M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. L’ANI rappelle que le principe de responsabilité de l’employeur en matière de santé au travail se traduit par une obligation de moyen.
Ainsi, un employeur peut être considéré comme ayant rempli ses obligations s’il a mis en œuvre les actions de prévention prévues par la loi. La commission estime que cet équilibre doit être préservé.
Par ailleurs, madame Poncet Monge, il n’est pas exact d’affirmer que le taux de sinistralité ne diminue pas : le nombre d’accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP, a baissé en moyenne de 1 % par an entre 2010 et 2019, soit une diminution totale de 11,6 %, notamment grâce au renforcement des mesures de prévention mises en œuvre par les entreprises, avec le soutien de la branche AT-MP.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. M. le rapporteur a tout dit, et fort bien : j’émets un avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 162 rectifié ter, présenté par Mmes Billon, Doineau, Férat, Saint-Pé, Vermeillet, Sollogoub et Tetuanui et MM. Canévet, Détraigne, L. Hervé, Laugier, Le Nay, Longeot et Kern, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 4622-2 du code du travail, après le mot : « sexuel », sont insérés les mots : « et sexiste ».
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. La première loi mondiale contre les violences sexistes et sexuelles au travail a été adoptée en 2019, dans la foulée du mouvement #MeToo. En cohérence avec la législation mondiale, notre cadre juridique national ne doit pas rester à la marge.
Selon une enquête du conseil supérieur de l’égalité professionnelle, quelque 80 % des femmes salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées, dans le monde du travail, à des attitudes ou à des décisions sexistes.
Eu égard à ce constat, il faut poursuivre l’effort en harmonisant la définition du harcèlement sexuel et sexiste entre code du travail et code pénal, comme il est prévu à l’article 1er.
Il convient ainsi de préciser, parmi les missions des services de prévention et de santé au travail, que la lutte contre le harcèlement sexuel doit être associée aux violences « sexistes ». Aucune décorrélation ne peut être envisagée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. La notion de harcèlement sexiste, que cet amendement tend à mentionner au titre des missions des services de santé au travail, n’a pas vraiment de définition juridique.
En outre, l’article 1er de cette proposition de loi intègre dans la définition du harcèlement sexuel au travail les propos et comportements à connotation sexiste.
Dans la mesure où cet amendement est satisfait, la commission sollicite son retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Doineau, l’amendement n° 162 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Doineau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 162 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 78 rectifié bis est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 147 rectifié est présenté par Mmes Rossignol et Poumirol, MM. Jomier et Kanner, Mmes Le Houerou, Lubin, Meunier, Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, MM. Tissot, Bourgi et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 8115-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux dispositions relatives aux mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2. »
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié bis.
Mme Laurence Cohen. Les auteurs de cet amendement ont dû réduire leurs ambitions de moitié pour éviter que leur texte ne soit déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution… Nous souhaitions en effet aller plus loin que l’existant dans le cadre de la mise en place obligatoire du plan de prévention du harcèlement et des agissements sexistes, en fixant des objectifs.
Toutefois, comme je l’ai souligné dans mon rappel au règlement, cette proposition de loi a un périmètre bien étriqué, alors même que la question des violences faites aux femmes émerge enfin sur la place publique, après des années d’indifférence.
La prise de conscience des réalités de ce phénomène dans la sphère privée commence à rejaillir sur le monde professionnel, lui aussi très largement empreint de patriarcat. Je considère vraiment que cette proposition de loi est une occasion manquée – je le crains, quelque peu volontaire –, pour ne pas aborder ce problème de fond et, ainsi, ne pas remettre en cause des pratiques répandues, usuelles, mais inacceptables.
Si notre amendement tend à prévoir des sanctions pour rappeler les employeurs à leurs manquements, ce qui est nécessaire et permettra aussi de combler un vide juridique, nous regrettons de ne pouvoir agir en amont en proposant des plans spécifiques de prévention obligatoires et surtout des actions concrètes.
J’en profite pour me réjouir que la ratification de la convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail visant à éliminer les violences sexuelles et sexistes soit enfin à l’ordre du jour du Parlement.
