M. René-Paul Savary. Par cet amendement, nous vous proposons effectivement d’aller un peu plus loin que le texte de la commission.
La nouvelle version de la proposition de loi prévoit que le médecin praticien correspondant devra conclure avec le service de prévention et de la santé au travail interentreprises un protocole de collaboration, signé à la fois par le directeur du SPSTI et le médecin du travail ayant autorité sur l’équipe pluridisciplinaire.
Il est proposé que le SPSTI puisse établir une convention avec le médecin praticien correspondant, définissant un protocole comportant les conditions de son exercice.
Je voudrais ajouter que la passerelle dont nous parlons entre médecin praticien correspondant et médecin du travail était inscrite dans l’ANI. Il s’agit donc d’une proposition des partenaires sociaux, soutenue par plusieurs associations syndicales et professionnelles. Voilà pourquoi nous en débattons aujourd’hui.
Cette proposition entre aussi pleinement dans la logique One Health, « une seule santé » – nous en avons parlé lors de la discussion générale. Elle est donc parfaitement envisageable, moyennant un certain nombre de conditions de mise en œuvre.
Par ailleurs, je crois avoir compris que le médecin traitant peut jouer le rôle de médecin praticien correspondant, si le patient en est d’accord. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer ce point ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement revient sur la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales qui a souhaité mieux encadrer le recours au médecin praticien correspondant (MPC). Il s’agissait notamment, au travers d’un protocole de collaboration, d’intégrer pleinement l’intervention du médecin praticien correspondant dans l’atteinte des objectifs du projet de service pluriannuel du SPST, en lui faisant partager à la fois l’approche populationnelle du service, adaptée aux spécificités des branches, secteurs d’activité et métiers suivis, et son approche par risque, selon les priorités fixées par le SPST en matière de prévention des risques.
Par ailleurs, la commission a rappelé que le médecin praticien correspondant est appelé à être mobilisé quand les ressources médicales du SPST ne lui permettent pas d’assurer ses missions dans le respect des délais réglementaires.
C’est d’ailleurs précisément l’esprit de la condition que nous avons imposée, dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, à l’expérimentation du recours à la médecine de ville pour réaliser la visite d’information et de prévention pour les apprentis : ainsi, ce recours n’est autorisé que si le service de santé au travail établit qu’aucun professionnel de santé n’est disponible en son sein pour réaliser cette visite dans les deux mois suivant l’embauche de l’apprenti.
Ces conditions sont, de notre point de vue, indispensables pour ne pas dénaturer la spécialité de la médecine du travail, dont la valeur ajoutée repose notamment sur sa connaissance fine du milieu de l’entreprise.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Savary, l’amendement n° 183 rectifié bis est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 183 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 184 rectifié bis, présenté par MM. Savary, Milon, Babary et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonne, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Burgoa, Cambon, Cardoux, Charon et Chatillon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis et Deromedi, MM. Détraigne et Duplomb, Mme Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genet, Gremillet et Husson, Mme Imbert, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, M. Pellevat, Mme Puissat et MM. Sautarel, Sido et Sol, est ainsi libellé :
Alinéa 11, première phrase
Remplacer les mots :
un médecin praticien correspondant, disposant d’une formation en médecine du travail, peut contribuer
par les mots :
des médecins praticiens correspondants, disposant d’une formation en médecine du travail, contribuent
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement vise à obliger les services de prévention et de la santé au travail interentreprises à recourir à des médecins praticiens correspondants, s’ils n’ont pas les ressources médicales suffisantes pour répondre aux demandes des entreprises.
J’imagine que cette petite modification ne sera pas acceptée par la commission…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Vous supposez bien, monsieur Savary… (Sourires.)
Cet amendement vise à contraindre tous les SPST à recourir au dispositif du médecin praticien correspondant pour assurer une partie du suivi individuel des travailleurs.
