Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. Madame la ministre, le sujet du Ségur de la santé est important pour tous les départements. Étant pour ma part élue du Doubs, j’ai pris attache avec la présidente du département et avec le directeur général des services, afin de disposer de remontées de terrain quant à l’application des mesures prises dans le cadre du Ségur de la santé.
Pour l’heure, seuls les personnels soignants travaillant dans des établissements et services de santé relevant du financement de l’assurance maladie sont concernés par ces revalorisations salariales.
Or ces professionnels côtoient au quotidien des personnels socio-éducatifs, administratifs et techniques, et leurs échanges révèlent des disparités de rémunérations qui aggravent les tensions au sein des équipes et suscitent un sentiment d’injustice, d’incompréhension et de colère.
Madame la ministre, comment entendez-vous assurer une cohérence de rémunération entre les salariés d’une même entité ? Par quels moyens envisagez-vous d’instaurer le nécessaire dialogue entre les organismes financeurs de ces structures, l’État, les ARS, les départements et, plus largement, les collectivités et les associations ?
Par ailleurs, la même disparité salariale existe entre les personnels des structures associatives et publiques. Quelles dispositions nationales d’harmonisation comptez-vous prendre pour éviter la fuite des travailleurs d’un secteur vers l’autre ?
Enfin, les départements souhaitent disposer des modalités concrètes et d’un calendrier précis pour éviter toute disparité entre départements, structures employeuses et différentes catégories de personnels.
Pour conclure, tout en saluant les mesures de revalorisation salariale, je tiens à ajouter que la question du bien-être au travail ne doit pas être oubliée. La gestion des établissements est désormais financière avant d’être organisationnelle. Un métier attractif suppose certes une reconnaissance salariale, mais également un cadre d’exercice qui permette de se sentir bien au travail.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Annick Jacquemet, vous m’interrogez vous aussi sur le calendrier. Je vous remercie pour cette question qui me permet de rappeler ce que j’ai expliqué concernant ces différentes catégories de professionnels du médico-social et du champ social qui ont des employeurs différents, et relèvent donc de conventions différentes.
Depuis les accords du Ségur, nous sommes allés d’extension en extension et avons même élargi le périmètre prévu initialement.
S’agissant des aides à domicile, le calendrier a été fixé au travers de l’avenant 43 : l’accord est entré en vigueur en octobre 2021, si bien que la revalorisation est effective depuis la fin de l’année. Les aides à domicile ont pu constater la hausse de leurs salaires dès le 1er novembre dans les départements qui se sont engagés dans cette démarche.
Le financement est disponible, puisque des dispositions ont été prises immédiatement pour compenser les efforts consentis par les départements, mais le calendrier relève désormais des seules décisions départementales. Il en est de même pour le relèvement du tarif national socle et la dotation « qualité ».
Comme je l’indiquais précédemment, la légitime revalorisation salariale des autres catégories de personnels que vous citez, madame la sénatrice, exigera un travail complexe sur les grilles salariales et les conventions en concertation avec les départements. Le calendrier sera donc naturellement fixé en lien avec ces derniers.
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, près de deux ans après le début de la crise sanitaire, nous avons ce débat sur les oubliés du Ségur de la santé, toutes ces professions que vous avez négligées et que vous revalorisez désormais au compte-gouttes, quand leur importance pour notre système de soins vous revient en mémoire.
Au-delà de ces oubliés, je souhaite aborder avec vous, et de façon plus générale, les oublis du Ségur de la santé.
Ce dernier avait pour objectif d’améliorer et de revaloriser la carrière des personnels soignants de notre pays, mais il n’a apporté qu’une réponse partielle, seulement financière et en définitive insuffisante aux problématiques beaucoup plus globales que pose notre système de santé.
Aujourd’hui, la sécurité des patients est quotidiennement menacée. On assiste à de nombreux départs de soignants, écœurés par leurs conditions de travail. Or c’est avant tout le manque de lits, de moyens et de personnel qui est pointé du doigt.
Aujourd’hui, à l’hôpital, les considérations financières priment la qualité de la prise en charge des malades.
Les besoins spécifiques de chaque territoire ne sont pas pris en compte, si bien que, pour remédier au manque d’attractivité des carrières hospitalières, les hôpitaux doivent bien souvent faire appel à des intérimaires pour « boucher les trous », si vous me permettez cette expression. Or ces intérimaires coûtent très cher aux hôpitaux, certains percevant jusqu’à 2 500, voire 3 000 euros pour une garde de vingt-quatre heures.
