Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Comme vous, monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je déplore vraiment que la question essentielle de la mobilité dans les Hauts-de-France soit prise en otage à quelques mois de l’élection présidentielle. Je pense que cette région mérite franchement mieux que cela.
M. Michel Savin. La France aussi !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Avant de servir aux intérêts politiques nationaux, la question des mobilités et du maillage ferroviaire dans les Hauts-de-France est d’abord une question très concrète pour nos concitoyens. Ce n’est pas une question de plateau télé, mais une question du quotidien : il s’agit de se rendre au travail, de rejoindre sa famille, ou de partir en vacances.
Permettez-moi à présent de répondre avec précision à votre question. À la demande de la région Hauts-de-France, à partir de février 2019, une phase de concertation autour des évolutions des dessertes TGV a débuté entre la région et la SNCF. Compte tenu des enjeux que vous avez bien décrits, le Gouvernement a par ailleurs demandé à la SNCF d’élargir à l’ensemble des collectivités concernées le travail amorcé avec la région. L’évolution des dessertes TGV ne peut en effet se faire sans la compréhension de chacun des territoires.
Dans l’ensemble, ces discussions ont permis d’améliorer le niveau de desserte TGV de ces territoires. Si l’offre de services a été fortement perturbée en 2020 et 2021 du fait de la crise sanitaire, l’enjeu principal à court terme est désormais de remettre en place progressivement les offres nominales telles qu’elles étaient prévues au service annuel 2021.
Pour les petites lignes, le protocole signé avec la région prévoit 825 millions d’euros de travaux, dont 330 millions financés par l’État et SNCF Réseau.
Concernant les difficultés rencontrées par le TER Hauts-de-France, nous avons bien conscience que celles-ci ont été ces derniers mois très importantes et très pénalisantes pour les voyageurs. Ce sujet est de la compétence de la région, autorité organisatrice de la mobilité (AOM). La SNCF nous a indiqué avoir mis en place un plan de redressement de la qualité, et des points réguliers sont faits entre l’autorité organisatrice et la SNCF pour suivre l’avancement de ce plan.
J’espère que ces éléments vous permettront de répondre à cette question essentielle, qui ne doit pas relever d’une polémique stérile. (M. François Patriat applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le secrétaire d’État, je pose aujourd’hui de nouveau une question sur la virgule de Roissy, que j’avais posée il y a un an maintenant. Le ministre des transports m’avait alors répondu que les choses avançaient très bien sur le barreau Roissy-Picardie. C’est vrai, c’est une très bonne nouvelle, mais ce n’est pas exactement la même ligne ! (Sourires.)
Pour ma part, je vous parle d’un raccordement d’un peu plus d’un kilomètre qui permettrait de raccrocher la gare de l’aéroport de Roissy à la ligne qui relie Paris à Villers-Cotterêts, Soissons, Laon et Hirson.
L’enjeu de ce projet en matière de maillage territorial est très important. Dans un territoire difficile, cela faciliterait la mobilité des habitants de l’Aisne qui travaillent à Roissy, et permettrait aux travailleurs de Roissy qui habitent à proximité de l’aéroport d’aller s’installer dans des territoires ruraux. Ajoutons que s’ouvrira dans quelques mois à Villers-Cotterêts la Cité internationale de la langue française, à l’intérêt touristique évident ; il est donc important que les touristes puissent venir dans cette ville depuis Roissy.
Une étude pré-opérationnelle a été lancée il y a quelques mois, actée dans le contrat de plan État-région (CPER). Elle a été menée par SNCF Réseau et financée par l’État et la région Hauts-de-France à hauteur de 150 000 euros chacun.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que SNCF Réseau a progressé dans ces études ? En aurons-nous bien les résultats au mois de juin ? Pouvez-vous enfin réaffirmer ici la volonté de l’État d’aboutir sur un sujet ô combien structurant pour l’Aisne et au cœur de l’aménagement du territoire ?