Or l’esprit de ce dispositif est tout autre : il s’agit de venir en renfort de la médecine du travail, lorsque ses ressources ne permettent pas d’assurer la continuité du suivi de l’état de santé des travailleurs. L’imposer nous paraît s’éloigner considérablement de ce qu’ont prévu les partenaires sociaux.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Savary, l’amendement n° 184 rectifié bis est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 184 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Capus et Guerriau, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Decool, A. Marc, Wattebled, Malhuret, Verzelen, Médevielle, Fialaire, Laménie, Canévet, Bonhomme, Détraigne et Longeot et Mme Garriaud-Maylam.
L’amendement n° 185 rectifié ter est présenté par MM. Savary, Milon, Babary et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonne, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Burgoa, Cadec, Cambon, Cardoux, Charon et Chatillon, Mmes Chauvin et L. Darcos, M. Daubresse, Mme Deromedi, M. Duplomb, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, Genet et Gremillet, Mme Imbert, M. Karoutchi, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Panunzi et Pellevat, Mme Puissat et MM. Sautarel, Sido et Sol.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
sauf si, le cas échéant, le salarié concerné en fait la demande expresse
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.
M. Joël Guerriau. Comme l’a rappelé notre collègue René-Paul Savary, la disposition prévue à cet article découle de l’ANI, mais au fur et à mesure des débats, l’Assemblée nationale a restreint le rôle du médecin praticien correspondant.
Cet amendement part de l’idée qu’on doit laisser le choix au salarié, lorsque son médecin traitant est aussi médecin praticien correspondant, de pouvoir le choisir à ce titre.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 185 rectifié ter.
M. René-Paul Savary. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. L’interdiction de cumul des fonctions de médecin traitant et de médecin praticien correspondant vise précisément à protéger le travailleur, en évitant que certaines informations liées à son état de santé, notamment en cas de pathologie chronique, viennent interférer dans sa vie professionnelle.
Le cumul des fonctions de médecin traitant et de médecin du travail, quand bien même il serait accepté par le travailleur, pourrait donner lieu à un mélange des genres.
Prenons l’exemple du médecin agréé par le préfet pour effectuer le contrôle médical de l’aptitude à la conduite : aujourd’hui, la réglementation interdit que ce médecin soit le médecin traitant de la personne – je vous renvoie au code de la route.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Guerriau, l’amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Guerriau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
Monsieur Savary, l’amendement n° 185 rectifié ter est-il maintenu ?
M. René-Paul Savary. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 185 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 234, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° L’article L. 4822-1 est ainsi modifié :
a) Après la deuxième occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « disposant d’une formation en médecine du travail » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« S’il ne justifie pas d’une formation en médecine du travail, un médecin peut toutefois être autorisé à exercer l’activité de médecin du travail sans être titulaire du diplôme spécial prévu à l’article L. 4623-1 sous réserve de s’inscrire à une formation en médecine du travail dans les douze mois suivant l’obtention de cette autorisation. Le maintien de l’autorisation est subordonné à la production d’une attestation de validation de cette formation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Artano, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 234 et 235.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 235, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article entre en vigueur à compter d’une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er janvier 2023.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Stéphane Artano, rapporteur. L’amendement n° 234 vise à tenir compte du fait que, compte tenu des ressources médicales limitées sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon, tous les médecins non spécialistes en médecine du travail susceptibles d’exercer dans ce domaine ne seront pas nécessairement en mesure de justifier d’une formation en médecine du travail dès l’entrée en vigueur de la loi.
L’amendement n° 235 fixe au 1er janvier 2023 la date butoir d’entrée en vigueur de l’article 21 de la proposition de loi. En effet, la mise en place des formations de médecin praticien correspondant exigera un temps de concertation avec le comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) sur le contenu des formations avant leur adoption par voie réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L’article 21 est adopté.)
Article additionnel après l’article 21
M. le président. L’amendement n° 69, présenté par Mmes Taillé-Polian et Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2022, un rapport sur les actions mises en œuvre pour lutter contre la pénurie de médecins du travail et les recommandations pour revaloriser la profession auprès des étudiants en médecine.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il s’agit d’une demande de rapport ; je ne me fais donc pas trop d’illusions… Il me semble pourtant, en particulier à l’aune de nos débats, qu’il serait intéressant que le Gouvernement nous transmette un rapport sur l’évolution, sur plusieurs années, du nombre de médecins du travail et sur les mesures qu’il a mises en œuvre pour lutter contre cette pénurie.
