M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ah oui ! (Sourires.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Dépenser moins pour l’énergie à la maison, grâce à la prolongation du bouclier tarifaire jusqu’à la fin de l’année, comme Bruno Le Maire l’a rappelé.
Dépenser moins pour se déplacer, grâce aux crédits que nous ouvrons pour accompagner les Français en la matière.
Dépenser moins pour payer ses impôts, avec la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Les débats à ce sujet seront nourris, mais il me semble que les garanties que nous avons apportées, avec celles que nous pourrons ajouter dans le cadre du débat, nous permettront de vous convaincre.
Gagner plus avec le financement des revalorisations des prestations sociales, des retraites ou de la rémunération de nos fonctionnaires.
Gagner plus également avec les avancées qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale pour valoriser celles et ceux qui travaillent dans notre pays. Je pense, notamment, au relèvement à 7 500 euros du plafond d’exonération des heures supplémentaires, ou encore à la possibilité de monétiser les RTT.
Certains d’entre vous, notamment au sein de la majorité sénatoriale, souhaitent que ces dispositifs soient pérennisés. Fidèles à l’esprit de compromis qui nous anime, particulièrement pour ce qui concerne la valorisation du travail, nous ferons preuve d’ouverture sur ces sujets.
Ce texte répond au choc d’aujourd’hui, mais il vient également préparer l’avenir, tout d’abord en maintenant notre trajectoire budgétaire. Car un pays qui ne tient pas ses comptes ne peut pas être, demain, un pays libre et fort.
Il s’agit de préparer l’avenir en renforçant notre souveraineté industrielle et la transition énergétique, avec le financement de la prise de contrôle à 100 % d’EDF et la prolongation du bonus écologique pour les Français qui changent de véhicule.
Il s’agit également de préparer l’avenir en modernisant notre rapport avec les entreprises et en luttant contre la fraude grâce à la facturation électronique pour les entreprises. Je sais que la majorité sénatoriale défendra un amendement visant à lancer la carte Vitale biométrique pour lutter contre la fraude. Là aussi, nous y sommes favorables.
Il s’agit aussi de préparer l’avenir en continuant à agir pour l’emploi, avec des crédits supplémentaires pour l’apprentissage – 1,8 milliard d’euros pour France compétences et près de 750 millions d’euros pour les primes d’apprentissage. Ces chiffres reflètent le dynamisme de cette politique, une réussite majeure du précédent quinquennat, qui nous permet d’avoir plus de 700 000 jeunes en apprentissage, alors qu’ils étaient moins de 300 000 en 2017.
Au cours de l’examen de ce texte, nous aurons des échanges, des débats, des discussions sur un certain nombre de mesures ou de paramètres. Ces débats témoigneront d’une chose : nous avons tous la volonté de répondre présents pour protéger nos concitoyens face au choc économique mondial que nous traversons. Mais il y aura, au cœur de nos débats, deux grandes questions qui émergeront.
Première question : ce choc conjoncturel doit-il nous conduire à priver nos services publics et notre modèle social des ressources indispensables à leur pérennité, en adoptant des baisses de taxes ou d’impôts pérennes, massives et surtout non ciblées, qui ne changeraient pas la vie des Français ?
Seconde question : nos choix doivent-ils nous conduire à nous priver de toute marge de manœuvre pour continuer à préparer l’avenir et à investir ?
Vous le savez, nous répondons par la négative à ces deux questions, parce que nous devons la vérité aux Français.
La vérité, c’est que la guerre en Ukraine nous a fait changer d’époque. Inflation forte, croissance plus faible : nous estimons désormais que le PIB devrait croître de 2,5 % en volume cette année – la croissance résiste, comme l’a dit Bruno Le Maire –, mais nous sommes conscients des aléas qui existent au niveau mondial.
La vérité, c’est que des risques pèsent sur nos finances publiques en raison de l’inflation et de la remontée des taux d’intérêt. La charge de la dette, que je rappelais au début de mon intervention, s’élèvera cette année à 17 milliards d’euros supplémentaires en comptabilité nationale ; c’est l’équivalent de deux fois le budget du ministère de la justice. Il faut le dire clairement : la parenthèse de l’emprunt gratuit est bel et bien refermée.
