Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, en préambule, de saluer Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, présent au banc du Gouvernement à la demande de la mission d’information sur l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.) Votre présence, monsieur le ministre, est une reconnaissance de cet enseignement et je vous remercie d’être ici ce soir.
M. Max Brisson. C’est une première !
Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis. J’ai l’honneur de présenter l’avis de la commission de la culture sur les crédits du programme 143, « Enseignement agricole », doté pour 2023 de 1,59 milliard d’euros, soit une augmentation de 67,8 millions d’euros par rapport à 2022.
Au-delà de la hausse attendue des dépenses de personnel, qui découle notamment de la revalorisation du point d’indice, l’augmentation des crédits de la mission se caractérise surtout par un bel effort en faveur de l’école inclusive, à hauteur de 10,28 millions d’euros supplémentaires pour 2023, le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans l’enseignement agricole ayant encore progressé de 26 % cette année.
En ce qui concerne le schéma d’emplois, 15 équivalents temps plein supplémentaires sont prévus au sein du programme 143 afin de renforcer les équipes médico-sociales. Je me félicite de cette hausse des ETP, après une baisse substantielle l’année dernière, mais je serai particulièrement vigilante à l’évolution de cet effectif à court terme, car l’enseignement pédagogique par petits groupes doit impérativement être maintenu.
Je tiens cependant à vous alerter sur les chiffres de la rentrée 2022. Le nombre d’élèves scolarisés au sein des établissements de l’enseignement technique agricole est en baisse de 1,1 % cette année, soit une diminution de 1 743 élèves. La situation des brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) est particulièrement inquiétante, puisque les effectifs dans ces formations, qui ont pourtant fait leurs preuves, ont diminué de 12,8 % par rapport à la rentrée précédente.
Il me semble indispensable de mettre en place au plus vite un groupe de travail afin de revaloriser le BTSA et de lui redonner une perspective claire, dans une dynamique bac+3.
Plus encore, cette nouvelle baisse des effectifs souligne avec force la nécessité d’agir pour mieux faire connaître l’enseignement agricole.
Alors qu’une enveloppe de 9,7 millions d’euros pour la communication avait été ouverte sur le plan de relance en 2022, les crédits ne sont pérennisés cette année qu’à hauteur de 1,9 million d’euros au sein du programme 143, ce que je déplore. Si les campagnes de communication ont bien fonctionné lors de leur lancement il y a trois ans, force est de constater qu’elles ont manqué de visibilité en 2022. Il est indispensable de mieux cerner les attentes des jeunes et d’encourager les établissements à se saisir, à leur échelle, de ces enjeux, en y associant leurs élèves.
L’enseignement agricole se distingue encore cette année par l’excellence de ses résultats. Ses taux d’insertion professionnelle sont très élevés et son caractère innovant est reconnu. Cette qualité d’enseignement doit être promue. Il faut s’en inspirer, monsieur le ministre de l’éducation nationale !
Enfin, je terminerai en attirant votre attention sur la nécessité, plus que jamais, d’accompagner les établissements de l’enseignement technique agricole face à un contexte énergétique tendu et à une hausse globale des coûts de production, notamment alimentaires.
Les établissements de l’enseignement technique agricole sont particulièrement énergivores, en raison du fort taux d’élèves en internat : 57 % des élèves de l’enseignement technique agricole sont internes, souvent même le week-end.
Il me semble donc essentiel de soutenir au plus vite les établissements de l’enseignement technique agricole, publics et privés, afin de leur permettre d’absorber les retombées de l’inflation, qui mettent gravement en péril leur trésorerie pour les mois à venir.
Il existe déjà une solution simple pour les maisons familiales et rurales et les établissements privés agricoles du temps plein : il ne faut pas leur demander le remboursement des subventions de fonctionnement non consommées cette année et déjà votées dans la loi de finances pour 2022.
