M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe Les Indépendants – République et Territoires vise à expérimenter un mécanisme d’incitation au retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active. Elle s’inspire d’une expérimentation menée dans le département de l’Allier, où les bénéficiaires du RSA peuvent travailler 15 heures par semaine sans perte des allocations du RSA.
Cette proposition de loi nous pose trois problèmes principaux.
Premièrement, elle repose sur un postulat biaisé : les bénéficiaires du RSA n’effectueraient pas les démarches pour retrouver un emploi alors qu’il leur suffirait de « traverser la rue »…
En comparant le nombre d’offres d’emploi et le nombre de bénéficiaires du RSA, la proposition de loi reprend le mythe d’un vivier d’emplois disponibles. En réalité, les intentions d’embauche ne sont pas les postes actuellement vacants. Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), seulement 185 000 emplois étaient vacants au quatrième trimestre 2020.
De surcroît, un poste vacant n’est pas forcément pourvu par un chômeur. Selon les chiffres de Pôle emploi, la moitié des offres concernées sont retirées faute de besoins et 25 % des emplois proposés sont attribués en interne : en réalité, seulement 25 % des offres ne trouvent pas de candidat, soit 46 000 postes disponibles pour 2 millions de bénéficiaires du RSA en décembre 2020.
Deuxièmement, cette proposition de loi ne permet pas de faire sortir les bénéficiaires du RSA de la précarité. Avec un CDD de 15 heures de travail par semaine, il leur sera toujours impossible d’obtenir un prêt bancaire ou un logement.
En permettant de déroger à la durée hebdomadaire minimale de travail de 24 heures, vous aggravez les inégalités sociales et particulièrement les conditions de travail des femmes. En effet, ce sont elles qui subissent majoritairement les contrats courts dans le secteur des métiers du lien social.
Troisièmement et enfin, cette proposition de loi n’apporte aucune solution d’accompagnement et de formation pour les bénéficiaires du RSA éloignés de l’emploi. Pourtant, ce chantier devrait être la priorité.
Alors que la France dénombre actuellement 6 millions de chômeurs, l’État doit mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour permettre à Pôle emploi de remplir sa mission de formation et de réinsertion. Plutôt que de réformer l’assurance chômage en réduisant les droits des chômeurs, le Gouvernement devrait s’attaquer au non-recours au RSA, dont le taux est estimé à 36 %. Ce phénomène représente plus de 3,6 milliards d’euros de prestations non versées.
En reprenant le vieux refrain cher à la droite – « les pauvres sont responsables de leur situation » –, vous stigmatisez les personnes qui survivent avec les minima sociaux. N’oublions pas que l’on parle de 565,34 euros par mois pour une personne. Qui peut vivre dignement avec une telle somme ? Qui ?
Plutôt que de culpabiliser les bénéficiaires du RSA pour les faire travailler 15 heures par semaine, aidons-les concrètement à se former et à retrouver de la mobilité.
Dans son rapport sur l’état de la pauvreté en 2020, le Secours catholique défend l’idée d’un revenu minimum garanti équivalant à 50 % du revenu médian, soit 893 euros par mois.
Cette proposition de loi va à l’encontre des attentes des bénéficiaires du RSA qui ont basculé dans l’extrême pauvreté depuis des années, alors même que leur nombre se multiplie ces derniers temps. Ils demandent un filet de sécurité qui les protège réellement et des solutions d’accompagnement individualisées pour retrouver un emploi durable.
Nous voterons contre cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi du président Claude Malhuret traduit, avant tout, une initiative locale.
Proposé par le département de l’Allier avec le soutien de plus de soixante entreprises, ce dispositif pourrait bénéficier à de nombreux départements volontaires, qui, du fait de la crise sanitaire, connaissent une hausse importante du nombre d’allocataires du RSA. Il s’appuie sur l’ingéniosité, l’expérience et le savoir-faire des acteurs locaux, confrontés quotidiennement aux difficultés de retour à l’emploi d’un grand nombre de bénéficiaires du RSA.
L’objectif est simple : faciliter la rencontre entre les entreprises locales qui ont des difficultés à recruter et les allocataires du RSA volontaires, qui s’engagent dans une démarche de retour vers l’emploi durable.
En la matière, il n’y a ni science exacte ni remède miracle. De nombreux dispositifs d’insertion existent, applicables selon le degré d’éloignement de l’emploi.
