M. le président. Il faut conclure.
Mme Valérie Boyer. … loin d’être redorée, se perd dans les méandres du « en même temps » et parfois même du séparatisme. C’est vraiment regrettable ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Hingray applaudit également.)
suivi des auteurs de crimes et délits déclarés pénalement irresponsables
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis dix-huit mois, la commission des lois et la commission des affaires sociales du Sénat travaillent sur les questions d’irresponsabilité pénale et d’expertise psychiatrique. Nous avons, hier, adopté un texte.
Les réflexions du Gouvernement, celles de l’Assemblée nationale, sur cette question de l’irresponsabilité sont des réflexions pour l’avenir.
Je voudrais, moi, vous parler de la situation présente.
En 2018, date des derniers chiffres publiés, 326 auteurs jugés irresponsables ont fait l’objet d’un non-lieu et, cette même année, on dénombrait 13 495 classements sans suite, sans que l’on sache avec précision de quelles mesures de soin ou d’accompagnement bénéficient les personnes concernées ni, d’ailleurs, s’ils en bénéficient, qui ils sont et où ils demeurent.
Comment entendez-vous assurer le suivi des auteurs irresponsables alors que vous avez supprimé la collecte de ces données ?
Par dépêche du 18 juin 2019, la direction des affaires criminelles et des grâces a informé les juridictions de sa décision de supprimer le dispositif de recensement des décisions d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par souci d’alléger leur travail.
La dernière étude épidémiologique générale réalisée en France sur la santé mentale dans les prisons remonte quant à elle à 2007…
Monsieur le Premier ministre, voilà ma question : où en êtes-vous de la mise en place du système de remplacement de la collecte et du suivi des personnes irresponsables ?
Comment comptez-vous, sans ces données, assurer la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Goulet, vous souhaitez prolonger le débat que nous avons eu hier. Mais vous ne souhaitez pas le circonscrire à la discussion que nous avions : vous voulez savoir quel est le sort qui est réservé à ceux qui sont déclarés irresponsables. Nous avons effleuré cette question hier ; mais vous devriez poser la question au ministre de la santé, pardonnez-moi de vous le dire, car, à compter du moment où un homme est déclaré irresponsable, il n’est pas détenu : il est soigné.
Si vous souhaitez que l’on reconstruise un outil permettant de connaître le nombre sur lequel vous vous interrogez, j’y travaillerai très volontiers avec vous : ma porte est ouverte, et nous reconstruirons cet outil. L’excuse à laquelle vous faites allusion – ce chantier demanderait trop de travail – n’est pas à mes yeux une excuse pertinente. Venez me voir à la Chancellerie : je suis tout à fait d’accord pour que l’on recense tous ceux qui ont bénéficié d’un non-lieu afin que l’on connaisse le suivi dont ils font l’objet.
Pour le reste, la décision du 14 avril nous a beaucoup émus. Certains de nos compatriotes n’ont pas compris cette décision. Elle a été rendue en droit, et les juges ont pris soin de préciser qu’ils ne pouvaient pas distinguer là où la loi ne le permettait pas.
Vous avez tenté de remédier à cela ; j’ai moi-même, à la demande du Président de la République, travaillé à un texte. J’ai reçu les cultes, les magistrats, des avocats, des psychiatres, et j’ai souhaité soumettre ce texte à l’avis du Conseil d’État. Il sera très prochainement porté à votre connaissance et j’espère, comme cela a toujours été le cas ici, que nous pourrons travailler ensemble sur ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le garde des sceaux, mais un léger problème continue de me tracasser : voyez-vous, dans le rapport de la mission Houillon-Raimbourg, qui constitue désormais l’alpha et l’oméga de la politique de la Chancellerie,…
Mme Nathalie Goulet. … il est quand même expliqué que la direction des affaires criminelles et des grâces, qui dépend, me semble-t-il, de votre ministère, a supprimé la collecte des données.
Mme Nathalie Goulet. D’ailleurs, la recommandation n° 13 de ce fameux rapport commandé par votre ministère, que l’on trouve en pages 38 et 39, consiste à demander le recensement des décisions de classement sans suite et d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Il faut que nous travaillions ensemble sur ce sujet : ce recensement est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture.
Le projet de pass culture opère une rupture radicale dans le cadre des politiques publiques de la culture : il inverse les termes de la politique de l’offre et de la demande et positionne les acteurs du service public de la culture dans une concurrence directe et frontale avec les grands opérateurs du privé et avec les industries culturelles du loisir.
