compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
Mme Corinne Imbert,
M. Dominique Théophile.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Daniel Chasseing. Lors du scrutin n° 24, sur l’amendement n° 985 rectifié bis, je souhaitais m’abstenir, de même que mon collègue Jean-Pierre Decool.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Financement de la sécurité sociale pour 2022
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2022 (projet n° 118, rapport n° 130, avis n° 122).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie, l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 12.
TROISIÈME PARTIE (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2022
TITRE Ier (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Chapitre Ier (suite)
Poursuivre les actions de simplification et d’équité du prélèvement
Après l’article 12 (suite)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 316 rectifié bis, présenté par Mme Deseyne, MM. Retailleau et Milon, Mmes Lassarade et Belrhiti, M. D. Laurent, Mme Micouleau, MM. Cardoux, Panunzi, Cadec, Pellevat, Burgoa, Lefèvre, Rietmann, J.P. Vogel et Sol, Mmes Pluchet, Gruny et Puissat, MM. Joyandet et Bouchet, Mmes Ventalon et Thomas, MM. Savary, Longuet, Gremillet, Bonne et Darnaud, Mme Estrosi Sassone, M. Charon, Mme Drexler, M. Belin, Mmes Bonfanti-Dossat et Raimond-Pavero, MM. Perrin et Brisson, Mme Schalck, MM. Rojouan, B. Fournier, Rapin et Pointereau, Mme Borchio Fontimp, M. Mandelli, Mme Di Folco, MM. Cambon, Babary, Bouloux et Klinger et Mme Joseph, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-3-… – Dans le cadre du schéma régional pluriannuel d’organisation des soins, créées, par l’agence régionale de santé en relation avec les représentants des collectivités territoriales concernées, des zones franches médicales sur les territoires déficitaires en offre de médecine générale et de spécialité.
« Il est institué dans les zones franches médicales une exonération des cotisations sociales, dont les modalités sont définies par décret, auxquelles sont assujettis les médecins généralistes et les médecins spécialistes libéraux à compter de leur installation. »
II – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une contribution additionnelle à la contribution mentionnée à l’article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à mettre en place un mécanisme d’incitation à l’installation des médecins libéraux dans les zones sous-dotées. Il s’agirait de créer des zones franches médicales, sur le modèle des zones franches urbaines.
Cela permettrait de lutter contre le phénomène des déserts médicaux dans des périmètres qui seraient définis par les agences régionales de santé (ARS), en concertation avec les élus locaux.
Nous dressons tous le même constat : les déserts médicaux ne se trouvent plus seulement dans les départements ruraux ; c’est l’ensemble du territoire qui est concerné. Il est donc nécessaire de trouver des solutions. C’est l’objet du présent amendement.
M. le président. L’amendement n° 286 rectifié, présenté par MM. Henno, Moga et Capo-Canellas, Mme Létard, MM. S. Demilly et Le Nay, Mme Dindar, M. Janssens, Mme Perrot, MM. Détraigne, Canévet, Duffourg et J.M. Arnaud, Mmes Jacquemet et Billon et M. Mizzon, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-3-…. – Dans le cadre du schéma régional pluriannuel d’organisation des soins, sont créées, par l’agence régionale de santé, des zones franches médicales sur les territoires déficitaires en offre de médecine générale et de spécialité.
« Il est institué dans les zones franches médicales une exonération des cotisations sociales, dont les modalités sont définies par décret, auxquelles sont assujettis les médecins généralistes et les médecins spécialistes libéraux à compter de leur installation. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée à due concurrence par la création d’une contribution additionnelle à la contribution visée à l’article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Dans la même veine que l’oratrice précédente, je souhaite insister sur le fait que la problématique des déserts médicaux concerne désormais – notre collègue Daniel Chasseing l’a très bien expliqué hier – non seulement les zones rurales, mais également des quartiers périphériques, voire des villes-centres.
À ceux qui, comme c’est bien souvent le cas, nous enjoindront de ne rien faire, je réponds qu’il est sans doute nécessaire d’imaginer des mesures auxquelles nous n’aurions pas songé voilà encore quelques années.
