M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Monsieur Salmon, je ne peux qu’être défavorable à cette demande de suppression du principal article de la proposition de loi.
Vous dénoncez le risque de mitage des territoires agricoles et naturels ainsi que le risque de changements excessifs de destination. Or, soyons clairs, ce n’est pas parce que l’on autorise, dans certains cas très encadrés, des constructions nouvelles en bordure de village que vont soudainement apparaître des lotissements à perte de vue !
Ce que l’on veut, c’est donner aux communes la capacité de répondre, chaque année, à une ou éventuellement deux demandes d’installation d’une famille, afin que ces villages retrouvent vie. Voyez bien à quels territoires nous avons affaire, on parle de territoires en déprise démographique ! (Marques d’approbations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Guillaume Gontard. Et alors ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Il n’y aura pas de mitage, car nous avons prévu l’exigence de continuité avec l’espace déjà urbanisé, de compatibilité avec l’activité agricole et d’un avis de la CDPENAF.
Il ne me paraît pas excessif de vouloir donner une nouvelle vie aux 140 000 corps de ferme à l’abandon en France, qui tombent chaque jour un peu plus en ruine et qui ont besoin de ces souplesses et de ces autorisations. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe Les Républicains – M. Pierre Louault applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je l’ai déjà indiqué à maintes reprises aujourd’hui, le droit en vigueur pose le principe de la « constructibilité limitée aux espaces urbanisés ». L’article 2 du texte vise à créer des dispositions particulières aux zones rurales, afin d’assouplir ces conditions de construction.
Je le répète, pour ceux qui pensent que, sous prétexte que j’ai été nommée au Gouvernement voilà maintenant un peu plus d’un an, je n’aurais pas conscience de ces difficultés, alors que je vis en Haute-Marne, que j’y ai grandi et que j’en ai été une élue locale avant d’en devenir députée,…
M. Laurent Duplomb. On a de la chance !
M. Laurent Somon. Ça n’a rien à voir !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … je perçois parfaitement les enjeux de développement et d’aménagement des territoires ainsi que la nécessité de répondre aux besoins ; on a par exemple évoqué le logement des agriculteurs ou encore la situation des personnes qui souhaitent améliorer leur qualité de vie en s’installant dans nos campagnes.
Pour autant, cette règle a pour objectif d’éviter le mitage et la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Je pense que l’on ne peut pas nier l’importance de cette action volontariste. (M. Laurent Duplomb montre des signes d’agacement.)
Par ailleurs, le code de l’urbanisme prévoit déjà des dérogations, sous certaines conditions, pour permettre, par exemple, l’évolution de constructions existantes, la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation ou nécessaires à l’exploitation agricole, ou encore l’édification d’équipements collectifs. Ces dérogations sont donc déjà tout à fait possibles. De même, quand des constructions sont nécessaires à la transformation, au conditionnement ou à la commercialisation de produits agricoles, ces dérogations peuvent également s’appliquer.
Ainsi, le champ de dérogations est largement ouvert ; il incombe simplement aux élus et à ceux qui instruisent ces dossiers de s’en saisir et de mieux se parler.
Par conséquent, l’objet de cet amendement s’inscrivant dans la lutte nécessaire contre l’artificialisation des sols, le Gouvernement émet un avis favorable à son sujet.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je suis totalement contre cet amendement, pour une simple et bonne raison : on nous rebat sans cesse les oreilles avec l’artificialisation des sols, mais on n’a pas besoin de cette notion pour constater que l’agriculture est en déclin et que le nombre d’agriculteurs diminue sans cesse. Simplement, ce sont les injonctions environnementales constantes – l’adoption de nouvelles normes, qui procèdent parfois de la surtransposition de normes européennes, ou les accusations particulières portées contre les activités agricoles – qui entraînent le déclin de notre agriculture, non l’artificialisation des sols ! (M. Guillaume Gontard arbore une moue dubitative.)
Considérez la quantité de produits importés ! Ce n’est pas à cause de l’artificialisation des sols qu’on ne mange plus de cerises françaises, c’est parce qu’on a poussé les agriculteurs français à arracher leurs cerisiers, en supprimant l’autorisation d’utiliser des produits et de conserver les récoltes ! Et ce n’est pas seulement vrai pour les cerises : aujourd’hui, un fruit ou un légume sur deux qu’on mange est importé. En restauration collective, 80 % de la viande bovine et 90 % de la volaille sont importées. Vous pensez que c’est à cause de l’artificialisation des sols ?
Arrêtons de nous raconter des histoires ! Valérie Létard l’a dit, on n’est pas en train de demander l’extension de la construction dans toutes les campagnes, on demande simplement des ajustements pour arrêter d’« emmerder » le monde ! C’est uniquement ça qu’on demande et pas autre chose ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8, présenté par Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Gillé, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Les dispositions applicables au RNU prévoient actuellement des possibilités de construction en dehors des parties urbanisées de la commune. Elles permettent par exemple de faciliter « le changement de destination, […] l’extension des constructions existantes ou [encore] la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole ».
Ces dispositions, nous les avons travaillées collectivement au cours des dernières années, pour arriver à un juste équilibre entre, d’une part, la protection du foncier agricole et, d’autre part, le besoin de développement des territoires ruraux et de leur population.
La présente proposition de loi va encore plus loin, en permettant la construction de bâtiments nouveaux sur l’ensemble des terrains sur lesquels sont situés les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, sans considération de périmètre ni de continuité du bâti.
Au travers de cet amendement, nous proposons de supprimer cette modification, qui ne nous paraît pas souhaitable, car, selon la taille des terrains concernés, elle risque de favoriser la création d’habitats diffus à proximité d’activités agricoles. Nous en connaissons tant les inconvénients au regard de l’environnement que les coûts pour la collectivité.
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par MM. Salmon, Labbé, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge, Taillé-Polian et M. Vogel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’autorisation d’urbanisme est soumise à l’avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
II. – Alinéa 9, seconde phrase, alinéa 14 et alinéa 16, seconde phrase
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Afin de protéger les espaces non artificialisés, cet amendement de repli vise à tout le moins à prévoir l’avis conforme de la CDPENAF, que la commission a supprimé, lorsque des constructions sont autorisées en vertu des nouvelles dérogations actées dans cette proposition de loi.
Nous proposons ainsi de prévoir l’avis conforme de la CDPENAF pour autoriser la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation ou d’hébergement, dans le RNU, les PLU et les cartes communales.
La CDPENAF est un outil de lutte contre l’artificialisation des terres naturelles, agricoles et forestières. Elle est très utile ; ce texte l’affaiblit, alors qu’elle mériterait au contraire d’être renforcée.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Gillé, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Après la première phrase de l’article L. 111-5, sont insérés deux phrases ainsi rédigées : « Toutefois, si la construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l’article L. 111-4 est envisagée en dehors du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, elle est soumise pour avis conforme à cette même commission départementale. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai d’un mois à compter de la saisine de la commission. »
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. L’article 2 du présent texte permet la construction de bâtiments nouveaux sur l’ensemble des terrains sur lesquels sont situés les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, sans considération de périmètre ni de continuité du bâti.
Si cette mesure était maintenue, elle devrait être assujettie à l’avis conforme de la CDPENAF, au même titre que les autorisations de construction déjà visées par le code de l’urbanisme, motivées par la volonté d’éviter la diminution de la population communale et à condition que les constructions envisagées ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Gillé, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
ou sur les terrains sur lesquels sont sis ces bâtiments
La parole est à M. Denis Bouad.
M. Denis Bouad. La présente proposition de loi permet aux règlements de PLU de prévoir, dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, la possibilité de constructions nouvelles sur l’ensemble des terrains sur lesquels sont situés les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole.
Dans la logique de nos amendements précédents, nous proposons de supprimer ces nouvelles ouvertures à la construction. En effet, sans encadrement plus précis, cette possibilité risque d’être la source d’un habitat dispersé, auquel, vous le savez, nous ne sommes pas favorables.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Gillé, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, à l’exception des autorisations d’urbanisme portant sur des constructions de bâtiments nouveaux à usage d’habitation en dehors du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole mentionnées au 2° qui sont soumises à l’avis conforme de cette même commission départementale. Cet avis est alors réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai d’un mois à compter de la saisine de la commission.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.
Si l’article 2 de cette proposition de loi devait être adopté, l’autorisation de construire dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, qu’il prévoit d’élargir, devrait être subordonnée à l’avis conforme de la CDPENAF.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Laissez-moi vous expliquer, mes chers collègues, ce qui a motivé l’évolution proposée par la commission.
Certes, il est aujourd’hui possible de construire sur une ancienne ferme, mais uniquement dans le « périmètre bâti », notion que les préfets et les juges interprètent, de façon très restrictive, comme désignant l’intérieur de la zone délimitée par les contours extérieurs des bâtiments.
En conséquence, il est souvent refusé, par exemple, de construire un petit logement agricole sur la grande cour arrière d’un ancien corps de ferme, si les bâtiments anciens de la ferme sont très rapprochés. Or, dans cet exemple, on ne parle pas de terres cultivées ni même végétalisées.
L’évolution vise donc à permettre une petite souplesse supplémentaire, afin de ne pas se limiter au « périmètre bâti » et d’inclure les terrains déjà bâtis des corps de ferme.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 8 et 10, qui tendent à supprimer cette souplesse ; néanmoins, je signale aux auteurs de ces amendements que j’émettrai un avis favorable sur leur amendement n° 13, à l’article 5, qui vise à remplacer la notion de « proximité » par celle de « continuité », ce qui contribuera à l’encadrement de la mesure.
La commission a également émis un avis défavorable sur les amendements nos 9 et 11. Je rappelle qu’un avis simple de la CDPENAF est prévu et que l’autorité qui instruit et accorde les autorisations d’urbanisme dans le régime du RNU – le préfet – suit, en général, l’avis, même simple, de cette commission. Je ne souhaite pas aller plus loin que le droit existant sur ce point, car je crains que, dans ce cas, nous n’instaurions plus de verrous que nous n’en levons.
Pour les mêmes raisons, l’avis sur l’amendement 24 est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Sur la suppression de l’assouplissement des dispositions dérogatoires, ma position est assez simple.
Il est effectivement possible de construire des bâtiments d’habitation à l’intérieur du périmètre d’une installation, mais l’extension de cette possibilité à l’ensemble du terrain, parfois vaste, de l’exploitation conduirait très clairement à un mitage.
De la même façon, il me semble souhaitable d’imposer la délivrance de l’autorisation sollicitée à un avis conforme de la CDPENAF, ce qui nous permet de mieux contrôler les constructions et leurs principaux impacts négatifs éventuels.
Vous l’aurez compris, de manière générale, le Gouvernement est défavorable aux souplesses trop importantes prévues à l’article 2 de cette proposition de loi. J’émets donc un avis favorable sur les amendements nos 8 et 10 de Mme Artigalas et un avis de sagesse sur les amendements nos 24, 9 et 11.
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Redon-Sarrazy, Mme Artigalas, M. Bouad, Mme Blatrix Contat, MM. Cardon, Mérillou, Michau, Montaugé, Pla, Tissot et Gillé, Mme Monier, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le même 1° est complété par une phrase ainsi rédigée : « S’agissant de l’extension des constructions existantes, peuvent ainsi être autorisés des projets qui, eu égard à leur implantation par rapport aux constructions existantes et à leur dimension n’excédant pas les deux tiers de la construction d’origine, peuvent être regardés comme ne procédant qu’à l’extension de ces constructions. » ;
La parole est à M. Sebastien Pla.
M. Sebastien Pla. La règle de « constructibilité limitée » applicable dans les communes soumises au RNU limite les possibilités de délivrer des autorisations de construire aux seules parties urbanisées de la commune.
Des exceptions prévues dans le code de l’urbanisme permettent de délivrer des autorisations, notamment pour des « changements de destination » ou une « extension des constructions existantes ».
Les services instructeurs considèrent généralement que, lorsque l’extension dépasse 30 % de la surface d’origine, l’opération est requalifiée en nouvelle construction. La demande de permis de construire est alors rejetée, en application de l’interdiction des constructions nouvelles en dehors des parties urbanisées de la commune, ce qui n’a pas de sens.
Pour apporter de la souplesse à la notion d’« extension des constructions existantes », nous proposons, au travers de cet amendement, d’autoriser les projets d’extension « eu égard à leur implantation par rapport aux constructions existantes et à leur dimension n’excédant pas les deux tiers de la construction d’origine ».
Notre objectif est bien la reconquête du bâti des centres-bourgs et des centres de village, l’idée étant de valoriser et de favoriser la réappropriation du bâti existant dans les petites communes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Aujourd’hui, il est possible, pour une commune sans document d’urbanisme, d’autoriser les extensions au sein du périmètre bâti des fermes existantes. La loi ne fixe pas de limite chiffrée à cette extension tant que cette dernière ne constitue pas une nouvelle construction.
C’est une bonne chose que la loi ne fixe pas de seuil arbitraire, car il est parfois nécessaire, pour moderniser un vieux bâtiment agricole ou rénover un corps de ferme, d’agrandir les édifices. Cela facilite le réemploi de ces derniers et la revitalisation des zones rurales.
Inscrire dans la loi un plafond chiffré serait de facto plus restrictif que le droit actuel et irait à l’encontre de notre objectif, qui est de faciliter la modernisation du bâti existant.
D’ailleurs, dans l’arrêt du Conseil d’État cité par les auteurs de l’amendement, il est justement précisé que le préfet ne peut pas être « moins disant » que la loi sur ce point, en ayant une interprétation restrictive de l’extension. S’il y a parfois eu des blocages, ce problème relève de l’autorité préfectorale et de l’application sur le terrain, et non de la loi.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je rejoins Mme la rapporteure.
Dès lors que l’on fixe une limite pour déterminer si un projet constitue ou non une extension, on engendre forcément des effets de seuil, alors que les justifications de tels projets doivent être considérées au cas par cas.
La fixation d’un seuil et d’un pourcentage maximal, quand bien même l’intention serait de créer une limite à ne pas dépasser, aurait sans doute pour effet de créer un droit ne pouvant pas être remis en cause, ce qui ne me semble vraiment pas souhaitable.
Avis défavorable.
M. le président. Monsieur Pla, l’amendement n° 15 rectifié est-il maintenu ?
M. Sebastien Pla. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Requier, Artano et Bilhac, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et M. Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Après le mot :
naturels
insérer les mots :
, agricoles et forestiers
II. – Alinéa 9, première phrase
Après le mot :
naturels
insérer les mots :
, agricoles et forestiers
III. – Article 16, première phrase
Après le mot :
naturels
insérer les mots :
, agricoles et forestiers
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. En dix ans, l’équivalent de 596 000 hectares de terrain ont été artificialisés en France. Cette artificialisation s’est essentiellement faite au détriment des terres agricoles, dont 70 % étaient des terres riches.
C’est la raison pour laquelle un équilibre doit être préservé entre la réponse à des besoins légitimes en logement et la sauvegarde des activités agricoles.
La présente proposition de loi conditionnait initialement l’autorisation de nouvelles constructions dans les zones en principe inconstructibles à leur compatibilité avec des activités agricoles et forestières. Le présent amendement vise à réintégrer ce garde-fou.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Les assouplissements que le texte propose d’apporter visent principalement la construction dans les hameaux, autour des corps de ferme et en bordure de village.
Par essence, ce sont aujourd’hui des terrains « gelés », car ils sont classés comme espaces agricoles au sein de ces communes rurales, même lorsqu’ils ne sont pas directement exploités. Votre amendement, qui tend à exclure les espaces agricoles et forestiers, empêcherait justement l’assouplissement proposé.
Toutefois, au-delà de ces remarques juridiques, je comprends le problème que vous soulevez et je souhaite vous rassurer à ce sujet. Nous prévoyons d’exiger l’avis de la CDPENAF sur l’ensemble des assouplissements, cette commission étant garante du bon respect des équilibres généraux entre espaces urbains, d’une part, et agricoles ou forestiers, de l’autre.
En outre, nous avons fait spécifiquement mention dans le corps de l’article de la « sauvegarde des espaces naturels », car il n’est pas question d’autoriser des constructions sur ces espaces particulièrement sensibles ou protégés.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, mon cher collègue : à défaut j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. J’émets un avis de sagesse sur cet amendement.
En effet, vous connaissez ma position de fond sur cette proposition de loi, mais cet amendement va dans le bon sens, puisque la disposition proposée est de nature à limiter les constructions ayant l’impact négatif le plus important.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Gremillet, D. Laurent et Pellevat, Mmes Belrhiti et L. Darcos, M. J.P. Vogel, Mmes Chauvin et Demas, MM. Milon, Sol et Bascher, Mmes Puissat et Gruny, MM. Brisson et Savin, Mme Garnier, MM. Laménie, Burgoa, Chatillon et Sido, Mmes Lassarade et Thomas, M. Rietmann, Mme Dumont, MM. Babary, Anglars et Favreau, Mme Ventalon, M. Lefèvre, Mmes Gosselin, Richer et F. Gerbaud, M. Mouiller, Mmes Di Folco, Berthet et Malet, M. Cuypers, Mme Pluchet, MM. B. Fournier et Pointereau, Mme Eustache-Brinio et MM. Sautarel, Genet et Chaize, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
ou qu’elles sont réalisées sur des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste reconnu dans les conditions du chapitre V du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État
II. – Alinéa 9, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou qu’elles sont réalisées sur des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste reconnu dans les conditions du chapitre V du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État
III. – Alinéa 16, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou qu’elles sont réalisées sur des parcelles en état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste reconnu dans les conditions du chapitre V du titre II du livre Ier du code rural et de la pêche maritime dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Dans certains territoires, dans les zones peu denses et connaissant une baisse démographique significative, on a parfois plus besoin de voisins que d’hectares de terrain.
Cet amendement vise donc tout simplement à rendre possible la construction sur des terrains incultes, agricoles ou forestiers, situés à proximité du bâti rural. Ce moyen serait très efficace. Je vous le rappelle, la loi interdit en principe de laisser de terres incultes. Ainsi, sans rien enlever à l’agriculture ni à la forêt, une telle mesure permettrait de construire en milieu rural et d’accueillir de nouveaux ménages dans nos villages.
M. Pierre Cuypers. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Valérie Létard, rapporteure. Évidemment, je partage totalement le souci que Daniel Gremillet exprime au travers de cet amendement.
Toutefois, si l’intention est de permettre la construction en continuité de l’urbanisation, y compris sur des parcelles agricoles incultes ou sous-exploitées, cette volonté est déjà satisfaite par la rédaction actuelle du texte, qui est plus large, plus ouverte. En revanche, si votre intention, monsieur Gremillet, est de permettre les constructions uniquement sur ces parcelles, cette restriction me semble trop importante pour les communes hyper-rurales, dont la quasi-totalité du territoire est classée en zone agricole.
Je crains que cette condition supplémentaire n’interdise, par exemple, à un exploitant agricole de se loger sur son exploitation, ce qui aurait pour conséquence de restreindre trop fortement la portée de l’assouplissement proposé dans le texte.
En outre, les parcelles incultes ou sous-exploitées ne sont pas identifiées d’un point de vue urbanistique ; il sera donc difficile de les caractériser dans un PLU.
Pour toutes ces raisons, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, qui est satisfait par la rédaction actuelle du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. L’élargissement de la constructibilité aux parcelles agricoles au motif de leur état d’inculture ou de sous-exploitation ne me semble pas souhaitable.
D’une part, cet état, qui est reconnu par le code rural et de la pêche maritime, n’est pas définitif.
D’autre part, il a pour objectif de permettre à un tiers de demander au préfet l’autorisation d’exploiter une parcelle susceptible d’une mise en valeur agricole ou pastorale, afin de revaloriser cet espace.
En outre, ce dispositif serait à nouveau source de mitage, de consommation et d’artificialisation des sols, qui seraient de plus en plus désordonnés. Cela ne me semble pas du tout souhaitable, c’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.