Mme le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand nous sommes jeunes, nous dépensons notre santé pour nous faire une fortune ; quand nous sommes vieux, nous dépensons notre fortune pour nous faire une santé…
Je tiens à remercier notre collègue rapporteure pour avis, Mme Annie Delmont-Koropoulis, de la qualité de son rapport qui éclaire avec précision les crédits de la mission « Santé » du PLF pour 2023. Et je ne peux que confirmer les résultats de son analyse.
La trajectoire des crédits de la mission « Santé » est en hausse sur 2023-2025. En 2023, les crédits de la mission passeront de 1,3 milliard d’euros à 3,36 milliards, principalement en raison de la création d’un nouveau programme 379 doté de 1,93 milliard d’euros.
Ce programme permet de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus dans le cadre du plan de résilience au titre du financement des dépenses d’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux. Ces crédits sont destinés à couvrir le coût des dons de vaccins aux pays étrangers et à soutenir le volet dit Ségur investissement du plan de relance français. Ce programme spécifique améliore la traçabilité et le suivi des fonds européens.
Servant de simple canal de transmission à l’assurance maladie, il ne redonne toutefois aucune substance particulière à la mission en termes de mise en œuvre d’une politique publique.
Le programme 183 porte 1,22 milliard d’euros de dépenses destinées à l’aide médicale de l’État. Le nombre de bénéficiaires continue d’augmenter. Le PLF pour 2023 garantit l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière.
Il est nécessaire de prévenir les risques de détournement du dispositif, ainsi que de renforcer et développer les mesures de lutte contre la fraude, tout en favorisant l’accès aux soins des plus vulnérables.
Le régime de l’AME constitue une exception en Europe, la plupart des pays voisins ne prenant en charge gratuitement, pour les étrangers en situation irrégulière, qu’un éventail de soins comprenant les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans des programmes sanitaires publics.
Nous soutenons l’amendement de la commission des finances visant à réduire le montant de l’aide médicale de l’État pour tenir compte de sa transformation en une aide médicale de santé publique comparable à celle qui est en vigueur dans les principaux pays voisins.
Les sénateurs du groupe Union Centriste sont également favorables à l’amendement de la commission des affaires sociales portant sur la création d’un nouveau programme consacré au financement d’actions conduites par l’État, l’assurance maladie et les associations, notamment pour ce qui concerne des maraudes, des équipes mobiles de prévention ou encore des barnums de dépistage.
Ces dispositifs sont destinés à proposer aux personnes en situation irrégulière des examens de dépistage et à les sensibiliser à la nécessité de solliciter le dispositif de l’aide médicale de santé publique.
Le programme 204 consacre 213 millions d’euros à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, mais dorénavant il ne contribuera au financement que de deux agences sanitaires : l’Institut national du cancer (INCa) et l’Anses.
Des moyens supplémentaires sont prévus pour financer les systèmes d’information, notamment des outils numériques pérennes pour améliorer la veille et l’anticipation des situations de crise. Il s’agit notamment de financer le lancement de certains chantiers, tel l’entrepôt national de données de biologie médicale.
La politique de santé bénéficie en 2023 d’une hausse des financements pour soutenir plusieurs actions de prévention, dont le plan chlordécone, le plan national santé environnement, la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, la santé sexuelle et la prévention des addictions.
Toutefois, ces actions hétérogènes et extrêmement dispersées présentent un impact limité sur la réalisation des objectifs de santé publique poursuivis.
En matière de prévention, je souhaiterais aborder deux points : la détection précoce des cancers et la dégradation de la santé des hospitaliers.
D’abord, je souligne l’importance de l’information au sujet du cancer de la prostate, qui entraîne des décès qui pourraient être évités. Avec plus de 50 000 nouveaux cas par an en France, ce cancer est le plus fréquent chez l’homme.
Le dépistage anticipé permet une diminution de 41 % du risque de cancer métastatique, évitant ainsi l’aggravation de la maladie et des chimiothérapies traumatisantes. Il est essentiel de renforcer les campagnes d’information et les mesures de sensibilisation.
