M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est pas possible de transiger avec la qualité des soins et la sécurité des patients.
Si, en 2009, le législateur a considérablement assoupli la procédure préalable à l’ouverture des centres de santé, c’était avant tout pour améliorer l’accès des plus démunis à des soins de meilleure qualité, en particulier dans les zones sous-dotées.
Ces centres présentaient une alternative à l’offre libérale dans un contexte de forte inégalité de l’accès aux soins dentaires, avec des prestations principalement remboursées par l’assurance maladie, le tiers payant et l’absence de dépassements d’honoraires.
Aussi, face à des devis de médecins libéraux qui dépassaient leurs capacités financières, certains patients se sont tournés vers des centres de santé dentaire d’un nouveau genre plutôt que de renoncer aux soins ou de partir se faire soigner à l’étranger. Ils l’ont fait en toute confiance.
Mais, alors que l’ouverture de ces centres était limitée à une déclaration avec dépôt d’un projet de santé et d’un règlement intérieur, les pouvoirs publics n’ont pas renforcé leur système de vigilance ni les contrôles pour s’assurer que la sécurité et la qualité des soins étaient garantis, comme le relève un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de janvier 2017.
Il n’en fallait pas davantage pour que des gestionnaires peu scrupuleux s’engouffrent dans la brèche, faisant des milliers de victimes mutilées et endettées : actes de soins fictifs ou inappropriés, infections dues à un manque d’hygiène, surfacturations… Ces infractions multiples ont laissé les patients désemparés, confrontés à des abandons de soins et souvent dans l’incapacité financière d’engager des poursuites.
Pour que des scandales tels que Dentexia et Proxidentaire ne puissent plus se reproduire, il est indispensable de renforcer les règles et les procédures de contrôle. Les associations de victimes attendent cela depuis longtemps.
Mettre un terme aux dérives sans entraver le développement et le fonctionnement des centres de santé vertueux, tel est l’objectif de cette proposition de loi à laquelle le groupe du RDSE souscrit pleinement.
Je salue, bien évidemment, le rétablissement de l’agrément préalable. Les travaux de réécriture de l’article 1er, tant à l’Assemblée nationale que lors de l’examen du texte par notre commission, ont amélioré le dispositif et renforcé le pouvoir des ARS. C’est une très bonne chose.
Je me félicite notamment de la transmission de la déclaration des liens et des conflits d’intérêts, ce qui évitera que des sociétés privées en lien avec les centres dentaires servent de canaux pour faire sortir l’argent de l’association à but non lucratif.
Toutefois, cela nécessitera certainement d’augmenter significativement les moyens alloués aux ARS pour leur permettre d’affecter du personnel à la surveillance de ces centres de santé.
Nous saluons également l’interdiction faite à toute personne de diriger un centre de santé dès lors qu’elle a des liens d’intérêts avec une entreprise délivrant des prestations à la structure gestionnaire. Jusqu’à présent, le président d’une association pouvait, par exemple, exercer cette fonction à titre bénévole et être en même temps rémunéré par une société dont l’association était la seule cliente, donc de fait par l’argent provenant de l’association dont il était président.
Cinq des sept centres dentaires associatifs visés par la mission de l’Igas de 2017 fonctionnaient de la sorte. C’était un moyen de contourner la gestion désintéressée et l’obligation de n’avoir aucun intérêt direct dans les résultats de l’exploitation. L’article 1er bis permet notamment de mieux cibler les dérives observées et de les contrer.
De la même façon, interdire le paiement anticipé intégral des soins qui n’ont pas encore été dispensés est une très bonne chose. Cette pratique, que l’on a pu observer, s’accompagnait parfois même d’offres de crédit, avec de terribles conséquences lorsque les soins étaient de mauvaise qualité ou qu’ils n’étaient tout simplement pas effectués.