D’un côté, il y a le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », fruit d’une initiative d’ATD Quart Monde, ainsi que l’IAE au sein d’entreprises d’insertion, d’ateliers, de chantiers ou d’associations dédiés. Ces dispositifs s’adressent aux personnes très éloignées de l’emploi, qui ont besoin d’une période d’adaptation dans des structures à caractère social avant une éventuelle insertion dans les entreprises existantes.
De l’autre côté, la prime d’activité versée par l’État offre un complément de salaire progressif et pérenne aux personnes les moins éloignées de l’emploi qui retrouvent un travail, ainsi qu’à l’ensemble des salariés à faibles revenus.
En revanche, dans le droit actuel, nous n’avons pas de dispositif incitatif pour les personnes au RSA depuis au moins un an, éloignées de l’emploi et pour qui, sans être inatteignable, le retour vers l’emploi est plein d’ambiguïté. Les intéressés vont certes retrouver un travail ; mais ils vont rapidement perdre une grande partie de leurs allocations et des tarifs sociaux dont ils bénéficiaient. Cette situation s’observe en particulier dans le cadre des contrats à temps partiel, qui ont pourtant l’intérêt de permettre une reprise progressive du travail.
Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à sécuriser financièrement les reprises d’activité au sein des entreprises locales pour ces personnes, en leur permettant de conserver leur allocation pendant la première année de retour à l’emploi.
Pour limiter les distorsions, nous proposons de plafonner ce cumul à un certain montant, qui pourra être défini par décret.
De plus, pour éviter les effets d’aubaine, nous prévoyons de restreindre l’accès du dispositif aux volontaires qui sont au RSA depuis au moins un an.
Au cours de cette année de cumul, le bénéficiaire continuera à percevoir le montant du RSA ainsi que les droits connexes ouverts par l’allocation, notamment un certain nombre d’aides attribuées par les collectivités territoriales, comme les tarifs préférentiels pour emprunter les transports en commun et les tarifs sociaux de cantine scolaire.
L’intérêt du dispositif est d’offrir une stabilité financière au futur salarié pour lui permettre d’organiser le plus sereinement possible son retour à la vie active. À l’issue de cette première année, il pourra bénéficier d’un parcours emploi compétences et de la prime d’activité, complément de revenus modeste, mais pérenne et progressif. Il s’agit d’articuler la prolongation temporaire du versement du RSA avec la prime d’activité afin de lisser dans le temps la sortie du RSA en limitant les distorsions.
Le financement du dispositif sera assuré conjointement par l’État et par les départements volontaires.
La force de cette expérimentation réside dans sa simplicité et dans sa lisibilité. Plus nous ajouterons de contraintes, pour le bénéficiaire comme pour l’entreprise, plus le dispositif sera complexe et moins il aura de chances d’aboutir.
Mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi adoptée par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, près de quinze ans après sa création, le RSA fait toujours autant parler de lui.
En 2007, lorsqu’il a été pérennisé par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, le RSA a fait l’objet de lourdes critiques venues des bancs de la gauche, accusant la droite d’enfermer les Français les plus défavorisés dans la précarité. Or, quatorze ans plus tard, cette même gauche accapare le RSA pour l’ériger en totem inviolable ne pouvant ni recevoir de critiques ni faire l’objet d’améliorations : on l’a encore constaté ce matin.
Madame le ministre, souvenez-vous de la polémique que nous avons connue lorsqu’Édouard Philippe, alors Premier ministre, a repris l’idée d’une contrepartie au RSA. Cette idée avait déjà été formulée par Laurent Wauquiez en 2011 et elle lui avait également valu un flot de critiques.
Chers collègues du groupe Les Indépendants, c’est donc avec un certain courage – il faut le reconnaître – que vous nous présentez cette proposition de loi ! Sur le principe, je soutiens votre démarche, même si, à mon sens, vous auriez pu aller encore plus loin. Permettez-moi aussi de suggérer quelques pistes d’amélioration du RSA, que j’estime aujourd’hui dépassé.
Le RSA a pour but de maintenir les Français les plus pauvres dans la dignité : il n’a pas vocation à enfermer une partie de nos concitoyens dans la précarité.
J’ajoute que, même si elle passe par un revenu minimum, la dignité n’a pas l’argent pour seul gage. Les bénéficiaires du RSA eux-mêmes me le disent : l’argent, c’est bien, mais la reconnaissance aide aussi beaucoup au retour vers l’emploi. Or qu’est-ce qui apporte plus de reconnaissance et d’épanouissement que le travail et l’activité ?