Toutefois, à l’instar de nombre d’associations et de syndicats travaillant sur ces questions, je regrette que le Gouvernement ait fait le choix d’une ratification « sèche », pour reprendre les termes de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Cette convention est historique et extrêmement ambitieuse. Considérer que notre droit actuel est suffisant pour la décliner et l’appliquer est une erreur.
Il est dommageable que le Gouvernement, une fois de plus, se contente d’affichage, plutôt que de saisir cette occasion pour aller plus loin et vraiment protéger les femmes sur leur lieu de travail. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous entendrez ma requête, très largement partagée par toutes celles et tous ceux qui luttent contre les violences faites aux femmes. Il est encore temps de modifier le texte.
En attendant, mes chers collègues, je vous propose de soutenir notre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 147 rectifié.
Mme Émilienne Poumirol. Cet amendement est également porté par Mme Rossignol.
Selon le Défenseur des droits, quelque 82 % des employeurs n’ont pas encore mis en place de plan de prévention des violences sexistes et sexuelles, pourtant obligatoire selon le code du travail.
Il convient donc de prévoir une sanction dont le caractère dissuasif incitera davantage les employeurs à se conformer à leurs obligations.
Cet amendement est soutenu par les organisations de défense des droits des femmes et de lutte contre les violences faites aux femmes dans le monde du travail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Je le rappelle, en cas de manquement à ses obligations, le chef d’entreprise s’expose déjà à des sanctions à la fois pénales et administratives.
Le tribunal correctionnel pourra être saisi sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal. En outre, le directeur départemental en charge de l’emploi, du travail et des solidarités et l’inspecteur du travail peuvent adresser au chef d’entreprise des mises en demeure et émettre, en cas de carences répétées, des sanctions administratives allant jusqu’à l’arrêt temporaire de l’activité.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je comprends l’intention des auteurs de ces amendements, qui souhaitent instaurer une sanction administrative en cas de manquement à l’obligation de mise en place d’un plan de prévention spécifique des violences sexistes et sexuelles.
Il me semble toutefois que ces dispositions dépassent largement leurs intentions. Leur adoption reviendrait en effet à prévoir une amende administrative pour tout manquement aux principes généraux de prévention.
D’autres dispositifs partagent déjà le même objectif : le directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités peut déjà notifier une mise en demeure à l’entreprise et exiger une régularisation, sous peine d’une sanction pénale. En 2020, plus de 400 mises en demeure ont ainsi été notifiées en vue de régulariser des manquements en matière d’évaluation des risques professionnels.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 78 rectifié bis et 147 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 1er bis
L’article L. 717-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « les conditions d’application des articles L. 4622-10, L. 4622-14, L. 4625-1 et » sont remplacés par les mots : « , le cas échéant, les modalités d’application du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie et de l’article » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités de mise en œuvre des chapitres III à V du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code. » – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mercredi 21 juillet, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, en lieu et place de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et sur le projet de loi organique modifiant la loi du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Acte est donné de cette demande.
6
Renforcement de la prévention en santé au travail
Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour renforcer la prévention en santé au travail.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2.
Article 2
Le code du travail est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article L. 2312-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’employeur lui présente la liste des actions de prévention et de protection prévue au 2° du III de l’article L. 4121-3-1. » ;
1° Le 2° de l’article L. 2312-27 est ainsi rédigé :
« 2° Le programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail mentionné au 1° du III de l’article L. 4121-3-1. » ;
2° L’article L. 4121-3 est ainsi modifié :
aa) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « installations », sont insérés les mots : « , dans l’organisation du travail » ;
a) Après le même premier alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« Apportent leur contribution à l’évaluation des risques professionnels dans l’entreprise :
« 1° Dans le cadre du dialogue social dans l’entreprise, le comité social et économique et sa commission santé, sécurité et conditions de travail, s’ils existent, conformément au 1° de l’article L. 2312-9. Le comité social et économique est consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et sur ses mises à jour ;
« 2° Le ou les salariés mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 4644-1, s’ils ont été désignés ;
« 3° Le service de prévention et de santé au travail auquel l’employeur est affilié.