En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, 2,7 millions de femmes ont effectué en 2021 une mammographie, ce qui correspond à un taux national de participation de 50,6 %. Ce n’est pas suffisant !
Ensuite, la réalité de la santé des hospitaliers nous inquiète vivement. « L’hôpital a tenu » est une phrase que l’on entend souvent. Si l’hôpital tient, c’est bien grâce aux hospitaliers. Or ceux-ci apparaissent à bout de souffle.
Une étude menée par la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), en partenariat avec la chaire Santé de Sciences Po, met en exergue un état de santé physique et mentale dégradé, notamment par rapport au reste de la population. Pour les hospitaliers, l’exercice professionnel constitue une source de détérioration de leur état de santé.
Il devient urgent de prendre soin des femmes et des hommes qui prennent soin de nous, puisque « prendre soin de sa santé ne change pas l’issue, mais le trajet. », pour reprendre les mots de Yamenski.
Il est nécessaire de fixer des axes prioritaires de travail : améliorer les conditions de travail ; libérer les soignants du temps qu’ils consacrent aux démarches administratives ; soulager les professions en tension. Ce sont autant de leviers pour réduire la souffrance des hospitaliers, qui est désormais profonde et continue.
La mission « Santé » vise en principe à développer la stratégie de prévention, à assurer la sécurité sanitaire et à organiser une offre de soins de qualité dans tous les territoires.
Les sénateurs du groupe Union Centriste regrettent le caractère inadapté de cette mission aux objectifs et aux enjeux sanitaires, ce qui rend difficile toute évaluation.
En conséquence, le Gouvernement doit entamer une réflexion pour élaborer une vision stratégique de long terme. Il est temps d’organiser l’action publique et de la financer autour d’une politique sanitaire fondée sur la prévention.
Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Jocelyne Guidez. En dépit de ces remarques, lesquelles, je l’espère, seront entendues, le groupe Union Centriste soutiendra les crédits de la mission « Santé » du PLF pour 2023.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la dotation du PLF pour 2023 pour la mission « Santé » connaît une croissance de près de 159 % par rapport à 2022 qui s’explique par le coût de la gestion de la crise sanitaire et, il faut le souligner, un important investissement en santé pour les six prochaines années.
À l’exclusion du nouveau programme qui a déjà été évoqué par mes collègues et qui ne constitue qu’un simple véhicule pour des fonds européens, les crédits de paiement de la mission enregistrent une hausse de 11 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.
Le programme de prévention et de sécurité sanitaire ne connaît pas d’évolution majeure, et il faut souligner que le fonds de concours initialement créé pour prendre en charge les dépenses liées à la crise sanitaire devrait s’éteindre à la fin de cette année.
La hausse de la mission « Santé » est donc particulièrement soutenue par celle des crédits de l’aide médicale de l’État, qui est de 13 % par rapport à 2022.
Sur ce sujet, il faut aller au fond des choses et les évoquer avec clarté. Ces dépenses sont essentiellement liées à l’AME de droit commun. Cette dernière bénéficie aux étrangers en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dépassent pas un certain plafond.
L’AME de droit commun prévoit dès lors une prise en charge intégrale des soins médicaux et hospitaliers, sans avance de frais, dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.
Or les chiffres de l’AME blessent. Ils blessent d’abord le budget de l’État, puisque l’AME ne représentait que 139 millions d’euros lors de sa création en 1999. Elle est ensuite passée de 772 millions en 2016 à plus de 1 milliard en 2023 !
Et pour cause : le système français d’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière est l’un des plus généreux de l’Union européenne. Qu’en déduire, sinon que cette dépense est devenue incontrôlable, non maîtrisée, comme l’a très justement dit ma collègue Annie Delmont-Koropoulis ? (Protestations sur les travées du groupe GEST.)
Ces chiffres blessent plus encore l’acceptabilité sociale du budget de l’État.