Enfin, ce texte renforce le pouvoir de sanction des ARS et vise ainsi à empêcher qu’un gestionnaire fautif puisse ouvrir une nouvelle structure de soins en contournant les sanctions.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, le groupe du RDSE soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – M. Franck Menonville et Mme Pascale Gruny applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons l’examen en séance publique de la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé. Ce texte résulte d’un double constat : l’augmentation exponentielle et rapide du nombre de centres de santé et, malheureusement, la hausse du nombre de dérives constatées.
Il ne s’agit pas là d’un procès intenté à l’encontre des centres de santé, lesquels ont permis de résoudre un certain nombre de difficultés en matière d’accès aux soins. Ils l’ont fait de manière qualitative, même si l’on ne peut que regretter leur forte concentration dans les grands centres urbains.
Toutefois, les pratiques frauduleuses, même si elles ne concernent qu’une minorité de ces structures, sont intolérables et inacceptables.
Ce texte se focalise sur les activités dentaires et ophtalmologiques, qui demeurent majoritaires. Comme cela a été rappelé, le scandale Dentexia a permis de mettre en lumière des pratiques frauduleuses et dangereuses qui nuisent à l’image de ce type de structure.
Les dérives constatées sont diverses : non-respect du code du travail, fraude à l’assurance maladie, fraude fiscale ou encore – et surtout – mise en danger de la sécurité du patient. Ces dérives sont inacceptables et intolérables au regard de la gravité des faits et de l’éthique qui doit normalement prévaloir dans l’univers de la santé. Ainsi, elles fragilisent la confiance des patients, qui deviennent des victimes, et sont une entorse au pacte républicain.
La majorité sénatoriale intervient régulièrement sur les questions de fraude à l’assurance maladie lorsqu’elles sont le fait des patients. Nous devons également être intransigeants lorsque les auteurs sont des professionnels de santé.
Ceux d’entre eux que nous avons entendus dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi sont favorables aux mesures contenues dans le texte. En effet, ces scandales à répétition ont un impact désastreux sur la confiance accordée à certaines professions, à une époque où le fait scientifique est régulièrement remis en cause.
Je tiens également à saluer la réintroduction bienvenue de la nécessité d’obtenir un agrément avant d’ouvrir un centre de santé. Cette disposition avait été supprimée par la loi de 2009, afin d’éviter aux professionnels de santé le capharnaüm administratif trop souvent présent dans notre pays. Quatorze ans plus tard, nous pouvons constater que cette mesure de bon sens et de simplification administrative a eu des effets désastreux pour certains patients, à cause de personnes mal intentionnées qui ont vu dans les centres de santé une manne financière sponsorisée par les Français.
C’est pourquoi je souhaite que nous soyons particulièrement vigilants dans les textes à venir sur les questions de simplification, afin de ne pas ouvrir une nouvelle boîte de Pandore remplie d’escrocs en tout genre.
Afin de compléter ce texte, déjà bien abouti après son passage en commission – j’en profite pour saluer l’excellent travail du rapporteur Jean Sol –, j’ai déposé un amendement visant à introduire un ratio de un pour un dans les centres de santé ophtalmologiques, qui correspond au ratio entre le nombre d’assistants médicaux et le nombre de médecins. Cette limitation serait un garde-fou utile pour éviter des dérives dans des centres de santé peu scrupuleux.
Cet encadrement figure dans la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé dont nous débattrons en fin d’après-midi, mais il me semble plus cohérent de le réintroduire dans cette proposition de loi.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce texte est relativement consensuel et ne devrait pas rencontrer d’opposition frontale dans cet hémicycle. Le rôle du Sénat sera de veiller à la bonne application de ces dispositions pour en mesurer prochainement les effets. Notre système de santé en sera grandi.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi nécessaire et bienvenue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol et M. Bernard Jomier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, notamment dentaires et ophtalmiques, à la suite d’une multiplication de scandales qui ont affecté très douloureusement les patients concernés. Ces scandales illustrent parfaitement les dérives que subit notre système de santé.