Toutes les décisions ayant pour conséquence d’alourdir les déficits et la dette que nous prenons le sont dans ce contexte, qu’il faut toujours avoir en tête. C’est pourquoi nous préférons prendre des mesures ciblées, temporaires et qui répondent véritablement aux difficultés constatées sur le terrain.
En clair, nous sommes passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? »,…
M. Pascal Savoldelli. Qui paie ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. … c’est-à-dire de la logique presque inconditionnelle qui a prévalu au plus fort de la crise du covid-19 à une approche plus ciblée, plus juste et donc plus efficace, tout en étant soutenable pour les finances publiques.
À ce titre, nous réaffirmons notre objectif : maintenir le déficit de nos administrations publiques à 5 % cette année et le ramener en dessous de 3 % d’ici à la fin du quinquennat.
Nous assumons de tenir les comptes, pour respecter nos engagements, pour conserver notre indépendance et pour préserver une force de frappe, une force d’investissement budgétaire, face aux grands défis que nous devrons affronter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous en déduisez donc les lignes rouges que nous refuserons toujours de franchir dans ce débat : laisser filer les comptes et augmenter les impôts.
Je vous disais, au début de mon intervention, que nous nous trouvions à un moment charnière. Ce texte est capital, en raison du contexte dans lequel il s’inscrit, par les moyens financiers exceptionnels qu’il met en œuvre et parce que, pour la première fois, nous supprimons un deuxième impôt en cinq ans, avec la réforme du financement de l’audiovisuel public.
Alors que le projet de loi initial faisait le choix d’un financement au travers de crédits budgétaires, le groupe majoritaire de l’Assemblée nationale a opté pour l’affectation d’une fraction de TVA, ce mode de financement étant considéré comme offrant davantage de garanties aux sociétés audiovisuelles et à leurs salariés.
Le débat aura lieu tout à l’heure ici, comme il a eu lieu à l’Assemblée nationale il y a quelques jours.
Je sais qu’un certain nombre d’entre vous considèrent que nous aurions dû consulter davantage. Je veux rappeler qu’il y a eu énormément de rapports et de travaux menés, notamment au sein de cette assemblée. Je pense au très bon rapport de MM. Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi,… (Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Merci ! (Sourires.)
M. Vincent Éblé. Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute…
M. David Assouline. Il y a eu d’autres rapports avant !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Tout à fait, monsieur Assouline.
Dans ces nombreux travaux, tout le monde s’accorde sur le fait que la contribution à l’audiovisuel public telle qu’elle existe aujourd’hui est obsolète, injuste et datée, et qu’il faut la supprimer.
M. David Assouline. Cela, on le sait depuis longtemps. Vous n’avez rien fait pendant cinq ans !
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Nous aurons ce débat, qui est important.
De la même manière, nous souhaitons, Bruno Le Maire et moi-même, trouver le bon point d’équilibre s’agissant de la réponse à apporter aux demandes de soutien des collectivités locales fragiles, dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie, ainsi que de revalorisation du point d’indice et du RSA.
Je veux rappeler, à la suite de Bruno Le Maire, que le mécanisme de filet de sécurité qui a été introduit dans le texte à l’Assemblée nationale est une traduction concrète de l’esprit de dialogue qui nous anime. La rédaction de l’article 4 ter est en effet le fruit d’un travail engagé avec l’ensemble des groupes politiques qui ont, en bonne intelligence, conforté l’amendement proposé par la députée socialiste Christine Pires Beaune.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cela fait quatre fois qu’on le cite !… (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je sais que de nombreux amendements, émanant de l’ensemble des groupes, ont été déposés sur ce sujet.
J’espère que notre débat permettra de définir les bons critères, afin de cibler les collectivités qui ont besoin d’un soutien, sans constituer une charge démesurée pour le budget de l’État. Nous devrons alors garder en tête que nous aurons rendez-vous au moment de l’examen du projet de loi de finances pour aborder de manière plus structurelle la question du financement des collectivités locales.
Ce qui nous rassemble aujourd’hui, c’est l’urgence de répondre aux Français et aux collectivités qui connaissent le plus de difficultés. Je ne crois pas que ce soit le moment de tenir un grand débat sur le financement des collectivités locales : l’examen du projet de loi de finances est fait pour cela !
