compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Financement de la sécurité sociale pour 2022
Adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2022 (projet n° 118, rapport n° 130, avis n° 122).
Vote sur l’ensemble
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que ce scrutin s’effectuera depuis les terminaux de vote. Je vous invite donc à vous assurer que vous disposez bien de votre carte de vote et à vérifier que celle-ci fonctionne correctement en l’insérant dans votre terminal de vote. Vous pourrez vous rapprocher des huissiers pour toute difficulté.
Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) est avant tout un vote d’approbation ou de non-approbation des grandes orientations de la politique gouvernementale en matière d’action sociale.
Je ferai trois remarques d’ordre général sur ces problématiques.
J’évoquerai tout d’abord l’épidémie de covid. Compte tenu des très grandes difficultés rencontrées par tous les gouvernements, en France comme à l’étranger, pour faire face à une telle situation, je considère, pour ma part, que le Gouvernement a à peu près correctement géré la crise, en faisant ce qu’il pouvait.
Certes, il aurait pu faire mieux, mais force est de constater que de nombreux pays voisins ont fait beaucoup moins bien ! Ce PLFSS s’inscrivant dans la prolongation de la problématique liée à l’épidémie de covid, le bilan du Gouvernement, sur ce point, me paraît donc plutôt positif.
En revanche, le Gouvernement prend ou prévoit de prendre un certain nombre d’orientations sur lesquelles nous ne pouvons pas être d’accord.
J’ai été tout d’abord profondément choqué que le Gouvernement, comme tous ceux qui l’ont précédé – ce n’est donc pas un problème de couleur politique, car ceux qui se plaignent aujourd’hui de la position du Gouvernement faisaient exactement la même chose à l’époque de M. Hollande ou de M. Sarkozy –, persiste à vouloir maintenir les personnes handicapées sous la dépendance directe de leur conjoint lorsqu’ils sont mariés ou lorsqu’ils vivent en famille.
Le refus d’individualiser au niveau fiscal l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, me semble tout à fait scandaleux. La logique ne serait-elle pas de faire en sorte que les personnes handicapées ne vivent pas aux crochets de leur conjoint ?
Tel n’est pourtant pas le choix opéré par ce gouvernement, qui ne se distingue de ce point de vue en rien de ceux qui l’ont précédé : c’est, à mon sens, extrêmement affligeant !
Le deuxième point qui me choque beaucoup est la position du Gouvernement en matière de prélèvements sociaux et d’action sociale vis-à-vis des retraités.
L’an dernier ou l’année précédente, la contribution sociale généralisée, la CSG, a connu une hausse indécente pour les retraités. Toutes les mesures qui sont prises actuellement pénalisent sélectivement les retraités, ce qui est regrettable.
M. le président. Il faut conclure.
M. Jean Louis Masson. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce PLFSS, que je qualifiais de « budget d’esquive » lors de la discussion générale, est resté fidèle à cette appréciation. C’est un texte de fin de mandat sans relief.
Concernant sa trajectoire financière, les inquiétudes que nous avions exprimées face à votre choix de maintenir sans perspectives la sécurité sociale en déficit n’ont reçu aucune réponse claire du Gouvernement. Et si notre amendement sur les recettes, concernant la taxe sur les valeurs mobilières, place la cinquième branche à l’équilibre, il a été adopté contre votre avis.
En 2017, votre majorité a trouvé les comptes de la sécurité sociale proches de l’équilibre, après des années d’amélioration continue. Vous partirez en les laissant dégradés, dégradation qui a débuté dès 2018, car personne ne vous reprochera, bien sûr, les dépenses liées à la pandémie, mais vous partirez surtout sans avoir tracé un chemin de redressement.
Si cette situation était le prix de changements structurels tirant les leçons de la pandémie, ce pourrait être le signe d’investissements utiles. Mais il n’en est rien.
Dans notre explication de vote l’année dernière, nous disions déjà que le temps des crises doit être celui du changement. Or qu’observons-nous à l’issue de l’examen du PLFSS pour 2022 ? Nous constatons que le texte ne porte pas les changements dont notre système de sécurité sociale aurait besoin, ni sur la santé ni sur l’autonomie.
Des mesures sont positives, bien sûr, comme dans tout PLFSS. Je pense au dispositif travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi, le TO-DE, et au tarif horaire plancher des services d’aide et d’accompagnement à domicile, les SAAD. Je pense aussi à la création des haltes « soins addictions » et à l’amorce d’une prise en charge par l’assurance maladie des consultations de psychologues.
