Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je ne veux pas prolonger le débat, monsieur le ministre, mais nous avons vérifié les tableaux du précédent exercice : vous nous parlez de deux « queues de comète », mais, l’an dernier, le coût de la baisse des impôts de production était chiffré à 10 milliards d’euros. Cette année, c’est toujours 10 milliards, mais ce coût n’est pas inscrit dans le tableau !

Je sais que vous êtes très habile, monsieur le ministre, et je vois que vos conseillers s’affairent autour de vous ; reste que le tableau n’est pas bon !

De même, vous nous confirmez que la baisse du taux de l’IS a bien coûté 4,4 milliards d’euros, alors que dans le présent tableau, censé être un tableau général, ne sont inscrits que 400 millions. Le total qui est présenté n’est donc pas bon !

J’ai bien entendu votre avis défavorable, mais trois erreurs fondamentales n’en subsistent pas moins, à notre sens, dans ce tableau. Nous maintenons donc notre amendement ; le Sénat doit savoir que, s’il n’était pas adopté, un tableau fautif demeurerait dans le rapport annexé.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je souhaite que la Haute Assemblée soit parfaitement éclairée sur ce sujet, quitte à prolonger encore un peu ce débat : il n’y a pas d’erreur dans ce tableau !

Le tableau présente le solde par rapport à l’année précédente. Dès lors, par définition, les effets de la baisse de 10 milliards d’euros des impôts de production réalisée en 2021 ont été comptabilisés en 2022 : c’est avant 2023 que la baisse a eu lieu, et le présent tableau ne retrace que le reliquat de cette réforme. Vous voyez bien, en revanche, que le coût de la suppression de la CVAE y figure, à hauteur de 4,1 milliards d’euros, puisque nous proposons désormais d’y procéder en deux étapes.

Je vous confirme donc, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce tableau est tout à fait exhaustif et vous invite par conséquent à rejeter cet amendement, dont l’adoption causerait pour le texte des difficultés constitutionnelles.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble constitué par l’article 1er et le rapport annexé.

(Larticle 1er et le rapport annexé sont adoptés.)

Chapitre Ier

Le cadre financier pluriannuel de l’ensemble des administrations publiques

Article 1er et rapport annexé
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
Article 3 (début)

Article 2

L’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné au b du 1 de l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles le 2 mars 2012, est fixé à -0,4 % du produit intérieur brut potentiel.

Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation sur la période 2023-2027, décrits dans le rapport mentionné à l’article 1er de la présente loi, l’objectif d’évolution du solde structurel des administrations publiques, défini au rapport annexé à la présente loi, s’établit comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut potentiel)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

-4,2

-3,6

-3,6

-2,5

-2,2

-1,7

Ajustement structurel

0,9

0,7

0

1,1

0,4

0,4

Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pascal Savoldelli.

M. Pascal Savoldelli. Nous demandons la suppression de cet article, pour des raisons qui sont directement liées au débat sur le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), le fameux « pacte budgétaire européen ».

Notre rapporteur général a estimé, en commission, qu’il fallait s’inscrire dans les règles de ce traité plutôt que de les réformer ; dont acte : c’est un choix politique.

Cependant, un tel choix a des conséquences sur lesquelles je voudrais éclairer notre assemblée. L’article 3 du TSCG dispose que l’objectif de déficit de moyen terme d’un État membre dont la dette publique ne dépasse pas 60 % du PIB ne peut pas dépasser 1 % du PIB potentiel ; ce plafond passe même, mesure plus draconienne encore, à 0,5 % quand la dette dépasse 60 %.

