M. le président. Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par la commission.
Articles 1er a à 8
M. le président. Sur les articles 1er A à 8, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Article 9
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Cambon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
1° Première phrase
Supprimer les mots :
autres que son président
2° Troisième phrase
Supprimer les mots :
autre que celui du président
II. – Alinéa 11
Supprimer les mots :
et le représentant des pays partenaires de la politique de développement solidaire
La parole est à M. le président de la commission.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Cet amendement tend à procéder à deux coordinations.
Premièrement, la mention d’un régime spécial de désignation du président de la commission d’évaluation était en fait une scorie issue des versions précédentes de l’article, qui prévoyait un président de droit, à savoir le Premier président de la Cour des comptes. Puisque le président de la commission est désormais désigné par les membres de la commission, il faut supprimer cette mention dans deux occurrences.
Deuxièmement, la mention du représentant des pays partenaires fait allusion à une phrase qui n’existe plus dans la version finale de l’article 9. En revanche, un tel membre pourra bien entendu être nommé parmi les dix membres auxquels il est fait référence plus haut dans l’article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Sur les articles 10 à 12, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement de la commission, l’ensemble du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
(Le projet de loi est adopté définitivement.) - (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, juste un mot après ce vote à l’unanimité du Sénat, qui fait suite à un même vote unanime de l’Assemblée nationale.
J’en conçois une certaine fierté pour la France : ce vote, vos votes font honneur à notre pays, à ses valeurs, à la place qu’il occupe dans le monde. Je parlais tout à l’heure d’une certaine idée française de la solidarité : vous en avez marqué une étape supplémentaire et donné beaucoup de force à notre action dans le monde. Je voulais vous en remercier et vous redire ma fierté. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Renforcement de la prévention en santé au travail
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail (texte de la commission n° 777, rapport n° 776).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est parvenue hier à un texte commun sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail.
Cet accord, qui est le fruit d’échanges nourris avec nos collègues députées Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean, auteures du texte et rapporteures pour l’Assemblée nationale, répond globalement aux attentes et aux préoccupations exprimées par le Sénat. Il devrait nous conduire à adopter, une dernière fois en ce qui nous concerne, cette proposition de loi.
Le renforcement de la démarche d’évaluation et de prévention des risques professionnels au sein des entreprises est un objectif que nous partageons tous. Nous avons cependant tenu à l’aborder avec pragmatisme, en garantissant notamment le caractère opérationnel de l’élaboration et de la conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
Je me félicite en particulier que l’obligation de dépôt dématérialisé du DUERP, introduite par le Sénat à l’article 2, soit maintenue dans le texte de la commission mixte paritaire. Sa mise en œuvre sera bien entendu échelonnée dans le temps pour tenir compte de la taille des entreprises et de leurs contraintes, et nous confions le soin aux organisations patronales de définir les modalités du déploiement du portail numérique qui centralisera ce dépôt dématérialisé.
Nous partagions par ailleurs avec les rapporteures de l’Assemblée nationale le souci d’améliorer la qualité des prestations des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) et leur mobilisation dans l’ensemble de leurs missions, dans une logique de service rendu aux entreprises adhérentes et à leurs salariés.
À l’article 8, qui contient plusieurs avancées concernant le cadre d’exercice des SPSTI, la rédaction finale reprend plusieurs apports du Sénat : la précision apportée à la définition de l’ensemble socle de services ; l’initiative donnée aux partenaires sociaux, à travers une proposition du comité national de prévention et de santé au travail (CNPST), pour élaborer le cahier des charges de la nouvelle procédure de certification ; enfin, l’introduction d’un régime d’administration provisoire permettant de remédier à une situation de dysfonctionnement grave d’un SPSTI qui l’empêcherait d’assurer ses missions.
Nous avons également défendu l’application à l’ensemble des SPSTI, à l’article 13, d’une obligation de mise en conformité de leurs systèmes d’information et de leurs outils numériques à des référentiels d’interopérabilité et de sécurité.
Concernant la tarification de ces services, le Sénat a introduit à l’article 9 deux modifications importantes : d’une part, l’encadrement du montant des cotisations dans un « tunnel » défini par référence au coût moyen national de l’offre socle ; d’autre part, le calcul des cotisations en fonction du nombre de personnes suivies non proratisé en équivalent temps plein (ETP).
