M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, grâce à la Charte de l’environnement, voulue par le président Jacques Chirac, la protection de l’environnement est une exigence constitutionnelle depuis 2005.
Aussi, pourquoi cette nouvelle réforme constitutionnelle ? Que va-t-elle changer ? Quelles nouvelles obligations implique-t-elle ? Personne, monsieur le garde des sceaux, n’a été capable de le dire, ni la Convention citoyenne pour le climat, ni le Gouvernement, ni même le Conseil d’État, qui a cependant exprimé avec netteté ses réserves.
C’est que les implications de ce texte sont, en réalité, inconnues et même imprévisibles.
Ce que nous avons, tout d’abord, c’est que l’article 1er de la Constitution n’a pas plus de valeur juridique que la Charte de l’environnement. La distinction entre une règle constitutionnelle et un objectif à valeur constitutionnelle ne dépend pas de la localisation de la norme constitutionnelle dans les textes fondamentaux.
Le nouvel article 1er et la Charte sont contradictoires, telle est notre deuxième certitude. L’article 6 de la Charte prévoit en effet que « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »
Quant à l’article 1er, il prévoirait, si ce texte était adopté, que « la République garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique ». Chaque mot compte en droit ! Celui de « préservation » est plus fort que ceux de « protection » et de « mise en valeur ».
Ce n’est cependant pas l’essentiel, car le verbe « garantir » exclut le verbe « concilier ». La garantie de la protection et de la mise en valeur de l’environnement ne serait donc pas corrélée, comme dans la Charte, à l’exigence de conciliation avec le développement économique et le progrès social. Tel est le choix politique qui est opéré. Et c’est la raison pour laquelle, en effet, monsieur le garde des sceaux, votre projet ne peut pas être sans conséquence.
Un troisième élément de certitude tient à ce que la combinaison de l’article 6 de la Charte et du nouvel article 1er sera par conséquent impossible. Ce sera l’un ou l’autre. Et puisque la nouvelle règle fixée à l’article 1er sera la plus récente, elle s’imposera normalement pour trancher le conflit de normes, en donnant nécessairement un effet utile à la modification du texte dont nous délibérons.
Dans le cas contraire, la rédaction qui nous est proposée serait pratiquement dépourvue de toute portée ; ce serait un coup d’épée dans l’eau qui ne mériterait ni un vote du Parlement ni, encore moins, le recours au référendum. Le peuple français ne saurait être convoqué pour ne rien décider. Un référendum ne peut se réduire à une simple opération de communication.
Cependant, j’ai compris, monsieur le garde des Sceaux, que vous ne vouliez pas de cette option. Le rideau de fumée répandu autour de ce projet de loi constitutionnelle ne semble pas vous déranger. Loin de le dissiper et de nous éclairer sur la portée réelle du texte, vous vous en remettez, en quelque sorte, à la sagesse du Conseil constitutionnel, pour déterminer a posteriori le contenu du changement proposé. Cela s’appelle un saut dans l’inconnu.
Vous paraissez vous accommoder de cette incongruité. Elle n’a pourtant aucun précédent dans notre histoire constitutionnelle. Elle laisserait le législateur de demain dans l’incertitude et elle placerait les législateurs d’hier et d’aujourd’hui sous la menace de nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité, au résultat tout aussi incertain.
Après la deuxième lecture de l’Assemblée nationale, qui en réalité n’a tenu aucun compte de nos travaux, le choix entre les verbes « lutter » et « agir » étant en réalité accessoire s’agissant du réchauffement climatique, nous devrions adopter ce texte comme s’il était à prendre ou à laisser – en somme, à l’aveugle ! Nous devrions renoncer à exercer pleinement notre responsabilité de constituants et accepter ce cas singulier d’incompétence constitutionnelle, comme il y a des cas d’incompétence législative, que nulle juridiction ne pourrait évidemment censurer.
Cependant, si nous n’avons pas le droit d’adopter une loi floue, à plus forte raison devrions-nous nous interdire de voter une règle constitutionnelle ectoplasmique. Un objectif à valeur constitutionnelle clair, comme celui de la Charte, vaudra toujours mieux qu’une règle constitutionnelle indéterminée et ambiguë.
Cette révision constitutionnelle est à la Constitution ce que les montres de Dali sont à l’horlogerie. (Sourires.) Ce pourrait être une nouvelle démonstration de votre sens artistique, monsieur le garde des sceaux, mais, en l’occurrence, votre amour-propre d’auteur ne risque pas d’être frustré, puisque le texte que vous défendez n’est pas le vôtre. Il est le fruit des réflexions d’un aréopage qui ne s’est pas même donné la peine de vous demander votre avis.