Dernière illustration de cet esprit de dialogue : l’Assemblée nationale a voté une dotation de 10 millions d’euros pour soutenir les collectivités en matière de renouvellement des titres sécurisés. En effet, nous le savons, nombre de nos concitoyens peinent encore à obtenir un rendez-vous pour refaire leur carte d’identité ou leur passeport.
Après avoir discuté avec plusieurs sénateurs, notamment M. le rapporteur général, Jean-François Husson, qui a déposé un amendement tendant à renforcer le dispositif, je pense, avec Bruno Le Maire, qu’il est justifié de procéder à ce renforcement. Nous soutiendrons donc son amendement.
M. Vincent Éblé. Et avec quelles contreparties ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. Pour les collectivités locales comme sur tous les autres sujets, faisons en sorte de définir ensemble le meilleur dispositif, en cessant d’opposer finances locales et finances de l’État, car, à la fin, il n’y a qu’un seul contribuable et qu’un seul citoyen : celui que nous avons le devoir de servir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous pensons tous que l’État doit apporter son soutien à ceux qui sont confrontés à ce nouveau contexte des prix qui s’envolent depuis quelques mois, contexte qui touche aussi bien les entreprises et les collectivités que nos concitoyens, singulièrement les plus fragiles d’entre eux. Tel est, notamment, l’objet de ce projet de loi de finances rectificative.
Depuis la crise sanitaire, la France semble s’être habituée à une réponse permanente des pouvoirs publics à chaque crise.
Or il faut trouver le bon niveau de réponse, sans risquer d’entretenir l’inflation ou de rendre ensuite plus difficile le financement de nos dépenses, dans un contexte de hausse des taux et de renchérissement de la dette, et sans oublier l’état de nos finances publiques, qui continuent de se dégrader de manière préoccupante.
Le ministre chargé des comptes publics vient de déclarer que nous serions passés du « quoi qu’il en coûte » au « combien ça coûte ? ».
Selon moi, monsieur le ministre, le « combien ça coûte ? » coûte aussi cher que le « quoi qu’il en coûte », avec déjà 40 milliards d’euros consacrés aux réponses apportées à l’accélération de l’inflation cette année, le risque étant que cela dure encore un certain temps.
Le texte qui nous est soumis prend acte de la dégradation de la situation économique depuis décembre dernier, avec une prévision de croissance du PIB qui baisse ainsi de 4 % à 2,5 %. Alors que celle-ci pouvait paraître quelque peu optimiste, de bonnes nouvelles sont arrivées de l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, vendredi dernier, avec une première estimation de la croissance économique au deuxième trimestre de 2022 qui est plus rassurante et qui donne du crédit à cette prévision.
J’observe toutefois que la consommation des ménages continue de baisser et que les indicateurs conjoncturels sont au plus bas. Je note aussi que le FMI vient de réviser sa prévision de croissance pour l’année 2023 de 1,3 % à 1 %. Il nous faut donc rester prudents.
Le projet de loi de finances rectificative traduit aussi le contexte inflationniste dans lequel nous évoluons, qui contribue non seulement à dégrader la consommation des ménages et l’investissement des entreprises et, par suite, nos perspectives de croissance, mais également à accroître le niveau des taux d’intérêt, notamment ceux des obligations souveraines.
Dans l’ensemble, les mesures prises par l’État – bouclier tarifaire, remise à la pompe, indemnité inflation, etc. – ont eu des effets positifs sur l’évolution des prix et le revenu des agents. Néanmoins, messieurs les ministres, ces résultats ont évidemment un revers : celui de l’aggravation de la situation des comptes publics, soit, en clair, leur détérioration.
Certes, le PLFR révise à la hausse les prévisions de recettes publiques pour 2022, avec 50 milliards d’euros supplémentaires au titre des prélèvements obligatoires. Mais, en parallèle, les dépenses publiques augmentent de 60 milliards d’euros.
Le niveau de nos dépenses publiques n’est donc plus tout à fait en phase avec les objectifs de la loi de programmation, les dépenses primaires s’établissant à 5 % au-dessus de leur niveau prévu.