Ces dispositions, qui traduisent les ambitions de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre dernier en matière de transparence financière des SPSTI et permettent d’assurer une meilleure équité entre les entreprises, sont reprises dans leur rédaction issue du Sénat.
En matière de suivi et d’accompagnement des travailleurs vulnérables, le Sénat avait veillé à poursuivre avec un souci d’efficacité et d’opérationnalité l’objectif d’améliorer les outils de maintien dans l’emploi des personnes malades ou handicapées.
Le texte de la commission mixte paritaire reprend certaines des améliorations apportées par le Sénat au dispositif de la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle qui doit être créée dans chaque SPSTI : la possibilité de mutualiser la cellule, ainsi que la fixation dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens d’exigences minimales sur sa composition.
S’agissant, à l’article 18, du rendez-vous de liaison qui peut être organisé entre un travailleur en arrêt de travail de longue durée et son employeur, nous avons abouti à une rédaction intermédiaire qui rétablit la participation du SPSTI à ce rendez-vous, ainsi que l’avait prévu l’Assemblée nationale, mais maintient la possibilité, introduite par le Sénat, que l’employeur le sollicite.
En matière de suivi de certains publics particuliers, plusieurs apports du Sénat figurent dans le texte de la commission mixte paritaire : l’expérimentation d’actions de prévention collective destinées aux salariés intérimaires, à l’article 17 bis A ; les modalités de mise en œuvre du suivi de l’état de santé des salariés du particulier employeur, à l’article 17 ter ; la possibilité donnée au chef d’entreprise de bénéficier des services du SPSTI auquel son entreprise est affiliée, à l’article 17.
Je me félicite enfin de ce que nous ayons obtenu, à l’article 27, le remplacement d’une habilitation à légiférer par ordonnance afin de fusionner l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et les associations régionales appartenant à son réseau par des dispositions inscrites directement dans la loi.
Je vous invite donc aujourd’hui, mes chers collègues, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – MM. Yves Détraigne et Martin Lévrier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Artano, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis à mon tour que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail.
Cet accord conclut des échanges fructueux entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour l’élaboration du texte qui vous est soumis aujourd’hui. Il concrétise une démarche inédite de démocratie sociale et parlementaire au service de la protection de la santé des travailleurs.
Il me semble que la commission mixte paritaire est parvenue à un texte équilibré qui retient d’importants apports du Sénat. Nous avons veillé à réunir les conditions d’une médecine du travail moderne, au service de la prévention et adaptée aux nouveaux défis posés par l’évolution des technologies et des modes d’organisation du travail.
Nous nous sommes accordés, avec nos collègues députés, sur le fait que l’évaluation des risques professionnels ne devait pas être perçue comme une contrainte administrative subie par les entreprises. Au contraire, les employeurs doivent saisir l’occasion de cette évaluation, qui engage leur responsabilité, pour répondre à leur obligation de sécurité à l’égard de leurs salariés.
Pour sa diffusion effective dans l’ensemble des entreprises et sa déclinaison en actions de prévention concrètes, cette évaluation doit être adaptée à la réalité du fonctionnement des entreprises. C’est pourquoi le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire reprend, à l’article 2, les apports du Sénat visant à adapter les modalités de définition du plan d’actions de prévention, afin que celles-ci soient proportionnées aux enjeux et aux moyens internes des entreprises, notamment les TPE et PME de moins de cinquante salariés.
Avec ma collègue rapporteur Pascale Gruny, nous avons plaidé pour le décloisonnement de la médecine du travail et de la santé publique, nécessité que nous avions identifiée dès la rédaction de notre rapport d’information sur la santé au travail d’octobre 2019.
C’est pourquoi le renforcement, à l’article 2 ter, du suivi post-exposition des travailleurs exposés à des risques particuliers, ainsi que l’approfondissement de la coopération entre la médecine du travail et la médecine de ville constituent, à mon sens, des avancées significatives qui ont été approuvées par la commission mixte paritaire.
