M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. Afin que Mme la ministre ne continue pas à instrumentaliser mes silences, permettez-moi de m’expliquer. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela étant, Mme la ministre n’a pas totalement tort. Si je suis pour la souveraineté des communes, j’estime que dans certains domaines il faut raisonner à l’échelle du territoire. Pour cela, il est vrai que ce sont souvent les hommes et les femmes de ces territoires qui font la différence et qu’il est difficile d’avoir une vue générale pour tout l’Hexagone.
Je ne dis pas que nous menons un combat d’arrière-garde, mais il faut savoir que plus de la moitié des communes discutent en ce moment d’un PLUi, ou l’ont validé, et que près de 90 % des communes ont un SCoT. Il faut avoir ces données à l’esprit.
C’est la raison pour laquelle j’ai voté précédemment dans le sens de la commission et du Gouvernement. Pour autant, il ne s’agit pas d’un blanc-seing pour les intercommunalités. Je voterai donc le présent amendement, à condition qu’il corresponde réellement à son objet, ce dont je ne suis pas certain.
Je pense qu’il ne convient pas de retirer aux communes, à la sauvette, des droits en matière d’urbanisme. Il faut que cela soit officiel et passe par une instruction complète.
Mais, je le redis, je ne suis pas certain que l’objet de l’amendement corresponde bien à son texte.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. En effet ! C’est ce que j’ai dit.
M. Charles Guené. Je suis en tout cas favorable à l’objet de l’amendement, que je voterai.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Il y a deux manières de voir les choses : soit nous continuons de faire les grincheux, soit nous prenons conscience que personne ici ne remet en cause l’intercommunalité, laquelle a été inventée par les élus il y a longtemps. Avant même l’instauration de l’intercommunalité telle que nous la connaissons, les élus ont en effet créé, de leur propre initiative, des syndicats pour faire ensemble ce qu’ils ne pouvaient faire seuls.
Toutefois, cher Éric Kerrouche, on peut tout de même parler de ce qui ne fonctionne pas en matière d’intercommunalité ! Ce que nous demandons, c’est de la souplesse. Vous connaissez comme moi des mariages forcés ou contraints. Des élus qui ont connu des baisses de dotations considérables à une époque que vous connaissez bien ont couru après une échelle plus grande : plus on était grand, plus on touchait de dotations.
Aujourd’hui, nous disons que l’intercommunalité doit être heureuse et bien vécue. Très sincèrement, personne aujourd’hui ne conteste le fait qu’un PLUi doit être élaboré à une échelle permettant la coordination. Dans ma communauté de communes, qui comprend soixante-sept communes, je ne fais pas de PLUi, non parce que je suis récalcitrante, mais parce que nous avons un SCoT tellement coercitif qu’un PLUi ne se justifie pas.
Je pense que l’avenir et le développement d’une commune reposent sur l’urbanisme. Les communes ont besoin de maîtriser cette compétence, par exemple pour faire admettre à l’intercommunalité que leur école ou un certain nombre de services en dépendent.
Mes chers collègues, cessons donc cette querelle des Anciens et des Modernes. Un peu de souplesse nous rendrait les uns et les autres localement plus intelligents, car nous aurons moins peur. Détendons-nous sur ce sujet, dans cet hémicycle et dans les territoires ! Les choses fonctionneront ainsi beaucoup mieux…
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. J’ai cosigné cet amendement, précisément – je réponds à Charles Guené – pour que la diminution des droits à construire passe, comme indiqué dans l’exposé des motifs, par une révision du PLU, et non par une simple modification. L’élu de base aura peut-être du mal à faire la différence, mais nous, nous la faisons, et nous savons de quoi il retourne.
Je profite de cette occasion pour répondre à Mme la ministre. J’en suis bien d’accord, il ne faut surtout pas opposer les petites intercommunalités aux grandes, ou les intercommunalités rurales aux urbaines, etc.
