsabilité est évidemment essentiel, monsieur Jomier : tout professionnel de santé est responsable de ses actes.
Je rappelle d’ailleurs qu’aux termes de l’article L. 4301-1 du code de la santé publique, le professionnel agissant dans le cadre de la pratique avancée est responsable des actes qu’il réalise dans ce cadre.
Les IPA sont donc responsables de leurs actes au même titre que les autres professionnels de santé.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote sur l’article.
M. Alain Milon. Monsieur le ministre, je vous ai posé une question à laquelle vous n’avez pas répondu : le Gouvernement est-il favorable à cet article 1er dans la rédaction issue des travaux du Sénat ou dans celle de l’Assemblée nationale ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. Au cours des débats parlementaires, le texte a été amélioré ; je m’en remets naturellement à la commission mixte paritaire pour la suite ! (Exclamations ironiques.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Habile…
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Même si je ne dispose pas des qualifications médicales que certains d’entre nous peuvent avoir, je revendique une « pratique avancée » de mon territoire, et cela me permet d’apporter mon point de vue à ce débat.
J’ai entendu parler de la mise en place, avec ce texte, d’une médecine à deux ou trois vitesses. Mais, mes chers collègues, c’est déjà le cas dans nombre de nos territoires, et je ne veux pas opposer la ruralité et la ville ! Beaucoup de nos concitoyens ne réussissent pas à trouver un médecin traitant.
Cet article de la proposition de loi nous offre un outil supplémentaire dans une palette d’instruments. Comme le ministre l’a parfaitement dit, ce n’est pas par une mesure unique que nous réglerons le problème de l’accès aux soins.
D’ailleurs, le Gouvernement a déjà pris ce chantier à bras-le-corps : mise en place du numerus apertus, déploiement de quinze mesures de simplification pour que les médecins puissent dégager du temps médical, etc.
Nous avons déjà eu beaucoup de débats sur ces questions. Je me souviens notamment de l’examen du texte qui est devenu la loi HPST, loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires ; je me souviens surtout combien il était difficile à l’époque de parler de coordination des soins.
Au regard de tous les débats que nous avons eus, je voterai cet article des deux mains !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote sur l’article.
M. Bernard Jomier. Ce vote est important tout comme l’est l’échange qui vient d’avoir lieu entre Alain Milon et le ministre. Je veux d’ailleurs remercier le ministre de nous répondre à chaque fois que cela est nécessaire ; cela n’a pas toujours été le cas dans le passé…
La rédaction du texte reste instable et imprécise, ce qui rend les explications du ministre si importantes. C’est aussi pour cette raison que je parlais tout à l’heure de confiance.
Par ailleurs, nous critiquons vivement le fait que le Gouvernement ait imposé la délibération de ce texte au moment même où les négociations conventionnelles étaient en cours. Il y a donc un problème de méthode.
Pour autant, monsieur le ministre, rien n’oblige à une convocation rapide de la commission mixte paritaire ; du temps peut encore être donné au Parlement pour réfléchir et trouver la meilleure solution.
Le ministre nous a dit qu’il s’en remettait aux parlementaires et à la commission mixte paritaire pour la suite ; c’est logique !
En ce qui nous concerne, nous sommes tout à fait prêts à reconnaître aux infirmiers une juste valorisation de leur profession, mais c’est à la condition d’entendre les inquiétudes sur l’apparition d’un système à deux vitesses et sur la place du médecin dans le dispositif.
On ne peut pas, en même temps, porter la formation des médecins généralistes à dix ans au regard de la complexité de leur métier et ouvrir les fonctions de diagnostic et de traitement dans n’importe quelles conditions !
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain approuve cette version de l’article 1er, mais j’en appelle à la responsabilité de l’exécutif – monsieur le ministre, c’est vous qui avez la main ! – pour que le cadrage que j’ai évoqué soit respecté et même défendu dans la suite de la procédure parlementaire.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote sur l’article.
M. Olivier Henno. Sincèrement, pour voter ce texte des deux mains, il faut tout de même prendre un sacré élan ! (Sourires.)
Je vais voter cet article : c’est un petit « oui » avec un grand « mais » !
Oui, parce que je veux saluer le travail réalisé par la commission, en particulier par sa rapporteure, Corinne Imbert.
Mais, parce que beaucoup de questions continuent de se poser.
Les doutes importants que nous avions sur la médecine à deux vitesses ou encore sur la question de l’attractivité de la médecine générale ne sont que partiellement levés, monsieur le ministre.
Quand on connaît des étudiants en médecine, on sait les terribles doutes qui les assaillent sur notre capacité collective – au-delà des campagnes de communication… – à former davantage de médecins.
Pour une majorité du groupe Union Centriste, ce sera donc un petit « oui », grâce au travail de la commission, et un grand « mais ».
En tout état de cause, ce vote ne nous engage en rien pour la suite de la procédure, en particulier dans le cas où la commission mixte paritaire ferait évoluer le texte dans le mauvais sens ; nos collègues qui en seront membres devront d’ailleurs être particulièrement vigilants pour que les doutes que nous avons encore disparaissent. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote sur l’article.
Mme Véronique Guillotin. La majorité du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen va s’abstenir sur l’article 1er.
Chacun sent bien le malaise que crée cet article. Nos doutes ne portent pas sur la montée en charge des compétences des IPA – nous y sommes tous favorables –, mais sur les conditions de mise en place de l’accès direct. Nous devons absolument éviter d’opposer les médecins et les autres soignants.
Ce texte soulève beaucoup de questions et d’inquiétudes.
Par exemple, cela a été dit, on nous a récemment demandé de porter la formation des médecins généralistes à dix ans avec l’argument selon lequel poser un diagnostic est compliqué et demande de l’expérience clinique ; ce n’est pas à vous que je vais dire que cet argument est faux, monsieur le ministre !
Et avec ce texte, on entend, certes en sourdine, que les IPA auront un rôle à jouer quand il n’y a pas de médecins sur le territoire. Non : l’accès direct aux IPA n’est pas fait pour cela !
Pour autant, je suis persuadée que les IPA peuvent améliorer la prise en charge des malades chroniques. C’est pour cette raison que nous ne voterons pas contre cet article. Mais nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est favorable à l’accès direct aux IPA et à la primo-prescription. C’est d’ailleurs une position que nous avons déjà défendue lors de l’examen de plusieurs projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Pour autant, nous sommes partagés sur cet article, parce que le paysage d’ensemble de notre système de santé est extrêmement inquiétant ; je l’ai évoqué lors de la discussion générale. Dans ce contexte, au lieu de présenter un projet de loi global et ambitieux, le Gouvernement soutient une proposition de loi fourre-tout et donc insatisfaisante.
Nous ne réglerons pas les problèmes de cette manière, monsieur le ministre. Vous réagissez au lieu d’agir et d’anticiper ! C’est aussi cela qui crée de l’inquiétude, en particulier pour les parlementaires.
Nous sommes donc partagés : devons-nous voter cet article, en étouffant nos doutes, afin de reconnaître la montée en compétences des infirmiers et des autres personnels paramédicaux ?
Monsieur le ministre, nous vous avons demandé pourquoi vous ne passez pas par une expérimentation, comme le Sénat l’a d’ailleurs déjà voté. Pourquoi vous précipitez-vous ? Nous aimerions avoir des réponses à ces questions.
Malgré tout cela, nous allons voter cet article, afin de donner un coup de pouce aux infirmières. Mais puisque vous voulez renforcer leurs responsabilités, faites un effort salarial dans leur direction, monsieur le ministre. Cela contribuera à augmenter l’attractivité de leur métier.
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote sur l’article.
M. Philippe Mouiller. Une majorité du groupe Les Républicains votera cet article 1er, même si plusieurs questions restent sur la table.
Monsieur le ministre, comme sur nombre d’autres sujets, nous avons un problème de méthode ; cela a été largement évoqué lors de la discussion générale. Vous nous demandez de nous prononcer sur ce texte dans un calendrier qui n’est pas du tout approprié. Cette proposition de loi a même entraîné une rupture des négociations conventionnelles entre les médecins et l’assurance maladie !
Qui plus est, ce texte n’est pas abouti et il crée des oppositions entre les professions de santé et au sein même de celles-ci. Même au sein des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui fonctionnent, cela crée des tensions.
Vous réussissez même, monsieur le ministre, à opposer avec ce texte le rural et l’urbain sur la grande question de la désertification médicale. Nous devrions pourtant tous contribuer à créer une dynamique globale positive, en essayant de trouver des solutions.
Malgré le problème de méthode et le côté non abouti de ce texte, notre rapporteure a tout de même pu l’améliorer et lui trouver un meilleur équilibre.
Nous serons en tout cas particulièrement vigilants en ce qui concerne les travaux de la commission mixte paritaire durant laquelle les marges de négociation, monsieur le ministre, seront extrêmement limitées.
Vous aurez compris que, plutôt qu’une approche par morceaux qui crée des oppositions multiples, nous avons absolument besoin d’une stratégie globale pour notre système de santé, d’une dynamique positive partagée par l’ensemble des acteurs. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous exerçons deux métiers différents. Les infirmières sont formées aux soins ; nous, nous sommes formés au diagnostic et surtout au diagnostic différentiel. Là est le cœur de notre métier : ne pas se tromper dans le diagnostic.
Je salue donc évidemment le travail de notre rapporteure Corinne Imbert, mais je voudrais aussi que l’on réfléchisse aux moyens de rendre notre médecine générale attractive. On sait que 25 % des médecins n’exerceront pas la médecine ; il faut la rendre attractive. Le fera-t-on en la bradant ainsi ?
Il nous faut dix ans pour apprendre la vie et la mort : dix années d’études, dix années de sacrifice à cet apprentissage, pendant notre jeunesse, et cette connaissance s’acquiert avec l’expérience.
Je voudrais donc aussi que nous soyons très prudents vis-à-vis de l’exercice illégal de la médecine. Quelle sera la responsabilité de chacun quand tout ne sera pas coordonné comme il le faudrait ? Mme Imbert a fait un énorme travail, mais je m’abstiendrai sur cet article.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l’adoption | 287 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté.
Article 1er bis
L’article L. 4311-1 du code de la santé publique est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« L’infirmière ou l’infirmier est autorisé à prendre en charge la prévention et le traitement de plaies comprenant la prescription d’examens complémentaires et de produits de santé. Les conditions de cette prise en charge sont définies par décret en Conseil d’État et la liste des prescriptions des examens complémentaires et des produits de santé autorisés est définie par un arrêté, pris après avis de la Haute Autorité de santé. Les résultats des interventions de l’infirmier sont reportés dans le dossier médical et le médecin en est tenu informé. La transmission de ces informations se fait par des moyens de communication sécurisés.
« Sont autorisés les infirmières et infirmiers exerçant :
« a) Dans le cadre d’un exercice coordonné prévu aux articles L. 1411-11-1, L. 6323-1 et L. 6323-3 ;
« b) (Supprimé)
« c) Au sein d’une équipe de soins en établissement de santé, en établissement médico-social ou en hôpital des armées coordonnée par un médecin. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 75 rectifié, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc et Somon, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mme Dumont et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Supprimer les mots :
et la liste des prescriptions et examens complémentaires et produits de santé autorisés est définie par arrêté
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Le présent amendement vise à supprimer la possibilité ouverte aux infirmiers diplômés d’État de prescrire des examens et des produits de santé.
Les infirmières ont le droit de prescrire des produits de santé pour des plaies chroniques. Néanmoins, quand ces plaies ne guérissent pas après un ou deux mois, il peut souvent s’agir d’une artérite, d’une insuffisance veineuse grave ou d’une contention mal faite. Ce n’est donc pas mal d’avoir l’avis du médecin.
M. le président. L’amendement n° 69 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc et Somon, Mme F. Gerbaud, M. Milon, Mme Dumont, MM. Houpert, Gremillet et Nougein et Mme de La Provôté, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième phrase
Après le mot :
complémentaires
insérer les mots :
, avec l’avis du médecin traitant,
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les dispositions de cet article visent à permettre aux infirmiers exerçant dans des structures d’exercice coordonné et ayant suivi une formation complémentaire de prendre en charge de manière plus autonome les plaies. La surveillance de celles-ci figure déjà, pour partie, dans le rôle propre de l’infirmier.
Supprimer la possibilité de prescrire des examens complémentaires ou la soumettre à un avis systématique du médecin traitant viderait de leur sens ces dispositions. La commission a cherché à mieux intégrer ce dispositif en prévoyant la consultation de la Haute Autorité de santé sur la liste des produits et examens dont la prescription est autorisée.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Avis défavorable également, au regard des aménagements de cet article auxquels a procédé la commission.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
I. – Après le neuvième alinéa de l’article L. 4321-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au neuvième alinéa du présent article, dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1, dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l’action sociale et des familles et dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du présent code, le masseur-kinésithérapeute pratique son art sans prescription médicale, dans la limite de cinq séances par patient, dans le cas où celui-ci n’a pas eu de diagnostic médical préalable. Un bilan initial et un compte rendu des soins réalisés par le masseur-kinésithérapeute sont systématiquement adressés au médecin traitant du patient ainsi qu’à ce dernier et reportés dans le dossier médical partagé de celui-ci. À défaut, les actes réalisés par le masseur-kinésithérapeute sont mis à sa charge. »
II. – L’article L. 162-12-9 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « conventionné », la fin du 1° est ainsi rédigée : « , les actes effectués par les masseurs-kinésithérapeutes conventionnés dans les établissements et structures d’hébergement de toute nature et les actes effectués par un masseur-kinésithérapeute sans prescription médicale ; »
2° Sont ajoutés des 10° et 11° ainsi rédigés :
« 10° Les modalités d’application des deux dernières phrases du dixième alinéa de l’article L. 4321-1 du code de la santé publique ;
« 11° (nouveau) Les mesures que les partenaires conventionnels jugent appropriées pour garantir la prise en charge des patients atteints d’une affection de longue durée et l’orientation de l’activité des masseurs-kinésithérapeutes vers les priorités de santé publique. »
III. – (Non modifié) L’article 73 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 est abrogé.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mme Deseyne, MM. Cambon, Burgoa et Calvet, Mme Chauvin, MM. Klinger, Chasseing et Brisson, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Bonne et Panunzi, Mme F. Gerbaud, M. Bouchet, Mme de Cidrac, M. Lefèvre, Mme Gruny, MM. Somon, Gremillet, Genet et Chatillon, Mmes Di Folco et M. Mercier et M. Sido, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Je propose la suppression de l’article 2. Je ne reprendrai pas les arguments que j’avais exposés en défense de la suppression de l’article 1er. Je dirai simplement ceci : surtout, ne bradons pas la médecine !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission a déjà cherché à mieux encadrer l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes, en le réservant aux structures les plus intégrées et en limitant à cinq le nombre maximal de séances effectuées en l’absence de diagnostic médical préalable.
Dans ces conditions, l’accès direct est souhaitable pour faciliter l’accès des patients aux masseurs-kinésithérapeutes et libérer du temps médical.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Je partage l’avis de la commission, que je remercie de son travail ; je me réjouis en particulier que le nombre d’actes réalisés avant un avis médical ait été ramené de dix à cinq.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Delmont-Koropoulis, Belrhiti et Thomas, MM. Burgoa, Frassa et Bouchet, Mme Chauvin, MM. Joyandet et Somon, Mme Lassarade, MM. Charon et Cambon et Mmes F. Gerbaud et Malet, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
pratique son art sans prescription médicale
par les mots :
peut prendre en charge les patients dans un exercice coordonné par le médecin et protocolisé avec ce dernier
La parole est à M. Laurent Somon.
M. Laurent Somon. Au regard des exigences de qualité, de sécurité et de continuité des soins, il n’est pas concevable que des patients n’ayant pas bénéficié d’un diagnostic médical soient pris en charge par un masseur-kinésithérapeute sans intervention d’un médecin. Dans toute équipe de soins, ambulatoire ou hospitalière, un médecin assure la coordination de la prise en charge du patient et il existe un protocole organisationnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Comme je l’ai rappelé à l’instant, la commission a déjà encadré l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes, en le limitant aux structures d’exercice coordonné les plus intégrées et en prévoyant que le nombre de séances de masso-kinésithérapie réalisées sans diagnostic médical préalable ne peut pas excéder cinq. Dans ces conditions, l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes est souhaitable et fluidifiera le parcours de soins.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol, Bonnefoy et Monier, M. Mérillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. L’article 2 autorise les masseurs-kinésithérapeutes à procéder à des séances en accès direct, mais la dernière phrase de son alinéa 2 dispose que, si le masseur-kinésithérapeute ne transmet pas un compte rendu au médecin traitant, les actes sont mis à sa charge. Nous souhaitons supprimer cette phrase, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, elle est imprécise. Les termes : « mis à sa charge » laissent un flou dans l’application de la disposition. Cela risquerait même d’entraver les remboursements perçus par les patients, ce qui serait injuste.