Cette coopération renforcée doit se traduire par un meilleur partage d’informations entre professionnels de santé dans un objectif de prévention et de coordination des parcours, que ce soit au travers du dossier médical partagé, du dossier médical en santé au travail ou du recours aux consultations à distance.
Décloisonnement ne veut pas dire pour autant uniformisation : par sa connaissance fine des entreprises, la médecine du travail reste la mieux placée pour assurer le suivi médical des travailleurs. Nous avons ainsi défendu avec ma collègue Pascale Gruny la spécificité de la médecine du travail, dont l’attractivité doit être considérablement renforcée.
L’expérimentation introduite par le Sénat à l’article 21 bis permettant d’étendre dans trois régions le droit de prescription des médecins du travail constitue un premier pas en ce sens. De nombreux efforts restent à mener pour attirer davantage les étudiants en médecine vers cette spécialité. J’invite à cet égard le Gouvernement à revoir les conditions de stage des externes de médecine pour leur permettre de se familiariser aux enjeux de la médecine du travail. Ils auraient alors une meilleure appréhension de ces sujets lors de leur choix de spécialité pour l’internat.
Un médecin généraliste ne pourra pas remplacer un médecin du travail, d’autant que les difficultés de démographie médicale touchent particulièrement ces deux spécialités. Dans ce contexte, nous considérons que le dispositif de médecin praticien correspondant constitue un moyen de susciter des vocations chez des médecins généralistes qui seraient tentés, par exemple en milieu de carrière, par un exercice salarié en médecine du travail, même s’il ne résoudra pas à lui seul les tensions démographiques que connaissent les services de santé au travail.
En outre, la montée en compétences cliniques des infirmiers de santé au travail est une piste prometteuse. Ces professionnels vont prendre une place croissante dans le suivi de la santé des travailleurs et la qualité de leur formation devra être garantie.
Enfin, sur la question plus périphérique, mais non moins importante, de la définition du harcèlement sexuel au travail, à l’article 1er, le texte de la commission mixte paritaire conserve, moyennant un ajustement purement rédactionnel, la modification apportée par le Sénat sur l’initiative de nos collègues Laurence Cohen et Laurence Rossignol, qui vise à centrer cette définition sur les faits subis par la victime et non sur l’intention de l’agresseur.
C’est donc un texte équilibré, répondant à l’objectif d’une meilleure prévention en santé au travail de l’ensemble des travailleurs et intégrant des apports significatifs du Sénat que nous vous proposons d’adopter. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de prendre la parole devant vous à l’occasion de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail.
Elles marquent, vous le savez et comme l’a rappelé Mme Gruny, le terme de l’examen de ce texte d’initiative parlementaire, sur lequel le Gouvernement se réjouit que le Parlement ait pu parvenir à un accord constructif.
Je tiens, à cet égard, à remercier tout particulièrement la présidente de votre commission des affaires sociales, Catherine Deroche, vos deux rapporteurs, Pascale Gruny et Stéphane Artano, ainsi que l’ensemble des membres des deux assemblées de la commission mixte paritaire.
Votre travail de grande qualité permet d’aboutir aujourd’hui à un texte solide et équilibré qui, conformément à l’engagement du Gouvernement, vient donner une réalité législative et démocratique à l’accord national interprofessionnel conclu entre les partenaires sociaux en décembre dernier.
Je me félicite de cette complémentarité liant à la vitalité de notre dialogue social celle de notre démocratie représentative, dans l’intérêt et pour le bénéfice de la santé de millions de salariés et de leurs employeurs.
La crise sanitaire que nous continuons de traverser nous rappelle chaque jour l’enjeu essentiel qu’est l’amélioration de la santé au travail, enjeu pour lequel le Gouvernement est pleinement mobilisé. C’est également une attente forte des salariés et des entreprises que j’ai pu mesurer à travers mes nombreux déplacements depuis plus d’un an à leurs côtés et au sein des services de santé au travail.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le disais, cette proposition de loi contient de très belles avancées que le Gouvernement soutient. Je ne reviendrai pas dans le détail sur chacune des dispositions, mais j’en résumerai brièvement l’esprit et la teneur.
