M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous approchons de la conclusion d’un accomplissement législatif qui répond globalement aux défis persistants, presque devenus permanents, des menées terroristes qui continuent à être ourdies dans notre pays.
Le présent projet de loi conduit à consolider les outils principaux de surveillance antiterroriste que sont les Micas, les contrôles des lieux de culte, les visites domiciliaires et les périmètres de protection, en leur garantissant, à force de réflexion, une conformité constitutionnelle éprouvée.
Ce texte conduit aussi, dans son état actuel, grâce à la quantité de points sur lesquels nous convergeons, à un renforcement et à une sécurisation juridique de la technologie des algorithmes. Nous y avons également introduit un dispositif de brouillage des ondes émises et reçues par les drones malveillants. Enfin, nous avons perfectionné les méthodes de transmission de données de sécurité entre services.
Nous apportons une réponse – même s’il est vrai qu’elle est partielle – au défi légal posé par la décision de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la conservation des données, telle que l’a interprétée le Conseil d’État il y a quelques semaines. Nous avons encore un doute, en tout cas une insatisfaction, quant à son efficacité dans la lutte contre la criminalité.
L’ensemble de ces dispositions font l’objet d’un assentiment général. Je crois donc que nous avons accompli un travail législatif parfaitement correct, qui nous rassemble sur une base politique large.
Il subsiste en revanche un désaccord sur la méthode de suivi la plus adaptée aux anciens condamnés pour actes de terrorisme ayant purgé des peines d’un certain niveau de gravité. Nous sommes en présence de deux thèses juridiques que je crois, l’une et l’autre, assez étayées ; mais je m’exprime avec d’autant plus de mesure sur ce sujet que nous avons tous, les uns et les autres, vécu en la matière quelques mésaventures constitutionnelles.
À la réflexion, il me semble donc, compte tenu de la spécificité du groupe d’individus en cause, comme l’a souligné Mme la ministre, et au vu de l’expérience désormais prolongée des services compétents, que la durée de la mesure administrative, même portée à deux ans, est adaptée à la situation et qu’elle peut être sécurisée juridiquement – nous le verrons bien dans quelques semaines. C’est la raison pour laquelle nous défendrons cette formule aux côtés du Gouvernement.
Je veux insister sur ce point pour conclure : nous avons, me semble-t-il, fourni à l’État et, donc, à la société française des outils de protection et de prévention contre la menace terroriste qui sont désormais, je crois, de bonne qualité. Je le dis tout en m’associant, comme l’ont fait plusieurs de mes collègues au cours de cette discussion générale, à l’hommage rendu à tous les personnels engagés dans la prévention du terrorisme et tout en leur apportant tout notre soutien moral.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Philippe Bonnecarrère et Franck Menonville applaudissent également.)
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, d’abord, permettez-moi de dire mon regret que, sur un texte abordant des thématiques si fondamentales, notre parlement ne soit pas parvenu à élaborer un texte commun. Je le regrette d’autant plus que, sur de nombreux points, nous partons des mêmes constats.
Le premier est celui de la nécessité légale. Comme cela a largement été souligné au cours de la navette, à défaut d’une intervention du législateur, bon nombre de dispositions du code de la sécurité intérieure, issues notamment de la loi SILT, arriveront à échéance en 2021.
Le second est, bien entendu, l’objet de toutes ces lois : répondre à la menace terroriste et notamment au risque que représente la sortie de détention, dans les prochaines années, de détenus condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme. Ce point spécifique doit faire l’objet d’une réponse législative en raison de la particulière dangerosité que présentent ces détenus, pour lesquels le risque de récidive est significativement élevé.
C’est sur ce point que se cristallise le désaccord du Parlement, et plus précisément sur l’article 5 du projet de loi, qui prévoit d’instituer un dispositif de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme.
