M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ah ! la voiture ! Cet objet de culte qui a fait rêver tous les enfants du monde, mais aussi les adultes, monsieur Moga !
Aujourd’hui, les enjeux autour de nos véhicules ont bien changé. Ils s’inscrivent dans les transitions que nous avons amorcées. Nous avons encadré ces évolutions dans la loi d’orientation des mobilités et étudierons de nouveau la question dans les discussions qui auront lieu ces prochains mois.
Les voitures anciennes occupent une place toute particulière dans le cœur des Français. Environ un million de voitures anciennes sont en circulation sur notre territoire, ce qui représenterait 1,5 % du parc roulant. Les collectionneurs sont nombreux et passionnés dans notre pays. C’est pourquoi je salue l’esprit du texte que nous examinons aujourd’hui, qui vise à la création d’une vignette « collection » pour les véhicules d’époque.
Cependant, je comprends aussi les arguments avancés par M. le rapporteur et dont nous avons discuté en commission, qu’il s’agisse de la complexité juridique du mécanisme dans le cadre existant des zones à faibles émissions mobilité (ZFEM) ou du volet réglementaire qui est privilégié.
À ce titre, je me félicite de la discussion en cours entre le milieu associatif et le ministère de la transition écologique, mais je reste persuadé que les solutions à l’échelon local sont plus pertinentes.
Je suis également sensible à la problématique de la pollution de l’air, dont le trafic routier est l’un des grands responsables. Notre pays a d’ailleurs été condamné par la Cour de justice de l’Union européenne pour manquement aux obligations issues de la directive concernant la qualité de l’air.
Cependant, les voitures anciennes ne représentent qu’une faible part de nos émissions : elles sont peu nombreuses et parcourent, chaque année, un kilométrage bien inférieur à la moyenne des véhicules en circulation en France. Leur impact est donc minime.
Il me paraît aujourd’hui crucial de préciser la définition et le cadre juridique des véhicules de collection. Il est essentiel d’ouvrir des discussions sur les conditions à remplir, afin de savoir où placer le curseur en la matière. Cela rendra l’identification de ces véhicules plus facile.
J’aimerais également revenir sur les dérogations créées, d’abord en soulignant, comme beaucoup l’ont fait, que des dérogations locales sont déjà autorisées au niveau des ZFEM. Ces territoires ont tous accordé une dérogation aux voitures de collection. J’espère que les prochaines ZFEM feront de même.
En effet, le monde du véhicule ancien est aussi un secteur économique important, avec des milliers d’emplois et un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros. Ce sont de nombreuses manifestations qui rassemblent des passionnés du monde entier. Ces manifestations sont sportives, mais elles peuvent aussi être amicales et présenter simplement une dimension ludique, comme lors d’une balade dans une vieille Renault Dauphine.
C’est une tradition française, mais c’est souvent aussi notre histoire familiale. Je pense aux souvenirs de nos parents ou de nos grands-parents en Peugeot 403. C’est aussi l’histoire de fleurons industriels français, le cahier des charges de la Citroën 2 CV, ou encore l’évolution spectaculaire du design de la DS.
Les enjeux autour de la voiture sont aujourd’hui différents. Nous cherchons désormais à développer des infrastructures de mobilité qui s’éloignent de ce que l’on appelle le « tout-voiture ». Cette politique permettra de désenclaver les territoires ruraux et très peu denses, tout en luttant contre la pollution atmosphérique. On construit des voitures plus propres. J’encourage bien sûr ces évolutions pour nos citoyens et nos territoires.
Cependant, il suffit de voir les yeux pétillants des collectionneurs de voitures devant leur bolide pour comprendre les passions que suscite cette proposition de loi.
Les véhicules électriques ne remplaceront jamais – hélas ! – les odeurs d’huile,…
M. Gérard Longuet. L’huile de ricin !
M. Pierre Médevielle. … de carburant et de cuir propres à ces œuvres d’art de l’industrie automobile.
Pour toutes ces raisons, mon groupe soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons un impératif : la lutte contre la pollution de l’air et ses conséquences sanitaires désastreuses.
Les zones à faibles émissions (ZFE), les dispositifs de restriction de circulation des véhicules les plus polluants, sont donc des leviers nécessaires qui doivent être maniés de façon suffisamment ferme pour donner des résultats.
Pour autant, d’autres impératifs de service public, d’intérêt général, justifient que soient ménagées des dérogations, par exemple pour les services de police ou les services d’incendie et de secours. Tout le monde le comprend.