Le problème est que, bien souvent, les maires des petites communes avec lesquels nous discutons ne connaissent pas les différentes amodiations ouvertes par la loi, notamment les dispositions issues de la loi Engagement et proximité auxquelles vous faisiez référence.
Pardonnez-moi d’être aussi trivial, mes chers collègues, mais nombre de maires m’ont indiqué qu’au sein de leur communauté de communes, ils n’avaient pas d’autre choix que de la « fermer » ! Non pas que leur commune serait particulièrement mal gérée ; seulement, ils ne se sentent pas à même d’intervenir face à des « sachants », des personnes qui disposent d’une expertise technique.
Nous devons donc faire simple. Les citoyens demandent de plus en plus à leur maire à quoi il sert s’il n’a même plus la maîtrise de son « POS » (plan d’occupation des sols), terme encore fréquemment utilisé… Les maires doivent connaître les possibilités à leur disposition.
Ainsi que je l’ai indiqué précédemment, il faut redonner à la cellule de base qu’est la commune le pouvoir de mettre en œuvre, dans le cadre d’une intercommunalité consentie, les orientations souhaitées par le maire et son conseil municipal.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30.
L’amendement n° 1087 rectifié ter, présenté par M. Féraud, Mmes de La Gontrie et Blatrix Contat, MM. Bourgi et Cozic, Mme Harribey, MM. Lozach et Jacquin, Mme Jasmin et MM. P. Joly, Lurel, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et Stanzione, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – En application de l’article 37-1 de la Constitution, pour une durée de quinze ans à compter de la promulgation de la présente loi, sur le territoire des collectivités mentionnées à l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, de la métropole de Lyon et de la métropole du Grand Paris, il est mis en place une expérimentation visant à promouvoir un développement urbain harmonieux et l’atteinte d’objectifs sociaux et environnementaux ambitieux, conformément aux paragraphes II à IV du présent article.
II. – Dans les zones urbaines des territoires mentionnés au I, dans le but de promouvoir la réalisation des objectifs environnementaux, sociaux, fonctionnels et de protection du patrimoine fixés par une orientation d’aménagement et de programmation, le règlement du plan local d’urbanisme peut déterminer les conditions dans lesquelles l’atteinte de ces objectifs est justifiée à l’occasion d’une demande d’autorisation d’urbanisme, y compris par la production de certificats émis par l’autorité compétente à l’occasion de l’autorisation d’une ou de plusieurs autres opérations dont les caractéristiques dépassent un ou plusieurs de ces objectifs.
Le cas échéant, les certificats mentionnés au premier alinéa du présent II sont publiés au fichier immobilier ou inscrit au livre foncier.
III. – Au plus tard un an avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement transmet un rapport au Parlement, aux fins d’évaluation, assorti des observations des collectivités sur le territoire desquelles l’expérimentation a été mise en œuvre.
IV. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation, notamment les modalités d’instruction des autorisations d’urbanisme ainsi que les conditions d’émission et de validation des certificats mentionnés au premier alinéa du II.
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Cet amendement vise à mettre en place une expérimentation dans les trois plus grandes métropoles de France, c’est-à-dire Aix-Marseille-Provence, Lyon et le Grand Paris, de nouvelles règles d’appréciation pour les droits à construire s’agissant des externalités positives des projets.
Aujourd’hui, le respect du règlement du PLU ou du PLUi s’apprécie au niveau soit de la parcelle, soit de parcelles immédiatement contiguës ou à proximité immédiate. Cela inclut des objectifs de performance environnementale, sociale, fonctionnelle et de protection du patrimoine. Une telle limite empêche de plus en plus de projets d’aboutir alors que les objectifs sont ambitieux.
Nous proposons donc une expérimentation pour permettre aux communes ou aux établissements intercommunaux d’autoriser l’appréciation mutualisée, sur une surface plus grande, des externalités positives des projets de construction. Un projet qualitatif qui dépasserait les objectifs fixés en la matière se verrait attribuer une cotation qui pourrait être transférée et bénéficier à un autre projet situé sur une autre parcelle de la commune ou de l’intercommunalité, évidemment à l’appréciation des élus et dans le respect des prescriptions du règlement applicable pour toutes les constructions sur une parcelle donnée.