Se soumettre à ces chiffres a tout de même un impact sur le quotidien des Français. En effet, lorsque l’objectif de moyen terme n’est pas atteint, l’État concerné doit déterminer une trajectoire du solde structurel assurant une « convergence rapide » vers cet objectif. Le Gouvernement prévoyait une telle trajectoire sur douze ans ; apparemment, on peut faire plus rapide : la commission a prévu huit ans…

Monsieur le ministre, de quoi parle-t-on ? En 2021, plus de la moitié des États membres ne respectaient pas le ratio d’endettement de 60 % du PIB. Quelles finances publiques, dans quels États membres, pourront assurer la protection des peuples et la transition énergétique en Europe sans s’extraire du carcan de ces règles budgétaires ?

C’est donc bien parce que le présent article colle aux règles du TSCG que nous demandons sa suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Nous sommes défavorables à la suppression de cet article, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, chacun a bien compris qu’il convenait de proposer une nouvelle évolution du solde structurel plutôt que de supprimer purement et simplement celle que nous propose le Gouvernement ; tel est l’objet même d’une loi de programmation des finances publiques.

En second lieu, si nous nous accordons avec le Gouvernement sur le principe d’une amélioration nécessaire du solde structurel et du solde public, nous pensons que la proposition de trajectoire faite par l’exécutif n’est pas assez rapide. C’est pourquoi nous avons décidé de modifier cet article, plutôt que de le supprimer.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis défavorable également.

Ce que nous construisons, en ce moment, c’est notre faculté, à moyen terme, de respecter les règles européennes, en maîtrisant mieux notre dépense publique sans pour autant casser la croissance. Il est vrai que c’est un équilibre complexe à trouver ; il me semble que la copie présentée par le Gouvernement y parvient. Peut-être notre débat permettra-t-il d’aboutir à un équilibre qui soit meilleur encore…

Quant au seuil d’endettement de 60 % du PIB, c’est l’un des sujets dont Bruno Le Maire discute actuellement à l’échelle européenne, au nom du Gouvernement, afin d’aboutir à davantage de flexibilité. Cette négociation compte parmi les dossiers que nous tâchons de faire avancer dans le cadre de la réforme du pacte de stabilité.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En points de produit intérieur brut potentiel)

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel

-4,2

-4,0

-3,7

-3,4

-3,1

-2,8

Ajustement structurel

0,9

0,2

0,3

0,3

0,3

0,3

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Cet amendement vise à rétablir la trajectoire prévue dans la rédaction initiale du projet de loi, avec un retour du déficit structurel sous la barre des 3 % du PIB potentiel, à 2,8 %, d’ici à 2027.

Ce point a été abordé lors de la discussion générale. La commission propose une trajectoire qui implique de passer sous cette barre dès 2025 et de ramener le déficit à 1,7 % du PIB en 2027. Nous souhaitons tous faire des économies et rétablir nos finances publiques ; la question est de savoir à quel rythme.

Vous proposez, monsieur le rapporteur général, d’adopter un rythme beaucoup plus soutenu, ce que je prends comme un appel à en faire plus – j’y suis très ouvert, comme Bruno Le Maire. Il faut faire plus, donc, nous sommes d’accord, mais dans des conditions qui soient crédibles et soutenables. Or trouver 25 milliards d’euros d’économies supplémentaires en deux ans, d’ici à 2025, ne nous paraît objectivement ni crédible ni soutenable. Il faut dire où l’on prendrait ces 25 milliards d’euros : baisserait-on le budget de la défense, de l’éducation nationale, de la transition écologique ?

Ces questions sont très concrètes ; l’article 12 de ce texte détaille la programmation, pour les trois prochaines années, 2023, 2024 et 2025, de chaque mission budgétaire de l’État. Il faudra donc bien dire dans quelles missions on souhaite prendre ces 25 milliards d’euros…

Pour notre part, nous avons construit une trajectoire qui impose une maîtrise des dépenses. D’ailleurs, on entend souvent les groupes de la gauche de cet hémicycle, ou de celui de l’Assemblée nationale, dire que nous faisons de l’austérité ; à droite, en revanche, on nous reproche souvent de ne pas en faire assez. Peut-être cela signifie-t-il que nous avons trouvé un équilibre…