Les débats de société directement corrélés à ce budget et relatifs à l’accueil et à la gestion des personnes étrangères en situation irrégulière se répètent. Et plus encore que les dispositifs législatifs, c’est l’efficacité exécutive qui interroge à cet égard.
Il s’agit ici non pas de faire ressurgir d’autres sujets, mais simplement de rappeler les chiffres. Le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun était de 150 000 en 2002 ; il est désormais de près de 400 000. Près de 80 % d’entre eux sont présents sur le sol français depuis plus de trois ans. Une situation irrégulière peut-elle être à durée indéterminée ?
Le rapport de notre collègue Christian Klinger conclut, avec une clarté adamantine, que ce nombre ne fera qu’augmenter à un rythme quasi exponentiel, si aucune réforme n’est entreprise.
Comment faire supporter à nos concitoyens les conséquences d’une articulation erratique des politiques publiques et d’une réforme de l’AME jusqu’à présent repoussée ?
Ces constats doivent nous forcer à adopter des réformes urgentes, car, comme les rapporteurs l’ont rappelé, les effets des mesures adoptées jusqu’à présent n’ont été qu’incertains en matière de régulation des dépenses et insuffisants en matière de lutte contre la fraude. (Protestations sur des travées des groupes SER et GEST.)
Comme le préconisent la commission des finances et la commission des affaires sociales, il est d’abord nécessaire de recentrer l’AME sur les soins urgents comme le font les autres pays d’Europe.
Il apparaît ensuite nécessaire d’exclure du panier de soins certains gestes médicaux et traitements de maladies non graves – c’est ce que prévoient plusieurs amendements que nous allons examiner. (Marques de désaccord sur des travées des groupes SER et CRCE.)
L’amendement proposé par la commission des finances en la matière revêt une importance décisive ; il faut donc en remercier nos collègues et soutenir leur initiative. L’aide médicale de l’État se compte désormais en milliards et l’État doit cesser de se comporter en payeur aveugle.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas bien glorieux, alors que c’est une question de santé publique !
Mme le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Santé ».
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à quoi sert la mission « Santé » ?
Certainement pas à donner le cap et à financer la politique publique du même nom ! En effet, dans notre pays, la santé est très largement financée par l’assurance maladie.
Par ailleurs, les orientations sont données par le ministère de la santé, dont les directions sont financées par le programme support de la mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » que nous venons d’examiner.
Enfin, ces orientations sont exécutées par le système des agences sanitaires qui, au fil des débudgétisations, ne sont plus financées que de façon résiduelle par la mission « Santé ». Seuls l’INCa, l’Oniam ou encore la part du financement de l’Anses qui revient au ministère de la santé ont résisté à ce mouvement de transfert vers l’assurance maladie.
La Haute Autorité de santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou encore l’Agence nationale de santé publique sont désormais financées à 100 % par la sécurité sociale.
Le bilan de ce qui était au départ une simplification, par le décroisement des dotations, et une garantie pour les gestionnaires, lesquels avaient l’assurance que leur dotation échapperait à la régulation budgétaire, est bien négatif.
Pour les parlementaires et les citoyens, c’est l’opacité de la boîte noire de l’Ondam, quand ce n’est pas, comme pour Santé publique France, un détournement complet du principe de l’autorisation budgétaire, qui permet de dépenser plusieurs milliards d’euros sans en rendre compte tout en en faisant partiellement retour au budget de l’État. On comprend que cette souplesse soit appréciée, mais elle ne nous semble pas admissible.
De surcroît, le changement de financeur n’est pas neutre pour les agences : un gestionnaire me faisait récemment part de sa difficulté à négocier ses effectifs avec Bercy et le reste avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), sans que le résultat final tienne forcément compte des différents engagements pris. La programmation des stocks d’équipements de protection ou de vaccins n’est pas l’affaire de l’assurance maladie, et c’est normal.
La mission « Santé » est donc devenue la mission de l’aide médicale de l’État. Il est tout à fait légitime de s’intéresser à ce dispositif, qui mobilise des moyens considérables, mais il ne saurait constituer à lui seul une politique de santé. Ce ne sont pas quelques actions de prévention sanitaire dispersées qui viennent infirmer ce constat.