L’objectif est de permettre à des projets plus vertueux de voir le jour, tout en respectant les spécificités qui concernent chaque parcelle et chaque projet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. L’expérimentation proposée dans l’amendement me semble très peu cadrée, et son objectif n’est, pour le moins, pas très clair.
De quoi les porteurs de projets devront-ils justifier ? Le texte de l’amendement fait mention d’« objectifs environnementaux, sociaux, fonctionnels et de protection du patrimoine », ce qui est à la fois vaste, peu précis et très généraliste. En outre, les PLU, le règlement et la loi fixent déjà les règles selon lesquelles les permis seront instruits. Je ne vois pas à quel objectif supplémentaire il serait fait référence dans votre amendement.
Enfin, la durée de quinze ans me semble excessive pour une expérimentation, d’autant qu’aucune évaluation intermédiaire n’est prévue durant cette période. De plus, la création d’une étape additionnelle avant la délivrance des permis me paraît très peu opérante. Au demeurant, les permis sont de toute manière instruits pour vérifier le respect de règles en matière d’urbanisme, d’environnement ou encore de patrimoine.
Par conséquent, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le droit constant, c’est-à-dire le code de l’urbanisme, donne déjà la possibilité au PLU de fixer des objectifs ambitieux à atteindre dans des secteurs qu’il est libre de délimiter, par exemple des règles relatives aux espaces libres.
Vous proposez d’établir une cotation des projets assortie de certificats attestant de l’atteinte des objectifs à l’occasion des autorisations d’urbanisme. Ces certificats pourraient être produits dans le dossier de permis de construire d’un autre projet moins bien noté pour que celui-ci soit autorisé. Je trouve cela un peu compliqué. Cela crée une nouvelle procédure en phase d’instruction qui ne va pas dans le sens de la simplification et qui, je le crois, présente un fort risque de contentieux.
Je suis donc vraiment défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Cet amendement est en effet insuffisamment cadré. C’est d’abord un amendement d’appel, pour répondre à des problématiques spécifiques.
Aujourd’hui, dans les zones très denses, des règles peu encourageantes pour les décideurs ou les investisseurs empêchent l’aboutissement d’un certain nombre de projets porteurs de création de logements ou d’équipements, mais aussi d’externalités positives allant parfois au-delà des objectifs. Le surplus d’externalités positives n’étant pas transférable, un certain nombre de projets ne voient pas le jour alors qu’ils auraient pu être encouragés.
Je vais retirer mon amendement, puisqu’il est insuffisamment cadré. Comme le soulignait Mme la ministre, le dispositif proposé pourrait même présenter des risques de dérives. C’est d’ailleurs pour cela que l’expérimentation était limitée. Au demeurant, la mesure pourrait concerner toutes les métropoles, et pas seulement les trois plus grandes.
Cet amendement d’appel existe parce qu’il y a une attente forte des élus, notamment – je le sais – de la métropole du Grand Paris, pour que le Gouvernement prenne l’initiative de dispositions susceptibles de favoriser les projets vertueux allant au-delà des objectifs et porteurs d’externalités positives. Ces projets doivent être encouragés, valorisés et, éventuellement, transférés.
Mais je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 1087 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 1412, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 321-4 du code du tourisme, il est inséré un article L. 321-… ainsi rédigé :
« Art. L. 321-…. – L’exploitant d’une résidence de tourisme, située en zone de montagne au sens de l’article 3 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, peut céder à titre gratuit le droit conféré par l’article L. 145-46-1 du code de commerce à un établissement public y ayant vocation, à une société d’économie mixte, à une société publique locale ou à un opérateur agréé par l’État.
