Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, je me réjouis que vous nous appeliez à changer de regard, mais nous n’avons pas les mêmes responsabilités : vous êtes ministre, vous êtes en poste, nous attendons donc des actes !
Vous nous dites que toutes les situations des « oubliés » du Ségur ont été rattrapées : nous ne devons pas rencontrer les mêmes personnes, parce que je vous confirme qu’il reste toujours des « oubliés » du Ségur !
J’ai évoqué la question du barème kilométrique pour les aides à domicile, mais la véritable question est celle d’une revalorisation salariale de ces métiers.
Madame la ministre, de grâce, arrêtez d’attendre et donnez au secteur les moyens humains et financiers dont il a besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Mme Jocelyne Guidez. Le secteur du grand âge se mobilise face à la transition démographique et la prise en charge médicale et paramédicale des résidents en Ehpad évolue. Ainsi, de nouvelles exigences, utiles et nécessaires, sont venues modifier la pratique des soignants : coordination des parcours de soins, concertation, pluridisciplinarité, démarche qualité, etc.
Alors que les établissements peinent à recruter des personnels soignants, le marché de l’emploi des secrétaires médicales, des enseignants en activité physique adaptée ou des référents qualité ne présente pas de fortes tensions.
L’apport de ces professionnels est désormais démontré ; leur présence permet notamment de dégager du temps qui pourra être consacré au suivi médical des résidents.
Il est donc temps de mettre en cohérence le financement des Ehpad avec les ambitions sociétales, de répondre aux nouveaux besoins des prochaines années et de donner une impulsion au secteur du grand âge de demain.
Ainsi, l’intégration de ces professions dans le champ du forfait soins des Ehpad permettrait une application durable et immédiate de mesures favorables aux résidents – contact avec les familles, coordination des soins, etc. – et aux équipes – soulagement des professions en tension ou encore accroissement du temps passé au chevet des résidents.
Madame la ministre, plusieurs agences régionales de santé (ARS), conscientes du rôle de ces professionnels dans la prise en charge, attribuent ponctuellement aux Ehpad des crédits pour financer certaines initiatives – par exemple, des postes de secrétaire médicale en Gironde ou des interventions d’enseignants en activité physique adaptée (APA) –, alors que ces crédits sont théoriquement destinés à des expérimentations ou à des besoins ponctuels.
Toutefois, ce mode de financement n’est pas satisfaisant, puisqu’il ne permet pas d’ancrer ces professionnels dans le fonctionnement de l’établissement de manière durable.
Le groupe Union Centriste souhaiterait connaître, madame la ministre, la position du Gouvernement sur l’idée d’intégrer ces professionnels à la section soins des Ehpad afin de soutenir les personnels médicaux et paramédicaux et de répondre à la pénurie de professionnels, en tenant compte de l’émergence de nouvelles professions au service du soin.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, votre question pose finalement celle de la prévention de la perte d’autonomie, notamment dans les Ehpad.
De nombreux établissements du secteur médico-social ont intégré l’activité physique adaptée, que vous évoquez, en tant que nouvel outil pour développer la prévention et améliorer la qualité de vie.
L’activité physique est évidemment essentielle à tous les âges de la vie et le Gouvernement souhaite notamment l’intégrer, en tant qu’élément central d’une stratégie globale de prévention, dans les parcours de santé. Ainsi, le sport-santé inclut l’activité physique adaptée.
Je rappelle que la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France prévoit que chaque établissement social et médico-social désigne, parmi ses personnels, un référent pour l’activité physique et sportive.
Vous le voyez, nous prenons en compte ces questions et nous continuons d’y travailler.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour la réplique.
Mme Jocelyne Guidez. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais vous devez aussi prendre en compte le fait que les médecins et les infirmières, débordés par les tâches administratives, n’ont plus le temps de s’occuper de leurs patients. Un effort de simplification doit vraiment être fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Je souhaite à mon tour remercier nos collègues du groupe RDPI d’avoir demandé l’inscription de ce débat à notre ordre du jour.