Le RSA doit être une rampe vers l’emploi. Il doit impliquer une activité, y compris bénévole. Celle-ci sera toujours formatrice et épanouissante pour le bénéficiaire. En outre, elle lui permettra d’avoir des contacts au quotidien et, par voie de conséquence, une vie sociale.
La contrepartie d’activité au RSA est aussi une question de justice et de mérite. Si le dicton nous rappelle que « tout travail mérite salaire », le bon sens nous rappelle également que tout salaire ou revenu implique travail !
Alors même que le budget de notre pays est mis à mal, il faut le dire et le répéter : il est plus que temps de revoir la redistribution de l’argent public, qui n’est autre que l’argent du contribuable.
J’y insiste, la logique est non seulement financière, mais aussi et surtout humaine, et j’en suis intimement persuadé : il y va de la dignité des bénéficiaires. Il faut des contreparties obligatoires au RSA, comme quelques heures d’action civique ou d’œuvres d’intérêt général par semaine. Elles permettent de garder une activité, une sociabilité, d’acquérir de nouvelles compétences ou appétences. Elles évitent aux allocataires de sombrer dans le cercle infernal de la précarité pécuniaire et morale.
Mes chers collègues, nous devons en prendre conscience : percevoir un minimum social sans contrepartie, c’est comme recevoir l’obole. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Certains s’en satisfont, mais la grande majorité trouve cela dégradant et méprisant.
C’est bien à force de subir le mépris que les Français les plus défavorisés sont allés sur les ronds-points pour montrer qu’ils existent, pendant la crise des « gilets jaunes ». Voilà ce que nous devons voir, voilà ce qu’il faut changer.
Je voterai ce texte, mais je le considère comme le point de départ d’une réflexion plus profonde sur l’aide sociale dans notre pays. Cette dernière doit être à la fois financière et humaine : elle doit assister les Français les plus précaires tout en les encourageant à sortir de la pauvreté au lieu de les y enfermer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures cinquante.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de M. Georges Patient.)
PRÉSIDENCE DE M. Georges Patient
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Modifications de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date du 14 avril, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du mardi 18 mai, après-midi et soir, et, éventuellement, du mercredi 19 mai, après-midi, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, du projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire.
En conséquence,
– d’une part, l’examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique et du projet de loi organique modifiant la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est reporté au mercredi 19 mai, après-midi et soir, et, éventuellement, au jeudi 20 mai matin, à l’issue de l’examen des deux propositions de loi déjà inscrites à l’ordre du jour, après-midi et soir ;
– d’autre part, l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances est reporté au jeudi 20 mai, à la suite des textes déjà inscrits à l’ordre du jour, et, éventuellement, au vendredi 21 mai, matin et après-midi.
Acte est donné de ces demandes.
Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire au mardi 18 mai à 12 heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, par courrier en date du 14 avril, M. François Patriat, président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, et, par courrier en date de ce jour, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, demandent l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution présentée par MM. Alain Richard et Joël Guerriau, en application de l’article 34-1 de la Constitution, en faveur de l’association de Taïwan aux travaux de plusieurs organisations internationales.
Nous pourrions inscrire ce texte, sous réserve du respect du délai d’information préalable du Gouvernement, en complément de l’ordre du jour du jeudi 6 mai après-midi.
Comme il est d’usage lors de l’examen des propositions de résolution, les interventions des orateurs des groupes vaudront explications de vote sur le texte.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Enfin, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en accord avec le Gouvernement et le groupe Écologiste – Solidarités et territoires, et après consultation de l’ensemble des groupes politiques, le débat sur le thème : « Les enjeux nationaux et internationaux de la future PAC » serait désormais inscrit à l’ordre du jour du mardi 4 mai, le soir et le débat sur le thème : « Contrat de relance et de transition écologique, ne pas confondre vitesse et précipitation » serait désormais inscrit à l’ordre du jour du mercredi 5 mai en dernier point de l’ordre du jour de l’après-midi.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
6
Retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active (rsa)
Article 1er
I. – Pour une durée de quatre ans à compter de la parution du décret mentionné au VII, une expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active est mise en place dans les départements volontaires. La liste des départements retenus pour participer à l’expérimentation est fixée par arrêté du ministre chargé de l’action sociale.
