M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Nous avons compris : monsieur le Premier ministre, vous êtes satisfait ! Pourtant, on ne construira pas l’avenir avec les lunettes du passé ; on ne luttera pas contre le dérèglement climatique sans changer de modèle ; on ne réduira pas les inégalités en s’acharnant sur les plus démunis.
Notre avenir sera écologique et solidaire ou ne sera pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
conséquences de l’inflation sur le financement des projets locaux
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC. – MM. Martin Lévrier et Teva Rohfritsch applaudissent également.)
M. Alain Marc. Madame la ministre, je suis très étonné que ce soit vous, la ministre déléguée chargée de la ville, qui réponde à ma question, car celle-ci porte sur la dotation d’équipement des territoires ruraux, la fameuse DETR.
Dans toute la France, les commissions des élus chargées d’allouer la DETR ont commencé leurs travaux ou s’apprêtent à le faire. Pour l’heure, leur mission consiste essentiellement à définir les critères d’attribution des subventions. Les décisions concernant les nouveaux projets seront rendues en début d’année prochaine, en janvier ou en février selon les cas, pour un versement effectif en mars 2022.
Nous le savons tous ici, il s’agit d’un moment important pour les collectivités territoriales et les élus locaux. L’attribution de la DETR a de puissants effets d’entraînement pour le tissu des entreprises situées dans les départements ruraux.
Chaque année, les procédures d’attribution sont suivies de près par les élus. Mais cette année, le contexte économique devrait donner une tournure un peu particulière à ces rendez-vous. Et pour cause, l’inflation fait son grand retour. Nous en connaissons les raisons macroéconomiques : compte tenu de la forte reprise en sortie de crise, la demande est importante et la pression s’accroît sur les matières premières et l’énergie.
De façon très concrète, cela se traduit par une augmentation très forte des coûts des projets. Les hypothèses sur lesquelles les dossiers ont été bâtis, préparés de longue date par les porteurs de projets, sont devenues caduques. Et les plans de financement risquent fortement de déraper.
Dans ce contexte, madame la ministre, ma question est assez simple : alors que le Sénat examinera tout prochainement le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement envisage-t-il de réviser l’enveloppe globale de la DETR pour prendre en compte les effets de l’inflation ? Plus généralement, et au-delà de ce dispositif particulier, quelles sont les réponses que le Gouvernement peut apporter aux élus locaux, qui craignent de voir les budgets prévisionnels déraper à cause de l’inflation ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
M. Emmanuel Capus. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Alain Marc, vous dites être surpris que je réponde à votre question. J’en suis étonnée, d’autant que vous interrogez le Gouvernement sur une réforme entreprise en 2005 par le ministre Daubresse et portant sur la DETR et la DSU (dotation de solidarité urbaine). En tant que ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires, je me fais un plaisir de vous répondre.
Je partage votre préoccupation concernant les conséquences de l’inflation sur les coûts des travaux publics. C’est un sujet qui concerne en premier chef les collectivités, lesquelles réalisent la majeure partie de l’investissement civil. Rappelons d’abord quelques éléments de contexte : la hausse des prix a été mesurée en 2020 à 0,5 %. Elle redémarre en 2021 et 2022, tirée par la hausse des prix de l’énergie.
Cependant, cette hausse ne se répercute pas forcément sur tous les chantiers. (M. Jérôme Bascher s’exclame.) Souvent, le coût final correspond au devis signé entre les maîtres d’ouvrage et l’entreprise. D’ailleurs, les remontées des collectivités locales sur ce sujet ne sont, à ce stade, ni massives ni très fréquentes. Ce sujet est pourtant devant nous : des entreprises répercuteront l’inflation sur les devis qu’elles proposeront aux collectivités en 2022.
L’État continuera de soutenir l’investissement local avec plus de 2 milliards d’euros supplémentaires de subventions de DETR, de DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) et de DPV (dotation politique de la ville) en 2022. En outre, le Premier ministre a arbitré une rallonge de la DSIL de plus de 300 millions d’euros pour financer les CRTE (contrats de relance et de transition écologique). Et 95 millions d’euros supplémentaires ont été affectés sur la DSU. Cela répond, me semble-t-il, à votre demande de crédits supplémentaires en soutien aux collectivités.
Je note ensuite que l’inflation aura des conséquences positives sur certaines ressources fiscales des collectivités, ce qui leur permettra de faire face à la situation. Je pense notamment aux impôts assis sur la base locative cadastrale, revalorisés chaque année en tenant compte de l’indice des prix. Le taux d’actualisation pour l’année 2022 n’est pas encore connu, car il dépend des données de novembre 2021.
