M. le président. En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
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Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis, lors de sa réunion du 26 mai 2021, un avis favorable par vingt voix pour, et aucune contre, à la reconduction de M. Christophe Béchu à la présidence du conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Acte est donné de cette communication.
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Débat sur le bilan de l’application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l’application des lois (rapport d’information n° 645).
Monsieur le ministre délégué, madame le président de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances, chère Pascale Gruny, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous nous retrouvons cet après-midi pour débattre, comme tous les ans, du bilan de l’application des lois que nous avons votées au cours de la session écoulée.
Je salue M. Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, qui répondra au nom du Gouvernement aux questions du Sénat.
Ce débat est important pour les parlementaires que nous sommes. À quel moment les lois que nous votons deviennent-elles une réalité concrète pour nos concitoyens ? La réponse à cette première question, c’est qu’elles ne l’ont pas été avant un délai de sept mois après leur promulgation, en moyenne, cette année.
Le décalage est grand entre cette mise en œuvre tardive et le rythme effréné auquel s’enchaînent les projets de loi inscrits à l’ordre du jour du Parlement. Je crois que cela n’est pas bon pour la démocratie.
Nous avons récemment souhaité aller encore plus loin dans notre contrôle sur l’aspect essentiel que constitue le suivi des ordonnances. En effet, nous déplorons tous l’explosion de leur nombre.
À la fin du mois de mars dernier, et sans tenir compte de la progression qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui, on recensait 259 ordonnances publiées depuis le début du quinquennat, soit une hausse de 48 % par rapport à la même période sous le quinquennat précédent, et de près de 150 % par rapport au quinquennat 2007-2012.
Comme le relève dans son rapport d’information notre collègue Mme Pascale Gruny, que je remercie de son travail, le processus législatif ordinaire n’est plus le principal mécanisme d’adoption de la loi. J’en veux pour preuve le décompte selon lequel, au cours de la dernière session, il y a eu 100 ordonnances pour 43 lois. Ce nombre est révélateur, et la tendance inquiétante.
Face à cette évolution, la résolution que nous avons adoptée hier permettra au Sénat, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel, de renforcer le contrôle du recours à cet outil.
Dès l’année prochaine, nous nous retrouverons en séance publique pour un débat annuel sur le suivi du recours aux ordonnances, en plus de notre rendez-vous traditionnel sur l’application des lois.
Le contrôle du Parlement sur les ordonnances passe également par leur ratification expresse, ce qui nécessitera, le cas échéant, de déposer des propositions de loi de ratification. Nous pourrons les examiner pendant les semaines de contrôle.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions par exemple débattre dans l’hémicycle de l’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État, adoptée ce matin en conseil des ministres, et évoquée lors de notre dernière séance de questions au Gouvernement, notamment par notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Sans plus attendre, je donne la parole à Mme Pascale Gruny, président de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances, pour nous présenter le bilan de l’année parlementaire 2019-2020. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny, président de la délégation du bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et du suivi des ordonnances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, en cinquante ans, le bilan annuel de l’application des lois est devenu un dispositif incontournable de l’arsenal dont dispose le Sénat pour assurer sa mission constitutionnelle de contrôle de l’action du Gouvernement.
Au-delà d’une exigence juridique, l’application de la loi est une condition très concrète de bon fonctionnement de la démocratie.
Comment espérer retrouver la confiance des Français et les faire le plus possible adhérer aux réformes annoncées s’ils n’en voient pas la concrétisation ? Sur le terrain, les élus sont confrontés à ces interrogations, car dans l’esprit de tous, la loi entre en vigueur dès qu’elle est adoptée en conseil des ministres.
Avant d’aborder à proprement parler le bilan de la session écoulée, je rappellerai en quelques mots les spécificités de l’exercice, cette année. Tout d’abord, le 1er octobre 2019, sont entrées en vigueur les dispositions des articles 19 bis A et 19 bis B de notre règlement.
L’article 19 bis A rappelle le rôle fondamental des commissions permanentes pour l’application des lois, et consacre leur contribution au présent bilan. En outre, sur le fondement du nouvel article 19 bis B du règlement, plusieurs de nos collègues ont procédé au suivi de l’application de la loi dont ils avaient été rapporteurs.