Les voitures de collection méritent-elles une dérogation ?
Oui, si l’on considère que l’intérêt général nécessite aussi la préservation de notre patrimoine et la pérennité des savoir-faire d’une filière artisanale de maintenance et de rénovation. Oui, si l’on considère que leur usage réel, quand il est raisonnable, en fait une source d’émissions marginales. En termes de santé publique et de qualité de l’air, leur interdiction n’améliorerait quasiment rien.
Comme alsacien, je connais un peu le fameux modèle allemand d’exemption : celui-ci est effectivement cohérent, pratique et donne satisfaction. Ce modèle nous montre qu’il est possible de bien cadrer, en jugulant les effets d’aubaine par une labellisation rigoureuse, un dispositif permettant de concilier lutte contre les motorisations polluantes et maintien d’une culture populaire de préservation et d’usage récréatif des belles voitures d’autrefois.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Le souci est qu’elle n’emprunte pas la bonne voie. On le sait, puisque Mme la rapporteure nous l’a rappelé en commission, puis le président Longeot tout à l’heure, la loi prévoit que les dérogations pour les zones à faibles émissions sont accordées par voie réglementaire. C’est ce qu’ont fait toutes les ZFE actuelles, puisqu’elles ont concédé des dérogations aux voitures de collection. C’est ce que le ministère prépare éventuellement, les discussions à ce sujet étant en cours.
Notre groupe préfère la voie réglementaire qui nous semble être le bon levier pour atteindre l’objectif. Voilà pourquoi nous ne voterons pas ce texte.
Et puisqu’il est question de patrimoine, je conclurai en paraphrasant ce petit bijou qu’est la chanson de Charles Trenet À la porte du garage, chanson qu’évoquait dernièrement notre collègue Gérard Lahellec en commission. Charles Trenet était prophétique : oui, vivement que dans nos zones à faibles émissions apaisées et respirables, les vélos rencontrent parfois une poétique voiture d’époque « en freinant bien pour ne pas la dépasser » ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme la poule au pot sous Henri IV, l’automobile reste « un lieu de mémoire heureux dans l’imaginaire des Français ». Voilà comment l’historien des transports Mathieu Flonneau caractérisait, dans un entretien donné en 2019 au journal Le Monde, le rapport des Français à l’automobile.
Oui, nos concitoyens demeurent attachés à la culture automobile et à ce patrimoine historique qui nous ramène aux plus grandes heures de notre mémoire collective, qu’elles soient heureuses ou sombres. Rappelez-vous, mes chers collègues, ces célèbres tacots que furent les taxis de la Marne ou bien encore, dans un autre registre, le gang des tractions avant.
L’automobile, même si elle est synonyme d’innovations permanentes, n’oublie pas pour autant son passé et ne manque jamais de célébrer ses ancêtres, avec un parc de véhicules de collection évalué à près de 300 000 dans notre pays. Souvent remises à neuf pour contrer les ravages du temps, bichonnées par leurs propriétaires qui y consacrent temps, moyens et énergie passionnée, ces véhicules forcent le respect, d’autant plus quand on les croise lors de leurs balades dominicales.
La proposition loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans un moment particulier de notre histoire. La nécessité qui est la nôtre, qui doit être notre mantra collectif, est « d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ».
Nous savons toutes et tous que la transition écologique est une véritable priorité pour le bien-être collectif et même la survie de nos civilisations.
Mais nous avons à relever le défi de la transition écologique ensemble : nous ne le relèverons pas les uns contre les autres, et encore moins les uns au détriment des autres. Voilà l’esprit qui doit nous animer lors de l’examen à venir du projet de loi Climat et résilience et de son article 27, qui fixe l’entrée en vigueur de zones à faibles émissions dans les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants d’ici au 31 décembre 2024.
Cette annonce a fait du devenir des véhicules de collection l’objet de tous les fantasmes, mais il est bon en la matière de conserver la tête froide et de raison garder. Comme notre rapporteur Évelyne Perrot, que je veux saluer ici pour la grande qualité de son travail sur un sujet très complexe, je partage l’analyse selon laquelle il revient aux collectivités territoriales, si elles le souhaitent, d’accorder des dérogations à cette catégorie de véhicules.
L’esprit de la loi d’orientation des mobilités, qui a instauré ce mécanisme, est bien de faire des ZFE des outils à la disposition des collectivités territoriales, lesquelles ont jusqu’ici toujours accordé une dérogation aux véhicules de collection.
