Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. Franck Menonville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 11 000 catastrophes naturelles ont été recensées dans le monde depuis 1970.
Selon l’ONU, le nombre de catastrophes climatiques a été multiplié par cinq en cinquante ans. Les préjudices subis par le monde agricole en France s’élèvent à 2 milliards d’euros ces trois dernières années. Le changement climatique met à lourde épreuve notre agriculture ; il fragilise son économie et notre souveraineté alimentaire.
Le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture était, comme je l’ai déjà dit, extrêmement attendu par les acteurs du monde agricole. Sa nécessité n’est pas à prouver.
Je tiens tout d’abord à féliciter la commission et notre rapporteur de leur travail. Je veux aussi vous remercier, monsieur le ministre, pour votre constance et votre implication sur ce dossier ô combien important pour nos agriculteurs et pour notre souveraineté alimentaire.
Ce projet de loi a été conçu au plus près des acteurs du milieu afin de répondre à leurs besoins. Il refonde toute la politique d’accompagnement assurantiel et de gestion des risques climatiques en agriculture. Il dessine les contours d’une assurance récolte tendant à prendre en compte, dans leur globalité, les difficultés et risques auxquels sont confrontés les agriculteurs en matière d’aléas climatiques.
Il nous fallait renouveler les outils dont nous disposions, de moins en moins adaptés et souvent inopérants au regard de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques et de l’évolution de notre agriculture. Dois-je le rappeler, nos agriculteurs n’étaient pas assez couverts : moins de 30 % d’entre eux étaient assurés et 18 % des surfaces agricoles seulement étaient couvertes contre ces aléas, avec des différences importantes selon les filières – 6 % seulement des agriculteurs sont assurés dans l’arboriculture.
La commission mixte paritaire est parvenue à faire émerger une réforme ambitieuse, dotée de dispositifs stables, lisible, et adaptés aux besoins des professionnels du secteur.
En effet, les offres assurantielles devraient être plus attractives et plus incitatives. Le Sénat s’est attaché à lever les freins à la souscription grâce à la minoration de la prime, à la préservation d’un droit de contestation pour les évaluations des pertes et à la révision des surfaces minimales à couvrir dans les contrats.
Le soutien européen est à la fois pérennisé et maximisé. En effet, les taux les plus favorables prévus par le règlement européen Omnibus ont pu être garantis : le taux de franchise a été baissé à 20 % et le taux de participation de l’Union européenne est compris dans un subventionnement fixé à 70 %. Enfin, l’État interviendra dès 30 % de pertes dans les filières les moins assurées.
Ce texte prévoit un réel accompagnement de l’État grâce au soutien financier important de la solidarité nationale qui passera de 300 millions à 600 millions d’euros par an en moyenne.
Enfin, la dernière avancée majeure que je tiens à souligner réside dans la mutualisation des risques et la constitution de ce pool d’assureurs afin de construire et de garantir un produit homogène et universel. Ce pool permettra de proposer une offre plus attractive et mieux adaptée aux risques auxquels les exploitations sont confrontées.
Toutefois, un certain flou demeure quant au coût de cette réforme. Les arbitrages sur le financement ne font pas l’objet de dispositions budgétaires précises. Tout est donc renvoyé au projet de loi de finances pour 2023 et à des dispositions réglementaires qui seront prises ultérieurement.
Néanmoins, il est indéniable que la gestion des risques climatiques ne peut uniquement reposer sur l’attractivité de l’offre assurantielle. D’autres leviers et éléments essentiels doivent être mobilisés : technicité de l’agriculture, recherche et innovation, évolution des pratiques, constitution de stocks, meilleure gestion de l’eau et épargne de précaution.
Ce texte, qui porte aujourd’hui la marque du Sénat, bâtit un cadre législatif équilibré et garantit aux agriculteurs une lisibilité sur l’outil de gestion des risques.
