M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Marc Laménie et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Économie », que nous examinons aujourd’hui, détermine une partie des moyens que l’État consacre au développement économique de notre pays. Ces moyens sont notamment destinés à favoriser l’emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises et le développement des exportations. On peut constater que les crédits de cette mission sont en hausse.
La mission porte trois ambitions : la première consiste à soutenir l’économie et ses acteurs pour faire face au contexte international et national ; la deuxième réside dans la poursuite de l’accompagnement de la transformation numérique et écologique de notre économie ; la troisième est caractérisée par l’ajustement de nouveaux dispositifs de régulation adaptés aux réalités.
L’examen de cette mission m’amène à faire quelques remarques.
Je déplore tout d’abord la disparition du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce. Celle-ci est regrettable, car le Fisac constitue un instrument d’une grande utilité pour nos territoires. Il est le principal outil d’accompagnement des évolutions des secteurs du commerce, de l’artisanat et des services. Il permet de financer des opérations portées par les collectivités territoriales ou les chambres consulaires ainsi que les actions individuelles d’entreprises artisanales, dans les zones rurales notamment.
Je soutiens donc pleinement l’amendement n° II-87, déposé par le rapporteur pour avis Serge Babary sur le programme 134 et adopté par la commission des affaires économiques, qui vise à débloquer 30 millions d’euros pour rétablir ce dispositif, qui concourt largement à la préservation et au développement du tissu d’entreprises de proximité.
Concernant le sort réservé aux chambres de métiers et de l’artisanat, le présent projet de loi de finances tendait à amputer leurs ressources à hauteur de 15 millions d’euros, pour atteindre un objectif de 60 millions d’euros en cinq ans.
C’est véritablement un mauvais signal pour les réseaux consulaires, qui ont accompagné les entreprises pendant la crise, les aident à affronter au quotidien les difficultés et les épaulent dans les successions et les reprises.
Toujours plus sollicitées pour la mise en place de différents programmes, comme Action cœur de ville, les CMA subissent aussi les conséquences de la hausse du coût de l’énergie, à laquelle s’ajoute celle de la masse salariale du fait de la revalorisation du point d’indice.
Concernant les avancées portées par cette mission, je voudrais souligner la forte hausse des crédits consacrés à la compensation carbone des entreprises électro-intensives : elle s’élève à 856 millions d’euros. Cette augmentation devrait se poursuivre dans les années à venir. Ces entreprises très consommatrices d’énergie sont particulièrement exposées à la crise énergétique inflationniste que nous traversons. La France compte plus de 500 entreprises, qui emploient 90 000 personnes, dans ce secteur ô combien stratégique. La compensation est absolument indispensable pour la compétitivité de cette filière, maillon essentiel de notre souveraineté industrielle.
Enfin après des années de baisse, les moyens de la DGCCRF sont en progression. Je veux saluer l’amendement adopté en commission des affaires économiques, qui tend à augmenter ses moyens de 5 millions d’euros : son adoption viendrait corriger l’absence de corrélation entre l’augmentation de ses missions et de son champ de compétences et la baisse de ses moyens. En effet, depuis une dizaine d’années, elle doit faire face à une baisse de ses effectifs, évaluée à environ 15 %.
En conclusion, au regard des avancées introduites, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de l’adoption des crédits de cette mission ainsi amendés.
Je veux, pour finir, saluer le travail de nos rapporteurs. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget consacré cette année à la mission « Économie » est très représentatif d’une politique court-termiste du Gouvernement, composée de mesures disparates, conjoncturelles et curatives, une politique qui continue à aider en priorité les grands groupes. Les grandes promesses d’après-covid d’aller vers une plus grande résilience de notre système productif et de notre tissu économique et industriel ne sont pas là.
Le Gouvernement a retenu, dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, un amendement tendant à augmenter de 4 milliards d’euros les crédits du programme 134 afin de financer la compétitivité des entreprises électro-intensives face à la hausse du coût de l’énergie. Ce montant n’est pas sans poser question par son poids au sein de la mission et au regard d’autres secteurs d’activité également affectés par la crise.
Avant de revenir sur ce sujet, permettez-moi d’abord d’analyser ici les crédits initialement demandés pour 2023.