Je souhaite commencer par saluer le compromis trouvé concernant le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), à l’article 2, dans la rédaction du Sénat, qui crée pour les entreprises des obligations proportionnées à leur taille et à leurs moyens, notamment en ce qui concerne les entreprises de moins de cinquante salariés.
Le dépôt des documents uniques et leur conservation sur un portail numérique géré par les organisations professionnelles est aussi une avancée importante pour sécuriser l’accès à l’information, et donc les droits des salariés. Ce sujet avait d’ailleurs été abordé très tôt dans la discussion par les rapporteurs, à l’occasion de mon audition par votre commission des affaires sociales.
De même, le Gouvernement se félicite de l’accord trouvé entre les deux assemblées sur l’accès au dossier médical partagé (DMP) et au dossier médical en santé au travail (DMST).
Je salue également les ajustements apportés sur le rendez-vous de liaison qui permettront de renforcer l’efficacité de ce dispositif destiné à anticiper et à préparer la reprise d’activité du salarié, ainsi que la définition d’un cadre pour la santé au travail des salariés des particuliers employeurs et des assistants maternels, qui permettra de mettre en place, dans le cadre d’un dialogue social de branche, la prise en charge effective de ces publics.
Le Gouvernement se réjouit aussi tout particulièrement des avancées en matière de lutte contre le harcèlement sexuel, fruit du travail conjoint entre vos deux assemblées et d’échanges nourris qui ont eu lieu ici avec deux sénatrices, dont l’engagement sur le sujet a été rappelé.
Pour conclure, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler, le retour d’expérience de la crise du covid-19 doit nous permettre de construire ensemble un modèle de santé au travail plus proche de l’entreprise et des salariés et plus orienté vers l’accompagnement et le conseil pour la mise en place de mesures de prévention collective.
Il est en effet essentiel de moderniser notre système de santé au travail afin de l’adapter et de répondre aux enjeux des parcours professionnels du XXIe siècle.
Le Gouvernement et l’ensemble des acteurs y sont prêts. C’est pour cette raison, et dans l’esprit de consensus qui nous a animés tout au long du débat parlementaire, que je vous invite à suivre les conclusions de la commission mixte paritaire et à voter la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail qui vous est soumise aujourd’hui. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail, améliorer la qualité du service rendu par les SPST, renforcer l’accompagnement de certains publics, notamment vulnérables, et lutter contre la désinsertion professionnelle et réorganiser la gouvernance interne de la santé au travail, que celle-ci soit interne à une entreprise ou interentreprises, comme son pilotage national et territorial : tels sont les quatre grands axes de ce texte, fruit d’un long processus de démocratie sociale et parlementaire.
Mes chers collègues, notre mission était de veiller à ce que la transcription dans la loi de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 9 décembre dernier respecte aussi bien son contenu que son équilibre.
Aussi, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait trouvé hier un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, initiée par les députées LaREM, Mmes Charlotte Parmentier-Lecocq et Carole Grandjean.
Les travaux issus de l’examen du Sénat ne remettant pas en cause la philosophie même du texte, une commission mixte paritaire conclusive était souhaitée par l’ensemble des rapporteurs.
C’est dans ce sens que des modifications ont été apportées, notamment l’adaptation, pour les entreprises de moins de cinquante salariés, des actions de prévention et de protection découlant du document unique d’évaluation et de prévention des risques professionnels.
En gardant la possibilité de réaliser une consultation à distance, sans pour autant utiliser le terme inadéquat de « téléconsultation » ou encore en donnant la possibilité au médecin du travail de ne pas être l’unique animateur et coordinateur de la cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle, la commission mixte paritaire a tenu compte des modifications que nous avions apportées au texte en séance.
La rédaction définitive retient également l’expérimentation d’actions de prévention collective destinées aux salariés intérimaires et la possibilité, pour un chef d’entreprise, de bénéficier du suivi médical assuré par le service de prévention et de santé au travail.
Enfin, nous sommes satisfaits que plusieurs des modifications que nous avions défendues en séance aient été conservées, comme la possibilité de mutualisation des services de santé au travail pour les travailleurs ayant une pluralité d’employeurs, à l’article 17 bis, ou encore les précisions apportées concernant les infirmières de santé au travail exerçant leurs missions au sein du service de santé des gens de mer, à l’article 23.