Force est de constater que les centres de santé n’ont pas essaimé sur l’ensemble du territoire, mais se sont concentrés dans des zones urbaines déjà surdotées. C’est particulièrement le cas pour les centres de santé visés par la présente proposition de loi.
L’outil que devait être le centre de santé déçoit mes attentes, moi qui suis élu du département du Finistère, où une partie de la population n’a pas correctement accès aux soins. En effet, il est clair que ces centres ne participent pas au rééquilibrage de l’offre de soins, car les besoins des populations en fonction des territoires ne sont pas pris en compte.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain présentera un amendement tendant à remédier à cet état de fait. Il faut être clair et ne plus autoriser l’implantation de nouveaux centres dans des zones géographiques où ils se concentrent déjà. Notre groupe entend ainsi lutter contre les dérives liées à la recherche d’une maximisation des profits.
Cette proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé comporte certaines dispositions qui vont dans le bon sens, comme l’agrément nécessaire et valant autorisation pour les centres de santé à dispenser des soins. Cet agrément, délivré par le directeur général de l’ARS, avait été supprimé par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dans l’espoir de multiplier les installations sur l’ensemble du territoire français afin de lutter contre la désertification médicale.
Notre groupe entend faire des propositions pour améliorer le dispositif d’agrément prévu dans cette proposition de loi. En effet, le contrôle sur pièce est insuffisant pour se prémunir des dérives et scandales sanitaires qui ont lieu dans des centres de santé à structure commerciale, utilisés comme des machines à profit. Nous proposerons donc que l’agrément définitif soit soumis à une visite de conformité par l’ARS. Cette disposition permettrait à la fois de tirer les leçons des scandales dentaires et de se prémunir d’un futur scandale de type Orpea dans le secteur des soins de premier recours.
Si cette proposition de loi contient certaines dispositions bienvenues, elle ne permet absolument pas de lutter contre le véritable fléau qu’est la financiarisation de notre système. Malheureusement, la politique de santé menée depuis 2017 accroît incontestablement cette financiarisation. Pour tenter d’y mettre un coup d’arrêt, nous proposerons, par voie d’amendement, de soumettre tous les centres de santé à agrément.
La réintroduction de cet agrément, a fortiori pour tous les centres de santé et avec visites de conformité, suppose d’augmenter les moyens des agences régionales de santé. C’est une condition indispensable pour rendre cette disposition effective. C’est là votre responsabilité politique, madame la ministre. Il y va de la sécurité et de la santé de nos concitoyens.
Je me réjouis des dispositions prévues à l’article 4 de la proposition de loi. Nous présenterons un amendement visant à renforcer encore davantage l’interdiction du nomadisme des fraudeurs et des structures commerciales déviantes.
Les centres de santé ont suscité beaucoup d’espoirs avant l’apparition de scandaleuses dérives. C’est pourquoi notre groupe propose, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, de fixer un ratio d’emploi d’assistants pour les dentistes et les ophtalmologistes.
Les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront cette proposition de loi parcellaire, mais utile. Ils soulignent l’absence de volonté politique de s’attaquer à la financiarisation du système de santé. Il est urgent d’écrire une nouvelle loi de santé qui structure l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, au service des Français et dans le respect des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme beaucoup de Français, j’ai été révoltée par les récents scandales survenus dans certains centres de santé, particulièrement dans des centres dentaires et ophtalmologiques.
Dans certains cas, ils ont causé des dégâts irréversibles sur la santé des patients ; dans d’autres, ils les ont conduits à contracter des emprunts pour financer leurs soins, entraînant un endettement de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Comme à chaque fois, ce sont principalement nos concitoyens les plus fragiles qui sont les victimes de telles pratiques.
Au-delà des scandales médiatiques, de nombreux abus et fraudes recensés par l’assurance maladie ont malheureusement accompagné le développement de ces centres : entorses aux règles déontologiques, exercice illégal de la profession, surfacturations, soins non pertinents, inachevés ou de mauvaise qualité.