À périmètre constant, hors programme 367, les autorisations d’engagement augmentent de 20 % et les crédits de paiement de 8,5 %. Cependant, cette hausse est en trompe-l’œil : elle est liée en grande partie à l’augmentation de la compensation carbone pour les entreprises et à la rebudgétisation des prestations réalisées pour l’État par la Banque postale, auparavant financées par la Caisse des dépôts et consignations.
Quant au commerce et à l’artisanat, comme le soulignait notre rapporteur pour avis, ils sont les parents pauvres de cette mission, plus aucun crédit ne venant abonder ces secteurs phares pour l’économie de nos territoires.
C’est pourquoi nous proposerons un amendement visant à rétablir le Fisac, qui jouait un rôle central dans la lutte contre la désertification économique et commerciale en zone rurale et contre la dévitalisation des centres-villes. Il apportait des aides ponctuelles et ciblées, dans un objectif de complémentarité, voire de rééquilibrage, avec une action locale parfois insuffisante, faute de crédits disponibles.
Nous voulons également alerter sur la DGCCRF : alors que ses missions, de plus en plus complexes, se sont démultipliées ces dernières années, le Gouvernement refusait de lui octroyer les moyens humains et financiers indispensables pour assurer ses objectifs d’intérêt général. Pis, elle a vu ses effectifs fondre en perdant près de 1 000 agents en quinze ans !
Si les treize ETPT supplémentaires prévus dans ce texte sont bienvenus et permettent de stopper l’hémorragie, ils sont clairement insuffisants. Nous soutiendrons vivement les amendements visant à lui octroyer des crédits supplémentaires, premier pas nécessaire si l’on veut amorcer enfin, comme nous l’espérons, une nouvelle dynamique pour cette administration clef, notamment pour la protection des consommateurs.
J’en reviens aux crédits relatifs à l’industrie.
Une part massive des crédits alloués à la mission « Économie » va donc servir à la « compensation carbone des sites électro-intensifs ». Au total, 856 millions d’euros financeront 500 sites – soit pratiquement 150 % de plus par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. À ce montant, il faut ajouter les 4 milliards d’euros du nouveau dispositif de soutien.
Si l’on entend, bien entendu, la nécessité d’assurer le maintien des capacités de production, on peut néanmoins s’interroger sur le niveau de cette hausse exponentielle, qui s’accroît d’année en année, et sur l’accumulation de dispositifs d’aides pour des entreprises qui ont un impact écologique très important.
Il faudrait bien plutôt amorcer une réelle transition et orienter l’action publique vers l’accompagnement de la transformation de nos modes de production et de consommation et vers la sobriété énergétique.
En ce sens, le budget de l’État doit soutenir davantage, entre autres, l’économie sociale et solidaire, un modèle de référence pour l’économie de demain, à travers le respect des écosystèmes et le partage de la valeur au service du bien commun. Un soutien bien plus massif doit être entrepris pour en faire un outil de résilience de l’économie dans les territoires.
En conclusion, si nous saluons la préservation globale des crédits, la mission « Économie » ne permettra ni de créer des emplois ni de faire progresser nos entreprises dans la voie de la bifurcation écologique. Hélas, nous n’avons toujours pas pris la mesure de la gravité de la situation ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’expression « souveraineté économique » était déjà au cœur de nos débats voilà quelques semaines. Le Président de la République avait d’ailleurs employé ce terme dès 2017, dans son discours de la Sorbonne. Depuis lors, cette volonté de reprendre le contrôle sur un certain nombre de politiques économiques et industrielles s’est véritablement exprimée.
La mission porte une partie des crédits de ces politiques ; d’autres figurent dans le plan France Relance ou encore dans le plan France 2030.
Quoi qu’il en soit, on observe un accroissement significatif des crédits de la mission – plus 20 %. Si cette hausse s’explique en partie par l’augmentation importante de la compensation carbone pour les électro-intensifs, elle participe aussi de la politique industrielle. Nous pouvons nous en féliciter.
L’évolution des crédits de la mission – je m’attarderai un peu plus longuement sur le programme 134 – traduit le fait que l’État a toujours été présent dans les crises, de façon très conjoncturelle, mais également de manière plus structurelle, dans une forme de « réarmement », si je puis dire.
Je pense au soutien apporté dans l’urgence – je rappelle que les plans de résilience ont été portés par cette mission.
Je pense à l’amendement massif, de 4 milliards d’euros, adopté pour mettre en place le guichet d’aide visant à faire face au choc des prix de l’électricité.