Ensuite, une telle pénalité serait inéquitable. En effet, à l’article 3, la commission a supprimé, à juste titre, une disposition absolument identique visant les orthophonistes. La situation des masseurs-kinésithérapeutes est exactement la même, dans la mesure où leur convention prévoit également, d’ores et déjà, l’information du médecin prescripteur.
Enfin, il ne semble pas opportun d’assortir l’obligation de coordination d’une sanction financière dans le présent contexte de tension globale avec les professions de santé.
Nous demandons donc que cette sanction soit supprimée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Une telle sanction constitue un mauvais signal envoyé aux professionnels et ne paraît pas nécessaire. Comme M. Jomier l’a rappelé, nous l’avons déjà supprimée en commission pour les orthophonistes.
En conséquence, et afin de traiter équitablement les masseurs-kinésithérapeutes, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Il est important – nous en avons discuté à plusieurs reprises – de s’assurer de la réalité de l’exercice coordonné et du transfert des informations.
Il faut garder à l’esprit que 98 % de nos concitoyens, dont certainement toutes les personnes présentes dans cet hémicycle, ont donné leur accord pour l’ouverture de Mon espace santé, dans lequel on retrouve les éléments du dossier médical partagé.
C’est pourquoi le Gouvernement reste favorable à ce que les informations circulent le plus possible dans le cadre de cet exercice coordonné et insiste sur la mise en place de ces comptes rendus au médecin traitant. Notre avis sur cet amendement est donc défavorable.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le problème, c’est la pénalité, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Sur cet article, je reprendrai la formule de notre collègue Olivier Henno : « oui, mais » !
Oui, parce que cet article va dans le bon sens et permettra de libérer du temps médical pour les médecins.
Mais il est vrai que le travail de la commission a abouti à restreindre le champ de l’article, puisqu’un certain nombre de professionnels – par exemple, ceux qui n’exercent pas dans une maison de santé – ne pourront pas bénéficier de cet accès direct.
Or, en milieu rural, il y a beaucoup de professionnels qui se déplacent, se rendent chez les patients, mais ne sont pas partie prenante d’une maison de santé ou d’un centre de soins. Très concrètement, ces personnes sont exclues du bénéfice de la mesure.
C’est un peu dommage, parce que je crois que cela aurait permis d’apporter une vraie réponse sur le terrain et, là aussi, de dégager du temps médical. On le sait bien, il faut parfois courir après l’ordonnance de renouvellement de soins, notamment en gériatrie. Et a-t-on vraiment besoin d’aller voir son médecin pour la lombalgie du lundi matin ?
Pour toutes ces raisons, j’espère que les débats se poursuivront et que la rédaction de cet article pourra évoluer au cours de la navette. Je pense en effet qu’on se prive de l’apport de certains professionnels qui ne sont pas pris en considération dans la rédaction de la commission. *
Ce sera donc un « oui, mais » !
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Je tiens à rassurer notre collègue.
Effectivement, nous avons retiré les CPTS du champ de cet article, comme nous l’avions fait à l’article 1er.
Mais il n’y reste pas que les maisons de santé pluriprofessionnelles : il y a aussi les équipes de soins spécialisées, les équipes de soins primaires…
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il n’y en a pas partout !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Certes. Mais elles sont faciles à mettre en place, puisqu’il suffit de trois professionnels pour en créer une : prenez un médecin, un masseur-kinésithérapeute, une infirmière, et vous en avez une !
J’estime qu’on peut encourager les professionnels à travailler ainsi, au plus près du terrain, souvent en partageant une patientèle commune. C’est ainsi que la confiance s’installe et qu’on peut travailler de façon coordonnée.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 1172-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « médecin », sont insérés les mots : « et le masseur-kinésithérapeute » ;
b) Le mot : « peut » est remplacé par le mot : « peuvent » ;
2° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 4321-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est également habilité, dans le cadre du parcours de soins des personnes atteintes d’une affection de longue durée ou d’une maladie chronique ou présentant des facteurs de risques et des personnes en perte d’autonomie, à prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient, dans les conditions fixées par un décret pris après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Académie nationale de médecine. »
II. – (Non modifié) La prescription d’une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient par le masseur-kinésithérapeute ne fait pas l’objet d’un remboursement au titre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Delmont-Koropoulis et Belrhiti, MM. Burgoa, Frassa et Bouchet, Mme Chauvin, MM. Joyandet, Somon, Charon et Cambon et Mmes F. Gerbaud et Malet.
L’amendement n° 26 est présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 38 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini et Mme Pantel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Laurent Somon, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.
M. Laurent Somon. Cet amendement, déposé sur l’initiative de ma collègue Annie Delmont-Koropoulis, vise à supprimer l’article 2 bis.
En effet, convier aux masseurs-kinésithérapeutes en première intention la primo-prescription d’une activité physique adaptée (APA) est un contresens, notamment pour les personnes âgées, car l’APA requiert non pas seulement une approche fonctionnelle, mais une vision globale de l’état de santé, qui va bien au-delà des compétences du masseur-kinésithérapeute, ainsi qu’une évaluation du risque médical du patient, que seul le médecin peut réaliser.
Il n’en va bien sûr pas de même pour le renouvellement de la prescription initiale par le masseur-kinésithérapeute. Son adaptation, déjà prévue par les textes, ne présente donc pas les mêmes difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 26.
Mme Émilienne Poumirol. Notre groupe aussi a déposé un amendement de suppression de l’article.
Les bienfaits de l’activité physique adaptée sont prouvés. De nombreuses recherches ont démontré que l’activité physique et sportive a des bénéfices tant physiques et physiologiques que psychologiques et sociaux, et qu’elle permet de réduire la consommation de certains médicaments.
À titre d’exemple, en cancérologie, l’APA permet la réduction de la fatigue lors des traitements, mais aussi une diminution du risque de récidive, jusqu’à 24 % dans le cas du cancer du sein. Pourtant, son développement reste confidentiel.
L’instauration de la prescription par les masseurs-kinésithérapeutes, notamment pour les personnes en affection de longue durée, d’une activité physique adaptée constitue donc une avancée dans la reconnaissance de l’APA dans le cadre du parcours de soins.
Néanmoins, en l’espèce, le présent article dispose que l’activité physique adaptée ainsi prescrite ne peut pas faire l’objet d’un remboursement au titre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
Or l’absence de prise en charge financière représente un véritable frein au développement de l’APA et à l’accès des patients à cette activité.
De plus, une telle disposition introduit une différenciation entre l’APA prescrite par des médecins, qui peut être remboursée dans certains cas, et celle prescrite par des masseurs-kinésithérapeutes, qui ne peut pas faire l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale. Cette différenciation est difficilement compréhensible et peu justifiable.
Enfin, le texte semble permettre aux masseurs-kinésithérapeutes de prescrire des séances d’APA qu’ils réaliseront eux-mêmes. Cela contrevient au principe déontologique selon lequel on ne peut être à la fois prescripteur et effecteur d’un soin de santé.
Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui défend l’élargissement de l’accès à l’APA et son inscription dans le droit commun, demande la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Nous considérons pour notre part que la primo-prescription d’une activité physique adaptée reste un acte plus global que la prescription d’une simple rééducation ou remise en mouvement. Il faut avoir une appréciation fonctionnelle et globale du patient, pour laquelle la prescription médicale est plus adaptée. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. On en revient à des problèmes de méthode, monsieur le ministre : vous ne nous facilitez pas le travail !
De fait, la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France permet déjà aux masseurs-kinésithérapeutes d’adapter les prescriptions médicales d’APA. Le présent article s’inscrit dans la continuité de ce texte, en leur permettant d’en prescrire.
La commission a cherché à mieux encadrer ces compétences, en prévoyant qu’un décret fixerait les conditions de prescription de l’APA, après avis de la Haute Autorité de santé et de l’Académie nationale de médecine. Ce décret pourra fixer les conditions dans lesquelles une prescription par le masseur-kinésithérapeute est possible et celles, à l’inverse, dans lesquelles une évaluation de l’état de santé du patient par un médecin est indispensable. Il permettra à la HAS de se prononcer sur les bonnes pratiques en matière de prescription de l’APA, selon la situation médicale de chaque patient, parce que – c’est toute la difficulté de ce texte – nous ne souhaitons évidemment pas sacrifier la santé des patients ou leur faire prendre des risques.
La commission a donc émis une demande de retrait ou, à défaut, un avis défavorable sur ces amendements. Toutefois, à titre personnel, je m’en remets à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Vous connaissez tous mon investissement en faveur de la prévention et du sport-santé, pour la prévention primaire, avant la maladie, mais aussi pour la prévention secondaire et tertiaire, quand les patients sont malades, pour éviter une aggravation et éviter des récidives ou des complications.
Dans cet esprit, comme Mme la rapporteure l’a bien rappelé, nous avons, dans la loi du 2 mars 2022, octroyé aux masseurs-kinésithérapeutes la possibilité d’adapter la prescription d’activité physique adaptée en fonction de leur évaluation. Ces professionnels sont tout à fait formés pour cela.
Dans le guide d’utilisation de l’activité physique adaptée qui a été validé par la Haute Autorité de santé, il est précisé que cette prescription doit être précédée d’un examen médical. Celui-ci doit évidemment prendre en compte les antécédents du patient et son mode de vie, mais surtout l’ensemble de son exercice.
Par ailleurs, à la fin de l’année dernière, comme je m’y étais engagé, j’ai mis en place une mission sur le sport-santé, dirigée par le docteur Delandre, qui s’est entouré de sportifs de haut niveau et de l’ensemble des spécialistes français du sport-santé. Elle me rendra ses premières conclusions au mois de mars sur la situation actuelle de la prescription du sport-santé. Je rappelle à ce propos que des lois antérieures ont permis, entre autres choses, la création des maisons sport-santé ; nous en avons déjà plus de 500.
Une fois bien apprécié l’état du sport-santé, cette mission d’expertise formulera des propositions d’évolution sur la prescription de l’APA et du sport-santé. Cette deuxième partie se conclura au mois de juin. Il me semble donc prématuré d’avancer sans attendre les conclusions de cette mission.
Dès lors, au vu de ces éléments et de la nécessité de procéder à un examen médical préalable à la primo-prescription d’une APA, le Gouvernement est favorable à ces amendements de suppression de l’article 2 bis.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. La sagesse personnelle de notre rapporteure nous appelle à temporiser, parce que d’autres points encore doivent être précisés.
En premier lieu, dans sa rédaction actuelle, l’article 2 bis dispose spécifiquement qu’en cas de prescription par un masseur-kinésithérapeute, l’APA n’est pas prise en charge par la sécurité sociale.
Comment donc un Français pourrait-il comprendre que des actes jugés utiles pour la santé soient ou ne soient pas pris en charge selon qu’ils sont prescrits par tel ou tel professionnel ? Concrètement, si quelqu’un va voir un médecin et que celui-ci lui prescrit une APA, le périmètre de prise en charge est certes restreint, mais il y aura généralement droit ; si, en revanche, c’est un kiné qu’il est allé voir, comme le texte l’y autorise, et que ce kiné lui prescrit une APA, comme le texte l’y autorise également, ce ne sera pas pris en charge ! On craint une médecine à deux vitesses, mais ce serait en l’occurrence ajouter une troisième, voire une quatrième vitesse ! Selon les territoires, les patients auront droit à une APA prise en charge, ou n’y auront pas droit. Il faut régler cette question.
En second lieu, prescrire un acte est une chose ; l’effectuer en est une autre, comme l’a rappelé ma collègue Émilienne Poumirol. Je reviens sur ce point parce que des étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) peuvent aujourd’hui recevoir une licence avec mention Activité physique adaptée et santé ; ils sont formés pour pratiquer l’APA.
Les masseurs-kinésithérapeutes qui prescriront une APA adresseront-ils leurs patients vers ces jeunes professionnels ou bien les garderont-ils pour effectuer eux-mêmes les actes ? J’aimerais bien qu’on nous le dise ! Dans le système de santé, celui qui a les compétences les plus restreintes regarde toujours celui qui est au-dessus, parce qu’il veut un morceau de ses attributions, mais il ne regarde pas celui qui a des compétences encore plus restreintes, pour lui transférer les siennes. C’est valable pour les médecins, pour les infirmières, avec la question de la toilette des patients, et ici encore pour l’activité physique adaptée.
Il faut donc, me semble-t-il, prendre le temps nécessaire pour préciser ces points. C’est pourquoi, en attendant, j’appelle clairement notre assemblée à supprimer cet article.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié, 26 et 38 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 27, présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’application de l’article 59 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020. Ce rapport analyse plus largement l’opportunité et la faisabilité d’élargir la prescription de l’activité physique adaptée, de remplacer certains soins de suite et de réadaptation par un programme d’activité physique adaptée en ambulatoire, et d’introduire une fiscalité incitative au sport-santé pour les complémentaires.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement de repli concerne encore l’activité physique adaptée. Je ne m’étendrai pas sur les bienfaits de celle-ci, mais je tiens à évoquer une expérimentation en cours depuis plusieurs mois, même si elle n’a pas encore été évaluée.
Des spécialistes de mon territoire m’ont exposé l’exercice qui est actuellement mené à l’Institut universitaire du cancer de Toulouse, l’IUCT Oncopole. Celui-ci œuvre de concert avec l’association CAMI Sport & Cancer pour offrir une activité physique adaptée à ses patients. Après six mois d’accompagnement des patients, on note que près de trois quarts d’entre eux ont vu diminuer leur fatigue ; deux tiers ont augmenté leur force de préhension ; neuf patients sur dix ont amélioré leur résistance et la souplesse de leurs membres inférieurs ; enfin, 86 % d’entre eux ont amélioré leur endurance.
Aussi, convaincus des bénéfices de l’APA pour les patients, mais contraints par les règles de recevabilité financière – nous avions déjà déposé un amendement en ce sens sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 –, nous avons déposé le présent amendement, qui vise à voir un rapport remis au Parlement sur l’élargissement possible de l’APA et sur son remboursement, de manière à renforcer son efficacité.
Il nous a été suggéré en commission de travailler sur ce sujet au sein du groupe de travail Cancer de notre assemblée. Il me semble effectivement que ce sujet mérite qu’on l’étudie, puisque l’on a maintenant une réelle preuve, par l’expérimentation que j’ai évoquée, mais aussi les travaux de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’efficacité de cette activité et des bienfaits qu’elle pourrait amener, ce qui justifie pleinement son remboursement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, je partage votre approche et votre constat des bénéfices de l’activité physique adaptée pour les patients et notamment les patientes atteints de cancers.
Cet amendement est une demande de rapport. Vous connaissez la position défavorable de la commission à cet égard. En revanche, comme je l’ai dit ce matin en commission – vous l’avez rappelé –, je pense que le sujet pourrait faire l’objet d’études et de débats au sein du groupe d’études Cancer du Sénat, si sa présidente le souhaite.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. L’article 3 de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France prévoit déjà la remise d’un rapport sur la prise en charge par l’assurance maladie des séances d’APA prescrites en application de l’article L. 1172-1 du code de la santé publique.
Par ailleurs, j’ai évoqué voilà un instant la mission présidée par le docteur Delandre. Elle me remettra deux rapports qui seront évidemment à la disposition des parlementaires.
Votre amendement me semble satisfait, madame la sénatrice ; je vous invite donc à le retirer.
M. le président. Madame Poumirol, l’amendement n° 27 est-il maintenu ?
Mme Émilienne Poumirol. Non, monsieur le président ; je vais le retirer. Mais l’expérimentation en question doit durer trois ans, si je ne m’abuse, ce qui nous amène après les jeux Olympiques de 2024. Or j’avais cru comprendre que la perspective des Jeux permettait peut-être d’accélérer le mouvement. En disposant de rapports plus tôt, on pourrait avancer sur ce sujet, que je juge important.
Quoi qu’il en soit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.
