Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Tout d’abord, une telle mesure ne relève pas du règlement. Ensuite, il existe déjà un dispositif d’horodatage des amendements. Votre demande est donc satisfaite : avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 3 de l’article 44 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° Les mots : « effectivement au texte » sont remplacés par les mots : « au projet de loi ou à la proposition » ;
2° Après le mot : « visent », la fin de cet alinéa est ainsi rédigé : « . Ils sont recevables en première lecture s’ils présentent un lien, même indirect, avec le projet ou la proposition en discussion. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Depuis plusieurs années, nous assistons à une dérive inquiétante de l’utilisation des irrecevabilités constitutionnelles à l’égard des amendements. Je le rappelle une nouvelle fois : le droit d’amendement constitue une prérogative constitutionnelle majeure. En voulant le rogner, on s’attaque au pouvoir du Parlement.
Ce thème a été volontairement écarté par le groupe de travail à l’origine de la proposition de résolution, alors qu’il aurait dû, selon nous, être au centre du débat. C’est pourquoi nous avons souhaité déposer plusieurs amendements sur le sujet.
Cet amendement porte sur l’application de l’article 45 de la Constitution. Quel est le champ du droit d’amendement sur un projet ou une proposition de loi ? D’année en année, les règlements des assemblées et le Conseil Constitutionnel ont restreint la recevabilité des amendements au nom du combat contre les cavaliers législatifs. Or la question du lien d’un amendement avec le texte en discussion est subjective, comme en témoigne la très grande diversité d’approche des consignes qui parviennent aux groupes pour l’application de l’article 45.
Pourquoi réduire drastiquement, depuis des années, la possibilité de déposer des propositions alternatives, qui s’écartent certes de la lettre du texte, mais portent parfois sur le même objet ? Nous proposons par cet amendement d’être précis, afin de garantir le droit d’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. On peut engager un débat sur l’application de l’article 45, mais ce n’est pas l’objet du texte que nous examinons cet après-midi.
Par ailleurs, la différence entre cet amendement et la rédaction actuelle du règlement ne semble pas évidente. En conséquence, la commission en sollicite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, ayons ce débat sur l’article 45 !
M. Roger Karoutchi. Pas maintenant !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous pouvons en discuter à une autre occasion, mais ce débat est éminemment nécessaire.
Le groupe communiste propose finalement d’écrire dans le règlement ce que dit la Constitution : sont recevables les amendements qui ont un rapport « même indirect » avec le texte.
On demande actuellement au pauvre rapporteur d’un texte de commencer par nous infliger un laïus sur le périmètre au sein duquel nous aurons le droit de proposer des amendements. Cette pratique n’est pas absolument conforme à la Constitution. En effet, un amendement ayant un rapport « même indirect » avec le texte devrait être recevable, même en dehors du périmètre qui nous est désormais imposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je reconnais la subtilité du questeur Sueur, qui nous dit que cet amendement ne vise finalement qu’à écrire dans le règlement l’article 45 de la Constitution. En fait, non ! On inscrirait dans le règlement une interprétation de l’article 45 de la Constitution, ce qui n’est pas exactement la même chose. (Sourires.) Or ce n’est pas par un article du règlement intérieur du Sénat qu’on peut interpréter ou modifier la Constitution.
Comme je suis aussi de ceux qui voient leurs amendements frappés par l’article 45, je ne demanderai pas mieux que de réfléchir à une nouvelle rédaction de cet article à l’occasion d’une réforme constitutionnelle, voire à une nouvelle rédaction de l’article 40, afin d’élargir les pouvoirs du Parlement. En attendant, ce n’est pas du tout l’objet de notre débat, qui porte sur le règlement intérieur du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur Lahellec, l’amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Gérard Lahellec. Non, je le retire, madame la présidente. Mais le débat sur l’article 45 de la Constitution devra avoir lieu un jour.
Mme la présidente. L’amendement n° 52 est retiré.
L’amendement n° 40, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 44 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° Après les mots : « d’irrecevabilité », la fin de l’alinéa 9 est ainsi rédigée : « soumise à la décision du Sénat. Seul l’auteur de la demande d’irrecevabilité, un orateur d’opinion contraire, la commission et le Gouvernement peuvent intervenir. Aucune explication de vote n’est admise. » ;
2° L’alinéa 10 est abrogé.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement reprend une proposition ancienne, dont la nécessité est renforcée par la multiplication des irrecevabilités, en particulier financières.
