M. Victorin Lurel. Avec ce second amendement, nous abordons une affaire beaucoup plus lourde.
En effet, madame la ministre, la question est des plus sensibles : quand j’ai voulu appliquer cette réglementation en 2013, des mouvements de grève coordonnés se sont multipliés dans tous les outre-mer, notamment à Mayotte. J’ai même vu de jeunes enfants dans les stations-service dire : si vous êtes licenciés, c’est de la faute du ministre, M. Lurel ! Les lobbies sont derrière, il faut être clair.
Aujourd’hui, nous avons un texte de loi, un décret et trois arrêtés de méthode. Nous avions interdit les frais de trading de 5 dollars prélevés sur chaque baril. Des indemnités de précarité sont par ailleurs allouées aux gérants des stations-service qui ne sont pas propriétaires des murs. À l’époque, leurs montants pouvaient aller de 50 000 à 250 000 euros. Ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui, mais comment un arrêté préfectoral peut-il fixer une indemnité de précarité, qui est l’équivalent d’un impôt ? Si je ne m’abuse, les impôts relèvent de la compétence exclusive du Parlement.
Au total, ce sont les consommateurs qui paient, et je suis convaincu qu’en faisant un effort on pourrait déjà baisser les tarifs sans tout remettre en cause.
Je rends hommage à la SARA, qui, à ce titre, a subi nombre de difficultés. Mais, aujourd’hui, je demande à l’État un rapport pour faire toute la transparence : l’IGF aurait d’ailleurs pu s’en charger. Au-delà du travail effectué chaque mois par les observatoires des prix, des marges et des revenus outre-mer, nous voulons que l’État nous informe également.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, j’ai un problème !
En effet, la commission a émis un avis de sagesse sur l’amendement n° 270 rectifié bis, que vous avez retiré, monsieur Lurel, et un avis défavorable sur l’amendement n° 276 rectifié ter.
Les dispositions de l’amendement n° 270 rectifié bis présentaient un véritable intérêt : elles permettaient d’examiner les questions du stockage et de l’approvisionnement…
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Monsieur Lurel, je vous propose de retirer l’amendement n° 276 rectifié ter au profit de l’amendement n° 236 rectifié, précédemment adopté.
Ces dispositions sont plus larges que celles que vous proposez. Elles vous apportent satisfaction en prévoyant, dans un délai de six mois à compter de la promulgation du présent texte, la remise au Parlement d’un « rapport sur la révision des prix de la distribution de l’énergie en outre-mer et sur l’étude de l’impact environnemental de l’approvisionnement en carburants en outre-mer ».
Mme le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Un de nos collègues pourrait aussi reprendre l’amendement n° 270 rectifié bis. Notre règlement prévoit cette possibilité, me semble-t-il.
Quant à l’amendement n° 236 rectifié, il a pour objet l’approvisionnement et la transparence des prix : ce n’est pas tout à fait la question que je pose. Je maintiens mon amendement !
Mme le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Je comprends l’enjeu de la discussion, mais je pense que notre collègue Lurel peut retirer son amendement, car les dispositions votées sur l’initiative de Victoire Jasmin permettront déjà de disposer d’éléments solides.
Le vrai problème est le suivant, madame la ministre : vous aimez les outre-mer, mais vous ne placez pas les fonds là où il faut. C’est la raison pour laquelle, malgré tout ce que vous avez donné aux outre-mer lors du dernier quinquennat, vous avez aujourd’hui les députés que vous savez là où ils sont !
Mme le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. J’avais déposé un amendement très proche de celui de M. Lurel, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. Est-il encore possible de reprendre l’amendement n° 270 rectifié bis, madame la présidente ?
Mme le président. Malheureusement non, ma chère collègue : c’est aussitôt après son retrait que vous pouvez le reprendre. À présent, il est trop tard.
Je mets aux voix l’amendement n° 276 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 330 rectifié, présenté par M. Parigi, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement, en concertation avec la collectivité de Corse, évaluant les possibilités d’adaptations législatives afin de protéger le niveau de vie des insulaires, compte tenu notamment du différentiel de prix entre la Corse et le continent.