Article 3
I. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 4341-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au cinquième alinéa, dans les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1, dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux articles L. 312-1 et L. 344-1 du code de l’action sociale et des familles et dans le cadre des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L. 1411-11-1, L. 6323-1 et L. 6323-3 du présent code, l’orthophoniste pratique son art sans prescription médicale. Un bilan initial et un compte rendu des soins réalisés par l’orthophoniste sont adressés au médecin traitant du patient ainsi qu’à ce dernier et reportés dans le dossier médical partagé de celui-ci. »
I bis. – (Non modifié) Après le 9° de l’article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° Pour les orthophonistes, les modalités d’application du sixième alinéa de l’article L. 4341-1 du code de la santé publique. »
II. – (Non modifié) L’article 74 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 3 est consacré à l’accès direct aux orthophonistes sans prescription médicale.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la formation des orthophonistes a été portée à cinq ans en 2013 et leur donne désormais accès au grade de master.
Favoriser l’accès direct à ces professionnels permettra une meilleure prise en charge des patients, alors que l’on connaît les difficultés rencontrées pour obtenir des rendez-vous chez les orthophonistes.
À ce propos, monsieur le ministre, je me permets de réitérer ma demande : quand allez-vous enfin augmenter le quota des orthophonistes ?
Cependant, la rédaction actuelle de l’article, qui limite l’accès direct aux structures d’exercice coordonné, n’est pas satisfaisante et montre une méconnaissance de cette profession.
Une infime proportion des orthophonistes exerce dans ce type de structures, pour ne pas dire aucune d’entre elles. On peut le regretter, mais c’est un fait. Quand, avec Mme la rapporteure, nous avons auditionné la présidente de la Fédération nationale des orthophonistes, elle nous a exposé qu’il y avait 25 000 orthophonistes, dont 21 000 en cabinet libéral. À Paris, par exemple, sur 750 orthophonistes, six seulement exercent en maison de santé pluriprofessionnelle.
Nous voyons bien qu’il ne faut pas conditionner l’accès direct à l’exercice coordonné, car une telle mesure ne bénéficierait à pratiquement aucun de ces professionnels et risquerait d’induire des accès différenciés entre les patients selon leur lieu de vie.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’attire donc votre attention sur ce point, car l’amendement que j’avais proposé a malheureusement été retoqué.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol, Bonnefoy et Monier, M. Mérillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Après la référence :
L. 1411-11- 1,
insérer la référence :
L. 1434-12,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À défaut, les actes réalisés par l’orthophoniste sont mis à sa charge.
II. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre des structures prévues à l’article L. 1434-12, le sixième alinéa du présent article s’applique à la condition que les modalités de prise en charge et de coordination sans prescription médicale soient inscrites dans le projet de santé de la structure. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement a pour objet l’accès direct aux orthophonistes.
Je partage le diagnostic de Mme Cohen sur le département de Paris : il n’y a quasiment pas d’orthophonistes exerçant au sein de structures telles que les maisons de santé pluriprofessionnelles.
Nous voyons que le cadrage qui est proposé pour les orthophonistes est trop restrictif, d’autant que ces professionnels sont formés au diagnostic et à la prise en charge des patients, ce qui à l’heure actuelle n’est pas le cas des infirmiers, par exemple.
Ce mode d’accès aux orthophonistes fonctionne depuis longtemps. S’il nécessite formellement de passer par un médecin, tout le monde sait comment cela se passe habituellement : le patient demande à son médecin une ordonnance pour être pris en charge par l’orthophoniste ; ce dernier intervient, puis il envoie le bilan au médecin traitant. Tout cela fonctionne bien.
Si j’approuve la suppression de la référence aux communautés professionnelles territoriales de santé pour les autres professions, telle qu’elle était proposée à l’article 1er, que nous avons voté, j’ai été surpris par la volonté de la commission de le faire aussi pour les orthophonistes, et pour le coup je ne suis pas d’accord.
Par cet amendement, je propose donc de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale – vous le voyez, nous sommes très ouverts au Sénat ! (Sourires.) Il s’agit de rétablir la mention des CPTS parmi les conditions de l’accès à l’orthophoniste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission a préféré supprimer l’appartenance à une CPTS parmi les conditions suffisant à autoriser l’accès direct aux IPA, aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
En effet, ces CPTS ne constituent pas une structure d’offre de soins – je pense que vous partagez cet avis, mon cher collègue – et ne garantissent pas un niveau de coordination suffisant entre des professionnels qui, bien souvent, ne partagent pas une patientèle commune.
J’ai hésité, je l’avoue, à supprimer l’appartenance à la CPTS pour les orthophonistes, mais j’ai voulu traiter de façon équitable les différents professionnels de santé, tout en sachant que les enjeux d’accès direct n’étaient pas les mêmes pour les IPA, pour les masseurs-kinésithérapeutes et pour les orthophonistes.
Si j’avais voulu être cohérente jusqu’au bout, j’aurais dû faire en sorte qu’aucune coordination ne soit imposée pour l’accès direct aux orthophonistes, mais alors je serais tombée sous le coup de l’article 40 de la Constitution… Voilà pourquoi j’ai également supprimé cette notion de CPTS pour les orthophonistes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. S’agissant du nombre des orthophonistes et de leur formation, nous comptions, au 31 décembre 2021, quelque 24 208 orthophonistes, dont l’immense majorité – 20 657 – exerçait en libéral ou en exercice mixte. Très peu d’entre eux – 71 – pratiquaient en centre de santé, et un peu plus de 1 000 le faisaient en maisons de santé. Cela montre que les orthophonistes exercent essentiellement de manière isolée et ne sont pas encore intégrés à des équipes de soins.
Il faut tout de même noter que, entre 2012 et 2022, les effectifs d’orthophonistes ont augmenté de 25 % et que le quota de praticiens en formation est passé de 800 à presque 1 000 sur cette même période.
L’adaptation des effectifs aux besoins concerne l’ensemble des professionnels de santé, y compris les orthophonistes. Aussi continuerons-nous de favoriser l’augmentation des effectifs de ces derniers, tant le besoin est important pour la population française.
En ce qui concerne les CPTS, vous savez comme moi qu’elles ont un degré de maturité différent selon les territoires. Je me suis engagé à ce qu’il y en ait partout sur le territoire national d’ici à la fin de l’année, et je compte tenir cet engagement.
Pour autant, j’ai eu la même hésitation que Mme la rapporteure, et je m’en remets donc sur cet amendement à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’y insiste de nouveau, si les orthophonistes sont peu nombreux à travailler dans des structures pluridisciplinaires, la plupart exerçant de manière individuelle, leur statut est insuffisamment reconnu. Nous manquons cruellement d’orthophonistes dans les hôpitaux et dans les centres médico-psychologiques (CMP). Or l’orthophoniste intervient pour remédier aux problèmes du langage de tous ordres, y compris neurologiques.
Lorsque, avec les membres de mon groupe, j’ai visité des services de neurologie dans le cadre d’un tour de France des hôpitaux, on me disait toujours qu’il manquait des kinésithérapeutes. Quand je demandais ce qu’il en était des orthophonistes, dont l’intervention immédiate est primordiale en cas d’aphasie pour éviter une perte de chance, on me répondait : « On se débrouille »…
Monsieur le ministre, je vois que vous portez une attention particulière aux orthophonistes. Aussi, il faut que vous alliez jusqu’au bout et que vous reconnaissiez leurs compétences en leur conférant un autre statut et un autre niveau salarial dans les hôpitaux et dans les CMP. Vous verrez alors que ces praticiens iront travailler dans ces centres !
Par ailleurs, si les orthophonistes travaillent de manière isolée, ils le font toujours, comme l’a dit mon collègue Jomier, en lien de proximité avec les médecins, auxquels ils envoient leurs bilans et leurs comptes rendus de fin de rééducation.
Il n’y a donc pas de souci particulier avec les orthophonistes. Il est dommage qu’ils soient logés à la même enseigne que les autres professionnels, car leur niveau de compétence justifie un accès direct.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je me suis fait la même réflexion que Mme la rapporteure, ainsi que M. le ministre visiblement, et l’article 40 de la Constitution m’a freiné de la même façon. Corinne Imbert a soulevé une notion importante en disant qu’elle voulait se montrer équitable, ce qui signifie être juste. Car l’équité diffère de l’égalité, sauf à verser dans l’égalitarisme.
Les professions ont des caractéristiques et des niveaux d’intervention différents. Lors des travaux en commission, chacun a reconnu que les orthophonistes étaient formés à des prises en charge et diagnostics, à l’instar des sages-femmes, qui ont leurs propres spécificités.
Nous sommes donc obligés de différencier les conditions d’accès, faute de quoi nous entrons dans une forme de nivellement qui n’est pas souhaitable.
Nous sommes d’accord, cet amendement constitue peut-être une cote mal taillée, en cela qu’il ne respecte pas tout à fait le principe que nous aimerions défendre. Mais il le respecte mieux que la rédaction actuelle. En effet, dans de nombreux départements, la rédaction actuelle susciterait très peu d’évolutions.
C’est la raison pour laquelle l’adoption de cet amendement, bien qu’il n’ait pas la pureté que l’on aimerait obtenir, permettrait au moins d’améliorer considérablement la situation.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Anglars. Je partage totalement les réflexions et les arguments de notre collègue Jomier. Le métier d’orthophoniste est singulier et important dans les réseaux de soins, notamment en direction des plus jeunes de nos concitoyens.
Au vu de la présence de ces professionnelles, puisque ce sont essentiellement des dames, pour la majeure partie d’entre elles libérales, au plus près des réseaux d’écoles, en particulier en milieu rural, il est important que l’accès soit direct, dans les conditions évoquées.
Malgré les réserves d’ordre juridique formulées par Mme la rapporteure, il me semble souhaitable d’intégrer au texte cet amendement de M. Jomier, afin qu’un débat ultérieur ait lieu, par exemple en commission mixte paritaire, pour trouver une solution intelligente permettant de conforter cette profession très utile.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 55 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 67 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Pellevat, Bacci et Belin, Mme Férat, MM. Bouchet, de Nicolaÿ, Klinger, Charon, Somon, Bonhomme et Darnaud, Mme Perrot et MM. Hingray et Pointereau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, lorsqu’il est ouvert
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 55.
Mme Laurence Cohen. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié.
M. Daniel Gremillet. Il s’agit simplement de préciser que l’obligation de déposer le compte rendu de bilan orthophonique au dossier médical partagé (DMP) ne vaut que lorsque celui-ci est ouvert.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La loi de 2019 offre en effet au patient la possibilité de refuser l’ouverture de son espace numérique de santé. Mais la disposition ne peut se lire que comme visant les cas dans lesquels le DMP est ouvert. Il ne pourrait pas être reproché à un orthophoniste de ne pas avoir alimenté un DMP qui n’existe pas !
Dans ces conditions, la commission a considéré que ces amendements identiques étaient satisfaits. Elle demande donc leur retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 55 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 55 est retiré.
Monsieur Gremillet, l’amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Dès lors qu’il est satisfait, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Alain Richard.)
PRÉSIDENCE DE M. Alain Richard
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Dans le texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3 bis.
Article 3 bis (nouveau)
Après le 2° bis de l’article L. 162-5 du code de la santé publique, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter Les modalités et les conditions d’indemnisation du médecin au titre d’un rendez-vous non honoré par l’assuré social et les conditions dans lesquelles les sommes ainsi versées sont mises à la charge de ce dernier ; ».
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 28 est présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 50 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 73 rectifié est présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Guerriau, Grand, A. Marc, Pellevat, Somon et Milon et Mmes Dumont et Perrot.
L’amendement n° 86 est présenté par Mmes Poncet Monge et M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 28.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement a pour objet de supprimer les dispositions visant à sanctionner les patients au titre des rendez-vous médicaux non honorés.
La question des rendez-vous non honorés nous appelle avant tout à réfléchir sur les dysfonctionnements de notre système de santé, qui relèvent tant du consumérisme que de la pénurie de médecins. Plutôt que d’apporter une réponse simpliste et stigmatisante, nous devons nous interroger sur la raison de ces rendez-vous manqués.
Or, loin de l’expliquer par une prétendue irresponsabilité des patients ou par un manque de considération à l’égard des soignants, plusieurs études démontrent que la majorité des patients absentéistes sont en situation de précarité ou atteints d’une affection de longue durée, notamment liée à des troubles psychiatriques. S’ils ne se rendent pas à leurs rendez-vous, ce serait avant tout pour des raisons directement liées à leur situation personnelle.
Cet article est sous-tendu par une philosophie libérale de la santé : celle-ci est pensée comme un bien de consommation, avec des demandeurs exigeant une réponse immédiate et des offreurs de soins qui se rencontrent sur un marché libre.
À ce titre, la gestion de la prise de rendez-vous par des plateformes externes dépourvues d’humanité et de flexibilité pose question. En effet, ces plateformes favorisent le consumérisme médical en multipliant les rendez-vous que peut prendre un seul patient. La présence d’une secrétaire médicale connaissant la patientèle permet une prise de rendez-vous bien plus pertinente, car celle-ci peut au besoin reporter un rendez-vous ou le réattribuer à un autre patient en cas d’absence.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend l’idée que la santé est un bien commun, qui doit être préservé de la loi du marché et financé par l’ensemble de la Nation.
Aussi nous opposons-nous à cet article, qui stigmatise des patients avant tout des victimes des dysfonctionnements de notre système de santé, à commencer par l’ubérisation de celui-ci.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 50.
Mme Laurence Cohen. Comme vient de le dire Émilienne Poumirol, nous proposons de supprimer l’article 3 bis, adopté en commission sur l’initiative de notre rapporteure.
Si le phénomène des rendez-vous médicaux non honorés est réel, ceux-ci étant estimés entre 6 % et 10 % de l’ensemble des rendez-vous pris, il nous semble que la réponse envisagée n’est pas la bonne.
Mon groupe et moi-même refusons catégoriquement le principe d’une taxation des malades. Des personnes particulièrement vulnérables ou précaires se trouvent parfois dans l’incapacité psychologique ou matérielle d’honorer des rendez-vous qui avaient été fixés et d’en prévenir le médecin.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les critères qui seront retenus pour évaluer le caractère intentionnel ou non du rendez-vous non honoré. Les délais sont tellement longs pour accéder à certains professionnels que les patients qui n’honorent pas les rendez-vous ne le font vraisemblablement pas de gaieté de cœur.
Au contraire, nous estimons qu’il serait plus pertinent de comprendre les raisons réelles de ces « lapins », si j’ose dire.
Le développement et le monopole de la plateforme numérique Doctolib, pour n’en citer qu’une, en remplacement quasi total des secrétariats humains, joue selon nous un rôle fondamental dans ces annulations. Avec une telle relation dématérialisée, le patient, faute d’un lien personnel et humain, est éloigné du cabinet et de son thérapeute.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons supprimer l’article 3 bis, qui pénaliserait financièrement les patients. Nous suivons en cela la recommandation de l’association France Assos Santé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 73 rectifié.
M. Daniel Chasseing. Je pourrais presque dire que cet amendement est défendu, car je partage tout à fait les propos de mes collègues. La précarité, les troubles psychiatriques ou des problèmes personnels ou familiaux peuvent en effet expliquer ces rendez-vous non honorés.
Si Doctolib a fait son apparition, des patients ont toujours manqué des rendez-vous, pour des raisons parfois légitimes et non fautives. Il serait bien difficile de déterminer le type de preuves qui seraient demandées au patient pour justifier son absence…
Il faut donc, à mon sens, supprimer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 86.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les dispositions de cet amendement de suppression de l’article 3 bis nous invitent à penser la problématique des rendez-vous médicaux non honorés de manière plus globale.
Ce phénomène est en effet accentué par la substitution d’un outil numérique à un contact humain, qui empêche toute régulation relationnelle. Il peut également être appréhendé sous l’angle des inégalités sociales de santé.
Il est dommage que cette proposition ne tienne pas compte des effets du remplacement d’une secrétaire par des plateformes numériques telles que Doctolib pour prendre les rendez-vous.
Cette numérisation de la prise de rendez-vous implique une déshumanisation qui, si elle peut dans certains cas déresponsabiliser le patient, rend aussi l’annulation du rendez-vous difficile pour les milliers de personnes qui sont moins à l’aise avec les outils numériques et qui le feraient plus facilement par un simple appel téléphonique.
Pénaliser, pour autant que cela soit possible, sans analyser le problème risque de se révéler une solution de faible efficacité. En revanche, cette mesure va précariser des patients qui sont déjà socialement vulnérables.