Le projet de pass culture part d’un principe jamais débattu en vertu duquel la question de l’accès à la culture des jeunes est d’abord un problème économique et technologique avant d’être un sujet éminemment symbolique et politique, dont l’exclusion sociale et territoriale est le marqueur principal.
Le projet de pass culture ignore l’engagement quotidien des équipes de médiation et de transmission culturelles, dont je rappelle qu’il est financé très majoritairement par les collectivités territoriales.
Le projet de pass culture draine sur lui un budget intarissable, « quoi qu’il en coûte », véritable gabegie dont il ne fait nul doute que la Cour des comptes en dénoncera les errements le moment venu.
Après Françoise Nyssen et Franck Riester, Roselyne Bachelot est la troisième ministre à récupérer ce mistigri présidentiel. À l’heure où la généralisation du pass culture vient d’être décidée par le Président de la République lui-même, sont-ce McFly et Carlito qui en assureront le service après-vente (Sourires.), ou ne pensez-vous pas plutôt qu’il est grand temps d’arrêter les frais ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Jean-Raymond Hugonet, pour avoir présidé le groupe qui a accompagné le développement du pass culture, vous avez suivi les expérimentations mises en place. Vous savez donc que celui-ci permet l’émancipation et l’accès à des concerts, à des festivals, ou encore à l’achat d’instruments de musique ou de livres, au bénéfice d’une jeunesse qui connaît de réels freins d’accès à la culture.
Les premiers résultats du déploiement et de la généralisation du pass culture, porté par le Président de la République et par ma collègue Roselyne Bachelot dès vendredi dernier, montrent que plus de 650 000 jeunes ont téléchargé l’application : c’est aujourd’hui la première application téléchargée sur les plateformes gratuites.
Le pass culture permet aux jeunes de 18 ans de notre pays de retrouver de l’air, de retrouver cette culture qui nous a tant manqué.
Monsieur le sénateur, 80 % des dépenses réalisées par ces jeunes ont été consacrées aux livres. Oui, ces jeunes ont acheté des livres !
Cette ouverture à la culture est une chance. Elle est accompagnée par l’enseignement et l’éducation à la pratique artistique et culturelle. Jean-Michel Blanquer et moi-même avons la volonté de déployer encore plus largement le pass culture, dès la classe de quatrième, au travers de projets collectifs et pédagogiques sur les territoires, et, un peu plus tard, en terminale, via des projets individuels.
L’idée est simple : accompagner chacun de nos enfants sur le chemin de l’accès à la culture pour tous, en empêchant que les freins financiers ne constituent une barrière. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jacques-Bernard Magner applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. J’entends votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais elle ne convainc pas grand monde ici. En tout point du pays, c’est la puissance du réseau de la culture décentralisée qui assure la relation au public jeune, en particulier. C’est une action durable et constante, dont les artistes sont les premiers acteurs.
La priorité à accorder à la jeunesse ne saurait passer par des gadgets décidés verticalement depuis Paris, au mépris des réalités de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation en algérie
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Laurence Rossignol. Tout d’abord, je souhaite associer à ma question les collègues de mon groupe ici présents, ainsi que mon ami Olivier Léonhardt, sénateur de l’Essonne, qui vous avait déjà interrogé, monsieur le ministre des affaires étrangères, sur la situation de l’Algérie.
Il y a deux ans est né en Algérie un mouvement citoyen, pacifique et mixte, qui constitue un immense espoir pour la jeunesse algérienne. Ce mouvement, que demande-t-il ? Un pouvoir civil, des libertés démocratiques, un meilleur partage des richesses et la fin de la corruption. Bref, un avenir.
Depuis quelques mois, à la faveur de la crise sanitaire, la répression s’est abattue sur ce mouvement. On ne compte plus les citoyens, les militants, les journalistes arrêtés, emprisonnés, condamnés. Le but du pouvoir est, par la peur et la domination, de casser ce mouvement.
Les libertés fondamentales d’opinion, de manifestation, d’information, ainsi que le droit à un procès équitable, qui sont garantis par la Déclaration universelle des droits humains, sont bafoués. Monsieur le ministre, que pouvons-nous faire pour les garantir en Algérie ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, comme vous le savez, nos deux pays, l’Algérie et la France, sont unis par des liens humains ancrés dans l’histoire – des liens tout à fait essentiels.
