M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à Mme la Première ministre.
Lundi dernier, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a rendu son rapport annuel. Ce document confirme la persistance du sexisme à un haut niveau dans notre société, ce qui explique que la condition des femmes reste soumise aux inégalités et aux violences. Cet écosystème sexiste impose aux femmes de toujours devoir s’adapter, esquiver et résister, ce qui leur demande des efforts constants.
À propos d’efforts, le même jour, avec un sens du timing étonnant,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Et inédit…
Mme Laurence Rossignol. … le ministre Riester, dans un merveilleux moment de franchise, a déclaré que cette réforme allait exiger des femmes un effort supplémentaire. Je le dis clairement : pour ce qui est des femmes, les efforts, c’est non ! Nous en faisons déjà assez comme ça, tout le temps ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme la Première ministre ironise.)
Vous répétez en boucle que la pension minimale passera à 1 200 euros, mais les conditions d’accès à ce niveau de retraite, en particulier l’exigence d’une carrière complète, sont si drastiques que les femmes ne peuvent les remplir : comme elles ont des carrières hachées, elles ne pourront profiter de cette pension à 1 200 euros.
En revanche, si une chose est certaine, c’est que les femmes devront travailler plus longtemps, et plus longtemps que les hommes qui pourtant verront eux-mêmes leur temps de travail s’allonger… En effet, selon les études d’experts, l’accroissement de la durée d’activité sera deux fois plus important pour les femmes nées à partir de 1972 que pour les hommes.
L’ensemble est quelque peu complexe, mais cela prouve que votre réforme accentue les inégalités entre les femmes et les hommes, comme d’ailleurs toutes les réformes censées être neutres.
Puisque nous parlons d’efforts et que les femmes, comme je l’ai souligné, en font déjà beaucoup, madame la Première ministre, vous, faites-en un : vous êtes celle qui peut réaliser un très bel effort, en renonçant à cette réforme injuste pour les femmes. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme la Première ministre sourit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Laurence Rossignol, je ne reviendrai pas sur les éléments que j’ai donnés précédemment en réponse à la question de Mme Cathy Apourceau-Poly.
La réforme que nous menons comporte des systèmes de protection pour les femmes. Vous avez du mal à l’entendre ou à le concevoir, manifestement !
Ainsi, même si je ne l’ai pas rappelé tout à l’heure, nous avons veillé à ce que l’âge de suppression de la décote soit maintenu à 67 ans, sans changement par rapport à aujourd’hui. (Mme Laurence Rossignol ironise.)
En effet, comme 20 % des femmes ont une carrière incomplète, l’essentiel des personnes qui travaillent jusqu’à 67 ans sont justement des femmes. Avec la retraite minimum, nous faisons en sorte que les femmes, qui ont les carrières les plus fragiles et les plus hachées, avec les revenus les plus bas, bénéficient de la réforme.
Ainsi, la retraite minimum que nous mettons en place permettra à 200 000 nouveaux retraités par an, soit un départ à la retraite sur quatre, de bénéficier d’une meilleure pension. Les deux tiers de ces bénéficiaires sont des femmes, qui sont les plus exposées à la précarité et aux carrières hachées – sur ce point, je vous rejoins.
Le temps me manque pour décrire ces mécanismes. Mais nous avons fait le choix de revaloriser le minimum contributif majoré, qui est accessible dès 120 trimestres cotisés. Nous avons également fait le choix de revaloriser le minimum contributif de base, accessible à toutes celles et à tous ceux qui ont travaillé, ce qui permet de protéger les plus fragiles.
Mme Laurence Rossignol. Et les carrières complètes ?
M. Olivier Dussopt, ministre. Nous n’avons pas les mêmes priorités, madame la sénatrice. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE.) Vous parlez des carrières complètes, alors que nous nous adressons justement à celles qui n’ont pas des carrières complètes et qui bénéficieront des revalorisations et des systèmes de protection que nous mettons en place.
Notre priorité est donc de protéger les plus fragiles, celles et ceux qui sont exposés à la précarité et aux difficultés de carrière. Nous y parviendrons avec cette loi.
Je termine en abordant un point pour lequel je suis en accord avec vous. Vous avez cité le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Celui-ci montre que notre système de retraite, que l’on accuse parfois de tous les maux, est aussi le réceptacle d’une vie d’inégalités.
Travaillons sur ces inégalités, faisons en sorte de les résorber, et les retraites seront beaucoup plus justes. Tout le monde en sera satisfait ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
crise de la filière viticole
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
La viticulture est la filière qui a subi le plus d’aléas successifs. Lundi dernier, le président de la chambre d’agriculture de l’Hérault a pris l’initiative d’une réunion en urgence pour alerter les parlementaires sur cette crise sans précédent.