Bien évidemment, le groupe Les Indépendants votera avec enthousiasme en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Pierre Louault applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Somon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe Les Républicains se réjouissent de l’accord trouvé entre députés et sénateurs pour réformer l’assurance récolte dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est arrivée à bout de souffle.
Les deux systèmes qui cohabitent actuellement – indemnisation publique en cas de calamité agricole et aide à la souscription d’un contrat d’assurance – laissent sans réponse des pans entiers de notre agriculture. C’est particulièrement vrai pour les grandes cultures, comme la viticulture, qui n’y sont pas éligibles.
Et c’est aussi un système assurantiel subventionné à 65 % par l’État qui reste peu attractif avec seulement, comme l’a souligné à l’instant M. Menonville, 18 % des surfaces agricoles couvertes.
Par ailleurs, la fréquence et l’intensité des aléas climatiques auxquels sont confrontés les agriculteurs menacent l’équilibre financier du dispositif actuel. Nous avons tous en tête le fort épisode de gel du printemps 2021, pour lequel l’État a dû exceptionnellement débloquer 1 milliard d’euros et rendre éligibles aux indemnisations les zones viticoles touchées.
Nous nous réjouissons surtout de voir que les apports du Sénat ont été maintenus dans le texte final. Il s’agira, demain, d’une loi d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.
Je veux saluer le travail de la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et celui de notre rapporteur, Laurent Duplomb, qui sont parvenus à donner corps à l’architecture initiale, parfois imprécise, que proposait le Gouvernement.
Parmi les principaux apports, je voudrais tout d’abord citer la pleine application du règlement dit Omnibus, ce que la France avait jusque-là refusé de faire en sous-transposant le droit européen. Ainsi, tous les contrats d’assurance couvrant au moins 20 % des pertes seront éligibles à une indemnisation de 70 % de la part de l’État.
Je pense ensuite à l’inscription d’un budget annuel de 600 millions d’euros.
Je tiens encore à souligner l’engagement de maintenir, dans la durée, le taux de franchise, le taux de subvention des contrats d’assurance et le seuil d’intervention de l’État par filière. Tout cela devait initialement être défini par voie réglementaire, privant l’ensemble des acteurs de visibilité sur la portée de la réforme.
Je pense aussi à l’incitation à la prévention et à la révision des principaux points bloquant le recours à l’assurance, notamment avec le choix de la moyenne la plus avantageuse pour le calcul des indemnités et la révision des critères de surfaces à couvrir.
Enfin, je relève le pilotage du nouveau dispositif par la commission tripartite, associant État, agriculteurs et assureurs, laquelle consultera toutes les filières agricoles avant la remise de ses recommandations.
Je salue l’engagement de notre rapporteur et de Mme la présidente de la commission des affaires économique, mais aussi le travail des rapporteurs pour avis Patrice Joly et Claude Nougein.
Ainsi, le Sénat a permis de préciser la nouvelle architecture de l’assurance récolte, de la renforcer sur divers aspects et surtout d’obtenir des engagements financiers pluriannuels clairs de la part du Gouvernement.
Pour ces raisons, le groupe Les Républicains votera en faveur de l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Daniel Salmon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est maintenant reconnu par tous, le changement climatique est à l’origine de risques de plus en plus nombreux et de plus en plus forts pour nos agriculteurs et nos agricultrices, avec des conséquences économiques trop souvent dramatiques. La gestion de ces risques relève d’une question de souveraineté alimentaire pour notre pays.
Le statu quo sur le sujet étant problématique, une réforme était bienvenue. Cependant, comme nous l’avons déjà souligné en première lecture, nous nous inscrivons contre la logique même de ce texte, qui privilégie le recours à l’assurance privée pour faire face à ces risques climatiques.
Ce choix d’un désengagement de l’État au profit du secteur assurantiel nous semble à la fois inéquitable et inefficace.
Inefficace, parce que des décisions stratégiques pour notre agriculture, notre alimentation et nos territoires seront confiées à des acteurs privés, avec un encadrement qui nous paraît insuffisant. En témoignent les récentes annonces sur les augmentations de tarifs des contrats MRC.