Je pense aussi à la TVA, qui dépend du prix des consommations. En 2022, la hausse du produit de la TVA pourra être de 5,8 % et rapporter 400 millions d’euros aux intercommunalités, 800 millions d’euros aux départements et la même somme aux régions.
Bien entendu, nous continuerons à regarder la situation des collectivités de près. Le Gouvernement soutiendra les collectivités, comme il l’a toujours fait depuis 2017, et surtout en ces temps très troublés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Madame la ministre, dans votre réponse, vous nous parlez à la fois de la DSU et de la DETR. Mais nous, sénateurs, nous sommes des gens simples. Nous avons été des élus locaux, nous savons monter des projets, et il n’est pas besoin de nous faire la leçon ici, je vous le dis franchement.
Mme Florence Lassarade. Parfait !
M. Stéphane Le Rudulier. Très bien !
M. Alain Marc. Quand nous constatons des augmentations très significatives de 20 %, voire de 30 %, de 40 % ou même de 50 % comme c’est le cas pour une commune près de chez moi, nous avons besoin du soutien de l’État pour que les communes puissent réaliser leurs projets.
Je suis désolé, mais nous sommes des gens simples et il n’est pas utile de tenter de nous endormir en nous parlant de la DSU, de la DETR, etc.
M. le président. Il faut conclure !
M. Alain Marc. Nous comptons beaucoup sur le Gouvernement pour prendre des mesures supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
situation de l’usine saint-gobain à pont-à-mousson
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, présent il y a quelques jours à l’Élysée, j’ai été ravi d’y entendre le Président de la République appeler, dans le cadre du plan France 2030, à un élan de réindustrialisation. Mais de la parole aux actes il y a parfois un fossé, comme le cas suivant l’illustre concrètement.
En Meurthe-et-Moselle, à Pont-à-Mousson, Saint-Gobain, fleuron de l’industrie française en matière de tuyaux d’eau en fonte ductile, qui emploie 2 000 personnes, qui est leader européen dans son secteur et dont 50 % de son chiffre d’affaires est constitué à l’export, est victime d’une mauvaise nouvelle. Le Gouvernement, apprend-on, se propose de favoriser et de soutenir financièrement l’implantation dans le sud de la France d’un concurrent indien se positionnant exactement sur le même marché. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Absolument !
M. Jean-François Husson. Cela provoque une colère légitime eu égard aux efforts de l’entreprise, qui mène des travaux pour la décarbonation et le maintien de sa production en France, dans un marché en surcapacité. À cela s’ajoute le non-respect de la réciprocité normative, puisque l’Inde est un pays entièrement fermé aux exportations.
Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous cette information, la justifiez-vous ? Surtout, quelle est votre stratégie pour parvenir à la nécessaire réindustrialisation de la France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Comme vous le savez, monsieur le rapporteur général Husson – vous avez eu l’occasion de rencontrer Bruno Le Maire pour discuter de ce sujet –, nous sommes depuis le début de ce quinquennat très vigilants sur la situation du site de Pont-à-Mousson.
Vigilants sur le projet industriel, qui aurait pu changer la trajectoire de ce site, pour nous assurer que ce dernier ne tombe pas entre des mains peu favorables d’un point de vue industriel.
Vigilants pour rendre plus aisées et automatiques les clauses sociales et environnementales aux acheteurs publics locaux, qui leur permettent de mieux prendre en compte la valeur extrafinancière des conduites en fonte vendues par Pont-à-Mousson. Vigilants donc, en changeant la loi pour cela.
Vigilants en validant un soutien au titre du plan de relance de 2,5 millions d’euros…
Mme Sophie Primas. C’est généreux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … pour l’installation d’un four électrique à Pont-à-Mousson, qui sera le plus grand d’Europe. Cette aide s’ajoute à l’ensemble de celles dont bénéficie Saint-Gobain au titre du plan de relance industriel, soit 10 millions d’euros au total. Dans le cadre de la rénovation thermique, on peut d’ailleurs penser que Saint-Gobain est l’un des principaux bénéficiaires du plan de relance.
Croyez bien que nous sommes totalement engagés aux côtés de cette entreprise, qui a très fortement profité de notre accompagnement industriel.
Vigilants, enfin, car nous avons œuvré pour le maintien de droits antidumping et compensateurs face à une concurrence étrangère déloyale. C’est peut-être pour cette raison que ces acteurs qui importent massivement, et dont les conduites sont achetées par des collectivités locales, cherchent aujourd’hui à s’implanter eu Europe.