De son côté, l’Assemblée nationale n’a pas changé de position. Elle estime qu’il revient au tribunal de l’application des peines d’ordonner des mesures judiciaires de prévention et de la récidive terroriste et de réinsertion. Ce dispositif aurait pour spécificité de ne contenir que des obligations tendant à la réinsertion des individus concernés, laissant ainsi à d’autres mesures – les Micas prévues à l’article 3, en l’occurrence – le soin d’exercer un contrôle administratif et de surveillance.
Notre chambre, quant à elle, prévoyait une mesure de nature administrative, dont le contenu serait mixte : il s’agissait d’un dispositif tant d’accompagnement à la réinsertion que de surveillance, susceptible d’être davantage contraignant.
De ce point de vue, donc, la position du Sénat paraissait cohérente et claire dans sa mise en œuvre. Je crois que l’argument n’était pas qu’accessoire : il compte pour que notre droit fasse preuve de clarté face à l’épreuve que lui impose le terrorisme.
Toutefois, notre commission a démontré sa capacité à élaborer un compromis en adoptant, lors de ce nouvel examen, une version remaniée du texte. Elle s’est montrée soucieuse de l’articulation des mesures administratives et de la nouvelle mesure judiciaire qui semblait préoccuper le Gouvernement et l’Assemblée nationale.
Dans ces conditions, la disposition proposée par le Sénat offre des garanties suffisantes au regard du but à atteindre. Surtout, elle ne devrait pas faire l’objet d’une censure de la part du Conseil constitutionnel, ce qui, je le rappelle, est l’une des raisons pour lesquelles nous devons encore nous réunir sur ces questions.
En dernier lieu, je veux rappeler notre inquiétude concernant l’article 19 du projet de loi, qui vient définir le régime juridique de la communicabilité applicable aux archives intéressant la défense nationale.
Notre groupe avait défendu des amendements, afin de proposer des solutions que nous considérions plus adaptées. Malheureusement, ils n’ont pas été adoptés. Nous regrettons que perdure l’impression d’une minimisation des enjeux liés à ces sujets.
Malgré tout, le groupe du RDSE se prononcera majoritairement en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Catherine Di Folco applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en abordant l’examen en nouvelle lecture d’un texte dont les mesures nous sont désormais, hélas, plus que familières, je dois vous faire part de l’inquiétude doublée d’amertume que nous ressentons au sein de notre groupe, nous qui, comme d’autres, sommes mobilisés pour lutter contre le terrorisme et le risque terroriste dans notre pays et au-delà de nos frontières.
Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité d’une multitude de lois sécuritaires, dérogatoires au droit commun, votées sans véritable évaluation préalable des dispositifs existants, de leur nécessité et de leur efficacité.
En votant ce projet de loi, mes chers collègues, vous pérenniserez les dispositifs issus de la loi SILT, c’est-à-dire des dispositifs semblables à des assignations à résidence et à des perquisitions contrôlées par l’administration qui, contournant la procédure judiciaire et les droits de la défense, ont des conséquences particulièrement lourdes pour les personnes visées, jugées sous couvert d’un motif flou, celui de leur « dangerosité ». Je pense notamment aux Micas, l’un des points d’achoppement ayant conduit à l’échec de la commission mixte paritaire.
Madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, vous êtes pourtant d’accord sur la philosophie globale de ce genre de mesures. En réalité, quels que soient l’issue de ce texte et les micro-aménagements sur lesquels vous vous entendrez en pérennisant toutes ces mesures, vous faites le choix d’opérer un tournant radical en matière de police administrative, inspiré par un principe de précaution incompatible avec nos principes démocratiques, fondés sur un droit pénal d’interprétation stricte.
Concernant le volet renseignement, ce projet de loi consacre ce qui émergeait déjà dans la loi de juillet 2015 relative au renseignement, qui avait été déférée devant le Conseil constitutionnel par François Hollande lui-même : l’extension du champ des activités du renseignement et la légalisation de techniques de surveillance intrusives, en parallèle d’un maintien à distance de l’autorité judiciaire.