Inefficace, car très peu d’éléments viennent articuler véritablement l’assurance climatique avec le développement de pratiques agricoles sources de résilience comme la diversification des cultures, l’agroforesterie, les pratiques de préservation de la vie des sols, alors qu’il s’agit de nos premières garanties de prévention des risques.
Cette trop faible incitation à la transition agroécologique se retrouve malheureusement dans bien d’autres politiques publiques, comme le plan stratégique national de la PAC, le plan France 2030 ou les choix budgétaires de soutien à la haute valeur environnementale (HVE) au détriment de l’agriculture biologique.
La présente réforme est fondée sur un système rejeté par l’ensemble des acteurs de l’agroécologie, comme en témoigne la prise de position du collectif Pour une autre PAC contre le financement européen de l’assurance récolte.
Cela n’est pas sans rappeler les politiques de gestion des risques sanitaires liés à la grippe aviaire qui se font, là aussi, contre les acteurs des systèmes agricoles durables, lesquels incarnent pourtant, nous en sommes convaincus, l’avenir de notre agriculture.
En plus d’être inefficace, ce système est inéquitable : les objectifs de couverture assurantielle sont de 30 % seulement en 2030 pour les prairies et l’arboriculture, malgré un grand renfort de financements publics.
Rappelons aussi qu’il n’existe tout simplement pas d’offre disponible pour de nombreux secteurs. Nous sommes donc loin d’un système universel… Ce seront les exploitations les moins en difficulté, celles qui dégagent le plus de trésorerie, qui seront les plus aidées, tandis que les autres ne pourront bénéficier que d’une indemnisation au rabais.
Certes, cette minoration nous est imposée par le droit européen, mais le Gouvernement ou la majorité sénatoriale n’hésitent pas à travailler au changement de la réglementation européenne lorsqu’elle ne les satisfait pas. Ce ne fut pas tout à fait le cas ici…
Ne devons-nous pas agir contre cette disposition qui nous impose de moins bien protéger des secteurs comme l’apiculture, le maraîchage diversifié, les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), les prairies ou encore l’arboriculture ?
Des avancées ont certes été concédées pour tenter de limiter le caractère inégalitaire du texte. Le rapporteur, dont nous saluons le travail, a obtenu un engagement sur un déclenchement de la solidarité nationale à 30 % de pertes pour les productions bénéficiant de peu d’offres assurantielles. Nous reconnaissons cette avancée.
Nous nous réjouissons aussi des engagements formulés pour une réforme de la moyenne olympique.
Pour autant, ce texte ouvre clairement la voie à une baisse de la solidarité nationale, dommageable à la fois pour les producteurs et pour le maintien de productions diversifiées sur le territoire.
La proposition d’un fonds mutuel solidaire faite par plusieurs groupes de gauche et par des acteurs syndicaux agricoles n’a pu être véritablement discutée, ce que nous regrettons. Elle permettrait pourtant de créer un système plus équitable, piloté par l’État et les agriculteurs, tout en s’articulant avec un système de financement permettant de mettre à contribution les secteurs de l’amont et de l’aval agricole, qui restent aujourd’hui les plus profitables.
Les difficultés actuelles lors des négociations des prix viennent encore une fois nous le rappeler : les agriculteurs restent les grands perdants de la chaîne de valeur.
Enfin, ce texte présente un recul majeur, à savoir la modulation de la DJA en fonction de la souscription à un contrat d’assurance ou d’un diagnostic établissant une maîtrise des risques. Il aurait pu être pertinent d’inclure des modules sur la gestion des risques dans le parcours à l’installation, mais la mesure proposée complexifie les démarches, ce qui nous semble une grave erreur à l’heure du défi du renouvellement des générations.
Pour toutes ces raisons, et malgré les efforts d’amélioration que j’ai soulignés, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera, comme en première lecture, contre ce texte.
Le rapporteur est tenace ; nous sommes constants. (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Fabien Gay. Attendez d’entendre ce que je vais dire !