Je souhaite saluer la disponibilité des services du secrétariat général du Gouvernement. Comme je l’avais souhaité, notre dialogue a permis d’avancer grandement sur plusieurs points relatifs au décompte des mesures d’application, qui pouvaient accaparer le débat, au détriment des questions de fond.
En revanche, monsieur le ministre, j’estime, à l’instar des présidents de commission, qu’il est un point sur lequel nous devons encore évoluer. Je déplore, en effet, que le Gouvernement limite son suivi aux seuls décrets, sans l’étendre aux arrêtés, contrairement à ce que fait le Sénat.
La petite taille des structures ne doit pas conduire le Gouvernement à s’exonérer de sa responsabilité en la matière. Pour l’application d’une loi, peu importe que la disposition adoptée renvoie à un décret ou à un arrêté. Dans les deux cas, si l’un ou l’autre n’est pas pris, la volonté du législateur est empêchée.
J’ajoute que, conformément à l’article 21 de la Constitution, seul le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire de droit commun. Il me semble qu’à ce titre, le secrétariat général du Gouvernement n’outrepasserait pas son rôle s’il suivait la publication des différents arrêtés ministériels.
J’en viens au bilan de l’application des lois adoptées lors de la session parlementaire 2019-2020, c’est-à-dire entre le 1er octobre 2019 et le 30 septembre 2020. Au cours de cette période, 43 lois ont été adoptées, dont 15 étaient d’application directe.
Par rapport à la session précédente, le taux global d’application des lois, de 62 % cette année, a subi une chute de dix points. Si l’on exclut les mesures dont le législateur a prévu une entrée en vigueur différée, il atteint 69 %.
Cette dégradation des chiffres est principalement imputable aux effets des mesures de confinement décidées dans le cadre de la lutte contre la pandémie de covid-19. La crise sanitaire a, en effet, entraîné une forte perturbation de la chaîne normative due à l’augmentation du nombre de textes adoptés en urgence et à l’incidence directe de la pandémie sur l’organisation du travail dans les ministères.
Cette dégradation traduit également un manque d’anticipation de la part du Gouvernement, car certains services ministériels sont mis à contribution sur des chantiers législatifs nouveaux, avant même d’avoir pu procéder à l’élaboration des textes – souvent nombreux – qui restent à prendre pour l’application des lois adoptées antérieurement.
Ces deux facteurs – la crise sanitaire et le manque d’anticipation – expliquent le rebond significatif du délai moyen de prise des textes d’application. Celui-ci est passé de cinq mois et douze jours pour la session 2018-2019 à sept mois et un jour pour la session 2019-2020, soit un mois de plus que la limite de six mois que s’est fixée le Gouvernement depuis plusieurs années.
Les consultations obligatoires, les procédures de notification à la Commission européenne et certaines contraintes opérationnelles et politiques expliquent aussi ce retard.
Les efforts fournis, notamment en matière de prénotification, sont parfois insuffisants. Ainsi, le projet de décret prévu à l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, concernant l’accès des mineurs aux sites pornographiques, n’a été notifié à la Commission européenne que le 2 avril 2021, soit plus de sept mois après la promulgation de la loi dont il fait application.
Le Gouvernement ne parvient pas toujours à s’astreindre à la rapidité qu’il exige pourtant de plus en plus du Parlement.
En plus des cas où la procédure accélérée est de droit, celle-ci a été engagée pour examiner 26 des 43 lois qui ont été adoptées au cours de la session. Fait plus frappant encore, en 2019-2020, les sept projets de loi relatifs à la situation sanitaire ont été examinés en dix-huit jours, en moyenne. À trois reprises, la navette parlementaire s’est même déroulée en moins de huit jours. Les commissions permanentes se sont, à chaque fois, fortement mobilisées.
Comme cas ultime, et bien qu’elle ait été examinée en procédure accélérée, je citerai la loi du 30 juillet 2020 permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19. Elle est en effet devenue caduque avant même d’avoir reçu le décret d’application nécessaire.