En 2019, les taxes Trump, en 2020, la covid-19, en 2021, un puissant gel, la grêle et la sécheresse, en 2022, la guerre en Ukraine, avec ses conséquences économiques – pénurie de bouteilles, augmentation du prix du verre, des engrais et du carton –, au-delà du drame humain, tandis que l’inflation a un impact direct sur la consommation – on enregistre ainsi une baisse de 15 % de la consommation de vin rouge.
Ce chiffre est très inquiétant, car la viticulture française est un secteur qui réalise un excédent commercial de plus de 14 milliards d’euros.
Le Bordelais a récemment manifesté sa colère, car le désespoir gagne ses vignerons. Avant la séance, le groupe d’études Vigne et vin a reçu un collectif de viticulteurs bordelais, abattus et désespérés, mais combatifs.
Lundi dernier, le président des Jeunes Agriculteurs de l’Hérault, consterné, a évoqué un contexte catastrophique pour les jeunes installés depuis deux ou trois ans, qui accumulent les galères et les crises, alors que leur projet viticole est parfaitement sain.
Si une remise en question structurelle est nécessaire – les organismes professionnels s’en emparent –, que proposez-vous, monsieur le ministre, pour aider cette filière ?
Allez-vous soutenir la demande d’étalement de remboursement des PGE, les prêts garantis par l’État, de six ans à dix ans ?
Allez-vous répondre à la demande de distillation, adossée à l’arrachage temporaire ou définitif, et de l’aide au stockage ? Allez-vous soutenir la création d’un plan de relance commerciale ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Laurent applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur Henri Cabanel, je vous remercie de votre question. Vous avez raison, la situation dans la filière vitivinicole est grave. Votre collègue Nathalie Delattre m’a alerté dès cet été, la crise étant d’abord apparue dans le Bordelais.
Elle résulte, vous l’avez dit, du cumul de différentes crises, contre lesquelles, je tiens à le dire, le Gouvernement est beaucoup intervenu. En effet, pour ce qui concerne le gel, il a couvert la perte à hauteur d’un milliard d’euros. Il a également agi pour d’autres dispositifs, afin d’accompagner la filière. Cela dit, vous avez raison, cela ne suffit pas, parce que nous sommes dans une crise à la fois conjoncturelle et structurelle.
La crise conjoncturelle est liée, en particulier, à l’augmentation des matières sèches et à l’inflation des prix du carburant et des matières énergétiques. Nous avons donc travaillé sur un plan d’allégement des charges pour les viticulteurs.
Mes services ont sur la table trois ou quatre dispositifs, que nous devons encore approfondir.
Tout d’abord, nous étudions, en lien avec le ministère de l’économie, les conditions de la poursuite des PGE.
Ensuite, nous envisageons une aide au stockage ou à la distillation, ce qui peut constituer un élément complémentaire pour réduire les trop-pleins.
Enfin, nous nous penchons sur un élément plus structurel, à savoir l’arrachage, notamment dans le Bordelais, afin de réguler une surproduction structurelle.
Nous devons également réfléchir à la capacité de la filière à ouvrir des perspectives à l’export. Il y a une évolution des modes de consommation, et nous devons en tenir compte. L’ensemble de ces dispositifs est en cours d’expertise, mais la situation est complexe, notamment pour des raisons budgétaires. Nous avons besoin d’examiner précisément ce que l’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire.
Je réunirai les représentants des filières au tout début du mois de février pour examiner l’ensemble des dispositifs et apporter les premières réponses concrètes. Reconnaissons-le également, un certain nombre de sujets relèvent du règlement communautaire. Je pense notamment à l’arrachage, qui nécessite du temps.
J’ai besoin, avec eux et avec vous, de construire des mesures d’urgence, qui donnent des perspectives aux jeunes – mais pas seulement à eux ! –, à moyen et à long terme, face à une crise qui est en effet assez grave. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour la réplique.
M. Henri Cabanel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous le savez, nous sommes nombreux ici à vouloir que la France reste la référence mondiale en matière de vin.
Vous l’avez dit, si la situation est grave, elle n’est pas désespérée. Je vous propose donc de vous appuyer, au-delà de votre majorité, sur tous les parlementaires, qui connaissent parfaitement leur territoire. L’union fait la force, et la viticulture en a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
quartiers disciplinaires
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et concerne les quartiers disciplinaires.