II. – Peut bénéficier du dispositif prévu par la présente loi toute personne volontaire, bénéficiaire du revenu de solidarité active depuis au moins un an, inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi et domiciliée dans un département participant à l’expérimentation mentionnée au I du présent article.
III. – Par dérogation aux articles L. 262-2 et L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles, les revenus professionnels perçus par les bénéficiaires de l’expérimentation mentionnée au I du présent article dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée d’un an ou à durée indéterminée sont exclus pendant une période maximale de douze mois du montant des ressources déterminant l’éligibilité au revenu de solidarité active et servant au calcul de cette allocation, selon des modalités et dans la limite d’un plafond fixés par décret.
Pendant la même période, le bénéfice de la prime d’activité mentionnée à l’article L. 841-1 du code de la sécurité sociale est suspendu pour les bénéficiaires de l’expérimentation mentionnée au I du présent article.
Dans le cadre de cette même expérimentation, par dérogation au premier alinéa de l’article L. 3123-7 du code du travail et aux dispositions conventionnelles en vigueur prévoyant une durée plus longue, les bénéficiaires de ladite expérimentation peuvent être embauchés dans le cadre d’un contrat de travail prévoyant une durée de travail hebdomadaire minimale de quinze heures. Ils peuvent conclure un contrat à durée déterminée au titre du 1° de l’article L. 1242-3 du même code.
IV. – Les articles L. 121-4 et L. 262-26 du code de l’action sociale et des familles ne sont pas applicables à la décision d’un département de participer à l’expérimentation prévue par la présente loi. Les charges supplémentaires pour les départements résultant du III du présent article font l’objet d’une compensation financière par l’État dans les conditions applicables au financement du revenu de solidarité active.
V. – Au plus tard dix-huit mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, les conseils départementaux des départements sélectionnés pour l’expérimentation dressent le bilan de l’expérimentation dans un rapport. Ce rapport précise la situation individuelle des bénéficiaires de l’expérimentation avant leur entrée dans le dispositif, évalue leur situation à la sortie du dispositif, présente l’évolution du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active ainsi que celle du nombre d’emplois non pourvus dans le département au cours de la période expérimentale et décrit les dépenses occasionnées par le dispositif.
VI. – Au plus tard douze mois avant le terme de l’expérimentation mentionnée au I, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation afin de déterminer les conditions appropriées pour son éventuelle généralisation. Ce rapport évalue l’impact du dispositif sur le retour à l’emploi des bénéficiaires du revenu de solidarité active, sur l’appariement entre l’offre et la demande de travail ainsi que sur les finances publiques.
VII (nouveau). – Un décret détermine les modalités d’application de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, sur l’article.
M. Bruno Rojouan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en tant que sénateur de l’Allier et conseiller départemental de ce département pendant vingt-cinq ans, je tiens à vous présenter ma position sur le texte que nous examinons.
Comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, cette proposition de loi est issue des travaux du conseil départemental de l’Allier, lequel est à l’origine de cette initiative et l’a partagée avec l’ensemble des parlementaires du département. L’objectif est de favoriser le lien entre l’économie et l’insertion en permettant, plus qu’aujourd’hui, le cumul du RSA et d’un salaire via un nouveau dispositif.
Les départements ont toujours été attentifs à la situation des entreprises et au maintien de l’emploi. Ils sont bien souvent déjà à l’origine de politiques volontaristes et nécessaires qui ont largement structuré les démarches des publics en insertion.
C’est pourquoi cette expérimentation offre un nouveau cadre qui encourage la reprise d’activité des bénéficiaires du RSA, tout en répondant aux besoins des entreprises. Il faut savoir que, dans mon département, le nombre de foyers bénéficiaires du RSA s’élève à environ 10 000. En parallèle, le nombre d’offres d’emploi est quasiment identique. Ainsi, cette expérimentation aura tout son sens.
Le département est un échelon de proximité indispensable. Il finance le RSA, en partie sur ses fonds propres et en partie sur les contributions fournies par l’État. Face aux difficultés rencontrées, il me semble pertinent de soutenir les expérimentations visant à limiter, à terme, la hausse du nombre de bénéficiaires du RSA, en leur offrant une étape progressive vers le monde du travail. Tel est l’objectif de cette expérimentation. Ces démarches sont d’autant plus pertinentes qu’elles émanent directement des acteurs de terrain.