« Pour l’évaluation des risques professionnels, l’employeur peut également solliciter le concours des personnes et organismes mentionnés aux troisième et avant-dernier alinéas du même I. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « par les dispositions réglementaires prises » sont supprimés ;
3° Après le même article L. 4121-3, il est inséré un article L. 4121-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4121-3-1. – I. – Le document unique d’évaluation des risques professionnels répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions.
« II. – L’employeur transcrit et met à jour dans le document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3.
« III. – Les résultats de cette évaluation débouchent :
« 1° Pour les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à cinquante salariés, sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui :
« a) Fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ;
« b) Identifie les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ;
« c) Comprend un calendrier de mise en œuvre ;
« 2° Pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés, sur la définition d’actions de prévention et de protection. La liste de ces actions peut être consignée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses mises à jour.
« III bis (nouveau). – Les organismes et instances mis en place par la branche peuvent accompagner les entreprises dans l’élaboration et la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels prévu au I du présent article, dans la définition du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail prévu au 1° du III du même article ainsi que dans la définition des actions de prévention et de protection prévues au 2° du même III au moyen de méthodes et référentiels adaptés aux risques considérés et d’outils d’aide à la rédaction.
« IV. – A. – Le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses versions successives sont conservés par l’employeur et tenus à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier d’un intérêt à y avoir accès. La durée, qui ne peut être inférieure à quarante ans, et les modalités de conservation et de mise à disposition du document ainsi que la liste des personnes et instances sont fixées par décret en Conseil d’État.
« B (nouveau). – Pour la mise en œuvre des obligations mentionnées à la première phrase du A du présent IV, le document unique d’évaluation des risques professionnels et ses mises à jour font l’objet d’un dépôt dématérialisé sur un portail numérique déployé et administré par un organisme géré par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. Ce portail garantit la conservation et la mise à disposition du document unique conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur. Il préserve la confidentialité des données contenues dans le document unique et en restreint l’accès par l’intermédiaire d’une procédure d’authentification sécurisée réservée aux personnes et instances habilitées à déposer le document et à le mettre à jour sur le portail ainsi qu’aux personnes et instances justifiant d’un intérêt à y avoir accès.
« Sont arrêtés par les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel et agréés par le ministre chargé du travail, selon des modalités déterminées par décret :
« 1° Le cahier des charges du déploiement et du fonctionnement du portail numérique, après avis conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ;
« 2° Les statuts de l’organisme gestionnaire du portail numérique.
« En l’absence d’agrément des éléments mentionnés aux 1° et 2° du présent B, les mesures d’application nécessaires à l’entrée en vigueur du premier alinéa du même B sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« L’obligation de dépôt dématérialisé du document unique prévue au même premier alinéa est applicable :
« a) À compter du 1er juillet 2023, aux entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à cent cinquante salariés ;
« b) À compter de dates fixées par décret, en fonction des effectifs des entreprises, et au plus tard à compter du 1er juillet 2024, aux entreprises dont l’effectif est inférieur à cent cinquante salariés.
« V. – Le document unique d’évaluation des risques professionnels est transmis par l’employeur au service de prévention et de santé au travail auquel il est affilié, à chaque mise à jour. »
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après la première phrase du même premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « L’employeur évalue également les facteurs de risques psychosociaux. » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les signataires de l’ANI, l’accord national interprofessionnel, que cette proposition de loi est censée transposer, ont souhaité que la prévention des risques professionnels porte également sur les risques psychosociaux liés à l’activité professionnelle, pour prendre en compte tant la santé physique que la santé mentale des travailleurs.
Depuis plusieurs années, les études montrent que ces risques et leurs incidences sur la santé des travailleurs peuvent concerner toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.
Avec la pandémie, l’importance et la visibilité des risques psychosociaux se sont accrues : en mai 2020, ils sont devenus la deuxième cause d’arrêt de travail, soit 12 % des arrêts, après la covid-19 et devant les troupes musculo-squelettiques.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose donc, par cet amendement, d’inclure l’analyse des facteurs de risques psychosociaux, notamment liés aux organisations du travail, auxquels sont exposés les salariés dans l’évaluation des risques dont l’employeur a la responsabilité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je voudrais tout d’abord rassurer notre collègue : la commission des affaires sociales est pleinement consciente de l’importance et de la recrudescence des risques psychosociaux.
Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare je me console… En 2019, avec Pascale Gruny, je m’étais rendu au Danemark, et nous y avions constaté les mêmes difficultés qu’en France. Sans nous consoler vraiment, cela montre au moins que tous les pays ont du mal à répondre de manière satisfaisante à la question des risques psychosociaux.
Les risques professionnels font bien évidemment déjà partie du champ de l’évaluation des risques professionnels que doit conduire l’employeur. En outre, l’article L. 4121-1 du code du travail, qui définit l’obligation de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail, prévoit déjà que celui-ci doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Dès lors, nommer les risques psychosociaux n’apportera aucune valeur ajoutée d’un point de vue législatif. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. Les arguments de M. le rapporteur sont très clairs.
Madame la sénatrice, je vous le confirme, l’évaluation des risques psychosociaux fait déjà partie des responsabilités de l’employeur dans le document unique.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 43 est présenté par Mmes Taillé-Polian et Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon.
L’amendement n° 83 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la seconde phrase du même premier alinéa, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « tient compte de la charge de travail par salarié et de la pénibilité de son poste. Elle » ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 43.
Mme Raymonde Poncet Monge. La législation relative à la reconnaissance de la souffrance au travail est au point mort depuis de nombreuses années, malgré l’explosion du nombre de maladies professionnelles nouvelles.
À l’image de la recrudescence de phénomènes de burn-out, de bore-out, ou encore de la résurgence de risques psychosociaux depuis le confinement soudain des Français, le législateur aurait eu matière à agir pour mieux protéger celles et ceux qui travaillent.
Nous regrettons que cette proposition de loi, pourtant le premier véhicule législatif sur la santé au travail depuis des années, ne parle précisément pas de la souffrance au travail et de ses causes profondes, notamment en s’attaquant à l’intensification de la charge de travail et à la grande pénibilité de certaines professions.
Cet amendement vise à permettre aux services de prévention et de santé au travail, ou SPST, des entreprises de prendre en compte la charge de travail des salariés et la pénibilité de leur poste dans les évaluations des risques professionnels.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les auteurs de cet amendement proposent que les services de prévention et de santé au travail des entreprises tiennent compte, dans les évaluations des risques professionnels, de la charge de travail des salariés et de la pénibilité de leur poste.
Il apparaît nécessaire d’adapter les mesures visant à assurer la sécurité et à protéger la santé des travailleurs en fonction du sexe, eu égard aux conséquences différenciées qu’un même risque peut entraîner selon les individus.
Dans le monde du travail, plusieurs facteurs de risque favorisent la survenance de violences sexistes et sexuelles : conditions de travail précaires, qui se traduisent notamment par des contrats à durée déterminée ou par des contrats temporaires, appartenance à un certain groupe social – femmes, migrantes, personnes LGBT, ou lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres…
En vue de prévenir efficacement une quelconque atteinte aux droits de leur personne, y compris les violences sexistes et sexuelles, il est essentiel que l’employeur tienne compte de la situation spécifique de ces travailleurs dans le cadre de l’évaluation des risques pour leur santé et leur sécurité, afin de mettre en œuvre des mesures de prévention appropriées et effectives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Artano, rapporteur. Le champ de l’évaluation des risques professionnels comprend déjà les risques associés à la configuration des postes de travail.
L’employeur est ainsi appelé à prendre en compte la répartition de la charge de travail, de même que les différents facteurs de pénibilité qui majorent les risques pour la santé, comme les contraintes physiques marquées, l’environnement physique agressif, le travail de nuit ou encore le travail répétitif.
Ces amendements étant satisfaits, la commission sollicite leur retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme l’a souligné le rapporteur, cette question est déjà traitée dans le document unique.
Mon avis est donc également défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 83.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 81, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après le mot :
Apportent
insérer les mots :
obligatoirement et préalablement
II. – Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, selon un calendrier précis et négocié. Un suivi de la mise à jour du document unique est organisé lors de sa mise à jour ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.