Le dispositif que nous envisageons ne porte pas atteinte à la liberté d’installation des médecins. Il n’impose aucune contrainte. Nous voulons simplement avantager les médecins qui font le choix de s’installer dans des déserts médicaux. Le mécanisme est assez simple, et il a très bien fonctionné dans d’autres domaines. Actons le principe des zones franches pour les déserts médicaux. N’attendons pas d’avoir formé suffisamment de médecins pour régler le problème !
M. le président. L’amendement n° 836 rectifié bis, présenté par MM. Menonville, Decool, Guerriau, Chasseing et A. Marc, Mmes Paoli-Gagin et Mélot et MM. Lagourgue, Capus et Malhuret, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-3-… ainsi rédigé :
« Art L. 1434-3-…. – Dans le cadre du schéma régional pluriannuel d’organisation des soins, sont créées, par l’agence régionale de santé, des zones franches médicales sur les territoires déficitaires en offre de médecine générale et de spécialité.
« Il est institué dans les zones franches médicales une exonération des cotisations sociales, dont les modalités sont définies par décret, auxquels sont assujettis les médecins généralistes et les médecins spécialistes libéraux à compter de leur installation. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Je souscris totalement aux arguments de notre collègue Olivier Henno.
Le présent amendement a également pour objet la mise en place de zones franches médicales pour lutter contre le phénomène des déserts médicaux. Selon son auteur, notre collègue Franck Menonville, l’instauration de mesures en faveur de l’installation des jeunes médecins peut être un levier pour redéployer des médecins déjà installés dans des zones denses vers des zones médicalement dépourvues. Même si je suis un peu sceptique, je pense que cela mérite d’être tenté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Le sujet a déjà été abordé hier soir. Nous le savons, l’accès aux soins est l’une des principales préoccupations des Françaises et des Français. Nous sommes tous à la recherche de solutions permettant de répondre à une telle préoccupation. En l’occurrence, les auteurs de ces amendements prônent la mise en place de zones franches médicales.
Or, en situation de pénurie, les territoires sont en concurrence pour attirer les médecins ; vous savez qu’il y a déjà les zones de revitalisation rurale (ZRR). Personnellement, je pense que la création de zones plus aidées que d’autres a pour conséquence de créer une concurrence déloyale. Or nous avons tous besoin de médecins. Comme l’a souligné notre collègue Olivier Henno, il en manque non seulement dans les zones rurales, mais également dans des quartiers périphériques, voire dans certaines villes.
Je peux d’ores et déjà vous indiquer qu’un amendement déposé au nom de la commission pour la branche famille – nous aurons bientôt l’occasion de l’examiner – vise à réactiver la mesure proposée par le Sénat en 2019, mais non appliquée faute de décret. Cela devrait répondre aux préoccupations des auteurs de ces amendements.
D’autres dispositifs, notamment réglementaires, applicables aux professions médicales peuvent également être envisagés face au véritable problème soulevé par nos collègues.
Cela étant, la création de zones franches médicales, en plus d’être coûteuse, aurait des effets pervers, puisque – je l’ai indiqué précédemment – certaines zones seraient aidées tandis que d’autres le seraient moins. En outre, comme l’avait relevé notre ancien collègue Gérard Roche, qui avait observé un tel phénomène dans son département, cela créerait des différences entre praticiens, par exemple entre médecins hospitaliers et médecins libéraux.
Par conséquent, je sollicite le retrait de ces amendements, au profit de celui dont nous serons saisis un peu plus tard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. De tels amendements ont déjà été présentés. À nos yeux, les zonages actuels sont suffisants, d’autant que loi du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 les a renforcés en prévoyant une exonération totale pendant trois ans pour les jeunes médecins qui s’installent rapidement après leurs études.
Pour ces raisons, et pour celles qui ont été évoquées par Mme la rapporteure, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je partage ce qui vient d’être indiqué par Mme la rapporteure générale et M. le ministre délégué. Nous sommes toutes et tous sensibles à la question des déserts médicaux. Avec les membres de mon groupe, nous ne croyons pas à la solution unique ; c’est plutôt la conjonction de différentes mesures, certes difficiles à trouver, qui permettra de régler le problème.
Nous faisons face à une pénurie particulièrement forte. J’ignore quelles seraient aujourd’hui les zones les plus favorisées, mais, eu égard à la démographie médicale, elles sont de toute manière de moins en moins nombreuses.