Je pense également au soutien à l’internationalisation : Business France se voit doté de 15 millions d’euros supplémentaires, ce qui lui permettra de développer un certain nombre de programmes, comme les e-vitrines, et de faire venir des acheteurs internationaux en France. Cela fonctionne très bien.
Naturellement, ce soutien contribue à ce que les dossiers liés aux services, notamment au tourisme, puissent continuer sur leur lancée avec le plan de reconquête, dont les crédits sont en partie sanctuarisés dans cette mission.
L’événementiel doit également continuer à être accompagné ; nous y reviendrons à l’occasion de l’examen d’un amendement.
De façon plus générale, au-delà de ce soutien ponctuel, le réarmement passe par le coup d’arrêt porté à la fin de la baisse des effectifs dans un certain nombre de services. Par exemple, la direction générale des entreprises accueillera 19 ETP supplémentaires.
Nous devons aussi nous appuyer sur les réseaux consulaires. Ce matin, nous avons été un certain nombre à voter l’amendement en faveur des chambres de métiers et de l’artisanat ; celles-ci, à l’instar des chambres de commerce et d’industrie, sont de vrais relais sur le terrain du fait de la disparition, ces dernières années, de près de 275 emplois dans le réseau déconcentré de la DGE.
La mission porte également tout ce qui a trait à la transformation écologique et numérique, dont le plan France Très haut débit. Alors que, en 2020, quelque 19 millions de locaux étaient raccordés à la fibre, ce chiffre est monté à 32 millions. Regardons d’où l’on vient, et apprécions le chemin parcouru !
Naturellement, le diable est dans les détails : il faut aller jusqu’au dernier kilomètre, au dernier mètre, à la dernière porte… Cela reste tout de même un très beau succès. La France est d’ailleurs le pays où la fibre est le plus déployée en Europe. Cela participe de l’aménagement du territoire, au même titre que La Poste.
Comme d’autres orateurs, je me félicite que le fonds postal national de péréquation territoriale soit toujours abondé.
Enfin, il ne faut délaisser ni la consommation ni le commerce. De ce point de vue, je salue la création d’effectifs à la DGCCRF, qui vient mettre un coup d’arrêt à une baisse commencée, en réalité, il y a quinze ans – on voit bien que cela ne date pas d’hier.
L’allocation de crédits supplémentaires à la DGCCRF ne doit pas conduire à amputer les crédits dédiés aux associations locales de consommateurs, ce qui a pu être une tentation par le passé. Je veux absolument alerter sur ce point.
S’agissant du commerce, le Fisac jouait un vrai rôle. Pour l’instant, un substitut n’a pas encore été tout à fait trouvé. Il est très important d’aider les commerces à faire face à la numérisation, pour qu’ils puissent lutter à armes égales – c’est aussi un sujet d’équité –, mais également aux enjeux de sobriété énergétique. On sait que le « décret tertiaire » est devant nous. Il est nécessaire d’être armé et de disposer de politiques.
Monsieur le président, on voit bien les limites de la main invisible du marché. Pour ma part, je veux saluer la main visible de l’État, qui structure et accompagne les filières économiques de notre pays grâce aux crédits de cette mission, que le groupe RDPI votera.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les interventions des rapporteurs, j’aimerais, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, vous faire part de notre appréciation globale sur l’ensemble du projet de budget de la mission « Économie » dans le projet de loi de finances pour 2023.
Nous étudions les crédits de cette mission dans un contexte de retour inédit de l’inflation.
Notre rapporteur pour avis Franck Montaugé vient d’exposer, dans ce contexte, l’utilité de la compensation carbone des entreprises électro-intensives. C’est un effort massif, mais indispensable.
Cependant, notre rôle de parlementaire est de voir et d’anticiper au-delà de la conjoncture immédiate. L’enjeu majeur, pour notre économie, particulièrement pour notre industrie, est l’investissement technologique et matériel dans la décarbonation. La compétitivité de demain est conditionnée à la sortie du monde thermo-fossile.
Quels outils budgétaires et publics met-on en place au service du renouveau des politiques industrielles et pour l’accélération des transitions énergétiques ? Comment prolonger l’effort nécessaire engagé par les crédits du plan de relance avec des outils et des moyens adaptés, y compris pour les PME et les ETI ? Cela n’apparaît pas clairement à la lecture du budget. Je ne vois pas aussi distinctement que M. Lemoyne la « main visible » de l’État !