Cet aréopage n’a probablement pas pris le temps, non plus, de mettre son expertise juridique au niveau de l’expertise écologique dont il se prévaut. À cet égard, il n’a qu’une lointaine parenté avec l’Antiquité grecque, puisque, à Athènes, les 150 archontes de la colline d’Arès n’avaient pas été choisis au hasard, mais étaient tous issus des plus hautes magistratures. Cette différence explique sans doute un résultat aussi désolant pour la Constitution que pour l’écologie.
Nulle institution de la République, hormis le Sénat, n’a pourtant osé remanier ce projet de loi constitutionnelle, pour lui faire prendre sens et lui apporter la sécurité juridique qui est nécessaire. Il faut remercier le président de la commission des lois, M. Buffet, de s’y être attelé avec l’efficacité et la sagacité que nous lui connaissons.
Peut-on imaginer une révision constitutionnelle scellant l’accord du Président de la République, du Gouvernement, de l’Assemblée nationale, du Sénat et, en définitive, du peuple français appelé à s’exprimer par référendum sur un texte dont le contenu réel reposerait sur une contradiction, sans doute délibérée, entre deux normes constitutionnelles opposées ?
Dites-nous ce que vous voulez vraiment, monsieur le garde des sceaux ! Vous restez au milieu du gué.
Si vous voulez rejeter dans les oubliettes de l’histoire la notion de développement durable, parce qu’elle est à vos yeux dépassée, assumez-le franchement et ne tergiversez plus ! Tranchez la question et ne laissez pas subsister un article 6 de la Charte de l’environnement orthogonal au texte que vous voulez faire adopter.
Dites clairement ce que vous n’avez écrit qu’obscurément, à savoir que la garantie de préservation de l’environnement est plus importante, à vos yeux, que le développement économique et le progrès social, et que vous voulez donc faire prévaloir celle-ci sur ceux-là.
Vous avez le droit d’avoir cette conviction. Nous ne la partageons pas. Cependant, pour la clarté du débat, il est essentiel de dire aux Français qu’il y a d’un côté ceux qui veulent inscrire la politique écologique dans le cadre du développement durable – nous en sommes ! – et ceux – vous en êtes ! – qui veulent l’en faire sortir.
Vous avez raison de rappeler que le Conseil constitutionnel a l’habitude de concilier des principes constitutionnels dont les implications sont susceptibles d’être opposées. C’est même le cœur de sa fonction, dans l’application de nos principes fondamentaux.
Cependant, parmi nos droits fondamentaux, il n’existe pas de droits contradictoires, mais seulement des droits de nature différente, chacun avec leur limite fixée par la loi. Ils sont non pas antagonistes, mais relatifs, ce qui n’est tout de même pas la même chose et permet de trouver des compromis.
Le plus bel exemple est celui de la liberté. Dans son article IV, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Cela implique de concilier les droits des uns avec la liberté des autres, aucun droit n’étant absolu. L’article IV enfonce d’ailleurs le clou, pour ainsi dire : « L’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ».
Partout, la même logique est à l’œuvre. Des droits sont reconnus, puis leurs limites sont énoncées, et sans cesse prévaut le souci de concilier droits individuels et intérêt général. Il en va de même à l’article 6 de la Charte de l’environnement, qui appelle une conciliation entre l’écologique, l’économique et le social.
Certes, dans ce cas, le Conseil constitutionnel sait ce qu’il a à faire, directement guidé par l’énoncé même de nos principes fondamentaux : il ne s’érige pas en constituant délégué.
Cependant, si on lui demande d’un côté de concilier l’écologique, l’économique et le social, puis, de l’autre, de garantir seulement l’écologique, sans aucune mention de l’économique et du social, il sera confronté à une authentique contradiction qu’il sera bien obligé de résoudre pour donner une portée utile au nouveau texte, comme vous le souhaitez et comme il devra le faire, en rejetant le développement durable dans un passé lointain.
Le Conseil constitutionnel ne peut pas, en effet, refuser de donner son plein effet utile à un texte adopté par le pouvoir constituant.
Le choix sera binaire. Il n’y a pas de moyen terme entre le droit à la protection de l’environnement posé par la Charte, qui trouve sa limite dans les exigences du développement économique et du progrès social, et la garantie de la protection de l’environnement proposée par la Convention citoyenne, qui serait absolue, puisqu’aucune limite n’est énoncée pour en tempérer la portée. Telle est d’ailleurs sa seule raison d’être, malgré tous les efforts réalisés pour le dissimuler.
