M. Jean-François Husson. Très seul !
M. Hervé Marseille. … fût-il Président de la République, et quelle que soit sa qualité, puisse décider seul, en s’appuyant sur un conseil de défense, et prendre des mesures que nous sommes amenés à constater semaine après semaine.
J’ai écouté ce matin la réponse de M. le ministre Olivier Véran et la vôtre, monsieur le Premier ministre, à l’Assemblée nationale. Vous avez notamment dit : la démocratie, c’est la transparence ! Croyez-vous franchement que le conseil de défense soit un exemple de transparence ? (Applaudissements sur toutes les travées, sauf celles des groupes RDPI et INDEP.)
Quelle place a-t-il réellement dans nos institutions aujourd’hui ? S’il est devenu un corps central, indispensable dans l’action qui est menée aujourd’hui, le Parlement, lui, a disparu de la prise de décision. On va même jusqu’à créer des « machins » – le général de Gaulle les aurait appelés ainsi –, avec un certain nombre de citoyens tirés au sort pour savoir ce qu’ils pensent des difficultés vaccinales. Aujourd’hui, d’ailleurs, on ne les entend plus…
Le Président de la République a décidé de parler directement à l’opinion. Je pense que c’est un exercice très dangereux, comme on a pu en faire l’expérience avec l’épisode des « gilets jaunes ». Cela paraît déjà très loin, mais c’est finalement très récent. Quand on joue avec l’opinion, il faut s’attendre à ce qu’un jour cela finisse au Capitole,…
M. Gérard Longuet. Ou à la roche Tarpéienne !
M. Hervé Marseille. … ou, chez nous, sur les Champs-Élysées, avec des milliers de CRS pour protéger nos institutions.
Il y a une Constitution ; il y a des institutions. Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, je veux vous parler de cette alerte. Nous ne pouvons pas être ainsi relégués, réduits à attendre des directives, des annonces que nous découvrons sur les écrans. Cela ne peut plus durer !
Si, demain, d’autres arrivaient au plus haut niveau de l’État – les sondages sont de nature à inquiéter –, ou s’il y avait une cohabitation, comment fonctionnerait notre pays, avec de tels pouvoirs concentrés entre les mêmes mains ?
M. Bernard Jomier. Eh oui !
M. Hervé Marseille. La question est très grave. C’est un sujet qui doit nous mobiliser. Cela n’est pas encore inquiétant, mais nous devons être en alerte.
Monsieur le Premier ministre, vous avez aussi parlé à l’instant même des élections, qui doivent donner lieu à un débat dans les prochains jours. Je vous en remercie. Vous aviez précédemment déclaré que vous vous appuieriez sur les conclusions du conseil scientifique. Je reconnais, comme vous, que celles-ci sont « balancées ». Le conseil scientifique s’est appuyé sur le principe de Chevallier et Laspalès, célèbres humoristes : « C’est vous qui voyez ! » (Rires.)
Évidemment, monsieur le Premier ministre, il va falloir trouver d’autres éléments. Pour notre part, nous considérons qu’il y a des dates électorales, des modes de scrutin, et que, sauf événement extrêmement important, il n’y a pas lieu de modifier le processus.
Mon dernier point, monsieur le Premier ministre, porte sur l’Europe. Beaucoup des sujets dont nous parlons relèvent de l’action européenne. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler ici, notamment au moment des questions d’actualité au Gouvernement. Le plan de relance nous inquiète, parce qu’il y aura aussi un après, et nous devons nous y préparer. Nous sommes inquiets, je le répète, de ce qui se passe en Allemagne, avec la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, car 750 milliards d’euros sont en jeu. Nous sommes inquiets du problème des frontières ; nous sommes inquiets, évidemment, des problèmes de vaccins, et c’est en Europe que tout cela se passe.
En Italie, on a fait un gouvernement d’union, qui va de M. Salvini à la gauche italienne. On voit les efforts de Mme Merkel avec les Länder. Tout est très compliqué et c’est un énorme travail. Nous vous faisons confiance, monsieur le Premier ministre, mais, de grâce, adoptez une autre pratique institutionnelle. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SER, GEST et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, le 29 octobre dernier, vous veniez déjà devant nous pour annoncer des mesures nécessaires au vu de l’évolution de la situation sanitaire. J’avais souligné la difficulté de votre tâche, ainsi que la responsabilité qui était la vôtre devant les Français. Malgré les errements, malgré les fautes, malgré la trop grande verticalité de votre gestion de crise, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avait voté en faveur de votre déclaration.
