Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Le dispositif de notre amendement, monsieur le rapporteur général, est progressif. Il permet aux constructeurs de s’adapter pour aller vers des véhicules plus légers et moins gourmands.
C’est important, d’abord, pour des raisons financières : personne ne veut dépenser trop d’argent pour se déplacer. Par ailleurs, la Chine s’oriente actuellement vers la production de véhicules légers. C’est un segment de marché sur lequel notre industrie automobile est en train de prendre un retard considérable. Si nous ne réagissons pas en adoptant ce type de mesures, notre pays sera perdant non seulement par rapport aux pays asiatiques, mais aussi au sein de l’Europe. Faire de la politique, c’est donner des orientations et ne pas laisser faire n’importe quoi !
Quel est l’intérêt de construire des véhicules toujours plus lourds, toujours plus gros, avec des roues énormes, comme on en voit dans les publicités, et tout cela pour ne rouler qu’en ville ? Il importe d’aller vers des véhicules beaucoup plus légers. Voilà le signal qu’il faut envoyer rapidement. Au contraire de ce qui vient d’être dit, ces trois amendements sont des amendements de bon sens, dont l’adoption rendrait service à notre industrie !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Faisons confiance à nos constructeurs pour aller vers davantage d’innovation ! L’avenir est clairement aux véhicules plus légers. Or la tendance actuelle est à une certaine obésité. Les pneus sur lesquels travaille Michelin ont pris dix centimètres de largeur en l’espace de quinze ans. Qui dit pneus plus larges dit aussi plus de particules fines émises, ce qui contribue également à la pollution atmosphérique.
Alors, innovons plutôt en produisant des véhicules légers. Quel sens cela a-t-il de construire des véhicules de 2 tonnes pour promener des individus pesant entre 50 et 80 kilos ? Ce n’est pas tenable !
J’entends l’argument de progressivité défendu par M. le rapporteur général. Mais cela fait des décennies que nous avançons très doucement ! Nous sommes à présent confrontés à un certain nombre d’urgences. Si nous ne réagissons pas, vous le savez comme moi, nous irons dans le mur !
Les véhicules lourds n’ont pas d’avenir à un horizon de dix ans. Il est donc urgent d’envoyer un signal aux constructeurs pour les inciter à se tourner vers des véhicules plus légers.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Rappelons que 92 % de la dépense énergétique d’un véhicule est due à son poids et non aux personnes transportées. Voilà la problématique que pose l’augmentation constante du poids des véhicules des constructeurs français !
Nous assistons à l’heure actuelle à une raréfaction des véhicules français d’entrée de gamme. Pourquoi ? Parce que nos producteurs réalisent moins de plus-values et gagnent moins avec ce type de véhicules. Aujourd’hui, les constructeurs français choisissent de produire moins, mais de gagner plus, en mettant sur le marché des véhicules de plus en plus lourds et de plus en plus sophistiqués. Ils vont donc dans le mauvais sens. Pourquoi nous accuser d’orienter le marché vers des véhicules concurrentiels produits en Chine, alors que ce sont clairement nos constructeurs qui ne s’adaptent pas à des demandes sociales et écologiques de plus en plus fortes ?
Il s’agit effectivement d’un sujet d’importance majeure. Nos amendements vont dans le bon sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1614 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-474 est présenté par MM. Féraud, Devinaz, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et de La Gontrie, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes Jasmin et G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-839 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :
1° L’article L. 422-20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le tarif de la taxe sur les jets privés déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 422-24-…. » ;
2° Après l’article L. 422-24, il est inséré un article L. 422-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 422-24-… – La circulation d’aéronefs privés, à l’exception des aéronefs individuels de plaisance, pouvant transporter moins de 25 passagers et dont le poids au décollage à vide est inférieur à 30 tonnes, est soumise à une taxe en fonction des émissions de dioxyde de carbone lors du survol de l’espace aérien national et des espaces aériens placés sous juridiction française. Le tarif de la taxe est fixé à 44,6 euros par tonne émise. »
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° I-474.
Mme Isabelle Briquet. Un vol d’une heure en jet privé est à l’origine de l’émission de deux tonnes de CO2 en moyenne. Au kilomètre, un jet émet jusqu’à vingt fois plus de gaz à effet de serre qu’un avion de ligne classique. C’est pourquoi il est primordial de décourager l’usage des jets privés.