Convenez, monsieur le ministre, que les parlementaires ont des raisons de s’interroger – c’est un euphémisme – sur l’opportunité d’examiner précipitamment des textes qui ne sont finalement pas appliqués, alors même que le calendrier parlementaire est suffisamment chargé.
Dans le même esprit, quelle utilité le Gouvernement accorde-t-il vraiment aux expérimentations ? Quel sens donner à la démarche qui consiste à généraliser une mesure avant même d’avoir tiré le bilan de son expérimentation prévue par la loi, voire de l’avoir engagée ? Les commissions ont identifié des exemples particulièrement éclairants de cette dérive.
Enfin, avant d’évoquer le sujet des ordonnances, je souhaite attirer votre attention sur un point de vigilance qui concerne le taux de remise des rapports demandés au Gouvernement. Il demeure en effet insuffisant, à hauteur de 28 %. Si le Parlement demande trop de rapports, il est clair que cette dérive n’est pas imputable au Sénat, qui mène depuis longtemps une véritable « chasse aux rapports ».
J’en viens à la dernière partie de mon intervention.
La crise sanitaire a renforcé une tendance à l’œuvre depuis une décennie et qui nous préoccupe tous. Il s’agit du recours massif – pour ne pas dire excessif – aux ordonnances qui caractérise la méthode du Gouvernement pour légiférer.
Au cours de la session 2019-2020, les ordonnances ont représenté 70 % des textes intervenant dans le domaine de la loi. Vous avez rappelé, monsieur le président, que pour 43 lois promulguées, 100 ordonnances ont été publiées. Plusieurs d’entre elles constituaient, il est vrai, la reconduction de mesures décidées en urgence au fil de la lutte contre la pandémie, ce qui contribue à gonfler leur nombre.
Cependant, dans quelques cas, les ordonnances excèdent le champ de l’habilitation accordée par le Parlement. Ce procédé est un vecteur d’insécurité juridique, y compris pour le Gouvernement.
Le Conseil d’État a ainsi annulé une partie de l’ordonnance relative au mécanisme des prix abusivement bas inscrit dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, prise sur le fondement de son article « balai » et non en référence à la procédure spécifique prévue.
Le réflexe du Gouvernement peut alors consister en un élargissement préventif du champ d’habilitation, ce qui constitue un autre risque juridique. Ainsi, il y a quelques jours, le Conseil constitutionnel a censuré l’habilitation prévue à l’article 38 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, qui autorisait le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur l’organisation et le fonctionnement du Conseil national des activités privées de sécurité. Le Conseil a en effet estimé que cette habilitation permettait en réalité au Gouvernement de poursuivre une tout autre finalité que celles qu’elle énonçait.
Je déplore enfin vivement que seule une infime minorité des projets de loi de ratification soit inscrite à notre ordre du jour. Cela prive le Sénat du débat nécessaire au contrôle des ordonnances.
Pour éviter ce que j’appellerai un « double dessaisissement » du Parlement, en amont et en aval, il nous reviendra notamment de déposer des propositions de loi de ratification des ordonnances et de les inscrire à l’ordre du jour du Sénat lors des semaines de contrôle, ainsi que l’a proposé le groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, et peut-être même lors des semaines sénatoriales.
Un débat en séance publique distinct de celui portant sur le contrôle de l’application des lois devrait également être organisé l’année prochaine, comme vous l’avez annoncé, monsieur le président. C’est à l’évidence une bonne chose. Espérons que la résolution adoptée hier par notre assemblée conduise le Gouvernement à modérer ses initiatives dans ce domaine !
Sans préjuger des débats à venir, j’observe que, dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience, le Gouvernement souhaite être habilité à ouvrir aux régions la possibilité de mettre en place une écotaxe pour certains véhicules circulant sur les voies du domaine public routier national mises à leur disposition.
Or les régions n’exercent pas encore cette compétence, puisque son transfert est prévu dans un autre texte – le projet de loi dit 4D (déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification), ou 3DS (déconcentration, décentralisation, différenciation, simplification) – qui sera, lui aussi, examiné prochainement par le Sénat.