En adoptant cette révision constitutionnelle dans les termes votés par l’Assemblée nationale, le Parlement et le peuple français se lieraient les mains.
Ils signeraient un chèque en blanc au Conseil constitutionnel et aux groupes de pression susceptibles de le saisir. Ils contraindraient gravement les gouvernements et les législateurs de demain dans l’exercice même de la souveraineté nationale. En effet, constitutionnellement, aucune loi ne pourrait plus venir atténuer ou corriger la rigueur et la portée de mesures législatives déjà prises pour renforcer la protection de l’environnement.
Le Président de la République, qui a engagé ce processus de révision constitutionnelle, devrait pourtant se souvenir que, lorsqu’il lui a fallu renoncer dans la précipitation à l’écotaxe, d’ailleurs votée contre la position du Sénat, il n’était finalement peut-être pas si inutile que le législateur ait eu alors la faculté constitutionnelle d’atténuer les contraintes excessives posées au nom de l’écologie, pour mettre fin au mouvement des « gilets jaunes ». Celui-ci a pu ainsi désamorcer la crise, en ajoutant la préoccupation économique et sociale à la préoccupation environnementale qui seule avait été prise en compte, à l’origine.
Telle est la manière dont la Charte prévoit que le législateur pourra procéder. Or cette faculté, nous ne l’aurions plus demain, si les pouvoirs du Parlement devaient être drastiquement limités par un texte comme celui qui nous est présenté.
C’est donc aussi en protecteur de nos institutions, de la fonction présidentielle et de la mission du Parlement que le Sénat doit rejeter la rédaction proposée par la Convention citoyenne pour le climat et souscrire à la proposition de notre commission des lois de réécrire le texte. Nous ne devons pas aliéner notre capacité souveraine de légiférer. Le Parlement ne doit pas se soumettre par avance aux aléas d’une jurisprudence constitutionnelle qui n’aurait pas été encadrée par l’expression claire de la volonté du constituant. Ce renoncement serait pour lui une véritable abdication.
C’est au Gouvernement, ainsi qu’au Parlement, quand la loi est nécessaire, de déterminer librement la politique écologique de la Nation. Il leur appartient aussi d’en changer, si l’intérêt national et la volonté du peuple le commandent, sans que pèse sur eux l’épée de Damoclès d’un interdit invisible.
La Constitution ne saurait prendre des gages sur les politiques de demain, qu’il s’agisse de l’environnement ou des autres domaines de l’action publique. La République doit pouvoir continuer à préférer la voie étroite, mais féconde, du développement durable à l’écologie de la décroissance que ce projet vise à inscrire dans le marbre de notre loi fondamentale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de vingt minutes, afin que la commission puisse examiner les amendements déposés sur ce texte.
M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour vingt minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion du texte adopté par l’Assemblée nationale.
projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la constitution et relatif à la préservation de l’environnement
Article unique
Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique. »
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Folliot, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Je ne reviendrai pas sur les arguments que M. le rapporteur et mon collègue et ami Philippe Bonnecarrère ont excellemment développés, mais, à l’instar de ce que j’avais fait lors de la première lecture, je ne voterai pas ce texte.
Comme je l’ai déjà expliqué, il me semble dangereux de modifier la Constitution pour des raisons d’opportunité, politique ou autre. En effet, à mon sens, il n’est pas anodin de toucher à notre loi fondamentale : il est au contraire important de veiller à une certaine stabilité de celle-ci.
Vous avez déclaré, monsieur le garde des sceaux, que, finalement, l’adoption de ce texte, donc la modification de l’article 1er de la Constitution, ne produirait aucun effet juridique nouveau. Dès lors, à quoi bon réviser la Constitution ?
Je ne reviendrai pas non plus sur le terme « garantit » et sur toutes les difficultés qu’il posera sur le plan juridique, dans la mesure où nos collègues en ont déjà largement parlé.
En ce qui me concerne, j’ai vu plus de 200 maires ces dernières semaines dans mon département : aucun ne m’a dit qu’il était indispensable de modifier la Constitution. Je rencontre aussi un certain nombre de nos concitoyens : personne n’a soutenu l’idée qu’il fallait la réviser !
Certes, lutter contre le changement climatique est primordial, mais il faut avant tout agir dans le cadre des politiques mises en œuvre pour défendre l’environnement. Ce n’est pas en modifiant la norme juridique fondamentale que nous allons résoudre les problèmes.