Une disposition législative spécifique pour les voitures de collection n’est pas indispensable, car elle s’articulerait mal avec le cadre juridique existant en matière de déploiement des zones à faibles émissions mobilité.
Notre débat a le mérite d’envoyer un signal positif au-delà de la seule communauté des propriétaires de véhicules de collection. En effet, nous voyons bien qu’il n’y a ni urgence ni péril. Bien au contraire, on assiste à un travail permanent de concertation et d’échanges entre les différents acteurs.
Monsieur le ministre, je vous sais très attaché à la concertation et au travail qui est conduit actuellement avec la Fédération française des véhicules d’époque. Comme l’a dit un jour Isaac Newton, « lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité est double ».
Les collectivités, partenaires de tant de manifestations autour des voitures de collection, empruntent aussi la voie de la concertation avec ces acteurs, qui sont des garants ; il serait vain de le négliger.
Pour toutes ces raisons, et parce que nous sommes attachés à l’intelligence partagée, nous nous rangerons à l’avis de notre rapporteure et de la commission en ne soutenant pas cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pollution de l’air constitue un sujet préoccupant pour nos concitoyens qui en subissent les conséquences néfastes sur leur santé. Dans les grandes agglomérations françaises, les seuils d’exposition aux particules fines (PM2,5) dépassent les niveaux fixés par l’Union européenne, seuils qui sont eux-mêmes jugés insuffisants par l’Organisation mondiale de la santé pour protéger la santé des habitants.
Cette pollution a également un coût : une étude commandée par l’Alliance européenne de santé publique, fondée sur les analyses de la qualité de l’air de 432 villes européennes, évalue le coût de la pollution à 1 602 euros à Paris par an et par habitant, et à 1 134 euros à Lyon.
Les zones à faibles émissions mobilité (ZFEM) ont été rendues obligatoires dans les territoires où les limites fixées au titre des normes de qualité de l’air sont régulièrement dépassées.
Conséquence de la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019, l’arrivée de nouvelles ZFEM ravive les inquiétudes légitimes des détenteurs de véhicules disposant de la carte grise « véhicule de collection » et de leurs admirateurs.
Ainsi, sept nouvelles zones doivent être prochainement créées, tandis que le projet de loi Climat et résilience, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, ajoutera les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants d’ici à la fin de 2024, soit trente-trois zones supplémentaires.
Or le fait d’autoriser les quelque 152 000 véhicules de collection, faiblement émetteurs de particules fines, à circuler dans les ZFE n’aurait qu’un effet insignifiant sur le dépassement des normes de qualité de l’air au sein des agglomérations.
La proposition de loi a le mérite de ne pas ouvrir la voie à d’autres revendications intégrant les 900 000 véhicules dits « historiques » ou encore les youngtimer, véhicules âgés de 20 ans à 30 ans, qui représentent environ 3 millions de véhicules.
Toutefois, la majorité du groupe du RDSE suivra l’avis de la rapporteure. En effet, il n’y a pas d’urgence à légiférer. Au sein des quatre zones existantes, les véhicules de collection, en France ou ailleurs, conservent leurs prérogatives et ne subissent pas de mesures de restriction à la circulation.
Laissons les collectivités territoriales concernées décider des modalités d’application de la loi et fixer les mesures qu’elles estiment les plus pertinentes pour améliorer la qualité de l’air des agglomérations.
Les études d’impact qui précèdent les arrêtés de création d’une ZFE éclaireront cette décision et apporteront une réponse équilibrée et adaptée au territoire, en préservant sans doute la voiture de collection, comme dans l’ensemble des pays européens ayant institué de tels instruments, quelle que soit la tendance politique.
Quelle tristesse de devoir troquer une traction avant, une Ford Mustang ou une Dodge Charger de collection contre une voiture électrique sans bruit et sans charme, d’autant plus que leur usage n’est pas identique. Certains producteurs d’automobiles ont l’intention d’électrifier des modèles mythiques, mais leur acquisition sera moins accessible.
Mes chers collègues, la proposition de loi peut soulever des questions d’équité : une partie de nos concitoyens ne peuvent plus rouler avec des voitures considérées comme polluantes pour se rendre sur leur lieu de travail. Transports en commun saturés, voies de circulation encombrées où se multiplient les conflits d’usage, quelles alternatives leur offre-t-on pour se déplacer ? Lorsque la métropole du Grand Paris entend interdire la circulation des voitures thermiques d’ici à 2030, après le diesel en 2024, cela suppose d’écarter 99 % du parc automobile actuel en neuf ans.