Néanmoins, en raison d’une augmentation satisfaisante du budget consacré à l’enseignement technique agricole, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis, à la suite de mon rapport, un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 143 consacré à l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Jacques Grosperrin et Mme Cécile Boulay-Espéronnier applaudissent également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Michel Canévet et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » connaît cette année une forme de rupture, compte tenu de l’ampleur de l’augmentation de son budget.
L’école, creuset républicain cristallisant la convergence des valeurs fondatrices de notre société – l’humanisme, l’universalisme et le progrès – se doit de refléter la maxime : « La fin justifie les moyens. »
Monsieur le ministre, je crois en la sincérité de votre engagement pour la revalorisation de l’enseignement, la réussite de tous les élèves et une école innovante et inclusive luttant contre toutes les inégalités. Vous prolongez la dynamique engagée depuis 2017 en augmentant de manière inédite les crédits de la mission, de l’ordre de 6,5 % par rapport à 2022.
Néanmoins, je ferai quelques observations.
En effet, si ce projet de loi de finances prévoit des crédits significatifs afin d’améliorer la rémunération des enseignants, le retard accumulé était considérable. Il est donc essentiel que ce choc d’attractivité se poursuive. Le métier d’enseignant traverse une crise sans précédent ; les difficultés de recrutement ne sont pas seulement d’ordre financier. Le manque de considération sociale et de soutien hiérarchique, ainsi que des conditions d’exercice dégradées dans certains territoires expliquent la désaffection pour le métier d’enseignants.
Les chiffres ont été rappelés : en 2018, 135 000 candidats se présentaient encore aux concours de la fonction publique de l’éducation nationale. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 90 000. Plus grave encore, les postes n’ont été couverts qu’à 83 % en 2022 par les candidats ayant été admis.
Le recours croissant aux contractuels présente un intérêt en ce qu’il permet de combler un manque et de réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels. Cependant, n’est-il pas antinomique de pallier les pénuries d’enseignants en recrutant des contractuels dont les qualifications sont plus que variables, quand, parallèlement, la formation initiale se tourne vers des compétences professionnelles renforcées ?
La revalorisation des rémunérations, qui constitue l’essentiel de la hausse des crédits de la mission, ne doit être que le premier pas vers un objectif plus large de reconnaissance économique et sociale du corps enseignant.
Rappelons que, en 1990, un professeur des écoles débutant touchait 1,8 fois le Smic, contre 1,5 fois aujourd’hui. En fin de carrière, un agrégé de classe exceptionnelle touchait alors 4,6 fois le Smic, contre 3,3 fois actuellement.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Exact !
M. Éric Gold. Notons également que la rémunération d’un professeur des écoles est inférieure au salaire moyen des fonctionnaires civils de catégorie B.
La comparaison avec nos confrères européens est également inquiétante tant le fossé s’est creusé. Les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l’Union européenne.
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Éric Gold. Dans le contexte inflationniste inédit que nous connaissons, cette revalorisation est souhaitable, mais, au-delà de la conjoncture, elle est bien évidemment une affaire de statut.
Mon autre interrogation concerne les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Le renforcement des crédits alloués à la scolarisation de ces élèves explique une partie de la hausse du programme 230. Les crédits de l’action n° 03, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, connaissent en effet une hausse de 11,4 %.
Nous faisons face à une augmentation spectaculaire du nombre d’élèves en situation de handicap, qui sont au nombre de 430 000 aujourd’hui, soit deux fois plus qu’il y a dix ans.
Dans ces conditions, la création de 4 000 postes d’AESH constitue un effort substantiel. Cependant, compte tenu des conditions de travail précaires et des faibles rémunérations, de nombreux postes ne sont actuellement pas pourvus. En Seine-Saint-Denis, ce sont ainsi 1 000 emplois qui n’avaient pas trouvé preneur à la rentrée 2022.
Aussi mon groupe examinera-t-il avec bienveillance la proposition de loi de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation, qui sera prochainement soumise au Sénat.
