Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le ministre, vous avez parlé d’une méthanisation raisonnée, idée que je partage. Toutefois, très concrètement, sur le terrain, on ne mesure pas les dispositions que vous avez prises pour en arriver là ! Dans le département de la Moselle, on a le sentiment que chacun fait comme il veut et que le premier qui démarre a raison.
Sans doute devriez-vous vous engager à mener des mesures de contrôle pour mieux vérifier ce qui se passe.
place de l’office national des forêts dans la politique forestière
Mme le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, auteure de la question n° 1943, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Kristina Pluchet. Monsieur le ministre, je souhaiterais vous parler de la forêt publique, et en particulier de la place que vous comptez confier à l’Office national des forêts (ONF) dans votre stratégie forestière nationale.
En effet, les enjeux écologiques et environnementaux requièrent d’adapter sans tarder les forêts au changement climatique, d’engager leur renouvellement pour protéger la biodiversité et de répondre aux besoins de la société en produits de bois, en s’appuyant surtout sur les écosystèmes naturels, comme l’a souligné une tribune signée par plus de 600 scientifiques et acteurs du secteur forestier publiée dans le Journal du dimanche.
À ce titre, le volet forestier du plan de relance a été doté de 200 millions d’euros pour les deux prochaines années. Il est destiné aux propriétaires forestiers publics et privés et témoigne de l’engagement, que nous saluons, du Gouvernement en faveur de la préservation de notre patrimoine forestier.
Néanmoins, l’ONF continue de vivre une décrue de ses effectifs et une diminution constante de son budget, qui demeure largement déficitaire. Ainsi, le projet de contrat entre l’État et l’ONF pour la période 2021-2025 engendre de vives inquiétudes pour l’avenir de l’office, notamment en matière de stratégie sylvicole et de réduction de la masse salariale, encore plus depuis l’annulation, pourtant compréhensible et attendue, de la contribution des communes forestières. D’ailleurs, comment sera-t-elle compensée ?
Ce désengagement de l’État a pour conséquence la disparition des emplois de terrain, comme nous le constatons dans l’Eure, et la perte d’un service d’accompagnement de proximité des communes, indispensable pour l’exercice de leur mission d’intérêt général et une gestion de la qualité de leur patrimoine forestier.
Ces mesures ont véritablement des conséquences contradictoires avec les ambitions affichées par le Gouvernement et les exigences de la lutte contre le changement climatique.
En conséquence, alors que les assises de la forêt et du bois ont été lancées et seront closes fin janvier, nous souhaiterions être rassurés et en savoir un peu plus sur vos intentions quant à l’avenir de l’ONF et de ses missions pour la gestion durable de nos massifs communaux et domaniaux.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, agir en responsabilité, c’est assumer à la fois assumer d’investir, mais aussi de régler les difficultés lorsqu’elles surgissent.
L’ONF est un office incroyablement précieux dans notre pays, pour les forêts domaniales et communales. Je connais bien cette maison, étant moi-même ingénieur forestier. Je saisis d’ailleurs l’occasion qui m’est donnée pour saluer celles et ceux qui y travaillent.
Vous dites que l’État se désengage des politiques forestières, alors même qu’il investit, vous l’avez dit dans votre question, plus de 200 millions d’euros dans le plan de relance à ce titre. Et, en bout de course, 800 millions d’euros seront consacrés à la forêt si l’on prend en compte France 2030. Vos propos me paraissent donc un peu caricaturaux, et non conformes à la réalité.
L’État investit massivement dans la politique sylvicole. Sa vision est très claire : la forêt doit être protégée et cultivée. Pour nombre de nos concitoyens, c’est un atout sociétal qu’il faut développer.
Parallèlement, l’État, en responsabilité, doit faire face aux difficultés que traverse l’office.