Un plafonnement de ces rémunérations était prévu, mais il n’a toujours pas pu être mis en place, et pour cause : face à la pénurie de médecins, les hôpitaux, notamment les plus petits, ne peuvent pas se passer de l’intérim.
Nous nous interrogeons, madame la ministre : quand allons-nous changer de logique et faire passer l’intérêt des patients avant les intérêts financiers ? Quelle politique précise entendez-vous mettre en place pour restaurer durablement les carrières hospitalières et consolider notre système hospitalier ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Poumirol, la santé est un sujet de préoccupation majeur. En ces temps de pandémie, je ne crois pas que l’on ait fait passer la santé après des intérêts particuliers ou privés. Nous l’avons même placée au premier rang de nos priorités.
Je ne dis pas que tout va bien pour autant – vous ne m’entendrez jamais dire cela –, mais j’estime qu’il serait bon d’admettre que du chemin a été parcouru. Les chiffres le montrent, et ils sont têtus.
M. Julien Bargeton. Tout à fait !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) que nous avons créées sont un instrument de maillage des territoires. Elles proposent un mode d’exercice attractif pour les professionnels libéraux, comme le montre la dynamique de leur déploiement.
Si nous souhaitons doter les territoires des moyens de lutter contre les déserts médicaux, nous devons proposer un mode d’exercice qui attire les professionnels de santé. Or aujourd’hui, ces derniers – vous le savez comme moi – aspirent à travailler en équipe. Les jeunes ont envie de s’installer, non pas seuls en cabinet, mais dans des maisons de santé pluridisciplinaires ou des cabinets partagés. Je suis bien placée pour le savoir car, dans le territoire rural dont je suis élue, nous nous battons depuis des années pour faire avancer les choses.
Nous avons augmenté puis supprimé le numerus clausus. Instauré dans les années 1970 comme un faux levier de régulation des dépenses de santé, celui-ci est à l’origine de la pénurie de médecins que connaît notre pays aujourd’hui.
Grâce à la suppression de ce numerus clausus, plus de 10 500 étudiants de médecine suivent actuellement leur deuxième année de formation. Malheureusement, les effets de cette mesure ne se voient pas tout de suite. Nous les constaterons sur le long terme.
Nous avons également mis l’accent sur le numérique dans toutes les dimensions de la santé. La crise de la covid-19 a démontré que ce n’est pas un gadget : au contraire, le numérique a été très utile, car il a rendu possibles des modalités de prise en charge qui ont permis de maintenir l’accès des patients aux professionnels de santé. Nous sommes passés de 10 000 à 1 million de téléconsultations en quelques semaines. Nous avons tout fait pour lever les obstacles inutiles et faciliter le développement de la télésanté.
J’évoquerai enfin un autre axe d’action très important : nous sommes allés au-delà des frontières posées par les corporatismes pour pouvoir utiliser au maximum les compétences des professionnels de santé. Nous avons créé des protocoles de coopération et instauré des pratiques avancées permettant à chacun d’exercer l’intégralité de ses compétences, tout en s’affranchissant des conservatismes habituels.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Madame la ministre, la cinquième vague est là, vous le savez. Il est impossible de le nier, tout comme il est impossible d’en minorer l’importance : il n’y a qu’à observer l’afflux massif de nos concitoyens pour se faire tester, l’augmentation démesurée des contaminations dans un temps record, ou la crainte pérenne pour beaucoup que cette période extraordinaire soit vouée à devenir ce qu’il y a de plus ordinaire.
En coulisse, on voit des médecins, des urgentistes, des infirmiers, des ambulanciers, et j’en passe, épuisés et méprisés.
La cinquième vague est là. Pourtant, l’hôpital va encore plus mal qu’au début de cette pandémie. Il meurt chaque jour un peu plus au gré de l’absence de décisions fortes et courageuses.
À titre d’exemple, les professionnels médicaux et les soignants de l’hôpital d’Antibes ne cessent d’attirer mon attention sur la reconnaissance insuffisante du travail de nuit et la sous-valorisation de la permanence des soins, alors qu’ils sont au cœur de la bataille contre la covid-19, à l’exemple des services d’urgence, de réanimation ou encore de médecine.
Certes, le Ségur de la santé a débouché sur un plan d’investissement dont nous ne pouvons que nous féliciter. Toutefois, l’hôpital français souffre d’un mal plus profond que la crise n’a fait que mettre en lumière. La multiplication des plans blancs, notamment dans mon département des Alpes-Maritimes, ne saurait masquer la multiplicité des défaillances dont l’hôpital est victime.
Dès lors, plusieurs questions pourtant simples demeurent en suspens, madame la ministre.