Si nous voulons que notre économie recouvre sa souveraineté industrielle, sa position industrielle, nous ne devons pas manquer de relever ces nouveaux défis.
Nous devons tirer les leçons d’hier, qui ont conduit à désindustrialiser. Or nous payons très cher cette désindustrialisation, comme en témoigne le déficit abyssal de notre commerce extérieur. Cette année, ce déficit catastrophique dépassera 150 milliards d’euros ! Il importe que nous retrouvions des spécialisations industrielles compétitives décarbonées. C’est une première étape essentielle.
Outre les politiques macroéconomiques visant à accroître la compétitivité, la question de l’efficience des dispositifs de soutien à l’exportation se pose.
Franck Montaugé a évoqué, à juste titre, la nécessité de renforcer les moyens de Business France. Le précédent contrat d’objectifs et de moyens conclu entre cette agence et l’État a conduit à une baisse importante du financement de Business France au cours des cinq dernières années.
Cela a été compensé, nous dit-on, par divers financements exceptionnels dans le cadre de mesures d’urgence, puis au travers du plan de relance. Il n’en demeure pas moins que le financement global de Business France n’est pas à la hauteur, surtout si on le compare à ses homologues étrangers, notamment européens.
Le rapport de la Cour des comptes sur Business France qui a été publié en 2021 est, à cet égard, édifiant : le différentiel de financement public est quasiment de 1 à 4 entre l’agence et son homologue britannique. L’agence italienne ICE bénéficie, quant à elle, d’un financement public d’un montant double de celui de Business France.
La Cour des comptes relève également, dans un rapport d’octobre 2022 sur les dispositifs de soutien à l’exportation, que le contrat d’objectifs et de moyens incite Business France à maximiser ses recettes, principalement via les volontariats internationaux en entreprise (VIE). Cette recherche de ressources pénalise la mise en œuvre d’une stratégie fondée sur des priorités sectorielles et géographiques. Elle pénalise aussi l’accompagnement des entreprises dans la durée. Un financement public plus large, à la hauteur de nos homologues européens, est donc indispensable pour rendre cette politique de soutien plus performante en matière de chiffre d’affaires réalisé à l’export.
Un autre sujet nous tient à cœur : les crédits liés à la consommation, qui ont attiré toute notre attention.
Dans la droite ligne du rapport d’information que Fabien Gay, Françoise Férat et moi-même avons présenté, en juin dernier, sur l’information du consommateur, je souhaite faire écho aux propos du rapporteur pour avis Serge Babary concernant la DGCCRF. Alors que les effectifs de celle-ci ont baissé de 15 % depuis près de dix ans, nous soutenons l’amendement de la commission des affaires économiques visant à augmenter ses moyens.
Concernant l’Institut national de la consommation et les associations de consommateurs, les moyens des uns et des autres sont, depuis des années, très malmenés. Ils contribuent pourtant largement et régulièrement à alerter les consommateurs sur les risques et dangers. Ils sont, dans leur diversité, un facteur important de formation et d’information de nos concitoyens. Il y a urgence à les soutenir davantage !
Enfin, je veux achever mon propos en évoquant la situation générale de l’économie sociale et solidaire (ESS). Je dois regretter que la feuille de route ministérielle sur l’ESS, adoptée à la suite du séminaire gouvernemental d’août 2022, ne soit pas suivie d’effets budgétaires suffisants dans le projet de loi de finances pour 2023.
Dans le cadre des travaux du groupe d’études ESS du Sénat, nous avons pu constater le manque de moyens des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress) pour développer l’ESS dans nos territoires. Nous défendrons un amendement visant à y remédier.
J’ajoute que nous avons besoin, pour l’avenir, d’un document budgétaire retraçant l’effort de l’État en faveur de toute l’économie sociale et solidaire. Cela permettrait un pilotage plus fin et plus sûr. Mon groupe a déposé plusieurs amendements visant à soutenir ce pan très important de l’activité économique, qui fait montre d’une grande résilience.
L’ESS est vraiment une filière de transformation écologique, économique et sociale de notre pays ; c’est un formidable creuset d’innovation sociale. Soutenons-la plus fortement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Éric Bocquet et Daniel Salmon applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos nombreux rapports autour des scandales sanitaires – Lactalis, les graines de sésame, les faux steaks et bien d’autres – ou encore notre rapport sur l’information du consommateur ont tous clairement dénoncé, au-delà de notre diversité politique, le manque de moyens de la DGCCRF. La multiplication des missions qui lui sont confiées, sans moyens supplémentaires, vient aggraver cette situation.