En effet, les études indiquent que les patients en tiers payant social manquent plus fréquemment leurs rendez-vous. Dans sa thèse, le docteur Francis Gatier démontre que « les absences aux rendez-vous des patients précaires surviennent dans le contexte d’un quotidien difficile où la santé n’est pas forcément une priorité ». Parmi les raisons qu’il a mises au jour, il cite la précarité au travail, les contraintes de temps, les rendez-vous multiples, les troubles psychiatriques, les difficultés de gestion ou encore les violences familiales. Ce médecin nous invite donc à considérer les absences liées à la précarité sociale comme des signaux d’alerte.
La mesure dont nous discutons me semble ainsi inapplicable : imagine-t-on vraiment répercuter le coût d’une consultation non honorée sur le remboursement des soins d’une telle population ?
Ainsi, cette proposition ne nous semble en rien résoudre ce problème, qu’il nous faut par ailleurs effectivement traiter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Au travers de cet article introduit en commission, il s’agit non pas de stigmatiser tel ou tel patient, mais de poser sur la table un problème qui nous a été rapporté lors des auditions, à savoir l’augmentation importante du nombre des rendez-vous non honorés.
Comme vous, mes chers collègues, je regrette la numérisation excessive des prises de rendez-vous. En effet, il est très facile de cliquer pour prendre rendez-vous chez tel ou tel professionnel de santé ; à cet égard, les médecins ne sont pas les seuls concernés.
Ces amendements identiques visent donc tous à supprimer l’article 3 bis.
Pourtant, les rendez-vous annulés au dernier moment sans raison légitime ou auxquels les patients ne se présentent jamais réduisent inutilement la file active des professionnels de santé. Le dispositif que nous proposons vise à responsabiliser les patients pour dissuader les comportements non vertueux, et non pas à pénaliser sans discernement les patients. Seuls les patients fautifs pourraient être pénalisés. (Marques de scepticisme sur les travées des groupes SER et GEST.)
Par ailleurs, je le rappelle, l’article 3 bis, tel qu’il est rédigé ici, ne fait que rendre possible une discussion sur cette question entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins. Ceux-ci s’en saisiront ou non lors de la discussion conventionnelle, mais cela leur permettra au moins d’aborder le sujet.
M. Bernard Jomier. Cela reste à voir…
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mon cher collègue, l’article, tel qu’il est rédigé, ne dit pas autre chose ! Il ne prévoit pas un montant de pénalité, il ne dispose pas que les patients qui rateraient un rendez-vous seraient pénalisés au rendez-vous suivant, par exemple.
Une éventuelle convention pourrait définir la forme de l’indemnité versée au professionnel, à la charge du patient. Et la CPAM pourrait recouvrer la somme correspondant sur des remboursements ultérieurs versés au patient au titre d’autres prestations. Mais que l’on ne se méprenne pas : l’article, tel qu’il est rédigé, ouvre le débat au stade des négociations conventionnelles entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins, et c’est tout.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Le Président de la République, lors de ses vœux aux soignants, a précisé que ce problème des rendez-vous non honorés ferait l’objet d’une analyse précise par la sécurité sociale. En effet, le sujet est complexe, probablement plus que l’on ne l’imagine, et j’entends vos remarques.
Vous êtes nombreux à évoquer les plateformes. Or, paradoxalement, les médecins qui sont équipés de plateformes numériques comptent moins de rendez-vous non honorés que les autres – 3,5 %, contre le double pour les autres médecins.
J’ai entamé une discussion avec les plateformes pour déterminer les moyens d’améliorer encore la situation. Celles-ci disposent de solutions techniques, par exemple bloquer l’annulation d’un rendez-vous dans les quatre heures précédant l’horaire prévu.
Nous nous trouvons dans une phase d’équilibre, avec, d’un côté, le risque de renoncer aux soins pour les patients, en particulier les plus précaires, et, de l’autre, le fait de bloquer des plages de rendez-vous au détriment d’autres patients, au moment même où nous avons besoin de plus de créneaux pour nos patients.
Je crains que nous ne disposions pas encore d’une analyse précise des tenants et aboutissants de ce problème. Il me semble donc prématuré d’introduire ce mode dans la convention, d’autant que la négociation de celle-ci pose un certain nombre de difficultés.
Pour ces raisons, je souhaite que nous poursuivions l’analyse et le diagnostic et j’émets un avis favorable sur ces amendements de suppression de l’article 3 bis.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Les données sont tout de même très variables sur le sujet, et les conséquences des rendez-vous non honorés ne sont pas les mêmes selon le mode de gestion adopté par le professionnel de santé.
Par ailleurs, une véritable question sociale se pose. Madame la rapporteure, vous ne mettez pas simplement les choses sur la table ; vous proposez une solution, qui consiste à confier aux partenaires conventionnels le soin de déterminer de quelle manière mettre à la charge du patient ou de l’assuré social – c’est rédigé ainsi –, les sommes à verser au médecin.
Est-ce vraiment l’objet des négociations conventionnelles ? Je ne le crois pas, d’autant que vous étendez le dispositif, par un amendement à venir, à toutes les professions de santé. Ce ne sera donc pas une, mais toutes les conventions qui seront concernées. À mon sens, ce n’est pas le rôle des professionnels de santé que d’établir des sanctions pour les patients dans les négociations conventionnelles.
Certes, une question se pose, qui mérite d’être débattue, mais nous n’en sommes absolument pas au stade de l’édiction d’une sanction, car ce serait injuste pour les assurés sociaux. Si cette proposition de loi aboutit à sanctionner les gens qui n’ont pas pris de rendez-vous alors que nous sommes dans une situation de pénurie, l’incompréhension risque d’être totale.
Je propose donc que l’on reporte la résolution de ce problème à un autre texte, par exemple le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et que l’on effectue d’ici là une concertation au fond et un travail sur les données.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Notre rôle n’est pas d’être dans la nostalgie. On peut certes regretter le temps où les rendez-vous se prenaient par téléphone, mais les choses sont ce qu’elles sont : les prises de rendez-vous se font désormais sur des plateformes telles que Doctolib. Il faut s’adapter à la réalité numérique et faire en sorte que les pratiques soient les plus humaines possible.
J’ai entendu les arguments de Mme la rapporteure. On a toujours de bonnes raisons, mes chers collègues, de repousser la responsabilisation et la régulation dans ce pays !
Bien évidemment, si quelqu’un ne se présente pas à un rendez-vous en ayant un motif valable, ce ne sera pas un problème. Cela étant, une consultation médicale n’est pas un produit de consommation comme un autre ; elle a une valeur. Il faut mettre fin aux pratiques trop souvent consuméristes.
C’est la raison pour laquelle je voterai la proposition de Mme la rapporteure, qui me semble nécessaire. La santé, je le répète, n’est pas un produit de consommation.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis d’accord, les rendez-vous ont de tout temps posé problème. Certains patients sont insouciants, mais ils sont rares. J’ajoute qu’il sera très difficile de prouver qu’il y a eu faute. Le risque est donc de créer une usine à gaz !
Pour ces raisons, je suis favorable à la suppression de l’article 3 bis.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Si nous avons adopté cet article en commission, c’est parce que nous avons senti l’exaspération d’un certain nombre de médecins, selon lesquels 22 000 rendez-vous ne seraient pas honorés chaque année, soit l’équivalent de 4 000 équivalents temps plein.
Je pense que nous n’en sommes pas là, mais même si ce nombre était inférieur de moitié, il serait énorme. Ce sont autant de consultations en moins pour ceux de nos concitoyens qui ont besoin de consulter un médecin. C’est un enjeu auquel il faut être attentif.
Certes, la solution proposée n’est sans doute pas la bonne, mais l’article de la commission vise à engager une réflexion sur ce problème. Il s’agit de permettre à la Cnam de disposer de chiffres fiables, afin de prévoir dans la convention médicale, en concertation avec les médecins, un dispositif d’indemnisation, et afin de réduire le phénomène, qui est grandissant.
Les personnes peu scrupuleuses qui n’honorent pas leur rendez-vous ont été capables de le prendre, par téléphone ou sur la plateforme. Pourquoi ne pourraient-elles donc pas l’annuler et s’excuser ? Quand on réserve une table au restaurant – certes, comparaison n’est pas raison ! –, on nous demande aujourd’hui notre numéro de carte bleue. Et parce que ce n’est pas le cas pour un rendez-vous médical, on pourrait ne pas l’honorer ? Je dis : stop, cela suffit !
Qu’on réfléchisse à une mesure efficace pour éduquer l’ensemble des assurés, pour qu’ils se montrent plus élégants et qu’ils pensent aux autres !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je voterai les amendements de suppression, même si je comprends cet article. Les rendez-vous non honorés sont insupportables et ils entraînent une embolisation des salles d’attente. Il faut mettre fin à cette pratique, ou en tout cas la limiter, car elle n’est plus acceptable.
L’intention de la commission n’est nullement de stigmatiser qui que ce soit ; elle est de tenter de résoudre un problème. Il faut donc saluer la solution qui est mise sur la table aujourd’hui, même si elle n’est peut-être pas mûre, car elle permet d’engager la discussion.
Je pense qu’il sera très difficile de déterminer si un rendez-vous n’est pas honoré pour des raisons valables ou non. En outre, des recours seront possibles, qui donneront lieu à des contentieux. Je ne vois pas trop quelle forme le dispositif pourrait prendre.
Je pense qu’il faut lutter contre les dérives. Pour autant, je voterai la suppression de l’article, car je pense que le dispositif proposé n’est pas abouti.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28, 50, 73 rectifié et 86.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 120 |
Contre | 200 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Iacovelli, Mme Schillinger, MM. Hassani et Lévrier, Mme Havet, M. Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le premier alinéa de l’article L. 160-12 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles peuvent également faire l’objet d’un recouvrement d’une pénalité en cas de rendez-vous non honorés dont le montant et les modalités d’application sont définis par décret. »
II. – Le premier alinéa de l’article L. 1111-3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est également informée des frais de pénalité auxquels elle pourrait être exposée en cas de récidive de rendez-vous non honorés. »
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Chaque année, environ 27 millions de rendez-vous ne seraient pas honorés, alors que, sur la même période, 1,6 million de Français renoncent à des soins médicaux faute de médecins disponibles. On l’a dit, ce n’est plus possible !
La première des choses à faire serait peut-être d’informer les Français qu’autant de rendez-vous ne sont pas honorés. La pédagogie pourrait permettre de les responsabiliser.
S’il était facile de trouver une solution à ce problème, celle-ci aurait sans doute déjà été trouvée et mise en œuvre, vous l’avez dit, monsieur le ministre. Il faut une fois encore effectuer un travail d’équilibriste et tenter de résoudre l’équation suivante : responsabiliser les patients sans mettre en péril leur accès aux soins et regagner du temps médical sans créer de risques de fraude sociale.
C’est pour cette raison que nous avons travaillé à une solution différente, plus juste. Nous proposons d’instaurer une pénalité d’un euro symbolique lorsqu’un rendez-vous n’est pas honoré. Les sommes ainsi recouvrées serviraient à financer de nouvelles mesures au profit de notre système de santé.
Surtout, nous proposons d’instiller une dose de flexibilité dans le dispositif et de prendre en considération la récidive : la pénalité ne serait pas due dès le premier rendez-vous non honoré.
Enfin, notre amendement tend à prévoir l’information du patient sur cette pénalité. La rédaction que nous vous soumettons est donc un compromis.
Il n’existe évidemment pas de solution unique. Ce que nous souhaitons, c’est participer à la réflexion sur ce sujet, afin de parvenir à résoudre ce problème.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article. Il tend à prévoir une pénalité en cas de récidive lorsqu’un patient n’honore pas un rendez-vous.
Les auteurs de l’amendement partagent l’objectif de la commission, qui est de réduire la proportion de rendez-vous non honorés.
Toutefois, l’article, tel qu’il est rédigé et modifié le cas échéant par l’amendement n° 90 de la commission, qui vise à étendre le dispositif prévu à tous les professionnels de santé, semble préférable, et cela à un double titre.
Tout d’abord, il prévoit une indemnité en faveur du professionnel de santé, alors même que l’absence du patient lui fait perdre du temps utile aux soins.
Ensuite, il laisse aux partenaires conventionnels le soin de définir les conditions de l’indemnisation du professionnel et de sa mise à la charge de l’assuré social.
Le dispositif est donc plus souple et pourra tout à fait prévoir que l’indemnisation ne s’applique qu’en cas de récidive, bien sûr.
La commission demande par conséquent le retrait de cet amendement, au profit de l’amendement de la commission ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Je partage, je l’ai dit, l’inquiétude que suscitent les rendez-vous non honorés, et je comprends le besoin de faire quelque chose.
Toutefois, le diagnostic est encore incertain. Or, peut-être ne suis-je pas un bon médecin, mais quand le diagnostic est incertain, je me méfie et je ne prescris pas un traitement dont je ne suis pas sûr de l’efficacité.
Pour cette raison, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Je vais le retirer, monsieur le président, mais je rappelle au préalable que les médecins que la commission a auditionnés et ceux que nous rencontrons quotidiennement ne demandent pas de compensation financière des rendez-vous non honorés. Ils souhaitent que l’on trouve des solutions pour réduire le nombre de ces rendez-vous.
Je pense que le dispositif que nous proposons, qui est calqué sur la retenue d’un euro pratiquée sur le montant de chaque consultation, permettrait de ne pas pénaliser le patient tout en l’incitant à faire preuve de responsabilité à l’égard du professionnel de santé. Je le répète, les médecins ne demandent pas de compensation lorsqu’un rendez-vous n’est pas honoré.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 48 rectifié est retiré.
L’amendement n° 90, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Après le 1° de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 1° … ainsi rédigé :
II. – Alinéa 2
1° Remplacer la référence :
2° ter
par la référence :
1° …
2° Remplacer le mot :
médecin
par les mots :
professionnel de santé
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir l’indemnisation, à la charge du patient défaillant, de tout professionnel de santé, et non pas des seuls médecins, concerné par un rendez-vous non honoré.
En effet, si seuls les syndicats de médecins nous ont alertés lors de leurs auditions sur les difficultés auxquelles ils font face en raison des rendez-vous non honorés, il apparaît nécessaire d’étendre à tous les professionnels de santé le dispositif de l’article 3 bis.
L’amendement vise en outre à corriger une erreur rédactionnelle.
Nous faisons tous le constat que les rendez-vous non honorés posent problème et qu’ils représentent du temps médical perdu, un temps qui pourrait être consacré à la prise en charge d’autres patients, parfois précaires. Pour autant, je souhaite que l’on ne stigmatise personne. Peut-être que notre débat, dont les médias se sont saisis – comme si c’était le seul sujet important de cette proposition de loi ! – aura un effet pédagogique.
Enfin, je partage le point de vue de notre collègue Iacovelli : chacun doit prendre conscience que la médecine n’est pas un bien de consommation et que nous devons tous en être responsables, pour que notre système de santé ne soit pas malmené comme il l’est aujourd’hui. Il est facile de cliquer sur une plateforme de prise de rendez-vous. C’est plus simple que d’appeler plusieurs fois la secrétaire du cabinet médical ou de la maison de santé ! Que nous ayons tous conscience du problème, c’est déjà une bonne chose.
Je ne dis pas que l’article 3 bis est la solution ; je vous propose néanmoins d’adopter l’amendement n° 90 de la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Si j’ai des doutes sur le nombre de consultations non honorées chez les médecins, je n’ai aucune idée de ce qu’elles représentent chez les autres professionnels de santé.
Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3 bis, modifié.
(L’article 3 bis est adopté.)
Article 4
Le premier alinéa de l’article L. 4393-8 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut, sous condition d’avoir obtenu à cette fin un titre de formation, une autorisation ou un certificat de qualification définis par voie réglementaire, contribuer aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à des soins postchirurgicaux. »
M. le président. L’amendement n° 57, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après le mot :
formation
insérer le mot :
universitaire
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Depuis la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, les assistants dentaires peuvent assister le chirurgien-dentiste ou le médecin intervenant en chirurgie dentaire et contribuer aux activités de prévention et d’éducation à la santé bucco-dentaire.
L’article 4 permettrait aux assistants dentaires d’exercer en tant qu’assistants en médecine bucco-dentaire dans le cadre de la pratique avancée et les autoriserait à contribuer aux actes d’imagerie à visée diagnostique, prophylactique et orthodontique, ainsi qu’à des soins post-chirurgicaux.