Notre volonté est de renforcer cette relation, et elle s’exprime au plus haut niveau, puisque le président Abdelmadjid Tebboune et le président Macron se parlent régulièrement.
Le Premier ministre se rendra bientôt à Alger pour un comité interministériel de haut niveau, qui devait avoir lieu il y a quelques jours, mais qui a été repoussé en raison de la pandémie. Et, avec mon homologue le ministre des affaires étrangères, j’entretiens des relations régulières.
Les autorités algériennes ont manifesté l’ambition de réformer l’Algérie en profondeur, dans un esprit de dialogue et d’ouverture qui corresponde aux attentes exprimées par les Algériens, de manière pacifique et avec dignité, lors du Hirak.
Notre seul souhait, c’est la réussite des réformes au bénéfice de l’Algérie et des Algériens. En effet, madame la sénatrice, c’est aux Algériens, et à eux seuls, de déterminer cette voie et de fixer les modalités de leur destin, dans le respect des libertés publiques, de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, auxquelles la France est attachée partout dans le monde.
Je trouve singulier que vous posiez cette question à ce moment précis. Des élections législatives vont en effet se dérouler dans quinze jours en Algérie, et la campagne est ouverte depuis deux semaines.
Vous permettrez que, par respect pour la souveraineté du peuple algérien, je ne fasse pas de commentaire supplémentaire.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, nous respectons tous la souveraineté du peuple algérien, mais, actuellement, 137 personnes sont emprisonnées dans ce pays pour délit d’opinion.
Le processus que vous décrivez, celui de la réforme en profondeur de l’Algérie par la démocratie, est un processus idéal. C’est celui dont nous rêvons tous, mais il n’a pas lieu !
Ce qui se passe actuellement en Algérie est l’inverse d’un processus de réforme. Vous savez bien que les atteintes quotidiennes aux libertés sont extrêmement dangereuses pour l’avenir de ce pays. La jeunesse algérienne est aujourd’hui sans avenir ; elle le sait, elle le ressent. Aussi, que se passe-t-il ? Elle fuit massivement. Savez-vous que, depuis l’année dernière, 50 % de jeunes Algériens supplémentaires ont quitté leur pays pour rejoindre les côtes de l’Europe ?
Ce qui se passe en Algérie, c’est notre cœur qui le ressent ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
langues régionales
M. le président. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la jeunesse et de l’engagement. Je regrette, bien sûr, l’absence de M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, qui aurait pu répondre à cette question.
Madame la secrétaire d’État, le 8 avril dernier, les langues régionales ont obtenu une reconnaissance et une victoire historiques à l’Assemblée nationale. La loi proposée par notre collègue député Paul Molac a en effet été adoptée à une très large majorité, d’abord au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, avec 276 voix pour et seulement 76 voix contre.
Ce vote est le résultat d’un processus démocratique et transpartisan pour la promotion des langues régionales, notamment grâce à l’article 4, qui inscrit dans la loi l’enseignement immersif.
Pourtant, le Gouvernement a décidé de s’y opposer en déposant un recours devant le Conseil constitutionnel, contre sa propre majorité. Et – faut-il y voir un message symbolique ? –, c’est le 21 mai, date de la Journée mondiale pour la diversité culturelle, le dialogue et le développement, que le Conseil a rendu sa décision et signé ce qui ressemble à l’arrêt de mort des langues de France, en censurant l’essentiel de la loi Molac dans des conditions on ne peut plus troubles.
En effet, plusieurs députés La République En Marche ont publiquement affirmé que leur signature sur ce recours leur avait été arrachée et ont écrit au Conseil constitutionnel pour la retirer.
En même temps, le Premier ministre, hier, et le Président de la République, aujourd’hui, déclarent que « les langues régionales sont une chance pour la République ». Pour minimiser l’effet de cette censure, on annonce la création d’une énième mission, confiée à deux députés. Qu’attendez-vous concrètement de cette mission ?
Ma question est simple : quel est l’avenir des écoles publiques et associatives basques, bretonnes, alsaciennes, occitanes et autres, sous contrat avec l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et GEST. – Mme Frédérique Espagnac applaudit également.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice Laurence Muller-Bronn, la proposition de loi Molac, adoptée dans les conditions que vous avez rappelées, n’a pas fait l’objet de la part du Gouvernement d’un recours – en tant que Premier ministre, il est de fait que j’en ai la possibilité – devant le Conseil constitutionnel. (M. Max Brisson s’exclame.)