Tout d’abord, nous avons conclu ce contrat entre l’État et l’ONF et nous avons dit que nous ne demanderions pas de contribution supplémentaire aux communes forestières. Dans le cadre de ce contrat, nous avons demandé à l’ONF de faire face aux difficultés qu’il rencontre aujourd’hui, conformément à la trajectoire que nous avons définie en termes de ressources humaines et de management. Parallèlement, l’État devra investir beaucoup plus dans l’ONF. Songez que, dans la dernière loi de finances, qui n’a pas été discutée ici, 60 millions d’euros supplémentaires ont été mobilisés sur trois ans, pour soutenir l’ONF. Par ailleurs, 30 millions d’euros ont été alloués en 2021 à l’ONF pour la reconstitution des forêts domaniales et, dans le cadre du plan France Relance, l’ONF bénéficie de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Mme le président. Veuillez conclure.
Mme le président. Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir respecter vos temps de parole, afin que chacun puisse intervenir. Nous prenons du retard à chaque question !
impact des augmentations de prix sur la profession agricole
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1987, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le ministre, ma question porte sur les phénomènes d’augmentation des prix qui touchent fortement notre agriculture.
Ces augmentations concernent le coût des carburants pour les véhicules, celui du gaz pour les opérations de séchage, quand la fin des pénuries autorise les approvisionnements, mais aussi l’inflation des engrais azotés, qui est supérieure à 300 % au cours des derniers mois.
Le sujet a déjà été largement évoqué pour ce qui concerne le coût des énergies. Par ma question, je souhaite attirer votre attention sur les marges de manœuvre offertes concernant le coût des engrais, au travers de la levée des droits à l’importation et des taxes douanières antidumping.
Selon la chambre d’agriculture du département d’Eure-et-Loir, l’impact économique actuel des augmentations de prix est évalué à 40 000 euros par exploitation.
Monsieur le ministre, au regard des difficultés que rencontrent nos agriculteurs, quelles sont les intentions du Gouvernement, afin de ne pas les laisser face à de nouvelles difficultés qui ne manqueraient pas d’avoir des répercussions sur le pouvoir d’achat des consommateurs et sur notre compétitivité agricole ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame Chantal Deseyne, la crise des engrais a un impact considérable sur la sécurité alimentaire mondiale. Elle permet de rappeler à chacun que le rôle premier de l’agriculture est un rôle nourricier. Or il existe une corrélation directe entre les engrais et la production alimentaire.
J’ai saisi récemment l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur ce sujet, qui est à mes yeux incroyablement stratégique.
Je distingue trois sujets, dont le premier est celui des coûts. Vous l’avez dit, la France a œuvré, et continue d’œuvrer, au niveau européen, en faveur de la suspension des droits ad valorem. Avant de devenir président du Conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, j’ai fait valoir cette demande auprès de la Commission européenne. Elle est toujours en cours de discussion.
Le deuxième sujet est celui de la disponibilité. Nous avons organisé avec la filière et les producteurs des voies et moyens pour nous assurer de la disponibilité en engrais. Nous avons des unités de production en France, pas pour tous les types d’engrais – je n’entrerai pas dans le détail –, à la différence d’ailleurs d’autres pays européens.
Le troisième sujet est celui de la logistique. En effet, une fois qu’on s’est assuré de la disponibilité, il faut s’assurer de la logistique, afin d’éviter certains moments de tension, qui font l’objet d’un suivi très particulier par le ministère de l’agriculture et celui des transports, en lien avec les professionnels.
Il convient donc de se battre sur ces trois fronts : le prix et la taxation dite ad valorem, la disponibilité et la logistique. Il s’agit d’un sujet fondamental. En effet, les engrais, qui doivent bien évidemment faire l’objet d’une utilisation raisonnée, permettent à la plante de se nourrir. Il existe donc une corrélation directe entre les engrais et le niveau de production.
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez parfaitement toutes ces questions. Effectivement, l’engrais est important. Il nourrit la plante, ce qui garantit sa qualité. L’agriculture, quel que soit d’ailleurs le type d’agriculture, rencontrant des situations difficiles, je me permets de réitérer ma question : comment intervenir pour que les coûts soient plus abordables ?