Ces lieux ne sont pas perçus par hasard comme des lieux de moindre droit. Les conditions de vie y sont plus dures qu’en détention générale. Les garanties comme la superficie minimale des cellules, la possibilité de promenade ou la possibilité de contact avec l’extérieur par le droit de visite ou par le téléphone semblent parfois oubliées.
L’État français ne brille pas par l’état de ses prisons ni par les conditions de détention. Les quartiers disciplinaires sont le reflet exacerbé de ces problèmes, et le Comité européen pour la protection contre la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe, le CPT, a établi de nouveau, lors de sa visite, des constats qui ne nous font pas honneur.
Actuellement, la durée maximale y est de trente jours. Le Comité recommande de nouveau aux autorités françaises de prendre les mesures législatives nécessaires pour assurer que le placement à l’isolement disciplinaire ne dépasse pas quatorze jours pour une infraction donnée commise par un adulte et qu’il soit de préférence d’une durée inférieure.
Ces recommandations nous paraissent nécessaires et constituent le début d’une réelle prise en compte des difficultés au sein des quartiers disciplinaires. Je me dois d’évoquer certains doutes concernant d’éventuels mauvais traitements et un manque de transparence et de traçabilité, ce qui entretient des suspicions, notamment, sur les circonstances de certains suicides.
Les suicides semblent aussi plus nombreux dans ces lieux, où les privations peuvent créer des conditions favorables aux passages à l’acte.
Le CPT regrette que le recours à la force, qui peut parfois se justifier, ne soit pas systématiquement répertorié et que les données le concernant ne permettent pas de démontrer en quoi il se révèle strictement nécessaire et appliqué dans le respect du principe de proportionnalité.
Aussi, je souhaite savoir si le ministère compte rendre disponibles les chiffres sur les quartiers disciplinaires – nombre de séjours, durées, durées moyennes, nombre de suicides –, afin de permettre un état des lieux de la situation et d’enclencher une réforme de ces lieux.
Monsieur le garde des sceaux, je souhaite aussi connaître votre avis sur la possibilité d’aménager les restrictions aux conséquences trop importantes sur les détenus des quartiers disciplinaires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Benarroche, je vous communiquerai très volontiers les chiffres ; je demanderai à la direction de l’administration pénitentiaire de me les transmettre.
De grâce, ne laissons pas entendre que le quartier disciplinaire, autrement appelé « mitard », serait le lieu de l’arbitraire absolu. Je le rappelle, un détenu, lorsqu’il est envoyé au mitard, comparaît devant une commission composée du directeur de l’établissement pénitentiaire et d’un assesseur venant de la société civile. Il peut également être défendu par un avocat.
Nous avons évoqué au Sénat, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi déposée par M. François-Noël Buffet,…
M. Marc-Philippe Daubresse. Par l’excellent François-Noël Buffet ! (Sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … les conditions indignes, auxquelles nous sommes particulièrement sensibles, qui concernent la détention ordinaire comme les quartiers disciplinaires.
À ce titre, je vous indique que nous avons consacré plus de 130 millions d’euros par an à la rénovation des prisons. Reste que les choses ne se font pas en un claquement de doigts ! J’ai déjà eu, hélas ! le déplaisir de le dire, la justice a subi un abandon de trois décennies sur les plans humain, budgétaire et politique.
Par ailleurs, s’agissant des suicides, le quartier disciplinaire peut bien évidemment constituer un facteur « favorisant », si j’ose dire. Nous sommes très attentifs à ce point. Le personnel pénitentiaire prend un certain nombre de dispositions et nous faisons venir des médecins. Vous l’avez compris, le suicide d’un détenu, c’est un échec.
Monsieur le sénateur, je vous ouvre la porte de la Chancellerie, afin de vous communiquer très prochainement les chiffres sur ce sujet. Nous réfléchirons ensemble à ce que vous avez proposé. Toutefois, je le dis, ce point n’est pas, pour le moment, à l’ordre du jour. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le garde des sceaux. Simplement, certains processus administratifs sont susceptibles de créer des problèmes.
Par exemple, des détenus sont au quartier disciplinaire parce que leurs téléphones portables ne sont pas ceux qui sont mis à disposition par l’administration. Or, en vertu de contrats passés par le ministère, le coût d’un appel autorisé est dix fois plus élevé que celui d’un appel ordinaire ! Il faut donc prendre les mesures nécessaires, y compris s’agissant des marchés publics conclus pour ces matériels.
sort des femmes dans la réforme des retraites (III)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laure Darcos. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
Monsieur le ministre, le Gouvernement vient de présenter sa réforme des retraites. Or le moins que l’on puisse dire, c’est que les femmes pourraient être les grandes perdantes des mesures à venir. L’étude d’impact le démontre clairement : elles devront travailler en moyenne sept mois de plus, alors que les hommes ne seront astreints qu’à cinq mois supplémentaires.