À voir ainsi se télescoper une ordonnance prévue dans un projet de loi et une disposition inscrite dans un autre, je crois pouvoir dire que notre débat d’aujourd’hui a encore de beaux jours devant lui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier la présidente Pascale Gruny de la grande qualité de son rapport, et l’ensemble des présidents de commission, ainsi que les services du Sénat, pour le travail toujours minutieux sur le fondement duquel nous allons échanger.
L’année dernière, nous constations, comme vous l’avez rappelé, madame la présidente, des divergences importantes entre les méthodes de calcul du Gouvernement et celles du Sénat. Cet écart laissait penser que le taux d’application des lois s’était fortement dégradé, alors même qu’il ne subissait qu’un léger recul lié à une hausse importante du nombre de textes à prendre.
Si l’année qui s’achève a permis au secrétariat général du Gouvernement – dont je tiens à saluer l’engagement et l’efficacité – et aux services du Sénat de trouver un point d’équilibre en établissant un second indicateur de suivi, la crise sanitaire a eu un impact significatif sur la capacité du Gouvernement à prendre les mesures d’application des lois dans le délai de six mois qui s’impose.
La position du Gouvernement et celle du Sénat ont, en effet, convergé sur la nécessité de présenter un indicateur d’application des lois qui ne prend en compte que les seules mesures actives, c’est-à-dire celles dont l’entrée en vigueur n’est pas différée.
Cependant, Mme Gruny m’interroge sur la différence de méthode qui persiste entre le Gouvernement et le Sénat quant à la prise en compte des arrêtés. J’y vois principalement deux raisons que j’ai déjà évoquées par le passé.
D’une part, si le Premier ministre est titulaire du pouvoir réglementaire, comme vous l’avez rappelé, et s’il assure le suivi des 1 600 décrets publiés chaque année, les arrêtés relèvent de la responsabilité des ministères qui les signent. Les ministres sont donc susceptibles d’être directement interrogés par les parlementaires, notamment le rapporteur chargé du suivi de l’application d’un texte, au sujet de leur publication.
D’autre part, il n’apparaît pas réaliste de confier au secrétariat général du Gouvernement la mission d’assurer une veille exhaustive sur les près de 8 000 arrêtés qui sont publiés chaque année, soit 20 à 40 textes par jour.
Ces précisions méthodologiques étant établies, j’en viens au bilan de l’application des lois, à proprement parler. Arrêté au 31 mars 2021, il présente un taux de 73 %, avec 380 mesures prises sur les 520 mesures actives. Comme vous l’avez indiqué, madame la présidente, il est en recul de neuf points par rapport au bilan que je vous présentais l’an dernier, ce qui s’explique en grande partie par la crise sanitaire.
Mme la présidente Gruny m’interroge sur les voies d’amélioration que le Gouvernement compte suivre pour améliorer le taux et les délais de publication des mesures d’application.
Je tiens d’abord à vous assurer qu’il met tout en œuvre pour rattraper le retard pris au cours de l’année 2020. Celui-ci tend d’ailleurs à se résorber progressivement puisque, à ce jour, le taux d’application des lois a progressé de sept points, pour s’établir à 80 % de mesures publiées. Le Gouvernement s’est fixé pour objectif de rendre applicables dans les meilleurs délais les réformes votées par le Parlement.
Afin de m’assurer de la pleine mobilisation de l’ensemble des ministères, je réunis régulièrement un comité interministériel de l’application des lois. Je rappelle dans ce cadre à l’ensemble des ministères de plein exercice la nécessité de publier les textes d’application dans un délai de six mois après la promulgation des lois dont ils ont la charge. J’interviens également sur ce sujet, en conseil des ministres, de manière périodique.
À l’échelon des services et des cabinets ministériels, le secrétariat général du Gouvernement organise des réunions interministérielles, à une échéance de trois puis six mois, pour définir la programmation des mesures et inciter à leur publication rapide. Je ne vous cache pas que la perspective du présent débat annuel contribue parfois à accélérer, au printemps, la mise en œuvre de certains décrets.
J’en viens à la période de crise que nous traversons et aux mesures prises pour limiter son impact sur l’application de la loi.
Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail et l’engagement de l’ensemble des agents des ministères qui ont œuvré à cette tâche.