Une fois de plus, nous pouvons nous féliciter du fonctionnement d’un bicamérisme équilibré, dans lequel chaque chambre a pu faire valoir son point de vue afin d’enrichir le texte de manière constructive.
Bien évidemment, compte tenu de l’importance de ce texte et du fait que nous ayons réussi à construire un compromis positif entre le Sénat et l’Assemblée nationale, nous voterons les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail a réussi à se mettre d’accord hier après-midi sur un texte au rabais – il faut l’admettre !
Alors que les organisations syndicales et les associations plaidaient en faveur d’une loi qui fasse de la prévention des risques professionnels une priorité, qui garantisse un accès rapide et de qualité aux services de santé au travail et qui favorise le maintien dans l’emploi des salariés vulnérables, le compte n’y est pas.
Bien au contraire, le texte renvoie la responsabilité de la santé et de la sécurité sur chaque salarié, avec la création du passeport de prévention.
La proposition de loi remet en cause la visite de préreprise, en court-circuitant le médecin du travail avec les fameux « rendez-vous de liaison ». Le Gouvernement tente d’effacer le lien de subordination entre les salariés et l’employeur. Seuls les médecins du travail ont la formation et l’indépendance nécessaires pour connaître des raisons personnelles et médicales qui conduisent les salariés à arrêter de travailler.
Alors que l’accès à la médecine du travail demeure toujours aussi compliqué sur les territoires, le Gouvernement préfère créer des médecins praticiens correspondants et déléguer des fonctions aux infirmiers, plutôt que de revaloriser les métiers et d’augmenter les salaires.
L’expérimentation du droit de prescription des médecins du travail est une revendication des praticiens. C’est une avancée, mais elle n’est pas suffisante pour créer une dynamique sur une filière délaissée depuis des années.
La commission mixte paritaire a conservé la proposition du Sénat de créer un portail numérique pour archiver le document unique d’évaluation des risques. Nous étions intervenus contre cet archivage géré par les seules organisations patronales, sans aucune garantie de sécurité pour les données de santé numérisées.
La traçabilité des expositions aux risques professionnels doit relever d’un organisme public indépendant, comme les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) ou les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte).
La seule modification positive concerne l’adoption de l’amendement du groupe CRCE présenté par ma collègue Laurence Cohen, qui visait à revenir sur la définition du harcèlement. Les organisations féministes nous avaient interpellés pour maintenir une définition du harcèlement qui permette aux victimes d’obtenir réparation aux prud’hommes, indépendamment de la procédure devant la juridiction pénale.
Concernant la majorité des problématiques de santé au travail, les questions demeurent sans réponse. Les salariés devront donc encore patienter avant de bénéficier d’une politique de prévention primaire des risques professionnels qui prenne en compte la pénibilité des postes et l’usure professionnelle. Les millions de salariés en télétravail devront encore attendre pour obtenir un encadrement de l’organisation du travail prévoyant par exemple la prise en charge intégrale des frais liés au travail à distance.
Pour finir, nous estimons que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) étaient le lieu privilégié pour émettre de véritables alertes et assurer le suivi en matière de prévention et de santé au travail. Ils étaient donc indispensables et nous regrettons leur disparition.
Les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail n’est pas un texte à destination exclusive des professionnels des ressources humaines. Il nous concerne tous, c’est un texte de société.
La santé au travail, dans sa dimension de réparation comme de prévention, est un enjeu essentiel ; confrontée à des défis majeurs, elle ne doit pas rester sous les radars.
La pénurie de professionnels de santé, la crise sanitaire inédite, le développement d’autres méthodes de travail, comme le télétravail, les reconversions professionnelles, mais aussi la très grande hétérogénéité du monde de l’entreprise et de l’offre des services de santé au travail ont amené les partenaires sociaux à travailler conjointement sur ces sujets.
Ils ont conclu, le 9 décembre dernier, un accord national interprofessionnel qui s’appuie sur de récents travaux parlementaires, en particulier ceux de nos collègues Pascale Gruny et Stéphane Artano.
Le texte législatif qui en a découlé a été adopté par l’Assemblée nationale le 17 février dernier, puis modifié par le Sénat le 6 juillet.