Mais le texte ne prévoit rien pour répondre à l’urgence de l’affaissement de notre système hospitalier et ne comporte aucune réflexion sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), dont la construction devrait être revue en profondeur…
Le rendez-vous avec l’hôpital reste largement esquivé. Rien ne change dans la gouvernance et trop peu de mesures sont prises en termes de moyens. La question des urgences est éloquente puisqu’elle est encore et toujours abordée sous un angle fragmentaire. Les urgences hospitalières nécessitent pourtant une réelle réforme.
Si ce PLFSS n’a pu être l’occasion de traduire financièrement de nouvelles organisations en santé, c’est bien parce que vous vous êtes privés d’une loi ad hoc, vous contentant d’un texte printanier sans portée, dont certaines dispositions doivent déjà être repoussées.
C’est ainsi que vous vous êtes retrouvés à modifier les rapports entre les professions de santé dans la précipitation des amendements déposés après que l’examen du texte eut débuté au Parlement.
Cette méthode brutale, irrespectueuse des négociations professionnelles et conventionnelles, a braqué. Elle a créé des conflits entre des professionnels qui doivent au contraire, alors que la ressource est parfois rare, mieux travailler ensemble au bénéfice des patients.
Il en résulte que le Gouvernement oppose les soignants entre eux en alimentant un débat qui se réduirait à des conservatismes et à du « lobbyisme » alors que la question est celle de la cohérence de parcours de soins coordonnés et d’une optimisation du temps des différentes professions du soin, ainsi que du respect dû à chacun.
S’agissant de la cinquième branche, dont nous approuvons la création, elle reste elle aussi dans un déficit de cadre, d’objectifs et de dispositifs, qui démontre malheureusement une absence de volonté politique.
L’abandon de la loi Autonomie est un renoncement inacceptable. Devons-nous nous satisfaire que le ministre des comptes publics ait expliqué que la cinquième branche serait à l’équilibre en 2030 alors même qu’il n’en connaît pas plus que nous le contenu ? Doit-on en conclure, monsieur le ministre, que le Gouvernement intègre le renoncement à toute ambition forte en la matière ?
J’en profite pour évoquer la question des retraites, qui, de nouveau cette année, a fait l’objet d’un amendement de la majorité sénatoriale, en toute fin de texte, en décalage avec la nature d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu’avec les attentes des Français.
Car, bien sûr, on ne peut réformer notre système de retraites au détour du PLFSS, d’autant que votre projet est d’ajouter encore des conditions à l’obtention d’une pension complète alors même que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à ne plus être en activité à l’heure du départ. En quelque sorte, vous proposez une réforme pour 50 % de la population, alors que la dégradation des conditions de travail, dans de nombreux secteurs, rend cette perspective socialement injuste et souvent physiquement irréaliste.
Pour ces différentes raisons et en raison du manque d’envergure de ce texte, qui ne vise pas à apporter de solutions de fond au lendemain d’une crise sanitaire, nous le repousserons.
Ce vote contre, je le dédie à l’hôpital public, qui mérite beaucoup mieux. Il est en grande difficulté alors qu’il constitue un service public essentiel et précieux.
La crise de la covid a révélé et amplifié le manque de soignants et le découragement de celles et de ceux qui exercent ces métiers.
Monsieur le ministre, vous avez affirmé payer « trente ans d’incurie » ; je vous souhaite, quand, dans quelques mois, vos fonctions prendront fin, de poser sur la situation un regard plus équilibré.
Le Gouvernement aime à comparer ses actions avec celles de ses prédécesseurs, pensant trouver là matière à se consoler. Vous regarderez bientôt vos actions en constatant que les Français et les soignants sont nombreux à en être désolés ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est désormais un lieu commun, et pourtant il est difficile cette année d’y échapper : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 est un texte ambitieux qui s’inscrit dans un contexte sanitaire et économique rare.
C’est en effet le deuxième texte depuis le début de la pandémie de la covid-19. Il consacre, à ce titre, des dépenses exceptionnelles pour répondre à la crise sanitaire. Près de 5 milliards d’euros sont ainsi prévus en 2022 pour satisfaire la demande de tests et de vaccins, notamment.