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. L’étroitesse du marché insulaire corse implique l’importation de nombreux produits et matières premières, laquelle entraîne des coûts de transport supplémentaires, que le dispositif de continuité territoriale ne peut absorber totalement.
Cette situation structurelle se répercute bien souvent sur les prix finaux des produits et matières premières payés par les entreprises et le consommateur final. C’est pourquoi cet amendement vise à définir une méthode de travail entre la collectivité de Corse, le Gouvernement et le Parlement : il s’agit d’étudier les différentes adaptations législatives nécessaires pour répondre aux objectifs du titre Ier de ce projet de loi, qui est de protéger le niveau de vie des habitants de tout le territoire.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cette demande de rapport ne concerne pas seulement la Corse : toutes les zones non interconnectées au territoire métropolitain sont affectées par la hausse des prix.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 330 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Intitulé du projet de loi
Mme le président. L’amendement n° 231 rectifié, présenté par Mme M. Filleul, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Bouad et Cardon, Mme Blatrix Contat, MM. Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Devinaz, Gillé, Jacquin et Houllegatte, Mme Préville, MM. Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Tissot, Mmes Lubin, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste et Assouline, Mme Briquet, M. Chantrel, Mme Carlotti, M. Cozic, Mme de La Gontrie, MM. Féraud, P. Joly, Lurel et Marie, Mme Monier, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Stanzione, Mme Van Heghe, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
protection du pouvoir d’achat
par les mots :
sécurisation de notre approvisionnement énergétique et diverses mesures d’ordre économique et social
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à changer le titre du présent texte afin que celui-ci corresponde à son contenu.
Je propose ainsi de remplacer les mots « protection du pouvoir d’achat » par les mots « sécurisation de notre approvisionnement énergétique et diverses mesures d’ordre économique et social ».
Il est trompeur de laisser croire à nos concitoyens que nous, parlementaires, discutons en ce moment même de l’amélioration de leur pouvoir d’achat.
En effet, sur les vingt-deux articles que compte désormais ce projet de loi, seul le titre Ier, composé de six articles, porte sur la protection du niveau de vie des Français et comprend des mesures qui pourraient avoir un impact direct sur leur pouvoir d’achat. J’emploie le conditionnel à dessein, car ces mesures, qui visent à assurer un meilleur partage de la valeur, ne sont qu’incitatives. Elles sont entièrement soumises au bon vouloir des entrepreneurs.
De plus, les primes que vous proposez, défiscalisées et désocialisées, ne font que contribuer à fracturer notre modèle social, déjà affaibli.
Quant aux mesures de revalorisation des prestations non indexées sur l’inflation, elles ne permettent pas de compenser la perte du pouvoir d’achat face à l’augmentation générale des prix. Dès lors, il est difficile de parler de protection du niveau de vie des Français.
Je passe sur le titre II pour arriver au titre III…
M. Bruno Retailleau. C’est une explication de vote sur l’ensemble ?
Mme Martine Filleul. Avec ses dix articles initiaux, il représente la moitié du texte du Gouvernement et porte intégralement sur le renforcement de notre souveraineté énergétique dans un contexte que nous connaissons, marqué par la faiblesse de notre parc nucléaire et par le conflit russo-ukrainien.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. Il est défavorable, même si la sécurisation de notre approvisionnement énergétique constitue un élément important du texte.
Mes chers collègues, ne refaisons pas la discussion générale : vous aurez le temps de vous exprimer de nouveau lors des explications de vote.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Il est également défavorable.
Avec ce texte de loi et le projet de loi de finances rectificative qui suit, on parle quand même de la bagatelle de 20 milliards d’euros pour le pouvoir d’achat ! Ce n’est pas exactement l’épaisseur du trait…
Il ne s’agit pas simplement de diverses mesures d’ordre économique et social. On parle notamment d’une augmentation des retraites, des pensions de réversion, d’un certain nombre de minima sociaux et de niveaux de rémunération en entrée de convention collective. C’est bien du pouvoir d’achat pour les Français, ici et maintenant.