Rappelons enfin, puisque l’on parlait des Hauts-de-France dans la question précédente, que le conseil régional a quant à lui affirmé clairement les choses : il est déjà prêt à financer ce projet. On attend autant de clarté de la part de l’État…
M. Michel Savin. Très bien ! De la clarté !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vais tenter de ne pas faire l’erreur de répondre à une autre question que celle que vous me posez…
Le projet de la virgule de Roissy est extrêmement intéressant pour votre territoire, parce que ce nouveau barreau ferroviaire entre la ligne Paris-Laon et l’aéroport de Roissy via la ligne à grande vitesse d’interconnexion améliorerait la desserte ferroviaire entre l’Aisne et l’Île-de-France ; c’est une revendication de votre territoire.
Mais j’ai bien compris que votre question ne portait pas seulement sur ce sujet. Pour vous répondre de manière précise sur l’attractivité du territoire axonnais et la façon de le développer, puisque c’est bien là votre préoccupation, l’État a décidé de financer en 2021, à hauteur de 150 000 euros, une nouvelle étude fonctionnelle et technique.
Cette étude, qui se poursuit à l’heure où je vous parle, va permettre d’alimenter les réflexions globales à conduire sur l’ensemble des opérations prévues sur le réseau Nord, en particulier au sein de la plateforme service et infrastructure qui réunit État, collectivités et SNCF Réseau.
Le financement et le calendrier de la suite des études pourront être abordés dans le cadre classique des négociations, autour du volet mobilité 2023-2027 du contrat de plan État-région des Hauts-de-France, en tenant compte des options qui ont déjà été retenues à l’issue de l’étude financée en 2021.
Voilà ce à quoi nous nous engageons, monsieur le sénateur, pour les années qui viennent dans le territoire qui vous intéresse.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gueret.
M. Daniel Gueret. Monsieur le secrétaire d’État, la période de crise sanitaire que nous traversons depuis deux ans a mis en avant de nouveaux modes de vie pour nos concitoyens, parmi lesquels se trouve le lieu d’habitation.
Le marché de l’immobilier des villes moyennes situées à 100 kilomètres de la capitale a été pris d’assaut. Pour autant, ces nouveaux habitants ont conservé leur travail à Paris ou sa banlieue. L’idée a été proposée d’expérimenter des trains directs entre les agglomérations situées dans un rayon de 100 kilomètres et Paris, sur des sillons peu utilisés en dehors des horaires de pointe. Ces villes de taille moyenne forment un cercle autour de Paris et sont elles-mêmes au centre d’une étoile ferroviaire maillant leur propre département.
La politique ferroviaire dont a besoin notre pays pour répondre aux nouveaux comportements passe, non pas uniquement par la réouverture parfois utopique de toutes les petites lignes, mais par une optimisation des moyens déjà à disposition, en cohérence avec les financements possibles.
Vous l’avez souligné à l’occasion d’une autre question, monsieur le secrétaire d’État : le temps politique n’est pas le temps ferroviaire. Pour exemple, en 1993, j’ai lancé la réflexion sur la réouverture de la ligne Chartres-Orléans. Il aura fallu vingt-sept ans pour réaliser un tronçon de 27 kilomètres (M. Philippe Tabarot s’exclame.) entre Chartres et Voves, qui permet au département d’Eure-et-Loir d’être rattaché à la capitale universitaire qu’est Tours.
Et que dire des moyens financiers dont disposent des branches SNCF, qui ne permettent absolument pas de rattraper le retard immense pris durant plusieurs décennies sur les réseaux ? La ville de Chartres, dont je suis l’élu, travaille par exemple à cette modernité depuis plusieurs années avec la région Centre-Val de Loire, autorité organisatrice de transports (AOT), et le groupe SNCF.
Si le vaste programme Pôle gare a permis la modernisation express de l’outil de travail SNCF, il a hélas été largement financé par les collectivités territoriales.
Aujourd’hui, le maillage du territoire passe par un ferroviaire…
Mme la présidente. Votre temps est écoulé, mon cher collègue.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Gueret, vous le savez, la crise sanitaire a profondément rebattu non seulement les cartes du rapport au travail, mais aussi les besoins en termes de mobilité.
Les entreprises et les salariés se sont adaptés avec le télétravail, le recours aux visioconférences, etc. Il est malgré tout encore difficile de déterminer si l’évolution de ces comportements est durable et si elle s’inscrira dans le temps, lorsque la crise sera derrière nous.