Je doute qu’exonérer les médecins de cotisations sociales les fasse bouger. L’installation des médecins nécessite un meilleur tissu en termes de service public, un accompagnement, voire un tutorat.
Il faut diversifier les activités. Je pense aux centres de santé et aux maisons de santé, que je n’oppose pas : les premiers peuvent répondre aux jeunes médecins désireux d’avoir une activité salariée, quand les secondes permettent de travailler de manière plus collective.
Depuis le début de notre discussion, nous nous heurtons à une difficulté qui va rester entière dans les années à venir. Aujourd’hui, le numerus clausus relève non plus de l’État, mais des universités. Or celles-ci n’ont pas suffisamment de moyens. Nous le voyons dans nos départements, le nombre de médecins supplémentaires formés est ridicule, en raison non pas d’une hostilité des recteurs, mais d’une carence de crédits alloués aux universités.
Il faut davantage de moyens pour former des professionnels, qu’il s’agisse de médecins ou de paramédicaux, dont nous manquons aussi cruellement. Par exemple, du fait du numerus clausus imposé aux orthophonistes – je suis bien placée pour le savoir –, il est particulièrement compliqué d’obtenir un rendez-vous, quel que soit le trouble du langage. Cela a des conséquences catastrophiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je voudrais tout de même rappeler qu’un certain nombre de dispositifs ont été mis en place depuis 2009.
L’un d’eux consistait à garantir aux jeunes médecins s’installant en zones peu denses un salaire minimal de 4 500 euros par mois, quitte à verser la différence lorsque la seule activité ne permettait pas d’atteindre ce niveau de revenus. Le moins que l’on puisse dire est que la mesure, censée inciter à l’installation, n’a pas vraiment atteint ses objectifs. Et je pourrais vous citer d’autres mécanismes institués depuis une dizaine d’années dont les résultats sont tout aussi décevants.
Le système des maisons de santé, auquel Laurence Cohen a fait référence, fonctionne bien. Comme il ne sera pas possible d’avoir un médecin par commune – nous le savons –, cela permet aux praticiens d’exercer dans de bonnes conditions et de se répartir la tâche. C’est une bonne solution, mais ce sont presque toujours les collectivités qui ont réalisé les investissements. Dans certains cas, il s’est agi d’une opération blanche ; dans d’autres, cela leur a coûté très cher.
Je pense que la proposition dont nous sommes saisis est une réponse, et je voterai donc en sa faveur. Mais, face au problème immédiat des déserts médicaux, où nos concitoyens sont à une demi-heure ou une heure du premier médecin généraliste, cela me paraît notoirement insuffisant.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je pense également que c’est insuffisant. Je suis sénateur depuis quatre ans et nous parlons toujours du même sujet !
Nos territoires ruraux sont confrontés à une pénurie colossale de médecins. Aujourd’hui, il y a une France à deux vitesses : une partie du pays peut se soigner quand l’autre n’y arrive plus faute de médecins.
On me dit que la médecine générale étant une activité libérale, il est par définition impossible d’imposer une répartition géographique aux professionnels. Dans ce cas, il faut procéder autrement et déconventionner. Nous savons qu’il existe des territoires surdotés ; je pense notamment à la Côte d’Azur. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Déconventionnons les médecins qui s’y implantent ! Ils pourront toujours aller dans des zones où les professionnels sont déjà trop nombreux, mais ils ne seront plus conventionnés. Cela permettra peut-être de compenser le déséquilibre entre la France qui se soigne et la France qui ne peut plus se soigner.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’ai vécu dans mon département la situation que notre collègue Laurent Duplomb a décrite.
Certes, madame Cohen, il y a des médecins qui souhaitent être salariés. Mais les départements ou les collectivités le leur proposent déjà.
S’il n’y a effectivement pas eu d’augmentation du numerus clausus en 2020, les universités ont commencé à jouer le jeu en 2021 et continueront en 2022. Des sélections de jeunes étudiants s’effectuent différemment. Je pense que la réforme portera ses fruits dans une dizaine d’années. Le Gouvernement a eu raison de la mettre en place.