Mme le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.
M. Rémi Cardon. Madame la ministre, j’ai un slogan à vous proposer : « Avec la Macronie, tout est dans le titre, rien n’est dans le texte ! »
Telle est la politique du Gouvernement. Certes, vous proposez de relever les pensions de 4 % ; mais, quand l’inflation tutoie les 6 %, cela ne s’appelle pas une augmentation.
De plus, ce texte ne prévoit rien de concret pour les 12 millions de Français en précarité énergétique ni pour les 9 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté.
Mes chers collègues, nous avons parlé beaucoup plus de sécurisation et d’approvisionnement énergétiques que de pouvoir d’achat. Martine Filleul vient de le rappeler : en matière économique et sociale, ce texte ne contient que des mesurettes.
La politique de sobriété du Gouvernement, c’est d’abord la sobriété budgétaire pour les classes populaires et les classes moyennes ; et, pour les grands groupes et les très riches, c’est la gourmandise budgétaire ! (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 231 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après ces deux journées de travail, je vous annonce que les élus de notre groupe s’abstiendront sur ce texte.
Notre opinion est résumée dans les propos tenus à l’instant par Mme Filleul et M. Cardon.
Madame la ministre, 20 milliards d’euros, c’est la moitié des bénéfices potentiels de Total sur l’année 2022. Et, si j’ai bien compris, vous ne voulez pas les taxer. Vous devinez déjà quelles seront nos exigences sur le projet de loi de finances rectificative.
Ce texte avait mal commencé : à l’article 1er, la fameuse prime Macron, cache-misère, aléatoire et potentielle, porte en germe la destruction potentielle de notre régime de protection sociale issu du Conseil national, non pas de la refondation, mais de la Résistance (CNR).
Il a failli très mal continuer avec l’amendement Retailleau, justement et heureusement rejeté par la Haute Assemblée. Ces dispositions suggéraient que les pauvres n’ont pas les mêmes droits que les autres. Or nos concitoyens qui vivent avec 575 euros de revenu de solidarité active (RSA) par mois méritent, au contraire, toute notre attention.
Nous avions fait d’autres propositions : un SMIC à 1 500 euros, une conférence salariale pour lancer une vraie négociation – les branches font ce qu’elles peuvent, mais elles ne font pas grand-chose aujourd’hui en faveur des salaires –, ou encore l’ouverture des droits sociaux pour les moins de 25 ans. Tout cela a été balayé.
Quelques avancées ont certes été accomplies, pour l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou pour les retraites, mais elles restent très insuffisantes.
C’est pourquoi, en responsabilité, et parce que nous savons que d’autres débats suivront, notamment l’examen du projet de loi de finances rectificative, nous nous abstiendrons sur ce texte. Les Français peuvent compter sur nous pour les défendre mieux que quiconque dans les semaines et les mois à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Moga. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où l’inflation dépasse 6 % dans notre pays, ce soir, nous devons voter en responsabilité afin d’œuvrer concrètement en faveur du pouvoir d’achat des Français.
Soutenir nos concitoyens les plus modestes est une nécessité autant qu’un impératif.
S’il n’est pas parfait – je vous le concède –, ce texte apporte une respiration salvatrice à de nombreux Français se trouvant dans une situation d’indigence indigne de notre pays.
De même, nous devons tout faire pour assurer notre souveraineté énergétique. C’est une priorité, et ce texte, même s’il ne fait pas tout, loin de là, participe à l’atteinte de cet objectif.
Ce projet de loi est important pour éviter un blackout hivernal, qui serait désastreux pour notre pays.
Mes chers collègues, j’estime que nous avons su amender ce projet de loi avec pragmatisme et exigence afin de concilier au mieux enjeux climatiques et sécurité énergétique : sans pour autant donner un blanc-seing au Gouvernement, nous voterons ce texte enrichi grâce à l’investissement de chacun d’entre nous.
