Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18, présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Cohen et Apourceau-Poly, MM. Bacchi et Bocquet, Mme Brulin, M. Gay, Mme Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias et Savoldelli et Mme Varaillas, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement de repli vise à supprimer les alinéas instaurant précisément un passe vaccinal.
Nous saluons, une fois de plus, les efforts de la commission des lois dans la recherche d’un compromis moins néfaste pour la sauvegarde de nos libertés publiques dans un temps de crise sanitaire qui plonge notre pays dans un état d’exception depuis près de deux ans.
Pourtant, le dispositif que propose notre rapporteur souffre, hélas ! de nombreuses faiblesses.
Il vise, tout d’abord, à conférer un caractère temporaire à ces nouvelles restrictions de liberté, dont l’usage est ainsi conditionné à la fois à un critère de fréquentation des services hospitaliers et à un critère de couverture vaccinale.
La première condition nous semble, en quelque sorte, faire le jeu du Gouvernement, qui légifère de manière intempestive pour pallier les carences du système hospitalier, dont il est lui-même à l’origine, notamment en raison des fermetures de lits. Je rappelle qu’il en a opéré 5 700 en pleine pandémie.
En outre, la prise en compte du manque de personnel pour justifier une telle mesure n’est pas opportune, car il existe des solutions pour redonner à ces professions du soin toute leur attractivité.
Quant à la couverture vaccinale – 80 % de la population bénéficiant d’un schéma vaccinal complet –, comment ce critère sera-t-il limité dans le temps alors que le schéma vaccinal lui-même semble être amené à fluctuer au fil des mutations du virus ? On peut certes espérer, avec les plus optimistes, que le variant omicron sera le dernier, mais c’est loin d’être certain.
Bref, tout cela est hypothétique et vous le savez sans doute mieux que nous. L’effort dialectique est donc considérable, mais il ne nous convainc absolument pas. Aucun argument ne pourrait nous convertir à ces mesures qui portent, une nouvelle fois, atteinte aux libertés publiques, à l’heure même où la Défenseure des droits alerte sur la restriction des libertés individuelles.
Mme la présidente. L’amendement n° 54 rectifié bis, présenté par Mmes Noël, Thomas et Muller-Bronn et MM. D. Laurent, Duplomb, Meurant et Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’alinéa 6 conditionne l’accès à certains établissements à la détention d’un justificatif de statut vaccinal, malgré les nombreuses promesses du Gouvernement de ne jamais recourir à un tel dispositif.
Cette exclusion assumée des citoyens non vaccinés est inacceptable. En instaurant un passe vaccinal, le Gouvernement entrave les libertés les plus fondamentales en se dotant d’un outil de discipline à l’égard de n’importe quel citoyen, en fonction de son statut vaccinal.
Le passe vaccinal s’appuie sur une triple hypocrisie.
Premièrement, dans la mesure où la vaccination n’est pas obligatoire, le choix d’une partie de nos concitoyens de ne pas y recourir ne saurait emporter une quelconque forme de déchéance de citoyenneté. On ne peut pas les sanctionner pour un choix qui ne constitue pas un délit. Sur ce sujet, comme sur bien d’autres, le « en même temps » vaccinal est un échec et une escroquerie ; il se traduit par la négation de toutes les valeurs de notre République.
Deuxièmement – faut-il le rappeler ? –, plus on a besoin du vaccin, moins on a besoin du passe vaccinal. Nous avons maintenant une connaissance plus fine de ce virus et nous savons que ce sont les sujets âgés ou atteints de comorbidités qui développent les formes les plus graves. La mortalité, faible en dessous de 50 ans, augmente progressivement chez les sujets âgés de plus de 65 ans, qui représentent plus de 80 % des décès. Croyez-vous vraiment que la mise en œuvre d’un quelconque passe vaccinal à l’entrée des discothèques, des parcs d’attractions, des piscines, des bibliothèques ou des bars poussera ces sujets fragiles à la vaccination ? Absolument pas !
Troisièmement, enfin, s’il s’agit de combattre l’épidémie et la propagation du virus, la présentation d’un test négatif se révélera bien plus efficace que celle de la preuve de l’administration d’un vaccin qui n’empêche ni d’être contaminé ni d’être contaminant.
Par cet amendement, je vous propose donc de vous opposer à ce dispositif de passe vaccinal inefficace et injuste.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis est défavorable sur les deux amendements.