Je le dis une fois de plus : nous sommes prêts à trouver une trajectoire qui permettrait de faire un peu plus – et même sensiblement plus – d’économies, en passant d’une baisse en volume de 0,4 % à 0,5 % par an pour les dépenses de fonctionnement de l’État au cours des cinq prochaines années. Mais la trajectoire que nous vous présentons implique déjà un effort, et même l’effort le plus soutenu depuis vingt ans en matière de dépenses publiques pour l’État. Depuis vingt ans, il n’y a jamais eu une telle maîtrise de la progression des dépenses de l’État !

C’est pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de rétablir la rédaction initiale de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur. Je vous propose plutôt, mes chers collègues, d’en rester à la rédaction adoptée par notre commission.

J’ai entendu à plusieurs reprises employer le mot « austérité ». Pour ma part, je suis de ceux qui estiment que ce n’est pas un gros mot que de gérer un budget avec attention, rigueur et sérieux ! Il a été question de « politique brutale d’austérité budgétaire », mais personne ici ne réclame de brutalité…

Monsieur le ministre, vous venez de nous dire que vous entendiez notre demande d’un effort supplémentaire et que M. Le Maire y adhérait sur le principe. Vous êtes sur la bonne voie ; je n’ose plus dire que vous êtes « en marche », cela serait old school, voire has been ! (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, vous l’avez bien compris, la majorité sénatoriale souhaite que l’on consente des efforts financiers supplémentaires ; il faut cibler la dépense partout où elle doit être encouragée, mais il nous appartiendra également, tous ensemble, de trouver où faire des économies dans la dépense publique, afin de répondre à un besoin qui est aussi une demande que nous adressent les Français.

Inviter l’État à faire un effort identique, proportionnellement, à celui que l’exécutif demande, pour ne pas dire impose, aux collectivités, c’est déjà, de la part du Sénat, faire un choix audacieux, courageux ! Il revient maintenant à l’État de faire ce pas : avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Je veux d’abord saluer la manière dont le Sénat attaque les discussions budgétaires : il le fait dans un esprit complètement différent de celui de l’Assemblée nationale, un esprit constructif.

Cependant, il doit le faire sous le sceau de la lucidité, de la responsabilité et de la sincérité. Nietzsche disait qu’il philosophait avec un marteau ; mon impression est qu’en proposant 37,5 milliards d’euros d’efforts supplémentaires M. le rapporteur général demande aux pouvoirs publics d’économiser à coups de marteau !

Vous nous dites qu’on prendra cette somme dans les crédits des missions non régaliennes, vous entendez donner à l’État des leçons non d’austérité, mais de bonne gestion, et vous tracez une trajectoire dont vous savez très bien que la France aura du mal à la tenir. Rappelons tout de même que c’est la majorité présidentielle qui, au cours du quinquennat précédent, avait ramené le déficit budgétaire en dessous de la barre des 3 % du PIB, ce qui n’était jamais arrivé ! Ainsi s’est-elle inscrite dans une logique de responsabilité.

Vous réclamez des efforts, mais cette demande volera en éclats aussitôt qu’il sera question des collectivités locales : avec la suppression de l’article 23, on dépensera sans compter et on reviendra en arrière.

Je vous rappelle ce que disait Philippe Séguin lorsqu’il présidait la Cour des comptes : la gestion des finances publiques, c’est un tout ! Comme M. le ministre l’a très bien rappelé en discussion générale, quand il s’agit de faire face à des difficultés ou à des crises telles que la crise sanitaire ou, actuellement, la crise financière liée à l’inflation, on ne peut traiter les finances publiques que globalement, comme un tout.