Je relève par ailleurs un problème de cohérence entre la politique des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les capacités de l’éducation nationale à accueillir et à gérer financièrement ce dispositif.
M. Max Brisson. Exactement !
M. Éric Gold. Espérons que la création de ces postes supplémentaires sera non pas un simple effet d’affichage, mais le point de départ d’une meilleure coopération entre ceux qui prescrivent et ceux qui organisent, ainsi que d’une plus grande considération pour une profession aujourd’hui indispensable.
Enfin, je reviendrai sur la volonté d’anticiper les grandes évolutions démographiques en cours, qui ont des répercussions sur le nombre d’élèves scolarisés en France. Si le taux d’encadrement s’améliore, la France se caractérise toujours par un nombre d’enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré. (Mme Marie-Pierre Monier le confirme.) Dans le contexte tendu que je rappelais, où le nombre de postes à pourvoir n’est pas comblé par les lauréats des concours, le principe de réussite pour tous n’est que trop vacillant.
Nous faisons donc face à un véritable défi : emplir les rangs des professeurs, ce qui passe, je le répète, par la consolidation de leur statut.
Le groupe du RDSE votera néanmoins les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et CRCE. – Mme Samantha Cazebonne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre école va mal. Elle attend que vous sortiez du bois, monsieur le ministre. En vingt ans, les élèves français sont descendus, dans le classement Pisa, du quinzième au vingt-cinquième rang en mathématiques et au vingt-troisième rang en lecture.
La mobilité sociale dans notre pays est la plus faible d’Europe ; seule la Hongrie est plus mal classée. La France est également le pays d’Europe où il y a le plus de problèmes de discipline. Dans l’OCDE, seuls le Brésil et l’Argentine font pire.
Les atteintes à la laïcité se multiplient. La crise des vocations s’amplifie. En 2021, 238 postes du niveau du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) n’ont pas été pourvus et 1 648 enseignants ont démissionné.
Certes, la revalorisation salariale des enseignants prévue dans votre projet de budget, pour un total de 935 millions d’euros, est un acte fort. Notre ancienne collègue Françoise Laborde et moi avions préconisé un tel effort dans notre rapport en faveur de la revalorisation du métier d’enseignant. Une marche va donc être franchie, c’est une bonne chose.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission. A contrario, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose de s’abstenir sur ce projet de budget. Comme son rapporteur pour avis, je m’étonne que pas grand-chose ne soit prévu, alors que les crédits sont en hausse d’un milliard d’euros, pour procéder à une réforme de structure afin de rendre de nouveau attractif le métier d’enseignants, qui est le plus beau du monde.
Monsieur le ministre, dites-nous enfin, précisément, comment vous entendez, au-delà du salaire, accompagner l’entrée dans le métier des enseignants, moment crucial et sensible de leur carrière !
Comment allez-vous mettre un terme au bizutage institutionnel des néo-titulaires, qui prennent leur premier poste dans les zones les plus difficiles, sans accompagnement spécifique ?
Allez-vous créer des postes à profil et des contrats de mission pour que les carrières soient moins linéaires ? Allez-vous enfin prendre en considération les secondes carrières ?
Alors que le nombre de contractuels ne cesse de croître, une politique de formation, de suivi, d’accompagnement est-elle prévue ? Bref, le ministère met-il en œuvre une gestion des ressources humaines spécifique ? Plus globalement, comment entendez-vous améliorer la gestion des ressources humaines du ministère ? Quels moyens entendez-vous y consacrer ?
Sur toutes ces questions, nous n’entrevoyons ni ambition ni détermination.
Avec le plan Écoles du futur, vous voulez donner plus de liberté et d’autonomie aux établissements et à leurs enseignants, et vous avez raison ! Les établissements, les professeurs et les élèves ont besoin de confiance en leurs initiatives. Ils ont besoin que l’administration centrale croie en eux et rompe avec la culture verticale et centralisée qui innerve son organisation.
