M. Philippe Mouiller. Cet amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 3, c’est-à-dire l’intégration du passeport de prévention au passeport d’orientation, de formation et de compétences.
L’idée n’est pas de remettre en cause le principe général : c’est surtout une histoire de calendrier. Sur ce sujet, en effet, la négociation avec les partenaires sociaux n’est pas aboutie, ce qui occasionne pour eux de fortes difficultés.
Mme la présidente. L’amendement n° 97, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les formations, attestations, certificats et diplômes listés dans le passeport de prévention, n’exonèrent pas l’employeur de sa responsabilité quant à la préservation de la santé des travailleuses et travailleurs.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’irai dans le même sens que précédemment à propos de l’amendement n° 99 : nous considérons que les formations, les attestations, les certificats et les diplômes listés dans le passeport de prévention n’exonèrent pas l’employeur de sa responsabilité quant à la préservation de la santé des travailleurs.
En effet, les organisations syndicales et les associations d’accidentés du travail s’inquiètent très fortement et légitimement des conséquences de la création de ce passeport de prévention. Il serait inacceptable que celui-ci devienne un moyen pour l’employeur d’échapper à sa responsabilité en matière de santé au travail et, de fait, à son obligation d’indemniser les victimes.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Bonhomme, Chatillon, Daubresse, Cambon et B. Fournier, Mme Demas, MM. Savin et Savary, Mme Canayer, M. Lefèvre, Mme Belrhiti, MM. Bouloux, Milon et Brisson, Mme Malet, MM. Rapin et Pointereau, Mmes Dumont, Garriaud-Maylam, L. Darcos, Imbert et Di Folco, M. Genet, Mme M. Mercier et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. La formation des demandeurs d’emploi à la santé et à la sécurité au travail est essentielle pour assurer leurs compétences en matière de prévention. Elle est aussi un facteur incitatif à l’embauche, dès lors que les demandeurs d’emploi auront suivi les formations adéquates.
Pour autant, il est nécessaire de mettre en place et d’évaluer le dispositif innovant du passeport de prévention avant de procéder, le cas échéant, à son élargissement par voie réglementaire.
Mme la présidente. L’amendement n° 224, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6, seconde phrase
Remplacer les mots :
promulgation de la loi n° du pour renforcer la prévention en santé au travail
par les mots :
publication du décret en Conseil d’État prévu au dernier alinéa de l’article L. 4641-2-1
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les quatre premiers alinéas de l’article L. 4141-5 du code du travail entrent en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er octobre 2022.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement vise à faire courir le délai de six mois imparti au Comité national de prévention et de santé au travail, le CNPST, pour déterminer les modalités de mise en œuvre du passeport de prévention à partir de la publication du décret qui doit mettre en place ledit comité.
En outre, il tend à fixer une date butoir au déploiement du passeport de prévention qui devra intervenir au plus tard le 1er octobre 2022.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Les amendements nos 141, 53 et 99 visent à atteindre des objectifs similaires : ils feront donc l’objet d’un commentaire commun.
Ces amendements tendent à renommer le passeport de prévention « livret de formation santé sécurité ». Ils visent en outre à préciser que ce livret ne peut se substituer aux obligations de l’employeur en matière de santé et de sécurité vis-à-vis du travailleur.
La requalification du passeport de prévention ne changeant rien à son contenu, il est préférable de s’en tenir à l’appellation choisie par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI.
Par ailleurs, le passeport de prévention n’a pas vocation à décharger l’employeur de sa responsabilité en matière de santé et de sécurité au travail : il doit permettre d’identifier les compétences qui ont été acquises et celles qui restent à acquérir ou à renouveler pour assurer un haut niveau de protection de la santé et de la sécurité du travailleur.
J’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
L’amendement n° 11 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, vise à supprimer l’intégration du passeport de prévention dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences.
Or cette intégration est pleinement justifiée : l’objectif est que les deux dispositifs puissent mutualiser les outils développés par la Caisse des dépôts et consignations dans le cadre du site du compte personnel de formation. Le Conseil d’État a justement recommandé, dans son avis, de préciser l’articulation entre ces deux passeports.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 97, qui s’inscrit dans la continuité des amendements nos 141, 53 et 99, le commentaire est sensiblement le même. Le passeport de prévention doit permettre d’identifier les compétences qui ont été acquises.