Je signale à leurs auteurs qu’en supprimant la disposition qui crée le passe vaccinal, ils n’obtiennent qu’un seul résultat : faire revivre le passe sanitaire. Je suppose qu’ils le font en conscience et je salue donc leur évolution : ils étaient contre le passe sanitaire, ils sont maintenant pour ! Peut-être en ira-t-il de même dans trois mois pour le passe vaccinal ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable sur ces deux amendements, qui tendent à supprimer le passe vaccinal.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, nous sommes contre le passe vaccinal, mais nous sommes toujours opposés au passe sanitaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. Ce n’est pas ce que dit votre amendement !
M. Alain Houpert. Je regrette une chose : j’avais déposé un amendement visant à garantir que, en cas de mise en place d’un passe vaccinal sans que soit rendue obligatoire la vaccination, les gens souffrant d’effets secondaires soient indemnisés par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam). Cela avait été le cas à l’occasion de l’obligation de vaccination des soignants. Tous les soignants, comme moi-même, subissant des effets secondaires sont ainsi pris en charge par l’Oniam.
Il me semble donc qu’il existe une rupture d’égalité entre les soignants et les gens qui seront obligés de se vacciner sans que le mot « obligatoire » soit inscrit dans la loi et qui souffriront d’effets secondaires. Je rappelle que 177 000 cas ont été recensés au 3 octobre, dont 24 % sont graves.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 200, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par les deux alinéas suivants :
– le début du premier alinéa du 2° est ainsi rédigé : « 2° Subordonner à la présentation d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid- 19 l’accès des personnes âgées d’au moins seize ans à certains lieux… (le reste sans changement) : » ;
– le a du même 2° est complété par les mots : « , à l’exception des sorties scolaires pour lesquelles l’accès est subordonné à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid- 19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid- 19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid- 19 » ;
II.- Alinéas 10 à 17
Remplacer ces alinéas par les trois alinéas suivants :
– les dixième et avant-dernier alinéas sont remplacés par des 3° et 4° et trois alinéas ainsi rédigés :
« 3° Subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid- 19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid- 19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid- 19 l’accès, sauf en cas d’urgence, des personnes âgées d’au moins douze ans aux services et aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour les seules personnes accompagnant les personnes accueillies dans ces services et ces établissements ou leur rendant visite ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. La personne qui justifie remplir les conditions prévues au présent 3° ne peut se voir imposer d’autres restrictions d’accès liées à l’épidémie de covid- 19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l’accès à ces services et ces établissements que pour des motifs résultant des règles de fonctionnement et de sécurité, y compris sanitaire, de l’établissement ou du service ;
« 4° Subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid- 19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid- 19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid- 19 l’accès des personnes de douze à quinze ans aux activités mentionnées au a du 2° , lorsque celles-ci sont réalisées dans le cadre de sorties scolaires ou qu’elles relèvent d’activités périscolaires et extrascolaires. Les autres activités de loisir prévues au même a ainsi que celles mentionnées aux b à f du même 2° sont subordonnées à la présentation d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid- 19.
III.- Alinéa 44
Supprimer les mots :
lorsque le nombre d’hospitalisations liées à la covid- 19 est supérieur à 10 000 patients au niveau national, ou dans les départements où moins de 80 % de la population dispose d’un schéma vaccinal complet contre la covid- 19 ou dans lesquels une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence élevé de la maladie covid- 19,
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir les modalités d’application du passe vaccinal, que je vais détailler brièvement, pour certaines dans leur version adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.
Celles-ci concernent en particulier l’encadrement général de la mesure, son application aux mineurs, ainsi que le recours au passe sanitaire pour les réunions politiques.
Le Gouvernement partage la volonté du Sénat d’encadrer de la manière la plus équilibrée possible la mise en œuvre de ces outils nécessaires à la lutte contre l’épidémie ; les évolutions du projet de loi en témoignent.
Néanmoins, ainsi que nous avons commencé à en débattre avant la suspension, il n’est pas souhaitable, selon nous, de fixer dans la loi des critères chiffrés pour l’application du dispositif. L’actualité nous l’a montré et nous le montre encore jour après jour : des records de contamination sont battus chaque jour et l’épidémie change régulièrement de nature.
Nous devons disposer de la réactivité nécessaire à la lutte contre l’épidémie, c’est là un enseignement que nous avons tiré de l’expérience, en toute humilité. (M. le rapporteur s’exclame.) Oui, monsieur le rapporteur, c’est un principe qui nous a guidés, les uns et les autres, depuis deux ans.
La territorialisation des mesures se heurte aux nécessaires déplacements des personnes entre départements – nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre en ces murs – que le projet de loi vise précisément à sanctuariser.
Vous le savez, le passe vaccinal est la solution la plus à même de nous prémunir de restrictions plus importantes encore des libertés.