De quoi est-il question ? D’avoir une entreprise qui produit en France avec des salariés français, dans des conditions de travail, des conditions sociales et environnementales françaises. Je vous rassure,…
M. Jean-François Husson. Oh non, vous ne me rassurez pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. … ce n’est pas du tout la même taille de conduite de fonte, et il s’agit d’un petit site de 200 salariés. Il pourrait être créé de l’autre côté de la frontière, ou bien être créé en France.
M. Jean-François Husson. Laissez-les là où ils sont !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Voilà de quoi il est question. Nous regardons ce projet avec raison, en ayant toujours en tête l’accompagnement de Pont-à-Mousson. Mais je ne voudrais pas que, collectivement, nous pensions que, si ce site s’installait en Allemagne, en Italie ou en Espagne, nous en serions les gagnants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Paul Prince applaudit également. – Mme Pascale Gruny proteste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Madame la ministre, vous avez finalement répondu à côté de la question. Vous évoquez l’Italie, où un site a fermé en 2019. Vous évoquez l’Allemagne, mais bis repetita : restructuration, fermeture d’un site.
Le marché français est en surcapacité de 50 %. Comment voulez-vous nous faire comprendre que le Gouvernement soit prêt à investir dans ce marché en surcapacité, et que dans le même temps il soutienne une entreprise vertueuse dans le cadre de France Relance ?
Nous vous demandons instamment, moi et mes collègues sénateurs, au premier rang desquels Véronique Guillotin et Philippe Nachbar, de retirer ce projet et de revoir votre copie. Le soutien du gouvernement français est inacceptable. On ne peut pas l’entendre à l’aube d’une campagne présidentielle, qui, monsieur le Premier ministre, a été annoncée hier soir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
stratégie de résorption de la dette covid
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, un sondage de la revue Acteurs publics vient de révéler que huit Français sur dix sont inquiets du niveau de la dette publique. Cantonner la dette covid ne suffit pas à la rembourser. Je souhaite donc savoir quelle est votre stratégie de désendettement.
Hier soir, le Président de la République s’est félicité d’avoir géré la crise sanitaire en « maîtrisant notre déficit public ».
M. Jérôme Bascher. Il a osé !
Mme Sylvie Vermeillet. Il a ajouté que ce déficit serait de moins de 5 % du PIB cette année. Or nous en étions restés à une prévision de 8,1 % du PIB.
Disposeriez-vous d’éléments que nous ignorons pour l’étude du projet de loi de finances pour 2022 ? Dans ce cas, le Parlement pourrait-il en être destinataire, au lieu de débattre de chiffres obsolètes ?
Madame la ministre, Les dépenses pour faire face à la crise sanitaire étaient nécessaires et nous les avons votées, en cautionnant ainsi l’endettement généré. Mais il s’agit maintenant de regarder l’avenir avec lucidité. C’est d’ailleurs avec cette lucidité que nous avons essayé d’envisager l’avenir de la dette publique dans le rapport que mon collègue Éric Bocquet et moi-même avons présenté tout à l’heure au nom de la délégation sénatoriale à la prospective.
Mais le PLF 2022 est-il lucide ? Où est la trajectoire vertueuse que nous devons à nos créanciers ? Y a-t-il des chiffres que nous ne connaissons pas ? La France connaît-elle le secret de l’argent magique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Vermeillet, comme vous l’avez très bien dit, nous avons effectivement, à l’aide de dispositifs de soutien à notre appareil de production et à nos salariés, fait en sorte de sauver et de faire rebondir notre économie. Cette politique a eu un coût, aujourd’hui devenu payant : nous avons la trajectoire de croissance la plus élevée d’Europe, et le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans. (M. Franck Montaugé proteste.)
Sincèrement, aucune personne dans cet hémicycle n’aurait imaginé il y a dix-huit mois que nous soyons dans cette situation. (Murmures sur de nombreuses travées.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Il est important de le préciser collectivement, car, comme vous l’avez dit, vous y avez contribué en prenant vos responsabilités.
S’agissant de la trajectoire de réduction des dépenses publiques, nous avons annoncé ces chiffres dans le PLFR (projet de loi de finances rectificative), que vous allez examiner avec Olivier Dussopt dans une semaine. Vous en avez donc les éléments, et il est très clair : l’atterrissage devrait se situer aux alentours de 8 % de déficit public en 2021 et nous visons 5 % de déficit public en 2022. Il n’y a pas de magie dans ces chiffres, ils sont publics, nous les partageons avec vous, et vous allez être amenés à vous prononcer.