Cet amendement vise donc à taxer tout jet privé qui traverse l’espace aérien français, qu’il soit immatriculé en France ou non, qu’il se pose ou non en France, en fonction de ses émissions de gaz à effet de serre.
Le tarif de la taxe proposée est calqué sur celui de la taxe carbone. Sont exclus du dispositif les avions de ligne, les avions de plaisance individuels comme les monoplaces et les biplaces, ainsi que les avions concourant aux services publics.
Si l’enjeu est écologique, c’est aussi une question de justice fiscale et sociale : comment faire accepter aux Français la sobriété nécessaire dans le cadre de la transition énergétique alors que, en parallèle, une vie d’efforts d’un Français moyen peut être effacée par un trajet en jet privé d’un multimilliardaire ?
Cette préoccupation n’est pas un argument théorique : elle correspond aux recommandations nos 2 et 3 de l’OCDE aux États pour réussir à rendre acceptables les politiques écologiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-839 rectifié.
M. Pascal Savoldelli. Je vais tenter, mais il n’est pas certain que cela fonctionne, d’aller chercher un peu de sagesse chez M. le rapporteur général. (Sourires.)
Tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, au sujet de l’amendement qui visait à mettre fin au tarif réduit pour les carburants ou combustibles consommés pour les vols aériens internes, vous nous avez répondu, avec sagesse, qu’il fallait peut-être tenir compte de la charge contenue dans les avions. Ça tombe bien, puisque pour les jets privés la charge est d’environ 4,7 passagers ! Par ailleurs, contrairement aux vols commerciaux, les jets privés effectuent 41 % de leurs vols à vide, pour un taux de pollution jusqu’à quatorze fois supérieur à celui des avions de ligne.
Mais rassurez-vous : selon L’Express, le secteur de l’aviation d’affaires a bondi de 16 % en trois ans. Alors, prenons un petit peu d’argent de poche, mais dans les bonnes poches !
C’est pourquoi notre groupe propose d’instaurer une taxe sur les jets privés traversant notre espace aérien, fixée à 44,60 euros par tonne de CO2 émise.
Au vu de toutes les niches qui ont été refusées tout à l’heure sur des sujets importants, un tel geste symbolique serait le bienvenu. On demande aux Français modestes de baisser leur chauffage, de ne pas consommer d’électricité à certaines heures, de faire preuve de sobriété et de mettre un col roulé ! Occupons-nous davantage des jets privés et donnons moins de leçons de morale à nos concitoyens les plus modestes !
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
M. Pascal Savoldelli. C’est de l’extrémisme !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-474 et I-839 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° I-653, présenté par MM. Dantec, Breuiller, Benarroche, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 1° de l’article L. 422-45 du code des impositions sur les biens et services, le montant : « 1,38 » est remplacé par le montant : « 13,8 ».
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. L’idée est un peu la même que pour les amendements précédents, mais en plus simple encore. Il est question ici de fret aérien et, une nouvelle fois, de poids. Nous proposons de multiplier par dix – mais la somme due demeurera très modeste – le montant actuel de la taxe sur le fret aérien.
La taxe sur l’aviation civile est assise sur le nombre de passagers et sur la masse de fret ou de courrier embarqués en France, quelles que soient les conditions tarifaires accordées par le transporteur. Comme l’a rappelé Vincent Capo-Canellas, le transport aérien paye l’ensemble de ses services.
La direction générale de l’aviation civile considère qu’une unité de trafic correspond à un passager ou à 100 kilos de fret, soit 0,1 tonne.
Pourtant, le niveau de la taxe sur l’aviation civile ne respecte pas ce principe. En effet, un passager, soit une unité de trafic, paye entre 4,66 euros de taxe pour un vol interne à l’Union européenne et 8,37 euros pour toutes les autres destinations, tandis qu’une tonne de fret, soit dix unités de trafic, est actuellement taxée à 1,38 euro. Cette absence de proportion équivaut à une niche fiscale hautement contestable accordée au fret aérien, sans justification.