Notre vote ne valait pas soutien à l’action de votre gouvernement. Notre vote ne valait pas quitus pour votre gestion de la crise. Nous avions voté en faveur des Français et de leur santé.
Cinq mois plus tard, la situation a changé, ou, plutôt, elle n’a pas changé. Vous n’avez pas tiré les enseignements des précédentes séquences. La gestion de l’épidémie s’est dégradée. La concentration du pouvoir s’est renforcée.
Cinq mois plus tard, vous êtes devant nous et nous ne savons pas pourquoi, monsieur le Premier ministre. En déclinant les propos de l’oracle présidentiel, vous ne nous associez pas. Le vote du Parlement serait unanimement défavorable que cela ne changerait rien !
M. Vincent Segouin. Exactement !
M. Patrick Kanner. Cela fait des mois que nous vous demandons plus de transparence, plus de clarté, plus de démocratie sanitaire. Cela fait des mois que vous balayez d’un revers de main nos nombreuses propositions. Cela fait des mois que vous prenez les chambres parlementaires pour un paillasson au service de la doxa élyséenne. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Parlement vote… Oui, il vote, quand il a discuté un texte, un texte qu’il a travaillé, un texte qu’il a amendé. Là, on ne discute de rien ; on n’amende rien. On acclame ou on conspue. C’est toujours le même schéma : le bunker du conseil de défense suffit ; la parole du président suffit ; le Premier ministre répète et le Parlement enregistre.
M. François Bonhomme. Bravo !
M. Patrick Kanner. Vous me pardonnerez donc, monsieur le Premier ministre, que mon intervention se fonde sur l’intervention du Président de la République plutôt que sur la vôtre.
Le Président de la République, hier soir, a tenu à justifier son action pour éviter tout mea culpa. Si certaines erreurs ont été confessées du bout des lèvres, aucun mot n’a été prononcé pour les morts de la pandémie, ou si peu. Pour combler ce manque, je tiens à avoir une pensée pour nos compatriotes qui ont été touchés par ce virus, avec parfois des conséquences sur le long terme, pour ceux qui ont perdu des proches, pour ceux qui se battent actuellement contre cette maladie. Bientôt, plus de 100 000 des nôtres ne seront plus à nos côtés – probablement davantage, si l’on compte les effets des nombreuses déprogrammations dans nos hôpitaux.
Nous payons aujourd’hui les conséquences des choix du Président de la République. Il faut le dire ! Il décide seul, il doit assumer seul.
Il dit avoir gagné du temps de liberté pour les Français, mais de quelle liberté parlons-nous ? Depuis la fin de janvier, chaque semaine, les Français sont en alerte devant les rumeurs d’une intervention présidentielle. Chaque semaine ou presque, de nouveaux territoires sont touchés par des restrictions.
L’exécutif s’est félicité pendant de longs mois, déraisonnablement, de ne pas avoir écouté les scientifiques, qui préconisaient des mesures de freinage plus fortes dès la fin de janvier en raison de l’apparition des variants. Pourtant, la flambée annoncée a bien eu lieu : nous sommes en plein dedans !
Ainsi, sans y associer le Parlement ou les Français, votre gouvernement applique la décision du Président de la République en laissant le virus circuler à un niveau élevé depuis deux mois. Pourtant, le conseil scientifique avait indiqué à la fin de janvier : « Si nous ne réussissons pas à endiguer la progression du virus avec des mesures fortes, nous risquons d’être confrontés à des pics épidémiques similaires à ceux observés en mars-avril et novembre 2020, voire plus élevés. »
Vous-même, monsieur le Premier ministre, le 28 janvier, lors d’un fameux comité de liaison parlementaire, alors que le variant anglais ne représentait que 10 % des infections, vous nous affichiez des projections qui montraient un emballement inévitable de l’épidémie. (M. le Premier ministre fait un geste de dénégation.) Ces projections plaidaient clairement pour de nouvelles mesures. Vous-même, tout comme votre ministre de la santé, en sembliez convaincu. J’ai mes notes, j’ai les expressions que vous-même et M. Véran aviez employées à l’époque !
Nous soutenions de telles mesures, d’ailleurs, car nous les savions nécessaires. Les Français étaient prêts pour ces nouveaux sacrifices. Mais non, l’épidémiologiste en chef, celui pour qui aucun sujet n’est inaccessible au vu de son intelligence hors du commun, en a décidé autrement !