Les législateurs qui se succèdent répètent à l’envi l’importance de la prévention dans la politique de santé au travail. Derrière les mots, les actes ne permettent pas d’enrayer la dégradation de la culture française de santé publique, en particulier dans la médecine du travail.
La démographie de la médecine du travail montre l’état dramatique du secteur. Phénomène connu de longue date, la profession a subi une perte de près de 16 % de ses effectifs entre 2010 et 2019. Sur les 5 009 médecins du travail recensés en 2019, 43 % ont plus de 55 ans et vont partir à la retraite dans les sept ans qui viennent.
Les causes de cette pénurie sont nombreuses ; elles ont été mises en avant depuis le début de nos débats : peu d’informations sur l’exercice de la médecine du travail durant la formation des étudiants en médecine ; des stages essentiellement réalisés à l’hôpital sous la direction de professionnels qui ne connaissent pas la médecine du travail ; aucune question relative à la santé au travail dans le concours de l’internat ; un enseignement trop éloigné de la réalité de l’exercice ; de moins en moins d’examens cliniques réalisés par les médecins du travail, alors que cela reste tout de même le cœur de la profession.
C’est l’inaction des pouvoirs publics successifs pour répondre à ces causes qui pose question et qui nous conduit à nous interroger : la pénurie de médecins du travail, régulièrement mise en avant pour justifier les réformes successives, ne relève-t-elle pas d’une stratégie orchestrée ? N’est-elle pas, finalement, organisée ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Je rejoins sur beaucoup de points ce que vient de dire Mme Poncet Monge.
Toutefois, un rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de 2017 a mis en évidence ce que vous évoquez à propos de l’attractivité de la médecine du travail.
Par ailleurs, la position de la commission est constante à l’égard des rapports : ils sont rarement remis dans les délais et ils sont assez peu suivis d’effets.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 21 bis (nouveau)
I. – À titre expérimental et pour une durée de cinq ans, l’État peut autoriser, par dérogation aux articles L. 321-1 du code de la sécurité sociale et L. 4622-3 du code du travail, dans trois régions volontaires dont au moins une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, les médecins du travail à :
1° Prescrire et, le cas échéant, renouveler un arrêt de travail ;
2° Prescrire des soins, examens ou produits de santé strictement nécessaires à la prévention de l’altération de la santé du travailleur du fait de son travail ou à la promotion d’un état de santé compatible avec son maintien en emploi. Cette prescription est subordonnée à la détention d’un diplôme d’études spécialisées complémentaires ou à la validation d’une formation spécialisée transversale en addictologie, en allergologie, en médecine du sport, en nutrition ou dans le domaine de la douleur.
II. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités de cette expérimentation et les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut prescrire des soins, examens ou produits de santé dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du travail arrêtent la liste des régions participant à l’expérimentation. Le contenu de chaque projet d’expérimentation régional est défini par rapport à un cahier des charges arrêté par les ministres chargés de la santé, de la sécurité sociale et du travail, après avis du comité régional de prévention et de santé au travail concerné.
III. – Un rapport d’évaluation est réalisé au terme de l’expérimentation et fait l’objet d’une transmission au Parlement par le Gouvernement.
M. le président. L’amendement n° 195, présenté par MM. Lévrier, Iacovelli, Théophile, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Introduit en commission des affaires sociales, l’article 21 bis prévoit une expérimentation pour une durée de cinq ans, lors de laquelle les médecins du travail pourront délivrer à titre dérogatoire des arrêts de travail et prescrire des soins, examens ou produits de santé.
Un médecin du travail est un médecin de plein exercice qui a le droit de prescrire, mais il le fait dans les limites de son rôle exclusivement préventif. Il peut notamment prescrire des examens complémentaires dans le cadre de l’article R. 4624-35 du code du travail.
Bien que les médecins ne puissent pas cumuler plusieurs spécialités, ils peuvent avoir un exercice complémentaire dans le cadre de leur spécialité initiale. Ainsi, certains médecins du travail se sont déjà engagés dans une spécialité complémentaire, comme l’allergologie ou l’addictologie. Ils sont alors autorisés à prescrire si besoin dans le cadre de leur exercice complémentaire, mais cela doit rester dans un cadre préventif.