J’ajoute que les quatre organisations syndicales signataires de l’ANI n’auraient pas souscrit à cet accord si le passeport de prévention était conçu comme un moyen d’exonérer l’employeur de sa responsabilité. Une telle chose serait impensable et poserait un véritable problème de démocratie. Il faudrait renvoyer cette responsabilité aux partenaires sociaux.
L’avis est défavorable.
L’amendement n° 12 rectifié ter vise à supprimer la possibilité pour les demandeurs d’emploi de disposer d’un passeport de prévention.
La commission des affaires sociales a introduit cette possibilité pour permettre aux demandeurs d’emploi de renseigner dans ce passeport les formations qu’ils auront suivies en matière de santé et de sécurité au travail.
Ce sera un outil puissant de réinsertion professionnelle pour le demandeur d’emploi, qui pourra faire valoir les habilitations acquises, mais également de visibilité pour l’employeur, puisque celui-ci connaîtra les obligations de formation déjà satisfaites, évitant ainsi un certain nombre de redondances dans les formations qu’il devra organiser pour le candidat si celui-ci est retenu.
Ce dispositif est issu des auditions que nous avons menées, Pascale Gruny et moi-même. Nous nous sommes assurés que cette demande ne posera pas de difficulté. En tout état de cause, elle nous semble pertinente.
J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Le report de l’entrée en vigueur du passeport de prévention me paraît être une proposition parfaitement étayée. Ce dispositif, qui constitue une évolution majeure, appelle, il est vrai, des travaux de concertation avec les partenaires sociaux. Des instances sont d’ailleurs prévues pour cela – je pense au CNPST.
Des travaux devront également être engagés pour assurer la traçabilité et la confidentialité des données récupérées et traitées dans le cadre de ce dispositif qui sera adossé au passeport d’orientation, de formation et de compétences.
J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 224 de la commission.
En ce qui concerne les autres amendements, M. le rapporteur a encore une fois été très précis. J’émets un avis défavorable, pour les mêmes raisons que lui.
M. Philippe Mouiller. Je retire l’amendement n° 11 rectifié quater, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié quater est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 97.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Philippe Mouiller. Je retire également l’amendement n° 12 rectifié ter, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 12 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 224.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 4622-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « exclusive » est remplacé par le mot : « principale » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils contribuent à la réalisation d’objectifs de santé publique afin de préserver, au cours de la vie professionnelle, un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi. » ;
1° Après le 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Apportent leur aide à l’entreprise, de manière pluridisciplinaire, pour l’évaluation et la prévention des risques professionnels ; »
1° bis Au 2°, la cinquième occurrence du mot : « les » est remplacée par les mots : « la qualité de vie et » ;
1° ter (nouveau) Après le même 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Accompagnent l’employeur, les travailleurs et leurs représentants dans l’analyse de l’impact sur les conditions de santé et de sécurité des travailleurs de changements organisationnels importants dans l’entreprise ; »
2° Il est ajouté un 5° ainsi rédigé :
« 5° Participent à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination et de dépistage, des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive et des actions d’information et de sensibilisation aux situations de handicap au travail, dans le cadre de la stratégie nationale de santé prévue à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique. »
Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 4 prévoit la participation des services de santé au travail (SST) à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, notamment via des campagnes de vaccination et de dépistage, et l’incitation à la pratique sportive.
Le rôle de conseil des services de santé au travail était déjà possible, tant auprès de l’employeur que des salariés, tout en devant rester centré sur ses missions propres, rappelées dans un avis du Conseil d’État, à savoir « d’éviter toute altération de la santé du travailleur du fait du travail ».
La formulation et le recueil de conseils par le service de santé au travail à partir de son exercice clinique et des observations effectuées sur le terrain de l’entreprise ne conduit pas à un partage de cette responsabilité et ne saurait l’impliquer au-delà ou au détriment de ses missions.
Le médecin du travail, et lui seul, peut dire le lien entre santé et travail. Il appartient aux professionnels des SST d’étudier des situations réelles de travail et d’organisation de celui-ci.