Mais où en est aujourd’hui la mise en œuvre de vos sages intentions, auxquelles j’adhère ? En quoi le financement, piloté par le haut, d’initiatives plus ou moins en lien avec le sujet de l’autonomie conduira-t-il l’école vers cette autonomie ?
Les écoles primaires peuvent-elles être autonomes alors qu’elles n’ont pas de personnalité morale et que le directeur d’école n’exerce pas de réelle autorité sur les professeurs ? Peut-on favoriser l’autonomie sans remettre en cause l’armature rigide du collège unique et sans étendre l’expérimentation du dispositif des « 6e tremplin » ?
Peut-on redresser notre école sans la recentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la transmission des savoirs fondamentaux ? Peut-on réaffirmer sa mission première sans la délester de tous les maux de notre société, qu’elle doit prendre en charge, mais qu’elle ne peut régler et qui réduisent d’autant le temps qu’elle peut consacrer à sa mission première : apprendre à lire, écrire, compter ?
Monsieur le ministre, certes, vous additionnez des volontés multiples pour répondre à des problèmes qui ont une résonance dans l’opinion. Mais est-ce là une politique à la hauteur des enjeux ? Sur les deux sujets majeurs de votre budget que sont la revalorisation des enseignants et le plan Écoles du futur, nous constatons que vous pilotez à vue, dissimulé derrière des effets de rhétorique.
Monsieur le ministre, de calmes déclarations d’intention consensuelles finiront par ne plus masquer une faiblesse d’action. En tout cas, elles ne constituent pas une politique nationale. Nous attendons une vision, pas uniquement une hausse de crédits.
Nos attentes sont si peu satisfaites que beaucoup de sénateurs du groupe Les Républicains s’apprêtent à s’abstenir sur les crédits de la mission. Votre intervention est donc très attendue, monsieur le ministre, et nous y serons particulièrement attentifs. Par ailleurs, nous ne perdrons pas de vue les analyses de notre rapporteur spécial et de notre rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le métier d’enseignant est souvent considéré comme le plus beau métier du monde. Marcel Pagnol décrivait malicieusement les professeurs œuvrant « aux quatre coins des départements pour y lutter contre l’ignorance et glorifier la République ». Cette belle définition est toujours d’actualité.
Pourtant, force est de constater que ce métier semble aujourd’hui être victime d’un désamour profond. Je suis particulièrement préoccupée par la crise du recrutement, très visible dans l’enseignement scolaire. Nous partageons tous cette inquiétude. La baisse du nombre de candidats aux concours, surtout dans le premier cycle, est un signal d’alerte clair. Le nombre de postes non pourvus a triplé depuis un an, pour atteindre 3 756 en 2022.
Les témoignages de directeurs d’établissements se sont accumulés au cours des derniers mois pour alerter sur le manque de personnel. Aujourd’hui, c’est la question des démissions qui remonte. Le recours aux contractuels ne représente pas une solution satisfaisante à long terme. Les conditions de travail, les évolutions de carrière proposées, la mobilité géographique et la rémunération sont autant de sujets majeurs dont nous devons nous saisir.
Pour y répondre, le présent projet de loi de finances consacre plus de 1,1 milliard d’euros à la hausse des rémunérations du personnel de l’éducation nationale. En outre, comme cela a été annoncé pendant la campagne présidentielle, 300 millions d’euros sont destinés aux enseignants qui acceptent d’effectuer des missions complémentaires. Je tiens à souligner cet effort. Il s’ajoute aux avancées permises par le Grenelle de l’éducation.
Par ailleurs, environ 60 % des enseignants pourront bénéficier de la prime d’activité au cours de l’année 2023.
Enfin, de nouvelles mesures de revalorisation salariale ont été annoncées pour les enseignants débutants à partir de la rentrée 2023. C’est une excellente décision, qui permettra, je l’espère, de susciter de nouvelles vocations.