Avec l’ensemble de ces techniques, le Gouvernement se dote d’un arsenal de surveillance de masse. Pourtant, je vous le redis, nos concitoyennes et concitoyens ne veulent ni renoncer à leur liberté individuelle ni échanger leur vie privée contre un État sécuritaire sans faille, illusoire.
Nous nous interrogeons toujours sur l’utilité de ces mesures de durcissement de l’arsenal répressif et administratif antiterroriste, alors même que notre législation en la matière est déjà substantielle.
Nous avons par ailleurs appris, dans un journal du soir – comme on dit –, qu’un rapport confidentiel du Gouvernement sur la surveillance numérique, remis aux membres de la DPR, montrait que l’utilisation des algorithmes – les boîtes noires – n’avait permis d’atteindre aucun objectif opérationnel, et ce alors même que vous ne cessez de nous expliquer que toutes les mesures prises en matière de renseignement sont absolument efficaces et nécessaires pour le travail de nos services de renseignement.
Je le redis ici, nous considérons pour notre part que, s’il y a lieu de réformer le renseignement, c’est pour accroître ses personnels et non pour recourir de façon irrationnelle et déraisonnable à des techniques de surveillance massive qui n’ont jamais fait la preuve – l’actualité le démontre – de leur efficacité en matière de lutte contre le terrorisme.
Pour toutes ces raisons, auxquelles j’ajoute l’article 19 sur lequel la commission mixte paritaire a trouvé un accord, mais dont nous persistons à dire qu’il tourne le dos à la communauté des historiens, des scientifiques et des archivistes, je réaffirme notre opposition déterminée à ce projet de loi. Nous défendrons de nouveau notre point de vue en présentant quelques amendements sur les articles restant en discussion qui nous semblent les plus problématiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France fait face depuis 2015 à de nombreuses attaques terroristes, certaines d’origine endogène et perpétrées par des personnes se radicalisant sur le territoire national. Outre le risque djihadiste, les services de renseignement s’inquiètent de l’émergence de radicalités multiformes : politiques, religieuses, survivalistes ou encore conspirationnistes.
Face à ces menaces, plusieurs textes de loi ont permis d’assurer la sécurité de nos concitoyens tout en garantissant les droits et libertés que leur octroie la Constitution. Il s’agit notamment de la loi de 2015 relative au renseignement et de la loi de 2017, dite SILT.
Le présent projet de loi vise à adapter notre droit à la menace terroriste en apportant une réponse légale et proportionnée aux menaces auxquelles nous continuons de faire face aujourd’hui. Le texte entend ainsi pérenniser – le Sénat avait même envisagé de le faire plus tôt – et adapter certaines mesures de lutte antiterroriste introduites à titre expérimental dans notre droit par la loi SILT, comme la fermeture administrative des lieux de culte, des mesures de surveillance ou encore un renforcement des pouvoirs de police administrative. Il crée, de plus, une mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste et renforce la loi sur le renseignement de 2015. Mais, tout cela, les orateurs précédents l’ont largement expliqué.
La mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures a été évaluée dans le cadre d’une mission de la commission des lois, qui s’est inscrite dans le moyen terme et a démontré l’utilité opérationnelle pour l’autorité administrative, ainsi que le caractère finalement complémentaire entre l’intervention de l’autorité administrative et celle de l’autorité judiciaire – ce n’était pas forcément acquis initialement.
Aussi, réunie hier matin, notre commission des lois a examiné le rapport de nos collègues Agnès Canayer et Marc-Philippe Daubresse, dont j’aimerais ici saluer le travail conjoint.
Nous regrettons bien sûr, comme les collègues qui se sont exprimés avant moi, comme l’a fait également à diverses reprises le président de la commission des lois, que la CMP n’ait pu aboutir sur ce texte. C’est dommage ; l’objectif était à notre sens atteignable.