Dans un esprit de rentabilité financière, certains gestionnaires mal intentionnés se sont installés dans de grandes villes au lieu de s’implanter dans des territoires ruraux et moins dotés, dévoyant ainsi la vocation première de ces centres.
Il est inacceptable que l’on puisse jouer ainsi avec la santé des Français. Il y a donc urgence à renforcer notre arsenal pour lutter contre ces abus.
Mais que de temps n’avons-nous pas perdu ! Voilà trois ans et demi, le Gouvernement a refusé de soutenir une proposition de loi du groupe Les Républicains visant à réinstaurer un agrément, tout comme il a systématiquement rejeté ses nombreux amendements aux textes sanitaires, objectant qu’un tel problème n’existait pas.
Cela étant dit, je me réjouis de l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Parlement. Ce texte contient en effet de réelles avancées : rétablissement de l’agrément, délivré par le directeur de l’ARS, obligation pour le gestionnaire de transmettre les contrats de travail des praticiens à l’ARS, obligation pour l’ARS de communiquer ces contrats de travail aux ordres ou encore introduction d’un numéro personnel obligatoire pour chaque praticien d’un centre de santé, afin de mieux lutter contre les fraudes à l’assurance maladie et de réduire le risque de pratique illégale de la médecine.
Je veux saluer le travail des membres de la commission des affaires sociales et de son rapporteur, Jean Sol, qui ont eu à cœur de renforcer l’efficacité pratique de cette proposition de loi en précisant certaines de ses modalités opérationnelles et en veillant à la coordination d’ensemble de ces dispositions.
Je citerai notamment le renforcement des pouvoirs d’information des ARS après la délivrance de l’agrément, afin de faciliter les contrôles sur les liens d’intérêts ou les contrats liant les organismes gestionnaires à des sociétés tierces, ou encore le retrait possible en cas de manquement aux règles applicables aux centres de santé ou relatives à la qualité et à la sécurité des soins.
L’alourdissement des sanctions applicables en cas de manquement des centres de santé à leur engagement de conformité va également dans le bon sens. En portant les valeurs de l’astreinte journalière à 5 000 euros au lieu de 2 000 euros et de l’amende administrative maximale à 500 000 euros au lieu de 300 000 euros, la commission permet au directeur de l’ARS de prononcer des sanctions réellement dissuasives.
Enfin, je veux saluer la volonté du rapporteur de permettre aux ordres de consulter le projet de santé du centre afin d’apprécier les contrats et diplômes qui lui sont soumis en vue de la remise de son avis motivé, répondant ainsi à une demande légitime de l’ordre des médecins.
Pour toutes ces raisons, je soutiendrai cette proposition de loi. La régulation de l’installation des centres de santé, trop souvent synonyme d’entorses aux règles déontologiques, de fraudes à la sécurité sociale et de soins non pertinents, est un combat que le groupe Les Républicains mène depuis longtemps. Nous attendons ce texte avec beaucoup de vigilance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Édouard Courtial. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais nous ne le dirons assez : l’accès aux soins de proximité est un enjeu fondamental pour notre pays. Car la désertification médicale, qui s’accroît encore malgré des propositions faites dans cet hémicycle et l’engagement de nombreux élus sur le terrain, remet en cause une liberté fondamentale, celle de choisir d’habiter à la ville ou à la campagne. En outre, je suis convaincu qu’en contribuant à vider nos campagnes de leurs habitants, elle fragilise notre identité nationale.
Mais ce combat, qui doit être mené à tous les étages, ne doit pas nous conduire à subir les pires affres de l’appât du gain ou d’un libéralisme débridé, sans foi ni loi, qui est le fait d’un petit nombre de praticiens – ils sont l’exception – au mépris de la santé de nos compatriotes.
Ainsi, la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale – fait trop rare pour ne pas être souligné – est indispensable à double titre.