M. Laurent Duplomb, rapporteur. J’applaudis l’homme, non ce qu’il va dire ! (Sourires.)
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la question d’une protection des agriculteurs contre les risques climatiques est cruciale, nous pensons que ce projet de loi ne répond pas à cette urgence. Il n’y répond pas, car il s’enferre dans le choix de l’assurance privée, alors que nous savons que ce système assurantiel, promu depuis des années, ne fonctionne pas.
Ainsi, malgré les niveaux croissants de subvention publique de l’État et de l’Union européenne à ces contrats d’assurance ces quinze dernières années, le recours à l’assurance récolte reste minoritaire.
À cet égard, il est important de rappeler que toute nouvelle croissance des soutiens publics à l’assurance privée, qu’elle soit portée par l’État ou par un prélèvement complémentaire sur le second pilier de la PAC, risque de se faire au détriment non seulement des autres objectifs de soutien – je pense aux aides bénéficiant à la fois aux territoires et exploitations les plus fragiles, en zones défavorisées et de montagne –, mais aussi au détriment des mesures favorables à la transition agroécologique des modèles agricoles.
M. Laurent Duplomb, rapporteur. C’est donc pour cela que vous vous y opposez !
M. Fabien Gay. Ainsi, encore une fois, aucune nouvelle perspective n’est offerte à un secteur économique secoué par la crise, dont la capacité à continuer à produire, à assurer la sécurité alimentaire et à prendre soin des espaces ruraux est pourtant vitale.
Monsieur le ministre, nous avons déjà eu ce débat en première lecture, mais nous continuons de penser que vous allez non seulement priver de nombreux agriculteurs du bénéfice du dispositif des « calamités agricoles », mais aussi pénaliser ceux qui n’auront pas souscrit d’assurance, puisqu’ils seront moins indemnisés par l’État et seulement en cas de pertes exceptionnelles.
De plus, la commission mixte paritaire a entériné l’article 3 ter qui minore l’aide à l’installation pour les agriculteurs qui n’auraient pas souscrit d’assurance, alors même qu’il est urgent – et je pense que nous nous accordons tous sur cet objectif – de faciliter l’installation des jeunes agriculteurs. Il ne s’agit d’ailleurs pas de la seule condition pour promouvoir ce renouvellement des générations.
Vous nous dites que ce système sera universel, qu’il bénéficiera à toutes et à tous, car les assureurs vont se mettre autour d’une table et feront preuve d’un comportement vertueux. On aimerait vous croire, mais l’histoire récente vous contredit, puisque Pacifica et Groupama ont annoncé, en novembre dernier, une hausse de 10 % à 25 % des primes de l’assurance récolte pour 2022 en fonction des cultures assurées. Et Groupama confirme cette tendance, puisqu’elle souligne d’ores et déjà, compte tenu de l’évolution du changement climatique, que la baisse des primes n’est sans doute pas à l’ordre du jour.
De plus, les garanties des productions non assurables, évoquées à l’article 3, feront l’objet d’un traitement à part dans la détermination des seuils d’intervention de l’État. Or nous ne connaissons pas le détail de ces garanties et, de surcroît, elles nous semblent insuffisantes. Le risque est grand que le système que vous proposez revienne à abandonner des pans entiers de l’agriculture française, comme nous l’avions dit en première lecture.
Enfin, nous réitérons notre opposition à la gouvernance que vous proposez pour l’ensemble du secteur, qui tend à accorder beaucoup trop de place aux assureurs, au détriment de la représentation du monde agricole via la Codar.
Il est essentiel de définir un nouveau régime ambitieux capable de répondre aux enjeux et défis de demain : un régime public, solidaire et mutualisé, couvrant de façon universelle toutes les agricultrices et tous les agriculteurs. Au contraire, vous faites le choix de soutenir l’assurance privée et de réduire la part de l’intervention publique directe, raison pour laquelle nous voterons contre les conclusions de cette commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Louault, pour le groupe Union Centriste.