Qu’en est-il de la formation des infirmiers, alors qu’il est essentiel de « réarmer » les lits de réanimation – encore faut-il qu’il y en ait assez ! – occupés par nos concitoyens touchés gravement par le virus ?
Comment expliquez-vous qu’en pleine pandémie ait été annoncé un retard dans la publication des décrets réformant les statuts et les conditions d’exercice des praticiens hospitaliers ? Vous n’êtes pourtant pas sans savoir combien il est nécessaire d’améliorer l’attractivité des professions médicales.
Madame la ministre, l’hôpital public va mal – nous en sommes tous conscients : les déprogrammations s’enchaînent, s’apparentant à une bombe à retardement en termes de santé publique. Ma dernière question est en conséquence très simple : que comptez-vous faire pour éviter une saturation mortifère de nos hôpitaux à chaque pic épidémique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Je vous remercie de votre question, ou plutôt de votre réquisitoire, madame la sénatrice.
Je tiens tout d’abord à remercier les professionnels de santé de l’effort continu qu’ils fournissent. Malgré les vagues successives, notre hôpital a tenu, madame, et j’y insiste. J’estime que nous devrions tous nous en féliciter.
Vous avez évoqué la question de la permanence des soins. Je rappelle que nous avons doublé les heures supplémentaires ainsi que le temps de travail additionnel pour les médecins, et que nous avons mobilisé les libéraux.
Compte tenu de l’ampleur des revalorisations salariales que je viens de mentionner, du nombre de personnes concernées – qui n’avaient pas bénéficié de hausse de salaire depuis des années –, des milliards d’euros que nous consacrons aux investissements dans l’hôpital et des reprises de dettes, ce que vous venez de dire est tout de même un peu fort de café. C’est en tout cas difficile à entendre.
Vous relevez les mauvais points sans jamais donner un signe d’espoir à des personnels qui, en ce moment, ont pourtant besoin d’être réconfortés et encouragés.
Je ne sais pas si vous les visitez, madame, mais quand je me rends dans les hôpitaux et les Ehpad, les personnels nous remercient. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ils sont épuisés mais reconnaissants. Surtout, ils en ont assez de ce type de discours. (Mêmes mouvements.)
Au moment où nous travaillons sur l’attractivité des métiers hospitaliers, pensez-vous qu’un discours aussi misérabiliste que celui que vous tenez puisse nous aider ? Je vous assure que non, car ces personnels ont besoin d’être encouragés.
Je ne dis pas que nous avons tout fait parfaitement. Certains personnels revendiquent d’ailleurs légitimement de nouvelles améliorations. En revanche, tout ce que nous avons fait, vous ne l’aviez pas fait auparavant – je sais que vous êtes bien placée pour le savoir. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Vous avez tous une part de responsabilité à assumer dans le manque actuel de médecins.
En tout état de cause, cessez de mettre la responsabilité de l’ensemble des problèmes de l’hôpital sur le dos du gouvernement actuel, qui, de plus, fait face à une pandémie mondiale – ce qui, à ma connaissance, ne vous est jamais arrivé.
Je tenais à remettre les choses dans leur contexte. À ce sujet, je suis étonnée que vous n’évoquiez pas les oubliés du Ségur…
Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, madame la ministre. J’ai pourtant été généreuse, puisque je vous ai laissé vingt-huit secondes supplémentaires, mais nous devons poursuivre le débat.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au nom de tous les élus de la Guadeloupe réunis ce jour, je souhaite exprimer mon soutien inconditionnel au directeur général du CHU de Guadeloupe et de ses collaborateurs qui ont été agressés hier soir au sein même de l’établissement public de santé. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST, RDSE, RDPI, UC et Les Républicains.) Je vous remercie de votre soutien, mes chers collègues.
Madame la ministre, je concentrerai mon propos sur la situation des établissements privés à but non lucratif et le secteur associatif, particulièrement ceux qui prennent en charge les personnes en situation de handicap.
Les nombreuses vagues de la crise sanitaire en outre-mer ont mis en évidence, davantage que dans l’Hexagone, les insuffisances structurelles de l’offre de soins dans ces territoires.
En effet, les problématiques spécifiques de santé publique en outre-mer entraînent des surcoûts importants pour les établissements sanitaires et médico-sociaux. Ces difficultés se sont accentuées ces dernières années.
De ce fait, la non-revalorisation salariale de soignants et de non-soignants du secteur médico-social dans le cadre du Ségur de la santé suscite un sentiment d’abandon et crée une concurrence déloyale entre les établissements et entre les secteurs d’activité.