Nous soutiendrons donc le Gouvernement dans sa demande de rétablissement de la trajectoire lucide et responsable qu’il avait fixée. Et nous espérons qu’au bout du compte, à l’issue de ces débats, le Sénat aura fait preuve de responsabilité et qu’un accord en commission mixte paritaire permettra de satisfaire tout le monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Tout comme notre rapporteur général, j’entends souvent parler d’austérité, mais je cherche en vain à savoir à quel moment une telle politique a été réellement appliquée en France. Lors de sa nomination comme Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici avait déclaré qu’il fallait « sortir de la logique austéritaire » ; je lui avais demandé ce qu’il entendait par là. Quand on voit que les dépenses publiques augmentent chaque année de 20, 30, voire 50 milliards d’euros, on ne peut pas continuer à parler d’austérité !

Pour ma part, je défends une politique sérieuse et rigoureuse, dont je ne sais s’il convient de la nommer « austérité » ; elle consiste simplement à faire attention à tout ce que l’on dépense, car un euro est un euro. Or nous n’avons pas du tout l’impression que le budget de l’État obéit à de tels principes.

Monsieur le ministre, je vous entends parler de trajectoire, mais j’apprécierais que l’on distingue les dépenses courantes des dépenses exceptionnelles. Il est un peu facile de prendre pour référence une année où les dépenses exceptionnelles étaient importantes, en promettant – que l’on ne s’inquiète pas ! – de les baisser progressivement, pour une diminution globale des dépenses de 0,4 % ou 0,5 % chaque année. Non : ce sont les dépenses courantes à elles seules qui doivent diminuer à ce rythme ! Il faut faire très attention au choix du point de départ.

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Avec cet amendement du Gouvernement, qui vise à revenir sur les modifications adoptées en commission sur l’initiative du rapporteur général, on est au cœur d’un débat presque tripartite, à ceci près que les positions du Gouvernement et de la majorité sénatoriale se rejoignent sur l’essentiel.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous avez tous les deux raison ! M. le ministre a raison quand il affirme que passer d’une trajectoire d’austérité à une trajectoire d’austérité brutale ne serait pas raisonnable. Mais M. le rapporteur général a raison quand il fait remarquer que le Gouvernement n’adapte pas sa politique de dépenses à sa politique de recettes.

En réalité, de notre point de vue, vous avez tous les deux tort ! C’est bien l’intérêt de notre débat : il nous semble que la politique de recettes qui nous est présentée ne correspond pas aux dépenses publiques nécessaires.

Monsieur le ministre, autour des taux d’imposition et de la recette fiscale se joue un peu la même histoire que celle que vous nous racontiez voilà quelques instants sur le gage. Si, comme vous semblez le croire, plus on baisse les taux, plus les recettes fiscales augmentent, alors pourquoi ne les baissez-vous pas davantage et à un rythme plus rapide ? Pourquoi étalez-vous sur deux ans la suppression de la CVAE plutôt que de la supprimer immédiatement et d’un seul tenant, puisque cela, dites-vous, rapporterait encore davantage ?

Tout cela n’est pas sérieux ! Si nous ne nous prononçons pas pour départager les deux trajectoires de dépenses proposées, c’est que toutes les deux sont mauvaises, la trajectoire prévue pour les recettes n’étant de toute façon pas réaliste.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Notre groupe aussi s’abstiendra : nous refusons de participer au concours de Mister Austérité ! (Sourires.) Nous comprenons les logiques à l’œuvre : dès lors qu’on se prive de recettes, il ne reste plus qu’à se demander comment tailler le plus possible dans les dépenses. Tel n’est pas notre choix ; nous ne choisirons donc pas entre la proposition du rapporteur général et l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Peut-être n’ai-je pas la bonne définition de l’austérité, mais, quant à moi, j’ai plutôt du mal à trouver où elle ne s’applique pas. S’il y a bien un domaine, pourtant, où elle reste en effet introuvable, c’est dans les dividendes des plus grands groupes ! (Exclamations sur des travées des groupes RDPI, INDEP et Les Républicains.) Ne cherchez pas plus loin, mes chers collègues : 160 milliards d’euros !