M. Pierre Louault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’assurance récolte est aujourd’hui d’actualité, mais il s’agit d’un sujet ancien.
Depuis cinq ou six ans, le changement climatique nous interpellait tous : le monde agricole, bien évidemment, mais aussi les gouvernements successifs qui ne savaient plus comment résoudre les difficultés des agriculteurs privés de récolte.
L’épisode de gel du printemps dernier a permis d’accélérer les choses : nous avons alors tous constaté qu’on ne pouvait plus continuer ainsi. Des engagements fermes ont été pris par le Gouvernement pour lancer l’assurance récolte : les 600 millions d’euros promis par le Président de la République et le ministre de l’agriculture ont permis aux agriculteurs de comprendre que l’État était à leurs côtés et qu’une vraie solidarité nationale s’engageait.
J’ai entendu ceux qui ne veulent pas laisser le secteur privé agir seul, mais ne payons-nous pas tous déjà des assurances privées pour notre voiture, par exemple ? Par ailleurs, les deux derniers assureurs présents sur le marché assurantiel agricole sont des groupes mutualistes : comment ne pas les soutenir ?
Ce projet de loi, comme tout texte, n’est sans doute pas parfait. Je salue la ténacité de Laurent Duplomb et son esprit de paysan, qui est aussi le mien. (Sourires.) Il a ainsi tenu à ce que les chiffres et les objectifs soient gravés dans le marbre et que le dispositif s’inscrive dans la durée.
Grâce à ce travail parlementaire, il me semble que l’État a su apporter la réponse attendue. L’assurance récolte pourra s’appuyer sur un financement à la fois de l’État et de l’Union européenne, mais aussi des assurés et des compagnies d’assurances.
Le régime actuel des calamités agricoles, datant de 1964, était dépassé. Il avait été amélioré avec l’ouverture aux assurances, mais il ne permettait plus de répondre aux aléas climatiques. Ce projet de loi apporte des éléments très concrets et des garanties. Les paliers d’assurance sont fixés très nettement : une première étape dont s’acquittent les compagnies d’assurances, puis le relais de l’État et enfin, le cas échéant, l’intervention des réassureurs.
Le fait d’avoir inscrit les taux de 20 % de pertes et de 70 % de subvention de la prime d’assurance est également une avancée importante.
Le Comité national de gestion des risques agricoles permettra la concertation entre les parties prenantes et facilitera, le cas échéant, l’évolution des systèmes d’assurance. Le Codar y veillera également. Dans chaque département, les agriculteurs pourront trouver un système d’indemnisation satisfaisant.
Ce texte constitue une très grande avancée. Il nous faudra rester vigilants pour que l’assurance récolte soit la plus basse possible et permettre ainsi au plus grand nombre d’agriculteurs de s’assurer. Nous y veillerons.
Les centristes voteront bien évidemment les conclusions de la commission mixte paritaire.
Je souhaite, enfin, monsieur le ministre, rendre hommage au travail que vous avez accompli au service des agriculteurs et de l’agriculture. Je salue votre tempérament, votre ouverture d’esprit et votre attention, qui nous ont permis d’avancer. Vous avez redonné confiance aux agriculteurs dans leur métier. Merci de votre engagement à nos côtés. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Ces éloges seront décomptés du temps de parole du Gouvernement ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à regarder de près le code rural, on attend beaucoup de l’agriculture et de la politique publique qui la soutient : assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, reconquérir la souveraineté alimentaire de la France ou encore concourir à la transition énergétique. J’y ajouterai l’enjeu de vitalité des territoires auquel contribuent aussi les exploitants agricoles.
Tout cela impose de les aider à protéger leur production des aléas climatiques, mais pas seulement. En effet, on ne peut pas demander aux agriculteurs de remplir des missions d’intérêt général sans, en retour, leur garantir la solidarité nationale pour des risques qui les dépassent…
Tout cela n’exclut pas de les responsabiliser à la mise en œuvre d’outils de prévention quand c’est possible, bien entendu. Aussi, je me réjouis de voir émerger une réforme des dispositifs de gestion des risques climatiques en agriculture. C’est un sujet que mon groupe suit de longue date.