Grâce aux avancées de la médecine et aux politiques de santé publique, nous vivons de plus en plus longtemps, ce dont nous devons évidemment nous réjouir. Il y a un siècle, seuls quatre Français sur dix atteignaient l’âge de 65 ans. Aujourd’hui, la France compte 1,5 million de personnes âgées de 85 ans et plus. À l’horizon de 2060, elles seront 5 millions et le nombre de personnes âgées dépendantes pourrait atteindre 2,3 millions.
Cette évolution démographique et épidémiologique constitue un défi majeur pour notre société et impose que nous allions plus loin par la mise en place d’un plan ambitieux pour accompagner le vieillissement de la population, domaine dans lequel les professionnels médico-sociaux jouent un rôle essentiel.
Or ces métiers souffrent aujourd’hui d’une pénurie croissante et ne parviennent pas à recruter à la hauteur des besoins.
Certes, il est indispensable d’améliorer les rémunérations et les conditions de travail, mais il faut aussi travailler sur la question des formations. Nous devons notamment fournir des efforts particuliers pour développer massivement la qualification d’infirmier en pratique avancée (IPA), car ces professionnels contribuent à améliorer la qualité des soins et à réduire la charge de travail des praticiens.
Actuellement, la gériatrie ne fait pas partie des domaines dans lesquels des infirmiers en pratique avancée peuvent pratiquer. Cette absence de reconnaissance freine le développement de la filière IPA, que ce soit en Ehpad ou à domicile, alors qu’il apporterait une véritable valeur ajoutée sur la qualité des prises en charge, l’organisation des soins et la valorisation des professionnels. Cette reconnaissance est d’ailleurs fortement attendue par le secteur du grand âge, comme le rappelle la Société française de gériatrie et de gérontologie.
Aussi, madame la ministre, j’aimerais connaître votre position sur la reconnaissance de la spécificité des infirmiers en pratique avancée en gérontologie.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Merci, monsieur le sénateur, de nous faire remarquer que nous vivons de plus en plus longtemps, et en plutôt bonne santé !
Je vous remercie également de rendre hommage, à travers votre question, aux infirmiers et aux infirmières.
Vous l’avez souligné, la pratique avancée constitue l’une des réponses aux problèmes de démographie médicale que nous connaissons. Ce dispositif, qui a en partie été créé pour cela, offre surtout une réponse adaptée aux besoins des patients.
Les infirmiers en pratique avancée disposent d’un champ d’exercice très large et le Gouvernement entend soutenir fermement cette spécialisation. Pour cela, nous travaillons avec les universités pour augmenter les capacités de formation et nous prévoyons d’enrichir le domaine d’activité de ces professionnels pour rendre ce métier encore plus attractif.
Pour autant, la création d’une mention gérontologie dans la formation des IPA nécessite une réflexion complémentaire et nous devons éviter deux écueils.
D’une part, les IPA avec la mention pathologies chroniques peuvent déjà répondre aux besoins de prise en charge en gérontologie, car la prévalence des pathologies ciblées par cette mention est particulièrement forte parmi les personnes âgées.
Dans ce cadre, certaines universités ont adapté leur programme pédagogique pour prendre en compte la prévalence de certaines de ces pathologies chez les personnes âgées. Il pourrait éventuellement être envisagé d’adapter et de compléter cette formation et l’intitulé de cette mention pour élargir cette démarche.
D’autre part, nous ne souhaitons pas multiplier les domaines d’intervention des IPA et les faire correspondre à chaque spécialité médicale, car nous devons conserver à la pratique avancée l’ambition d’une prise en charge populationnelle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Le décloisonnement entre le médico-social et le médical est indispensable, si l’on veut penser la santé de manière globale.
Au-delà de l’offre binaire de prise en charge des personnes âgées – domicile ou Ehpad –, il existe maintenant des formes alternatives d’accompagnement.
Dans mon département, le maire d’une commune nouvelle a un projet très innovant : une collaboration entre deux Ehpad et un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Des financements existaient pour ce type de projet, en particulier le dispositif innovant de vie à domicile (Divadom), et des appels à candidatures sont lancés par les agences régionales de santé pour mettre en place des centres de ressources territoriaux pour les personnes âgées.