Pour continuer d’attirer les usagers, notre réseau ferroviaire prendra bien évidemment en compte ces évolutions. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le temps ferroviaire n’est pas toujours le temps de nos concitoyens et des évolutions de la société.
J’en viens plus précisément à votre question.
En grande couronne parisienne, le besoin de desserte des villes intermédiaires est élevé au regard de la très forte densité de population. La capacité de l’infrastructure ferroviaire est directement liée au différentiel de vitesse entre les trains rapides et les circulations lentes, notamment celles qui comportent des arrêts multiples. Dans ces conditions, un train rapide est consommateur de capacités ferroviaires dans les zones denses de circulation où se croisent des trains qui comportent, eux, plusieurs arrêts.
De surcroît, les lignes entre Paris et ces villes relèvent principalement de la responsabilité des régions. Il reviendrait à ces dernières de négocier, notamment avec Île-de-France Mobilités, l’insertion éventuelle de ces nouvelles dessertes.
Monsieur le sénateur, j’appelle également votre attention sur le fait que, en région parisienne, il pourrait justement être difficile d’insérer des trains rapides dans un système ferroviaire déjà relativement saturé. Je crois que ces négociations, qui sont, permettez-moi de le dire, des rapports de force entre la région qui est la vôtre et Île-de-France Mobilités doivent avoir lieu. Ainsi sera-t-il possible d’améliorer un quotidien dont je conçois qu’il soit difficile pour ceux qui habitent loin et travaillent dans la région parisienne.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons, le ferroviaire est un outil incontournable de la transition écologique. Assurer un maillage équilibré dans chacun des territoires signifie pour l’État se donner les moyens d’engager une véritable politique ferroviaire. Pourtant, aujourd’hui, votre politique globale des transports est loin d’être structurée et de parvenir à l’objectif ambitieux de part modale fixé par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.
Certes, le Gouvernement commence à répondre au manque d’investissement criant des dernières décennies, mais pas assez pour rattraper le retard et conforter l’attractivité du rail : 2,3 milliards d’euros sur trois ans sont destinés à SNCF Réseau, mais les besoins estimés s’élèvent en réalité à 3,5 milliards d’euros, ceux des petites lignes à 700 millions d’euros par an. Là encore, les crédits alloués – 310 millions d’euros – sont bien insuffisants.
Vous savez que la poursuite des trajectoires actuelles entraînerait la condamnation de nombreuses lignes et l’enclavement de territoires déjà isolés. Le réseau ferroviaire peine à sortir de son état de dégradation : aucun modèle de financement n’a été défini pour sa modernisation, l’offre de transport n’est ni équilibrée ni structurée, et un manque de transparence sur le fléchage des coûts est notable.
La possibilité de transfert des petites lignes aux régions dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, sous couvert de les responsabiliser, risque de constituer un véritable fardeau pour elles, alors qu’elles assument déjà la plus grande partie du coût de renouvellement.
Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous donc qu’une telle politique assurera un « maillage équilibré du territoire » ? Avez-vous véritablement actionné tous les leviers pour, enfin, entamer une véritable réforme du système ferroviaire et lancer un plan d’investissements à la hauteur des enjeux ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Benarroche, les liens entre les territoires et les citoyens sont souvent conditionnés par la qualité des dessertes fines du territoire, qui constituent vraiment une offre de transport adaptée aux enjeux d’aménagement des territoires et de transition écologique qui sont les nôtres. Je sais que vous y êtes particulièrement attaché – je le suis d’ailleurs tout autant, même si je ne suis pas le ministre chargé des transports.
On dénombre en France 9 000 kilomètres de petites lignes qui irriguent aujourd’hui nos territoires. Comme je l’ai indiqué en introduction de ce débat, ce gouvernement a œuvré comme aucun autre avant lui à la renaissance de ces lignes. En 2020, il a engagé avec les régions un plan de remise à niveau de ces lignes et de remise à plat de leur gouvernance. En 2022, il poursuit cet effort massif : ainsi, l’État engagera plus de 200 millions d’euros sur les petites lignes, pour un bilan de plus de 550 millions d’euros sur la période 2020-2022.