Au nom de mon groupe, je félicite nos rapporteurs et salue la qualité de leur travail.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-Pierre Moga. Madame la ministre, cela ne vous aura pas échappé : tous ensemble, nous avons une fois de plus démontré l’importance du Sénat dans la fabrique de la loi.
Pour autant, nous devons rester exigeants et vigilants, car les défis sont nombreux. L’examen du projet de loi de finances rectificative constituera un moment clef pour continuer d’affirmer notre soutien à nos collectivités territoriales, aux projets gelés par l’inflation galopante, à nos petites entreprises confrontées à des défis immenses et, évidemment, à nos concitoyens.
Mme le président. Il faut conclure !
M. Jean-Pierre Moga. C’est donc avec l’intérêt général comme boussole que nous voterons ce texte.
Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on peut résumer ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat par un mot : évitement.
Sur la première partie du texte, les irrecevabilités ont permis d’éviter tout ce qui concernait le blocage des prix alimentaires, le blocage des prix de l’énergie, le doublement ou le triplement du chèque énergie.
La droite sénatoriale, main dans la main avec le Gouvernement,…
M. Roger Karoutchi. Main dans la main…
M. Fabien Gay. … a tout fait au cours du débat pour que la question des salaires ne vienne pas sur la table.
En définitive, la montagne accouche d’une souris. Le triplement du plafond de la prime Macron, que seuls 16 % des salariés touchent dans notre pays, ne résoudra pas les problèmes de la très grande majorité des Françaises et des Français.
Quant à la seconde partie du texte, elle ne concerne absolument pas le pouvoir d’achat, mais traite de la question de l’approvisionnement et de la sécurité énergétiques. Là encore, l’évitement est au rendez-vous. On a débattu de l’Arenh, des terminaux méthaniers et de la réouverture des centrales à charbon, quand nous souhaitions surtout un grand débat sur l’avenir énergétique de la France et sur EDF.
Les Françaises et les Français, eux, ne pourront pas éviter la vie réelle. À cet égard, ce texte est déjà caduc. Les Échos eux-mêmes l’indiquaient ce matin : l’inflation n’est plus de 5,8 %, mais de 6,1 %.
Les Françaises et les Français, eux, voient les effets de l’inflation. Ils remplissent leur caddie et voient que les prix augmentent. Ils vont à la pompe à essence et voient les profits et les surprofits de Total. Ils voient surtout que le Parlement ne répondra pas à cette crise.
Permettez-moi, enfin, d’adresser une pensée à mon amie Marie-George Buffet, qui a été la première, avec les associations, à mener le combat en faveur de la déconjugalisation de l’AAH. C’est la seule avancée que nous saluons dans ce texte.
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Une nouvelle fois, le Sénat a fait du bon travail, malgré des conditions difficiles, madame la ministre.
À mon tour, je félicite les rapporteurs : Daniel Gremillet, Frédérique Puissat, Bruno Belin et Christine Lavarde. Nous avons mené nos travaux avec des convictions souvent très différentes, mais sans vociférations, en offrant sans doute une autre image de la démocratie parlementaire et de la démocratie représentative.
Pour notre part, nous avons travaillé en suivant, en particulier, cette idée : c’est non pas la loi ni l’endettement de l’État qui donnent du pouvoir d’achat, mais le travail.
Si les Français modestes ont aujourd’hui le sentiment que le travail ne paie pas suffisamment, s’ils ont ce sentiment de déclassement économique, qui est réel si l’on en juge par la valeur que la France crée par son travail par rapport aux autres pays européens, c’est précisément parce que le travail n’est pas suffisamment valorisé.
Nous avons tenté – et nous le ferons encore la semaine prochaine à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances rectificative – d’effacer les conséquences délétères des 35 heures, notamment par la désocialisation et l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires ou par le rachat des RTT.
Je ne peux pas citer l’ensemble des mesures prises, mais je retiens également la déconjugalisation de l’AAH. J’ignore si Marie-George Buffet y est pour quelque chose : sans doute, puisqu’il s’agit d’un travail collectif. Je le rappelle tout de même : la première fois que cette mesure a été votée, c’était dans cet hémicycle, sur l’initiative de Philippe Mouiller, que je tiens aussi à féliciter sincèrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Enfin, sur le volet énergie, des mesures éparses dans ce texte et dans d’autres ne suffisent pas à donner un cap à notre pays. C’est une question trop importante.