Malgré la forte capacité d’adaptation et de réaction dont les administrations ont su faire preuve, la mise en œuvre progressive du télétravail pour une partie des agents et l’impossibilité, pour d’autres, d’assurer leurs fonctions du fait de l’épidémie, ont eu un impact certain sur la publication de nombreux textes, notamment ceux attendus pour l’application de la loi d’orientation des mobilités, la LOM, pour celle de la loi relative à l’énergie et au climat et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite AGEC, ainsi que pour celle des lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2020.
À ces difficultés, s’est ajoutée l’augmentation conséquente de la charge de travail liée à la gestion de la crise sanitaire, avec la préparation de 91 ordonnances ainsi que de 95 décrets et de 54 arrêtés portant sur le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire.
Le déploiement massif du télétravail, grâce notamment à l’équipement en matériel informatique, permet désormais de faire face plus sereinement aux contraintes liées à une crise du même type.
Vous avez évoqué, madame la présidente, la question de la durée de la prénotification à la Commission européenne. Ce délai, prévu de manière classique, ouvre la possibilité d’un dialogue entre le Gouvernement et la Commission pour préparer les dispositions.
Enfin, Mme la présidente Gruny m’interroge sur le recours accru aux ordonnances et sur la durée de l’habilitation du Gouvernement. Le travail de décompte que vous avez effectué vous permet d’affirmer, à juste titre, que 259 ordonnances ont été publiées, soit 151 de plus que durant la même période, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, comme le président Larcher l’a rappelé.
Cependant, une grande partie des ordonnances prises depuis un an, l’ont été pour faire face à l’urgence de la crise sanitaire et à l’impossibilité de réunir le Parlement de manière continue. Il n’est donc pas possible de faire sans retranchements des comparaisons valables.
Chaque fois qu’il l’a pu, le Gouvernement a transformé les demandes d’habilitation en droit substantiel. J’ai le souvenir, lorsque je présentais le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, d’avoir travaillé avec vous pour limiter au maximum le recours aux ordonnances, pourtant nécessaires pour faire face à l’urgence de la situation.
Ainsi, en excluant du décompte une partie seulement des 99 ordonnances liées à la gestion de la crise sanitaire, l’autre partie ne relevant pas du champ que je viens de définir, le nombre d’ordonnances prises sous ce quinquennat reste au total très proche de celui recensé, durant la même période, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Il est en outre inférieur à celui du quinquennat de François Hollande.
J’entends, par ailleurs, les critiques quant aux délais d’habilitation que vous jugez trop importants. Des efforts ont pourtant été accomplis pour que les ordonnances soient publiées le plus rapidement possible. En effet, depuis le début de la quinzième législature, leur délai de publication est resté en moyenne de 25 % inférieur à la durée de l’habilitation votée par le Parlement, elle-même souvent réduite au cours de l’examen parlementaire.
Dans le cas d’habilitations courtes, les délais de publication sont généralement encore plus réduits, puisque celle-ci intervient au bout de 31 jours pour les habilitations de 90 jours, et au bout de 125 jours pour les habilitations de 180 jours.
Pour l’ensemble de ces raisons, je ne peux souscrire à vos propos qui laissent à penser que le Gouvernement retarderait le rythme des réformes, alors que le Parlement serait disposé à les mettre en œuvre rapidement.
La répartition entre le pouvoir législatif et le pouvoir législatif délégué permet, au contraire, de concentrer la discussion parlementaire sur les points essentiels, et de réserver les écritures les plus techniques aux ordonnances. Ce dispositif est d’autant plus nécessaire compte tenu des règles de partage de l’ordre du jour.
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif. Je rappelle que chaque orateur peut intervenir pour deux minutes maximum et que le Gouvernement peut, s’il le souhaite, répondre à chaque orateur pour une durée équivalente.
Je vais tout d’abord donner la parole aux représentants des commissions.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le ministre, deux ans et demi après la promulgation de la loi Égalim, le Conseil d’État vient d’enjoindre au Gouvernement, la semaine dernière, de publier le décret d’application de l’article prévoyant un moratoire sur les bâtiments de poules pondeuses en cage.