Ainsi que je l’ai indiqué hier soir, pour aménager le territoire, il faudra sans doute demander aux médecins de s’installer en zone sous-dotée pendant au moins un an. Après tout, nous avons bien payé leurs études… Une durée d’un an ou deux n’a rien d’extraordinaire ! Nous serons peut-être obligés d’en passer par là.
Les amendements dont nous discutons sont un « plus ». Je crois que nous pouvons les voter.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je soutiendrai les amendements qui viennent d’être présentés, notamment l’amendement n° 316 rectifié bis.
Mais j’aimerais rappeler la responsabilité que le Gouvernement porte dans la situation actuelle.
Souvenez-vous : en 2019, lors de l’examen de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, le Sénat avait formulé à la quasi-unanimité une proposition qui figure désormais dans la loi, puisqu’il y avait eu un accord en commission mixte paritaire.
Si le Gouvernement avait pris le décret d’application, l’obligation pour les étudiants en dernière année d’internat de médecine générale – cela peut également valoir pour d’autres spécialités – de passer au moins six mois en zone déficitaire s’appliquerait depuis le 1er novembre 2021, c’est-à-dire depuis huit jours ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Émilienne Poumirol et M. Jean-Pierre Corbisez applaudissent également.) Pour la seule médecine générale, 3 500 internes pouvaient en toute autonomie prendre en charge des patients, soit 35 par département ; ce n’est pas rien.
Il suffit donc de prendre le décret d’application. Je sais bien qu’il fallait revoir la maquette, mais c’est le courage qui a fait défaut. On aurait dû reprendre le dialogue avec les internes…
Le dispositif ayant été voté, nous sommes bien face à un déni de la démocratie parlementaire. Il est bon de s’en souvenir dans un débat sur l’absence de médecins dans certains territoires ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Le mécanisme voté dans le cadre de Ma santé 2022 – Corinne Imbert vient d’y faire référence – avait été proposé, puis voté à la quasi-unanimité par le Sénat, avant d’être imposé à l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire. Cette mesure très importante aurait effectivement permis l’installation de beaucoup d’étudiants en médecine générale en cabinet privé dans les six derniers mois de leurs études.
Certes, les maisons de santé pluridisciplinaires, les centres de santé et d’autres dispositifs existent déjà. Mais les zones franches médicales sont un moyen supplémentaire pour faciliter l’installation de jeunes médecins dans les zones désertifiées.
La proposition de Laurent Duplomb sur le déconventionnement est intéressante. Mais il existe déjà ce que l’on appelle la zone 2, avec une prise en charge par les mutuelles. En d’autres termes, déconventionner aurait pour effet d’enrichir les praticiens, qui bénéficieraient d’une patientèle importante même dans les zones où ils sont trop nombreux, sans régler le problème des zones sous-dotées en médecins.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je soutiendrai également la proposition visant à inciter les médecins à s’installer dans les zones qualifiées de déserts médicaux. Mais il faut, à mon sens, sortir du mythe selon lequel nous pourrions trouver des mécanismes pour convaincre un jeune médecin de venir s’installer en zone rurale, d’y amener sa famille, d’y exercer pendant quarante ou cinquante ans, et ce le jour, la nuit et les week-ends !
À l’issue de leurs études, qui sont longues, les médecins ont souvent un conjoint installé là où il y a le plus de travail, c’est-à-dire en ville.
Je crois davantage à l’idée de deuxième carrière du médecin. Ayant travaillé avec nombre de départements, j’ai observé que des dispositifs initialement conçus pour faire venir de jeunes praticiens avaient surtout attiré des médecins désireux d’effectuer une deuxième carrière à la suite d’un changement dans leur vie, par exemple le départ des enfants ou une séparation. Ces professionnels bénéficient d’une expérience – c’est toujours utile pour exercer dans une zone éloignée de tout recours hospitalier – que n’ont pas les jeunes médecins diplômés, et encore moins les internes en formation.
Or les zones franches médicales, avec les avantages fiscaux afférents, sont une manière d’attirer les médecins en deuxième carrière. Je voterai donc en faveur des mesures proposées.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Mme la rapporteure générale a été dans son rôle en soulignant le coût d’une telle mesure et en décrivant les conséquences possibles. Néanmoins, le Sénat se prononcera dans sa sagesse.