Madame la ministre, quels financements sont prévus pour ces centres ? Comment ces financements vont-ils évoluer dans les années à venir ? Dans les Pays de la Loire, il était initialement prévu deux centres par département, soit dix centres, mais il semblerait que des financements ne soient possibles que pour cinq centres.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, Divadom est un dispositif expérimental qui vise à renforcer l’accompagnement des personnes âgées à domicile comme alternative à l’Ehpad.
Quand l’accompagnement à domicile par une aide ou une infirmière ne suffit plus, il faut apporter un complément, par exemple un renforcement du temps passé avec la personne, l’intervention d’une diététicienne ou d’une psychologue, la sécurisation du domicile par un ergothérapeute ou encore le renforcement des interventions la nuit.
La mesure votée l’année dernière dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a créé le cadre juridique pérenne qui permettra de généraliser des dispositifs expérimentaux, tels que Divadom ou Drad (dispositif renforcé de soutien à domicile) – ce dernier étant expérimenté au niveau national depuis 2019.
Les centres de ressources territoriaux qui sont en cours de déploiement présenteront de manière pérenne une offre d’accompagnement renforcé à domicile en alternative à l’Ehpad.
Notre objectif est bien de donner corps à la promesse du virage domiciliaire : permettre aux personnes âgées de vieillir chez elles, même lorsque leur niveau de perte d’autonomie et leurs besoins de soins augmentent. Alors qu’on les orienterait aujourd’hui vers un Ehpad, l’accompagnement renforcé à domicile permettra à ces personnes de rester chez elles plus longtemps.
Chaque porteur de projet – un Ehpad ou un acteur du secteur du domicile – peut bénéficier d’une enveloppe forfaitaire de 400 000 euros.
Pour 2022, l’enveloppe globale est de 20 millions d’euros ; pour 2023, elle sera augmentée de 40 millions, soit 60 millions d’euros au total. Cette enveloppe continuera de croître de manière constante jusqu’en 2027 au moins.
Brigitte Bourguignon, alors ministre déléguée chargée de l’autonomie, avait fixé un objectif minimal de quatre centres de ressources territoriaux par territoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Alors que nous travaillons déjà sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 et que nous sommes confrontés depuis des années à la difficulté d’accès aux soins dans nos territoires, je veux insister de nouveau sur l’importance des acteurs du médico-social partout en France.
La demande en personnel est croissante dans ce secteur, de nombreuses offres d’emploi restent vacantes et, chaque jour, des personnes vulnérables ne reçoivent pas les soins nécessaires.
Notre société et nos territoires évoluent très rapidement. Les besoins ont changé, la manière d’y répondre également. Il me semble essentiel d’avoir une vision d’ensemble pour répondre aux problématiques du secteur médico-social et repenser l’organisation spatiale des soins de demain. De manière globale, les secteurs médico-social, paramédical et médical doivent travailler main dans la main.
Dans ce cadre, la formation, qu’elle soit initiale, continue ou de reconversion, est la clé. Et cette formation doit être dispensée au plus près des territoires. J’en veux pour preuve l’implantation à Melun d’une antenne de l’université Paris-Est Créteil. C’est excellent pour notre territoire, surtout lorsque l’on sait que les étudiants s’installent généralement là où ils ont étudié. Cela doit être encouragé et développé.
De plus, la construction de pôles de santé sur nos territoires est un enjeu et il faut savoir qu’ils sont très souvent associés à des services médico-sociaux. Nous devons donc consolider ces pôles.
C’est pourquoi nous devons développer un panel de formations intégrées dans un système complet, équilibré et efficace, qui s’adapte autant aux spécificités de nos territoires qu’aux évolutions démographiques, sans oublier de valoriser ces métiers.
Madame la ministre, quelles sont vos pistes de réflexion pour faire évoluer les formations dans ce secteur ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler l’importance des acteurs du secteur médico-social partout en France – nous ne le dirons jamais assez !
Leur engagement a été particulièrement remarquable lors de la crise du covid-19 et nous avons besoin de leur présence et de leur investissement – ce sera encore plus vrai demain, je l’ai déjà mentionné.
Le Président de la République a affiché des ambitions claires en la matière, à la hauteur des besoins qui se dessinent. Je pense notamment aux 50 000 recrutements programmés au cours du quinquennat pour renforcer les équipes dans les Ehpad.