L’énergie est la sève d’une nation. C’est la sève de notre économie.
Mme le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. Nous demandons une nouvelle fois une véritable stratégie énergétique et un vrai débat, qui sera suivi, je l’espère, d’un vote. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. À l’issue de nos échanges, il est très difficile de ne pas ressentir une grande frustration.
En effet, nous ne pouvons débattre que dans un cadre très restreint, tracé par le Gouvernement. Ce périmètre ne permet pas la bifurcation écologique ; il escamote le débat énergétique ; surtout, en dépit du titre du projet de loi, il ne protège pas les populations les plus vulnérables de la baisse de leur capacité à acquérir les biens essentiels, alimentaires et énergétiques ; ces catégories pour lesquelles le pouvoir d’achat et le pouvoir de vivre se confondent.
Sans une politique radicale de transition écologique, la sobriété, à laquelle les écologistes sont attachés, se transforme en austérité. Contre la précarité énergétique, la solution durable est bien d’assurer la rénovation thermique, non d’avoir froid dans des passoires énergétiques.
Pour y faire face, le Gouvernement et la droite refusent la revalorisation des salaires, notamment du SMIC. Ils lui préfèrent la politique des primes désocialisées et défiscalisées à la discrétion des employeurs. Or, on le sait, les primes précédentes ont accru les disparités salariales et les inégalités de genre.
Vous refusez toute taxation des profiteurs de la crise : dès lors, les finances publiques vont continuer à se dégrader. Demain, elles serviront de prétexte aux nouvelles mesures antisociales que vous proposerez au nom des critères de Maastricht.
Vos propositions ne sont ni ciblées ni conditionnées, par exemple à des critères écologiques, féministes ou sociaux. Elles ne réparent aucune injustice pour les territoires d’outre-mer.
Enfin, madame la ministre, si la mobilisation sociale et associative comme celle de nombreux élus sur les travées du Sénat ont eu raison de votre refus de déconjugaliser l’AAH, nous souhaitons que, plutôt que de supprimer chaque année des centaines de postes à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), vous embauchiez enfin les compétences nécessaires pour réduire les délais d’application. Après tant d’années perdues, ce serait justice.
Pour ces raisons – je vous le confirme –, les écologistes voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Martine Filleul et M. Yan Chantrel applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. À mon tour, je me félicite du climat qui a présidé à nos échanges, hier comme aujourd’hui. Ces derniers ont été constructifs, ont permis de faire avancer un certain nombre de chantiers et d’enrichir les différentes parties du présent texte. Sur le volet instruit par la commission des affaires économiques, nous avons même réussi avec Daniel Gremillet un travail de coconstruction, notamment aux articles 7 et 8.
Tous ensemble, nous avons pu porter une attention toute particulière aux territoires ultramarins. Nous l’avons vu à l’instant, avec l’adoption d’amendements ayant pour objet les questions énergétiques, et précédemment au travers de l’amendement de notre collègue Théophile visant à plafonner les loyers à 2,5 %.
N’oublions pas non plus les autres thématiques chères à nos territoires : je pense notamment aux dispositions adoptées ce matin en faveur du commerce.
Non seulement ces mesures vont dans le bon sens, mais notre texte va plus loin que la copie transmise à notre assemblée.
Certes, des nuances et parfois des divergences ont pu s’exprimer. À cet égard, nous regrettons que certains articles, comme l’article 4, aient disparu de la discussion à ce stade. Les prochains jours nous permettront peut-être de trouver des accords en vue de la commission mixte paritaire.
Cela étant, nous avons fait œuvre utile pour nos concitoyens. Le montant que rappelait Mme la ministre permet de mesurer l’effort accompli : entre les mesures du collectif budgétaire et celles que prévoit ce texte, il atteint 20 milliards d’euros.