« Peuvent être agréés à cette fin les opérateurs dont la mission principale contribue au développement de l’offre touristique en montagne par la maîtrise foncière de locaux à usage commercial et leur mise en location par l’intermédiaire d’un bail commercial ou d’un mandat de longue durée. La décision d’agrément tient compte de ses compétences en matière de gestion immobilière, commerciale et foncière, de sa soutenabilité financière, en particulier sa capacité à porter du foncier, des baux commerciaux et des mandats de long terme ainsi que de son organisation adoptée pour prévenir les conflits d’intérêts et garantir son indépendance. Un décret en conseil d’État précise la procédure d’agrément et les modalités d’application du présent article.
« Le cessionnaire du droit conféré par l’article L. 145-46-1 du code de commerce s’engage à ce que les biens acquis soient exploités en qualité de résidence de tourisme pour une durée de neuf ans au moins.
« La cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
« Elle produit effet à l’égard du propriétaire du local lorsqu’elle lui a été signifiée ou lorsqu’il en prend acte.
« À compter de cette prise d’effet, l’information due par le propriétaire au locataire en vertu des premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 145-46-1 du même code doit être délivrée au cessionnaire dans les mêmes conditions.
« Le droit cédé s’exerce par le cessionnaire selon les modalités prévues à l’article L. 145-46-1 dudit code. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement, que j’avais annoncé précédemment, vise à soutenir l’activité touristique en zones de montagne, en apportant une réponse à la diminution progressive du nombre de logements mis en location saisonnière.
C’est un véritable fléau dans nos zones de montagne depuis des années. Dans de nombreux cas, cette disparition est due à la vente du logement à un particulier qui ne le mettra plus en location. Bien entendu, la crise de la covid et la crise économique dans les stations de montagne n’ont fait qu’aggraver les choses.
Le phénomène a évidemment un effet négatif sur l’activité économique. Un logement mis en location rapporte en moyenne 17 000 euros à un territoire, contre 3 000 euros lorsque ce n’est pas le cas.
Les conséquences sont également très fortes sur nos paysages de montagne et, bien évidemment, sur la consommation foncière. Faute de logements en location dans le parc existant, de nouvelles constructions sortent de terre pour répondre à la demande.
Dans le cadre du plan Avenir montagnes annoncé par le Premier ministre le 27 mai, nous avons travaillé avec l’ensemble des acteurs concernés, c’est-à-dire l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM), l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), le Syndicat national des résidences de tourisme, la Fédération des entreprises publiques locales et Domaines skiables de France. Après concertation avec eux, nous proposons cet amendement, qui vise à céder le droit de propriété des gestionnaires de résidences à des opérateurs fonciers chargés d’acheter des biens vendus pour les remettre en location en passant par le gestionnaire.
Ces foncières récupéreront petit à petit plusieurs biens, facilitant les prises de décision d’entretien ou de rénovation thermique de ces résidences. Cela permettra de lutter contre un autre fléau : la déqualification des résidences. Bien entendu, cela doit être étroitement encadré pour éviter tout risque de dérive.
Seulement deux types d’acteurs pourront intervenir : d’une part, des sociétés d’économie mixte (SEM) ou des entreprises publiques locales (EPL) contrôlées par les collectivités territoriales ; d’autre part, des acteurs privés agréés par l’État. Nous avons souhaité encadrer très étroitement l’agrément pour vérifier l’intérêt général de la structure et prévenir les risques de collusion entre la foncière et les autres acteurs de la montagne, en particulier les gestionnaires. Cela permettra à des commerçants ou des hôteliers de la station de monter de petites structures locales. La procédure d’agrément devra associer des élus locaux, à travers la commission d’agrément qui sera mise en place.
Je vous propose donc d’adopter cet amendement, qui, encore une fois, a véritablement été négocié avec tous les acteurs de la montagne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Madame la ministre, loin de moi l’idée de contester que la pérennisation des résidences touristiques dans les zones de montagne est un enjeu important pour conserver la vitalité économique et l’attractivité de ces territoires. La multiplication des résidences secondaires – tous ceux qui habitent à proximité de stations de sports d’hiver le savent bien – est souvent vécue difficilement par les territoires concernés.