Le fret aérien se développe en même temps que le commerce en ligne, surtout depuis la crise du covid-19, car on veut livrer le plus vite possible, pour moins cher que par rail ou par camion. Pourquoi défendre une telle aberration en matière d’émissions de carbone ? J’attends avec impatience les explications de la commission et du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il est certes tard, mais il me semble important que le Gouvernement justifie le maintien de cette aberration, qui n’est nullement explicable, sauf à vouloir absolument que le fret émette le plus possible de CO2 au kilomètre parcouru !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° I-475 est présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly et Lurel, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Cardon, Mme Carlotti, M. Chantrel, Mmes Conconne et de La Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes Jasmin et G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mmes Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I-838 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des impositions sur les biens et services est ainsi modifié :
1° L’article L. 423-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un terme déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 423-25-…. » ;
2° Après l’article L. 423-25, il est inséré un article L. 423-25-… ainsi rédigé :
« Art. L. 423-25-…. – La présence dans les espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française d’un engin flottant privé armé pour la navigation maritime à usage professionnel ou personnel hors transport de marchandises est soumise à une taxe supplémentaire en fonction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) lorsque l’engin flottant armé est d’une longueur de coque supérieure à 40 mètres. Le tarif de la taxe est fixé à 44,6 euros par tonne émise. »
La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° I-475.
Mme Isabelle Briquet. Pour les mêmes raisons que pour les jets privés, nous vous proposons de taxer tout yacht en fonction de ses émissions de gaz à effet de serre, et ce dès lors qu’il traverse l’espace maritime français, qu’il s’amarre ou non dans un de nos ports et qu’il soit ou non immatriculé en France.
Le tarif de cette taxe est calqué sur celui de la taxe carbone. Sont exclus du dispositif les navires concourant aux services publics et les bâtiments militaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° I-838 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Par souci de parallélisme des formes, après l’amendement que vient de défendre mon collègue Pascal Savoldelli sur les jets privés, notre groupe vous propose de taxer les yachts.
Il ne s’agit pas d’interdire ou d’empêcher leur usage, qui correspond à une réalité.
La véritable question que nous devons nous poser, concernant les enjeux environnementaux, porte sur la contribution de chacun à hauteur de la pollution qu’il produit.
Nous ne pouvons pas accepter que, d’un côté, des Françaises et des Français soient taxés, mais aussi stigmatisés par un certain discours politique – je le dis sans volonté de polémiquer, monsieur le ministre – qui les désigne comme les responsables de la pollution et que, de l’autre, les plus grands yachts privés qui soient s’installent dans le port de Bonifacio, en Corse, et y soient exempts de toute contribution visant à compenser la pollution qu’ils produisent et qui affecte, notamment, les fonds marins ! Or, on le sait, préserver les fonds marins revient à assurer l’écosystème de demain.
Tel est le sens de notre amendement, dont j’ai bien compris quel sort lui sera réservé, si je m’en réfère – encore une fois – au parallélisme des formes…
Il s’agit non pas de taxer les riches, mais tout simplement de taxer chacun à hauteur de ses moyens et de son empreinte en matière de pollution de la planète. Ce faisant, nous serons en adéquation avec les propos du Président de la République, selon qui nous avons tous un effort à faire pour sauver le monde de demain !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas balayer de cette manière tous ces amendements ! À moins que vous ne considériez que l’heure est trop tardive, auquel cas nous devrions tous aller nous coucher…
Ces amendements sont importants. Vous avez déclaré tout à l’heure que nous devions faire attention à ce que nous faisons, qu’il fallait être responsable… Or ces amendements posent justement une question de responsabilité, comme cela vient d’être dit.
Pour la mise en place des ZFE – dispositif que je soutiens, à condition qu’il soit accompagné –, on demande des efforts considérables à nos concitoyens, s’agissant notamment de leurs déplacements et du renouvellement de leur véhicule. Comment, dans ces conditions, pourriez-vous justifier l’inégalité criante qui existe entre ceux qui se déplacent en yacht ou en jet privé, ce qui produit un impact carbone considérable pour transporter trois ou quatre personnes, et les autres !
Oui, nous vivons tous sur la même planète et nous devons tous contribuer, à notre niveau, à la lutte contre la pollution, à hauteur de celle que nous produisons et de notre impact sur le climat.
Que vous vous absteniez de prendre la parole sur un sujet, selon moi, totalement fondamental – à cet égard, nous sommes écoutés ! –, cela engage votre responsabilité. J’aimerais donc que vous nous répondiez ; ainsi saurons-nous ce que vous pensez.