À cet instant, je constate que votre gouvernement laisse filer la dépense, alors même que nous sommes confrontés au défi tant redouté de la dégradation des conditions de financement de notre dette : la charge de la dette – M. Attal vient de le rappeler – représente cette année 18 milliards d’euros supplémentaires ; excusez du peu !
L’analyse du seul budget de l’État illustre très concrètement la politique du « combien ça coûte ? » du Gouvernement.
Ainsi, les ouvertures de crédit de 53,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 47,6 milliards d’euros en crédits de paiement sont les plus élevées jamais observées dans un collectif budgétaire depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). C’est considérable !
Les seules dépenses pilotables sont en hausse de 27 milliards d’euros, dont 18,1 milliards d’euros supplémentaires par ce seul projet de loi de finances rectificative. J’ai le sentiment qu’il n’y a plus de pilote pour les dépenses de l’État !
Le texte anticipe un déficit de 177,8 milliards d’euros, en hausse de 25 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale. En revanche, l’endettement au titre de l’année 2022 se maintient.
Pour autant, c’est bien toujours avec une dette que le déficit est financé, à savoir celle qui a été contractée il y a deux ans, en 2020 : l’État avait alors dimensionné ses émissions de titres de dette par rapport au déficit prévu en milieu d’année, et le déficit s’était révélé moins élevé que prévu. L’État a conservé cette trésorerie surabondante, qu’il propose d’utiliser pour financer le déficit actuel.
Pour résumer, mes chers collègues, ce PLFR prévoit 50 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, financées par 30 milliards de surcroîts de ressources et par 20 milliards d’euros de dette émise il y a deux ans.
Vous le voyez, les dépenses nouvelles s’accumulent pour la troisième année consécutive. Or, si l’on pouvait espérer que la crise sanitaire soit temporaire, ce n’est pas le cas de la crise énergétique et environnementale qui s’annonce.
On verra peut-être le prix du carburant et du gaz redescendre temporairement, si les tensions internationales viennent à s’apaiser. Mais, ne nous y trompons pas, c’est un monde nouveau qui s’annonce, auquel nous devons nous adapter et dans lequel les mesures budgétaires ne pourront pas constituer des réponses durables : le soutien du pouvoir d’achat par la dépense publique a atteint ses limites.
Très prochainement, ce sera l’heure des choix douloureux. Quelle dépense publique voulons-nous ? À quel niveau ? Quelles priorités fixons-nous, alors que nous ne pourrons plus nous financer aussi facilement par la dette et que la dette accumulée pèsera dans nos comptes ?
Compte tenu de ces éléments, vous comprendrez que je n’aie pas proposé à la commission des finances de nouveaux dispositifs qui viendraient s’ajouter à la liste, déjà longue, de ceux qui sont prévus dans le projet de loi pour le pouvoir d’achat et dans le PLFR.
Le texte, tel qu’il est issu de l’Assemblée nationale comprend des avancées qui vont dans le bon sens, comme la hausse du plafond applicable pour la défiscalisation des heures supplémentaires, ou encore la « monétisation » des RTT. Il faut en effet soutenir les salariés, en ces temps de pénurie de main-d’œuvre, et offrir de la souplesse dans la gestion du temps de travail.
La commission des finances propose d’ailleurs un amendement qui vise à rendre pérenne la hausse du plafond applicable à la défiscalisation des heures supplémentaires, à 7 500 euros ; je vous remercie, monsieur le ministre, de l’avis bienveillant que vous avez bien voulu donner à cet égard.
Soutenir la valeur travail et les salariés les plus exposés, les plus précaires, c’est également ce qui a guidé notre choix de remplacer la prime de rentrée exceptionnelle, réservée aux minima sociaux, par une majoration exceptionnelle « coup de pouce » de la prime d’activité.
S’il faut mettre fin à la « politique du chèque permanent », nous prévoyons en revanche une rallonge de la participation financière de l’État à l’exercice des missions des banques alimentaires à hauteur de 40 millions d’euros, afin de tenir compte des importantes difficultés d’approvisionnement qu’elles connaissent.
En ce qui concerne le bouclier mis en place au titre de l’énergie, nous nous rallions globalement à ce qui a été décidé, notamment avec un soutien, pour tous et plus important, par le biais de la remise carburant. Je suis aussi favorable à l’extension du bouclier tarifaire aux ménages qui se chauffent au fioul. Les 230 millions d’euros votés à l’Assemblée nationale ne seront pas de trop.