Le pari du « trou de souris » du Président de la République est perdu. Qu’il le dise, qu’il l’assume, qu’il s’excuse, car cela aurait pu être évité ! Lui qui voulait écarter la perspective d’une dictature sanitaire a provoqué une débâcle.
Le résultat de cette débâcle est un nouveau confinement et le tri des patients. Voilà deux termes que l’on n’entend pas, encore aujourd’hui, dans la bouche des membres de l’exécutif : « confinement » et « tri ». Mais ce n’est pas parce que l’on ne nomme pas les choses qu’elles n’existent pas.
Quand on restreint la liberté de circulation, quand on ferme les écoles, quand on ferme les commerces, on confine !
Quand on déprogramme massivement des opérations, on trie !
M. Julien Bargeton. Non !
M. Patrick Kanner. Cette politique résulte du choix fait par un homme, dans une démarche de concentration excessive de ses prérogatives constitutionnelles. Je le rappelle à cette tribune : la politique de santé ne fait pas partie du domaine réservé du Président de la République ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Et si le Gouvernement peut restreindre les libertés par décret, comme vous l’avez rappelé ce matin, monsieur le Premier ministre, c’est bien parce que le Parlement lui a délégué cette possibilité par ordonnance.
M. Patrick Kanner. Nous connaissons la complexité d’une telle crise, nous ne nions pas les difficultés de gestion qu’elle entraîne et nous sommes toujours prêts à agir à vos côtés, mais il faut nous en donner la possibilité.
Dès cet automne, nous vous avons interrogé sur l’organisation de la stratégie vaccinale, notre seul espoir pour sortir de cette crise sanitaire. Nous appelions le Gouvernement à mettre en place rapidement un plan clair, net et précis de vaccination. Ce n’était pas de la polémique, mais un appel à la prise en compte de l’urgence absolue par l’exécutif.
Vous étiez rassurant, vous nous affirmiez que vous étiez dans l’action, alors que quelques semaines plus tard vous n’avez été que dans la réaction ! C’est le dos au mur que vous réagissez, comme d’habitude, comme aujourd’hui.
Ce retard a un coût économique, social et humain important. Ce manque d’anticipation, associé à une stratégie assumée de la lenteur, à laquelle vous avez heureusement renoncé, doit s’effacer au profit d’une mobilisation générale que vous annoncez, mais qui ne se traduit pas encore dans les chiffres. Voici le résultat : en France, seule 13 % de la population a reçu au moins une dose de vaccin. Nous sommes au-delà de la vingtième place des pays qui vaccinent le plus.
M. Patrick Kanner. Je connais votre argument, monsieur le Premier ministre : notre situation n’est pas pire qu’ailleurs.
M. Patrick Kanner. Votre position me fait penser à cet adage québécois bien connu : « Quand on se regarde, on se désole ; quand on se compare, on se console. »
Monsieur le Premier ministre, nous ne voulons pas être consolés ; nous voulons être les plus performants et tout faire pour que l’Europe ne soit pas le bouc émissaire de ces difficultés.
Le 3 décembre dernier, vous nous annonciez que 15 millions de personnes seraient vaccinées avant le printemps, soit la fin du mois de mars.
M. Patrick Kanner. Nous y sommes : 8 millions de personnes ont reçu une dose, soit la moitié de ce que vous aviez annoncé. Les retards de livraison n’expliquent pas tout. Quid de la désorganisation ? Quid des volte-face sur les vaccinodromes ?
Hier soir, le Président de la République a annoncé de nouvelles arrivées de vaccins, ainsi que la production de vaccins en France. Tant mieux, mais donnez-nous des chiffres, montrez-les-nous, expliquez-nous comment vous allez réaliser cela. C’est ainsi qu’on associe à son travail le Parlement et les Français.
Hier soir, le Président de la République a annoncé un plan de sortie de crise. Il aurait pu parler de déconfinement, comme au printemps dernier. Sur ce sujet, je ferai les mêmes requêtes : donnez-nous des chiffres, montrez-les-nous, expliquez-nous ! Comment vous croire, alors que le Président de la République ou le porte-parole du Gouvernement, dans un savant mélange de Madame Irma et de Pinocchio (Rires.), annonçaient un retour à la vie normale à la mi-avril et que nous discutons aujourd’hui d’un confinement auquel vous êtes maintenant acculé, pour ne pas avoir su l’anticiper ?