En outre, de nombreuses femmes pouvaient partir dès 62 ans à taux plein grâce aux trimestres acquis lors de la naissance de leurs enfants. Avec votre réforme, elles devront travailler deux ans de plus pour atteindre le nouvel âge légal de 64 ans et perdront le bénéfice de cette bonification.
Vous aurez beau jeu de souligner que, en travaillant plus longtemps, elles bénéficieront d’une retraite revalorisée. Vous ne manquerez pas de rappeler également qu’elles seront les premières bénéficiaires de la hausse du minimum de pension. Mais de quelle retraite parlons-nous ?
Vous ne l’ignorez pas, la retraite des femmes est de 40 % inférieure à celle des hommes, parce qu’elles sont les premières victimes des inégalités salariales. Vous ne l’ignorez pas non plus, elles ont fréquemment des carrières interrompues par des maternités, qui réduisent la durée de cotisation et font qu’elles sont plus touchées par la décote.
Dans ces conditions, il est indispensable de compenser l’effort supplémentaire demandé aux femmes, de mieux prendre en compte leur maternité, car une réforme des retraites par répartition ne peut se désintéresser de la politique familiale, et d’avancer l’âge de la suppression de la décote.
À ce stade du projet de loi et avant les discussions parlementaires, ces mesures nous paraissent plus équitables que l’allongement de la durée de vie active pour améliorer le taux de pension. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à corriger ces injustices, qui concernent les femmes et que notre groupe a déjà pointées à plusieurs reprises ?
Sur un sujet aussi grave, nous aurons à cœur de trouver, au sein de la majorité sénatoriale, comme à notre habitude, une solution de compromis acceptable par tous. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.
M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Madame la sénatrice Darcos, vous avez raison sur un point fondamental, à savoir l’inégalité de niveaux de retraite entre les femmes et les hommes.
Aujourd’hui, 50 % des femmes retraitées ont une retraite inférieure à 1 000 euros brut. C’est la conséquence ou l’effet miroir d’une inégalité face au travail et aux salaires. Le mouvement sociologique que nous connaissons d’augmentation du taux d’activité et du taux d’emploi des femmes corrige peu à peu – bien trop lentement – cette inégalité, qui est simplement le fruit des inégalités professionnelles et de carrière.
La priorité est donc de rétablir l’égalité professionnelle, pour que nous n’ayons pas, au moment des départs à la retraite, à imaginer des systèmes de retraite visant à corriger les inégalités accumulées tout au long de la vie.
Dans notre projet, un effort est demandé à tous les salariés, femmes et hommes, quel que soit leur cadre d’emploi, qu’ils relèvent du privé, du public ou d’un régime spécial.
Nous le savons, l’âge de départ effectif des femmes se rapprochera de celui des hommes, même si, je l’ai dit tout à l’heure, l’âge moyen de départ des femmes restera inférieur à celui des hommes. Nous avons voulu apporter des corrections et des protections. J’ai évoqué la question de la retraite minimum, comme vous l’avez fait vous-même, madame la sénatrice.
Je puis également rappeler que nous intégrerons dans les trimestres pris en compte ceux qui ont été cotisés au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer, ce qui concerne 1,9 million de femmes, notamment parmi les moins favorisées, tant pour l’éligibilité au minimum de pension que pour l’éligibilité au départ anticipé pour carrière longue.
Nous avons certainement encore du travail à faire, notamment autour de la question des aidants. Nous allons créer cette assurance vieillesse pour les aidants, qui sont souvent des femmes.
Nous avons également un travail à accomplir pour harmoniser les droits. Comment expliquer qu’une maternité donne automatiquement droit à quatre trimestres au titre du régime général et à deux trimestres au titre de la fonction publique ?
Avec Mme la Première ministre, j’ai d’ores et déjà demandé au Conseil d’orientation des retraites d’ouvrir un chantier sur ce sujet. J’espère que les débats parlementaires nous permettront d’avancer non seulement sur la question des droits familiaux, de la parentalité et de la maternité, mais aussi sur celle de la réversion.
Le texte, tel qu’il sera adopté, je l’espère, par l’Assemblée nationale, nous permettra certainement de construire des consensus. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.
Mme Laure Darcos. J’entends ce que vous dites, monsieur le ministre.