À ce stade, il est essentiel que le Parlement, plus particulièrement le Sénat, dans sa grande sagesse, envoie un signal clair : on ne veut pas entrer dans ce jeu-là.
Or la meilleure façon d’adresser ce message, c’est somme toute de voter la suppression de l’article, ce qui conduirait à ne pas modifier la Constitution et à maintenir l’équilibre actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle qu’un amendement similaire avait été déposé en première lecture et que nous ne l’avions pas adopté, et cela pour une raison simple : un tel amendement tend à supprimer l’article unique du projet de loi constitutionnelle, alors que la commission des lois a décidé non pas de le supprimer, mais de le modifier.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En réalité, monsieur le sénateur, vous voulez supprimer l’objet même de cette réforme. (M. Philippe Folliot acquiesce.)
Vous comprendrez que, dans la mesure où il s’agit d’une réforme que le Gouvernement défend, je ne puis qu’être défavorable à votre amendement.
Je déplore par ailleurs que vous n’ayez rencontré aucun citoyen vous ayant dit que cette réforme était indispensable. Pour notre part, nous en avons rencontré 150 !
M. Loïc Hervé. Tirés au sort !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mais sans doute n’est-ce pas suffisant…
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Folliot, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Philippe Folliot. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Buffet, au nom de la commission.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Marseille, Allizard, Anglars, J.M. Arnaud, Babary, Bacci, Bas, Bascher et Bazin, Mmes Bellurot, Belrhiti, Berthet et Billon, M. J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bonneau, Bonnecarrère et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Burgoa, Cadic et Calvet, Mme Canayer, MM. Canévet, Capo-Canellas, Cardoux et Cazabonne, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon et Chauvet, Mme Chauvin, M. Cigolotti, Mmes de Cidrac et de La Provôté, M. Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Darnaud, Daubresse et Delahaye, Mme Delmont-Koropoulis, M. S. Demilly, Mmes Deroche, Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Di Folco, Dindar, Doineau et Drexler, M. Duffourg, Mmes Dumas, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. Favreau, Mme Férat, M. B. Fournier, Mme C. Fournier, M. Frassa, Mmes Garnier, Garriaud-Maylam et Gatel, M. Genet, Mmes F. Gerbaud, Gosselin et N. Goulet, MM. Grand et Gremillet, Mmes Gruny et Guidez, MM. Henno et L. Hervé, Mme Herzog, MM. Hingray, Houpert, Hugonet et Husson, Mmes Imbert, Jacquemet et Jacques, M. Janssens, Mmes Joseph et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kern, Klinger, Lafon et Laménie, Mme Lassarade, M. Laugier, Mme Lavarde, MM. Le Nay, Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Létard, M. Levi, Mme Loisier, MM. Longeot, Le Rudulier et Longuet, Mme Lopez, MM. Louault, Mandelli, P. Martin et Maurey, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Mizzon et Moga, Mme Morin-Desailly, M. Mouiller, Mmes Muller-Bronn et Noël, MM. Nougein, Pellevat et Perrin, Mme Perrot, M. Piednoir, Mme Pluchet, MM. Poadja et Pointereau, Mme Primas, M. Prince, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Reichardt et Rietmann, Mme Saint-Pé, MM. Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Sido et Sol, Mme Sollogoub, MM. Somon et Tabarot, Mme Tetuanui, M. Vanlerenberghe, Mmes Ventalon, Vérien et Vermeillet et MM. C. Vial et Vogel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer les mots :
garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique
par les mots :
agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 3.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, cet amendement vise à revenir à une rédaction de l’article unique proche de celle qui résulte des travaux du Sénat en première lecture.
Nous souhaitons que l’article 1er de la Constitution reconnaisse que la France « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».
Il est inutile d’expliquer de nouveau les raisons pour lesquelles nous voulons supprimer le terme « garantit » et renvoyer aux dispositions de la Charte de l’environnement de 2004. Cette dernière, je le rappelle, fait partie du bloc de constitutionnalité et préserve une forme d’équilibre en matière de développement durable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Philippe Bas. Comme chacun peut le constater, notre amendement est identique à celui de la commission des lois.
C’est l’occasion pour nous de souligner qu’il ne peut pas y avoir l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous, le groupe Les Républicains, et la commission des lois.