Les marchés des céréales et de l’azote sont des marchés parallèles, mais dont les écarts sont énormes. Ainsi les agriculteurs appréhendent-ils l’année à venir et la récolte à venir. Si certains ont pu bénéficier en 2021 de prix élevés, ils ne sont pas assurés de connaître, l’année prochaine, les mêmes conditions.
exportation des grumes de chêne vers la chine
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 2001, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, la filière bois souffre de l’arrivée massive d’acheteurs étrangers, notamment chinois, et spéculateurs. Ainsi, le prix d’achat du bois atteint des sommets et les volumes disponibles pour les scieries françaises se raréfient. En conséquence, plusieurs secteurs industriels en aval commencent à donner des signes de tension, faute d’approvisionnement.
J’ai pu échanger avec deux scieries de mon département, lesquelles partagent le même constat quant au manque de visibilité qui limite, pour l’avenir, leur capacité d’investissement.
Selon les chiffres douaniers chinois, les exportations de chêne français vers la Chine ont augmenté de 42 % et celles de résineux de 66 % en 2021.
Alors que de nombreux pays producteurs de bois, membres de l’Union européenne ou non, ont pris des mesures limitant son exportation sous une forme brute, la France se laisse piller, malgré le label UE, contourné par des acheteurs chinois.
Devons-nous attendre que la concurrence chinoise asphyxie nos petites scieries et menace davantage notre filière française ?
Monsieur le ministre, outre l’interdiction de l’export de bois brut, la filière propose des solutions ne dépendant que d’une volonté politique nationale : stricte application des règles phytosanitaires, qui renchérirait le coût de l’export, et obligation, pour les exploitants forestiers individuels, de choisir entre l’exonération d’impôt sur le revenu issu de ces ventes et les aides.
Quelle stratégie suit le Gouvernement pour assurer l’approvisionnement des scieries françaises et maintenir la valeur ajoutée et les emplois en France ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Daniel Chasseing, ce sujet est d’une importance cruciale, et nous sommes à pied d’œuvre depuis de longs mois. Nous avons déjà connu une telle situation pour une autre essence, le hêtre, voilà quelques années. Aujourd’hui, la situation de la filière du chêne est tragique. Il s’agit en outre d’une aberration écologique et en termes de souveraineté, les exportations ayant augmenté de 30 % sur les dix premiers mois de l’année 2021.
Toutefois, votre question comporte une erreur factuelle. En effet, très peu de pays européens ont mis en place des dispositifs d’interdiction à l’export, lesquels, d’ailleurs, n’ont pas fonctionné.
Que devons-nous faire ? En réalité, nous devons lutter contre des traders chinois, lesquels, malheureusement, ne sont pas limités par le coût. Ainsi, les propositions que vous avez évoquées ne permettraient pas de résoudre la situation, dans la mesure où ces traders peuvent toujours renchérir.
Nous pouvons agir sur trois plans.
Tout d’abord, nous pouvons porter au niveau européen ces sujets d’interdiction d’exportation. Nous l’avons fait depuis de longs mois et continuons à plaider notre cause.
Ensuite, nous connaissons, à très court terme, la solution : il convient de massifier le recours au label UE. Pour les forêts publiques domaniales et communales, toute vente de chêne est soit sous label UE soit sous forme de contractualisation.
L’immense difficulté est de faire dans la forêt privée ce que nous faisons dans la forêt publique. Mais comment réussir à convaincre les propriétaires forestiers de passer à ce label UE, sachant qu’un propriétaire est libre, constitutionnellement, de l’utilisation de son bien ?
Enfin, il conviendra d’avoir recours, à l’avenir, à une contractualisation massive.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.
M. Daniel Chasseing. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, le poids de la forêt française devrait permettre à la France de peser au niveau européen pour mettre en place des règles limitant l’export du bois brut.
responsabilité des chiens de protection
Mme le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 2034, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean-Jacques Michau. Monsieur le ministre, ma question concerne un problème récurrent dans mon département, auquel il est désormais urgent d’apporter des réponses claires. Je veux parler de l’incertitude juridique qui entoure le statut des chiens de protection de troupeaux.
En effet, dans nos territoires, et particulièrement en Ariège, cette question du statut des chiens de protection soulève de nombreuses interrogations. En effet, depuis plusieurs mois, ces chiens sont au cœur de nombreux conflits d’usage, qu’il s’agisse de poursuites à l’encontre d’éleveurs dont les chiens ont attaqué des promeneurs ou des randonneurs ou des plaintes de voisinage pour cause de bruits occasionnés par ces chiens quand ils ne sont plus dans les estives.