Pour autant, j’estime que nous arrivons au bout de la logique : la transition écologique doit être menée, il nous faut recouvrer notre souveraineté énergétique et l’état de nos finances publiques ne nous permettra pas de poursuivre ainsi au-delà de la fin de cette année. Par exemple, la mesure sur le fioul doit être ciblée, si l’on veut qu’elle représente un soutien financier suffisamment important pour ceux qui en ont besoin et pour éviter le saupoudrage.
M. Ronan Dantec. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous regrettons vivement la perte de 3 milliards d’euros que représente la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Le montant de TVA qui la remplace, c’est autant qui ne sera pas utilisé à autre chose ; il ne peut de toute façon être affecté que jusqu’à la fin de 2024, en vertu de la LOLF.
Le Gouvernement doit donc utiliser les deux années à venir pour mener une véritable réforme de l’audiovisuel public, en y associant un mode de financement efficace. À cet égard, les propositions de la mission menée par Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi sont sur la table : messieurs les ministres, saisissez-vous-en, vous gagnerez du temps !
Concernant les compensations allouées aux collectivités territoriales, la commission des finances propose, tout d’abord, de renforcer le filet de sécurité issu des travaux intergroupes de l’Assemblée nationale et relatif au bloc communal, en assouplissant ses critères d’éligibilité et les modalités de calcul de l’aide.
Dans la même logique que la compensation pour les départements de la revalorisation du RSA, nous proposons également de compenser pour les régions le coût de la revalorisation des rémunérations versées aux stagiaires de la formation professionnelle.
Enfin, nous continuons de refuser les réserves de budgétisation que le Gouvernement se constitue. L’expérience de 2021 et les nouveaux reports de crédits massifs réalisés au début de 2022 – plus de 29 milliards d’euros, messieurs les ministres ! – montrent que les pratiques se poursuivent. Aussi, nous proposons de supprimer 4,5 milliards d’euros qui ne nous paraissent pas justifiés.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous œuvrerons ainsi en faveur d’une gestion budgétaire rigoureuse, en évitant de prendre le pli de certaines aisances ou facilités, contraires au redressement nécessaire de nos comptes publics, afin d’offrir à la France et aux Français un meilleur avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui est présenté par le Gouvernement comme le second volet de son « paquet » pouvoir d’achat. Mais il ne se résume pas à cela.
Tout d’abord, c’est un collectif budgétaire, qui prend en compte le nouveau contexte macroéconomique, avec une baisse de la prévision de croissance de 4 % à 2,5 % et d’importants ajustements en recettes et en dépenses.
Ce projet de loi intègre aussi des mesures nouvelles, qui ne sont pas toutes liées au pouvoir d’achat, comme la suppression de la redevance pour l’audiovisuel public, le report d’un an de la suppression de la fiscalité spécifique au gazole non routier, ou encore la renationalisation d’EDF.
Enfin, et surtout, il présente une réponse très partielle aux problèmes de pouvoir d’achat de certains de nos compatriotes. L’Insee vient d’indiquer que l’inflation avait atteint, en juillet, 6,1 % sur un an : avant même ces nouveaux chiffres, le choc en 2022 était déjà estimé à 66 milliards d’euros, soit environ 1 000 euros par habitant et 4,3 % du revenu des ménages.
Enfin, l’OFCE a calculé que, sur 5 % d’inflation générale, les 10 % des ménages les mieux lotis subissaient une inflation de 2,5 %, tandis que les 10 % des ménages les plus exposés subissaient une inflation de 8,5 %. La réponse doit donc être différenciée, ce qui n’est pas suffisamment le cas dans ce PLFR.
Du point de vue des équilibres, ce collectif aggrave le déficit du budget de l’État. La hausse des dépenses est en effet très significative, de 44,2 milliards d’euros, dont la moitié pour le pouvoir d’achat, ce que ne compense pas la réévaluation des recettes fiscales. La charge budgétaire de la dette augmente, dès cette année, de 11,9 milliards d’euros.
Il ne s’agit pas, pour moi, de remettre en cause la nécessité de soutenir les ménages ou de renforcer l’intervention publique face aux défis qui s’annoncent, notamment en matière de résilience et de transition énergétiques.