Pourtant, l’élargissement de son champ d’intervention au numérique et la décision de la doter d’un pouvoir de sanction plus étendu ont constitué des avancées très importantes, qui ont permis d’amplifier son action de régulateur de l’ordre public économique.
Adapter ses capacités aux nouveaux défis de l’économie et à ses mutations, en particulier à celles qui sont issues de l’ère numérique, qui se développent à grande vitesse, était une décision nécessaire. Elle est bienvenue.
Cependant – vous me voyez venir, mes chers collègues ! –, il y a un « mais », qui n’est pas négligeable : c’est le recul des moyens de la DGCCRF dans le projet de loi de finances qui nous est soumis par le Gouvernement.
Et je parle de « recul » en toute conscience, malgré les 13 équivalents temps plein qui sont ajoutés à ses effectifs. En effet, il faut être clair : si on lui ajoute des missions complexes et chronophages, soit on lui alloue des moyens suffisants pour que le nouveau champ de compétences soit effectif, soit on ne lui donne pas les moyens nécessaires pour assurer à la fois ses missions traditionnelles et ces nouvelles prérogatives, ce qui signifie que l’on en reste à un effet d’annonce qui ne se concrétisera jamais.
À ce propos, je suis désolé de devoir rappeler que treize équivalents temps plein supplémentaires ne correspondent même pas à ce dont la DGCCRF a besoin pour accomplir ses missions habituelles. Il ne s’agit pas d’une interprétation personnelle, mais bien de chiffres, qui sont sans appel. Je remercie, d’ailleurs, les rapporteurs de la mission « Économie » pour leurs exposés clairs et limpides.
La DGCCRF a perdu 15 % de ses effectifs en dix ans. Dans le même temps, le commerce en ligne se développe à vitesse grand V et de nouveaux types d’activités économiques, difficiles à réguler, donnent lieu à de nouvelles pratiques commerciales trompeuses qu’il faut absolument combattre.
Aujourd’hui, la DGCCRF n’a pas les moyens de mener à bien ses missions face à un espace hors des lois, hors du temps, traversé de contenus parfois éphémères, qui suscite une activité économique illégale sans conséquence pour ses auteurs.
Il s’agit là du numérique, mais le manque de moyens de cette direction générale est un drame pour tous les secteurs de notre économie, pour tous ceux dont la TPE ou la PME respecte les règles, mais subit une concurrence déloyale.
C’est, par exemple, le cas des vignerons français confrontés à l’usurpation d’appellation ; cela concerne également nos associations, comme l’a montré le scandale des faux steaks, il y a trois ans ; surtout, cela pèse sur les consommateurs, qui peinent à s’y retrouver dans une surenchère permanente de labels, de publicités ou d’emballages trompeurs. Imaginez : dans le Lot, un seul agent travaille sur ces questions !
En outre, de nombreux scandales alimentaires ont éclairé le danger de cette situation pour la sécurité et la conformité des produits. Avec la multiplication des accords de libre-échange, la DGCCRF aura du pain sur la planche dans ce domaine !
Nous sommes précisément au moment où les mots doivent devenir des faits ; telle est l’attente que doit satisfaire ce projet de loi de finances. En l’état, toutefois, les ambitions affichées pour la DGCCRF sont très loin d’être concrétisées.
Je note néanmoins que, pour la première fois, le rapporteur pour avis Serge Babary a proposé une hausse de 5 millions d’euros de ces crédits, que je soutiendrai. Je vous proposerai, pour ma part, d’y ajouter 20 millions d’euros, afin de donner les moyens au service public de remplir ses missions pour l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma première remarque concernant la mission « Économie » aura trait à sa forme : cette mission agglomère des crédits disparates qui financent tantôt le fonctionnement de certains services de l’État, comme l’Insee, la direction générale du Trésor, ou la DGCCRF, tantôt des actions comme la compensation carbone, l’achat d’études économiques, la gouvernance des pôles de compétitivité, ou encore le service public postal.