Les praticiens en médecine du travail suivent de plus en plus de travailleurs – cela a été rappelé. On compte un médecin du travail pour 4 000 salariés, et ce dernier doit se rendre dans des centaines d’entreprises, ce qui occupe normalement un tiers de son temps. Un simple calcul mathématique du niveau d’un élève de sixième nous montre que ce que vous proposez n’est pas possible !
Dans un contexte de baisse de la démographie de praticiens en médecine du travail, de temps hypercontraint et de manque structurel de moyens, le fait de faire peser sur les SST des missions relevant de la médecine générale ou de la santé publique n’est pas dans l’intérêt des salariés, le risque étant réel que cela se fasse au détriment des missions de prévention en matière de santé au travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 4 au motif que l’élargissement de ses missions à des actions de promotion de la santé risquerait d’éloigner le médecin du travail de son implication dans la prévention des risques professionnels.
La commission des affaires sociales ne partage absolument pas cette analyse, car elle considère depuis 2019, au titre de ses travaux, que la santé au travail constitue l’une des composantes de notre politique de santé publique, conformément à l’approche One Health. La médecine du travail a toute sa place dans la réalisation d’objectifs de santé publique concourant à un état de santé du travailleur compatible avec son maintien en emploi.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous voulez supprimer des dispositions relatives aux missions des services de santé au travail.
Je ferai simplement référence à l’action concrète des services de santé au travail pendant cette crise sanitaire, notamment en termes de vaccination. Nous avons là, de fait, la démonstration de l’utilité de ces services.
Toutes celles et tous ceux qui ont pu échanger avec les services de santé au travail savent que ces derniers ont demandé à participer à la stratégie vaccinale le plus tôt possible. D’ailleurs, beaucoup de médecins du travail se sont rendus dans les centres de vaccination pour se mettre à la disposition de l’intérêt général.
Il est important de mentionner cette participation, en parfaite cohérence avec l’activité quasi actuelle des services de santé au travail.
J’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne devez pas ignorer que pendant le confinement, les services de santé au travail étaient fermés. Il suffit d’avoir été dans une entreprise pour le savoir. Or, à l’époque, je dirigeais une association.
Qu’ils aient participé, comme tous les praticiens hospitaliers ou autres, à la vaccination est une chose, d’autant qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle. Mais pensez-vous vraiment que, avec un médecin pour 4 000 salariés, ces praticiens auront la possibilité, alors qu’ils visitent des centaines d’entreprises et consacrent un tiers de leur temps aux salariés sur leur lieu de travail, de participer à la promotion de la santé publique, notamment en réalisant des campagnes de vaccination et de promotion de la pratique sportive ?
Certes, ils peuvent toujours donner des conseils s’ils se trouvent confrontés à une personne diabétique ou obèse. Mais ce que vous proposez ne tient pas compte du fait que rien n’a été fait depuis des années, alors que les médecins du travail nous ont alertés, en faveur de l’attractivité de ce métier.
Paradoxalement, on voudrait aujourd’hui que les médecins du travail s’occupent de santé publique et que les médecins généraux s’occupent de médecine du travail. Ce n’est pas sérieux ! L’approche « Une seule santé » ne peut pas consister en cela !
Chacun, à mon sens, doit rester centré sur sa propre discipline. Si les médecins du travail ont pour mission de faire le lien entre le travail et la santé, comment pourraient-ils allouer du temps à d’autres tâches ? Une telle disposition relève de l’hypocrisie !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 13 rectifié quater, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Deromedi, MM. D. Laurent, Bonhomme, Chatillon, Daubresse, Cambon et B. Fournier, Mme Demas, MM. Savin et Savary, Mme Canayer, MM. Lefèvre et Pointereau, Mmes Bonfanti-Dossat, Dumont, Garriaud-Maylam, L. Darcos, Imbert et Di Folco, M. Rapin, Mme Malet, MM. Brisson, Milon et Bouloux, Mme Belrhiti, M. Genet, Mme M. Mercier et MM. Husson et Gremillet, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. L’article 4 vise à étendre les missions des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI) à la santé publique.
Au-delà de l’intérêt que présente la vaccination par les SPSTI, qui fait consensus, cette évolution ne traduit pas la volonté des partenaires sociaux, qui ont réformé ces services pour recentrer leurs missions sur la santé au travail autour d’une offre socle obligatoire.