Que les acteurs paramédicaux et médicaux travaillent main dans la main est une nécessité. Ce n’est pas un fait nouveau, mais cela demande du temps et de la méthode. Un exemple concret des avancées en la matière est la mise en place des dispositifs d’appui à la coordination (DAC) qui concernent à la fois le champ du sanitaire et celui du médico-social, y compris les professionnels libéraux : ils visent prioritairement à coordonner les interventions autour de situations complexes, quels que soient la pathologie et l’âge de la personne.
Nous partageons vos remarques sur la formation, madame la sénatrice. Il s’agit d’un axe essentiel pour améliorer, d’une part, les compétences et les connaissances de nos futurs professionnels, d’autre part, l’attractivité des métiers.
Nous devons travailler de manière interministérielle pour améliorer l’accès à la formation par un effort de simplification, mieux faire connaître nos métiers et favoriser les parcours professionnels, notamment avec la validation des acquis de l’expérience. Hier, l’Assemblée nationale a d’ailleurs voté en première lecture la création d’un véritable service public de la validation des acquis de l’expérience.
Enfin, nous devons mener une réflexion sur les maquettes des formations et sur la mise en cohérence de celles-ci.
Nous nous attelons activement à faire avancer l’ensemble de ces chantiers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. La prise en charge du grand âge et l’autonomie sont des enjeux majeurs pour notre société. La reconnaissance et la valorisation de tous les acteurs du secteur médico-social sont essentielles.
En Guadeloupe, comme ailleurs, il est urgent d’innover, de repenser les outils à la disposition du secteur médico-social de façon différenciée pour chacun des territoires et en corrélation avec le schéma départemental de l’autonomie.
Une attention toute particulière doit être portée sur la formation des personnels et sur la mise en œuvre d’outils de concertation entre l’État, les collectivités locales et tous les acteurs du soin et de l’accompagnement.
Il est particulièrement important sur mon territoire, la Guadeloupe, qui est un archipel, de coordonner la prise en charge des personnes âgées à travers les dispositifs d’appui à la coordination (DAC) dans le cadre des méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (Maia) en application de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Il est également important de rétablir une équité salariale entre les différents personnels du secteur médico-social. Ces inégalités provoquent des tensions, mais aussi des difficultés de recrutement dans la plupart des établissements privés à but non lucratif, en particulier pour le secteur associatif, qui prennent en charge des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ou des enfants.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que nos différents territoires reçoivent des réponses concrètes ? (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. J’ai indiqué tout à l’heure, madame la sénatrice, qu’une enveloppe de 17,5 millions d’euros serait consacrée spécifiquement aux territoires d’outre-mer pour qu’ils rattrapent leur retard en termes de nombre de places en Ehpad ou en établissements accueillant des personnes en situation de handicap.
Vous avez insisté sur la nécessaire coordination entre tous les professionnels de santé et je suis pleinement d’accord avec vous. La crise sanitaire a d’ailleurs permis d’accélérer la prise de conscience de l’importance de tous travailler ensemble et de coordonner les parcours.
Votre intervention met le doigt sur un autre aspect important : la nécessité de ne pas empiler les dispositifs, mais de les coordonner étroitement afin de faciliter la vie des soignants.
Comme vous le savez, la revalorisation constituait l’un des enjeux du Ségur de la santé. De plus, comme je l’ai déjà indiqué, la situation des « oubliés » du Ségur a été traitée et les différences entre les Ehpad publics et privés ont été prises en compte – ce différentiel n’existe plus.
Nous avons pleinement conscience des besoins de prise en charge outre-mer pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap ou âgées. C’est pour cette raison que nous avons dégagé une enveloppe de rattrapage. J’ai d’ailleurs pu mesurer ces difficultés lors d’un récent déplacement à La Réunion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour la réplique.
Mme Victoire Jasmin. Je ne suis pas tout à fait satisfaite de votre réponse, madame la ministre : il y a encore des « oubliés » du Ségur ! Le rattrapage dont vous parlez n’est pas exhaustif.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Le champ du médico-social est large : les personnes handicapées, les personnes âgées, l’enfance. Ces trois secteurs sont en manque de personnel, ce qui aboutit à des politiques publiques essayant de juguler le manque d’attractivité de ces métiers.