Pour ces raisons, le Gouvernement estime que l’encadrement du recours à ce dispositif est poussé à son maximum dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, à laquelle je vous propose donc, par cet amendement, de revenir.
Pour les mêmes raisons, le recours au passe sanitaire, et non pas vaccinal, pour la tenue de réunions politiques, ne peut être conditionné à de tels critères stricts et rigides, qui ne permettent pas une adaptation rapide des moyens de lutte contre l’épidémie. Vous serez sans doute d’accord pour me rejoindre sur ce point.
Enfin, le Gouvernement estime que le dispositif adopté par l’Assemblée nationale à la quasi-unanimité – sauf erreur de ma part, seules deux voix ont manqué – opère une conciliation équilibrée, s’agissant des mineurs. Ceux-ci méritent une attention particulière, et je suis bien placé pour défendre ce point de vue.
Il est en effet nécessaire de garantir leur accès à des activités indispensables à leur développement, comme les sorties scolaires ou les activités périscolaires et extrascolaires, d’une part, et de prévoir un dispositif de passe vaccinal suffisamment homogène et protecteur pour leur santé, d’autre part.
L’objet du présent amendement est donc de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale sur ces trois points.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis est défavorable. (Mme Catherine Belrhiti applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 182 rectifié, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 6, 13 et 44
Supprimer les mots :
lorsque le nombre d’hospitalisations liées à la covid-19 est supérieur à 10 000 patients au niveau national, ou dans les départements où moins de 80 % de la population dispose d’un schéma vaccinal complet contre la covid-19 ou dans lesquels une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence élevé de la maladie covid-19,
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Ce que nous propose notre rapporteur, et qui a été soutenu par la commission, consiste à créer un automatisme de disparition de la réglementation du passe vaccinal, en fonction du franchissement de certains chiffres d’évolution de la pandémie.
Il s’agit d’un système d’automatisme incomplet, puisque l’on prétend créer, par la loi, une abrogation immédiate de décrets comportant de nombreuses dispositions, sur la simple base de la survenue d’un simple chiffre. Il s’agirait, par exemple, du taux d’incidence dans un département ou du nombre de personnes hospitalisées au niveau national.
Qui devra constater ce chiffre ? Comment sera-t-il vérifié ? Quelle est la date de l’obligation d’abrogation du décret ? Qui en a la responsabilité ? Rien de cela n’est prévu.
Le système est en outre anormalement rigide, puisque, aux termes de ce dispositif, avec 9 900 personnes hospitalisées pour covid, on ne peut plus appliquer cette mesure nationalement, alors que, si huit jours après, on remontait à 10 100 personnes infectées à l’hôpital, alors il faudrait tout rétablir. Ce n’est évidemment pas du tout fonctionnel.
Enfin, cette rédaction crée une mosaïque totalement irréaliste en entendant appliquer le décret sur le passe vaccinal dans un département, dès lors que celui-ci connaît une proportion définie de contaminations, et de le faire disparaître lorsque l’on change de chiffre. Tous les éléments de la vie quotidienne de nos compatriotes, qui les conduisent à se déplacer d’un département à un autre, en seraient évidemment perturbés.
Il me semble que cela a été conçu de manière trop artificielle, avec l’objectif politique de manifester une différence avec le Gouvernement. Il vaut beaucoup mieux conserver la méthode réaliste que le rapporteur a défendue, par exemple, à propos de la capacité des stades, et s’en tenir au texte actuel, lequel prévoit la disparition du dispositif dès lors que celui-ci n’est plus nécessaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes de Cidrac, Belrhiti et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa, Cardoux, Lefèvre, Longeot et Menonville et Mme Puissat, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 13
Remplacer les mots :
Lorsque le nombre d’hospitalisations liées à la covid-19 est supérieur à 10 000 patients au niveau national, ou dans les départements où moins de 80 % de la population dispose d’un schéma vaccinal complet contre la covid-19 ou dans lesquels une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence élevé de la maladie covid-19
par les mots :
En cas de circulation active du virus de nature à déstabiliser le système hospitalier, mesurée par un taux national de déprogrammation des opérations chirurgicales supérieur à 30 %
La parole est à Mme Marta de Cidrac.
Mme Marta de Cidrac. L’article 1er du présent projet de loi vise à transformer le passe sanitaire en passe vaccinal, plus restrictif. Lors des débats en commission des lois, un amendement du rapporteur a permis de définir des critères d’extinction de ce dispositif.
Le présent amendement tend à simplifier ces critères et à fonder l’extinction du passe vaccinal sur le taux de déprogrammation des opérations. Le taux de 30 % retenu correspond au deuxième stade sur les quatre définis par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), permettant de se fonder sur un critère objectif, tout en protégeant les soins hors covid, dont les bénéficiaires sont des victimes collatérales de cette épidémie.