La multiplication de ces conflits mobilise de plus en plus les forces de gendarmerie et entraîne de nombreuses interrogations et inquiétude chez les éleveurs, les bergers et les élus. Pourtant, il s’agit bien là d’un comportement tout à fait légitime de chiens de protection au travail, dont le rôle premier est d’éloigner tout intrus approchant le troupeau.
Comme vous le savez, les chiens de protection constituent l’une des mesures aidées par l’État dans le cadre de la coexistence avec les grands prédateurs que sont l’ours ou le loup. Ils sont l’un des éléments constitutifs de l’indemnisation des éleveurs en cas d’attaques du prédateur. Les éleveurs ont ainsi été amenés à changer leurs pratiques pour s’adapter à ces nouveaux risques et à mettre en place la protection exigée par l’État.
Il est donc évident que cette contrainte ne peut se traduire in fine pour eux par des difficultés supplémentaires. Il semble donc nécessaire qu’une sécurité juridique spécifique aux chiens de protection soit apportée à ces éleveurs dans leur activité d’élevage et de pastoralisme.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il donner un statut juridique particulier aux chiens de protection, afin de protéger juridiquement les éleveurs et les bergers ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je partage totalement votre préoccupation. Nous avons d’ores et déjà engagé la réflexion depuis la mi-2021 s’agissant de la révision du statut juridique des chiens de protection, pour ce qui concerne leur détention et leur utilisation. Nous souhaitons que ces travaux se terminent le plus rapidement possible, soit dans le courant de l’année 2022. Le Président de la République l’a d’ailleurs annoncé à la fin de l’été 2021, dans le cadre d’une discussion avec les jeunes agriculteurs.
Ces travaux portent sur la gestion des chiens de troupeaux, dont nous connaissons tous les impacts quotidiens pour l’éleveur. Mais ils portent également sur une autre question fondamentale, à savoir le comptage des loups.
Une cohabitation doit être instaurée, mais elle ne doit pas se faire sur le dos de l’éleveur. En effet, chaque fois qu’il y a une attaque, c’est un drame pour l’éleveur. Il faut avoir une approche très humaine de ces sujets.
Je n’ai jamais fait partie de ceux qui mettent en avant l’indemnisation. Le travail de l’éleveur, c’est tout autre chose ! Les animaux qu’il élève sont son patrimoine.
Il convient donc d’étudier la question des prélèvements de loups. Mais si vous n’êtes pas d’accord sur le constat, à savoir le nombre de loups présents sur le territoire, il est sacrément difficile de vous mettre d’accord sur la solution !
Par conséquent, la revue du comptage est également en cours. Ces deux chantiers, statut juridique des chiens de troupeaux et comptage des loups, ont été ouverts par le Président de la République et le Premier ministre voilà quelques mois.
filière guyanaise du bois en danger
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis, en remplacement de M. Georges Patient, auteur de la question n° 2054, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Georges Patient, qui m’a demandé de vous poser sa question. Il a en effet dû rejoindre la Guyane pour accueillir le ministre des outre-mer, en visite depuis hier sur son territoire.
Les acteurs de la filière bois, premier employeur privé de Guyane après le secteur spatial, sont très inquiets pour leur propre survie. Cette filière est classée par le Gouvernement parmi les axes prioritaires de développement de ce territoire, comme l’a confirmé le Président de la République lors de son déplacement en Guyane en octobre 2017.
Cet engagement s’est traduit par l’adoption, en 2018, d’un programme régional de la forêt et du bois (PRFB) dans lequel il est prévu de multiplier par trois les volumes de bois d’œuvre issus de la forêt naturelle. Le volume annuel de grumes extrait passerait ainsi à 210 000 mètres cubes à l’horizon 2030.
Or la particularité de la forêt guyanaise est la certification écoresponsable de son exploitation, pratique unique dans la région amazonienne, qui impose aux exploitants forestiers de s’enfoncer toujours plus profondément en forêt pour trouver les arbres exploitables. Ceux-ci utilisent à cette fin les pistes dont l’Office national des forêts (ONF) a la responsabilité en tant que gestionnaire du domaine forestier permanent.