Les possibilités d’extension de la faculté de prescription des médecins du travail, en particulier à titre curatif, ne figurent pas dans l’ANI du 9 décembre 2020. Or ce texte demeure pour nous un point d’ancrage fort.
Par conséquent, il nous apparaît préférable de ne pas inclure une telle expérimentation dans la proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. On a beaucoup parlé hier et aujourd’hui d’attractivité, mais il y a ceux qui en parlent et ceux qui agissent ! Les paroles doivent se traduire en actes et la commission a souhaité agir.
L’extension du droit de prescription des médecins du travail est demandée par les professionnels concernés, tout particulièrement par les internes de cette spécialité qui y voient un facteur d’attractivité pour une spécialité qui reste encore la moins prisée des étudiants en médecine.
Par ailleurs, lors de son audition le 23 juin dernier, le ministre des solidarités et de la santé reconnaissait lui-même qu’en matière d’attractivité de la médecine du travail « un autre sujet réside peut-être dans la perte systématique de la capacité de prescrire des médecins du travail, qui demande à évoluer ».
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est absolument ce qu’il a dit !
M. Stéphane Artano, rapporteur. Nous rejoignons ici la problématique de la médecine du XXIe siècle mise en avant notamment par René-Paul Savary.
Le ministre avait très justement rappelé qu’un certain nombre de médecins généralistes pouvaient s’interroger, en milieu de carrière, sur la possibilité d’une reconversion, mais que le fait de perdre du jour au lendemain leur capacité de prescrire pouvait constituer un facteur n’allant pas dans ce sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
La capacité de prescrire d’un médecin du travail est entière, lorsqu’il agit dans un cadre préventif, mais il n’en dispose pas dans un cadre curatif. Cela ressort très clairement des dispositions du code du travail.
Il est évidemment toujours possible de modifier le code du travail, mais il faut alors s’interroger pour savoir si les partenaires sociaux en ont envie ou pas. Or ils n’ont pas souhaité s’engager sur ce terrain dans le cadre de l’ANI.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je souscris au propos et à l’analyse de notre collègue Martin Lévrier.
M. le rapporteur avance un avis ministériel, mais je constate que ce n’est pas ce que dit aujourd’hui le Gouvernement.
La commission souhaite donner aux médecins du travail la possibilité de prescrire et de renouveler des arrêts de travail. Imaginez les difficultés vis-à-vis de l’employeur, si un médecin du travail refuse à un salarié un arrêt, mais que son médecin traitant lui en donne un !
Cet article introduit une nouvelle confusion des rôles et met à mal des principes fondamentaux comme celui de l’indépendance des professionnels de santé. Il ne s’agit pas ici, comme à l’article précédent, d’une passerelle, mais de l’enterrement de la répartition des rôles entre professionnels ! C’est le franchissement de la barrière des espèces, si je puis dire, entre le soin, le contrôle et le conseil.
Au bénéfice de qui est organisée cette incroyable confusion ? Pourquoi ? Ne nous dites pas, monsieur le rapporteur, que votre proposition est issue de l’ANI, puisque c’est vous qui l’avez ajoutée dans le texte et qu’elle ne correspond pas du tout à la volonté des partenaires sociaux.
C’est pourquoi nous voterons l’amendement de Martin Lévrier.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Artano, rapporteur. Permettez-moi d’ajouter quelques précisions.
Tout d’abord, je ne vous ai pas parlé d’avis ministériels, j’ai simplement repris une déclaration du ministre des solidarités et de la santé devant notre commission lors d’une audition publique. Vous pouvez donc la vérifier sans aucune difficulté.
Ensuite, les médecins du travail ont déjà pu prescrire pendant la crise sanitaire. (M. Bernard Jomier s’exclame.) L’expérimentation que nous proposons a donc déjà commencé en pratique et je n’ai pas entendu dire que des difficultés étaient apparues à cette occasion. Tout le monde s’est satisfait du fait que le Gouvernement, par ordonnance, ait donné cette possibilité aux médecins du travail. Nous ouvrons un peu plus la porte qui a été ouverte pendant la crise sanitaire.