Hier soir, le Président de la République a annoncé de nouveaux lits de réanimation. Comment monter à 10 000, alors qu’il y a moins d’un an vous en promettiez beaucoup plus et que vous n’avez pas pu tenir vos promesses ?
M. Patrick Kanner. Comment vous faire confiance aujourd’hui quand les soignants sont à bout et que le Ségur de la santé a changé si peu de choses ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Ce n’est pas vrai !
M. Patrick Kanner. Les mesures que vous prenez aujourd’hui sont nécessaires, mais nous regrettons qu’elles arrivent trop tard et que votre procrastination sanitaire empêche de continuer une politique territorialisée que vous avez mis bien du temps à mettre en place, malgré les demandes des élus locaux.
Avoir laissé les écoles ouvertes est effectivement une fierté pour notre pays. Nous regrettons qu’il faille les fermer aujourd’hui, sans que les tests salivaires aient été livrés ou que la continuité pédagogique ait pu être facilitée par des investissements qui auraient permis de surmonter la précarité numérique de nombreux élèves. Nous l’avions proposé ; vous ne l’avez pas fait. Aujourd’hui, il faut, avant le 26 avril pour certains, ou le 3 mai pour d’autres, vacciner 1,2 million de personnes : les enseignants et encadrants dans les écoles, collèges et lycées de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE.)
Par ailleurs, le ruissellement de la dette publique sert d’amortisseur économique et social. Nous avons soutenu vos décisions, mais nous voulons savoir comment aller plus loin, alors que la crise révèle et exacerbe les inégalités, mais que vous n’entendez pas nos propositions dans tous ces domaines : statut des travailleurs précaires, fracture numérique et éducative, aide alimentaire, situation des étudiants les plus fragiles.
Nous avons demandé que l’on prévienne le risque d’accroissement des situations de précarité et de pauvreté. Le RSA pour les moins de 25 ans : rejeté ; le débat sur le statut des travailleurs des plateformes : rejeté !
Pour éviter d’accroître encore la précarité et les inégalités, nous avons proposé des solidarités fiscales nouvelles, des fonds de soutien, des orientations ciblées pour le plan de relance en faveur des ménages les plus fragilisés. Quand nous proposons une réévaluation des aides au logement et la suppression de la réforme de ces mêmes aides, qui pénalise les jeunes qui entrent sur le marché du travail, vous répondez par la relance de la réforme de l’assurance chômage.
Nous avons fait des propositions visant à préserver l’activité locale de proximité, en demandant un traitement différencié et une meilleure concertation avec les élus locaux pour pallier le manque de confiance des commerçants dans les aides de l’État ; rien n’a changé ! L’économie de proximité doit être mieux identifiée comme une priorité de la relance ; rien n’a été retenu par votre gouvernement.
Pour ne pas confiner la démocratie, monsieur le Premier ministre – vous avez évoqué ce sujet à la fin de votre discours –, nous avons également proposé, à de multiples reprises, des mesures qui permettent la tenue des scrutins départementaux et régionaux dans les meilleures conditions, mesures d’ailleurs recommandées dans le rapport du conseil scientifique. Vous n’avez pas voulu les reprendre ; je le regrette.
En conclusion, monsieur le Premier ministre, vous avez voulu freiner, mais ça n’a fait qu’accélérer. Vous avez voulu freiner pour ne pas enfermer, mais vous devez maintenant enfermer pour freiner, alors que le train de la covid-19 est lancé à pleine vitesse : 40 000 à 50 000 cas par jour !
Votre gestion de la crise est un jour sans fin pour la France. Les Français ne sont pas résilients, monsieur le Premier ministre : aujourd’hui, ils sont résignés. Ils attendent autre chose. L’annonce de la lumière au bout du tunnel, tellement invoquée, nous amène à nous interroger sur la crédibilité de votre stratégie et, peut-être plus encore, sur celle de votre stratège.
Vous avez accepté que nous vivions avec le virus, alors que nous aurions dû nous donner comme objectif de l’éradiquer au plus vite.
Face à cette parodie politique, face à cette mascarade de démocratie, face à ce simulacre de concertation, nous avons décidé de ne pas être les faire-valoir de l’exécutif. Le Sénat ne disposant pas du pouvoir de censure, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne participera pas au vote sur cette déclaration. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, hier soir, le président Macron a confessé ce que les Français savaient déjà depuis longtemps, pour en avoir subi les conséquences graves : il a confessé qu’il avait « commis des erreurs ».
Voyez-vous, monsieur le Premier ministre, le problème est que vous en commettez encore et que leurs conséquences ne seront pas moins importantes que celles des précédentes, notamment en matière de promesses non tenues sur la création de lits en réanimation.
Nous avons également entendu dire hier soir que « l’irresponsabilité de quelques-uns ne doit pas miner les efforts de tous ». Les Français seraient-ils encore montrés du doigt, ou le Président parlait-il tout simplement de votre gouvernement ?
Face à l’offensive du variant anglais, toutes ces nouvelles mesures liberticides sont les conséquences directes du Waterloo de la vaccination, qui marque la déroute de votre gouvernement. En effet, alors que nous attendons votre intervention salvatrice, à l’image de Grouchy, vous êtes désespérément aux fraises, monsieur le Premier ministre !
Au moins, à Waterloo, les chefs étaient en première ligne. Vous, vous êtes en retrait, en retard, et chaque jour la bataille de la vie est perdue pour des dizaines, voire des centaines de nos compatriotes.
Vous n’avez qu’un horizon à offrir à notre peuple : promettre des lendemains qui enferment !
Vos annonces condamnent les étudiants et les plus jeunes à la détresse, les ouvriers à rester exposés, les indépendants et les commerces de proximité, dont il est scientifiquement reconnu qu’ils ne constituent nullement un lieu de contamination, à fermer définitivement.
Quant à la mère ou au père qui va pouvoir télétravailler, il devra « en même temps » faire la classe à son enfant, voire à ses enfants. On lui souhaite beaucoup de courage et d’abnégation !
La dette est si abyssale qu’elle va se transformer en trou noir, car votre confinement coûte à la France, selon Bercy, 365 millions d’euros par jour !
Nos compatriotes sont condamnés à être tributaires d’un calendrier de la vaccination très incertain en raison, entre autres choses, de votre « poutinophobie », qui vous pousse encore à refuser le vaccin russe que les Allemands et les Italiens ne se privent pas de commander par millions.
Et que dire de l’absence totale, voire du rejet de tout traitement qui permettrait de contenir la flambée d’hospitalisations ! Je pense au traitement du professeur Raoult, à Marseille, traitement qui avait pour seul tort non pas d’être dangereux, mais de soigner quasiment gratuitement : un véritable cauchemar, un virus, un empêcheur de se goinfrer en rond pour les grands laboratoires ! Le professeur Raoult a été banni en même temps que son traitement, dont nombre d’élus marseillais et personnalités de haut rang ont pu bénéficier !
Tout cela est-il le résultat de votre incompétence, monsieur le Premier ministre, ou d’une véritable stratégie ? On en vient à croire que ces décisions vous conviennent.
Le confinement comme l’état d’urgence sont une solution de facilité pour ne pas régler les problèmes structurels de l’hôpital, de la recherche, de l’industrie et de la souveraineté, gage de la liberté de décision.
En ces temps d’enfermement tous azimuts, la vérité nous rend libres. Or, à la vérité, le retour – la résurrection, si j’ose dire – de nos libertés n’est annoncé ni pour dimanche, ni pour lundi, ni pour les semaines à venir.
Quant à moi, je ne saurais cautionner cet enfer économique, social et autoritaire dans lequel vous souhaitez enfermer le pays un mois de plus. (M. Alain Duffourg applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, une fois de plus, la vague est montée ; une fois de plus, l’hôpital est submergé ; une fois de plus, le Président a parlé ; une fois de plus, le Parlement est pris en otage ; une fois de plus – la troisième –, la France est confinée.
Monsieur le Premier ministre, dans quelques instants, vous allez nous demander de voter, mais ce sera un vote pour rien, parce que c’est un vote sur rien. Vous allez nous demander de voter sur des annonces qui ont déjà été faites ; vous allez nous demander de voter sur des mesures à prendre qui ont déjà été prises !
M. Bruno Retailleau. Hervé Marseille a raison : nous avons l’électricité et la télévision, nous avons regardé hier les annonces faites par le Président à la télévision.
À quoi bon voter, si tout est décidé ? Il y a là un paradoxe : c’est trop facile de vouloir nous faire voter quand tout est décidé et, lorsque nous aimerions avoir des votes, de nous les refuser.