L’arbitraire qui prévaut parfois exige qu’un débat ait lieu lorsque l’irrecevabilité, en l’occurrence fondée sur l’article 45 de la Constitution, est soulevée en séance publique.
Si l’irrecevabilité n’a pas été soulevée au moment du dépôt de l’amendement – je ne parle pas des amendements du Gouvernement, bien évidemment –, c’est qu’elle n’est pas évidente. Le doute rend donc le débat nécessaire dans ce cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Adopter cet amendement reviendrait à supprimer à la commission saisie au fond la possibilité d’appliquer les dispositions de l’article 45 de la Constitution, comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article 44 bis du règlement du Sénat.
Je relève par ailleurs que le nombre d’amendements déclarés irrecevables est extrêmement limité au regard du volume d’amendements déposés, et que ces derniers sont publiés et connus de tous.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase de l’article 44 ter du Règlement, les mots : « aux amendements de la commission saisie au fond ou du Gouvernement, ni » sont supprimés.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Nous entendons restreindre la possibilité pour les rapporteurs et le Gouvernement de déposer à tout moment des amendements en séance publique.
Notre débat est exceptionnel à plus d’un titre, notamment en raison de l’absence de tout représentant du Gouvernement. Le Sénat est en effet souverain pour modifier son règlement. Pourtant, nous nous délestons bien aisément de ces bribes de souveraineté, comme le prouve cette capacité octroyée au Gouvernement de déposer des amendements, à n’importe quel moment, sur les projets ou propositions de loi.
Cette pratique consacre un déséquilibre important entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Lors de ses vœux de 2020, le président Gérard Larcher déclarait fort justement : « Le Sénat continuera à être, je l’espère, un contre-pouvoir sans lequel aucune démocratie ne peut exister. »
Avec de telles pratiques totalement injustifiables, et qui ne cessent de s’accroître, comment ne pas considérer que la bonne tenue de nos travaux est entravée ?
Nous avons tous, un jour, assisté à la présentation d’un amendement du Gouvernement dont nous n’avions pu prendre connaissance en amont et qui aurait mérité un temps d’examen approfondi. Nous ne pouvons légiférer ainsi au « doigt mouillé ».
Nous proposons donc que le Gouvernement soit astreint aux mêmes règles que tous les membres du Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est contraire à l’article 13 de la loi organique du 15 avril 2009, qui prévoit expressément que le délai limite de dépôt des amendements de séance ne s’applique pas aux amendements déposés par le Gouvernement ou la commission saisie au fond. Une telle limitation du droit d’amendement du Gouvernement serait en outre contraire à la Constitution.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est ainsi modifié :
1° L’article 17 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – La commission est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et sous-amendements. Vingt-quatre heures au moins avant la réunion de la commission, le Président de la commission communique la liste des amendements dont il propose l’irrecevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution et des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, le cas échéant après communication au président de la commission des finances qui rend un avis motivé, et des autres irrecevabilités, à l’exception de celle fondée sur l’article 41 de la Constitution. À titre exceptionnel, le Bureau de la commission peut décider de déroger à ce délai. Toute proposition d’irrecevabilité est motivée. La commission se prononce par un vote sur la recevabilité des amendements. » ;
b) L’alinéa 4 est ainsi rédigé :
« 4. – La commission détermine son avis sur les amendements déposés sur le texte qu’elle a proposé avant le début de leur discussion par le Sénat. Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41 de la Constitution, des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que de l’article 45 du présent Règlement, vingt-quatre heures au moins avant la réunion de la commission saisie au fond, le Président de la commission communique la liste des amendements dont il propose l’irrecevabilité. À titre exceptionnel, le Bureau de la commission peut décider de déroger à ce délai. Toute proposition d’irrecevabilité est motivée. La commission se prononce par un vote sur la recevabilité des amendements. » ;
2° Après l’alinéa 4 de l’article 45, il est inséré un alinéa 4… ainsi rédigé :
« 4…. – Tout sénateur peut contester en séance, à propos d’un amendement dont il est l’auteur, une déclaration d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution, sur la loi organique relative aux lois de finances ou sur l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. En cas de désaccord entre la commission des finances ou la commission des affaires sociales et le Gouvernement, l’assemblée se prononce sur la déclaration d’irrecevabilité. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement est à la hauteur de la frustration générée par les irrecevabilités. Nous souhaitons durcir les règles qui les encadrent en prévoyant que le président de la commission saisie au fond communique la liste des amendements dont il propose l’irrecevabilité au moins vingt-quatre heures avant la réunion de la commission, en motivant bien entendu son avis.