Selon l’ordre des chirurgiens-dentistes, la formation nécessaire pour acquérir de telles compétences pourrait se dérouler en deux ans, dans le cadre d’une formation continue. La commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle des cabinets dentaires et le ministère de la santé et de la prévention travaillent à la maquette de cette formation diplômante.
Mme la rapporteure a conditionné l’accomplissement des nouvelles missions à une formation spécifique. Cette condition peut paraître de bon sens, mais nous souhaitons, par cet amendement, préciser que cette formation sera délivrée par les universités. Il s’agit de garantir un égal accès à une formation de qualité et d’éviter que ne soient créées des formations à deux vitesses, le risque étant que des organismes privés ne délivrent des qualifications à des tarifs prohibitifs pour une qualité peut-être incertaine.
Renforcer l’attractivité des métiers passe, selon nous, par une revalorisation du rôle des universités, en l’occurrence des facultés de chirurgie dentaire.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à prévoir que la formation permettant à un assistant dentaire de contribuer aux soins sera de nature universitaire.
La formation permettant d’accéder aux missions d’assistant dentaire de niveau 2 fait actuellement l’objet de discussions entre la branche professionnelle et le ministère. M. le ministre pourra confirmer l’état des échanges, mais la formation pourrait prendre en compte l’expérience des assistants dentaires, se dérouler en alternance et ne pas être nécessairement universitaire. Il nous semble donc préférable de ne pas rigidifier le projet de loi sur ce point.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Je partage le point de vue de Mme la rapporteure sur cette formation.
Nous travaillons actuellement avec la branche professionnelle pour consolider la formation des futurs assistants dentaires. Ceux qui sont en exercice suivent une formation dispensée par des centres de formation agréés par la branche.
Vouloir à tout prix l’« universitariser » imposerait de reprendre le travail à zéro avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une telle démarche impliquerait un travail beaucoup plus long, sans pour autant accroître la qualité de la formation. En outre, elle aurait pour effet de retarder l’arrivée de ces assistants dentaires.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article 4 bis
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le chapitre III bis du titre IX du livre III de la quatrième partie est complété par un article L. 4393-18 ainsi rédigé :
« Art. L. 4393-18. – Le nombre d’assistants dentaires contribuant aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques ou à des soins postchirurgicaux ne peut, sur un même site d’exercice de l’art dentaire, excéder le nombre de chirurgiens-dentistes ou de médecins exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire effectivement présents. » ;
2° (Supprimé) – (Adopté.)
Article 4 ter
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° À la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 1435-5, après le mot : « médecins », sont insérés les mots : « , l’ordre des chirurgiens-dentistes, l’ordre des sages-femmes, l’ordre des infirmiers » ;
3° À l’article L. 6111-1-3, après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « et les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 » ;
4° L’article L. 6314-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État mentionnés à l’article L. 162-9 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162-12 et L. 162-32-1 du même code ont vocation à concourir à la mission de service public de permanence des soins dans les conditions définies à l’article L. 1435-5 du présent code. Tout autre chirurgien-dentiste, sage-femme ou infirmier ayant conservé une pratique de sa profession a vocation à y concourir, selon des modalités fixées contractuellement avec l’agence régionale de santé. Les mesures d’application du présent alinéa, notamment les modalités de rémunération des professionnels de santé concernés, sont fixées par décret. »
M. le président. L’amendement n° 33, présenté par MM. Iacovelli, Hassani, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° L’article L. 1110-4-1 est ainsi rétabli :
« Art. L. 1110-4-1. – Les usagers du système de santé bénéficient de la permanence des soins dans les conditions prévues au présent code.
« Les établissements de santé et les autres titulaires de l’autorisation mentionnée à l’article L. 6122-1 ainsi que les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État sont responsables collectivement de la permanence des soins mentionnée aux articles L. 6111-1-3 et L. 6314-1. » ;
La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai également l’amendement n° 32 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Patriat, Iacovelli, Hassani, Lévrier et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, des communautés professionnelles territoriales de santé telles que définies à l’article L. 1434-12 du présent code
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Xavier Iacovelli. L’amendement n° 33 vise à réintroduire la notion de responsabilité collective dans la mise en œuvre de la permanence des soins.
Nous souhaitons tous, dans cet hémicycle, nous assurer que nos concitoyens puissent trouver, lorsqu’ils en ont besoin, des professionnels de santé en ville, plutôt que d’avoir à se diriger vers les services d’urgence, déjà surchargés.
La responsabilité est pour nous essentielle, car elle est la seule à permettre qu’une phrase figurant dans un texte voté devienne une réalité dans nos territoires. La mention « collective » l’est tout autant, car c’est uniquement en collaborant avec les professionnels de santé que l’on pourra répondre à l’enjeu que constitue la permanence des soins, en faisant en sorte que certains n’en portent pas plus le poids que d’autres.
L’amendement n° 32 rectifié, quant à lui, vise à prévoir que les communautés professionnelles territoriales de santé, comme les ordres des professionnels de santé concernés, puissent être associées à l’organisation de la permanence des soins par les agences régionales de santé.
Encore une fois, la collaboration doit être au cœur du modèle que nous proposons, au plus près des territoires, en prenant en compte l’avis de ceux qui les connaissent le mieux et surtout de ceux qui, demain, devront être les acteurs centraux de la permanence des soins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement n° 33 vise à rétablir les dispositions relatives à la responsabilité collective des professionnels en matière de permanence des soins, lesquelles ont été supprimées par la commission.
En effet, ces dispositions ne reviennent pas sur le principe du volontariat et inquiètent inutilement les professionnels. C’est la raison pour laquelle la commission a choisi de les supprimer, tout en laissant subsister les dispositions qui permettent aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux infirmiers de participer à la permanence des soins dans leur domaine de compétence respectif.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 33.
L’amendement n° 32 rectifié tend à associer les communautés professionnelles territoriales de santé à la définition des modalités de mise en œuvre de la permanence des soins. La loi associe déjà à cette définition les représentants des professionnels de santé, dont les ordres professionnels et les centres de santé. Les CPTS participent déjà à la mise en œuvre de la permanence des soins, quand elles existent sur le territoire.
Je rappelle, par ailleurs, que la permanence des soins est assurée dans 96 % des territoires les week-ends et dans 95 % d’entre eux en soirée. Ce dispositif fonctionne, même si un peu moins de 40 % des médecins généralistes seulement y participent.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 32 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Je vous remercie, monsieur Iacovelli, de remettre le sujet de la responsabilité collective sur la table, si je puis dire.
Même si la permanence des soins est assurée, d’après le conseil de l’ordre, dans 84 % des territoires, force est de constater qu’elle revêt des aspects extrêmement différents. Elle peut ainsi être assurée par une simple maison médicale de garde n’effectuant plus de visites ou ne faisant que des visites, mais pas de consultations, ce qui n’est pas tout à fait satisfaisant.
Je suis particulièrement attaché au principe de responsabilité collective, car il est plus efficace qu’une coercition ou qu’une obligation individuelle. Lorsqu’on laisse les professionnels de santé s’organiser sur un territoire, ils le font – on l’a vu cet été lors de la crise des services d’urgence – et ils mettent en œuvre collectivement cette organisation, que ce soit à l’échelle d’un centre de santé ou d’un territoire.
Lors des discussions que j’ai eues au cours des 250 réunions du Conseil national de la refondation sur le volet santé, la notion de responsabilité collective est revenue à chaque instant.
Intégrer les autres professionnels de santé est aussi essentiel, comme on l’a vu cet été. Ainsi, dans certains départements, des infirmières de garde peuvent intervenir dans les Ehpad. D’autres sont intervenues, grâce à un outil de télémédecine, dans le cadre des urgences, lorsque des visites étaient nécessaires.
Pour ces raisons, je suis extrêmement favorable à l’amendement n° 33.
J’en viens à l’amendement n° 32 rectifié. Il est déjà de la responsabilité du conseil départemental de l’ordre des médecins d’assurer la permanence des soins. L’organisation peut aussi revenir à la CPTS, bien que cela ne soit pas l’une de ses missions.
Une mission sur les CPTS va être lancée, ces communautés ayant, je l’ai dit, des niveaux de maturité extrêmement différents. Je suis d’ailleurs à votre disposition pour venir en discuter au Parlement.
Je vous prie donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer l’amendement n° 32 rectifié, le temps que cette mission puisse nous expliquer le fonctionnement des CPTS ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Iacovelli, l’amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
M. Xavier Iacovelli. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 32 rectifié est retiré.
L’amendement n° 23, présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le deuxième alinéa de l’article L. 6314-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La permanence des soins ambulatoires n’a pas vocation à être assurée au-delà de 23 heures. » ;
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement porte sur la permanence des soins ambulatoires (PDSA).
L’article précise que les professionnels de santé « ont vocation à » contribuer à la permanence des soins. Or l’acception juridique usuelle de « a vocation à » est : « remplit les conditions pour pouvoir ». Si tel est le sens de cet article, il est bavard et n’a strictement aucun intérêt.
Une autre interprétation juridique est-elle possible ? J’aimerais que les choses soient très claires. Ce « a vocation à » donne-t-il aux agences régionales de santé la faculté d’édicter une obligation pour les personnels concernés ?
Le présent amendement vise à rappeler que l’on ne demande pas à des professionnels de soins de ville de participer à une PDSA en nuit profonde ; c’est d’un intérêt extrêmement réduit. Il tend donc à prévoir que la PDSA n’a pas vocation à être assurée au-delà de vingt-trois heures.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les modalités d’organisation de la permanence des soins sont définies localement par les agences régionales de santé, qui établissent un cahier des charges régional tenant compte des besoins de soins non programmés.
Si la permanence des soins ambulatoires est très largement assurée en soirée et le week-end, le niveau de couverture est en revanche d’ores et déjà beaucoup plus faible en nuit profonde : le Conseil national de l’ordre des médecins fait état de 77 % de zones blanches.
La commission préfère laisser aux agences régionales de santé le soin de définir les modalités d’organisation les mieux adaptées aux besoins de chaque territoire.
L’expression « a vocation à » est déjà utilisée dans le code de la santé publique. Elle ne modifie en rien l’état actuel du dispositif.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. J’émets également un avis défavorable sur cet amendement, car la permanence des soins en nuit profonde existe dans un quart de nos territoires. Il faut procéder à une analyse fine, car la situation est différente dans les territoires très ruraux et urbains.
Lorsqu’il n’y a pas de permanence des soins, le report se fait de façon systématique sur les services d’urgence, là aussi mal à propos, là aussi la nuit, là aussi en transportant à l’hôpital des personnes, la plupart du temps âgées, alors que ce n’est pas nécessaire.
Je pense qu’il faut laisser aux territoires, dans une logique de responsabilité collective, le soin d’adapter les horaires de la permanence des soins, en concertation avec l’ensemble des acteurs. Nos concitoyens doivent pouvoir obtenir une réponse médicale en nuit profonde, laquelle passe par la régulation médicale assurée par le service d’accès aux soins.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je n’ai pas entendu de réponse claire sur la transformation du « a vocation à » en obligation par les agences régionales de santé. Je maintiens que cette ambiguïté est préjudiciable à la clarté du texte.
Par ailleurs, la PDSA en nuit profonde est d’un intérêt très réduit. Certes, elle existe, mais nous sommes dans une situation de pénurie de moyens. Aucun service d’urgence n’est saturé parce que des gens s’y présentent en nombre après vingt-trois heures ! Ces services sont saturés parce que des gens y arrivent bien plus tôt et y stagnent.
Quand il faut prioriser l’allocation de moyens, on ne demande pas aux soignants de ville de travailler à minuit, à deux heures ou à quatre heures du matin, alors qu’il est important qu’ils travaillent pendant la journée, aux heures où la demande de soins est la plus importante.
Je maintiens le bornage à vingt-trois heures, essentiellement parce que je n’ai pas obtenu de réponse sur le « à vocation à ».
M. le président. La parole est à M. le ministre. Peut-être précisera-t-il une expression qui n’est effectivement pas très satisfaisante sur le plan juridique…
M. François Braun, ministre. Monsieur Jomier, vous connaissez mon opposition à la coercition. Bien entendu, « a vocation à » ne signifie pas pour moi obligation.
M. le président. L’amendement n° 30, présenté par M. Jomier, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et Bonnefoy, M. Mérillou, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les professionnels dont l’âge excède 55 ans n’ont pas vocation à participer à la permanence des soins. Ils y concourent s’ils le souhaitent.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement vise à fixer l’âge au-delà duquel il ne peut être demandé à un professionnel de santé de participer à la PDSA.
Je précise que cet amendement ne vise pas à empêcher des professionnels de santé de participer à la PDSA. Un professionnel âgé de 58 ans ou 60 ans peut y participer, jusqu’à la fin de son activité professionnelle.
En revanche, je propose d’inscrire dans le texte une limite d’âge si la participation à la permanence devait être obligatoire, afin que l’on ne demande pas à un professionnel de santé âgé de plus de 55 ans de participer à la PDSA.
On parle assez des questions de pénibilité, de fatigabilité. Les professionnels qui exercent en ville sont déjà soumis à des rythmes intenses – nous en discutons assez régulièrement – et à une surcharge de leur activité. C’est pourquoi, imposer, après l’âge de 55 ans, la participation à la PDSA est problématique – je relève d’ailleurs que c’est une demande émanant d’un certain nombre d’organisations de professionnels de santé.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse personnelle sur une telle obligation – elle est évidemment de grande valeur, certainement plus que ma réponse ! –, mais je ne suis pas sûr qu’elle s’impose en droit. Or c’est ce à quoi, pour ma part, je suis avant tout attentif.
Aussi, je maintiens mon amendement, qui tend à instaurer une telle limitation.
M. le président. Mon cher collègue, écrire « ne sont pas tenus » eût été plus sûr juridiquement…
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La permanence des soins – c’est le second amendement au travers duquel nous abordons cette question – est déjà fondée, depuis le début des années 2000, sur le principe du volontariat. Ce dernier, quel que soit l’âge du médecin, n’est remis en cause ni par cette proposition de loi ni par les propos que M. le ministre vient de tenir.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 ter.
(L’article 4 ter est adopté.)
Après l’article 4 ter
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Sautarel, Cadec, Panunzi, Perrin, Rietmann et Klinger, Mmes Estrosi Sassone, Dumont et Belrhiti, MM. Frassa, Bonhomme, Chatillon, Somon, Pointereau, Genet, Belin, Laménie, Charon et Tabarot, Mme Noël, M. Gremillet et Mme Bellurot, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-…. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, le directeur général de l’agence régionale de santé détermine par arrêté, après concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins, les zones dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins. Dans ces zones, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone.
« Un décret, pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins, fixe les conditions d’application du présent article. »
II. – En l’absence de convention conclue dans les conditions prévues au 21° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, le I du présent article entre en vigueur le 1er juillet 2023.
Six mois avant la fin de l’expérimentation prévue au même I, un comité composé de députés, de sénateurs, de représentants de collectivités territoriales, des administrations compétentes de l’État et des ordres de professions de santé concernées procède à l’évaluation de la mise en œuvre du présent article et propose les mesures d’adaptation qu’il juge nécessaires. Le rapport établi par ce comité est transmis au Gouvernement ainsi qu’au Parlement.
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Le présent amendement a pour objet d’étendre le conventionnement sélectif des médecins à titre expérimental pendant trois ans dans les zones sous-dotées, ce qui est sans doute l’une des meilleures façons d’améliorer l’accès aux soins.
La voie du conventionnement sélectif permettrait de réguler l’installation des médecins. Des précédents existent, qui ont montré leur efficacité. Des professions médicales ou paramédicales sont déjà soumises à une obligation d’installation dans des zones insuffisamment desservies, par le biais du conventionnement, et la convention nationale de la profession avec l’assurance maladie est habilitée à subordonner le conventionnement d’un professionnel à son installation dans une zone tendue.
Par ailleurs, la régulation, qui s’oppose moins frontalement à la liberté d’installation des médecins, est présentée comme une troisième voie équilibrée entre l’incitation et la coercition.
Le conventionnement d’un médecin à l’assurance maladie ne serait ainsi autorisé que dans le cas d’un départ d’un autre médecin. Cette mesure permettrait de renforcer l’accès aux soins dans tous les territoires, en réorientant progressivement les installations des médecins vers les zones intermédiaires et les zones sous-denses.