L’article 3 du projet de loi prolongeant à vingt-quatre mois la durée maximale des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas, a été modifié par le Sénat, lequel a créé une mesure de sûreté prononcée à l’issue de la détention de la personne qui comporterait des obligations tant d’accompagnement à la réinsertion que de surveillance. Cette mesure figurait à l’article 5. Or l’Assemblée nationale et, semble-t-il, le Gouvernement n’ont pas souhaité aller au-delà des obligations de réinsertion que nos collègues députés avaient adoptées en première lecture.
En réintégrant les articles 3 et 5 dans leur intégralité, articles pourtant modifiés par le Sénat, l’Assemblée nationale a pris la responsabilité de ne pas permettre un accord entre nos deux chambres. Elle n’a conservé que quelques-uns de nos apports, essentiellement la suppression de l’article 4 bis, qui posait des questions en matière de droit à un recours juridictionnel effectif.
En définitive, nous constatons principalement trois points de divergence entre les deux chambres.
Le premier est l’extension à vingt-quatre mois des Micas, dont la suppression par notre commission était motivée par les fortes interrogations demeurant sur la constitutionnalité de la mesure, au regard de la première appréciation portée par le Conseil constitutionnel.
Le deuxième point de divergence est l’article 5, également modifié par la commission pour prévoir la possibilité de prononcer tant des mesures de surveillance que des mesures de réinsertion.
Le troisième point de divergence est l’article 13, pour lequel la commission a retenu que les incertitudes tant techniques que juridiques liées à l’atteinte aux libertés représentée par la possibilité d’utiliser les URL parmi les données traitées par algorithme imposent de rendre cette extension expérimentale. Accessoirement, cela permettrait de vérifier la faisabilité technique du dispositif, celle-ci n’étant pas tout à fait acquise.
Sur ces trois points, deux avaient déjà fait l’objet de décisions du Conseil constitutionnel, indiquant qu’une prudence particulière était nécessaire. Comme Alain Richard l’indiquait précédemment, chacune des deux assemblées avait pu recevoir quelques observations à ce propos.
Sur le troisième point, les problèmes de conventionnalité, ce sont non les décisions du Conseil constitutionnel, mais les arrêts de la CJUE et du Conseil d’État qui nous invitent à être vigilants. Chacun, dans cet hémicycle, connaît les efforts remarquables que ce dernier réalise pour éviter le conflit entre droit interne et droit européen. Alors que le « chemin de crête », pour employer une formule maintenant classique, avait été complexe à tracer, on avait fini par trouver une solution pour faire converger les deux droits. Il ne nous semble pas forcément opportun de remettre cela en cause.
L’ensemble de ces points montre que la rédaction retenue par notre assemblée présentait de nombreux avantages. C’est pourquoi le groupe des sénateurs UC votera en faveur du projet de loi, dans la version issue des travaux de notre commission des lois. (M. Franck Menonville applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, à l’heure où nous évaluons la dangerosité du logiciel Pegasus sur notre sécurité nationale, nous abordons l’ultime lecture de ce projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, après l’échec de la commission mixte paritaire du 9 juillet. Cet échec est fort regrettable tant l’accord était atteignable, suite aux discussions constructives entre les rapporteurs de l’Assemblée nationale et nos deux rapporteurs, spécialistes de ces sujets – Agnès Canayer, membre de la délégation parlementaire au renseignement, et Marc-Philippe Daubresse, qui assure le suivi et l’évaluation depuis trois ans de la loi SILT.
Comment expliquer cet échec, alors que nous partageons, avec nos collègues députés et le Gouvernement, le constat selon lequel nous ne disposons pas d’outils techniques et juridiques suffisants pour lutter contre le terrorisme ? Ce projet de loi avait vocation à combler ces carences.
Je tiens à saluer la position de la commission des lois du Sénat, qui a choisi, non pas de présenter une motion tendant à opposer une question préalable, mais de poursuivre la discussion du texte. En effet, un certain nombre de modifications apportées par le Sénat ont été retenues par la CMP, notamment sur le volet renseignement.