Le PRFB prévoit un investissement de 5 millions d’euros par an jusqu’en 2029 pour la création de nouvelles pistes afin d’ouvrir à l’exploitation de nouveaux massifs forestiers. Or l’ONF vient d’annoncer la limitation de l’investissement annuel consacré aux pistes à 2 millions d’euros à partir de cette année contre 3 millions d’euros jusqu’à présent.
L’Union européenne rembourse pourtant à 100 % ces travaux via le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Pourquoi ne pas en profiter ? Certes, il faut les préfinancer le temps du déblocage des fonds européens, soit trois ans environ, ce qui représente une avance de 15 millions d’euros.
Ces investissements conditionnent la survie de la filière. Au lieu d’un triplement des volumes extraits, si les nouvelles pistes ne sont pas créées, les volumes vont au contraire chuter en raison de l’épuisement de la ressource dans les massifs actuellement accessibles. Faute de matière première, toute la filière sera touchée, au risque de la disparition.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, le Gouvernement doit autoriser et aider l’ONF Guyane à préfinancer les trois années d’avance de trésorerie que je mentionnais.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Buis, permettez-moi de saluer votre collègue Georges Patient, dont je connais l’engagement sur cette question des forêts guyanaises. À l’évidence, comme vous l’avez dit, nous nous devons d’être extrêmement vigilants sur le niveau d’investissement dans la création des dessertes forestières, et ce précisément pour les raisons invoquées par votre collègue.
Les pouvoirs publics financent depuis plusieurs années, vous l’avez dit, jusqu’à 100 % des investissements destinés à la création des dessertes, via notamment l’apport des fonds européens du Feader. Vous l’avez dit aussi, bien que ces investissements soient financés à 100 %, l’ONF doit faire l’avance de trésorerie jusqu’au remboursement, tout en devant assurer l’entretien des dessertes existantes.
Les acteurs économiques de Guyane demandent que l’investissement qui n’a pu être réalisé en 2021 puisse être reporté en 2022, au montant près, afin de rattraper le retard et de disposer ainsi de davantage de visibilité et de lisibilité ; c’est cette demande que relaie votre collègue Georges Patient.
Le Gouvernement a bien entendu cette demande. Les crédits du programme 149, « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », ont été réévalués dans le projet de loi de finances pour 2022, afin d’assurer la contrepartie nationale nécessaire du financement du Feader et de permettre à l’ONF de réaliser ses investissements conformément au programme régional de la forêt et du bois. Le montant prévisionnel alloué aux investissements de création de pistes pour 2022 atteint ainsi plus de 4 millions d’euros, ce qui répond à la préoccupation exprimée.
L’ONF ajustera l’enveloppe allouée à la direction territoriale de Guyane afin que les crédits nécessaires au préfinancement que je viens d’évoquer puissent être mobilisés.
qualification des produits de la mer non commercialisés
Mme le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, auteur de la question n° 1620, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Alain Cazabonne. Monsieur le ministre, l’Office français de la biodiversité considère les produits de la mer non commercialisés comme des déchets. On compte parmi lesdits produits les moules sous taille ou encore les coquilles d’huître vides. Ces produits rejetés à la mer viennent de la mer, sans avoir subi quelque altération ou modification que ce soit. Il s’agit donc de produits naturels remis dans leur milieu naturel.
En outre, des procédures ont été établies via des délibérations de comités régionaux conchylicoles afin de limiter les rejets en tas, sources de nuisances, visuelles et, durant la période estivale, olfactives, à cause de l’utilisation d’épandeurs agricoles.
Voici ma question : serait-il possible de clarifier la qualification de ces produits de la mer non commercialisés afin qu’ils ne soient plus considérés comme des déchets ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Alain Cazabonne, la réponse à votre question dépend de la nature de ce dont on parle, à savoir les différents mollusques bivalves, dont on doit prendre en considération les caractéristiques.
Les moules destinées à la consommation humaine qui sont récoltées dans des élevages mytilicoles font l’objet de règles spécifiques en application du fameux règlement n° 853/2004, que les professionnels connaissent bien. Leur statut est celui de denrées alimentaires d’origine animale.