Cependant, à ce stade, votre amendement soulève un certain nombre de questions.
D’abord, le droit de priorité est aujourd’hui attribué par la loi au locataire pour qu’il puisse accéder à la propriété du local qui est son gagne-pain. Ouvrir une brèche dans ce principe, c’est-à-dire une possibilité de délégation de ce droit, entraînerait, me semble-t-il, un dévoiement du dispositif. On peut craindre que cela n’ouvre la porte à des pressions sur les exploitants historiques de ces hébergements pour les faire renoncer à leurs droits et les céder.
En outre, la finalité même du droit de priorité délégué n’est pas clairement définie. La rédaction prévue ne mentionne pas de finalité d’intérêt général, par exemple pour bénéficier du droit. La durée de l’engagement à maintenir l’activité de la résidence est de neuf ans seulement, ce qui me paraît très faible au regard de la dérogation ainsi consentie.
Un autre élément nous inspire des réserves. La mesure pose question au regard du droit de la concurrence. Comme vous l’avez d’ailleurs indiqué, le dispositif permettrait à des opérateurs privés commerciaux à but lucratif de bénéficier de quasi-prérogatives d’ordre public, d’ordinaire réservées à la commune ou à l’EPCI, pour acquérir en priorité de tels biens. Je crains que cela ne crée d’énormes foncières privées susceptibles d’acquérir peu à peu la propriété de toutes les résidences de tourisme à la ronde, et ce potentiellement au détriment de l’écosystème touristique local.
À ce stade, rien ne nous garantit qu’il n’y ait pas d’opérateurs privés complètement étrangers au territoire sur lequel ils voudront récupérer ces propriétés. Nous pourrions ainsi voir des opérateurs alsaciens – je n’ai rien contre eux – venir tout récupérer en Savoie ou en Haute-Savoie. Ce serait, je le crois, de nature à porter atteinte à l’écosystème touristique local.
Enfin, nous n’avons reçu aucune forme d’assentiment des autorités locales. Vous avez parlé d’une concertation, en indiquant que cela s’effectuerait avec les élus locaux. Mais rien ne le garantit dans l’amendement. Vous l’avez affirmé oralement ; il n’y a rien d’écrit.
Même si le sujet mérite un véritable débat et s’il y aurait peut-être de quoi avancer, nous n’avons pas eu le temps de mener des travaux plus approfondis ou de procéder à des auditions. Convenez-en, cela pourrait faire l’objet d’un texte spécifique.
Par conséquent, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Les « lits chauds » sont effectivement un sujet majeur dans toutes les stations de montagne, et pas seulement depuis quelques mois.
Certes, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, depuis quelques mois, la situation a été rendue d’autant plus difficile que des exploitants n’ont pas pu verser les loyers aux propriétaires. Dans certains cas, cela les a mis en difficulté, permettant à certains propriétaires de remettre sur le marché et donc de vendre ces lits chauds, qui ont ainsi été transformés en lits froids.
Vous soulevez la question de la foncière. Il y a effectivement une attente forte dans les stations. Ce n’est sans doute pas le seul sujet. À l’instar de Mme le rapporteur pour avis, je pense qu’un encadrement s’impose. Nous n’avons pas d’autre solution aujourd’hui. Au-delà d’un certain niveau de mitage dans un bâtiment en raison de la vente de certains logements directement à des propriétaires – les lits chauds deviennent alors des lits froids –, le seuil d’exploitation de l’ensemble de la résidence de tourisme n’est plus atteint. Cela crée des difficultés importantes.
Nous avons donc besoin de nouveaux outils. Il peut s’agir du rachat par l’exploitant des biens dont le propriétaire veut se débarrasser, ce qui permet de garder des lits chauds dans le système d’exploitation, ou d’une intervention publique. En l’occurrence, cette intervention publique relève rarement de la mairie, mais plutôt d’une société publique locale (SPL), d’une SEM ou, éventuellement, d’une foncière qui pourrait être créée et dans laquelle l’opérateur public pourrait être intégré.