Notre collègue rapporteur Agnès Canayer et son homologue à l’Assemblée nationale, Loïc Kervran, étaient parvenus à un accord sur un grand nombre d’articles, afin de donner aux services de renseignement les moyens de lutter contre les nouvelles menaces.
Pour cette dernière lecture, notre rapporteur a également accepté les ajustements opérés par l’Assemblée nationale à l’article 7 en matière de communication d’informations aux services de renseignement par les autorités administratives, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel. Elle a cependant tenu à réintroduire l’expérimentation du traitement des URL par l’algorithme, et nous la suivons dans cette voie de prudence.
Les rapporteurs ont tenté de trouver un accord, en proposant des solutions acceptables. Il s’avère que leur volonté d’aboutir à un compromis s’est heurtée à l’intransigeance du Gouvernement. Celui-ci ne semble pas apprécier à sa juste valeur l’expertise de la Haute Assemblée et, surtout, sa détermination à apporter de vraies réponses, robustes, efficaces, pour faire face aux menaces qui gangrènent la sécurité de nos concitoyens.
Quels sont les principaux sujets qui cristallisent les désaccords entre nos deux assemblées ? Nous les relevons dans le volet relatif à la prévention du terrorisme, domaine ô combien préoccupant.
À l’article 2, nous considérons que la formulation retenue par les députés pour définir les lieux annexes aux lieux de culte est insuffisamment précise et comporte un risque constitutionnel qui fragilise le dispositif. En effet, les députés prévoient que ces lieux soient définis comme des locaux dépendants du lieu de culte, alors que nous tenons à préciser qu’il s’agit des locaux gérés, exploités ou financés directement ou indirectement par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte. Nous considérons que la fermeture de ces locaux annexes permettrait de lutter contre le phénomène de déport de certains prédicateurs, qui utilisent ces lieux pour échapper aux mesures de police administrative, ce que soulignait notre rapporteur Marc-Philippe Daubresse dans son rapport d’information sur le suivi de la loi SILT en février 2020.
Notre divergence majeure, à l’origine de l’échec de la CMP, porte sur les articles 3 et 5. Nous l’avions déjà bien perçu lors de la première lecture, madame la ministre, puisque vous aviez déposé des amendements pour rétablir le texte de l’Assemblée nationale.
Nous ne sommes pas favorables à l’allongement de la durée des Micas. Faut-il rappeler une fois de plus la décision du Conseil constitutionnel, qui a considéré que, compte tenu de leur rigueur, les Micas ne sauraient excéder, de manière continue ou non, une durée totale de douze mois ? J’ai du mal à comprendre pourquoi les députés et le Gouvernement ne comprennent pas cet arbitrage et s’entêtent à vouloir passer cette durée à vingt-quatre mois, et ce malgré les arguments, madame la ministre, que vous avez développés lors de votre intervention en début de séance.
Nous soutenons nos rapporteurs, qui ont réintroduit, à l’article 5, la proposition de loi du président Buffet que le Sénat avait adoptée en mai dernier, créant une mesure judiciaire de suivi et de surveillance. Cette dernière semble constituer une voie juridiquement plus adaptée que la proposition initiale du Gouvernement, reprise en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale. Elle offre des possibilités de surveillance plus longue, plus contraignante et permet d’associer aux obligations de surveillance des mesures sociales de réinsertion.
Cette mesure reprend le principe du dispositif adopté par le Parlement en juillet 2020, instaurant un régime de sûreté à l’encontre des sortants de prison condamnés pour terrorisme, tout en y apportant les aménagements nécessaires pour répondre aux objections du Conseil constitutionnel. Elle constitue, selon nous, la voie à suivre pour répondre à cette problématique d’une importance toute particulière.
Ces dispositions nous paraissent être les plus efficaces et les plus respectueuses des libertés.