Malgré les diverses aides à l’achat cumulables, le reste à charge reste élevé. Dès lors, il ne nous apparaît pas opportun, d’un point de vue juridique et politique, de légiférer au profit de véhicules dont l’utilisation est restreinte à des usages non professionnels. Si le secteur du véhicule de collection devait être fragilisé dans l’avenir, envisager la publication d’un décret serait plus que souhaitable.
Bien que l’ensemble des membres du groupe du RDSE soutiennent ce patrimoine historique, une large majorité d’entre eux ne votera pas la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour commencer, je tiens à remercier notre collègue Jean-Pierre Moga d’avoir déposé cette proposition de loi que j’ai immédiatement cosignée.
Cette dernière vise à créer une vignette « collection » donnant droit à une dérogation de circulation dans les zones à faibles émissions (ZFE). Étant donné qu’une voiture de collection ne correspond à aucune catégorie du certificat qualité de l’air – Crit’Air –, le régime de circulation déjà dérogatoire doit être adapté, d’où l’intérêt de cette proposition de loi qui mérite néanmoins d’être contextualisée.
Sur l’aspect « recentralisateur » de ce texte, je ne peux que souscrire aux propos de Jean-Pierre Moga. Bien qu’étant, comme beaucoup d’entre vous, un défenseur de la différenciation territoriale, il me semblerait incohérent qu’il y ait une liberté de circulation différenciée en fonction des territoires pour des véhicules qui, par définition, vont d’un point à un autre. Cette liberté fondamentale ne doit pas s’apprécier exclusivement au niveau territorial, mais relève bel et bien du législateur. Il y va aussi d’une meilleure cohérence territoriale à laquelle je viens de faire allusion.
Pour ce qui concerne l’argument écologique opposé à cette proposition de loi, il me semble qu’il doit être nuancé. Il est vrai que les moteurs d’antan et les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent semblent, au premier abord, aller à l’encontre de l’impératif écologique sur lequel reposent toutes nos politiques publiques actuelles.
En ce sens, la circulation de ce type de véhicules pourrait être considérée comme incompatible avec le développement des ZFE.
Pourtant, l’opposition entre voitures anciennes et écologie ne nous paraît pas indépassable. La question que beaucoup se posent est de savoir si ces automobiles de collection, souvent décatalysées, et forcément plus polluantes, pèsent significativement dans la pollution globale en France.
La réponse est non : leur part très minoritaire dans le parc automobile français, leur utilisation occasionnelle, souvent à des fins de représentation, et leur circulation encadrée expliquent qu’elles ont une empreinte environnementale minime. Sur ce dernier point, l’usage non professionnel de ce type de véhicule doit être précisé : l’amendement déposé par Jean-Pierre Moga y contribue.
En définitive, la Citroën DS, si chère à Charles de Gaulle – je rappelle que, lors de l’attentat du Petit-Clamart, il a eu la vie sauve grâce à sa DS –, serait plus nocive pour l’environnement et nos poumons qu’une automobile moderne, mais si on tient compte de la variable du kilométrage dans l’équation, la nuance est de mise.
Il faut ensuite prendre en considération l’enjeu économique, comme l’a rappelé Gérard Longuet avant moi. Une restriction disproportionnée de la circulation des automobiles de collection aurait un effet néfaste sur les secteurs économiques qui en dépendent. Qu’il s’agisse d’objets roulants ou d’objets d’exposition, de tels engins réclament entretien, réparation et passion. Ils mobilisent un ensemble d’acteurs dont l’activité, qui va de la mécanique à l’organisation d’événements, est directement liée aux voitures de collection.
Enfin, la dérogation accordée aux voitures de collection se justifie par la dimension culturelle et patrimoniale de ces véhicules.
Le décret du 20 février 2017 relatif à la nomenclature des véhicules figurant à l’article R. 311-1 du code de la route et à la modification des règles relatives au contrôle technique des véhicules de collection précise qu’un véhicule de collection est un véhicule présentant un intérêt historique.
Les précédents orateurs l’ont rappelé : l’histoire de l’automobile, c’est un peu celle, non seulement de la chanson française, mais aussi du quotidien des Français. Des premières machines à vapeur aux prototypes à hydrogène, cette histoire témoigne tant du progrès technique que de l’évolution des modes de vie.