Il s’agit donc de proposer une expérimentation, qui serait menée durant trois années, pour répondre à l’urgence de la détresse d’un nombre toujours plus élevé de nos concitoyens, privés de tout accès à un médecin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cette discussion nous ramène aux débats sur le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale…
Le conventionnement sélectif n’est pas une solution aux problèmes de la démographie médicale ; il ne conduirait, dans les conditions actuelles, qu’à répartir la pénurie. En effet, les zones sous-dotées représentent aujourd’hui, vous le savez tous, mes chers collègues, presque 90 % du territoire national.
Une telle politique risquerait au contraire de décourager l’installation de jeunes médecins et d’entamer encore plus l’attractivité de la médecine générale. Comme je l’ai souligné lors des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), je crois aux négociations conventionnelles – elles sont en cours –, car elles permettront de définir les conditions dans lesquelles les médecins doivent participer à l’accès de tous aux soins, qu’il soit territorial ou financier.
La commission a en conséquence émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de poser la question du conventionnement sélectif.
Comme je l’ai déjà indiqué, je suis opposé aux mesures de coercition – le conventionnement sélectif en est une –, non pas par dogmatisme, mais parce qu’elles ne fonctionnent pas. C’est d’autant plus vrai que nous sommes confrontés à une situation de pénurie dans ce domaine, Mme la rapporteure l’a rappelé, ce qui n’est pas le cas pour d’autres professions de santé, pour lesquelles, en conséquence, cette obligation d’installation, pour ainsi dire, pourrait constituer une solution intéressante.
Par ailleurs, on dit souvent que les médecins ne sont pas soumis à une telle obligation. Permettez-moi de m’inscrire en faux : un médecin qui souhaite exercer dans le service public hospitalier ne va pas où il veut, mais là où il y a des postes vacants, ce qui représente déjà une certaine forme d’obligation pesant sur les médecins.
Quelles seraient les conséquences d’une telle décision ? Mme la rapporteure l’a dit, elles seraient extrêmement néfastes ; nous subirions les effets inverses de ceux que nous escomptons.
Premier effet, les jeunes médecins, avec qui j’ai discuté, ne choisiront plus la médecine générale. Comme vous le savez, lorsqu’ils choisissent leur spécialité d’internat, il y a toujours un nombre de postes supérieur au nombre de médecins. Aussi, pour ne pas être contraints de s’installer, ils ne choisiront plus la médecine générale… Ce n’est évidemment pas du tout ce que nous voulons.
Deuxième effet, les jeunes qui ont choisi la médecine générale suivront, à l’issue de leur parcours, les formations spécialisées transversales (FST) permettant d’acquérir des compétences en médecine du travail ou en médecine médico-légale, par exemple, et ils les utiliseront afin de ne pas être obligés de s’installer.
Troisième effet, ceux qui souhaitent faire de la médecine générale, mais qui refusent l’obligation d’installation, préféreront choisir l’exercice salarié dans des maisons de santé – il y en a de plus en plus –, qu’ils plébiscitent. La majorité de ces maisons de santé se situent malheureusement en milieu urbain, plutôt qu’en milieu rural – je ne parlerai pas de zones que l’on qualifie de surdotées ou de sous-dotées, car je ne sais pas à quelle réalité elles renvoient véritablement.
Quatrième effet, dans le grand mercato international des médecins – nous ne sommes pas les seuls à connaître cette situation de déficit –, les jeunes partiront à l’étranger, tout simplement. Des ponts d’or sont en effet offerts à nos médecins, qui sont particulièrement bien formés, pour partir s’installer au Canada, au Luxembourg, en Suisse, en Allemagne, voire aux Émirats arabes unis.
Au total, si cette solution de conventionnement sélectif peut paraître séduisante au premier abord, je suis certain que ses effets seront contre-productifs.
En revanche, il existe d’autres outils pour favoriser l’installation dans les zones sous-denses – je les avais détaillés à l’occasion de l’examen du PLFSS –, dont l’efficacité est plus rapide. Je pense au guichet unique et à la possibilité de favoriser l’installation, mais aussi et surtout le maintien, dans ces zones d’accès plus difficiles pour les médecins.
D’autres mesures peuvent être envisagées à moyen terme, à l’instar des stages des internes au cours de la quatrième année de médecine générale ou de ceux qui sont accomplis plus tôt.
À plus long terme, l’une des mesures est le « parcours réussite » que les jeunes suivent le plus tôt possible, car la meilleure chance pour qu’un médecin s’installe dans une zone sous-dense, c’est qu’il en soit issu – près de sept sur dix reviendront s’y installer. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous avons d’autres solutions.
J’évoquerai un dernier point, qui est pour moi un facteur majeur d’inégalité absolue entre les médecins. Lorsque l’on prévoit qu’un jeune ne peut s’installer dans une zone dite surdense que si un autre médecin s’en va, qu’est-ce qui résulte d’un tel parallèle ? Eh bien, des médecins, dans ces zones agréablement pourvues, disons-le ainsi, vendront leur clientèle… Grand bien leur fasse, mais le médecin qui, lui, est dans une zone déficitaire ne vendra jamais sa clientèle, alors qu’il travaille très dur depuis des années.
Je pense sincèrement que cette solution n’est pas la bonne. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je partage les propos de M. le ministre. Je ne voterai pas cet amendement, qui est une vraie fausse bonne idée et dont les dispositions sont contre-productives. On l’a vu aujourd’hui, puisque les médecins sont descendus dans la rue à Paris. Et il faut s’enlever de la tête qu’il ne s’agit que d’une bagarre corporatiste – ce n’est en tout cas pas ce que je crois.
La médecine générale a besoin de recevoir un choc d’attractivité, car aujourd’hui les places dans les filières de médecine générale ne sont plus complètement épuisées par les jeunes étudiants. À mon avis, ce type de mesures ne va pas favoriser la tendance inverse…
L’accès aux soins, cela ne fonctionne pas, pour dire les choses très clairement !
M. Stéphane Sautarel. Si, cela fonctionne !
Mme Véronique Guillotin. Non, ce n’est pas le cas…
On compare souvent notre système avec celui de l’Allemagne, mais nous sommes dans une situation déficitaire. S’il y avait beaucoup de médecins qu’il faudrait orienter, à l’instar de ce qu’a fait l’Allemagne à une certaine époque, cela fonctionnerait peut-être. Mais la situation est différente, car l’Allemagne est un pays dense, où les déserts médicaux sont souvent situés à côté d’une ville, alors que, dans notre pays, les distances sont plus importantes en raison d’une ruralité très étendue. Aussi, je crois que nous ne pouvons comparer les deux situations.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.
M. Stéphane Sautarel. Oui, madame la rapporteure, ce débat nous rappelle celui que nous avons tenu lors de l’examen du PLFSS, sauf que les dispositions qu’a retenues le Gouvernement ont retiré tout l’intérêt de la quatrième année, car elles tendent à la banaliser, en permettant un accès à l’hôpital, et non plus à couvrir les zones sous-denses. Voilà pourquoi je me suis permis de proposer de nouveau un tel outil.
Selon moi, il est difficile de dire que cela ne fonctionne pas avant d’avoir essayé, d’autant que les arguments que vous critiquez, monsieur le ministre – je vous l’avais rappelé durant l’examen du PLFSS et je vous le redis aujourd’hui –, sont les mêmes que ceux que vous avanciez voilà quelque temps lorsque vous conseilliez le candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron, et par lesquels vous proclamiez la nécessité d’aller vers un conventionnement sélectif…
Par ailleurs, dans vos propos, vous m’avez d’abord rappelé qu’il n’y avait pas de zones sous-denses, avant de dire qu’il fallait être issu d’une zone sous-dense pour devenir médecin et y exercer… Ces zones doivent donc exister quelque part !
Enfin, je suis tout à fait d’accord pour défendre la lutte contre les inégalités rencontrées par la médecine et les médecins, mais je crois surtout qu’il y a une inégalité subie par les patients ! Quelque six millions d’entre eux n’ont actuellement plus accès aux soins – je parle de la médecine de ville en particulier.
C’est d’un aveu d’impuissance dont vous faites preuve quand vous dites qu’il ne faut rien faire actuellement, car à cause du mercato général les médecins vont partir à l’étranger, ce qui fait d’ailleurs que ce sont les médecins étrangers qui viennent en France, du moins quand ils le peuvent, car leur installation n’est pas toujours accueillie favorablement… Nous sommes dans l’impuissance absolue, et je le regrette.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Pour l’adoption | 41 |
Contre | 279 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 4 quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 34 est présenté par MM. Iacovelli, Hassani, Lévrier, Patriat et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 81 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – La section 1 du chapitre unique du titre Ier du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est complétée par un article L. 4011-2-1 ainsi rétabli :
« Art. L. 4011-2-1. – L’engagement territorial des médecins vise à assurer l’accès aux soins de proximité, l’accès aux soins non programmés, l’accès financier aux soins et les actions de santé en faveur de la population du territoire. »
II. – Le 3° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« 3° En application de l’article L. 4011-2-1 du code de la santé publique, les modalités, le cas échéant, de valorisation de l’engagement territorial des médecins en faveur de l’accès aux soins de proximité, de l’accès aux soins non programmés, de l’accès financier aux soins et des actions de santé en faveur de la population du territoire. Ces modalités peuvent reposer notamment sur des rémunérations forfaitaires et des tarifs spécifiques de consultation ; ».
La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour présenter l’amendement n° 34.
M. Xavier Iacovelli. Dans le texte qui nous a été soumis en commission, une définition de l’engagement territorial des médecins était prévue et la possibilité d’en préciser les modalités de valorisation était laissée aux partenaires conventionnels.
Accepter des patients au-delà de leur patientèle propre, avoir des tarifs maîtrisés ou encore s’engager pour l’accès aux soins non programmés sont des actions menées chaque jour par nombre de médecins dans nos territoires, pour répondre aux enjeux de notre système de santé.
Leur engagement est certain. Les dispositions de cet article prévoyaient toutefois des modalités nouvelles pour valoriser de telles actions.
C’est pourquoi il nous semble pertinent de conserver cette disposition ; tel est l’objet de cet amendement de rétablissement.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 81.
M. François Braun, ministre. Dans le cadre de la refondation de notre système de santé, nous nous trouvons à la croisée des chemins, comme en témoignent les dispositions de cet amendement visant à réinstaurer l’engagement territorial.
La situation actuelle, j’ai eu l’occasion de le dire lors de mes vœux aux professionnels de santé, n’autorise pas le statu quo.
Il n’est pas possible, on le voit bien, d’en rester à une situation où le nombre de patients augmente, parce que la population vieillit et que la médecine fait des progrès et permet de vivre plus longtemps, et où le nombre de professionnels de santé, en particulier de médecins, diminue et va continuer de diminuer, malgré les efforts qui ont été faits, telle que la suppression du numerus clausus – je reste d’avis que nous avons pris une bonne décision à cet égard.
Certes, nous ne formons peut-être pas encore assez de médecins, mais il va falloir former d’abord plus d’enseignants pour pouvoir ensuite former plus de médecins. Au reste, pour répondre aux questions qui m’ont été posées précédemment, je m’engage en ce sens, avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Sylvie Retailleau.
Nous sommes dans une situation où ne rien faire reviendrait à mettre la tête dans le sable et à attendre que le temps passe, en se disant que l’on verra plus tard…
Face à cette situation, il y a deux solutions.
La première est la coercition, c’est-à-dire imposer. Je ne vais pas reprendre mes arguments – j’en ai encore d’autres –, mais cette solution ne fonctionnera pas.
L’autre solution, c’est de jouer le jeu de la confiance – cette proposition de loi a pour objet la confiance envers les professionnels de santé – avec l’ensemble des professionnels. C’est cette voie que je veux suivre. La confiance, c’est un changement de paradigme qui n’est pas facile à saisir ; autrement dit, c’est un engagement individuel par rapport à une obligation ou une responsabilité territoriale. C’est particulièrement nouveau et cela fait l’objet de toutes les discussions actuelles entre la caisse primaire d’assurance maladie et les médecins.
L’intérêt de cet article est bien que ce nouveau paradigme et ce nouveau mode de fonctionnement marquent les territoires. Cela nous permettra de sortir de la crise sans fin que traverse la médecine et de laisser aux professionnels la responsabilité de définir dans le cadre conventionnel les critères de cet engagement territorial, qui serait bien entendu valorisé.
Les médecins l’exercent déjà ; il faut le reconnaître, un bon tiers d’entre eux ont déjà ce type d’engagement territorial, cette responsabilité qui fait qu’ils prennent des patients en plus, qu’ils répondent à la permanence des soins, qu’ils s’organisent en cabinet de groupe pour mieux s’organiser et mieux répondre aux besoins de santé de la population.
Enfin, je pense que ce changement de paradigme est indispensable, parce que nous n’allons pas trouver des solutions nouvelles avec de vieux remèdes. Il faut préciser que les médecins qui sont installés jusqu’à aujourd’hui ne sont pas responsables de la situation, à laquelle nous sommes confrontés, de notre système de santé. Cette dernière est le résultat d’une erreur magistrale, avec, entre autres, le choix du numerus clausus.
Je pense que nous avons là l’occasion de changer complètement notre façon de concevoir l’évolution de la médecine, mais aussi de rendre aux professionnels de santé l’envie de s’installer et de choisir la médecine générale dans un cadre d’exercice coordonné et pluriprofessionnel, tout en assumant cette responsabilité à l’échelle des territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. La commission est évidemment favorable à ce que l’engagement des médecins en faveur de l’accès aux soins soit valorisé. Elle a toutefois jugé ces dispositions à la fois inutiles et malvenues.
Inutiles, tout d’abord, parce que la Caisse nationale de l’assurance maladie peut d’ores et déjà valoriser la participation des médecins à l’effort de modération tarifaire, d’amélioration de l’accès aux soins non programmés ou de développement d’exercice coordonné. Elle a d’ailleurs commencé à négocier avec les médecins un contrat d’engagement territorial, qui visera à valoriser cette participation sans attendre l’adoption de ces dispositions.
Malvenues, ensuite, parce qu’elles interfèrent avec des négociations en cours et aggravent la défiance des médecins. Monsieur le ministre, le jeu de la confiance passera par des négociations apaisées entre la Caisse nationale de l’assurance maladie et les médecins. C’est pour cela, d’ailleurs, que le président Larcher avait demandé que ce texte soit discuté après une négociation conventionnelle.
La commission a donc supprimé ces dispositions, qui relèvent largement de l’affichage et qui font surtout l’objet d’une négociation conventionnelle entre l’assurance maladie et les médecins.
Aussi, elle a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je veux simplement appuyer l’avis de notre rapporteure. On ne peut pas, d’un côté, faire des propositions de loi pour essayer d’imposer un dispositif et, de l’autre, négocier avec les médecins.
Monsieur le ministre, vous êtes en cours de négociation, ce n’est pas la peine d’en rajouter ! Si l’on voulait que cela se passe mal, on ne s’y prendrait pas autrement …
Pour créer un climat de confiance, il faut justement faire confiance aux gens ! Les médecins sont prêts à s’organiser à l’échelle territoriale. Encore faut-il leur donner les moyens et leur laisser une liberté administrative, de sorte qu’ils puissent s’organiser avec les autres professionnels dans le cadre d’un contrat de confiance. Ils sauront répondre à une telle organisation territoriale avec l’ensemble des paramédicaux qui se trouvent dans le secteur.
C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi me semble malvenue, au moment où se tiennent des discussions conventionnelles. De plus, si nous ajoutons un contrat territorial, nous ne ferons qu’envenimer les choses.
Aussi, je soutiens particulièrement l’avis de Mme la rapporteure.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 81.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 4 quater demeure supprimé.
Article 4 quinquies
(Non modifié)
Le III de l’article L. 4011-3 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité national des coopérations interprofessionnelles peut, après consultation des conseils nationaux professionnels concernés et après avis de la Haute Autorité de santé, adapter les protocoles nationaux autorisés pour les actualiser en fonction de l’évolution des recommandations de bonnes pratiques, pour en modifier le périmètre d’exercice et pour ajuster les modalités selon lesquelles les professionnels de santé sont autorisés à les mettre en œuvre. Les protocoles ainsi adaptés sont autorisés par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. » – (Adopté.)
Article 4 sexies
(Non modifié)
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les articles L. 4241-4 à L. 4241-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4241-4. – Peut exercer la profession de préparateur en pharmacie et en porter le titre toute personne titulaire d’un diplôme, certificat ou titre délivré à la suite d’une formation lui ayant permis d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de cette profession. Ces diplômes, certificats et titres sont définis par voie réglementaire.