Souvenez-vous : au moment de l’un des débats sur la reconduction de l’état d’urgence, le Parlement, ou plus précisément le Sénat a proposé qu’un vote soit organisé lorsque le confinement devrait être prorogé d’un mois. C’était normal, c’était un contrôle démocratique, mais vous nous aviez refusé ce vote, monsieur le Premier ministre. Votre ministre de la santé nous l’avait refusé, à l’en croire, pour notre bien ; il nous avait dit que c’était pour empêcher l’embolie des chambres. Merci pour une telle sollicitude ! (Rires.) C’est là qu’un vote aurait pu être utile.
En réalité, si j’ai employé les mots de « prise d’otages », c’est parce que, me semble-t-il, vous souhaitez que le Parlement – cet après-midi, le Sénat – soit une sorte de faire-valoir. Eh bien, le Sénat, mes chers collègues, n’est pas le faire-valoir de l’exécutif ou du Président de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)
Nous ne sommes pas, à l’évidence, des greffiers appliqués du verdict de Jupiter ! La Ve République, ce n’est pas ceci : le Président parle à la télévision et, le jour suivant, le Parlement s’exécute dans l’hémicycle. Ce n’est pas cela, la Ve République ! (Mêmes mouvements.)
Je voudrais partager avec vous, monsieur le Premier ministre, ce que de nombreux collègues, parmi lesquels les présidents d’autres groupes, et moi-même avons sur le cœur. Vous disposez, avec votre gouvernement, de pouvoirs extrêmement étendus. La contrepartie de ces pouvoirs immenses serait de veiller au contrôle démocratique et notamment parlementaire. Pour autant, vous vous ingéniez méticuleusement à marginaliser le Parlement. Vous avez recours aux ordonnances : depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, 298 ordonnances ont été prises.
Vous me rétorquerez que c’est plus rapide ainsi. Non : c’est plus long !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Absolument !
M. Bruno Retailleau. Nous avons démontré ici qu’il faut en moyenne 336 jours pour une ordonnance, contre 235 pour une loi. La loi est plus rapide ! Mais la différence essentielle, ce n’est pas la vitesse, c’est le contrôle du Parlement.
Ajoutons-y, bien sûr, le recours aux conseils de défense, et à leur opacité, ainsi que le recours à des procédures législatives expéditives : tous les textes, sauf le projet de loi relatif à la bioéthique, sont examinés selon la procédure accélérée, parce que, encore une fois, le temps du Parlement serait un temps perdu !
Ajoutons-y, enfin, la floraison des comités Théodule.
On ne peut pas s’en réjouir, même au sein de l’exécutif, monsieur le Premier ministre. Je vous mets en garde, parce que la démocratie, ce sont aussi des contre-pouvoirs. Ce serait pour le Président de la République céder à une illusion dangereuse que de conforter les Français dans la croyance naïve en un homme seul qui serait capable de tout, capable de tout prendre en charge.
En effet, quand il y a défaillance dans la prise en charge et que, parallèlement, les mécanismes démocratiques parlementaires ne sont plus au rendez-vous, que se passe-t-il ? La nature a horreur du vide ! On met en place un face-à-face, on ubérise la politique, on supprime tous les intermédiaires, jusqu’au Parlement, et que se passe-t-il ? Comme la nature a horreur du vide, d’autres mécanismes se mettent en place.
La démocratie consiste à rendre des comptes. Aux heures les plus graves de notre histoire, pendant la Première Guerre mondiale – relisez votre histoire ! –, cette démocratie n’a pas été un obstacle à la gestion d’une crise énorme : elle a été une ressource. (M. Roger Karoutchi renchérit.)
Or quels sont ces mécanismes qui se mettent en place ? Ce sont les réseaux sociaux, où chacun peut, l’espace d’un temps, s’efforcer de devenir un procureur, un Fouquier-Tinville. Vous le savez bien ! Voilà ce que l’on risque quand on veut le face-à-face avec le peuple, comme le rappelait l’un des orateurs qui m’ont précédé.
Quel est l’autre mécanisme qui se met en place, puisque la responsabilité démocratique devant le Parlement est insuffisante ? On appelle les ministres à la barre. Je désapprouve cette judiciarisation, comme j’ai désapprouvé les perquisitions menées, à six heures du matin, chez un ministre de la santé qui a évidemment autre chose à faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vous rends ainsi un peu de cette sollicitude dont vous aviez fait preuve en nous protégeant de l’embolie, monsieur le ministre ! (Sourires.)