M. Bernard Jomier. C’était l’état d’urgence, une période exceptionnelle !
M. le président. Je mets aux voix l’article 21 bis.
(L’article 21 bis est adopté.)
Article 22
La sous-section 1 de la section unique du chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complétée par un article L. 4623-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4623-3-1. – Le médecin du travail consacre à ses missions en milieu de travail au moins le tiers de son temps de travail.
« L’employeur ou le directeur du service de prévention et de santé au travail interentreprises prend toutes les mesures pour permettre au médecin du travail de respecter cette obligation. »
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Médevielle, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Menonville, Mme Paoli-Gagin, MM. Wattebled, Decool, Capus, Malhuret, Verzelen, Milon, Klinger, Chatillon et Longeot, Mme Garriaud-Maylam et MM. Nougein, Laménie et Canévet, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer ces deux alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4623-3-1. – Le médecin du travail consacre une fraction de son temps de travail à ses missions en milieu de travail. Un décret définit la fraction et le contenu des missions mentionnées à la première phrase. »
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. La rédaction actuelle de la proposition de loi sanctuarise le tiers-temps des médecins du travail et mobilise une partie du temps clinique, en prévoyant une participation des médecins du travail aux dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes. Il est pourtant essentiel que le temps clinique des SPSTI mis à disposition des entreprises et des salariés soit assuré.
L’objet de cet amendement vise à permettre au médecin du travail d’assurer le suivi médical des salariés à risque, en conformité avec l’ANI du 9 décembre 2020.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. L’ANI a proposé de « monter » au niveau législatif un certain nombre de dispositions qui relèvent aujourd’hui du pouvoir réglementaire. L’obligation de tiers-temps fait partie de ces mesures et l’article 22 de la proposition de loi entend lui donner un fondement législatif.
La commission des affaires sociales a toutefois veillé à ce que le pouvoir réglementaire conserve une marge de manœuvre pour déterminer les types d’actions en milieu de travail comptabilisées dans le calcul de ce tiers-temps.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. L’avis est favorable. Je crois qu’il faut en rester au droit actuel : en l’espèce, le niveau législatif n’est pas adapté.
M. le président. Je mets aux voix l’article 22.
(L’article 22 est adopté.)
Article 23
I. – Le chapitre III du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° La section unique devient la section 1 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Infirmier de santé au travail
« Art. L. 4623-9. – Dans les conditions de déontologie professionnelle définies et garanties par la loi, l’infirmier de santé au travail assure les missions qui lui sont dévolues par le présent code ou déléguées par le médecin du travail, dans la limite des compétences prévues pour les infirmiers par le code de la santé publique.
« Art. L. 4623-10. – L’infirmier de santé au travail recruté dans un service de prévention et de santé au travail est diplômé d’État ou dispose de l’autorisation d’exercer sans limitation, dans les conditions prévues par le code de la santé publique.
« Il est titulaire d’un diplôme sanctionnant une formation universitaire d’enseignement théorique et pratique en santé au travail définie par décret en Conseil d’État, ou une formation reconnue équivalente par un État membre de l’Union européenne. Ce diplôme peut être obtenu par la validation des acquis de l’expérience dont les modalités d’organisation sont fixées par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail.
« Si l’infirmier n’a pas suivi une formation en santé au travail, l’employeur l’y inscrit au cours des douze mois qui suivent son recrutement et, en cas de contrat d’une durée inférieure à douze mois, avant le terme de son contrat. Dans cette hypothèse, l’employeur prend en charge le coût de la formation.
« L’employeur favorise la formation continue des infirmiers en santé au travail qu’il recrute.
« Les tâches qui sont déléguées à l’infirmier de santé au travail prennent en compte ses qualifications complémentaires.
« Art. L. 4623-11. – Les modalités d’application de la présente section sont précisées par décret en Conseil d’État. »
II. – Après le 3° du I de l’article L. 4301-1 du code de la santé publique, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° En assistance d’un médecin du travail, au sein d’un service de prévention et de santé au travail. »