Cette situation est à l’origine de difficultés considérables de recrutement, particulièrement pour les employeurs privés et les associations. Elle provoque également des tensions entre les salariés du fait des différences de statut ou de convention collective, ce qui induit dans certains cas des ruptures de prise en charge pour les patients, particulièrement les personnes les plus vulnérables.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour rétablir une équité salariale entre les différents personnels et garantir l’égalité d’accès à une offre de soins de qualité pour les usagers dans les outre-mer ? J’attends une réponse concrète.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. C’est un vaste sujet à traiter en deux minutes…
Les accords du Ségur ont pris en compte le cas du secteur privé lucratif et non lucratif dès le départ puis au fil des évolutions successives de périmètre. Nous avons également pris en considération les secteurs que vous avez évoqués, et nous avons échangé avec les fédérations représentant les établissements concernés, notamment sur les modalités de financement.
Des mécanismes de péréquation ont été mis en place pour répartir au mieux ces financements, même si les besoins ne sont pas toujours couverts intégralement – mais dans certains cas, les moyens sont au contraire trop importants.
Quoi qu’il en soit, les enveloppes incluses dans l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour financer les mesures du Ségur sont au bon niveau pour chacun des acteurs et des secteurs. Il convient ensuite de les répartir de manière adéquate entre les établissements en fonction de l’activité sanitaire.
S’agissant des investissements, les établissements du secteur privé peuvent également en bénéficier. En revanche, aucune reprise de dettes n’est envisageable, dans la mesure où ces établissements peuvent appartenir à des fonds d’investissement.
Toutefois, les montants des enveloppes allouées pour l’investissement ne sont pas les mêmes, d’une part, parce que le secteur public est le plus important en termes d’offre de soins et, d’autre part, parce qu’il comprend les plus gros établissements. Le chantier du CHU de Pointe-à-Pitre, qui est en cours, représente par exemple un investissement de plus de 600 millions d’euros, financés à 100 % par l’État.
S’agissant des formations, comme cela était prévu dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche ont lancé une mission à l’automne 2021 pour juger de l’opportunité et définir les conditions de mise en œuvre d’une faculté de médecine de plein exercice aux Antilles. Aujourd’hui, les étudiants en médecine peuvent débuter leur premier cycle en outre-mer et y revenir en tant qu’internes, mais ils doivent effectuer leur deuxième cycle en métropole.
Les universités et les centres hospitaliers universitaires ont mené un travail sur les conditions d’enseignement et d’accueil en stage des étudiants lors de leur parcours de formation pris dans son intégralité. L’ensemble des acteurs locaux ont été auditionnés par la mission, dont les conclusions seront remises au Gouvernement dans les prochaines semaines. Ainsi, nous pourrons déterminer rapidement le calendrier de mise en œuvre de cette faculté de plein exercice aux Antilles.
Madame la sénatrice, soyez assurée de notre détermination à faire aboutir ce projet, car nous partageons votre préoccupation : les professionnels de santé doivent être formés au plus près des territoires, là où les besoins de santé sont les plus importants.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Madame la ministre, la France est malade, et pour tenter de la soigner, votre gouvernement a réuni un Ségur de la santé. Il fallait en effet pallier des décennies de carence – je vous accorde que vous n’êtes pas responsable de la situation dans son ensemble.
J’ai toutefois l’impression que l’on reproduit les mêmes erreurs, madame la ministre, car – c’est le thème de notre soirée – il y a des oubliés, il y en a même des paquets, notamment dans le secteur médico-social.
Ma question est simple, madame la ministre : où en est le fameux projet de loi Autonomie dont on a entendu parler au début du quinquennat, et que comptez-vous faire, notamment pour les Ehpad ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Belin, je vous répondrai rapidement sur le Ségur de la santé, afin d’évoquer plus longuement les Ehpad.
On parle toujours des oubliés du Ségur ; or le Ségur s’est adressé à tous ceux que l’on avait oubliés avant. À l’inverse de ce que vous semblez croire, monsieur le sénateur, le Ségur répare ces injustices. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous avez évoqué le manque de places en Ehpad, et vous m’avez interrogée sur ce que nous comptions faire.
Nous disposons de 7 500 Ehpad en France. Si l’on y ajoute les résidences autonomie, nous disposons d’environ 15 000 établissements pour personnes âgées, soit une capacité de plus de 600 000 places.