Pour que cette offre socle soit effective, dans le contexte de pénurie que nous connaissons, il est essentiel de centrer l’action des SPSTI sur leurs trois missions de base, à savoir la prévention, le suivi médical en santé au travail et la prévention de la désinsertion professionnelle. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Doineau, Férat, Saint-Pé, Vermeillet, de La Provôté, Sollogoub et Tetuanui et MM. Canévet, Détraigne, L. Hervé, Laugier, Le Nay, Longeot et Kern, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi qu’à des actions de sensibilisation à la lutte contre les violences conjugales et sexuelles
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Par la violence de la crise sanitaire qu’elle a entraînée, cette pandémie a redonné une visibilité aux acteurs du monde médical.
Les nouvelles façons de travailler, avec l’essor du télétravail, ont eu comme corollaire de déconnecter un certain nombre de salariés de leur réseau professionnel. Le travail émancipe, mais ne protège pas toujours les femmes.
La généralisation du télétravail équivaudrait, dans l’état actuel de nos sociétés, à une aggravation des inégalités entre hommes et femmes. Les filets de sécurité associés au monde professionnel dans les entreprises présentaient les avantages de prémunir, voire de réduire, des actes éventuels de violence commis à l’encontre des femmes.
Le rôle du médecin du travail s’avère donc structurant dans ce type de situations de confinements à répétition.
Cet amendement vise à faire du personnel de santé au travail un nouvel acteur dans la lutte contre les violences conjugales et sexuelles. Ces professionnels sont des rouages essentiels dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Rappelons que les moments passés en dehors du foyer constituent parfois les seuls instants de liberté pour les femmes victimes de violences commises dans le cadre de leur domicile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Dans la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales, l’article 4 de la proposition de loi fait clairement la distinction entre, d’une part, les missions principales des SPST, qui concernent la prévention de l’altération de l’état de santé du fait du travail et qui se rattachent aux missions essentielles de l’offre socle, à savoir la prévention des risques professionnels, le suivi médical et la prévention de la désinsertion professionnelle et, d’autre part, les missions complémentaires du SPST, qui tiennent à sa contribution à l’atteinte d’objectifs de santé publique qui doivent permettre de maintenir le travailleur dans un état de santé compatible avec son maintien en emploi.
Cette clarification entre des missions principales de santé au travail stricto sensu et des missions complémentaires de santé publique a été demandée par le Conseil d’État. Il n’y a pas de risque que le SPST néglige ses missions essentielles au titre de l’offre socle, puisque la certification et l’agrément doivent justement prévenir de telles dérives.
Estimant que la rédaction issue des travaux de la commission répond aux inquiétudes des auteurs de l’amendement n° 13 rectifié quater, j’en demande le retrait. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 161 rectifié ter, bien qu’il ait pour objet la prévention des violences conjugales ou sexuelles, il échappe aux « fourches » de l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution en empruntant la voie d’entrée de la contribution des SPST à la promotion de la santé dans le cadre d’objectifs de santé publique, possibilité que prévoit effectivement l’article 4 de la proposition de loi dans sa version initiale.
Toutefois, l’amendement reste problématique pour des raisons principalement de deux ordres.
D’une part, son adoption allongerait l’énumération figurant au dernier alinéa de l’article 4 des actions de sensibilisation que le SPST peut mettre en œuvre, énumération qui pourrait être poussée à l’infini. Dans un souci d’intelligibilité de la loi, il est préférable de ne pas complexifier outre mesure cette énumération qui a déjà été considérablement alourdie par l’Assemblée nationale.
D’autre part, l’amendement vise à mettre l’accent non seulement sur la sensibilisation aux violences sexuelles qui prennent leur origine sur le lieu de travail, mais aussi sur la sensibilisation aux violences conjugales.
Cette disposition découle de la convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 2019, qui met en avant les répercussions des violences domestiques sur les conditions de travail. Nous ne nions bien entendu pas cet impact, mais il convient d’être prudent : il faut garder à l’esprit que le sujet des violences conjugales met potentiellement en jeu le partage très délicat d’informations personnelles et familiales, pour lequel le cadre de la promotion de la santé sur le lieu de travail par le SPST n’apparaît pas pertinent.