Il s’agit cependant d’un budget en baisse par rapport à 2020 et à 2021 compte tenu de perspectives heureusement plus favorables.
Ce PLFSS prévoit, en outre, un taux de croissance exceptionnel de 3,8 % pour l’Ondam et de 4,1 % pour l’Ondam hospitalier hors dépenses de crise.
Ambitieux, ce texte l’est également par les mesures qu’il vise à prévoir en faveur de notre système de santé, conformément aux engagements du Ségur, notamment en matière de revalorisations salariales pour les personnels des établissements de santé, des Ehpad et du secteur médico-social.
Il permettra surtout de poursuivre la réforme de l’autonomie initiée l’année dernière avec la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, en instituant un tarif plancher de 22 euros pour les services à domicile et en renforçant la présence médicale au sein des Ehpad.
Citons également l’octroi automatique de la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse, le remboursement de la contraception pour les femmes de moins de vingt-six ans ou la généralisation de la télésurveillance.
Nous nous félicitons de l’état d’esprit qui a guidé les travaux du Sénat ces derniers jours et des avancées concrètes qui ont été enregistrées. Nous nous réjouissons, en particulier, que plusieurs de nos amendements aient été adoptés.
Ils concernent l’interopérabilité de la télésurveillance et des dispositifs médicaux, le report de la réforme de financement des soins de suite et de réadaptation, les SSR, ou l’inclusion de territoires ultramarins dans les expérimentations consacrées aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et aux infirmiers en pratique avancée.
À l’inverse, nous déplorons que le Sénat ait décidé la suppression des mesures relatives à l’isolement et à la contention, de la carte professionnelle dans le secteur du domicile, de la protection sociale complémentaire des travailleurs de plateformes ou encore de la possibilité de report pour la contractualisation dans le cadre de la reprise de dettes des hôpitaux.
Surtout, le Sénat a souhaité introduire au terme de notre examen un amendement relatif à la réforme des retraites, amendement qui ne saurait trouver sa place dans ce texte et qui, à lui seul, pourrait expliquer que nous nous abstenions !
Permettez-moi, mes chers collègues, puisque l’occasion m’en est donnée, de m’arrêter quelques instants sur la situation de nos comptes sociaux, c’est-à-dire sur la soutenabilité et la pérennité de notre modèle de protection sociale.
Le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale pour 2021 a confirmé que la crise sanitaire a imputé fortement l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, en particulier ceux de la branche maladie et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
Elles ont subi en 2020 un déficit de 39,7 milliards d’euros, et connaîtront en 2021 un déficit proche de 34 milliards d’euros.
Nous pourrions, bien sûr, passer des heures à débattre des options, des orientations et des préconisations. Les chiffres, en revanche, sont têtus !
Alors, oui ! face à cela, nous ne devons pas faire l’économie de vrais débats, de belles querelles sur les vraies solutions à retenir pour préserver notre système.
Plusieurs pistes ont déjà été évoquées lors de nos précédents débats, notamment à l’occasion de l’examen des PLFSS, ou sous la forme de recommandations de la Cour des comptes.
Comment maîtriser, si ce n’est réduire, les dépenses de l’assurance maladie sans modifier le niveau de prise en charge sanitaire de nos concitoyens, dépenses qui augmentent mécaniquement plus vite que les recettes au fil des années ?
La référence de l’exécution de l’année 2019 à une projection à 2025 – abstraction faite de la crise sanitaire – en est une illustration ! Les dépenses ont augmenté de 10 % quand les recettes peinent à atteindre les 4 % pour la seule branche maladie.
Les principaux postes du PLFSS, branche maladie et vieillesse, sont tous les deux déficitaires, quelles que soient les prévisions à court et à moyen termes.
La constitution de l’enveloppe Ondam, qui est à 84 % essentiellement consacrée aux dépenses de ville et aux dépenses des établissements de santé, ne peut échapper à une réorganisation en profondeur : en 2018, les dépenses de pathologies et des traitements chroniques ont représenté 61 % de la dépense remboursée par l’assurance maladie, soit 102 milliards d’euros sur un total de 167 milliards.
Nous n’échapperons pas également à des actions soutenues pour limiter les actes inutiles, voire à une nouvelle approche qui orientera, à moyen terme, notre modèle vers davantage de prévention et un réarmement de notre recherche.