La taxation en fonction de l’impact carbone n’est peut-être pas la bonne solution. Nous avons fait des propositions sur les jets ; nous proposerons aussi d’aligner leur régime sur celui de l’aviation classique, notamment quand il existe une alternative ferroviaire requérant moins de deux heures et demie. Quoi qu’il en soit, je souhaite que vous nous indiquiez quelle est votre vision et pour quelles raisons vous balayez ces propositions d’un revers de main.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gabriel Attal, ministre délégué. En effet, je n’ai pas jugé utile, à l’occasion de l’examen des derniers amendements, de procéder à de longs développements.
Nous avons bien compris qu’il y avait deux lignes, deux visions, différentes : vous proposez de taxer pour résoudre les problèmes ; pour notre part, nous préférons dépenser de l’argent pour investir dans l’avion bas-carbone et dans des navires qui polluent moins, comme il était prévu dans certains amendements présentés précédemment – même si je n’étais pas totalement d’accord –, plutôt que de créer des taxes à faible rendement.
C’est formidable : si l’on vous suit, on recrutera plein de fonctionnaires pour calculer et recouvrer des taxes qui ne rapporteront pas grand-chose et ne changeront absolument rien aux pratiques que vous évoquez !
M. Guillaume Gontard. Expliquez-le à ceux qui se déplacent en voiture !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Par ailleurs, les deux amendements identiques qui viennent d’être présentés ne concernent pas seulement les yachts, mais aussi les navires de transport de personnes, les croisiéristes, qui sont des entreprises françaises…
Vous évoquiez, madame la sénatrice Cukierman, les « petites gens » qui travaillent plusieurs années pour se payer une croisière avec leur famille…
Mme Cécile Cukierman. On les connaît !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. C’est eux que vous allez taxer au travers de votre amendement ! (Protestations sur des travées des groupes GEST, SER et CRCE.)
Une telle taxe ne changera strictement rien à la pollution produite par les navires. Nous préférons investir en vue de la transformation du modèle. C’est une différence profonde entre nous. Je respecte totalement votre position et je vous demande de respecter la nôtre, qu’il ne me semble pas utile de réaffirmer sur chaque amendement.
M. Hervé Gillé. À ce compte-là, il faut supprimer tous les malus…
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Merci, monsieur le ministre, de commencer enfin à répondre sur ces amendements…
Vous nous racontez une histoire qui est très loin de la vérité ! Ce que vous nous proposez, c’est de taxer les ménages modestes, comme ils le sont, en fonction des émissions émises, au travers de la TICPE et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, la « taxe Chirac », mais en revanche de ne pas taxer les plus riches : le message que vous envoyez est absolument dramatique !
Les sommes en jeu ne sont peut-être pas énormes – cela signifie aussi que cette taxation n’est pas vraiment problématique…
Vous devez comprendre ceci : tant que vous demanderez aux ménages modestes, mais pas aux plus riches, de faire des efforts pour le climat, vous exacerberez les tensions sociales.
Nous passons notre temps, comme notre collègue Cécile Cukierman l’a expliqué, à essayer de rétablir la justice sociale, et pas plus que cela ! Il ne s’agit pas d’un débat ésotérique ou d’une fracture politique sur la question de la taxation, contrairement à ce que vous venez d’affirmer ; c’est une question de justice sociale portant sur l’effort partagé.
Dans le système actuel, ce sont les ménages modestes qui payent les taxes climat et les plus riches qui en sont exonérés. C’est absolument insupportable !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ce sont les aléas du débat : dès lors que vous nous répondez, monsieur le ministre, nous rétorquons…
De vous à moi – et dans le cadre de ce débat, dont la publicité est assurée, puisqu’il est retransmis –, vous ne pouvez pas dire que, en rejetant ces amendements, vous faites le choix d’investir pour développer des filières qui n’existeraient pas demain en l’absence de ces avantages fiscaux !
Je le dis en toute humilité : notre formulation n’est peut-être pas la bonne. Il se peut qu’elle soit susceptible d’impacter M. et Mme Tout-le-Monde, qui ont économisé toute leur vie afin de se payer une croisière pour leurs noces de diamant. Nous pouvons l’entendre, il n’y a pas de souci ! Dans ce cas, vous pourriez déposer un sous-amendement pour rendre le dispositif que nous proposons plus efficace du point de vue de la justice sociale… Je ne revendique aucun copyright sur quelque amendement que ce soit !