Par ailleurs, tout sénateur pourrait contester en séance une déclaration d’irrecevabilité fondée sur l’article 40. Il reviendrait alors à l’assemblée de se prononcer, sauf en cas d’accord entre la commission des finances et le Gouvernement sur ladite déclaration d’irrecevabilité.
L’idée est donc simplement d’encadrer ces irrecevabilités, qui entravent l’exercice du travail parlementaire et amputent toujours un peu plus notre capacité d’initiative.
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 17 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase de l’alinéa 1, les mots : « applicable, ni aux amendements du Gouvernement, ni » sont remplacés par les mots : « pas applicable » ;
2° À la troisième phrase de l’alinéa 2, le mot : « ne » et le mot : « pas » sont supprimés.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour le Gouvernement de déposer à tout moment des amendements en commission.
Dans Le Prince, jusqu’au chapitre XV, Machiavel montre dans quelles conditions le pouvoir s’acquiert ou se conserve dans les principautés. Plus que dans les républiques, il dépend des vertus propres du gouvernant. Par « vertus », il faut ici entendre les capacités d’exercice de la décision, qu’elles soient morales ou non.
Laisser au Gouvernement la possibilité, en droit, de déposer à tout moment des amendements lors de l’examen en commission, c’est vouloir faire reposer bien grande conséquence sur les vertus de nos gouvernants…
Comme pour le dépôt illimité en séance publique, que nous contestions au travers de l’amendement n° 46 rectifié, nous estimons que l’examen d’un texte est un exercice démocratique qui ne peut souffrir d’un tel déséquilibre, surtout lorsqu’on connaît la disproportion de moyens entre la majorité et l’opposition : entre les 1,9 million de fonctionnaires susceptibles, dans les ministères, de contribuer à l’élaboration des textes, auxquels il faut ajouter les 324 collaborateurs des cabinets ministériels – un effectif qui ne cesse de repartir à la hausse –, le décalage est criant.
Au-delà des moyens matériels, le décalage repose aussi sur le modelage de l’ordre du jour par le Gouvernement et sur les outils constitutionnels qui permettent d’en accroître la portée, ainsi que sur le temps de parole incroyablement élevé dont il peut se prévaloir.
Il est pourtant des avantages dont les puissants n’ont pas besoin. Même lorsqu’ils sont maigres, ces privilèges, injustes, suscitent de la frustration. La volonté des gouvernants s’impose ainsi aux gouvernés et à leurs représentants, bien loin des yeux de nos concitoyennes et concitoyens, sans que ces derniers puissent les contester ou les discuter…
Nous nous trouvons ainsi pris dans un flot législatif, avec des salves d’amendements qui tombent au dernier moment sans aucun autre motif que la précipitation, voire l’actualité médiatique. Il est impératif que le Gouvernement attende la navette pour introduire de nouvelles propositions ou, a minima, qu’il respecte les règles communes de dépôt en commission et en séance.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est ainsi modifié :
1° La troisième phrase de l’alinéa 2 de l’article 17 bis est supprimée.
2° La seconde phrase de l’alinéa 1 de l’article 45 est supprimée.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise simplement à mettre en distribution les amendements déclarés irrecevables, de telle sorte que les citoyens puissent prendre connaissance du travail accompli.
Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l’alinéa 1 de l’article 45 du Règlement est supprimée.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l’alinéa 1 de l’article 45 du Règlement est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le Président de la commission, par un avis écrit et précisément motivé, avertit l’auteur de l’amendement potentiellement irrecevable. Une nouvelle rédaction conforme à l’article 40 de la Constitution peut être présentée soit une heure avant l’examen du rapport en commission, soit à l’ouverture de la discussion générale en séance publique. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement vise à améliorer concrètement la procédure d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution.
Les plus anciens sénateurs ou sénatrices se rappelleront qu’au début de l’application de la LOLF, un texte qui a fortement durci les irrecevabilités, il était proposé aux auteurs d’amendements de les modifier pour échapper aux fourches caudines de l’article 40. C’était une bonne chose, car cela permettait parfois de déposer l’amendement modifié.