D’une part, on dépasse aujourd’hui les 2 500 cabinets, dont la moitié sont des centres exclusivement dentaires et parmi lesquels on compte plus d’une centaine de centres uniquement ophtalmologiques. Ce chiffre, qui continue d’augmenter, a bondi de 50 % entre 2017 et 2021. Cet opportunisme doit donc désormais être davantage régulé, car il conduit parfois à des drames.
D’autre part, cette régulation est rendue nécessaire après les scandales que nous avons encore tous en mémoire et qui nous obligent.
En 2015, trois ans seulement après son ouverture, Dentexia fermait après avoir mutilé et escroqué de nombreux patients auxquels étaient proposés toujours plus d’actes afin de maintenir des flux de trésorerie élevés.
En 2021, éclatait celui de Proxidentaire, du nom de cette chaîne bourguignonne de centres exploitant les mêmes recettes, avec les mêmes résultats : des patients attirés par la promesse de soins à bas coût, des soignants sommés de faire du chiffre, des soins superflus facturés en quantité excessive et des victimes parfois édentées à vie. La liste ne s’arrête pas là et d’autres affaires apparaissent au gré des signalements et des inspections.
Or de telles dérives ont été rendues possibles par un assouplissement du cadre juridique. Afin de favoriser le développement de ces centres, la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires avait notamment substitué au régime d’agrément un régime de simple déclaration de conformité à la réglementation.
L’ordonnance du 22 janvier 2018 avait vocation à mettre de l’ordre, notamment en interdisant à ces centres la distribution des bénéfices issus de leur exploitation, en prohibant la publicité et en explicitant le principe d’une ouverture à tous les patients.
Force est de constater que ce que la loi a défait, il nous appartient de le refaire – en mieux ! C’est ce qui a été entrepris. À cet égard, je tiens à saluer le travail de grande qualité du rapporteur ainsi que celui qu’ont réalisé nos collègues du Palais Bourbon, dans un esprit de concorde bien différent de celui qui y règne ces derniers jours… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ainsi, au-delà du rétablissement de l’agrément pour ces deux types de centres, certaines avancées sont à noter comme la création d’un comité médical ou dentaire, en guise de contrepoids au pouvoir du gestionnaire, ou le renforcement du pouvoir de sanction de l’ARS pour plus de réactivité et de contrôle.
Nécessité faisant loi, j’appelle à l’adoption de ce texte, afin de circonscrire une dérive et de mettre réellement fin à des pratiques inacceptables.
Toutefois, madame la ministre, nous serons particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre de ce texte au terme de son parcours législatif. Il s’agit de redonner confiance aux patients dans les centres de soins qui effectuent, pour l’immense majorité d’entre eux, un travail sérieux et qui sont les premiers à pâtir de cette mauvaise presse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Fichet, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier, Poumirol, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6323-1 du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les centres de santé sont soumis, pour leurs activités de soins autres que dentaires et ophtalmologiques, à une procédure d’agrément définie par décret en Conseil d’État.
« Ceux de ces centres autorisés à dispenser des soins avant l’entrée en vigueur de la présente loi doivent effectuer une demande d’agrément dans des conditions fixées par décret, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. »
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain tend à soumettre tous les centres de santé à la procédure d’agrément.
Si la proposition de loi vise à lutter contre les dérives et les scandales, elle ne prend pas en compte le phénomène de la multiplication des centres de santé spécialisés, en psychiatrie ou en gynécologie, par exemple, où le lien avec le médecin spécialiste se fait uniquement par téléconsultation.
L’objectif des gestionnaires de ces centres est de faire de l’argent au détriment du juste soin. Cette dérive, actuellement à l’œuvre, est favorisée par la politique du Gouvernement.