Plus généralement, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » s’élèvent dans le projet de loi de finances pour 2023 à 58,8 milliards d’euros, soit une hausse de près de 6,5 %. C’est un effort considérable, que je salue.
Les crédits destinés à l’école inclusive augmentent également. On parle de 2,4 milliards d’euros budgétés. C’est une bonne chose. Ce projet de loi de finances crée 4 000 nouveaux postes d’AESH. Nous pouvons nous en réjouir, mais ce n’est pas suffisant. Les rapporteurs l’ont souligné, 44 % des élèves en situation de handicap ne bénéficient pas d’un accompagnement dédié. Cela ne peut plus durer. Nous devons rendre ce métier plus attractif et améliorer les conditions de travail, car les AESH sont les chevilles ouvrières de l’école inclusive.
Nous pouvons également nous satisfaire de l’accueil d’environ 20 000 jeunes Ukrainiens au sein de nos écoles. Les académies de Nice et de Versailles sont en première ligne. Les retours sont positifs et je salue l’implication du corps enseignant pour permettre à ces jeunes élèves de se sentir les bienvenus dans nos écoles.
Leur présence a également permis de mettre en évidence les lacunes en mathématiques des jeunes Français. Les élèves du système scolaire ukrainien ont, semble-t-il, un an d’avance par rapport à nos élèves dans cette matière ! Cela confirme la mauvaise place de la France dans les classements internationaux d’enseignement des mathématiques.
Cette prise de conscience collective doit se poursuivre afin de combler notre retard. À cet égard, je suis heureuse de la décision du Gouvernement de réintégrer les cours de mathématiques dans les enseignements obligatoires au lycée. Cette décision va dans le bon sens et doit s’accompagner de décisions fortes pour relever le niveau moyen des élèves.
Enfin, je salue votre engagement, monsieur le ministre, dans la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. Rappelons qu’un jeune sur dix est victime de harcèlement. Nous devons œuvrer collectivement pour permettre à tous les établissements de protéger leurs élèves. C’était l’objet de notre échange lors de votre venue au collège Louis-Braille à Esbly, en Seine-et-Marne. Ce collège et son espace jeunesse sont lauréats du prix « Non au harcèlement 2022 ». Le clip de sensibilisation contre le harcèlement scolaire tourné au collège a été diffusé à partir du jeudi 10 novembre.
La lutte contre ce phénomène doit faire partie de nos priorités dans les années à venir. J’y suis particulièrement attachée, car l’école doit préparer les élèves à vivre dans une société bienveillante, en respectant autrui.
Pour les différentes raisons que je viens d’évoquer, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le budget accordé à l’enseignement scolaire connaît cette année encore une hausse globale des crédits, de 6,06 %.
Il faut naturellement se réjouir de cette hausse, mais celle-ci ne parvient malheureusement pas à masquer la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouve l’éducation nationale dans notre pays.
Monsieur le ministre, vous avez hérité d’un ministère qui a beaucoup souffert du passage de votre prédécesseur, enfermé qu’il était dans ses conceptions archaïques de l’éducation, éloignées des difficultés de terrain. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Ce n’est pas gentil !
Mme Monique de Marco. Nous attendions donc une rupture.
Concernant les enseignants, la situation atteint un seuil critique, car l’éducation nationale ne parvient plus à recruter. Cette année, 1 686 postes n’ont pas été pourvus dans le premier degré, 2 070 dans le second degré, ce qui représente une explosion par rapport à l’année précédente.
Ce manque d’attractivité s’explique principalement par des raisons financières. Les enseignants ont vu leur salaire chuter de 15 % à 25 % en vingt ans. À cet égard, nous nous situons en queue de classement des pays de l’OCDE, monsieur le ministre.
Ce projet de budget ne prend pas en compte à sa juste mesure cet effondrement. Si le Président de la République a annoncé qu’aucun enseignant ne démarrerait sa carrière en dessous de 2 000 euros net, la revalorisation sera en partie conditionnée à l’accomplissement de nouvelles tâches. Nous proposerons d’aller beaucoup plus loin par voie d’amendement.