Je rappelle que le Sénat avait approuvé, en 2020, la proposition de résolution du groupe du RDSE visant à encourager le développement de l’assurance récolte. Nous sommes face à une urgence. Alors que plus personne ne conteste la récurrence et la violence des intempéries, on constate un taux de couverture assurantielle des exploitations globalement très insuffisant.
Disons-le clairement, le coût des primes d’assurance est un frein. Un effort est donc attendu en direction du soutien aux primes. Le projet de loi vise à apporter une réponse à cet égard. Je citerai, notamment, la prise en compte du taux maximal proposé par le règlement Omnibus afin de subventionner davantage les primes. Nous attendions tous cette évolution que d’autres pays européens ont engagée depuis longtemps. Le seuil de pertes retenu pour le déclenchement de l’indemnisation est fixé à 20 %, ce qui va également dans le bon sens.
Par ailleurs, le cumul des indemnités issues des contrats d’assurance et des indemnisations versées par les pouvoirs publics répond aussi à une attente forte.
Avec le système actuel, il est difficilement acceptable de constater que les agriculteurs non couverts sont mieux indemnisés que des exploitants ayant assuré leur récolte ! Ces deux avancées sont importantes. Je tenais cependant à exprimer quelques regrets.
Tout d’abord, je souhaitais rappeler qu’une majorité du RDSE est favorable à l’assurance récolte obligatoire, comme mon collègue Henri Cabanel l’a souligné en première lecture. Faute d’une mutualisation générale des moyens, et donc d’une couverture obligatoire du risque climatique, de nombreux agriculteurs ne pourront toujours pas s’assurer à un coût raisonnable. Ils seront ainsi en grande difficulté en cas de lourdes pertes de récolte.
Je dirai un mot, également, sur la question de la moyenne olympique, même si le texte a prévu une obligation de réflexion sur l’évolution de son mode de calcul.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, le système dit de la « moyenne olympique » pour indemniser les pertes de récolte a été fixé par l’Union européenne sur la base des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais tout cela date de 1994. Or, depuis, l’accélération du réchauffement climatique rend de plus en plus fréquentes les intempéries et les sécheresses, lesquelles affaiblissent les rendements agricoles et, par ricochet, minorent l’indemnisation des pertes.
Enfin, nous souhaiterions vivement que soit réalisé, d’ici à trois ans, un bilan sur le taux de pénétration de l’assurance récolte afin de pouvoir corriger les faiblesses du nouveau système.
Mes chers collègues, pour finir, la commission mixte paritaire a conservé un équilibre satisfaisant. Le RDSE approuvera ses conclusions, car ses membres sont attachés à la protection du travail, des investissements et surtout des revenus des exploitants, qui constituent la garantie du maintien de notre rang de grande nation agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER, RDPI et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Bouad, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Denis Bouad. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des cinq dernières années, les agriculteurs gardois, dans leur immense majorité, ont connu au moins trois sinistres. Malheureusement, je sais que beaucoup de mes collègues tirent exactement le même bilan dans leurs départements respectifs.
Ce constat partagé en appelle un autre : face au changement climatique, notre gestion des risques en agriculture n’est plus à la hauteur !
Notre fonctionnement actuel fondé sur une articulation peu lisible entre le régime des calamités agricoles – dont sont exclues certaines cultures – et l’assurance privée ne permet pas, ne permet plus de sécuriser les agriculteurs français.
Aujourd’hui, seulement 18 % de la surface agricole nationale est couverte par une assurance multirisque climatique. Ce simple chiffre illustre l’ampleur du problème auquel nous sommes confrontés.