Tout au long de l’examen de ce projet de loi, nos rapporteurs ont veillé à assurer un équilibre entre les mesures de sécurité et le respect des libertés constitutionnelles. L’enjeu de ce texte est majeur. Il faut renforcer notre arsenal législatif pour assurer la protection de nos concitoyens, qui aspirent à vivre dans un État de droit en toute sécurité.
Nous pensons que le texte de l’Assemblée nationale ne répond pas complètement à ces enjeux. C’est pourquoi nous sommes satisfaits que le Sénat imprime sa marque et réaffirme sa volonté de fermeté et d’efficacité, mais aussi d’humanité. Les membres du groupe Les Républicains voteront le texte proposé par nos rapporteurs.
Après l’échec, hier, d’un accord sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, les divergences fondamentales d’aujourd’hui constituent un nouvel acte manqué pour lutter contre le séparatisme et le terrorisme islamiste, et nous pouvons le regretter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Madame la ministre, mes chers collègues, afin de permettre à la commission des lois de se réunir pour examiner les amendements déposés sur ce texte, je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à vingt-deux heures dix.
(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement
Chapitre Ier
Dispositions renforçant la prévention d’actes de terrorisme
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Article 1er bis
L’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° A Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La mise en œuvre de ces vérifications ne peut se fonder que sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes. » ;
1° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « responsabilité », sont insérés les mots : « et le contrôle effectif » ;
b) À la dernière phrase, après le mot : « autorité », sont insérés les mots : « et le contrôle effectif et continu » ;
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’arrêté concerne un lieu exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation, il ne peut être renouvelé qu’une seule fois, pour une durée ne pouvant excéder un mois, dès lors que les conditions prévues au premier alinéa continuent d’être réunies. »
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
Le chapitre VII du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 227-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Peuvent également faire l’objet d’une mesure de fermeture, selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas du I, des locaux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée sur le fondement du même I et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés aux mêmes fins pour faire échec à l’exécution de cette mesure. La fermeture de ces locaux prend fin à l’expiration de la mesure de fermeture du lieu de culte. » ;
2° À l’article L. 227-2, les mots : « d’un lieu de culte » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 3
I. – Le chapitre VIII du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 228-2 est ainsi modifié :
a) Au 3°, après le mot : « Déclarer », sont insérés les mots : « et justifier de » et le mot : « et » est remplacé par les mots : « ainsi que de » ;
b) Après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’obligation prévue au 1° du présent article peut être assortie d’une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant à l’intérieur du périmètre géographique mentionné au même 1° et dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne concernée. Sa durée est strictement limitée à celle de l’événement, dans la limite de trente jours. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur. » ;
c) (Supprimé)
d) Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu’à l’expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
e) Aux première et dernière phrases du dernier alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième » ;
2° L’article L. 228-4 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « Déclarer », sont insérés les mots : « et justifier de » et le mot : « et » est remplacé par les mots : « ainsi que de » ;
b) (Supprimé)
c) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu’à l’expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
3° L’article L. 228-5 est ainsi modifié :
aa) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette obligation tient compte de la vie familiale de la personne concernée. » ;
a) (Supprimé)
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu’à l’expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
c) (Supprimé)
4° Après la première phrase de l’article L. 228-6, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La définition des obligations prononcées sur le fondement de ces articles tient compte, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, des obligations déjà prescrites par l’autorité judiciaire. »
II. – Les mesures prononcées sur le fondement des articles L. 228-1 à L. 228-5 du code de la sécurité intérieure qui sont en cours à la date de promulgation de la présente loi et dont le terme survient moins de sept jours après cette promulgation demeurent en vigueur pour une durée de sept jours à compter de ce terme si le ministre de l’intérieur a procédé, au plus tard le lendemain de la publication de la présente loi, à la notification de leur renouvellement selon la procédure prévue aux septième et huitième alinéas de l’article L. 228-2, aux sixième et avant-dernier alinéas de l’article L. 228-4 et aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 228-5 du même code.