Nous devons prendre acte de l’échec de notre gouvernance déconcentrée, mais insuffisamment décentralisée. Des outils de la territorialisation ont en effet été créés, mais n’ont pas encore apporté la lisibilité nécessaire pour nos concitoyens ni produit l’efficacité attendue.
Je pense, notamment, aux groupements hospitaliers de territoire (GHT), aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et aux conseils territoriaux de santé (CTS).
Il nous faut également approfondir une approche fondée sur les bassins de vie sanitaires, qui fait chaque année ses preuves : je pense aux maisons de santé, aux centres d’urgence, aux équipements de proximité, etc.
Enfin, l’ajout de rapports présentant pour les derniers exercices clos et les années à venir les objectifs pluriannuels de gestion et les moyens de fonctionnement devrait nous permettre de définir avec davantage d’acuité les objectifs prioritaires en matière santé ainsi que la stratégie d’investissement.
Mes chers collègues, le texte dont nous achevons aujourd’hui l’examen est ambitieux. C’est un texte qui a pourtant subi des modifications significatives, ce qui nous empêche malheureusement aujourd’hui de pouvoir le voter. C’est pourquoi, avec regrets, le groupe RDPI s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons examiné la semaine dernière le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Les débats ont été l’occasion d’évoquer des sujets importants visant à renforcer l’accès aux soins et aux droits sociaux des Français. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires a abordé cet exercice de façon pragmatique, en apportant autant d’idées nouvelles et de propositions d’amélioration que le couperet des articles sur la recevabilité des amendements le permet.
L’Ondam a été revalorisé de 1,7 milliard d’euros en 2021 afin de compenser les surcoûts engendrés par la crise sanitaire, notamment pour les hôpitaux. Avec les dernières estimations macroéconomiques, le déficit des comptes sociaux s’établit à 20,4 milliards d’euros en 2022, soit 1,2 milliard de moins que les prévisions.
Nous saluons l’extension des revalorisations salariales du Ségur de la santé à 20 000 professionnels du secteur du handicap exerçant au sein d’établissements financés par les départements. La juste revalorisation des métiers du secteur médico-social est essentielle pour favoriser l’attractivité des métiers et préserver la qualité des soins dispensés.
Nous sommes favorables au doublement de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé, qui refusent de s’engager à modérer leur hausse tarifaire, en dépit des économies réalisées durant la crise, chiffrées à 2,2 milliards d’euros.
La question de la juste répartition des compétences entre sécurité sociale et complémentaires santé se pose réellement, sachant que les frais de gestion des mutuelles sont particulièrement élevés, avec 7,6 milliards d’euros de dépenses chaque année.
Les sénateurs de notre groupe avaient défendu en 2019 un amendement présenté par Daniel Chasseing visant à prévoir un stage dans un désert médical pour les internes en dernière année de médecine. En complément de ce dispositif, nous avons défendu plusieurs amendements, adoptés la semaine dernière, pour faciliter l’accès aux soins dans les déserts médicaux.
Je pense, tout d’abord, au dispositif incitatif visant à instaurer des zones franches médicales dans lesquelles les médecins pourraient bénéficier d’exonérations de cotisations sociales.
Je pense, ensuite, au dispositif plus contraignant visant à conditionner le conventionnement par l’assurance maladie des médecins à l’exercice au moins pendant six mois dans des zones sous-dotées en médecins.
L’accès aux soins pour tous, en tout point du territoire, est notre priorité et l’enjeu des années à venir. Dans de nombreuses communes rurales, les médecins retraités ne trouvent aucun remplaçant pour reprendre leur cabinet et garantir le suivi médical des habitants.
Si cette situation n’est pas nouvelle, la progression des déserts médicaux en France est préoccupante, nous devons apporter des solutions d’urgence et de long terme pour y remédier.
C’est aussi la raison pour laquelle nous avons défendu le maintien de l’article 40 sur l’accès direct des patients aux orthoptistes pour favoriser l’accès à la santé visuelle, tout en proposant de renforcer le cadre dans lequel se déroulent ces consultations.
Nous avons également voté en faveur du remboursement de consultations chez un psychologue agréé.
En lien avec l’entretien postnatal précoce instauré à l’article 44 bis, il serait intéressant de prévoir un accompagnement particulier des jeunes parents à risque de dépression post-partum : 30 % des mères sont concernées, mais aussi 18 % des pères d’après les récentes études.