« Art. L. 4241-5. – Les conditions de délivrance des diplômes, certificats et titres sont fixées par voie réglementaire.
« Art. L. 4241-6. – Peut également exercer la profession de préparateur en pharmacie toute personne ayant obtenu une autorisation d’exercice délivrée par le ministre chargé de la santé, après avis d’une commission, composée notamment de professionnels, dont la composition est fixée par décret. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 4241-13 est ainsi rédigé :
« Peut exercer la profession de préparateur en pharmacie hospitalière dans les établissements publics de santé, les hôpitaux des armées et les autres éléments du service de santé des armées et en porter le titre toute personne titulaire d’un diplôme, certificat ou titre délivré à la suite d’une formation lui ayant permis d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de cette profession et figurant sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur. » ;
3° À l’article L. 4241-16- 1, la référence : « L. 4241-5 » est remplacée par la référence : « L. 4241-6 ».
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié ter, présenté par Mme Berthet, MM. Anglars, Belin, Bouchet, Bonhomme et Brisson, Mme Dumont, MM. Genet et Gremillet, Mme Lassarade et MM. Lefèvre, Pellevat et Sido, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L. 4241-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils peuvent administrer les vaccins contre la grippe saisonnière, la Covid- 19 et la variole du singe, listés par arrêté. »
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Le présent amendement a pour objet de pérenniser la possibilité donnée aux préparateurs en pharmacie d’injecter les vaccins contre la grippe saisonnière, la covid-19 et la variole du singe.
Dans le cadre de la lutte contre la covid-19, les préparateurs en pharmacie ont été mobilisés, à titre dérogatoire, pour administrer les vaccins anti-covid, tout d’abord dans les centres de vaccination, puis au sein des officines, sous la supervision d’un pharmacien.
Pour favoriser la vaccination contre la covid-19 et contre la grippe saisonnière des personnes pour lesquelles cette double vaccination est recommandée, ils ont également été autorisés à administrer le vaccin antigrippal par l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
Les préparateurs en pharmacie ont donc pu démontrer leur capacité à se former et à vacciner des personnes de tout âge, étant précisé que l’administration des vaccins par les préparateurs en pharmacie formés à la vaccination intervient sous le contrôle effectif d’un pharmacien d’officine.
Il convient désormais de passer à la vitesse supérieure, en pérennisant les dispositifs dérogatoires mis en place pendant la pandémie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Les préparateurs en pharmacie ont effectivement été autorisés à vacciner contre la covid-19, la grippe ou la variole du singe à titre dérogatoire, en raison des crises sanitaires, dans les contextes épidémiques que nous connaissons.
Cet amendement tend à reconnaître à titre pérenne cette compétence aux préparateurs en pharmacie. L’administration de ces vaccins par les préparateurs a été très utile depuis 2021, alors que nous menions des campagnes tout à fait volontaristes de vaccination.
Il serait donc souhaitable de leur reconnaître cette mission dans la loi et de ne plus conditionner leur compétence à un arrêté pris en raison de l’urgence sanitaire. J’y insiste, si l’amendement était voté, les préparateurs seraient autorisés à administrer les vaccins, évidemment sous la responsabilité du pharmacien.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Cette possibilité a effectivement été ouverte, dans un cadre dérogatoire et exceptionnel, pour la vaccination de masse de deux pathologies particulièrement bien identifiées, comme l’étaient également les possibles contre-indications de ces vaccins.
J’ai souhaité défendre l’extension des compétences vaccinales, en en faisant bénéficier, vous le savez, sur le fondement des recommandations de la Haute Autorité de santé, d’autres professionnels de santé – les infirmiers, les pharmaciens, les sages-femmes –, pour l’ensemble des vaccinations.
Toutefois cet avis ne visait pas à étendre cette possibilité aux préparateurs en pharmacie. En l’état de leurs connaissances et de leurs compétences, et hors situation de crise sanitaire, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. Au sein de la commission, nous avions souligné, me semble-t-il, la nécessité que cette extension aux préparateurs en pharmacie ne concerne pas les enfants.
En effet, cela me gêne un peu que le préparateur en pharmacie puisse vacciner les enfants, qui de ce fait ne seraient pas soumis aux consultations obligatoires préalables à la vaccination.
Je ne voterai donc pas cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 sexies, modifié.
(L’article 4 sexies est adopté.).
Après l’article 4 sexies
M. le président. L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 4 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 4371-2, les mots : « du diplôme d’État mentionné » sont remplacés par les mots : « des diplômes, certificats ou titres mentionnés » ;
2° L’article L. 4371-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4371-3. – Les diplômes, certificats ou titres mentionnés à l’article L. 4371-2 sont ceux qui figurent sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur.
« Les modalités de la formation, les conditions d’accès, les modalités d’évaluation ainsi que les conditions de délivrance de ces diplômes, certificats ou titres sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Braun, ministre. L’objet de cet amendement est d’anticiper les évolutions de la formation relative aux diététiciens.
Le protocole d’accord du Ségur de la santé, plus particulièrement l’accord relatif à la fonction publique hospitalière signé le 13 juillet 2020, prévoit le reengineering de la formation des diététiciens, ce qui nécessite de procéder à la refonte des diplômes.
En raison de l’importance croissante de la diététique pour la prévention et la santé de nos concitoyens, les missions des diététiciens sont amenées à se développer.
Le besoin d’évolution de cette formation a été rappelé dans un rapport du Haut Conseil de la santé publique en 2017 et dans le programme national nutrition santé (PNNS), qui souligne le nécessaire renforcement du socle universitaire initial au moyen de la validation de la formation au niveau de la licence. Ce besoin d’évolution a également été repris dans le programme national nutrition santé 2019-2023.
Dans cette perspective, la formation des diététiciens a évolué, avec la création récente du bachelor universitaire de technologie (BUT) génie biologique, parcours « diététique et nutrition », dont les premiers étudiants seront diplômés en 2024. Par ailleurs, l’expérimentation d’une licence professionnelle « métiers de la santé : nutrition, alimentation », menée par l’université de Bretagne occidentale est en cours depuis 2022.
Cet amendement vise ainsi à introduire une formulation générique pour désigner le diplôme, certificat ou titre requis pour l’exercice de la profession de diététicien, afin de tenir compte des évolutions en cours sur la formation de ces professionnels, en lien avec l’évolution de leurs missions et de leurs compétences.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à modifier les conditions légales de formation permettant l’exercice de la profession de diététicien.
La loi conditionne cet exercice à la seule obtention d’un diplôme d’État ; le décret mentionne qu’il peut s’agir en réalité de deux formations bac+2, le BTS diététique ou le DUT génie biologique option diététique.
La création récente d’un bachelor universitaire de technologie, c’est-à-dire un niveau bac+3, dans la perspective d’une montée en qualification, nécessite de modifier en conséquence les conditions légales.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 sexies.
Article 4 septies
(Non modifié)
L’article L. 4322-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les pédicures-podologues peuvent prescrire des orthèses plantaires, sauf avis contraire du médecin traitant. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les pédicures-podologues peuvent procéder directement à la gradation du risque podologique des patients diabétiques et prescrire les séances de soins de prévention adaptées. Un compte rendu est adressé au médecin traitant du patient et reporté dans le dossier médical partagé de ce dernier. » – (Adopté.)
Article 4 octies
Le chapitre II du titre VI du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 4362-10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les opticiens-lunetiers peuvent, lors de la première délivrance de verres correcteurs ou de lentilles de contact suivant la prescription, adapter cette prescription après accord écrit du praticien prescripteur. » ;
2° (nouveau) À la première phrase du 3° de l’article L. 4362-11, les mots : « et troisième » sont remplacés par les mots : « à quatrième ». – (Adopté.)
Article 4 nonies
(Non modifié)
Le chapitre IV du titre VI du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4364-8 ainsi rédigé :
« Art. L. 4364-8. – Les personnes exerçant les professions mentionnées aux 1°, 2° et 5° de l’article L. 4364-1 peuvent adapter, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’orthèses plantaires datant de moins de trois ans, dans des conditions fixées par décret et sauf opposition du médecin. » – (Adopté.)
Article 4 decies
(Non modifié)
I. – Le livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la fin de l’intitulé, les mots : « et assistants dentaires » sont remplacés par les mots : « , assistants dentaires et assistants de régulation médicale » ;
2° Le titre IX est ainsi modifié :
a) À la fin de l’intitulé, les mots : « et assistants dentaires » sont remplacés par les mots : « , assistants dentaires et assistants de régulation médicale » ;
b) Après le chapitre III bis, il est inséré un chapitre III ter ainsi rédigé :
« Chapitre III ter
« Assistants de régulation médicale
« Art. L. 4393-19. – Peuvent exercer la profession d’assistant de régulation médicale les personnes titulaires du diplôme d’assistant de régulation médicale, dans des conditions définies par voie réglementaire.
« Art. L. 4393-20. – L’assistant de régulation médicale assure, sous la responsabilité d’un médecin régulateur, la réception des appels reçus dans un centre de réception et de régulation des appels d’un service d’accès aux soins ou d’un service d’aide médicale urgente.
« Il contribue, sous la supervision d’un médecin régulateur, au traitement optimal des appels reçus.
« Il apporte un appui à la gestion des moyens et au suivi des appels et des interventions, au quotidien ainsi qu’en situation dégradée et en situation sanitaire exceptionnelle.
« Art. L. 4393-21. – L’autorité compétente peut, après avis d’une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession d’assistant de régulation médicale les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui, sans posséder le diplôme mentionné à l’article L. 4393-19, sont titulaires :
« 1° De titres de formation délivrés par un ou plusieurs États membres ou parties et requis par l’autorité compétente de ces États membres ou parties qui réglementent l’accès à cette profession ou son exercice et permettant d’exercer légalement ces fonctions dans ces États ;
« 2° Ou, lorsque les intéressés ont exercé dans un ou plusieurs États membres ou parties qui ne réglementent ni la formation, ni l’accès à cette profession ou son exercice, de titres de formation délivrés par un ou plusieurs États membres ou parties attestant de la préparation à l’exercice de la profession, accompagnés d’une attestation justifiant, dans ces États, de son exercice à temps plein pendant un an ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix dernières années ;
« 3° Ou d’un titre de formation délivré par un État tiers et reconnu dans un État membre ou partie autre que la France et permettant d’y exercer légalement la profession. L’intéressé justifie avoir exercé la profession à temps plein pendant trois ans ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente dans cet État membre ou partie.
« Dans ces cas, lorsque l’examen des qualifications professionnelles attestées par l’ensemble des titres de formation initiale, de l’expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie ayant fait l’objet d’une validation par un organisme compétent fait apparaître des différences substantielles avec les qualifications requises pour l’accès et l’exercice de la profession en France, l’autorité compétente exige que l’intéressé se soumette à une mesure de compensation.
« Selon le niveau de qualification exigé en France et celui détenu par l’intéressé, l’autorité compétente peut soit proposer au demandeur de choisir entre un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude, soit imposer un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude, soit imposer un stage d’adaptation et une épreuve d’aptitude.
« La nature des mesures de compensation selon les niveaux de qualification en France et dans les autres États membres ou parties est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé.
« La délivrance de l’autorisation d’exercice permet au bénéficiaire d’exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires du diplôme mentionné à l’article L. 4393-19.
« Art. L. 4393-22. – L’assistant de régulation médicale peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l’État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l’établissement où il l’a obtenu.
« Dans le cas où le titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, est susceptible d’être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l’autorité compétente peut décider que l’assistant de régulation médicale fera état du titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu’elle lui indique.
« L’intéressé porte le titre professionnel d’assistant de régulation médicale.
« Art. L. 4393-23. – L’assistant de régulation médicale ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui est établi et exerce légalement les activités d’assistant de régulation médicale dans un État membre ou partie peut exécuter en France des actes professionnels de manière temporaire ou occasionnelle.
« Lorsque l’exercice ou la formation conduisant à la profession n’est pas réglementé dans l’État où il est établi, le prestataire de services doit justifier avoir exercé dans un ou plusieurs États membres ou parties à temps plein pendant un an au moins ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix années précédentes.
« L’exécution de ces actes est subordonnée à une déclaration préalable, qui est accompagnée de pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Le prestataire joint une déclaration concernant les connaissances linguistiques nécessaires à la réalisation de la prestation.
« Le prestataire de services est soumis aux conditions d’exercice de la profession ainsi qu’aux règles professionnelles applicables en France.
« Les qualifications professionnelles du prestataire sont vérifiées par l’autorité compétente, après avis d’une commission composée notamment de professionnels, avant la première prestation de services. En cas de différence substantielle entre les qualifications du prestataire et la formation exigée en France, de nature à nuire à la santé publique, l’autorité compétente soumet le professionnel à une épreuve d’aptitude.
« Le prestataire de services peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l’État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l’établissement où il l’a obtenu.
« Dans le cas où le titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, est susceptible d’être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l’autorité compétente peut décider que l’intéressé fera état du titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu’elle lui indique.
« La prestation de services est réalisée sous le titre professionnel de l’État d’établissement, de manière à éviter toute confusion avec le titre professionnel français. Toutefois, dans le cas où les qualifications ont été vérifiées, la prestation de services est réalisée sous le titre professionnel français.
« Art. L. 4393-24. – L’assistant de régulation médicale, lors de la délivrance de l’autorisation d’exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession et celles relatives aux systèmes de poids et mesures utilisés en France.
« Le contrôle de la maîtrise de la langue doit être proportionné à l’activité à exercer et réalisé une fois la qualification professionnelle reconnue.
« Art. L. 4393-25. – Sont déterminés par décret en Conseil d’État :
« 1° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 4393-21 et les conditions dans lesquelles l’intéressé est soumis à une mesure de compensation ;
« 2° Les modalités de vérification des qualifications professionnelles mentionnées à l’article L. 4393-23. » ;
3° Le chapitre IV est complété par un article L. 4394-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 4394-5. – L’usage sans droit de la qualité d’assistant de régulation médicale ou d’un diplôme, certificat ou autre titre légalement requis pour l’exercice de cette profession est puni comme le délit d’usurpation de titre prévu à l’article 433-17 du code pénal.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ce délit, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du même code. Elles encourent les peines prévues pour le délit d’usurpation de titre aux articles 433-17 et 433-25 dudit code. »
II. – L’article L. 4393-19 du code de la santé publique entre en vigueur le 1er janvier 2026.
M. le président. L’amendement n° 88, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. – Les dispositions de l’article L. 4393-19 du code de la santé publique ne font pas obstacle, jusqu’au 1er janvier 2026, à l’exercice de la profession d’assistant de régulation médicale par des personnes qui ne sont pas titulaires du diplôme mentionné au même article, dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme la rapporteure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4 decies, modifié.
(L’article 4 decies est adopté.)
Article 4 undecies
(Non modifié)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 5125-23-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « limite », sont insérés les mots : « de trois mois, par délivrance » ;
2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le médecin prescripteur en est informé par des moyens de communication sécurisés. »
II. – Au premier alinéa du VII de l’article L. 162-16 du code de la sécurité sociale, les mots : « d’un » sont remplacés par les mots : « de trois ».
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Delmont-Koropoulis et Belrhiti, MM. Burgoa, Frassa et Bouchet, Mme Chauvin, MM. Joyandet et Somon, Mme Lassarade, MM. Charon et Cambon et Mmes F. Gerbaud et Malet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. Renouveler un traitement n’a rien d’anodin, car cela suppose de réévaluer le besoin thérapeutique du patient.
Il convient donc de proposer une durée de renouvellement qui ménage l’opportunité pour le patient de bénéficier d’une consultation médicale. L’allongement de cette durée d’un à deux mois, qui doit rester exceptionnel, constitue un compromis entre la perte de chance et la réponse à un besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à limiter à deux mois la période pour laquelle le pharmacien dispose, à titre exceptionnel, de la possibilité de renouveler un traitement chronique en cas d’ordonnance expirée.
Le présent article, qui porte la durée de cette période à trois mois, est assorti de conditions suffisamment encadrées, tenant notamment à l’information obligatoire du médecin prescripteur.
Les trois mois de traitement n’étant pas dispensés en une seule délivrance, il est difficile d’imaginer qu’un patient se présente trois fois de suite pour demander une extension de l’ordonnance dans d’autres circonstances que celles d’un cas de force majeure.