Une nouveauté cette année : la mission « Santé » fait transiter des fonds européens vers le volet investissement Ségur du plan de relance français. Je ne suis pas certaine que cette fonction de boîte aux lettres suffise à justifier l’existence de la mission.
À défaut d’une rebudgétisation du financement des agences sanitaires, que nous privilégions en application du principe « qui paie décide » ou « qui paie pilote », il nous semble que l’existence de la mission « Santé » n’est plus justifiée et que l’AME pourrait tout aussi bien trouver sa place au sein de la mission « Solidarités, insertion et égalité des chances ».
Alors que vous réfléchissez à la réforme de votre ministère, madame la ministre, je vous demande de considérer sérieusement cette question, loin d’être anodine pour qui veut conduire une politique de santé dans notre pays.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe Les Républicains se prononcera néanmoins en faveur des crédits de cette mission, sous réserve de l’adoption des amendements proposés par la commission des finances et la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Santé » du PLF est, depuis quelques années, l’occasion de constater le caractère chétif et épars des crédits qui lui sont consacrés.
En effet, s’agissant des dépenses de santé qui ne figurent pas dans le PLFSS, nous sommes face à un budget au périmètre limité : 3,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement, contre près de 250 milliards d’euros pour l’assurance maladie.
Cette année, pourtant, un nouveau programme voit le jour au sein de cette mission que nous disions tous en déclin. Ce programme 379 consacré au soutien européen à l’investissement dans les établissements de santé et aux dons de vaccins aux pays étrangers devient ainsi le plus important de la mission, avec un budget de près de 2 milliards d’euros.
Il doit notamment permettre, jusqu’en 2026, de recueillir et transférer les 6 milliards d’euros de crédits européens sur le volet investissement du Ségur de la santé, destinés aux établissements de santé, aux établissements et services médico-sociaux et à l’amélioration des outils numériques en santé. Ainsi, huit cents établissements vont être soutenus dans leurs investissements du quotidien, ainsi que vingt projets de construction, modernisation ou rénovation énergétique dont le montant est supérieur à 20 millions d’euros.
Quand on connaît le niveau de délabrement de nos établissements, qui participe à la dégradation de l’accueil des patients, mais aussi des conditions de travail de nos soignants, ces sommes sont particulièrement bienvenues. Leur présence dans la mission « Santé » du PLF nous permettra par ailleurs de contrôler leur bonne utilisation – l’opération serait plus délicate, s’ils se perdaient dans le budget colossal de la sécurité sociale.
Le deuxième poste de dépenses, le plus important de la mission, est celui de l’aide médicale de l’État, évaluée à 1,14 milliard d’euros en 2023, en hausse de 10 %. Rappelons que le Gouvernement, depuis le quinquennat précédent, fait un effort de sincérité louable sur ces crédits.
Les modifications législatives et réglementaires de 2019, qui visent à limiter les détournements du dispositif, sont nécessaires, mais restent difficiles à évaluer tant elles ont subi d’aménagements du fait de la crise du covid. Le retour à la normale, ou du moins l’abaissement du niveau de crise, nous permettra peut-être de tirer des conclusions l’an prochain. L’évaluation de nos politiques publiques est une nécessité qui doit nous faire progresser vers un dispositif équilibré.
Le débat ne peut toutefois être déconnecté du contexte international, fait de crises, de conflits, de dérèglements climatiques et, donc, de déplacements de population. L’épidémie mondiale que nous avons connue nous rappelle aussi l’importance de prendre en compte ces dépenses comme partie intégrante de notre politique de santé publique, sous peine de voir émerger ou resurgir de très nombreux virus.
Se contenter de la prise en charge des situations d’urgence a un effet pervers : mieux vaut soigner une bronchite qu’une décompensation respiratoire – et, puisque l’on parle d’argent, cela coûte moins cher. Méfions-nous des solutions faciles, d’autant qu’aucun médecin ne laissera sur le bord du chemin une personne qui en a besoin, comme personne, d’ailleurs, dans cet hémicycle.