On observe, à la lecture de cette mission, de fortes hésitations quant à la politique économique à mener. Bien entendu, je n’ignore pas que d’autres missions du budget général concourent également à la mise en œuvre des politiques économiques, mais il me semble qu’en matière de présentation du budget la clarté est primordiale pour nos concitoyens. Or, ici, elle ne règne pas.
Tout d’abord, cette mission se présente comme un trompe-l’œil. En apparence, si l’on se fonde sur sa version initiale, ses crédits augmentent de 860 millions d’euros, ce qui est une bonne chose. En réalité, un tiers de la hausse provient de la simple rebudgétisation des prestations réalisées pour l’État par la Banque postale, et près de 50 %, de l’augmentation de la compensation carbone. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y a pas de réel effort de soutien à l’économie.
De fait, cette mission est surtout devenue le support des actions menées par le Gouvernement pour aider les entreprises face à la hausse des coûts de l’électricité. Ainsi, le Gouvernement y a ajouté quatre milliards d’euros de crédits à l’Assemblée nationale pour financer celles d’entre elles qui sont les plus consommatrices en énergie.
En la matière, le constat établi par la commission des affaires économiques n’est pourtant guère engageant. Les montants alloués aux volumes d’énergie sont insuffisants et aucun dispositif structurel n’est avancé. Les dernières mesures annoncées laisseront encore trop de petites entreprises dans la détresse et la situation des industries électro-intensives et hyper-électro-intensives n’est pas meilleure.
Nos concurrents hors de l’Union européenne disposent, quant à eux, d’une visibilité à vingt-cinq ans ou à trente ans et peuvent se fournir en électricité à bas coût autant qu’ils le souhaitent.
Permettez-moi d’insister sur la situation de l’industrie française, car elle est particulièrement préoccupante. Nous payons le prix fort d’une perte de souveraineté économique qui résulte de mauvais choix politiques et de l’inaction du Gouvernement depuis plusieurs années. Les annonces faites récemment dans le cadre du plan France Relance, du plan national de relance et de résilience, ou de France 2030 ne concernent qu’un nombre trop faible d’actions et n’engagent pas de mesures suffisamment structurantes pour l’avenir.
En 2023, les crédits ordinaires liés à l’industrie au sein de la mission « Économie » se situeront à un niveau similaire, voire inférieur, à celui des années précédentes. Aucune aide directe pour le secteur industriel n’est prévue, à l’exception du financement résiduel des pôles de compétitivité et de la compensation carbone.
Cette dernière est la principale aide directe inscrite dans la mission depuis plusieurs années, mais elle ne sera pas soutenable. Il apparaît urgent d’investir massivement dans la technologie de décarbonation de l’industrie, pour rééquilibrer la concurrence entre l’Union européenne et les pays étrangers.
S’agissant des aides à l’innovation et à l’investissement, elles sont portées par les programmes d’investissements d’avenir successifs et par le plan France 2030. Je le regrette, dans la mesure où cet éclatement des moyens ne permet pas, une fois de plus, de définir une politique industrielle claire à long terme.
Par ailleurs, comme l’a souligné notre rapporteur, les PIA et France 2030 sont déployés à travers des appels d’offres nationaux difficilement accessibles pour nos PME et nos ETI.
Cela est d’autant plus regrettable que la conjoncture économique demeure incertaine et que les transformations industrielles s’accélèrent. Il manque une vision de long terme pour que la France puisse regagner de la compétitivité, rééquilibrer sa balance commerciale et défendre sa souveraineté industrielle.
Protéger nos industries en adoptant des mesures structurantes, c’est faire le choix de l’indépendance de la France, en conservant la maîtrise de nos matières premières dans des secteurs indispensables pour la transition énergétique.
Par ailleurs, je me réjouis de l’adoption par la commission des affaires économiques d’un amendement tendant à augmenter les moyens budgétaires de la DGCCRF. Comme le demandait notre rapporteur pour avis Serge Babary, comment faire plus avec toujours moins, avec des moyens qui ne le permettent pas ?
Enfin, les travaux du rapporteur pour avis sur le financement des associations de consommateurs me semblent importants ; il sera intéressant de connaître vos intentions en la matière, monsieur le ministre. Force est de constater que le nombre élevé d’associations nationales agréées conduit à un saupoudrage des subventions publiques et que la diminution de ces dotations, entamée il y a quelques années, s’opère selon des critères pour le moins obscurs.
Je forme le vœu que le Gouvernement puisse nous éclairer sur l’ensemble de ces sujets. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)