Mme la présidente. L’amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Chantrel, Sueur, Jomier et Kanner, Mme Lubin, M. Leconte, Mmes Rossignol et de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche et Marie, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Le Houerou, Jasmin, Meunier et Poumirol, MM. Antiste et Assouline, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mmes Briquet, Carlotti et Conway-Mouret, MM. Cozic, Féraud, Jacquin, Lurel, Mérillou, Michau et Montaugé, Mme S. Robert, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
Lorsque le nombre d’hospitalisations liées à la covid-19 est supérieur à 10 000 patients au niveau national, ou dans les départements où moins de 80 % de la population dispose d’un schéma vaccinal complet contre la covid-19 ou dans lesquels une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence élevé de la maladie covid-19
par les mots :
En cas de circulation active du virus de nature à déstabiliser le système hospitalier, mesurée par un nombre de personnes hospitalisées en raison de la covid-19 supérieur à 12 000 sur les sept derniers jours, constaté sur le territoire national,
II. Alinéa 13
Remplacer les mots :
Lorsque le nombre d’hospitalisations liées à la covid-19 est supérieur à 10 000 patients au niveau national, ou dans les départements où moins de 80 % de la population dispose d’un schéma vaccinal complet contre la covid-19 ou dans lesquels une circulation active du virus est constatée, mesurée par un taux d’incidence élevé de la maladie covid-19
par les mots :
En cas de circulation active du virus de nature à déstabiliser le système hospitalier, mesurée par un nombre de personnes hospitalisées en raison de la covid-19 supérieur à 12 000 sur les sept derniers jours, constaté sur le territoire national
La parole est à M. Yan Chantrel.
M. Yan Chantrel. Cet amendement est très simple ; il repose sur l’argumentation du Gouvernement depuis le début de cette pandémie, laquelle justifie toutes les mesures d’exception prises, comme le passe vaccinal, par l’engorgement – que dis-je ! –, par la saturation de nos hôpitaux. C’est votre point central.
Je rappelle au passage que vous portez une grande part de responsabilité dans la situation d’engorgement de nos services hospitaliers : vous avez supprimé de nombreux lits depuis 2017, et vous avez continué à le faire, même en pleine pandémie.
Le critère fondé sur le nombre d’hospitalisations donne une perspective claire. Il me semble en effet qu’il est très important de présenter à nos compatriotes une issue sur la base de critères précis : ici, non pas 10 000, mais 12 000 sur une durée de sept jours. En effet, si l’on atteint 10 000 un jour, et que le chiffre monte ou descend le lendemain, ce n’est pas clair. Nous devons donc choisir une période.
À partir de 12 000 hospitalisations sur une période de sept jours, nous entrons dans une vague. Examinons le chiffre choisi dans la rédaction de M. le rapporteur : au mois d’août, il y a eu 11 000 hospitalisations pendant deux semaines. On aurait alors dû remettre le passe en vigueur pour deux semaines seulement. Ce n’est pas possible : les critères de sortie de ces mesures d’exception doivent être clairs et précis et offrir ainsi une véritable issue.
Dès lors que vous entraînez nos concitoyens dans cette disposition avec un objectif clair de sortie, nous pourrons faire l’effort, collectivement, de nous vacciner, et encourager nos compatriotes à le faire. Pour cela, il faut prévoir un système de sortie quantifiable et vérifiable. C’est cela que permet ce critère de 12 000 hospitalisations sur sept jours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 182 rectifié rejoint, sur des points essentiels de la position de la commission, l’amendement présenté à l’instant par M. le secrétaire d’État, nous ne pouvons donc pas l’accepter.
L’amendement n° 6 rectifié présente une difficulté majeure : il tend à introduire le critère du taux de déprogrammation, mais ce taux, comme instrument statistique, n’existe pas. Vous ne pouvez donc pas fonder le passe vaccinal sur la mesure du nombre de déprogrammations, laquelle n’est pas opérée.
En général, on nie l’existence même des déprogrammations, ce qui est très surprenant, puisque celles-ci ont bien lieu. Il y a des degrés d’urgence différents pour les interventions chirurgicales programmées.
Je suis, moi aussi, très sensible au fait que l’hôpital ne doit pas voir la pression s’accentuer sur lui avant d’avoir repris un mode de fonctionnement normal, c’est-à-dire avant d’avoir réalisé toutes les interventions chirurgicales qui auront été déprogrammées, nous en avons d’ailleurs déjà longuement débattu. Toutefois, je ne sais pas le mesurer avec l’instrument que vous proposez.