Je ne puis en revanche que le déplorer, dans la situation particulièrement délicate que nous connaissons, avec des comptes publics dégradés, des perspectives de croissance incertaines et une hausse, qui elle est certaine, des taux d’intérêt, le Gouvernement poursuit sa politique de « désarmement fiscal ».
Aujourd’hui, la suppression de la redevance audiovisuelle créerait un nouveau manque à combler de 3,7 milliards d’euros et fragiliserait l’audiovisuel public. Demain, la poursuite de la baisse des impôts de production aggraverait la situation de plusieurs milliards d’euros, alors même que l’essentiel des baisses d’impôts déjà réalisées s’est fait sur le dos de la dette.
En regard, une nouvelle fois, rien n’est proposé pour prélever les acteurs économiques ayant les plus fortes capacités contributives, afin de rééquilibrer les comptes : aucun projet d’imposition du patrimoine, alors que l’épargne accumulée au cours de la crise par les plus hauts déciles de revenus est très importante, aucune taxation des bénéfices exceptionnels de certaines grandes entreprises…
Comment, à ce stade de mon propos, ne pas évoquer les résultats des grands groupes énergéticiens français, au premier rang desquels TotalEnergies, avec un triplement des profits semestriels à 18,7 milliards de dollars pour une production du même ordre qu’en 2021, une « aubaine de marché supportée par nos concitoyens », comme l’a écrit récemment notre collègue députée Valérie Rabault ?
Comment peut-on accepter, monsieur le ministre, vos propos : « Taxer TotalEnergies n’est qu’une facilité et non une mesure de justice » ? Affirmer que la reprise d’un bénéfice exceptionnel conjoncturel pour le redistribuer vers les populations les plus fragiles de notre pays, lesquelles d’ailleurs participent à la constitution de ce bénéfice, ne serait pas une mesure de justice, il faut oser…
Par ailleurs, comment mettre en parallèle quelques mesurettes – excusez-moi de les qualifier ainsi –, d’un coût de 500 millions d’euros tout de même, mais mal ciblées – non par votre faute, monsieur le ministre, mais par celle de quelques députés, que je ne citerai pas –, et les 5 milliards d’euros au minimum, soit dix fois plus, que cette taxe pourrait rapporter ? Il est d’ailleurs savoureux de constater que nos grandes entreprises arguent d’une activité internationale lorsque tout va bien et d’un siège social en France lorsque les crises surviennent…
De tout cela, les Français ne veulent plus ! Quand, en outre, TotalEnergies annonce qu’une partie de ses profits seront consacrés, non pas au développement, non pas à la transition énergétique, peut-être à l’amélioration des salaires de ses employés, mais, surtout, pour au moins 2 milliards d’euros, au rachat de ses actions, avec pour seul objectif de faire monter la valeur de ces dernières, alors oui, mes chers collègues, je vous le dis, agissons et votons cette taxe exceptionnelle ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mmes Esther Benbassa et Nathalie Goulet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au soir de sa victoire, le 24 avril dernier, le Président de la République avait eu ces mots : « Ce vote m’oblige pour les années à venir, cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève. La colère et les désaccords doivent aussi trouver une réponse, il faut enfin considérer toutes les difficultés des vies vécues et des difficultés qui se sont exprimées. »
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Paroles, paroles…
M. Éric Bocquet. Nous voilà trois mois plus tard, en séance, pour débattre d’un projet de loi de finances rectificative qui aurait dû marquer le début de cette ère nouvelle qui nous fut annoncée par l’oracle de l’Élysée. Du discours aux propositions formulées, le gouffre est béant.
Pendant les deux campagnes du printemps, les fractures profondes qui minent notre société sont clairement apparues, et, parmi les préoccupations de nos compatriotes, s’est exprimée très fortement la question du pouvoir d’achat.
Ainsi, ce sont 40 % des Français qui ne partent pas en vacances cette année dans notre pays, pourtant sixième puissance économique mondiale. Celles et ceux qui partent constatent la hausse vertigineuse du prix des carburants, qui les privera des petits plaisirs des vacances – la sortie au restaurant en famille ou la crème glacée offerte aux enfants au soleil de la canicule. (Murmures sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)