MM. Laurent Burgoa et Emmanuel Capus. Quel est le rapport ?

M. Pascal Savoldelli. Il y en a un : nous nous demandons s’il y a ou non austérité. Je suis au moins sûr d’une chose : pour les entreprises du CAC 40, il n’y a pas eu d’austérité !

Notre groupe s’abstiendra sur l’amendement du Gouvernement, mais ce débat rejoint celui que nous avons eu sur un éventuel compromis. M. Patriat évoque un accord en commission mixte paritaire, mais à quel niveau de solde structurel le compromis sera-t-il fixé ? Un peu plus ou un peu moins de dépenses publiques ? Ne croyez pas que nous accepterons d’arbitrer ce débat !

Le Gouvernement entend revenir à la rédaction initiale, que la majorité sénatoriale a encore durcie sur le volet des dépenses publiques. Vous ne pensez quand même pas que nous allons alimenter cette discussion ?

Nous nous abstiendrons ; je serais même tenté de ne pas participer au vote : y participer, c’est en quelque sorte arbitrer au sein d’une communauté de points de vue dont l’objectif unique est la baisse, la baisse et encore la baisse des dépenses publiques ! En définitive, on viendra nous dire qu’il manque des infirmières, des enseignants, des policiers… Dont acte : il n’y a là qu’un nouvel épisode de la propension fort répandue consistant à s’afficher interventionniste quand il est question des besoins, puis à sortir le couperet quand il est question des finances.

Nous nous abstiendrons donc, vous laissant ensemble dans le compromis !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, la trajectoire qui a été retenue par la commission des finances ne consiste pas à demander le même effort à l’État et aux collectivités locales.

Vous avez certes aligné, en volume, l’objectif de baisse des dépenses de l’État sur celui des collectivités locales, à 0,5 % par an ; vous avez toutefois précisé que, pour l’État, les dépenses liées à la crise et à la relance ne seraient pas prises en compte dans le calcul de cette baisse, alors qu’elles le sont pour les collectivités locales ! Dans les dépenses de fonctionnement des collectivités figurent des dépenses qualifiées de dépenses de crise, qui seront bel et bien comptabilisées. Dès lors, en vertu de la trajectoire que vous avez adoptée, les dépenses de l’État progresseraient en valeur de 0,5 % par an au cours des cinq prochaines années, alors que celles des collectivités locales progresseraient de 10 %. Il n’y a donc pas du tout de parité !

Pour ce qui est de la trajectoire elle-même, j’aimerais contextualiser notre débat et prendre un peu de recul sur ce qui s’est fait au cours des derniers quinquennats. La dépense publique, toutes administrations confondues, a progressé en volume de 1,4 % sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, de 1 % sous celui de François Hollande et de 0,9 % pendant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Selon la trajectoire que nous vous présentons dans ce projet de loi de programmation des finances publiques, elle augmenterait de 0,6 % au cours du présent quinquennat. C’est donc déjà l’effort de maîtrise des dépenses le plus important depuis plusieurs décennies qui vous est proposé !

Si c’est la trajectoire adoptée par votre commission qui était retenue, cette progression ne serait que de 0,1 % ou 0,2 %. Cela ne nous semble pas soutenable, sauf à faire des coupes massives dans nos services publics (M. le rapporteur général proteste.) dans les toutes prochaines années, puisqu’il y a 25 milliards d’euros d’économies à trouver d’ici à 2025, ou à casser la dynamique de croissance économique.