Depuis le début du quinquennat, 1 100 kilomètres de lignes ont déjà été régénérées, avec des renouvellements de voies ou de ballasts. Dans votre région, monsieur le sénateur, 138 kilomètres de lignes ont même déjà été rénovées.
Ce travail étroit de concertation avec les régions a porté ses fruits : neuf protocoles d’accord sont déjà signés ou adoptés par les assemblées régionales délibérantes pour un montant de 5,8 milliards d’euros. C’est bien la preuve concrète que, sur les 9 000 kilomètres de petites lignes, 7 000 kilomètres pourront être sauvés.
Une telle politique tranche considérablement avec ce qui s’est passé précédemment et correspond bien aux engagements, à la fois du Président de la République et du Gouvernement, de faire en sorte que le ferroviaire redevienne une priorité. On peut toujours considérer que l’on peut faire plus, mais ce qui a été fait sous ce quinquennat est tout à fait remarquable par rapport aux autres périodes. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour la réplique.
M. Guy Benarroche. Une véritable politique ferroviaire, ce serait : sauver les trois quarts des lignes de desserte fine du territoire qui sont menacées ; assurer une trajectoire de modernisation et d’innovation, avec une participation de l’État accrue aux investissements de régénération ; inclure les acteurs locaux, pour aboutir à une vision partagée du maillage territorial sur le long terme ; couvrir les territoires peu denses, autant que les territoires urbains ; donner plus de moyens au fret et au transport combiné ; garantir une concurrence saine entre les opérateurs.
La France est encore bien loin de ce tableau ! La coopérative ferroviaire Railcoop l’a très bien rappelé : un maillage sur l’ensemble du territoire doit requérir des aides de l’État.
Monsieur le secrétaire d’État, les effets d’annonce ne suffisent pas. Pour parvenir à la part modale de 18 % pour le fret et de 17 % pour les voyageurs, il faudra actionner davantage de mesures concrètes pour le rail.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Bien qu’il soit prématuré de dresser un bilan de tous les bouleversements institutionnels intervenus depuis 2018, des tendances lourdes se dégagent, dont il convient de tirer tous les enseignements.
Premièrement, le pacte ferroviaire, qui devait conforter l’offre globale de desserte ferroviaire à l’échelle du pays, n’a pas pour l’instant produit ses effets.
Deuxièmement, en matière d’ouverture des lignes à la concurrence, l’axe TGV Paris-Lyon illustre bien le fait que celle-ci tend à s’exercer prioritairement sur les segments captifs. Une telle concurrence, si elle devait s’exercer sur un territoire comme le mien, la Bretagne, porterait sur l’axe Paris-Rennes. Dès lors se pose la question suivante : qui emmènera des trains jusqu’à Brest et Quimper ? En effet, plus on va loin, plus on va au bout, moins il y a de monde et de captifs.
Troisièmement, le projet de loi 3DS consacre en quelque sorte la partition des petites lignes ferroviaires en trois catégories, sachant que la dernière catégorie est laissée à 100 % à la charge des collectivités territoriales. Au fond, celles qui ont remis en état leurs lignes sont les bons élèves que l’on punit dans la mesure où on laisse à leur charge 100 % de ce qui reste à faire.
Quatrièmement, les pertes de recettes consécutives à la crise du covid n’ont été compensées en aucune manière. Ce sont la SNCF et les régions qui ont trouvé des accords pour pourvoir au comblement de cette charge.
Cinquièmement, dans le cadre de la loi Climat et résilience, nous avons ici même, au Sénat, adopté des amendements ambitieux pour le développement du ferroviaire. On en parle trop peu à mon goût.
Je vous poserai une seule question, monsieur le secrétaire d’État : quelle ambition nourrit ce gouvernement pour préserver l’offre de services publics à l’échelle de l’ensemble du territoire ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Lahellec, la dégradation du service, l’endettement et le déficit record, ainsi que le manque de compétitivité du réseau, sont le triste résultat de décennies de sous-investissements. Le constat que l’on a dressé en 2017, s’il n’était pas nouveau, n’en était donc pas moins relativement amer, il faut bien le reconnaître.