La seule manière d’en tenir compte, à mon sens, est de fixer un bon seuil en deçà duquel on ne doit pas supprimer le passe vaccinal. S’il y a encore, mettons 11 000, 12 000, 15 000, 20 000 personnes hospitalisées pour covid-19, la situation de l’hôpital, qui est largement exsangue aujourd’hui, entraîne des déprogrammations.
En revanche, si l’on descend au-dessous de 10 000, avec une capacité hospitalière de 400 000 lits, on peut raisonnablement considérer que les opérations déprogrammées auront pu avoir lieu.
Il s’agit, à mes yeux, de manière approximative, du meilleur moyen d’atteindre l’objectif visé par les auteurs de cet amendement. Madame de Cidrac, l’avis de la commission est donc défavorable sur votre amendement. Si nous l’adoptions, il ne serait pas applicable et nous perdrions l’avantage d’une mesure qui le serait, même s’il faut bien reconnaître qu’elle est un peu approximative.
Enfin, je ne peux pas non plus émettre un avis favorable sur l’amendement n° 77 rectifié, qui tend à prendre pour seul critère le nombre de personnes hospitalisées pour justifier du maintien ou non du passe vaccinal.
Il faut faire attention : si l’on attend qu’un certain nombre de personnes soient hospitalisées pour mettre en application ce dispositif, on risque justement de ne pas prévenir l’engorgement de l’hôpital en l’appliquant un peu plus tôt.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a inscrit trois critères : le nombre d’hospitalisations au plan national, la vitesse de circulation du virus au plan local, mais aussi le nombre de personnes vaccinées au plan local. Quand beaucoup de gens sont vaccinés et que le virus circule peu, si l’hôpital n’est pas sous une tension excessive au plan national, alors le passe vaccinal doit être automatiquement supprimé. Telle est la logique de la position de la commission, à laquelle nous nous tenons.
L’avis est donc défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’amendement du Gouvernement ayant recueilli un avis défavorable et n’ayant pas été voté par le Sénat, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 182 rectifié. Même s’il ne restaure pas totalement la version adoptée par l’Assemblée nationale, ainsi que nous entendions le faire par notre amendement, celui-ci en partage l’esprit.
À l’inverse, l’avis est défavorable sur les amendements nos 6 rectifié et 77 rectifié. Nous ne partageons pas la logique de critères qu’a adoptée la commission ; ces amendements visent à faire varier ces critères, nous ne pouvons pas l’accepter, l’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. La discussion qui vient d’avoir lieu me semble un peu surréaliste. Beaucoup parmi nous, y compris notre rapporteur Philippe Bas et nombre de mes collègues sénateurs, constatent la limite, pour ne pas dire plus, du vote d’un nouveau passe, cette fois-ci vaccinal.
Chacun d’entre nous se demande comment faire en sorte que le Gouvernement ne puisse pas décider lui-même de supprimer ce dispositif ou de repasser devant le Sénat ou l’Assemblée nationale pour cela. Personne, en outre, n’est persuadé que cette mesure emportera un effet sur la propagation du virus ou sur la situation sanitaire de la France.
Chacun propose donc des critères pour assurer une automaticité de l’arrêt du passe vaccinal. Je comprends bien la démarche et je l’approuve, mais les critères choisis sont disparates, certains d’entre eux s’appuient sur des informations qui ne sont pas partagées, d’autres établissent une territorialisation alors même que cela est compliqué à appliquer d’un département ou d’une ville à l’autre avec des critères qui ne sont pas fixes.
Nous venons, en réalité, de prouver par l’absurde, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, que le passe vaccinal n’est réellement pas approprié à notre situation, qu’il ne répond à aucun caractère d’urgence ni même d’utilité dans la lutte de nos concitoyens contre la propagation du virus.
Je n’étais pas d’accord avec la rédaction de la commission et je ne voterai aucun de ces trois amendements. Je forme le vœu que ces débats nous persuadent de ne finalement pas voter ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour explication de vote.
Mme Marta de Cidrac. Merci, monsieur le rapporteur, de toutes les explications que vous avez données s’agissant de l’amendement que j’ai déposé. J’avais besoin de vous entendre sur le sujet de la déprogrammation dans les hôpitaux, qui me semble être un critère indispensable à prendre en considération dans cette période de pandémie.
Pour autant, vous m’avez convaincue et je suis tout à fait rassurée sur les trois critères que la commission des lois a introduits, concernant notamment le nombre de lits d’hospitalisation.
Je retire donc l’amendement n° 6 rectifié.