Nous proposons un dispositif simple permettant de revenir à un fonctionnement souple des prérogatives parlementaires. Nul doute toutefois que la rédaction de cet amendement peut être perfectionnée. Nous attendons vos propositions en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La jurisprudence du Conseil constitutionnel impose un contrôle de la recevabilité financière « effectif et systématique » au moment du dépôt des amendements. En conséquence, les amendements nos 20 rectifié, 18 rectifié et 42, qui visent à distribuer et à publier les amendements déclarés irrecevables, iraient à l’encontre de cette jurisprudence. Ce serait également le cas de la procédure prévue dans l’amendement n° 20 rectifié, qui remplacerait le contrôle du président de la commission par un vote de celle-ci et qui autoriserait la contestation en séance d’une déclaration d’irrecevabilité financière. En pratique, le président de la commission adresse un courrier à l’auteur de l’amendement déclaré irrecevable à ce titre.
Le dispositif proposé pour l’article 45 de la Constitution par ce même amendement n° 20 rectifié – envoi des amendements susceptibles d’être déclarés irrecevables avant la tenue de la commission – est satisfait en pratique. Aucune exigence constitutionnelle n’impose la motivation des décisions d’irrecevabilité.
L’amendement n° 41 vise à ce que le président de la commission des finances avertisse l’auteur d’un amendement avant de le déclarer irrecevable, afin de lui laisser le temps de le rendre conforme à la Constitution. En pratique, une certaine souplesse est d’ores et déjà de mise. Il ne nous paraît donc pas utile de rigidifier le processus prévu dans le règlement.
Enfin, l’amendement n° 38 vise à soumettre le Gouvernement au délai limite de dépôt des amendements en commission. Je le répète, une telle proposition n’est pas conforme à la Constitution.
L’avis de la commission est donc défavorable sur tous ces amendements.
J’en profite pour vous communiquer quelques chiffres sur les amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 45 : on en a dénombré 103 au cours de la session 2015-2016, 146 en 2016-2017, 80 en 2017-2018, 388 en 2018-2019 et 144 en 2019-2020, pour un volume d’amendements déposés oscillant entre 8 000 et 10 000 par an.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Toutes ces propositions, à l’exception de l’amendement n° 41, adressent finalement un message assez clair au Gouvernement, l’invitant à réformer la Constitution pour revoir l’équilibre des articles 40 et 45 relatifs au fonctionnement même du Parlement. Nous partageons ce souhait, mais, comme le règlement du Sénat n’a pas vocation à modifier la Constitution, le débat tourne quelque peu à vide…
L’amendement n° 41 est légèrement différent. Même si je ne souhaite pas rigidifier à ce point le dispositif, il pourrait relever du bon sens et du bon travail parlementaire que le président de la commission des finances, avant de déclarer un amendement irrecevable sur le fondement de l’article 40, contacte l’auteur de l’amendement pour lui expliquer dans quelles conditions celui-ci pourrait être recevable. Mais cela relève davantage d’un mode de fonctionnement « normal » du président de la commission des finances que d’une modification du règlement du Sénat.
S’agissant des autres amendements, sincèrement, ce n’est pas au règlement du Sénat de remettre en cause l’équilibre des relations entre le Gouvernement et le Parlement.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l’alinéa 7 de l’article 45 du Règlement, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Si l’irrecevabilité est constatée, elle doit être présentée à l’auteur de l’amendement par courrier comportant une argumentation. Cette irrecevabilité est susceptible de recours. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Toujours dans la même logique, nous proposons de renforcer le respect de l’initiative parlementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Aucune exigence constitutionnelle n’impose un recours : avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux premières phrases de l’alinéa 8 de l’article 45 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’irrecevabilité est invoquée en séance publique, un débat a lieu auquel peut prendre part l’auteur de la demande ou son représentant, un orateur d’opinion contraire et, éventuellement, le Gouvernement. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle fois de rétablir le débat contradictoire concernant les demandes d’irrecevabilité fondées sur l’article 40 de la Constitution.
La chape de plomb de cet article, renforcée par la LOLF et directement issue des exigences de la Commission européenne en matière de procédure budgétaire, doit être levée au moins partiellement.
Rappelons à quel point l’élaboration des budgets nationaux est désormais contrainte par les règles bruxelloises. L’application stricte de l’article 40 est le pendant du carcan imposé au Gouvernement pour l’élaboration même du projet de loi de finances, lequel doit recevoir l’aval de la Commission européenne avant même le début du débat parlementaire.
Si le Gouvernement a si peu de marges de manœuvre, pourquoi le Parlement en aurait-il ? Tout cela doit changer ; c’est une question de survie démocratique.
La crise de la covid a bien fait voler en éclats les critères des déficits publics, qui, jusqu’en 2020, étaient très contraignants. Pourquoi n’en serait-il pas de même de la chape de plomb que j’évoquais précédemment ?
Nous proposons, au travers de cet amendement, de contribuer modestement à ce retournement de situation.