Pour répondre à ce déficit de vocations, les ajustements sont multiples. Je pense aux revendications salariales – le Ségur, l’avenant 43 ou la prime de 183 euros – ou encore aux actions pour la qualité de vie au travail, comme les deux heures de temps social pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) – cette mesure, prévue dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 est une bonne idée, mais qui va payer ? Les départements sont inquiets.
En ce qui concerne la tarification et la qualité, un tarif plancher pour les services d’aide à domicile et un bonus qualité sont mis en place.
Madame la ministre, avant d’imaginer la place des acteurs du médico-social dans l’organisation des soins de demain, encore faudrait-il sécuriser le périmètre afin que les professionnels des Saad puissent exercer correctement leur métier qui est de prendre soin, tout en trouvant du sens à leur activité professionnelle.
Or le compte n’y est pas. Ainsi, dans le département du Nord, c’est de la survie même des Saad qu’il est question : leurs finances sont fragilisées et l’année est pourtant loin d’être terminée. C’est pourquoi nous appelons à des dispositions bordées et soutenables.
Sur le plan organisationnel, nous avons déjà voté la fusion prochaine des Saad et des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et nous aimerions avoir un point d’étape concernant les dispositifs d’appui et de coordination (DAC). Le rapport de Dominique Libault, qu’on a salué, est-il mis en œuvre ?
Voilà beaucoup de questions, madame la ministre, mais j’insiste sur l’urgence qui caractérise la situation des Saad du Nord.
En conclusion, je souhaite faire référence à la parole des proches aidants : pour eux, les soins médicaux sont à laisser aux soignants. Je renverse la question : quelle place pour les acteurs du soin dans le médico-social de demain ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Monsieur le sénateur, les services d’aide et d’accompagnement à domicile et les services de soins infirmiers à domicile aujourd’hui, comme les futurs services d’autonomie à domicile, sont des briques essentielles à la vie à domicile des personnes en situation de handicap et âgées.
Vous le soulignez à juste titre, la proposition contenue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 de dégager deux heures de convivialité pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la nouvelle grille des salaires permettront de mieux reconnaître les métiers et l’expérience acquise.
D’autres dispositions ont été mises en œuvre ou sont prévues pour améliorer la qualité de l’aide et des soins apportés aux personnes, ainsi que la qualité de vie au travail des professionnels. Cela passe notamment, pour les services à domicile, par la mise en place d’un tarif plancher par heure d’aide réalisée dans le cadre de l’APA ou de la prestation de compensation du handicap (PCH). Je vous rappelle que ce tarif est fixé à 22 euros pour les Ssiad.
Nous travaillons sur la réforme tarifaire prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ; son application en 2023 permettra de mieux valoriser les Ssiad qui prennent en charge des personnes très dépendantes.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit aussi une augmentation des places en Ssiad – il faut le souligner.
Pour les futurs services d’autonomie à domicile, le forfait coordination déjà en place sera maintenu.
Créer les conditions d’un travail en équipe est un levier complémentaire des revalorisations salariales pour la qualité des interventions et la qualité de vie au travail des personnels.
La mise en place du service public territorial de l’autonomie (SPTA) permettra un parcours plus aisé pour les personnes en situation de handicap ou âgées comme pour leurs aidants – vous avez rappelé, monsieur le sénateur, l’importance de l’implication des aidants dans le cadre de la solidarité familiale. Les SPTA devront assurer un lien entre les structures, mais leur mise en place se fera en respectant et en s’appuyant, territoire par territoire, sur les organisations qui fonctionnent déjà.
Mme la présidente. La parole est à Mme Béatrice Gosselin.
Mme Béatrice Gosselin. En 2050, la France comptera 4 millions de personnes âgées de 85 ans et plus, contre 1,4 million aujourd’hui.
En Normandie, par exemple, de 125 000 en 2022, leur nombre passera à 250 000 en 2050. Une grande partie de ces personnes seront en perte d’autonomie et la place des acteurs du médico-social dans l’organisation des soins sera donc de plus en plus importante.