Il est vrai que nous sommes tous à la recherche de solutions face à la « désertification médicale », même si je n’aime pas cette expression tant les situations sont disparates sur le terrain. Nous pouvons toujours opter pour les zones franches médicales si nous estimons qu’une telle piste mérite d’être explorée. Mais il faut bien voir – Jean-Luc Fichet l’a d’ailleurs souligné – que l’incitation financière n’est pas suffisante.
Les ARS déploient souvent des dispositifs d’aide à l’installation. Or cela ne marche pas davantage. L’explication est assez simple : l’offre sur le territoire est telle que les étudiants font le choix d’aller là où ils ont envie. Ce qui est déterminant, c’est moins la dimension financière que l’emploi du conjoint, les modes d’exercice pluriprofessionnels, la proximité d’un centre hospitalier universitaire (CHU) ou d’autres établissements.
Cela étant, nous verrons bien ce que le Sénat décidera.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je confirme l’avis défavorable du Gouvernement, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure. Il ne me paraît pas nécessaire d’aller au-delà des dispositifs fiscaux actuels, qui sont déjà nombreux.
Madame Cohen, je vous rappelle qu’en 2021, nous passons pour la première fois la barre des 10 000 étudiants en deuxième année de médecine, soit 2 500 de plus qu’en 2017 et 14 % de plus qu’en 2020. Évidemment, il faut du temps entre la deuxième année de médecine et l’installation, quel que soit le territoire. Et puisque vous évoquez d’autres professions, je précise que nous avons décidé des augmentations de crédits permettant la création de 2 500 places supplémentaires dans les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Là encore, il faut du temps, en l’occurrence des mois, voire des années, entre l’entrée en formation et la sortie de l’école.
Voilà, me semble-t-il, l’une des principales réponses au problème de la démographie médicale, que vous avez tous abordé.
M. Bernard Bonne. Et le décret ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 12, et les amendements nos 286 rectifié et 836 rectifié bis n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 849 rectifié, présenté par MM. Théophile et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Hassani, Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’État peut autoriser, pour une durée de trois ans et à titre expérimental l’exonération des cotisations dues en application des articles L. 613-1, L. 621-2, L. 642-1, L. 645-2 et L. 646-3 du code de la sécurité sociale des honoraires et revenus des médecins mentionnés à l’article L. 722-1 installés dans les collectivités territoriales régies par l’article 73 dans un délai d’un an à compter de l’obtention des titres de formation mentionnés à l’article L. 4131-1 du code de la santé publique et effectuant au moins deux années d’activité professionnelle à titre libéral.
II. – Les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue au I sont définies par voie réglementaire.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Dans les outre-mer, la densité médicale est très inférieure à la moyenne nationale. Deux territoires sont particulièrement affectés : la Guyane et Mayotte. Alors que l’Hexagone compte environ 437 médecins généralistes ou spécialistes pour 100 000 habitants, la Guyane n’en compte que 256 et Mayotte 78, ce qui en fait le plus grand désert médical de France.
Le constat du manque d’attractivité des outre-mer est établi, qu’il s’agisse des médecins généralistes ou des spécialistes. Il est ainsi primordial de renforcer l’attractivité médicale de ces territoires particulièrement frappés par la crise sanitaire.
Cet amendement vise donc à inciter les médecins nouvellement diplômés à s’installer dans les deux territoires concernés grâce à l’instauration, sous forme d’une expérimentation de trois ans, d’une exonération de cotisations sociales sur les revenus d’activité en cas d’installation dans l’année qui suit l’obtention du diplôme.
Certes, il existe des dispositifs. Mais il n’est pas possible de traiter ces deux territoires, dont la situation est vraiment à part, comme d’autres déserts médicaux. Par exemple, le système des maisons de santé y est inapplicable du fait du paradigme retenu. Il est donc nécessaire d’agir vite.
Nous avons adopté au Sénat des dispositions relatives aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) permettant aux territoires ultramarins, notamment la Martinique et la Guyane, de faire appel à des médecins dans le bassin caribéen, y compris dans la Grande Caraïbe – cela inclut Cuba et d’autres îles –, sans qu’il y ait de problème par rapport à l’Europe. Mais, alors que la responsabilité du dispositif lui avait été confiée, l’ARS ne l’a pas activé.