Nous avons affiché la volonté d’agir à la fois sur les dépenses – pour les juguler – et sur les recettes des ménages, avec la revalorisation du travail – qui doit payer –, de même que sur les prix, au moyen de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) par exemple.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe RDPI voteront ce texte avec ardeur !
Mme le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Au nom de notre commission, je tiens tout d’abord à remercier Daniel Gremillet, qui, en tant que rapporteur pour avis, s’est emparé de sujets extrêmement divers – consommation, énergie, logement, etc.
Je salue le travail – excellent, comme d’habitude – accompli par nos administrateurs.
Madame la ministre, les conditions d’examen de ce texte ont été dures pour vous, je le sais ; elles l’ont également été pour le Parlement, car il est assez difficile de traiter des sujets si importants en quelques heures ou en quelques nuits. Espérons que cet exemple ne préfigure pas la « nouvelle méthode » de l’exécutif : nous mettrons cela sur le compte des débuts.
La commission des affaires économiques est extrêmement mobilisée, en particulier sur les questions énergétiques, auxquelles elle a consacré de nombreux rapports.
Des dossiers très importants nous attendent à la rentrée pour continuer à protéger nos entreprises et à protéger les Français dans cette période de crise tout à fait inhabituelle. Nous aurons à traiter de sujets de fond, parmi lesquels l’avenir d’EDF ou le marché de l’énergie, en préparation de la loi quinquennale.
Ainsi, la commission des affaires économiques souhaite prendre part aux travaux collectifs que vous pourrez mener, avec l’Assemblée nationale. Nous aurons sans doute des désaccords, mais nous souhaitons apporter notre pierre à l’édifice de la stratégie énergétique : comme le disait le président Retailleau, il y va de la sève de notre économie et de la sève de notre pays. Nous serons donc à votre disposition, très volontaires, pour travailler sur ces questions.
Je tiens enfin à vous remercier personnellement, madame la ministre, ainsi que vos équipes, de la disponibilité toute particulière dont vous avez fait preuve pour coconstruire ce texte.
Mme le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Philippe Mouiller, vice-président de la commission des affaires sociales. J’interviens au nom de la commission des affaires sociales, saisie au fond.
À mon tour, je félicite nos quatre rapporteurs – Frédérique Puissat, Daniel Gremillet, Bruno Belin et Christine Lavarde – pour leur travail remarquable et leur mobilisation. Je le relève à mon tour : ils ont accompli leur mission dans des conditions extrêmement difficiles, n’ayant que très peu de temps pour prendre connaissance des différentes questions à traiter.
J’adresse aussi un grand bravo à l’ensemble des administrateurs des quatre commissions, qui ont fait, comme d’habitude, un travail remarquable. Quelles que soient nos prises de position, la qualité de nos travaux est toujours la marque de fabrique du Sénat.
Je remercie également mes collègues sénateurs, toujours mobilisés ce soir après vingt heures de débats en séance publique. Nous avons été présents et impliqués sur ce sujet fondamental.
Madame la ministre, je vous remercie du sens du dialogue dont vous avez fait preuve. Vous voyez que, dans cet hémicycle, nous faisons vivre la démocratie. Les accords et les désaccords s’y expriment, mais, quelles que soient les travées et les prises de position, le respect mutuel prime toujours. C’est aussi une marque de fabrique du Sénat.
Le vote sur l’ensemble du texte aura lieu dans quelques instants et l’on voit se dessiner une issue favorable.
La commission mixte paritaire doit se tenir lundi prochain. Même si nous avons tous intérêt à ce qu’un message positif soit envoyé à nos concitoyens – vous avez évoqué le chiffre de 20 milliards d’euros pour la protection de leur pouvoir d’achat –, rien n’est écrit d’avance.
Le Sénat s’est mobilisé sur des points fondamentaux tout en traçant un certain nombre de lignes rouges. Notre message s’adresse à l’ensemble du Gouvernement : ces lignes rouges auront une importance décisive pour l’issue de la commission mixte paritaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)