Il était urgent de sauver le service public ferroviaire et c’est ce que nous avons fait dès le début du quinquennat avec la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, afin de transformer ce service public essentiel et le rendre plus performant et viable à long terme.
Cette réforme avait pour objectif des améliorations pour tous : pour les usagers, des trains plus ponctuels, plus nombreux et plus sûrs, ainsi que de meilleurs services ; pour l’entreprise SNCF, tournée vers l’avenir, compétitive et aux finances assainies ; pour les cheminots, une vision claire de l’avenir de leur profession qui a beaucoup évolué, des postes plus attractifs, une véritable reconnaissance de leur rôle ; pour le contribuable, enfin, la garantie que chaque euro dépensé l’est efficacement.
Beaucoup de chemin a été fait depuis le lancement de cette réforme, notamment dans le domaine social, avec la mise en place d’un cadre social harmonisé pour tous les salariés du ferroviaire, la constitution d’une branche professionnelle, la définition d’un « sac à dos social » pour les salariés qui seront transférés, lequel prévoit notamment la portabilité de leur régime de retraite, la création d’une caisse de branche unique pour les salariés de la branche ferroviaire, qu’ils soient statutaires ou non.
Pour les usagers, c’est l’arrivée de Trenitalia, qui a commencé son service Paris-Lyon-Milan au mois de décembre 2021, l’émergence d’opérateurs comme Railcoop, dans le domaine de l’économie sociale, qui affiche l’ambition de desservir les territoires ruraux entre Lyon et Bordeaux dès 2022, puis d’assurer des liaisons entre Rennes et Toulouse ou encore entre Thionville et Lyon en 2023.
On constate aujourd’hui une véritable appétence des opérateurs pour explorer tous les segments de marché, et pas seulement ceux qui sont considérés comme les plus rentables. C’est la meilleure preuve que le cadre d’ouverture à la concurrence que nous aurons mis en œuvre permet de libérer les énergies et de susciter de nouveaux services au profit des voyageurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a souhaité débattre de la politique ferroviaire menée par le Gouvernement. Je m’en réjouis, tant les cinq années passées ont bouleversé le secteur ferroviaire.
En effet, si la loi pour un nouveau pacte ferroviaire et la plus longue grève de l’histoire de la SNCF, à l’occasion de la tentative de réforme des retraites, sont désormais derrière nous, la pandémie et l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire sont toujours en cours. D’autres défis s’annoncent par ailleurs en matière de décarbonation des mobilités et d’aménagement du territoire.
C’est pourquoi il est primordial de maintenir la qualité de notre réseau ferroviaire, qui repose sur trois piliers : un réseau à grande vitesse, un réseau structurant, des lignes de desserte fine.
Si je me réjouis que le plan de relance permette de renouer avec le développement de lignes à grande vitesse, je m’inquiète néanmoins que ces investissements ne remettent en question les objectifs de performance du réseau structurant, pourtant tout aussi nécessaire pour nos concitoyens.
J’en veux pour illustration l’état et la fiabilité défaillants des caténaires dites « Midi » sur les lignes du sud-aquitain, par exemple sur l’axe Dax-Pau, qu’il faudrait remplacer par des infrastructures modernes.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous me rassurer quant à la volonté de l’État de relancer la grande vitesse sans porter préjudice à la modernisation du réseau structurant ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Denise Saint-Pé, l’entretien et l’amélioration du réseau ferroviaire existant constituent une priorité sur le long terme pour le Gouvernement, afin d’offrir une offre de qualité à l’ensemble des territoires. Vous avez raison, il est essentiel de trouver un juste équilibre entre les lignes à grande vitesse et les lignes classiques. Le développement des premières ne peut se faire au détriment des secondes.
Le Gouvernement s’attache à trouver cet équilibre entre TGV et petites lignes, entre régénération des trains de jour et relance des trains de nuit, entre développement des lignes nationales et essor des lignes internationales. Tout cela nous permettra d’« assurer un maillage équilibré du territoire », pour reprendre l’intitulé du présent débat.