Concernant la trajectoire dans la durée, vous savez que 165 milliards d’euros de dette spécifiquement liée à la covid seront amortis d’ici à 2042 par les fruits de la croissance. Ce que nous avons sauvé l’année dernière, grâce à nos mesures pour les salariés et les entreprises, va permettre à notre sentier de croissance de suivre une pente bien plus élevée. Nous pourrons donc en retirer les fruits, pour rembourser cet effort dans le temps long. C’est l’avantage de l’État tout autant que sa responsabilité : être capable de gérer et d’amortir les crises sur le long terme, ce que les acteurs privés et les ménages ne peuvent pas faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Martin Lévrier. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, avec 1,9 milliard d’euros de désendettement l’année prochaine, je ne vois pas comment la dette covid s’éteindrait d’ici à 2042.
Par ailleurs le FMI vient d’exhorter la France à faire des efforts, et je crois qu’il a bien raison. Si les taux d’intérêt remontent, la charge de la dette sera colossale. Il s’agit donc d’établir des budgets vertueux, qui vont honorer la signature de la France.
À la veille de l’examen du projet de loi de finances (PLF), nous apprécierions de disposer de chiffres plausibles, car je suis sûre que vous ne pourrez pas vous passer de la sagesse du Sénat. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
annonces du président de la république (ii)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. Ma question s’adressait à monsieur le Premier ministre et je remercie M. le ministre de la santé de me répondre, même si le sujet me semble un peu éloigné de ses préoccupations. Peut-être se sentira-t-il concerné…
En effet, monsieur le ministre, les jours passent et se ressemblent.
Chaque jour, les annonces tombent, les millions et milliards se succèdent, si bien qu’il faut désormais une double page pour tout additionner : +30 milliards pour le plan d’investissement, +2 milliards pour le contrat d’engagement jeune, +4 milliards pour l’indemnité inflation, +2 milliards pour renflouer France Compétences… Bref, en moins de trois mois, ce sont plus de 25 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour la seule année 2022 qui ont été annoncés au mépris de toutes les institutions.
Chaque jour, nous sommes interpellés par les déplacements locaux des ministres, lors desquels le mélange des genres est un peu surprenant. Dernier exemple en date : en visite en Savoie, Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement échange à midi avec les missions locales, puis évoque le contrat d’engagement l’après-midi, avant de lancer le soir même l’association « Jeunes majorité présidentielle Savoie » avec Emmanuel Macron.
Chaque jour, ont lieu des États généraux.
M. François Patriat. On travaille !
Mme Frédérique Puissat. Les plus récents portent sur la justice, alors même que six textes ont été portés par votre gouvernement et par le précédent sur ce thème.
Monsieur le ministre, je pourrais être plus longue, mais je n’ai finalement qu’une seule question : est-il moral de faire campagne avec l’argent des Français, en creusant la dette ? (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Madame la sénatrice, je vais répondre à votre question, qui aborde au fond le sujet de la politique menée par le Gouvernement.
Jusqu’à la dernière minute, comme s’y sont engagés le Président de la République et le Premier ministre, le Gouvernement mène la politique annoncée depuis des années. Tout simplement ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce que vous voyez dans les territoires, ce ne sont rien d’autre que des ministres qui font leur travail, qui viennent expliquer et mettre en œuvre la politique du Gouvernement au plus près des citoyens, et qui viennent rendre compte de ce que nous faisons.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est de l’argent public !
M. Marc Fesneau, ministre délégué. Après nous avoir parfois fait le reproche de n’être pas assez sur le terrain, je m’étonne de vous voir vous émouvoir du fait que nous y remplissions notre mission. (Protestations sur de nombreuses travées.)
Madame la sénatrice, le Gouvernement est à l’œuvre, il le sera jusqu’à la dernière minute ; vous pouvez compter sur nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Finalement, je n’en attendais pas d’autre. Dans cet hémicycle comme au Gouvernement, chacun le sait, car nous avons tous écouté le Président de la République hier. Alors que nous attendions un discours sur la covid, nous avons finalement assisté à un discours de campagne présidentielle.
Chaque jour, chaque soir, Emmanuel Macron achète son élection ! (Bravo ! et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.)
hausse des prix de l’énergie en outre-mer
M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Catherine Conconne. Les prix de l’énergie flambent dans la dite outre-mer : +20 % en un an ! L’essence : plus chère ! Le gaz : plus cher !