Le groupe du RDSE ne votera pas l’amendement du rapporteur spécial, mais sera favorable à l’amendement porté par Mme la rapporteure pour avis.
S’agissant du programme 204, quelques actions en augmentation sont à noter sur le volet consacré à la prévention : elles concernent la nutrition, la santé environnementale, la prévention des addictions ou encore le sport santé.
Je veux le redire ici, la nomination d’un ministre de la santé et de la prévention est un signal positif, qui doit être accompagné d’une véritable révolution de la prévention.
Pour de nombreuses maladies, si les facteurs de risque sont multiples, beaucoup sont liés à nos modes de vie, à nos habitudes alimentaires et bien sûr à l’environnement. C’est le concept de santé unique et je profite de cette tribune, madame la ministre, pour redire que les attentes sont fortes pour des investissements à la hauteur des enjeux et au plus près des besoins de chaque territoire.
S’agissant du vote de la mission, le groupe du RDSE se déterminera en fonction du sort réservé aux différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Franck Menonville et Mme Élisabeth Doineau applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de présenter devant vous les crédits de la mission « Santé ».
En parallèle du budget de la sécurité sociale, l’examen de cette mission constitue toujours un moment important du calendrier parlementaire.
Davantage peut-être que d’autres missions du budget de l’État, la mission « Santé » reflète nos interrogations collectives et les nécessaires réponses de la puissance publique pour prévenir et anticiper les besoins en santé de nos concitoyens.
La pandémie a constitué en ce sens un révélateur. Elle nous a douloureusement rappelé les liens étroits entre santé humaine, santé animale et biodiversité.
Les crédits de la mission « Santé », en complément du budget de la sécurité sociale, concrétisent les priorités du Gouvernement pour mieux protéger nos concitoyens et faire face à ces défis nouveaux.
La santé environnementale constitue une priorité du Gouvernement. Il est aujourd’hui essentiel de mieux comprendre les liens entre santé humaine et environnement et d’en tenir compte. Cela se traduit par la poursuite et l’approfondissement des différents plans déjà engagés, comme le quatrième plan national santé environnement (PNSE 4).
Le Gouvernement entend également porter une politique ambitieuse pour la santé des femmes. Je pense à la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose ou à l’extension du remboursement de la pilule du lendemain pour toutes les femmes.
L’ambition du Gouvernement est ainsi celle d’une véritable politique en matière de prévention à travers plusieurs mesures.
Nous souhaitons tout d’abord mettre en place de nouveaux rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. C’est un enjeu décisif pour lutter contre les inégalités en matière de santé.
Nous souhaitons ensuite élargir le dépistage sans ordonnance, qui sera pris en charge à 100 % pour les moins de 26 ans, à d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) que le VIH et étendre à d’autres professionnels de santé la possibilité de prescrire les vaccins recommandés par le calendrier vaccinal.
Enfin, nous voulons renouveler notre effort en matière de prévention au travers de l’augmentation du prix du tabac pour lutter contre le tabagisme, première cause de mortalité évitable et de mortalité par cancer en France.
En complément de cette dynamique ambitieuse portée dans le budget de la sécurité sociale, les crédits du programme 204 participent à l’action de l’État pour mieux anticiper et protéger nos concitoyens.
Notre objectif est d’améliorer l’état de santé général de la population dans un souci de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, avec la mise en place de plans et de programmes de santé pilotés au niveau national.
La sécurité sanitaire est également un champ important du programme afin de garantir la protection de la population face à des événements sanitaires graves, menaçant la santé de la population, comme en témoigne la pandémie de covid-19.
Trois objectifs figurent dans ce programme.
Premièrement, il s’agit de prévenir le développement de pathologies le plus en amont possible. Je pense, par exemple, à la campagne de vaccination contre la grippe qui est aujourd’hui engagée. Elle démarre d’ailleurs assez timidement. J’en profite donc pour appeler chacun d’entre vous à se vacciner et à encourager ses proches à le faire !