J’ajoute, très sereinement, que l’on ne peut pas, d’un côté, culpabiliser celles et ceux qui, au quotidien, travaillent, économisent, se demandent de quoi demain sera fait et, une fois leurs factures énergétiques payées, se voient en plus accusés d’avoir accéléré la fonte des glaces, la montée des eaux et les dérèglements climatiques, et, de l’autre côté, laisser des personnes consommer beaucoup d’énergie en toute impunité, sans rien devoir !
Il s’agit non pas d’imposer toujours plus et même davantage, sans répit et sans repos, comme dit la chanson d’humoristes bien connus des années 1990, mais de faire contribuer à hauteur de ce que l’on consomme et coûte à la planète. C’est pourquoi nous maintiendrons notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. On a déjà beaucoup parlé de justice sociale, mais je suis frappée par une chose : pour ce gouvernement, dès qu’il s’agit de taxer les plus aisés, les plus riches, les taxes proposées ne sont jamais performantes ; mais quand il faut alléger la TVA sur les produits utilisés par les couches populaires, c’est toujours inefficace !
M. Thierry Cozic. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit toujours de la vieille idéologie du ruissellement !
Vous voulez investir, avez-vous dit, monsieur le ministre, mais il faut des recettes pour cela ! À défaut, vous allez endetter le pays « à fond la caisse ».
Pour investir dans la transition écologique, il faut des recettes ; or la juste participation de chacun à proportion de la pollution qu’il cause en constitue un élément déterminant. Je parle là de faire participer les plus riches, car taxer ceux qui prennent leur voiture pour aller travailler parce qu’ils n’ont pas d’autre choix, qu’il n’existe pas de transports en commun là où ils vivent et qu’on ne les a pas aidés à changer leur voiture ou leur mode de transport, cela revient à les taxer en proportion non pas de la pollution qu’ils produisent, mais des contraintes qu’on leur impose.
Il faut vraiment que vous soyez sourds à ce qui se passe dans le pays ! Les gilets jaunes ne sont peut-être plus là, mais gronde la sourde révolte d’un peuple qui se sent écrasé lorsqu’il voit que des ponts d’or sont faits aux plus aisés, lesquels ne font pourtant pas les efforts nécessaires.
Nous ne souhaitons pas interdire les jets privés, contrairement à certains de nos collègues. Mais nous voulons que leurs propriétaires payent en fonction de la pollution qu’ils causent. Il s’agit non pas d’une taxe de dissuasion – il ne faut pas rêver : ces personnes sont suffisamment riches pour supporter cet effort –, mais d’une taxe permettant de financer la transition écologique.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Oui, monsieur le ministre, il y a bien deux lignes politiques : il y a ceux qui regardent passer les yachts et ceux qui veulent que notre jeunesse ait un avenir !
Certains symboles pèsent. On ne peut pas demander à ceux qui font déjà de nombreux efforts d’en faire davantage encore, en leur conseillant de mettre deux pulls durant l’hiver, pendant que d’autres font une croisière aux Bahamas. Tout cela est proprement insupportable !
La jeunesse désespère de voir que les adultes n’assument pas leurs responsabilités. Nous ne pouvons plus continuer ainsi ! Nous allons vers des lendemains qui vont franchement déchanter, parce que vous ne prenez pas du tout la mesure de la situation, laquelle exige que nous agissions au plus vite.
Il y a bien deux lignes, mais nous espérions infléchir quelque peu la vôtre. Tel n’a pas été le cas, et c’est bien dommage. Vous êtes complètement sourd à ces attentes !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je vais dire quelques mots, car il n’est pas dans mes habitudes de me dérober.
J’essaie de répondre à chacun ; mes réponses sont tantôt courtes, tantôt plus étayées. Ayant dans un premier temps parlé assez longuement de ce sujet, je ne souhaitais pas me répéter à l’occasion de l’examen de chaque amendement. Je vous donne ces explications pour qu’il n’y ait pas de malaise entre nous !
Pour ce qui concerne l’écologie, je suis serein quant à la ligne qui est la mienne, mais ce n’est pas le plus important.
Le plus important est de réussir ce que l’on nomme la transition écologique et que, pour ma part, j’appelle « les évolutions sociétales ».
Une chose est sûre : on ne peut pas aller expliquer à Saint-Nazaire – une ville qui ne fait pas partie de mon département d’élection, je le précise – qu’il faut arrêter les chantiers qui étaient au bord de la faillite il y a quelques années, mais qui fabriquent aujourd’hui des paquebots exceptionnels, grâce à la demande mondiale pour les croisières.