Nous avons soutenu l’extension de la gratuité d’accès à la contraception pour les jeunes femmes de moins de vingt-six ans, tout en soulignant qu’il faudrait étendre cette mesure aux jeunes hommes.
Nous saluons l’adoption de l’article 49 visant à faciliter le versement des pensions alimentaires. Cette mesure devrait améliorer la situation financière des familles monoparentales, soit actuellement une famille sur quatre, dont une majorité de mères célibataires.
Le principal défaut de ce texte est l’insuffisance de financement en direction des Ehpad, dont le taux d’encadrement en personnel soignant reste bien en deçà de l’acceptable au regard du degré de dépendance des pensionnaires et de leurs besoins d’accompagnement.
Les sous-effectifs récurrents en personnel soignant engendrent une forte dégradation des conditions de travail et augmentent les risques de maltraitance. Nous saluons néanmoins l’adoption de l’amendement de Daniel Chasseing visant à ouvrir vers l’extérieur les pôles d’activité et de soins adaptés pour favoriser l’accès à la santé mentale de nos aînés vivant à domicile.
Notre groupe est favorable au report de l’âge d’ouverture des droits à la retraite de 62 à 64 ans, mais nous souhaitons que cette mesure fasse l’objet d’un texte à part entière.
Le principe de réalité exige une augmentation progressive de la durée d’activité des Français. Pour cela, nous devons actionner trois leviers : la prévention des maladies chroniques, la formation tout au long de la vie et des conditions de travail adaptées.
Nous n’avons pas voté en faveur de la suppression de l’article 5 relatif à la reprise d’une partie de la dette hospitalière par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
Nous n’avons pas non plus soutenu la suppression de la trajectoire financière des comptes sociaux pour les quatre années à venir. Si l’annexe B présente une trajectoire peu optimiste pour les finances sociales, cette dernière traduit les effets imprévisibles de la crise sanitaire.
Il nous paraît difficilement acceptable d’adopter un projet de loi de financement de la sécurité sociale dépourvu de sa dimension pluriannuelle. Le nécessaire retour à l’équilibre des comptes sociaux ne doit pas se réaliser au détriment du financement des hôpitaux et du secteur médico-social.
Au regard de ces éléments, la majorité des sénateurs de notre groupe a fait le choix de s’abstenir. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d’une semaine de débat, nous nous apprêtons à voter un texte qui prévoit un déficit de la sécurité sociale de plus de 21 milliards d’euros.
Arrêtons-nous un moment sur ce montant et sur ce qu’il dit de notre protection sociale.
Il traduit tout d’abord l’effort consenti dans la crise pour protéger les Français. Le système de santé, soumis à de fortes tensions, a tenu bon et pris en charge des flux de patients inédits. L’État a financé très largement les tests, les vaccins et les outils de réponse à l’épidémie.
Au-delà, il a préservé, ainsi que l’Insee vient de le confirmer, le pouvoir d’achat des actifs des effets potentiellement dévastateurs des mesures prises pour lutter contre la propagation du virus.
Au-delà de ce rôle de « stabilisateur automatique », traditionnel en période de basses eaux économiques, ce déficit traduit aussi des déséquilibres plus structurels qui interrogent plus profondément notre modèle social.
Ce déséquilibre, en premier lieu, est celui de l’assurance maladie. Il est sans aucun doute le plus difficile à régler tant il imbrique un nombre d’acteurs et de problématiques complexes. Nous pourrions faire le constat simple d’un manque de recettes devant des besoins croissants, liés au vieillissement, au développement des pathologies chroniques ou encore à l’innovation thérapeutique. Cela nous pousserait à nous interroger sur le taux de contribution sociale généralisée (CSG) auquel nous consentirions collectivement pour équilibrer le système. Ce n’est pas si simple.
Le sujet est, de fait, encore plus complexe si l’on considère les résultats obtenus. La part de la prévention est encore beaucoup trop limitée dans notre système ; les inégalités en matière d’accès aux soins, qu’elles soient sociales ou territoriales, sont criantes, au point de devenir une préoccupation de premier rang pour les Français. L’hôpital, devenu le premier point d’entrée de notre système de soins et le réceptacle de ces dysfonctionnements, semble craquer de toutes parts.
En matière d’accès aux soins, le Sénat a adopté des dispositions visant à renforcer la présence médicale dans les zones sous-dotées. Il invite également le Gouvernement à mettre en œuvre, de façon effective, les dispositions qui ont été votées par les deux assemblées au travers de la dernière loi Santé.