Les fédérations d’Ehpad, avec lesquelles j’échange toutes les semaines en visioconférence depuis le début de la crise sanitaire, me signalent que les établissements n’ont plus de liste d’attente, et que parfois, ils disposent de places disponibles. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Belin. Mais bien sûr !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, vous semblez prétendre les connaître mieux que moi, alors que je m’entretiens chaque semaine avec les représentants du secteur, non pas seulement le directeur de l’établissement qui se trouve au coin de ma rue, mais les directeurs des établissements de la France entière. Je relaie modestement leurs propos.
En revanche, les Ehpad souffrent d’un manque de soignants en raison, d’une part, de la perte d’attractivité de leur métier et, d’autre part, d’un manque cruel d’investissement. Nous sommes en train de remédier à cette situation puisque, dans le cadre du Ségur de la santé – dont je rappelle qu’il comporte également un volet investissements –, nous leur allouons une enveloppe de 2,1 milliards d’euros.
Monsieur le sénateur, aujourd’hui, ces établissements me donnent envie de fuir quand je les visite. Croyez-moi, je n’en tire aucune fierté. Certains ont été restaurés par endroits, mais sur les quinze dernières années, nous n’avons rénové au total que 20 % des établissements.
Je salue d’ailleurs le personnel qui travaille dans ces infrastructures, car bonjour la qualité ! On y trouve encore des chambres doubles, et parfois, une seule douche pour vingt-cinq résidents. Cela ne choquait personne jusqu’à présent : c’est bizarre, il a fallu une crise pour qu’on en parle… (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
En ce qui me concerne, dès ma nomination à la présidence de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en 2017, j’ai demandé la constitution d’une mission d’urgence sur les Ehpad, car je savais qu’il y avait un problème. Je n’ai pas attendu la crise sanitaire ni même le Ségur de la santé pour m’emparer de ce sujet.
Désormais, nous investissons. Nous avons identifié avec les ARS les établissements dans lesquels il était le plus urgent d’intervenir. (M. Bruno Belin manifeste son impatience en désignant sa montre.) Souhaitez-vous oui ou non que je vous réponde, monsieur Belin ?
Voix sur les travées du groupe Les Républicains. Le temps de parole est le même pour tout le monde !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Aujourd’hui, nous prenons résolument ce virage qui nous permettra de moderniser nos Ehpad et d’en ouvrir de nouveaux. Il y va de la qualité de vie au travail des soignants et de la qualité de vie des résidents et des familles.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Belin, pour la réplique.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, vous avez cherché à revenir en arrière et tenté de faire peser sur je ne sais qui la responsabilité d’une situation que vous auriez découverte. Cela démontre bien que vous connaissiez mal le sujet. (Mme la ministre déléguée proteste.)
La météo d’hier n’intéresse personne. Ce qui compte, c’est ce que l’on va faire ou ce que vous devez faire.
M. Bruno Belin. Or vous ne faites preuve d’aucune prévoyance en matière de grand âge. (Mme la ministre déléguée s’agace.) Madame la ministre, ayez au moins la courtoisie de m’écouter !
M. Bruno Belin. Six millions d’habitants de ce pays ont plus de 80 ans, 15 % d’entre eux vivront dans la dépendance.
Aujourd’hui, aucune place n’est prévue dans aucun programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (Priac), ni pour les personnes âgées ni pour les personnes handicapées.
M. Bruno Belin. J’y insiste, aucune création de postes n’est prévue, dans aucun Priac.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il est prévu de créer 10 000 postes ! Vous ne savez rien.
M. Bruno Belin. Madame la ministre, il y a sur ces travées au moins trois présidents de départements qui connaissent le sujet des Ehpad aussi bien que vous.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. 10 000 postes ! Avez-vous seulement lu le projet de loi de financement de la sécurité sociale ?
M. Bruno Belin. Madame la ministre, gardez votre calme ! Votre attitude est une preuve de faiblesse, ce qui est regrettable. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cela montre que vous ne comprenez rien et que vous ne savez rien !
M. Bruno Belin. Et puisqu’il faut aussi parler de l’hôpital ce soir, le gouvernement auquel vous appartenez a décidé d’instaurer un forfait pour les personnes qui se rendent aux urgences.
Dans les territoires ruraux, dans les territoires sans médecin – parce que vous n’avez pas encore réglé cette question –,…
M. Bruno Belin. … il serait souhaitable que ce forfait ne s’applique pas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la ministre déléguée s’indigne.)
Madame la présidente, l’attitude de la ministre n’est pas respectueuse de notre assemblée !
M. Bruno Belin. Ça suffit !
Mme la présidente. Monsieur le sénateur, je prends acte de votre observation. (Mme la ministre déléguée redouble d’indignation.) Madame la ministre, il ne s’agit pas d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale. Faisons en sorte de poursuivre dans la sérénité.