Pour lutter contre cette financiarisation en marche, il convient de soumettre tous les centres de santé à un agrément, afin de limiter la multiplication de structures purement commerciales et l’emprise de la concentration capitalistique dans ce secteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Sol, rapporteur. Je rappelle que la loi HPST a supprimé l’agrément auquel étaient soumis, jusqu’en 2009, les centres de santé. La raison en était double : il s’agissait tout d’abord de soutenir le développement de ces centres et ensuite d’en finir avec une procédure jugée bien trop lourde pour les autorités administratives.
Alors que la charge représentée par les seuls centres dentaires et ophtalmologiques est déjà particulièrement pesante pour les ARS, il me paraît irréaliste, à ce stade, de rétablir l’agrément pour l’ensemble des centres de santé.
Cela représenterait un travail substantiel au regard du flux de nouveaux centres, mais aussi une tâche colossale pour le traitement des centres existants. Concentrons-nous sur les activités manifestement sujettes aux dérives.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Vous souhaitez prévoir un agrément pour l’ensemble des centres de santé, dont je tiens à rappeler l’importance dans la réponse aux besoins de santé, notamment ceux des patients les plus fragiles, comme l’ont déjà souligné de nombreux orateurs. Pour faire actuellement la tournée des différents modes d’exercice des centres de santé, je peux en témoigner.
De plus, les dérives observées concernent les centres ayant une activité dentaire ou ophtalmologique. Si d’autres manquements venaient à être constatés, les ARS pourraient diligenter des inspections de contrôle et mettre en œuvre une gamme de réponses aux dérives, allant de l’amende administrative à la fermeture du centre. L’assurance maladie, quant à elle, peut déconventionner les centres déviants.
Enfin, les dérives que vous mentionnez ne sont pas spécifiques aux centres de santé, où certaines activités, comme la gynécologie, sont peu présentes. L’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit justement un agrément pour les sociétés de téléconsultation adapté aux exemples que vous avez exposés.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.
Mme Émilienne Poumirol. Je voudrais revenir sur l’intérêt du contrôle des centres de santé.
Le 16 février 2022, j’avais interpellé M. Olivier Véran, alors ministre de la santé, sur le projet de vente de centres de santé de la Croix-Rouge au groupe Ramsay Santé. Je l’avais alors interrogé sur la volonté du Gouvernement de protéger notre système de santé contre cette marchandisation – c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler – et de défendre l’égal accès de tous nos concitoyens à des soins de qualité.
La réponse du ministre avait été claire : l’État n’a pas à intervenir dans une transaction entre deux acteurs privés. Il nous avait, en outre, fait part de sa volonté de conserver de prétendus équilibres entre les acteurs publics, privés à but lucratif et privés à but non lucratif. Bref, il faut laisser agir le marché. Le chef de l’État a d’ailleurs rappelé cette vision lors de ses vœux aux soignants au début du mois de janvier.
Après la biologie de ville, la gestion des agendas médicaux – nous en verrons les inconvénients – et le rachat des cliniques par des fonds d’investissement, la financiarisation touche désormais les soins primaires. Les chaînes de cliniques commerciales créent des centres de santé de premier recours, dont plusieurs ont déjà ouvert leurs portes dans le cadre d’expérimentations autorisées par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
Les centres de santé de Ramsay Santé expérimentent aussi un nouveau mode de tarification, à la capitation plutôt qu’à l’acte, qui repose sur un forfait versé à l’établissement en fonction du nombre et de la typologie des patients qu’il accueille. Ce dispositif incite au tri des patients en fonction de leur rentabilité, en sélectionnant les moins coûteux. Les autres, dont le coût de la prise en charge dépasserait le montant du forfait, sont redirigés vers l’hôpital public.
En effet, ne l’oublions pas, la rentabilité reste le maître mot de ces organisations. Leur priorité ne réside ni dans les besoins en santé de la population, ni dans le service public, ni dans l’intérêt du patient. Tout cela nourrit le sentiment que les pouvoirs publics doivent avoir un rôle pilote dans la gouvernance du système de santé, laquelle ne doit pas devenir une marchandise comme une autre. (Mme Michelle Meunier applaudit.)