Certes, vous souhaitez d’ores et déjà revaloriser les plus petites retraites. Toutefois, nous parlons également au nom de toutes les femmes qui travaillent depuis longtemps, qui ont de beaux métiers et qui ont connu de formidables moments durant leur congé maternité, dans tous les secteurs d’activité. Je pense notamment aux femmes qui travaillent dans le milieu de l’agriculture.
Je vous invite donc, avec Mme Isabelle Rome, à examiner les rapports d’information et projets de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, pour que nous puissions construire tous ensemble les derniers éléments de cette réforme des retraites. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
situation dans les ehpad un an après la parution du livre les fossoyeurs
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
Voilà quasiment un an jour pour jour paraissait le livre Les Fossoyeurs, de Victor Castanet, sur le système Orpea. Chacun a salué une enquête minutieuse, récompensée par un prix Albert Londres bien mérité. Et maintenant ?
Les dysfonctionnements sont connus ; des sanctions ont été prononcées. Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) lucratifs doivent être mieux encadrés, puisqu’ils vivent du fruit des cotisations et de la solidarité nationale, et même prospèrent grâce à lui.
Le Sénat a proposé de renforcer le contrôle des Ehpad. Si nous avons modifié le cadre législatif, sur le terrain, les moyens humains restent lacunaires, distants, « sur pièces comptables », bien loin de nos recommandations pour des inspections-contrôles coordonnées.
Dès lors, des questions subsistent, monsieur le ministre. Entendez-vous nos concitoyennes et concitoyens, qui espèrent plus d’attention et de soins pour leurs aînés ? Entendez-vous les familles révoltées, à juste titre, des maltraitances parfois infligées à leurs proches ? Entendez-vous l’alerte de la Défenseure des droits ?
Surtout, monsieur le ministre, avez-vous pris la mesure de l’attente des soignantes, qui disent : « Nous devons être plus nombreuses pour mieux travailler, pour cesser de nous éreinter, pour éviter d’être inaptes avant la retraite. » (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées.
M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées. Madame la sénatrice Michèle Meunier, vous l’avez rappelé, voilà un an, sortait l’enquête approfondie de Victor Castanet, qui a produit une onde de choc dans notre société.
À l’époque, j’étais moi-même gestionnaire dans une association d’établissements médico-sociaux. J’ai été profondément choqué par ces révélations. Depuis lors, je n’ai eu de cesse de m’engager pour protéger les personnes âgées et pour que nos concitoyens reprennent confiance dans nos Ehpad.
Aujourd’hui, en tant que ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, mon rôle est de poser un cadre et de veiller à ce qu’il soit respecté, pour réguler le secteur.
Je le dis très clairement et très fermement : tous ceux qui, aujourd’hui, pensent pouvoir se décharger de leur responsabilité en attaquant l’État commettent une double faute. La première, c’est qu’ils mentent aux Français ; la seconde, c’est qu’ils n’ont pas été à la hauteur et ne le sont toujours pas, hélas.
Dès les premiers jours de ces révélations, l’État a agi de façon extrêmement puissante, en lançant une vague de contrôles inédite : alors que les établissements étaient contrôlés tous les vingt ans, ils le seront désormais tous les deux ans.
Quelque 1 400 établissements, sur les 7 500 que compte notre pays, ont d’ores et déjà été contrôlés, et 700 établissements ont fait l’objet d’inspections-contrôles, grâce au recrutement de 120 contrôleurs supplémentaires dans les ARS, les agences régionales de santé. À cet égard, je salue le travail approfondi des ARS pour faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas.
En outre, je veux évoquer le tabou de la maltraitance des personnes adultes vulnérables. Il faut lever le tabou et libérer la parole. Je lancerai dans quelques jours une plateforme de recueil des signalements, et des États généraux de la maltraitance, qui réuniront l’ensemble des acteurs – police, justice, familles et personnes concernées –, auront lieu dans quelques semaines.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Christophe Combe, ministre. Enfin, nous travaillons à transformer le secteur. Ainsi, 9 milliards d’euros seront investis en cinq ans pour transformer l’offre médico-sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le ministre, si vous doutez de ce modèle marchand qui ne peut rémunérer des actionnaires que s’il s’occupe mal de nos personnes âgées, vous trouverez sur nos travées, au Sénat, des soutiens pour mettre fin à une telle situation.
Cela passera par l’examen d’une loi Grand Âge visant à consacrer des moyens humains renforcés et des financements pérennes à ce secteur. Il faut flécher une partie de la richesse créée dans notre pays vers la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie.
Les Françaises et les Français ne souhaitent pas que cet effort consolide la cotation boursière des grands groupes d’Ehpad et gonfle les poches des entreprises du CAC 40. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
revenants du djihad