Cette décision souligne que l’interprétation fournie par le Gouvernement pour justifier l’absence de décret s’écarte parfois de la volonté exprimée par le législateur, lors de l’examen parlementaire d’un texte.
La problématique des ordonnances illustre également les divergences qui peuvent exister entre l’exécutif et le législatif au sujet du strict respect du champ d’habilitation défini dans la loi. À titre d’exemple, je citerai l’ordonnance relative à la coopération agricole.
Monsieur le ministre, je voudrais toutefois vous interroger sur une autre pratique qui me semble peu satisfaisante, à savoir la pérennisation des expérimentations avant même leur évaluation, comme l’a mentionné notre collègue Pascale Gruny.
Ainsi, l’article 24 de la loi Égalim prévoyait l’expérimentation de menus végétariens hebdomadaires par les cantines scolaires des collectivités territoriales volontaires. Une disposition du projet de loi Climat et résilience prévoit la pérennisation de cette expérimentation, avant même que l’évaluation n’en soit remise. En effet, les conclusions du rapport qui nous a été transmis il y a quelques jours ne sont que provisoires, car la période de confinement n’a pas permis de conduire l’expérimentation dans des conditions probantes.
Si l’expérimentation constitue probablement un outil pertinent pour améliorer l’efficacité des politiques publiques, il ne faudrait pas qu’elle se transforme en un instrument politique, visant à obtenir un accord sceptique et temporaire des parlementaires, à une date donnée.
Dès lors, ne conviendrait-il pas de rendre obligatoire la remise des résultats d’une expérimentation avant toute prolongation ou pérennisation ? Ne faudrait-il pas au moins prévoir que les expérimentations se fassent sur une durée suffisamment longue pour couvrir le délai de remise des résultats de leur évaluation ? On éviterait ainsi de les pérenniser dans la précipitation, avant leur extinction.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Madame la présidente Primas, s’agissant de l’article 68 de la loi Égalim qui interdit la mise en production de tout bâtiment nouveau ou réaménagé d’élevage de poules pondeuses en cage, le Gouvernement a considéré jusqu’alors que le texte était insuffisamment clair et précis pour permettre son entrée en vigueur sans l’intervention d’un décret. Nous prenons acte de la décision du Conseil d’État, et nous mettrons tout en œuvre pour en tirer les conséquences dans les meilleurs délais.
Je ne reviendrai pas sur la question du respect de l’habilitation à légiférer par ordonnances, sur laquelle je me suis déjà exprimé. Nous aurons sans doute l’occasion d’en discuter à nouveau.
La répartition des rôles dans le contentieux des ordonnances est très claire : il appartient au Conseil d’État d’apprécier le respect de l’habilitation par le Gouvernement, lorsqu’il publie son ordonnance. Même si l’annulation en la matière demeure relativement rare, la décision que vous mentionnez, relative à l’ordonnance du 24 avril 2019, témoigne de l’efficacité des mécanismes de contrôle. Les commissions parlementaires peuvent, par ailleurs, se saisir librement de ce sujet.
Vous évoquez, enfin, la question de la généralisation des expérimentations, notamment celle prévue à l’article 24 de la loi Égalim. Mise en place pour une durée de deux ans, elle fait obligation aux gestionnaires publics ou privés des services de restauration collective scolaire de proposer, au moins une fois par semaine, un menu végétarien. Une évaluation devait être transmise au Parlement, dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation.
Au cours de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi Climat et résilience, texte sur lequel les commissions du Sénat travaillent en ce moment même, la rapporteure Mme Célia de Lavergne a fait adopter par amendement la généralisation de cette expérimentation, qui devait s’achever en novembre 2021. Elle s’est appuyée pour cela sur le rapport qui a été transmis au Parlement et que vous avez mentionné, madame la présidente, en précisant qu’il n’était que partiel.
Votre assemblée pourra en connaissance de cause se prononcer au fond sur ce sujet. Il relève de la logique même de l’expérimentation qu’on puisse prévoir de la généraliser avant son terme, au regard de ses bons résultats, afin d’éviter une période de suspension de ses effets.
Au demeurant, le Parlement ne saurait être lié par une loi antérieure. Il est le seul à pouvoir apprécier l’opportunité d’une telle généralisation.