Pour toutes ces raisons, je soutiens cette proposition de loi afin d’accompagner cette initiative et de lui donner toutes ses chances. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.)
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Savary, Mme Gruny, M. Mouiller, Mme Deseyne, MM. Bonne et Belin, Mmes Belrhiti et Berthet, MM. Bonhomme, Bouchet, Bouloux, Brisson, Cardoux et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Cuypers, Mme L. Darcos, M. de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deromedi, Di Folco, Dumont et Estrosi Sassone, M. B. Fournier, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mmes Malet, M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, Pellevat et Piednoir, Mmes Pluchet, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Sautarel et Savin et Mme Schalck, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
précisant le nombre de bénéficiaires relevant de cette expérimentation
II. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
depuis au moins un an
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement, largement évoqué en commission, tend à ouvrir le dispositif à l’ensemble des bénéficiaires du RSA, notamment à ceux qui sont les plus proches de l’employabilité, ce qui ne se résume pas à plus ou moins un an de chômage.
On sait par expérience que les bénéficiaires de RSA se divisent schématiquement en trois grands groupes : ceux qui sont victimes d’accidents de la vie, notamment de problèmes de chômage, qui ne sont pas éloignés de l’employabilité, mais qui ont besoin d’un accompagnement pour retrouver l’emploi ; ceux qui en sont beaucoup plus éloignés, pour lesquels le département sait mener des actions d’insertion plutôt tournées vers l’insertion professionnelle, parce qu’ils ont besoin d’une formation plus adaptée et d’un accompagnement pour retourner à l’emploi, étant plus loin dans le parcours ; enfin, un troisième bloc rassemble ceux qui doivent bénéficier d’un accompagnement social en vue de l’insertion, le moment n’étant pas venu de leur proposer un retour à l’emploi, avec des actions bien ciblées que savent également mettre en œuvre les départements.
Pour que les expérimentations soient valables, il faut ouvrir le plus largement possible le dispositif et ne pas le limiter à ceux qui perçoivent le RSA depuis une certaine durée. Ce point constitue la deuxième partie de cet amendement.
La première partie vise, quant à elle, à contingenter le nombre de bénéficiaires, afin d’échapper, d’abord, à l’article 40 de la Constitution, mais aussi parce que, dans la négociation avec l’État, il faudra avancer un nombre de bénéficiaires. L’État ne va pas compenser en se contentant d’ouvrir le carnet de chèques, il dira éventuellement qu’il en finance 100, 200 ou 300, selon les départements, même si, maintenant que le Gouvernement a fait part de son avis défavorable, nous avons des raisons d’être inquiets !
Alors devra s’ouvrir une discussion sur les critères pour que cette expérimentation puisse être généralisée, avec de gros départements urbains, ceux qui sont au-dessus d’un million d’habitants, des départements intermédiaires, entre 300 000 habitants et un million d’habitants, ou des départements ruraux, de moins de 300 000 habitants. Cette discussion, madame la ministre, doit se tenir avec l’Assemblée des départements de France (ADF), qui peut très bien représenter les différents départements, et doit permettre de fixer des critères éventuellement généralisables.
Tel est le but de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Daniel Chasseing, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cette proposition de loi prévoit effectivement une condition d’un an d’ancienneté dans le RSA pour bénéficier du dispositif ; la commission a considéré que des conditions plus souples seraient préférables.
Des personnes bénéficiant du RSA depuis moins d’un an peuvent, comme l’a dit René-Paul Savary, se trouver en situation d’exclusion et c’est peut-être parmi elles que l’on parviendra à trouver des personnes motivées et volontaires pour entrer dans le dispositif prévu par cette proposition de loi.
Cet amendement tend à laisser plus de latitude aux départements pour identifier ces personnes ; son application nécessitera bien, à mon sens, des échanges avec l’ADF. En tout état de cause, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Sur le fond, nous sommes d’accord et nous partageons l’objectif d’aider et d’insérer les personnes les plus éloignées de l’emploi, notamment certains bénéficiaires du RSA, mais l’idée est aussi de faire en sorte que les dispositifs d’insertion soient proposés au plus tôt dans le parcours de la personne qui commence à bénéficier du RSA ; à défaut, nous manquerions la cible que nous souhaitons tous atteindre. Moins l’ancienneté dans le RSA est élevée, plus on a de chances de parvenir à une insertion sociale.
En revanche, nous n’approuvons ni la forme du dispositif ni l’expérimentation proposée, c’est pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.