La difficulté, pour la commission mixte paritaire qui s’est réunie hier, ne fut pas de trouver un consensus sur les trente-huit articles restant en discussion. La volonté conjointe d’aboutir était là, les sujets maîtrisés et approfondis, les apports des deux chambres furent pris en compte dans une synthèse heureusement conclusive.
Non, la difficulté, à mon sens, fut pour nous de garder constamment comme objectif de produire un texte utile, opérationnel, adapté, et de nous assurer que la culture de la prévention du risque puisse ainsi se diffuser, y compris au sein des très petites entreprises, sans être vécue comme punitive, alors que se profile dans certains secteurs une pénurie de main-d’œuvre.
La commission mixte paritaire a donc validé, à la majorité parfois, à l’unanimité souvent, trente-deux propositions.
Celles-ci conduisent à considérer les faits subis par la victime en matière de harcèlement sexuel au travail, indépendamment de l’intention de l’agresseur ; elles permettent aux entreprises de moins de cinquante salariés de définir une liste d’actions de prévention des risques et de protection dans leur document unique d’évaluation des risques professionnels, sans formalisme supplémentaire ; elles prévoient le déploiement d’un portail numérique d’archivage des DUERP selon des modalités et délais à définir.
Ces mesures permettent également la mise en place d’un suivi post-exposition pour les travailleurs ayant fait l’objet d’une exposition à des risques particuliers ; elles limitent la complexité des procédures d’agrément des services de prévention et de santé au travail et organisent l’accès réciproque et circonscrit à des données contenues dans le dossier médical partagé et dans le dossier médical en santé au travail, en veillant toujours au strict respect du secret médical et au recueil du consentement libre et éclairé du salarié.
Elles accordent au médecin du travail la possibilité de déléguer l’animation et la coordination de la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle à un membre de l’équipe pluridisciplinaire qui agit sous sa responsabilité ; elles clarifient la terminologie employée dans le cadre du suivi individuel du travailleur, avec l’emploi des expressions « consultation » et « entretien à distance » plutôt que « téléconsultation », laquelle relève de la télémédecine qui est définie dans le code de la santé publique.
Ce texte instaure également une visite médicale de mi-carrière et précise les complémentarités entre suivis de santé en ville et au travail. Ces deux spécialités médicales connaissant la même situation de pénurie, le médecin d’aptitude reste bien le médecin du travail, un spécialiste irremplaçable. Le compromis adopté confirme qu’une formation spécifique doit être dispensée avant 2023 aux futurs infirmiers de santé au travail, qui occupent un rôle de plus en plus central au sein des services de santé au travail.
Il accorde, enfin, aux médecins du travail la possibilité de déléguer l’animation et la coordination de l’équipe pluridisciplinaire, laquelle reste toutefois toujours sous leur responsabilité.
Mes chers collègues, en conclusion de ces travaux, je souhaite également souligner l’intérêt qui a été porté, au-delà des salariés, aux chefs d’entreprise qui, notamment dans les TPE et dans les PME, sont exposés aux risques professionnels dans des conditions souvent très proches de celles de leurs salariés. Leur reconnaître la possibilité d’accéder à un même suivi en santé au travail est donc une belle avancée, même si ce n’est pas à titre gratuit. Le Sénat leur a ouvert cette voie.
Je souhaite enfin redire combien fut difficile l’organisation de la montée en puissance de la prévention en santé au travail partout et pour tous, sans alourdir la charge de travail de ces professionnels de santé, de plus en plus rares.
Nous avons refusé d’acter le déclin d’une spécialité médicale à part entière, préférant placer nos espoirs dans des mesures qui la rendraient plus attractive.
Souhaitons que le but soit atteint et que, en particulier, les patrons de TPE-PME ne se perdent pas dans tous ces acronymes barbares – ANI, DUERP, CNPST, SPSTI, SPST, CPOM, DMP, DMSP, etc. (Sourires.)
Que chacun, employeur et salarié, trouve là des pistes de progrès gagnant-gagnant, des outils pratiques qui permettent de protéger ce bien unique et irremplaçable qu’est la santé de nos collaborateurs. Vous l’aurez compris, les centristes voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Marie-Pierre Richer applaudit également.)