Les moules sous taille, elles, sont exclues de la consommation humaine par les producteurs pour des raisons essentiellement commerciales. Il découle de cette opération que les moules sous taille sont considérées, pour un ensemble de raisons notamment sanitaires bien connues, comme des sous-produits animaux de catégorie 3 – il s’agit en effet de mollusques bivalves qui restent vivants, et non de coquilles vides. Le règlement auquel j’ai fait référence établit les règles sanitaires applicables à la gestion de ces sous-produits.
Les producteurs ont l’obligation de trier et d’identifier les moules sous taille pour les prendre en charge conformément au règlement, qui ne prévoit pas explicitement l’application directe dans les sols de ces sous-produits comme un usage possible.
Les coquilles d’huître, et plus largement les coquilles de mollusque, sont en revanche exclues du champ d’application dudit règlement : vides, sans corps mou ou chair, elles n’ont pas le statut de sous-produits animaux et peuvent à ce titre être valorisées dans le sens que vous indiquez, monsieur le sénateur.
Mme le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.
M. Alain Cazabonne. Merci, monsieur le ministre, pour cette réponse positive à 50 % ou 60 % ! Les coquilles ne présentant aucun danger, les conchyliculteurs apprécieront de pouvoir leur réserver un traitement séparé. Les bénéfices qu’ils tireront de cette précision sont déjà importants : moins de tracas administratifs et des surcoûts limités.
obligation de débroussaillement incombant aux propriétaires privés
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 2056, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Bernard Buis. Monsieur le ministre, l’obligation de débroussaillement d’une haie d’arbustes, arbres ou végétaux divers débordant d’une propriété privée sur la voie publique incombe au propriétaire, nous le savons tous.
Ce sujet continue néanmoins de poser problème, des questions étant régulièrement soulevées à cet égard auprès des maires par leurs administrés.
En effet, le code forestier impose aux propriétaires d’assurer l’entretien non seulement de leur propriété, mais aussi des parcelles non bâties qui la jouxtent, sous certaines conditions.
Ainsi l’article L. 131-11 dudit code permet-il au préfet de rendre obligatoire le débroussaillement sur les fonds voisins jusqu’à une distance de 50 mètres de l’habitation. Le propriétaire négligent d’un terrain non bâti peut de cette façon faire porter la responsabilité sur ses voisins propriétaires d’une construction.
En parallèle, le code général des collectivités territoriales, en son article L. 2213-25, permet aux maires de mettre en demeure le propriétaire négligent d’exécuter les travaux d’entretien de sa parcelle à une distance maximum de 50 mètres des habitations.
L’articulation de ces deux textes rend difficilement compréhensibles les obligations qui pèsent sur chacune des parties.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous apportiez la clarification dont ont besoin, en la matière, tant les maires que les propriétaires concernés.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Buis, je reconnais bien là, à entendre votre question, la précision qui vous caractérise.
J’avoue qu’avant d’être interpellé par vos soins je n’avais pas vraiment conscience de ce distinguo. Celui-ci mérite bel et bien, pourtant, d’être précisé afin d’être compris par tous, avant, un jour, peut-être, d’être mieux explicité par le législateur.
Pour faire simple, vous expliquez que ce débroussaillement incombe tantôt au maire, tantôt au préfet, dès lors qu’il n’est pas fait par le propriétaire lui-même. Il faut distinguer deux types de territoires : dans les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendies de forêt en application des articles L. 132-1 et L. 133-1 du code forestier – votre département, la Drôme, en fait partie –, c’est au maire d’assurer le contrôle de l’exécution des obligations légales de débroussaillement.
En revanche, en dehors de ces territoires, le code forestier prévoit, à l’article L. 131-11 que vous avez mentionné, la possibilité pour le préfet de prescrire ponctuellement des obligations légales de débroussaillement équivalentes après appréciation du risque d’incendie. Cette disposition qui est à la main des préfets n’est d’ailleurs peut-être pas suffisamment connue et mériterait d’être mieux explicitée auprès de l’ensemble des acteurs de terrain.