En toute hypothèse, je rappelle au Sénat que la principale censure prononcée par le Conseil constitutionnel l’a été à la suite de la procédure de saisine d’office. Cela montre que la question est réelle : ce sujet aurait pu faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, une QPC. (M. Max Brisson proteste.) Voilà pour ce qu’il en est de l’aspect juridique et procédural.
Je vais désormais vous faire une réponse politique. Le Gouvernement et le Président de la République sont extrêmement attachés, vous l’avez dit vous-même, aux langues régionales. (M. Max Brisson manifeste son scepticisme.)
Vous êtes, madame la sénatrice, une élue de l’Alsace. Je suis moi-même élu d’une région où les langues régionales sont très développées. Renseignez-vous : je les ai toujours soutenues et encouragées.
M. Max Brisson. Sauf cette fois ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Il nous appartient donc, dans le respect de l’État de droit républicain, lequel est observé par l’ensemble des membres de la Haute Assemblée, de tenir compte de cette décision et d’en tirer tous les enseignements. Nous le ferons avec la volonté de préserver et de maintenir le rôle des langues régionales à l’école, dans le cadre de l’unité de la République.
M. David Assouline. C’est une nouvelle déclaration de politique générale !
M. Jean Castex, Premier ministre. Comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, je me suis exprimé hier à l’Assemblée nationale sur la méthode.
Devant le Sénat, je ferai un pas de plus, en évoquant la rentrée de ces établissements, en particulier – cette question a en effet été posée – de ceux qui sont sous contrat d’association avec l’État et qui ont exprimé, je l’ai vu comme vous, des inquiétudes à la suite de cette décision.
Je le dis au Sénat, cette rentrée s’effectuera tout à fait normalement pour ces établissements. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
M. Max Brisson. Et ensuite ?
M. Jean Castex, Premier ministre. La mission que vous avez évoquée, madame la sénatrice, et qui est une initiative parlementaire, puisqu’elle émane d’un député, sera courte – ce point, en effet, vous inquiétait.
Après que les deux députés m’auront rendu leurs conclusions, je l’ai dit, je recevrai l’ensemble des associations concernées, pour que, sereinement, nous en tirions toutes les conséquences. Ces dernières, je l’indique également au Sénat, seront marquées par la volonté politique du Gouvernement de préserver la richesse que constituent, dans le cadre de l’unité de la République, les langues régionales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Christine Herzog. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
L’émission Cash Investigation du mercredi 19 mai dernier a révélé ce qui pourrait bien être considéré comme un scandale d’État. Le 12 septembre 2018, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, avait autorisé les pharmaciens à collecter les données de santé des Français au profit d’Iqvia, filiale française du plus gros data broker américain.
Contre une imprimante gratuite et 6 euros par mois et par pharmacie, toutes les données médicales de nos concitoyens sont automatiquement transmises : numéro de sécurité sociale, prénom, âge, sexe, affections, traitements, etc. Un « plat de lentilles » à l’échelle des profits suscités par ces données, qui sont ensuite revendues à toutes sortes de sociétés, qui, via les États-Unis, peuvent ainsi faire du ciblage publicitaire de plus en plus précis, en justifiant un pseudo-intérêt d’ordre public qui ne peut être contrôlé.
À ce jour, la moitié des pharmacies pratiqueraient cette collecte, soit 10 000 officines, et 40 millions de Français seraient ainsi concernés. Et cela en toute illégalité, puisque le règlement général sur la protection des données, le RGPD, impose une information préalable et l’expression d’un accord explicite avant toute collecte de données. Or, en pratique, l’information n’est jamais affichée, et le consentement jamais donné.
Plus grave encore, cette pratique serait connue du Président de la République et couverte au plus haut de l’État.
Monsieur le secrétaire d’État, que pouvez-vous nous dire de ces méthodes ? Confirmez-vous qu’elles sont illégales ? Et si oui, qu’allez-vous faire pour mettre fin à la marchandisation de la santé des Français, qui ignorent cette pratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question. L’émission que vous avez évoquée suscite un certain nombre d’interrogations que vous avez relayées et auxquelles il est important d’apporter des réponses précises, tant ces sujets sont importants pour nos concitoyens et pour nos libertés.
Cette question porte sur l’accès aux données de santé de nos concitoyens par les pharmaciens et sur l’usage qui en serait fait, notamment par Iqvia. Cette société récupère auprès des 14 000 officines dont elle est partenaire et héberge sur ses serveurs un certain nombre de données entièrement pseudonymisées.