Deuxièmement, il s’agit d’assurer à toute la population un égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire. C’est le cas, par exemple, à Wallis-et-Futuna grâce au soutien de l’agence de santé de ce territoire.
Troisièmement, il s’agit de réparer, de coordonner et de piloter les opérations de gestion de crises sanitaires en lien avec l’ensemble des institutions et des opérateurs impliqués, grâce à une anticipation stratégique des risques. C’est ce qui a été fait par exemple via le financement du système d’information VAC-SI qui concourt à la mise en œuvre, au suivi et au pilotage de la campagne vaccinale contre la covid-19.
La mission « Santé » reflète également l’engagement de fraternité envers les plus démunis, qui est au cœur de la promesse républicaine. L’aide médicale de l’État (AME) répond à cette exigence forte de solidarité et de générosité.
Le programme 183, « Protection maladie », assure en effet, en complément des politiques de sécurité sociale, la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale. Il vise essentiellement à financer l’aide médicale de l’État, dont la gestion est assurée par la Caisse nationale de l’assurance maladie, avec un double objectif humanitaire et sanitaire en direction des publics les plus défavorisés.
Instaurée en 2000, l’AME de droit commun assure ainsi la protection de la santé des personnes étrangères démunies, vivant en France en situation irrégulière en termes de droit au séjour et ne pouvant donc être prises en charge par la protection universelle maladie.
Elle protège les personnes concernées, en leur permettant l’accès aux soins préventifs et curatifs, et joue un rôle important en matière de santé publique, en évitant que des affections contagieuses non soignées ne se propagent.
Enfin, elle permet de faciliter la prise en charge des soins en amont, évitant ainsi, pour nos établissements de santé déjà en souffrance, les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l’urgence.
Depuis 2020, le Gouvernement a mis en place des mesures pour, d’une part, accentuer les efforts sur la gestion du dispositif et la régulation de ses dépenses et, d’autre part, renforcer les contrôles dans le cadre de programmes d’action ambitieux.
En premier lieu, les projets de centralisation de l’instruction des demandes d’AME et de traitement des factures de soins urgents ont renforcé l’efficience des dispositifs, en dégageant des gains financiers grâce à une gestion plus efficace.
En second lieu, afin de veiller à la juste attribution de l’AME et de garantir l’accès aux seuls ayants droit, la lutte contre les abus et les détournements du dispositif a été renforcée.
Pour cela, plusieurs actions ont été engagées : l’obligation de déposer une primo-demande d’AME en personne à la CPAM ; la détection des dissimulations de visas grâce à l’outil Visabio, qui permet de vérifier si les demandeurs disposent d’un visa – dans ce cas, ils sont en situation régulière et donc non éligibles à l’AME – ; l’application d’un délai d’ancienneté à l’AME de neuf mois pour la délivrance de certaines prestations programmées ; la demande d’un accord préalable du service du contrôle médical de la CPAM pour les cas les plus urgents.
L’année 2023 sera consacrée au suivi de ces mesures de contrôles qui n’ont pas pu être mises pleinement en œuvre durant la crise du covid-19.
Aucune majorité n’a remis en cause l’AME depuis sa création, parce qu’elle constitue en réalité une mesure de bonne gestion des deniers publics et un outil sanitaire essentiel.
Ainsi, le Gouvernement s’opposera fermement à toute initiative visant à remettre en cause le périmètre des soins couvert par l’AME, sans naïveté ni angélisme dans la lutte contre les éventuels abus.
Notre objectif est de mieux répondre aux besoins d’aujourd’hui de notre système de santé, tout en anticipant les défis à venir. Cet enjeu s’inscrit dans la démarche du volet santé du Conseil national de la refondation qui est décliné actuellement dans les territoires.
C’est bien à partir du terrain et des initiatives des acteurs, avec l’accompagnement de l’État, que nous construirons la santé de demain, en renforçant l’accès aux soins, dans une logique de confiance, de coopération et de subsidiarité.