Il peut en revanche y avoir plusieurs politiques écologiques. Le Gouvernement avance masqué avec la sienne : il s’agit d’une politique écologique qui vise, grâce à une révision constitutionnelle, à rompre avec une conception du développement durable qui concilie écologie, économie et progrès social.
Si nous voulons mentionner la Charte de l’environnement dans notre Constitution, c’est parce que nous sommes pour le développement durable. Nous demandons par conséquent que l’Assemblée nationale et le Gouvernement saisissent la main que nous leur tendons, en vue de parvenir à un accord sur cette base.
Nous pensons que les Français sont profondément attachés au développement durable, qu’ils ne veulent ni d’une écologie punitive ni d’une écologie de la décroissance. Ils veulent à la fois l’écologie, le développement économique, celui de l’emploi, et le progrès social.
Tel est le sens de cet amendement et de celui de la commission des lois.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Benarroche et Gontard, Mme Benbassa et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après le mot :
préservation
insérer les mots :
et l’amélioration constante
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Tout d’abord, j’observe que la commission des lois et le groupe Les Républicains, entre lesquels il n’existe pas l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette – nous l’avions bien compris ! –, mettent tous deux en avant un certain nombre d’arguments repoussant l’écologie de la décroissance au profit d’une écologie pragmatique.
J’ai encore du mal à comprendre exactement de quoi ils parlent, mais nous aurons sûrement l’occasion, dans un autre débat, d’évoquer ces sujets. Nous avons essayé de le faire, mais, manifestement, aucune réponse ne nous a été apportée.
Pour anticiper la probable adoption des amendements du groupe Les Républicains et de la commission des lois et éviter que nous ne nous retrouvions avec un texte sensiblement différent de celui qui nous a été transmis, qui empêcherait d’aboutir au référendum que nous appelons de nos vœux, nous avons déposé plusieurs amendements.
Ces amendements ont pour principal objet de défendre un certain nombre de convictions, notamment le principe d’« amélioration constante » de l’environnement, auquel nous sommes attachés. Il s’agit de consacrer une obligation positive qui pèse sur l’État, celle de respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à la protection de l’environnement qu’il s’est lui-même fixées.
Ce principe d’amélioration constante de l’environnement n’a aujourd’hui qu’une valeur législative, puisqu’il est inscrit à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Afin de renforcer sa portée juridique et d’élargir son champ d’application, il doit être élevé au rang constitutionnel. Il faut lui conférer une valeur égale à celle des principes constitutionnels du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, généralement invoqués pour autoriser la mise sur le marché des néonicotinoïdes, par exemple, ou de certains produits phytosanitaires excessivement nocifs pour la santé et l’environnement.
La France pourrait ainsi être mieux armée sur le plan juridique pour se conformer aux objectifs fixés par l’accord de Paris qu’elle a elle-même signé et, plus généralement, à ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de promotion de la résilience.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 9 ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 9 est contraire à la position de la commission, puisqu’il tend à revenir sur la rédaction de l’article que celle-ci a retenue.
De plus, la Charte de l’environnement prévoit et impose déjà à toute personne, y compris d’ailleurs aux pouvoirs publics, de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. La Charte de l’environnement, je le redis, fait également partie du bloc de constitutionnalité.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 9. À défaut, elle y serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je tiens tout de même à redire que le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont, que vous le vouliez ou non, fait un pas dans votre direction, ou plutôt, pour changer d’expression, qu’ils ont tendu la main au Sénat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, deux mots continuaient à faire débat. Nous avons accepté que l’un d’entre eux soit modifié conformément à vos attentes. Pour le reste, vous ne voulez pas bouger : c’est une réalité, et chacun en tirera les conclusions qui s’imposent.
Personnellement, je n’entends plus vous convaincre. J’ai cru, jusqu’à il y a quelques minutes, que vous pourriez entendre raison, ou en tout cas entendre la raison du Gouvernement, mais, à l’évidence, ce n’est pas le cas.
Je ne souhaite pas allonger artificiellement les débats. Je n’ai pas, tout comme vous sans doute, le sens de l’effort inutile. J’ai bien compris que vous ne vouliez pas de ce texte et que vous n’en voudrez pas, mais je persiste et je signe : si une petite modification a été introduite dans ce texte, c’est bien grâce à nous.
Je suis donc défavorable à ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Monsieur Bas, une petite précision me semble utile : vous avez affirmé qu’il n’y avait aucune différence entre la position du groupe Les Républicains et celle de la commission des lois ; je pense que vouliez dire qu’il n’y avait aucune différence entre votre position et celle de la majorité de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)