Cette entreprise n’a jamais accès à l’identité du patient. Ces données permettent de mener des études d’intérêt public, qui visent, par exemple, à l’évaluation de la bonne utilisation du médicament, l’analyse scientifique et statistique des phénomènes liés à la persistance, la conformité, le respect des prescriptions et des contre-indications. Je précise que vous pouvez consulter ces études en ligne de façon transparente.
Autre point important, ces données ne sont pas vendues, car c’est effectivement interdit. C’est bien la prestation d’analyse faite à partir de ces données qui donne lieu à indemnisation du pharmacien. Cette nuance est importante.
Ce processus, notamment s’agissant de son niveau de sécurité, est parfaitement conforme, contrairement à ce que vous laissiez entendre, à la déclaration faite à la CNIL, laquelle prévoit que ces données traitées en interne ne sont pas transmises à des tiers.
La CNIL avait souligné, dans son arrêt de 2018, l’intérêt public majeur que représentaient les études menées sur la base de ces données. À titre d’exemple, certaines de ces dernières – nombre de vaccins, de tests antigéniques, d’autotests vendus chaque jour… – sont en open data et participent de la gestion de la crise.
En retour de l’envoi de ces données, la société Iqvia émet pour chaque officine partenaire un cahier de bord, afin de lui permettre une meilleure gestion de son officine. Les données servent aussi pour les négociations conventionnelles du réseau officinal avec la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM.
Le dossier pharmaceutique, dont le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens est responsable, et le dossier médical partagé sont totalement indépendants, là aussi, de la relation entre le pharmacien et la société. Il n’y a aucun accès possible de cette société à la carte Vitale ou à l’un de ces dossiers.
L’intérêt de ce reportage était de rappeler l’importance de la transparence en ces matières. La société Iqvia a pris un certain nombre de mesures, que je n’ai pas le temps de développer, mais qui vont dans ce sens.
campagne électorale en cours
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, y a-t-il un pilote dans l’avion ? C’est la question que se posent des millions de Français après avoir appris que quinze membres de votre gouvernement étaient candidats aux élections régionales ou départementales.
Alors que la France est plongée dans une crise sanitaire, économique et sécuritaire inédite dans l’histoire, vos ministres n’ont manifestement rien de mieux à faire que d’aller distribuer des tracts ou coller des affiches, avec Rolex, ou Bréguet, et boutons de manchette aux poignets.
Le ministre de l’intérieur et celui de la justice sont candidats, rien de moins ! Le sont également le ministre des petites et moyennes entreprises et la ministre de l’industrie, des secteurs en grande souffrance à cause de votre politique. Mme Schiappa est aussi candidate, mais comme sa seule activité est de faire des tweets, personne ne verra la différence. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le ministre de la santé a même affirmé qu’il irait coller des affiches de Renaud Muselier dans ma région, en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Avec un tel adversaire, Thierry Mariani n’a plus besoin de soutien : il est assuré de la victoire le 27 juin prochain ! (Mêmes mouvements.)
Vous-même, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé l’alliance entre LREM et LR dans ma région. Vous n’êtes plus le chef d’une majorité, mais le directeur de campagne du dynamitage du parti Les Républicains.
Pendant ce temps, des Français souffrent, sont au chômage, dorment dans la rue ou dans leur voiture, se font agresser, y compris des maires de petites communes.
Pendant que vous faites campagne et que vous découvrez le pays – c’est déjà cela… (Sourires.) –, des restaurateurs, des hôteliers et des cafetiers se battent tous les jours pour survivre.
Pendant ce temps, les jardins de l’Élysée se transforment en théâtre de Guignol ; c’est non plus le Jamel, mais le Emmanuel Comedy Club… Charles, François, réveillez-vous : ils sont devenus fous !
J’ai honte pour la France, mes chers collègues, et j’ai même honte pour vous, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement. Mais la honte retombe, d’abord, sur ceux qui participent à cette mascarade et soutiennent ces pitreries, plus préoccupés par leurs postes que par leur pays.
M. le président. Veuillez conclure !
M. Stéphane Ravier. Ils auront le déshonneur et la défaite, comme l’a prédit Éric Ciotti !
Ma question est donc la suivante : monsieur le Premier ministre, ne vous sentez-vous pas trop seul à la table d’un conseil que trop de ministres ont déserté pour aller se promener en campagne électorale ? (Mme Christine Herzog et M. Alain Duffourg applaudissent.)