Avec le Ségur de la santé, le Gouvernement a prévu d’investir autant dans le secteur médico-social que dans les établissements de santé. Pourtant, les structures qui gèrent les personnes dépendantes, âgées ou porteuses de handicap se trouvent souvent en difficulté, malgré le soutien financier très important des conseils départementaux.
Tout d’abord, elles sont confrontées à des problèmes de recrutement en raison d’un déficit d’attractivité des métiers de l’aide à la personne : faible rémunération, manque de reconnaissance de la profession et conditions de travail pénibles. C’est un engrenage, car cela ne permet pas d’assurer l’encadrement suffisant des résidents et entretient des conditions de travail dégradées pour le personnel.
Il y a aussi des difficultés face à l’augmentation des charges de fonctionnement liées à la hausse des prix de l’énergie, des denrées alimentaires, des fournitures, sans oublier les charges de personnel. Ces coûts supplémentaires ont un impact sur la capacité des établissements à investir dans la modernisation du bâti, souvent ancien, des Ehpad publics et contribuent à l’augmentation des tarifs d’hébergement.
Pour répondre à ces enjeux, l’État doit mener une politique volontariste.
J’ai deux questions à vous poser, madame la ministre.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre rapidement pour soutenir le secteur médico-social ?
Enfin, j’ai cru comprendre que la loi Grand âge et autonomie verra le jour. Pouvez-vous être plus précise sur le calendrier ? Il s’agit de supprimer enfin toutes ces disparités et de permettre à ces personnels de travailler correctement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé. Madame la sénatrice, tout d’abord, je constate que les métiers du médico-social, notamment l’aide à domicile, sont perçus comme utiles par 96 % de nos concitoyens, mais aussi comme difficiles par 93 % d’entre eux. Le secteur de l’aide à domicile reste ainsi, en 2017, l’activité professionnelle la plus sinistrogène.
Pourtant, je le répète, la place de ces professionnels est essentielle pour prendre soin de nos aînés et des personnes en situation de handicap. Plusieurs leviers sont mobilisés par l’État pour mettre ces acteurs au cœur de notre cité, parce qu’ils sont indispensables, notamment pour réussir le virage domiciliaire.
Vous l’avez fait, et la conseillère départementale que je suis abonde dans ce sens : il faut aussi souligner l’engagement des départements aux côtés de l’État pour la prise en charge du secteur de l’aide à domicile.
Plusieurs mesures ont été prises pour renforcer l’attractivité de ces métiers de l’accompagnement et du soin à domicile. Il y a d’abord eu une amélioration des rémunérations du secteur, avec une augmentation de 183 euros nets mensuels pour l’ensemble des agents et salariés des Ehpad, puis la revalorisation de 15 % en moyenne des professionnels de l’aide à domicile. Une stratégie nationale de promotion de la qualité de vie au travail a aussi été lancée en 2018 et renforcée en 2020.
Nous visons par ailleurs une augmentation du nombre de personnes qualifiées dans les secteurs sanitaire et médico-social, avec des places de formation supplémentaires, des dispositifs de formation courte pour les demandeurs d’emploi. Il s’agit également de faciliter l’accès à la formation continue des professionnels en poste, en leur offrant plus de possibilités de bénéficier de la validation des acquis de l’expérience (VAE).
Enfin, nous souhaitons favoriser le développement de viviers de recrutement en aidant des employeurs à recruter, notamment avec les vingt plateformes des métiers de l’autonomie, qui facilitent le recrutement et l’intermédiation au niveau départemental. Il s’agit aussi de faire découvrir les métiers du grand âge à de nouveaux publics, notamment les jeunes, en leur proposant des missions de service civique et des stages de troisième, et les demandeurs d’emploi, en travaillant avec Pôle emploi pour leur proposer des formations courtes, des contrats aidés, des périodes de mise en situation professionnelle. Nous visons également les personnes éloignées de l’emploi, les personnes réfugiées, avec des dispositifs pour leur faire découvrir ces métiers. C’est bien en travaillant sur l’image de ceux-ci que nous arriverons à recruter massivement les professionnels dont nous avons besoin.