Alors, attention ! Toutes les révoltes sociales dans la dite outre-mer, notamment celle de 2009, sont nées de la hausse des prix de l’énergie. Je vous appelle donc à agir dès maintenant, à ne pas attendre l’explosion.
Je suis consciente que l’angle d’attaque ne saurait être la fiscalité. Les taxes État sont nulles, celles des collectivités plus que raisonnables. Côté brut, on connaît les conditions du marché. J’aimerais cependant attirer votre attention sur d’autres composantes de la fixation des prix, qui semblent manquer totalement de transparence.
Arrêtons-nous un instant sur l’exemple très emblématique du gaz utilisé par de nombreux foyers – plus de 10 000 tonnes ont été consommées l’an dernier sur notre île. En deux ans, le prix du bidon a augmenté de 50 % ! Sur un montant de 32 euros, la moitié, soit 16 euros, représente des coûts de distribution. Si la part du transport et du revendeur de ce produit semble légitime – elle s’élève à un peu plus de 4 euros –, comment se décomposent les 12 euros restants sur les 32 du prix global ? Qui rémunèrent-ils, et sur quelle base ? On l’ignore, ou on en sait si peu !
Il y a une urgence de transparence. Il existe un sentiment d’injustice, qualifié de « pwofitasyon » en créole, qui perdure. Non, nos populations ne peuvent pas être toujours plus pauvres et payer toujours plus cher. Ce n’est pas acceptable !
Oui, il y a le chèque énergie. C’est un soulagement ponctuel, mais ce n’est pas la solution !
Madame la ministre, êtes-vous prête à lancer courageusement cette nécessaire mission transparence très attendue, afin de soulager les Ultramarins face à la flambée des prix ? L’État est-il prêt à enfin faire la transparence sur ces rémunérations d’intermédiaires et ces marges qui semblent frappées d’opacité ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. Dominique Théophile et Mme Vivette Lopez applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Conconne, nous entendons votre émotion palpable face à cette réalité d’une précarité énergétique.
Nous répondons à cette émotion par des actions concrètes, d’abord à l’aide de mesures d’urgence agissant sur le budget des ménages, comme le chèque énergie exceptionnel de 100 euros (Mme Catherine Conconne et M. Victorin Lurel lèvent les bras au ciel.), versé à 5,8 millions de ménages déjà bénéficiaires du chèque énergie, dont 280 000 en outre-mer. (M. Victorin Lurel marque son étonnement.) Ce nouveau chèque sera automatiquement envoyé, sans démarche supplémentaire.
Mme Catherine Conconne. Et la transparence ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Il est déjà possible d’acheter des bouteilles de gaz avec le chèque énergie. (Mme Catherine Conconne s’agace.) Cette mesure sera renforcée en incitant les fournisseurs à se faire agréer pour mettre en place, si nécessaire, des systèmes d’avoirs au cas où le chèque ne serait pas totalement consommé.
Mme Cécile Cukierman. C’est comme un ticket resto !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Une indemnité inflation de 100 euros va être distribuée, notamment pour faire face à la hausse des prix des carburants. Il s’agit clairement de la meilleure solution, car une baisse des taxes sur les carburants outre-mer n’aurait ni beaucoup d’intérêt ni beaucoup d’impact.
M. Victorin Lurel. Regardez les textes, ce sont des prix réglementés !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Cette indemnité concernera environ 38 millions de nos concitoyens, qui touchent moins de 2 000 euros net par mois, et près d’un million d’Ultramarins en seront destinataires. Tous seront concernés : ceux qui travaillent, ceux qui sont à la recherche d’un emploi, les retraités ou les bénéficiaires des minima sociaux. (M. Victorin Lurel s’exclame.)
Ces mesures sont des mesures de justice sociale et de lutte contre la précarité énergétique. Bien entendu, nous veillons à ce que l’application stricte de la formule de calcul des prix réglementés des carburants empêche toute marge indue. Nous avons également mis en place le bouclier tarifaire sur le gaz de ville et l’électricité, qui plafonnera la hausse du prix de l’électricité à 4 %. Tous les départements et régions d’outre-mer (DROM) en bénéficieront, ainsi que Wallis-et-Futuna et les trois Saints.
Ce bouclier sera mis en place par une baisse de la taxe sur la consommation d’électricité, qui bénéficiera également aux entreprises. (M. Victorin Lurel proteste.)
Il y a donc une totale transparence. Les tarifs réglementés de vente du gaz de ville sont aussi gelés jusqu’à la fin de l’année 2022.
Le coût de ce bouclier tarifaire…