Les salariés peuvent aujourd’hui déjà solliciter l’assistant social ou le psychologue du service de santé au travail pour échanger sur des problèmes qui dépassent la sphère professionnelle : il est donc préférable de privilégier ce cadre plus protecteur de la confidentialité des informations personnelles du salarié concerné.
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Philippe Mouiller. Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié quater est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 161 rectifié ter ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne conteste pas cet amendement dans son principe. J’en demande néanmoins le retrait, au bénéfice de l’amendement n° 160 rectifié ter que nous examinerons très prochainement, qui a le même objet mais qui tend à introduire une rédaction qui s’inscrit beaucoup mieux dans l’article 4.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je n’ai pas encore pris connaissance de l’amendement n° 160 rectifié ter. Je m’en tiendrai donc à cet amendement n° 161 rectifié ter, que je voterai.
Il m’est difficile, monsieur le rapporteur, d’entendre parler de complexification quand il s’agit de violences faites aux femmes. Le travail et le cadre professionnel peuvent constituer une protection pour ces femmes victimes de violences.
Nous avons là une occasion de les aider à sortir de leur torpeur et des violences qu’elles vivent au sein du couple. Comment pouvez-vous nous objecter la complexification de l’énumération des missions de SPST alors qu’il s’agit de prendre en compte cette détresse ?
Un tiens valant mieux que deux tu l’auras, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je vais retirer cet amendement puisque j’ai l’assurance que l’amendement n° 160 rectifié ter, qui a le même objet, bénéficiera d’un avis favorable. Mieux vaut tenir que courir, pour répondre à ma collègue par un autre dicton !
Mme la présidente. L’amendement n° 161 rectifié ter est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 55, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
L’employeur reste personnellement responsable de veiller à la bonne exécution de ses obligations en matière de santé et de sécurité. L’aide du service de prévention et de santé au travail ne remet pas en cause la responsabilité entière de l’employeur dans l’évaluation des risques, la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention.
II. – Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour apporter cette aide et celle prévue à l’article L. 4121-3, l’ensemble des acteurs médecin ou non médecin du service de santé au travail qui participent à l’évaluation des risques ou à la définition du plan d’action sont couverts par le champ des articles L. 4623-4, L. 4623-5, L. 4623-5-1, L. 4623-5-2, L. 4623-5-3 et L. 4623-7. Ils peuvent mettre en œuvre le signalement de risques et les préconisations dans les conditions prévues à l’article L. 4624-9. Les employeurs sont tenus de les recevoir dans l’entreprise. Les sanctions en cas d’entrave sont les mêmes que celles prévues à l’article L. 8114-1 ; »
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Revoilà la question de la responsabilité des employeurs. Vous ne voulez pas éclaircir ce point dans la loi et lever la crainte du collectif Prévention AT-MP, mais vous avez affirmé à de multiples reprises que rien n’était changé : nous pourrons au moins nous appuyer sur vos déclarations lorsque surviendront les premières difficultés liées à cette proposition de loi !
Bien sûr, une seule disposition de ce texte ne suffit pas à elle seule à induire un risque de dilution de la responsabilité de l’employeur. Mais l’accumulation de plusieurs mesures finit par constituer comme un faisceau de preuves et fait naître nos craintes.
Beaucoup de choses ont été faites en matière de santé publique, ou encore d’aide aux services de prévention et de santé au travail auprès des plus petites entreprises. Il reste que l’attribution de nouvelles missions aux équipes de ces services pourra conduire à leur donner une part de responsabilité réelle dans les risques professionnels.
Tous les ergonomes, tout du moins ceux qui travaillent sur ces questions, soulignent que le DUERP s’appuie sur le travail prescrit et non sur le travail réel. C’est l’écart entre le travail prescrit et le travail réel que les anciens CHSCT permettaient d’analyser, d’où le vide laissé par leur suppression.
Si nous sommes d’accord sur le fait que cette proposition de loi ne doit pas aboutir à une déresponsabilisation des employeurs, la rédaction que cet amendement vise à introduire présente l’avantage de clarifier les choses et de lever toute ambiguïté quant à la volonté du législateur dans la rédaction de cet article. Je sais qu’il ne sera pas retenu, mais son examen vous permettra au moins de reconnaître que rien n’est changé, ce qui pourrait s’avérer utile par la suite…