Pour ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Lassarade, l’amendement n° 11 rectifié est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 4 undecies.
(L’article 4 undecies est adopté.)
Article 4 duodecies
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 84, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco et MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité et la faisabilité de maintenir les dispositions de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie qui conditionnent la prise en charge par l’assurance maladie d’une consultation d’un médecin spécialiste par un adressage préalable d’un médecin généraliste.
Ce rapport porte a minima sur les dimensions médicale, sanitaire, sociale, financière et humaine de ces dispositions.
Ce rapport porte une réflexion globale sur l’accès direct aux professionnels de santé.
Ce rapport fait des propositions qui améliorent l’accès de tous les assurés sociaux à tous les professionnels de santé.
La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à rétablir l’article 4 duodecies. Celui-ci prévoyait que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remettait un rapport évaluant l’opportunité et la faisabilité du maintien des dispositions de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie qui conditionnent la prise en charge par l’assurance maladie d’une consultation d’un médecin spécialiste par un adressage préalable d’un médecin généraliste.
Nous estimons en effet que ce rapport pourrait nous être utile à l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le présent amendement vise à rétablir l’article 4 duodecies demandant un rapport sur l’opportunité de supprimer l’obligation d’adressage par un médecin généraliste, qui est le plus souvent le médecin traitant, pour bénéficier de la prise en charge d’une consultation d’un médecin spécialiste.
Au-delà de la doctrine de la commission des affaires sociales quant aux demandes de rapport, cet amendement tend à remettre en cause la coordination du parcours de soins bâtie depuis 2004. Par de telles dispositions, le législateur serait loin de témoigner sa confiance aux médecins traitants.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Je partage les propos de Mme la rapporteure, auxquels je souhaite simplement ajouter deux éléments.
Premièrement, je le répète, le médecin généraliste traitant est la colonne vertébrale de l’organisation du système de soins.
Deuxièmement, je rappelle que les patients peuvent déjà consulter certains spécialistes – le gynécologue, le stomatologue, le psychiatre et l’ophtalmologue – sans adressage préalable du médecin traitant. Cet article pourrait remettre en cause cet accès direct à certains spécialistes, alors qu’il convient au contraire de préserver celui-ci.
Mon avis est donc également défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Depuis 2004, nous sommes parvenus à bâtir un parcours de soins qui fait du médecin généraliste le centre et le coordinateur du système de soins.
Ayant assisté à de nombreuses auditions organisées par Mme la rapporteure, je puis témoigner que les jeunes internes ont perçu l’introduction de l’article 4 duodecies comme une quasi-agression, dans la mesure où il remet totalement en cause le rôle du médecin généraliste. Ils ont donc demandé sa suppression.
M. le ministre évoquait tout à l’heure le déficit des vocations. De fait, le nombre de places en médecine générale est plus important que le nombre de candidats. Si nous voulons sauver la médecine générale, il me paraît donc urgent de rejeter cet amendement et de maintenir la suppression de l’article 4 duodecies.
M. le président. En conséquence, l’article 4 duodecies demeure supprimé.
Article 4 terdecies
I. – À titre expérimental, pour une durée de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État peut autoriser, dans cinq départements, les pharmaciens biologistes à pratiquer le prélèvement cervico-vaginal réalisé dans le cadre du dépistage du cancer du col de l’utérus.
II. – (Non modifié) Au plus tard trois mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le bilan de la mise en œuvre de l’expérimentation prévue au I. Ce rapport s’attache à évaluer la pertinence du dispositif expérimenté, en particulier le nombre de dépistages réalisés et la diminution des cas de cancer du col de l’utérus. Il évalue également les modalités et le coût d’une généralisation du dispositif.
III. – (Non modifié) L’expérimentation prévue au I est mise en œuvre selon des modalités fixées par décret. – (Adopté.)
Après l’article 4 terdecies
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié ter, présenté par Mme Berthet, MM. Belin, Bouchet, Bonhomme et Brisson, Mmes Drexler et Dumont et MM. Genet, Gremillet, Lefèvre, Pellevat et Sido, est ainsi libellé :
Après l’article 4 terdecies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 6211-3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les professionnels de santé, ou certaines catégories de personnes, listés par un arrêté du ministre chargé de la santé, peuvent réaliser l’ensemble de ces tests, recueils et traitements de signaux biologiques. L’arrêté prévoit, le cas échéant, les conditions de réalisation de ces tests, recueils et traitements de signaux biologiques, ainsi que les conditions de formation des professionnels et catégories de personnes autorisés à les réaliser.
« Cet arrêté, après avis de la commission mentionnée à l’article L. 6213-12 et du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, exclut, le cas échéant, les tests, recueils et traitements de signaux biologiques ne pouvant pas être réalisés. » ;
2° À la fin de l’article L. 6433-1, les mots : « n° 2016-41 du 26 janvier 2016 » sont remplacés par les mots : « n° … du … portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ».
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. L’article L. 6211-3 du code de la santé publique contraint fortement la réalisation des tests, recueils et traitements de signaux biologiques à visée de dépistage, d’orientation diagnostique ou d’adaptation thérapeutique immédiate.
Ces différents tests, recueils et traitements de signaux biologiques ne constituant pas des examens de biologie médicale, ils doivent pouvoir être réalisés par les professionnels de santé ou par des catégories de personnes identifiées, et pour simplifier l’accessibilité des patients à ces tests et renforcer la stratégie de prévention et de dépistage.
La crise sanitaire a démontré que la stratégie de dépistage est efficace lorsque le patient peut accéder facilement à un test réalisé par un professionnel de santé ou une personne habilitée. Le patient peut ensuite plus rapidement être orienté vers un médecin et entrer dans un parcours de soins adapté.
De plus, le coût de ces tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) pour l’assurance maladie est beaucoup moins élevé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à modifier le régime d’autorisation des professionnels de santé pour la réalisation des tests, recueils et traitements de signaux biologiques qui ne sont pas considérés comme des examens de biologie médicale.
Selon le droit en vigueur, un arrêté doit dresser la liste de tous les tests et actes concernés et déterminer les catégories de personnes autorisées à les réaliser.
Le présent amendement tend à modifier le régime d’autorisation de ces tests : la liste ne sera plus définie positivement par le pouvoir réglementaire, mais les professionnels prévus par arrêté auront la compétence de principe pour réaliser l’ensemble de ces tests, recueils et traitements.
En revanche, un arrêté pris notamment après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pourra toujours exclure les actes dont la réalisation par ces professionnels de santé ne serait pas opportune.
Tout en maintenant des garanties liées à la formation des professionnels autorisés et aux conditions de réalisation, cet amendement tend à assouplir les contraintes du régime actuel, ce qui est souhaitable pour lever les freins aux efforts de dépistage, comme il était possible de le faire dans le cadre de la crise sanitaire.
L’avis de l’ANSM étant pris en compte, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Braun, ministre. Madame la sénatrice Berthet, vous proposez de modifier la liste des personnes autorisées à réaliser ces tests rapides d’orientation diagnostique, les fameux Trod.
Or le code de la santé publique prévoit déjà que ces tests peuvent être réalisés par des professionnels de santé, mais également « par du personnel ayant reçu une formation adaptée et relevant de structures de prévention et associatives ou du service de santé des armées ».
Ce champ est suffisamment large pour permettre la mobilisation de personnes qui ne sont pas des professionnels de santé, tout en garantissant que celles-ci sont qualifiées pour l’exercice de ces missions.
Je considère que cet amendement est satisfait par le code de la santé publique et je sollicite donc son retrait. À défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Madame Berthet, l’amendement n° 58 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Martine Berthet. Je prie M. le ministre de m’excuser, mais je fais confiance à la commission…
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 4 terdecies.
Article 5
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que cette proposition de loi oppose les médecins aux autres professionnels de santé et interroge beaucoup les élus, notamment des zones rurales, sur la coexistence de pratiques différentes en fonction des territoires.
Monsieur le ministre, nous devons dire la vérité aux Français : ce texte ne permettra pas de résoudre les difficultés auxquelles certains de nos concitoyens sont confrontés.
La démographie des médecins ne s’améliorera pas à moyen terme. Les professionnels de santé mettront plusieurs années avant de s’approprier les innovations prévues par ce texte. Les IPA ne sont pas suffisamment nombreuses – elles sont 1 700 sur l’ensemble du territoire – et la grande majorité d’entre elles exercent à l’hôpital. Or la formation d’IPA impose de s’arrêter de travailler pendant deux ans. Qui peut assumer deux années sans revenus ? Il s’agit là d’un point essentiel de réflexion quant aux évolutions futures.
En ce qui concerne la méthode, le Gouvernement profite d’une initiative parlementaire pour insérer diverses dispositions sans étude d’impact ni cohérence d’ensemble, quand il aurait dû présenter une loi de santé. Les maux sont en effet connus, et les constats ont été dressés depuis bien longtemps.
En tout état de cause, je tiens à saluer le travail de notre collègue Corinne Imbert, qui s’est attachée à améliorer ce texte en respectant tous les professionnels – un exercice d’équilibre.
Je pense notamment à la suppression des dispositions relatives à la responsabilité collective des professionnels et à la suppression des communautés professionnelles territoriales de santé parmi les structures autorisant l’accès direct pour les IPA et les kinésithérapeutes.
Pour ces raisons, et malgré les difficultés que j’ai évoquées, la grande majorité du groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte ainsi amendé. Comme je l’indiquais précédemment, nous serons très vigilants lors de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je ne fais pas partie de la grande majorité du groupe Les Républicains qui votera ce texte, pour différentes raisons.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous n’avez pas accédé à la demande du président Larcher d’examiner ce texte après la conclusion de la convention médicale.
Vous avez sans doute constaté que je suis peu intervenu dans nos débats. Il y a à cela une raison précise : cette proposition de loi me semble relever du saupoudrage, quand nous aurions besoin d’une véritable colonne vertébrale.
Comme Philippe Mouiller, je m’étonne que le Gouvernement ne nous ait pas soumis un projet de loi embrassant à la fois l’organisation territoriale de la santé, le rôle structurant des médecins et la collaboration entre les professionnels de santé et le corps médical, afin d’organiser, sur un territoire donné, la participation de l’ensemble des professionnels, y compris, lorsque le territoire est doté d’un hôpital, des professionnels hospitaliers.
Je ne pourrai donc pas voter ce texte en l’état – je prie Corinne Imbert de bien vouloir m’en excuser –, tout en constatant, comme Philippe Mouiller, que celui-ci a été nettement amélioré.
J’ai enfin été un peu déçu par votre réponse à nos demandes relatives à la commission mixte paritaire, monsieur le ministre. Les parlementaires de la majorité seront en effet vraisemblablement les plus nombreux en son sein, et il me semble que vous êtes en mesure de leur indiquer ce que vous souhaitez. (M. Jérôme Bascher applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je suis globalement favorable aux amendements relatifs aux kinésithérapeutes, aux infirmières et aux orthophonistes qui ont été adoptés sur l’initiative de la commission, je considère que les dispositions les plus importantes sont celles qui, au sein de l’article 1er, permettent un accès direct aux IPA.
Je n’y suis pas favorable, car j’estime que cela apportera de la confusion. Le patient pourra certes consulter directement une IPA pour le renouvellement du traitement d’une maladie chronique, mais si celui-ci doit être modifié de manière substantielle ou si le patient contracte une autre pathologie, il devra tout de même consulter un médecin.
Je suis tout à fait favorable au développement des IPA, sous réserve que ces dernières exercent en synergie avec le médecin qui a l’habitude des patients et qui pourra, le cas échéant, les orienter vers l’IPA, tout en restant disponible au sein de la maison de santé, ou par téléphone s’il est en visite au domicile d’un patient.
J’estime que l’accès direct aux IPA, qui ne permet pas une bonne coordination des soins, constitue au fond un mauvais usage de ces professionnels, qui pourraient par ailleurs, par la délégation d’actes, libérer beaucoup de temps médical. Cela étant, l’article 1er a été voté. Je souhaite donc que de nombreuses IPA soient formées et que, en dépit de la loi, le fonctionnement du couple médecin-IPA s’améliore.
En conséquence, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Monsieur le ministre, malgré les débats de qualité que nous avons eus et les arguments que vous avez développés, de nombreux doutes demeurent quant à cette proposition de loi.
Nous nous interrogeons tout d’abord, cela a été dit, sur le calendrier. Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de la négociation de la convention médicale ?
Nous nous interrogeons ensuite sur la forme, qui paraît peu pertinente. Ce texte, que je qualifierai de « Canada Dry » a le goût, l’apparence et l’odeur d’un projet de loi, mais il s’agit bien d’une proposition de loi.
Nous nous interrogeons enfin sur la pertinence même de ce texte, car, à l’issue de nos débats, nous conservons de nombreux doutes. Certes, le statu quo n’est pas possible et il faut pallier la pénurie, mais ne jouons-nous pas aux apprentis sorciers ? Vous n’avez pas levé nos inquiétudes quant au risque de voir se développer une médecine à deux vitesses, quant à l’attractivité de la médecine générale, quant à notre capacité à former des médecins et quant à la notion si importante de responsabilité.
Cela étant, compte tenu de la qualité du travail de Corinne Imbert, tant en commission qu’en séance, le groupe Union Centriste votera ce texte.
Nous avons abordé ce débat en dressant le constat que nous étions arrivés au bout de la logique qui consiste à réformer au moyen de propositions de loi éparses. Plus que jamais, nous avons besoin d’une grande loi santé, afin de remettre à plat notre système de santé gravement en crise.
M. Jérôme Bascher. Hélas, ils n’ont pas de vision !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je souhaite à mon tour saluer le travail important qui a été réalisé par Mme la rapporteure pour tenter d’améliorer ce texte.
Comme je l’indiquais précédemment, la proposition de loi ne semblait évidemment pas le bon outil pour avancer sur ce sujet. Nous sommes tous d’accord pour défendre un meilleur accès aux soins et nous sommes tous d’accord pour rendre la médecine générale plus attractive. Or, à l’issue de ces débats, je reste persuadée que ce texte n’y contribue pas.
Je souhaitais que l’amendement n° 78 rectifié bis de notre collègue Daniel Chasseing soit adopté. Cela aurait modifié mon vote sur l’ensemble du texte. Je ne voterai donc pas celui-ci – je souhaite le faire en toute transparence vis-à-vis de Mme la rapporteure et de Mme la présidente de la commission –, tout en saluant le travail qui a été réalisé par la commission et par Mme la rapporteure. En dépit de celui-ci, j’estime que ce texte oppose les professionnels de santé.
Mes collègues qui voteront contre ce texte ou qui s’abstiendront partagent l’objectif de ceux qui voteront pour. C’est ce qui est difficile à accepter ce soir, même si nos débats ont été très respectueux.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur le contexte.
Ce texte, nous l’avons tous dit, arrive à un très mauvais moment. Nous avons souhaité reporter son examen, ce qui n’est pas été possible. Nous avions dès lors deux solutions : rejeter ce texte, ce qui aurait abouti à l’adoption du texte de l’Assemblée nationale, qui est tout à fait inacceptable, ou travailler à l’améliorer.
J’estime que nous avons trouvé un équilibre, certes fragile, qui permet un accès direct aux IPA et à d’autres professionnels, tout en bordant le rôle du médecin traitant.
En tout état de cause, avec Mme la rapporteure et d’autres collègues, nous ne souhaitions pas laisser le champ libre à la proposition de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui à nos yeux était tout à fait inacceptable. Et nous tiendrons nos positions en commission mixte paritaire.
La rédaction issue de nos travaux ne satisfera pas tout le monde. Toutefois, compte tenu des fortes oppositions et des tensions que nous avons perçues entre des professions qui se soupçonnent mutuellement, souvent sans fondement, j’estime que nous avons trouvé un équilibre entre, d’un côté, la reconnaissance des compétences des professionnels de santé et leur exercice et, de l’autre, la place centrale du médecin, qui pose le diagnostic et qui est le plus à même de prescrire un traitement.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à voter ce texte modifié par la commission et qui n’a plus rien à voir avec celui qui nous a été transmis.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 213 |
Pour l’adoption | 199 |
Contre | 14 |
Le Sénat a adopté.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 15 février 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème « L’impact des décisions réglementaires et budgétaires de l’État sur l’équilibre financier des collectivités locales » ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation (texte de la commission n° 327, 2022-2023).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures dix.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER