M. le président. Il faut maintenant conclure !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Garnier. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, mais j’aurais pu tout aussi bien la poser au ministre de l’éducation nationale, au risque d’obtenir d’ailleurs une réponse complètement différente !
Madame la ministre, vous êtes favorable à l’utilisation du pronom « iel ». Vous avez déclaré que, pour vous, il n’était pas si choquant. (Protestations sur les travées des groupes GEST et SER.)
Chacun a bien compris que valider l’usage du pronom « iel », c’est valider l’écriture inclusive. Il faudra donc nous expliquer s’il faut dire « iel est beau » ou « iel est belle ». Il faudra probablement dire les deux, mais, pour vous, ce n’est pas si choquant.
Votre position n’effacera pas les souffrances de certains parcours de vie. (Mêmes mouvements.) En revanche, elle va compliquer l’accès à la lecture des personnes en situation de handicap et de nos enfants, dont plus de la moitié n’ont pas un niveau de lecture correct à leur entrée en sixième, mais pour vous, ce n’est pas si choquant.
Votre position, madame la ministre, relève de l’idéologie. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.) « Pour moi, une idéologie, c’est mettre dans la tête de quelqu’un une idée qu’il n’aurait pas eue seul » : ce sont vos propos ! Madame la ministre, que fait-on en défendant la neutralité sexuelle et le pronom « iel » si ce n’est mettre dans la tête de nos jeunes des idées qu’ils n’auraient pas eues seuls ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
En réalité, vous cédez au wokisme et aux lobbies. (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) Vous segmentez la société à coups de points médians alors que votre rôle, en tant que ministre de la République, est de défendre ce qui nous rassemble.
Madame la ministre, l’écriture inclusive exclut, excluez donc l’écriture inclusive ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Garnier, de la même manière qu’Édouard Philippe avait indiqué, il y a quelques années, qu’il était contre l’écriture inclusive, je me suis exprimée sur ce sujet. J’ai dit que l’écriture inclusive pouvait complexifier la compréhension de la langue française (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains) et qu’il ne fallait pas prendre cette direction, mais que j’étais totalement favorable à la féminisation des noms de métiers afin de cesser d’invisibiliser les femmes. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
MM. Bruno Retailleau et François Bonhomme. Hors sujet !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Que vous soyez d’accord ou pas n’y changera rien !
Pardon de vous le dire, mais je suis totalement d’accord avec le ministre Jean-Michel Blanquer : comme lui, je ne suis pas favorable à l’écriture inclusive, point à la ligne.
Par ailleurs, je vous le redis : non, je n’ai pas été choquée que le Petit Robert fasse son travail et fasse figurer dans un dictionnaire un terme qui est déjà utilisé dans la société. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
accord de libre circulation aérienne entre l’union européenne et le qatar
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Stéphane Demilly. Au nom du groupe Union Centriste, je souhaite tout d’abord un prompt rétablissement à M. le Premier ministre.
Monsieur le ministre, « incompréhensible », « déséquilibré », « néfaste » : tels sont les mots utilisés par l’ensemble des acteurs du secteur aérien pour qualifier l’accord de libre-échange signé le 18 octobre entre l’Union européenne et le Qatar.
Cet accord, entré en application avant même sa ratification par les vingt-sept États membres, prévoit une ouverture du ciel européen quasiment illimitée pour Qatar Airways, qui pourra ainsi desservir n’importe quelle ville, sans aucune restriction en termes de capacités ou de fréquences de vols.
Certes, des droits ont été octroyés aux transporteurs européens en contrepartie, mais ils sont complètement déséquilibrés au regard du faible volume que représente la desserte de Doha. Pour le dire autrement, l’accord donne un accès illimité à un marché de 450 millions d’habitants à Qatar Airways, en contrepartie d’un accès au marché qatari de 3 millions d’habitants.
Cerise sur le gâteau, l’accord prévoit également un accès au marché du fret pour cette compagnie moyen-orientale, qui pourra désormais effectuer des vols cargo directement entre l’Union européenne et des pays tiers.
Ce n’est pas anodin, car, vous le savez, le fret aérien a doublé depuis le début de la pandémie : il représente désormais 30 % des recettes des compagnies, contre 15 % auparavant.
L’Union européenne « espère » – vous mesurez la force du terme utilisé – obtenir de Qatar Airways le respect des règles de la concurrence, du droit social et de la transparence des comptes pour éviter notamment un dumping déguisé et le versement d’aides massives de la part de l’émirat.
Rien n’étant juridiquement clair dans cet accord, il constitue un nouveau caillou dans la chaussure du secteur aérien.
Après la crise sanitaire qui a mis à genoux à la fois l’industrie et les compagnies aériennes, dans un contexte où certains activistes de « l’avion-bashing » continuent d’irriguer les esprits, le secteur aérien n’avait vraiment pas besoin de cette nouvelle turbulence !
Monsieur le ministre, les professionnels du monde aéronautique sont très inquiets et vous invitent à ne pas ratifier cet accord, lequel est effectivement incompréhensible, déséquilibré et néfaste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Monsieur le sénateur Stéphane Demilly, la France a fait partie des pays européens qui ont contribué à réviser la politique commerciale européenne pour la rendre moins naïve, plus affirmée, plus à même de protéger les entreprises et de prendre en compte les questions de développement durable. Pendant les semaines, les mois et les années à venir, nous allons assister à la mise en place d’instruments beaucoup plus forts pour protéger nos entreprises de la concurrence déloyale.
L’accord signé le 18 octobre 2021 entre l’Union européenne et le Qatar est un accord global sur les services de transport aérien visant à moderniser les règles et les normes qui régissent les vols entre le Qatar et l’Union européenne. Il a été longuement négocié entre 2016 et 2019. Il comprend de nombreuses garanties. Les demandes des parties française, européenne et qatarie y sont prises en compte.
Cet accord comprend notamment des dispositions en matière de transparence financière, environnementale, mais aussi sociale, toutes très novatrices, ainsi que des clauses permettant de garantir une concurrence loyale dans ces domaines. Au-delà des clauses spécifiques, nous vérifierons que cet accord est bien respecté par les différentes parties prenantes.
Dans le droit fil de ce que nous mettons en place d’une manière générale en matière de politique commerciale – ce que nous appelons enforcement, pour « bonne application des accords commerciaux » –, nous serons mobilisés pour faire en sorte que les engagements pris soient bien tenus et que les différentes garanties prévues dans l’accord soient respectées par les parties prenantes. (M. Emmanuel Capus applaudit.)
crise en guadeloupe (ii)
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Micheline Jacques. Monsieur le ministre, la situation de la Guadeloupe nous oblige.
Nous réprouvons avec force toute forme de violence et affirmons que ce sont non pas les jeunes ou la jeunesse qui cassent, mais bien des délinquants.
Nous exprimons notre fraternité à la population qui pâtit des blocages et des violences.
Cette crise a des racines profondes que nous devons tous regarder en face. L’obligation vaccinale n’est qu’un révélateur et le sentiment de déconsidération partagé dans l’ensemble des outre-mer a été exacerbé par la centralisation des politiques publiques ces derniers mois. En effet, centraliser compte double outre-mer, car la distance accentue l’éloignement de la décision.
Certes, les règles sanitaires doivent être les mêmes pour l’ensemble de la République, mais l’instance de dialogue annoncée par le Premier ministre est une première solution de souplesse pour gérer l’urgence.
Oui, monsieur le ministre, la crise est permanente. Au fond, c’est la relation avec l’État qui se joue et la capacité des politiques publiques en général à répondre aux difficultés structurelles qui se sont empilées. Ainsi, 25 % des jeunes sont au chômage, un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. À cela s’ajoute l’indignité du manque d’eau potable.
La majorité sénatoriale est attentive à la crise et regarde au-delà, comme elle l’a fait en 2009 en créant une mission commune d’information. Il faut en sortir par le haut, car on ne développe pas par à-coups.
Le Sénat a fait des propositions solides en matière de différenciation outre-mer pour favoriser l’efficacité des politiques publiques et une relation mieux articulée entre les collectivités et l’État.
Le Gouvernement est-il prêt à s’engager dans la voie d’un nouveau pacte de confiance avec les outre-mer français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, votre question s’inscrit dans le sillage de la réplique du sénateur Lurel. Elle incite à un effort de définition : il y a la différenciation, la décentralisation et la déconcentration. Dans la gestion de la crise sanitaire, nous avons fait cet effort – d’ailleurs, le Sénat l’a évalué. Et pour cause ! En fonction des saisons, du climat, de la circulation du virus, la situation n’était pas la même sur tous les territoires. En ce moment même, deux collectivités sont encore en état d’urgence sanitaire, quand d’autres ne le sont pas. La différenciation est aussi passée par la stratégie de vaccination. À Mayotte, typiquement, nous avons démarré celle-ci sur des publics plus jeunes, au vu de la pyramide des âges particulière à cette île.
Sur votre propre territoire, madame la sénatrice, les îles du Nord, sur lequel vous êtes très engagée, vous avez permis de procéder à cette différenciation. Saint-Barthélemy fut d’ailleurs le premier territoire pour lequel nous avons levé la condition de motif d’ordre impérieux, parce que le taux de vaccination y est particulièrement élevé.
Mais vous posez une question redoutablement importante, puisqu’elle renvoie au modèle républicain des territoires d’outre-mer concernés. Un de vos collègues parlait, au début de cette séance, de rupture républicaine. Comment donc une loi de la République, qui a vocation à protéger nos concitoyens, pourrait-elle s’appliquer moins dans un département d’outre-mer ? La vraie question est celle de l’autonomie. Quand certains élus locaux, notamment régionaux, en Guadeloupe, disent qu’il faut que les Guadeloupéens puissent décider pour la Guadeloupe, ils sortent du modèle d’un département, ou d’une région, d’outre-mer. Pour un républicain – et nous le sommes – cette conception ne correspond pas à la situation d’un département dans la République, mais au statut des collectivités du Pacifique, par exemple.
Je sais que le Sénat a commencé à travailler sur ce sujet. Je m’en suis d’ailleurs entretenu avec l’actuel et le précédent président de la commission des lois de votre assemblée. Il s’agit d’une question essentielle : quel modèle voulons-nous pour nos départements et régions d’outre-mer ? La Réunion y a répondu il y a de nombreuses années. En Guadeloupe, il n’y a pas de consensus : le sénateur Lurel lui-même vient de s’exprimer avec force en disant que la loi de la République doit s’appliquer parce que c’est un département et une région d’outre-mer. Sur cette vraie question, il faudra également examiner le statut particulier des îles du Nord, dont celle que vous représentez, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour la réplique.
Mme Micheline Jacques. Monsieur le ministre, les collectivités territoriales connaissent leur territoire, et prendre en compte leur point de vue permet d’ajuster les décisions dans l’intérêt des populations locales. Cela vaut pour les départements comme pour les collectivités d’outre-mer. Saint-Barthélemy réclame, sur le fondement des réalités locales, une nouvelle organisation de la prévoyance sociale. Il y a urgence à prendre des décisions pour ramener la sérénité, mais j’insiste sur la nécessité d’une vision à long terme. Le Sénat y est très attaché. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
lutte contre les violences faites aux femmes (ii)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER.)
Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre chargée de l’égalité, à la veille du 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, et en approchant de la fin du quinquennat, l’heure est au bilan. À ce jour, plus de 102 femmes ont été tuées en 2021, soit plus qu’en 2020. Selon la dernière étude de la Fondation des femmes, sur dix victimes de violences qui formalisent une demande, quatre n’ont aucune solution d’hébergement. Seulement 12 % des victimes de violences bénéficient d’une place et d’une prise en charge adaptée.
La fédération nationale « Solidarité Femmes » indique que les chiffres sont encore plus alarmants, et qu’il faudrait multiplier par cinq les capacités d’hébergement sécurisé et proposant un accompagnement social, juridique et psychologique pour les femmes et leurs enfants.
Plus de 22 000 femmes auraient besoin d’un hébergement pour sortir des violences, puis d’un logement social. Or, à la fin de 2021, seulement 7 820 places d’hébergement étaient disponibles, soit 1 500 de plus qu’en 2018. C’est mieux, mais c’est très insuffisant pour ce qui avait été déclaré grande cause de ce quinquennat.
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes pointe aussi du doigt un manque alarmant de places d’hébergement spécialisées, non mixtes et sécurisées.
La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a publié un rapport intitulé Femmes et ruralités : en finir avec les zones blanches de l’égalité. Ma collègue Marie-Pierre Monier en est l’une des auteures. Ce rapport indique que 50 % des féminicides ont lieu en zone rurale, alors que seulement 35 % des femmes y vivent, et alerte sur la nécessité de prévoir des places d’hébergement d’urgence dans les zones rurales.
L’éviction du conjoint violent, associée à l’ordonnance de protection et au téléphone grave danger, sont des avancées, mais ces mesures ne suffisent pas. Madame la ministre, partagez-vous ce bilan et ces évaluations ? Quelles réponses proposez-vous pour l’hébergement et le logement social qui soient à la hauteur des besoins de ces femmes et de ces enfants en danger ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Madame la sénatrice Annie Le Houerou, nous savons combien l’hébergement est un élément essentiel dans le processus de sortie des violences conjugales. C’est pourquoi Emmanuelle Wargon et moi-même nous sommes beaucoup mobilisées sur cette question depuis le début de ce quinquennat.
Justement, nous avons tenu lundi une réunion avec des bailleurs sociaux, des administrations et des associations en charge de l’hébergement et du relogement des femmes victimes de violences. Il s’agit du comité de suivi dont la création avait été décidée en mai, pour suivre précisément l’évolution du nombre de places d’hébergement.
Sur cette question des places d’hébergement, vous avez raison, nous partons de très, très loin. Même si nous avons augmenté de 60 % le nombre de places d’hébergement depuis 2017, cela n’est malheureusement pas suffisant, parce que les efforts précédents n’ont pas été à la hauteur des attentes. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Nous avons créé, depuis 2020, une capacité de 2 000 places supplémentaires d’hébergement, non mixtes et réservées aux femmes victimes de violences et à leurs enfants. À la fin de 2021, nous disposerons de 7 800 places réservées aux femmes victimes de violences et à leurs enfants. Entre octobre 2019 et septembre 2021, nous avons attribué plus de 20 000 logements sociaux aux femmes victimes de violences, soit une augmentation de 30 % par rapport à 2017.
Certes, il faut rester humble, parce qu’il y a encore beaucoup de choses à faire. Mais on ne peut nier les efforts réalisés et les progrès accomplis depuis 2017.
C’est pourquoi Emmanuelle Wargon et moi-même continuons de travailler sur ce sujet pour aller encore plus loin. Nous avons mis en place un véritable plan pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’hébergement et le logement.
Ce plan s’appuie sur deux axes. D’une part, nous allons former, dès le premier trimestre 2022, tous les centres d’hébergement qui accueillent des femmes au repérage et à l’accompagnement des victimes. D’autre part, nous allons faciliter l’accès au logement social pour les femmes victimes de violences.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Elisabeth Moreno, ministre déléguée. Sur le logement social, nous allons continuer à progresser et nous ferons en sorte que toutes les femmes qui ont besoin de fuir les foyers où elles subissent ces violences puissent trouver un lieu où elles se sentent protégées.
Je vous remercie de votre question.
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.
Mme Annie Le Houerou. Actons ensemble, madame la ministre, avec la modestie qui s’impose, que, malgré votre engagement, cette grande cause du quinquennat n’a pas été portée à la hauteur des besoins. Nous devons mobiliser des moyens plus larges pour éradiquer ce fléau, qui tue tous les trois jours. (Applaudissements sur les travées des groupes SER.)
situation du convoi militaire bloqué au burkina faso
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, la France perd pied en Afrique ! En ma qualité de président du groupe interparlementaire d’amitié France-Afrique de l’Ouest, je le constate avec beaucoup de regret : l’influence économique, politique, diplomatique ou même culturelle de notre pays ne cesse de se dégrader, au bénéfice d’autres pays qui, jusqu’à une période récente, ne se préoccupaient absolument pas de ce continent.
Jusqu’à présent, cette situation nous préoccupait. Désormais, elle nous inquiète.
Elle nous inquiète, car, progressivement, ce déclin de la France en Afrique semble changer de nature, pour se muer véritablement en un rejet, en particulier dans la zone d’intervention de Barkhane. Les rassemblements hostiles à notre pays se sont en effet multipliés ces derniers mois au Mali, au Niger, au Tchad ou, dernièrement, au Burkina Faso.
Dans ce pays, le 20 novembre dernier, il y a quatre jours, un convoi des forces françaises a été bloqué par des manifestants reprochant à la France de ne rien faire pour stopper les attaques djihadistes et allant même jusqu’à l’accuser – on peine à le croire – d’être complice des terroristes !
M. Rémy Pointereau. Eh voilà !
M. André Reichardt. Malgré le sacrifice de nos soldats, malgré les succès opérationnels décisifs remportés par nos armées sur les groupes armés djihadistes, un sentiment anti-français d’une virulence inédite se développe, attisé par tous ceux qui espèrent bénéficier, d’une manière ou d’une autre, du déclassement de notre pays dans cette région.
Dans ces conditions, je crains que, avant même d’avoir gagné la guerre, nous ne soyons confrontés au risque de perdre la paix. Une telle issue ne ferait que des perdants, africains comme européens, face à un terrorisme islamique qui ne désarme pas.
Cette dégradation de l’image de la France ne s’observe pas qu’au Sahel. Elle a également cours dans le reste de l’Afrique de l’Ouest, et même au Maghreb. Il est donc urgent d’agir pour inverser la tendance.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il s’attaquer à cette tâche, certes difficile, mais indispensable pour notre pays et pour l’Afrique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, vous posez une question importante concernant l’Afrique, la présence de notre pays sur ce continent et l’action qu’il y mène.
Je souhaite vous parler d’abord du convoi terrestre que vous avez évoqué. Ce convoi, qui ravitaille Barkhane, est effectivement bloqué au Burkina Faso depuis le 18 novembre. Je voudrais vous rassurer : il est actuellement stationné en sécurité, près de Ouagadougou, au sein d’une caserne de gendarmerie burkinabée. Le dialogue avec les autorités et les forces de l’ordre burkinabées est permanent. Ce convoi, d’ailleurs, n’a rien d’exceptionnel, puisque c’est le trente-deuxième que nous envoyons pour rejoindre la bande sahélo-saharienne avec les ressources nécessaires à l’opération Barkhane.
Vous le savez, le Burkina Faso est aujourd’hui dans une situation sécuritaire très fragile. L’attaque d’Inata, le 14 novembre, a créé un véritable émoi dans la population : 53 gendarmes y ont été tués… La population s’indigne et vit dans une véritable frustration, car elle est la première victime des attaques terroristes.
Nous mettons tout en œuvre pour lutter contre la désinformation. Celle-ci est bien réelle, parfois à l’instigation de forces étrangères qui veulent devenir influentes dans ces pays. Notre rôle majeur, toutefois, sera de faire en sorte que ceux-ci trouvent une stabilité politique et que leurs gouvernements regagnent la confiance de leurs populations en créant du développement ciblé, mais efficace. Ce n’est qu’à ce stade que les tensions s’apaiseront au sein de ces populations déroutées par ces attentats terroristes à répétition.
inscription des frères musulmans sur la liste des organisations terroristes
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Je travaille depuis longtemps sur les questions de financement du terrorisme, et je suis inquiète. L’Autriche a récemment interdit les Frères musulmans sur son territoire et, fin octobre, un rapport alarmiste a été publié sur leur financement. Dans le même temps, l’Union européenne, sans aucun état d’âme, a financé des organisations proches des Frères musulmans, adeptes du Hamas, qui viennent encore de faire couler le sang à Jérusalem !
Le cas d’Islamic Relief Worldwide est particulièrement emblématique. Alors que cette organisation est accusée d’avoir des liens avec les réseaux terroristes et les Frères musulmans, la Commission européenne – écoutez bien, monsieur le ministre ! – a certifié sa filiale allemande Islamic Relief Germany comme un partenaire humanitaire pour la période 2021-2027, et lui a accordé 712 000 euros de subventions. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Or, dans le même temps, l’Allemagne a engagé une procédure pour faire interdire les Frères musulmans de son territoire…
En France, l’organisation Islamic Relief Worldwide a évidemment un satellite, le Secours islamique, qui envoie environ 800 000 euros par an à la maison-mère, installée en Grande-Bretagne.
Je vous rappelle tout de même que ces braves gens nous expliquent que les juifs sont les « petits-enfants des singes et des porcs », saluent le groupe terroriste Hamas comme « le mouvement le plus pur de l’histoire moderne », encensent ses dirigeants et les décrivent comme de « grands hommes qui ont répondu à l’appel du divin sacré de la fraternité musulmane » ! Ce sont là des gens tout à fait recommandables…
Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre un terme à ces financements ? Quand allez-vous interdire Islamic Relief Worldwide sur le territoire français ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Madame la sénatrice Goulet, je redis d’abord avec solennité que la France condamne avec la plus grande fermeté l’attentat terroriste perpétré le 21 novembre dernier dans la vieille ville de Jérusalem. Nous présentons nos condoléances à la famille de la victime et adressons des vœux de prompt rétablissement aux blessés. Cet attentat a été revendiqué par le Hamas, qui figure depuis vingt ans sur la liste des organisations terroristes.
Comme vous l’avez dit, le Royaume-Uni a décidé la semaine dernière d’inscrire l’ensemble du mouvement sur la liste britannique des organisations terroristes. Ce n’est rien d’autre qu’un rattrapage par rapport au cadre juridique européen. Depuis le Brexit, seule la branche armée du Hamas était considérée comme terroriste dans le droit britannique. La décision récente étend cette mesure à l’ensemble du mouvement, ce qui ne fait que rejoindre le droit applicable depuis longtemps dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne.
Sur la question plus large des mouvements radicaux antisémites, appelant à la haine ou à la violence, je veux rappeler la fermeté absolue du Gouvernement. Celui-ci a pris la décision de dissoudre plusieurs associations présentes sur le territoire national, à commencer par le collectif Cheikh Yassine, du nom du fondateur du Hamas. Et la loi confortant le respect des principes de la République renforce les dispositifs de détection et de sanction contre les actes qui portent atteinte aux intérêts de la Nation, madame la sénatrice.
Nous avons notamment renforcé nos moyens, comme vous le savez, pour contrôler le financement des associations. C’est ainsi que Tracfin, qui travaille activement, depuis plusieurs années, sur les financements étrangers, dont ceux en provenance du Moyen-Orient, dispose désormais de sources d’information et de leviers juridiques plus efficaces.