Les agriculteurs sont des acteurs économiques. Ce sont eux qui nourrissent les Français. Face à un risque de plus en plus présent, nos jeunes agriculteurs ne sont pas encouragés à ouvrir ou à reprendre une exploitation. Tel est le danger !
Alors que 55 % des agriculteurs français ont plus de 50 ans et que notre excédent commercial agricole a tendance à diminuer depuis une quinzaine d’années, la question qui nous est posée est bien celle de notre souveraineté alimentaire.
Monsieur le ministre, une réforme du système de l’assurance agricole était nécessaire et même urgente. Celle-ci est demandée, avec constance, depuis plusieurs années, par les sénateurs socialistes.
Comme nous l’avons exprimé en première lecture, ce projet de loi comprend certaines dispositions qui vont dans le bon sens, mais nous serons vigilants quant à son application concrète.
La création d’un pool d’assureurs permettra de mutualiser le risque et contribuera, de cette manière, à l’équilibre financier du futur système.
L’application maximale du règlement Omnibus avec une franchise abaissée à 20 % et une subvention rehaussée à 70 % est un préalable important pour renforcer l’attractivité des contrats d’assurance.
Monsieur le ministre, lors de nos derniers échanges, en réponse à un amendement de notre groupe, vous vous êtes engagés ici même à avancer sur la moyenne olympique. Il s’agit d’adapter ce référentiel, qui ne correspond plus à la réalité à laquelle sont confrontés nos agriculteurs. C’est là un sujet majeur pour la réussite de cette réforme ; il va de soi que nous serons attentifs aux suites qui seront apportées au traitement de cette question.
Enfin, l’architecture à trois étages doit nous conduire vers un système universel. C’est le cœur de la réforme et c’est un point fondamental pour les sénateurs.
Malheureusement, le législateur n’a pas de visibilité sur l’offre assurantielle qui sera proposée aux agriculteurs. À nos yeux, il est indispensable que celle-ci soit véritablement attractive pour chaque filière. Aucun agriculteur ne doit être laissé de côté. Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, vous avez choisi de confier cette responsabilité au prochain exécutif : nous pouvons le regretter…
L’universalité de ce nouveau système dépendra néanmoins de la part de solidarité nationale qui accompagnera le dispositif. C’est dans ce cadre que le travail mené par le Sénat aura permis de renforcer considérablement le texte. Je remercie d’ailleurs notre collègue Laurent Duplomb de nous y avoir pleinement associés.
En inscrivant un budget annuel de 600 millions d’euros et en définissant les seuils d’intervention de l’État à 50 % pour les cultures dites « assurables » et à 30 % pour les autres, nous avons donné du corps à ce qui est désormais un projet de loi d’orientation.
Monsieur le ministre, votre projet de loi sort renforcé du travail parlementaire. Les chiffres sont souvent le nerf de la guerre. Or les chiffres qui ont été inscrits dans le texte issu de la commission mixte paritaire sont de nature à sécuriser les agriculteurs français à l’égard d’une réforme qui dépendra en grande partie de la confiance qu’elle sera en mesure d’inspirer au monde agricole.
Cette confiance doit s’installer dans la durée et se travailler dès à présent. À ce titre, je me permets d’ouvrir une parenthèse pour rappeler qu’il est urgent de répondre efficacement aux attentes suscitées par le plan Gel de 2021. À ce jour, les agriculteurs que j’ai rencontrés sont encore dans le flou.
Enfin, pour en revenir au texte, les améliorations qui ont été apportées permettront de renforcer le poids de l’engagement budgétaire de l’État en faveur de la résilience de notre agriculture, en prévision des prochains projets de loi de finances.
Il s’agit, en quelque sorte, monsieur le ministre, d’un service que nous vous avons rendu à vous et à votre ministère. Il est aujourd’hui indispensable de faire entendre, y compris au ministère des finances, que nos agriculteurs ont besoin de la solidarité nationale.
En ce sens, le travail mené par le Sénat dans le cadre du double examen des lois et de la navette parlementaire aura toute son utilité. Les sénateurs socialistes voteront donc ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)