Monsieur Féraud, il faut dire les choses très clairement : ce que vous appelez une « politique de recettes » revient à augmenter massivement les impôts…

M. Rémi Féraud. De manière ciblée !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Ou à ne pas les baisser…

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour notre part, nous assumons ne pas vouloir augmenter les impôts qui pèsent sur les Français ; nous entendons même les baisser. En réalité, s’il fallait couvrir l’intégralité des dépenses que vous proposez, une taxe sur ce que vous appelez « superprofits » n’y suffirait pas : il faudrait une augmentation massive des impôts, qui affecterait beaucoup de Français, y compris les classes moyennes. Tel n’est pas notre projet, c’est vrai !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 61.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027
Article 3 (interruption de la discussion)

Article 3

Dans le contexte macroéconomique et selon les hypothèses et les méthodes retenues pour établir la programmation mentionnée à l’article 2, la trajectoire de finances publiques sur la période de programmation s’établit au sens de la comptabilité nationale comme suit :

 

(En points de produit intérieur brut sauf mention contraire)

Ensemble des administrations publiques

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

-4,3

-3,6

-3,6

-2,5

-2,2

-1,7

Solde conjoncturel (2)

-0,6

-0,8

-0,7

-0,5

-0,3

0,0

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

-0,1

-0,2

-0,1

-0,1

0,0

0,0

Solde effectif (1+2+3)

-5,0

-4,6

-4,4

-3,0

-2,4

-1,7

Dépense publique

57,6

56,5

55,5

54,1

53,3

52,6

Dépense publique (en Md€)

1 522

1 561

1 595

1 609

1 640

1 674

Évolution de la dépense publique en volume (%) *

-1,2

-1,6

-0,8

-1,2

0,2

0,3

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

1 407

1 467

1 513

1 550

1 579

1 608

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-0,4

0

0,2

0,3

0,1

0

Agrégat des dépenses d’investissement** (en Md€)

-

25

28

31

33

35

Évolution de l’agrégat de dépenses d’investissement en volume (%)

-

-

7

9

6

2

Taux de prélèvements obligatoires

45,2

44,7

44,2

44,3

44,3

44,3

Dette au sens de Maastricht

112,5

111,5

110,8

111

110,5

109,5

État et organismes divers dadministration centrale

Solde effectif

-5,4

-5,5

-5

-3,8

-3,6

-3,1

Dépense publique (en Md€)

629

632

633

618

626

638

Évolution de la dépense publique en volume (%)*

0,0

-3,6

-2,8

-4,4

-0,4

0,2

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

531

547

557

565

571

578

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-1,1

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Administrations publiques locales

Solde effectif

0,0

-0,1

-0,1

0,1

0,2

0,4

Dépense publique (en Md€)

295

306

313

319

323

328

Évolution de la dépense publique en volume (%)*

0

-0,5

-0,7

-0,2

-0,6

-0,2

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

294

304

311

316

320

325

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

0,1

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

-0,5

Administrations de sécurité sociale

Solde effectif

0,5

0,8

0,8

0,7

0,8

1

Dépense publique (en Md€)

700

721

747

772

792

811

Évolution de la dépense publique en volume (%)*

-2,8

-1,0

0,5

1,2

0,7

0,6

Dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique (en Md€)

659

684

704

726

740

753

Évolution de la dépense publique hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire, économique et énergétique en volume (%)*

-0,2

0,4

1

1,2

0,8

0,6

* Hors crédit dimpôt, hors transferts, à champ constant

** Dépenses considérées comme des dépenses dinvestissement au sens du dernier alinéa de larticle 1 A et du deuxième alinéa de larticle 1 E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous demandons la suppression de cet article, dont l’objet est la baisse des dépenses publiques de l’État et des collectivités territoriales. Ce que je vais dire risque de déplaire à nos collègues, mais on continue d’assister à une véritable « compétition austéritaire » entre la droite sénatoriale et le Gouvernement.

Où réalisera-t-on cette baisse des dépenses publiques ? Il va falloir nous le dire. Pour ce qui est de l’État, où y aura-t-il moins de fonctionnaires ? Dans la police ? Dans la justice ? Dans l’éducation nationale ? Dans les hôpitaux ?