L’assurance maladie, dont le tableau clinique est inquiétant, exigera donc davantage qu’un surcroît de recettes – d’ailleurs, nous n’en disposons pas.
Les termes du débat sont certainement plus simples en ce qui concerne l’assurance vieillesse, quoique cette simplicité ne s’attache pas à la mise en œuvre des mesures nécessaires, dans un pays où l’attachement à partir à la retraite assez tôt est important. Devant l’équation démographique à laquelle notre pays est confronté, le Sénat a fait ses choix. Oui, il faudra prolonger la durée d’activité, autant que les conditions de travail et de santé soient améliorées. Là encore, le chantier est d’importance. Rendons-nous à l’évidence : dans un système par répartition, où les actifs financent le revenu des retraités avec une croissance faible, un nombre réduit d’actifs ne pourra soutenir la charge d’un nombre croissant de retraités sans aucun changement.
L’autonomie constitue certainement la plus lourde déception de ce texte. Il n’est plus l’heure de commander de nouveaux rapports ou d’établir de nouveaux constats : nous savons que le besoin de financement s’établit, selon les estimations, entre 6 et 10 milliards d’euros.
Le vieillissement de la population est avéré ; le levier de la prévention de la perte d’autonomie est insuffisamment actionné pour infléchir cette tendance. Pour y faire face, la commission des affaires sociales du Sénat s’était prononcée, sur le rapport de nos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier, pour une assurance couvrant ce nouveau risque, souscrite le plus tôt possible afin de limiter le montant des primes.
La perte d’autonomie est un vrai risque assurantiel, bien qu’elle ne touche pas 100 % d’une classe d’âge et qu’elle porte sur une durée relativement circonscrite. Faute d’assurer son financement, la nouvelle branche Autonomie, d’ores et déjà en déficit, reste une promesse non tenue. La définition d’un cadre à la gouvernance encore imprécise, notamment pour ce qui concerne le rôle des départements, ne peut suffire à répondre au défi de la prise en charge digne des personnes âgées de ce pays.
Nous connaissons l’attente et les besoins qui s’expriment. Ils sont immenses, y compris du côté des personnes qui travaillent dans ces secteurs – ils ont besoin de motivation, de reconnaissance, de professionnalisation des compétences. Or rien ne vient y répondre dans l’immédiat.
Pourquoi, monsieur le ministre, avoir annoncé, dans l’euphorie, la création d’une cinquième branche ? Pour l’heure, cette question restera sans réponse. C’est pourquoi le Sénat propose la réunion d’une conférence nationale des générations et de l’autonomie.
Il nous a manqué un texte sur l’autonomie et le grand âge, comme il nous a manqué une loi Santé ; le PLFSS pour 2022 ne saurait s’y substituer. Celui-ci demeure un texte d’attente, considérant sans doute qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment… La crise de 2008 avait été suivie de tentatives pour réguler les dépenses, puis d’une véritable austérité fiscale. Le présent texte ne dit rien des choix qui seront faits : c’est une source d’inquiétude pour l’avenir, qui nous a conduits à rejeter la trajectoire pluriannuelle. Dès lors, nous avons voulu exposer les nôtres.
Au-delà de ces questions de fond, nous appelons au respect des prérogatives du Parlement, dont le rôle éminent reste bien de consentir à la dépense. Au sortir de la crise sanitaire, le PLFSS devrait se recentrer sur le rôle constitutionnel du Parlement. Il est temps de retrouver le sens de l’autorisation parlementaire, en particulier pour les agences sanitaires, d’en finir avec les amendements de dernière minute, qui ne sont pas de bonnes surprises, et de cesser de gaver un texte déjà obèse d’articles additionnels dépourvus de tout lien avec ses enjeux financiers.
Rappelons, ici, notre opposition constante à l’inscription dans ce texte de la reprise par la Cades de la dette des hôpitaux.
Le débat sur le PLFSS pour 2022 en annonce un autre, consacré à la révision du cadre organique qui lui est applicable. Les travaux de la commission mixte paritaire devront illustrer une volonté d’aboutir afin que les représentants des Français puissent, sur des enjeux cruciaux pour ces derniers, assumer la mission que la Constitution leur confie.
Sous le bénéfice de ces observations, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, tel qu’issu des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)