Madame la sénatrice, vous avez mentionné la desserte ferroviaire de la région paloise. Je vous confirme que le Gouvernement est très attentif aux études d’amélioration, qui sont financées à parité par l’État et la région dans le cadre du CPER 2015-2020 de Nouvelle-Aquitaine, à hauteur de 0,5 million d’euros. Ces études, dont la remise est attendue pour la fin du mois d’avril 2022, permettront d’identifier, en concertation avec les territoires, les modalités d’amélioration de la desserte de Pau, grâce à l’optimisation des infrastructures existantes entre Dax et Pau.
L’amélioration de la desserte de Pau peut également s’envisager à l’aune du Grand projet du Sud-Ouest, le GPSO, et de sa section de lignes nouvelles à grande vitesse – 350 kilomètres par heure – entre le sud de la Gironde et Dax. Cette section nouvelle réduira le temps de parcours des usagers de vingt minutes entre Bordeaux et Dax et, par extension, entre Paris et Pau ; concrètement, le trajet durera trois heures cinquante, contre quatre heures dix actuellement. Elle sera réalisée dans la continuité de la section Bordeaux-Toulouse, pour laquelle le Gouvernement a récemment confirmé l’engagement financier de l’État.
Je tiens à souligner que la réalisation de cette nouvelle ligne n’est absolument pas contradictoire avec la rénovation et la modernisation du réseau existant, puisque le GPSO comprend des aménagements qui sont essentiels pour le bon fonctionnement des nœuds ferroviaires de Bordeaux et de Toulouse, qui permettront d’augmenter non seulement le nombre, mais surtout la fiabilité des circulations, ce qui est, je crois, un enjeu fondamental pour vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour la réplique.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le secrétaire d’État, il est grand temps que le réseau sud-aquitain soit amélioré. Cela passe notamment par la modernisation de ces caténaires qui datent tout de même de 1937 !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. En matière de politique ferroviaire, le Gouvernement s’est positionné en faveur de la rénovation du réseau existant. Des engagements ont d’ailleurs été pris dans ce sens, par exemple concernant la ligne TET Clermont-Ferrand-Paris pour les années à venir, ligne qui souffre souvent de retards inacceptables.
Je souhaite évoquer également les petites lignes du transport du quotidien, c’est-à-dire celles qui relient les métropoles intrarégionales. Il faut aujourd’hui plus de deux heures trente en train pour relier deux métropoles d’une même région, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand ; c’est une heure de plus qu’en voiture, et pour cause : il est impossible d’effectuer ce trajet en train sans correspondance. Depuis 2007, les usagers se trouvent contraints d’utiliser l’autocar, ou plus naturellement leur voiture, pour se rendre de Clermont-Ferrand à Saint-Étienne. Dans un contexte de réchauffement climatique, vous conviendrez que la dynamique n’est pas la bonne.
L’année 2016 a marqué la fermeture du tronçon de cette ligne entre Thiers et Boën-sur-Lignon, rendant impossible la connexion entre les deux métropoles. L’année 2016 a également vu la création des grandes régions, qui a relié administrativement Clermont-Ferrand et Saint-Étienne, au moment même où celles-ci se trouvaient « ferroviairement » déconnectées.
Lors de la suspension du tronçon de 48 kilomètres, les travaux de régénération ont été estimés autour de 50 millions d’euros. Une étude de faisabilité a été lancée voilà quelques mois par la région Auvergne-Rhône-Alpes, dont les conclusions tardent à se faire connaître.
En réalité, la région semble dans l’attente d’un engagement de l’État pour s’engager à son tour sur les dépenses d’une telle ampleur. Les deux tronçons restants, Clermont-Ferrand-Thiers et Boën-sur-Lignon-Saint-Etienne, sont assurés par des TER ; c’est donc la région qui est l’autorité organisatrice. Reste que l’État ne peut se désengager de toutes ces lignes qui maillent notre région et rendent effectives les réformes administratives dont il est lui-même à l’origine.
Monsieur le secrétaire d’État, je parle là d’une voie qui renforce le maillage ferroviaire du territoire en reliant à la fois deux métropoles et plusieurs petites villes de zones rurales. Aussi, ma question est simple : le Gouvernement entend-il s’engager sur ce dossier pour mettre un coup d’accélérateur à la régénération tant attendue de la ligne Thiers-Boën-sur-Lignon ?