Cela répond à une demande des stations, mais, si on lance le dispositif, il faudra tout de même l’organiser et l’encadrer. Je suis donc très favorable, à titre personnel, à une telle mesure. J’en ai discuté avec nos collègues de l’ANMSM et de l’ANEM, qui la réclament. Cela faisait partie des engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du plan Avenir montagnes.
Encore une fois, à l’instar de Mme le rapporteur, je pense qu’il faudra encadrer le dispositif. Mais ce serait dommage de se priver d’un tel outil.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame la rapporteure pour avis, la foncière est obligée de remettre en location auprès du gestionnaire. Elle doit avoir pour mission essentielle la mise en location.
Le droit de priorité est purement de droit privé, contrairement au droit de préemption. Ce n’est pas une prérogative de puissance publique.
Par ailleurs, vous avez relevé que les élus n’étaient pas mentionnés dans le texte de l’amendement. Effectivement. Nous avions prévu de les citer dans le décret. Mais si vous préférez qu’ils soient évoqués dans la loi, je n’y vois aucun inconvénient, d’autant qu’ils sont largement associés à la démarche ; j’ai pris soin d’énumérer toutes les associations qui réclament une telle mesure.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ose vous demander d’adopter cet amendement, qui pourra être amélioré dans le cadre de la navette. Je rejoins M. le sénateur Vial : le vote de cet amendement serait un signe adressé à l’ensemble des élus de la montagne.
J’ignore si vous vous rendez, comme moi, au congrès des élus de la montagne. La semaine dernière, je suis allée au congrès des élus des villes touristiques, à Enghien-les-Bains. Tous les élus de la montagne étaient là. Ils attendent vraiment des décisions en faveur de la montagne, notamment sur la question des lits froids. Certes, ce phénomène n’est pas nouveau, M. Vial l’a souligné, mais il a tendance à se multiplier, avec de fortes conséquences économiques.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les arguments qui ont été avancés me semblent tout à fait intéressants, et nous pouvons les partager.
Madame la ministre, nous sommes visiblement dans une relation de confiance où nous nous disons tout. Vous avez évoqué à deux reprises la navette parlementaire sur ce texte, dont le Sénat a eu le privilège d’être saisi en premier puisqu’il s’agit d’un projet de loi relatif aux collectivités territoriales.
Nous sommes toujours dans l’attente de connaître, me semble-t-il – je peux me tromper –, la date à laquelle le texte sera inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Cette information nous permettrait de caler une méthode de travail sur les différents dispositifs, évidemment en concertation avec vous. Avez-vous une date à nous communiquer ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur, je me souviens de ce que certains affirmaient voilà quelques mois. Le projet de loi, disait-on alors, ne serait jamais inscrit à l’ordre du jour du Sénat. Pourtant, il l’a été…
J’ignore à ce stade à quelle date l’Assemblée nationale examinera ce texte. Ce que je sais en revanche, c’est que, depuis le commencement de nos débats, nous travaillons dans un très bon état d’esprit. Nous ne sommes pas obligés de nous opposer sur tout ! Et travailler dans un bon état d’esprit, cela facilite une inscription rapide à l’ordre du jour de l’autre assemblée.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Madame la ministre, nous aspirons également à une inscription rapide, à la rentrée parlementaire, du projet de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. J’ai aussi pris bonne note de vos engagements.
Certes, je pense qu’à ce stade, le dispositif proposé dans l’amendement doit être mieux encadré et que des évolutions rédactionnelles s’imposent pour sécuriser le dispositif. Mais j’ai entendu l’intervention de notre collègue Cédric Vial. Il y a également des stations de montagne et de sports d’hiver dans mon département ; j’avais dressé les mêmes constats pendant la crise sanitaire, ayant été saisie des mêmes difficultés.
Je vais donc émettre un avis de sagesse sur l’amendement, tout en exhortant le Gouvernement à en modifier la rédaction. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)