J’évoquerai à présent les AESH. Ces accompagnants, qui sont à plus de 90 % de femmes, effectuent un travail de première importance auprès des enfants en situation de handicap. Pourtant, leur rémunération est indigne : elle s’élève en moyenne à 850 euros par mois, soit un montant très largement inférieur au seuil de pauvreté, qui se situe aux alentours de 1 000 euros. Comment l’État employeur peut-il être un tel moteur de souffrance et fabriquer des travailleurs pauvres ?
La faiblesse de leur rémunération est due à une réorganisation calamiteuse de leur travail par certains pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial). Le résultat est prévisible : dans de nombreuses académies, des enfants handicapés se retrouvent sans aucun accompagnement, à tel point que certaines écoles acceptent désormais que les enfants dont les parents peuvent se le permettre aient recours à des prestataires privés au sein des écoles de la République. Cette rupture d’égalité inacceptable doit nous alerter.
Monsieur le ministre, il faut tout revoir : le statut des AESH, leur rémunération, leur formation, leurs conditions de travail. Sur ce sujet également, nous vous proposerons des amendements.
Vient ensuite la question de l’enseignement professionnel. Les moyens qui lui sont consacrés augmentent seulement de 5,3 % en 2023, soit moins que l’inflation. De plus, cette branche souffre d’un manque chronique de moyens. Elle n’a cessé d’être détricotée par les réformes successives : moins d’établissements, moins d’élèves, moins d’heures d’enseignements, moins d’enseignants. En 2023, cette dynamique ne s’arrêtera pas, puisque le Gouvernement prévoit de supprimer 480 postes supplémentaires dans le second degré.
Cette année, l’enseignement professionnel a également droit à une double tutelle, puisqu’il est désormais également rattaché au ministère du travail. Ce choix politique traduit une volonté de répondre aux besoins immédiats des entreprises, une volonté de soumission des parcours des élèves au marché du travail.
Or l’éducation nationale – que je sache, l’enseignement professionnel en fait toujours partie –, ce n’est pas la soumission, c’est au contraire l’émancipation ! Le rôle de l’éducation nationale est de donner aux élèves les moyens de s’épanouir, d’apprendre et de prendre en main leur avenir, dans la voie qu’ils ont eux-mêmes choisie. Là encore, notre vision est antinomique de la vôtre, monsieur le ministre.
Pour l’enseignement technique agricole, ce projet de budget met enfin un terme à trois années successives de baisse des effectifs d’enseignants, mais cela ne suffit pas. Il faut rebâtir, recruter, revaloriser, octroyer de nouveaux moyens.
M. Michel Savin. C’est vrai !
Mme Monique de Marco. Nous installons seulement 13 000 nouveaux agriculteurs par an dans notre pays : c’est trop peu pour répondre à la fois aux enjeux de l’alimentation et de la transition écologique. Nous ne souhaitons pas laisser l’enseignement agricole aux mains d’établissements privés, comme le campus Hectar de M. Xavier Niel. Il faut former au travail de la terre ; c’est là aussi le rôle de l’éducation nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, nous avons accueilli avec soulagement la fin des années Blanquer, qui ont été une catastrophe pour l’éducation nationale.
M. Michel Savin. Ce n’est vraiment pas gentil ! (Sourires.)
Mme Monique de Marco. Ce premier projet de budget devait incarner votre nouvelle ambition, un nouvel élan pour votre ministère, mais le compte n’y est manifestement pas. Notre avis est pour l’heure plus que mitigé. Notre vote dépendra du sort qui sera réservé à nos amendements en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Samantha Cazebonne.
Mme Samantha Cazebonne. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pendant deux ans, la crise sanitaire a profondément bouleversé notre système scolaire. Si la rentrée 2022 a marqué un retour à la normale,…
M. Michel Savin. On ne doit pas vivre dans le même pays !