Vous serez d’accord avec moi pour dire que la 2 CV, la Méhari, l’Alpine ou encore la Dauphine sont les témoins de leurs époques et de nos vies. L’utilité fonctionnelle d’une voiture se transforme au fil des décennies en valeur symbolique, donc patrimoniale.
C’est pourquoi nos concitoyens vouent un véritable culte à ces reliques roulantes. Par exemple, le salon Retromobile, organisé chaque année à la porte de Versailles, a attiré en 2019 plus de 130 000 visiteurs en quelques jours.
Une telle tendance est également perceptible dans les territoires. Ainsi, mon département des Hautes-Alpes accueille régulièrement des manifestations de cette nature. Je pense notamment au rallye Monte-Carlo historique. Les lacets des cols haut-alpins et les paysages montagnards servent également de cadre à un certain nombre d’événements mettant en valeur l’histoire de l’automobile. À titre d’illustration, la tenue des 24 heures des Hautes-Alpes, course historique d’une durée de vingt-quatre heures, conjugue des aspects culturels, sportifs, touristiques et patrimoniaux.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris : même si j’ai parfaitement entendu les critiques exprimées à cette tribune, j’appelle, comme un grand nombre d’élus du groupe Union Centriste, à voter cette proposition de loi. Faisons en sorte d’adapter l’usage des voitures de collection à notre temps tout en préservant la liberté de regarder une partie de notre histoire dans le rétroviseur ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Vivette Lopez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand, dans un débat, vient le tour du dernier intervenant, tout a déjà été dit, ou presque : peut-être mon propos liminaire fera-t-il exception.
En cette semaine où la femme est mise à l’honneur, j’introduirai mon propos avec une anecdote survenue en 1898 et dont la protagoniste est la fameuse duchesse d’Uzès, bien connue dans mon département du Gard.
Cette femme d’exception était en effet une pionnière de l’automobile féminine. Alors que le permis de conduire n’était pas nécessaire, elle avait obtenu, en 1898, une autorisation préfectorale pour conduire une voiture ; mais elle avait dû rapidement s’acquitter d’une amende de 5 francs pour « avoir circulé avec une vitesse exagérée dans le bois de Boulogne au risque de commettre un accident ». Il est vrai qu’elle roulait à quinze kilomètres à l’heure, alors que la vitesse était limitée à douze kilomètres à l’heure à Paris. (Sourires.) C’est cette même femme qui, en 1926, à l’âge de 79 ans, eut la bonne idée de créer l’Automobile club féminin de France.
J’ai donc une pensée pour elle aujourd’hui et, non sans un peu d’humour, je me pose cette question : avec son fort caractère, que penserait-elle des mœurs de notre époque, qui nous conduisent à débattre d’une vignette permettant de conduire une voiture de collection qu’elle affectionnerait très certainement ?
Il est vrai que cette question somme toute assez confidentielle peut paraître étonnante au regard des grands enjeux auxquels nous devons faire face actuellement.
Pourtant, deux aspects de cette proposition de loi me semblent devoir retenir l’attention. D’une part, ces voitures représentent un patrimoine historique que nous devons préserver, à l’instar des passions qu’elles animent chez certains de nos concitoyens. D’autre part, la mesure et le bon sens doivent prévaloir dans notre approche du respect de l’environnement, faute de quoi nous risquons de perdre l’adhésion des Français.
Tout d’abord, j’insisterai sur la valeur de ce patrimoine historique. Le sujet qui nous réunit aujourd’hui souffre parfois de clichés et de raccourcis. De quoi parle-t-on exactement ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’automobile ancienne n’est pas réservée à une élite de collectionneurs fortunés, comme le rappelle une étude menée par les organisateurs du salon Retromobile qui fait référence en la matière.
Au total, 250 000 familles, les membres de 5 000 clubs ou associations investissent leur temps libre, leurs économies et mettent en œuvre une solidarité bienveillante pour partager, lors de près de 10 000 événements annuels, les bienfaits de ces liens sociaux qui nous font tellement défaut en cette période de crise sanitaire.
En outre, 90 % des véhicules concernés sont ceux qui nourrissent l’imaginaire de la France d’après-guerre, celle des Trente Glorieuses : 4 CV, 2 CV, traction avant, DS, Ami 6, Renault 4, Peugeot 203, 403 ou 404 en sont les représentantes aux côtés de véhicules de marques étrangères ou de véhicules d’exception.
Par ailleurs, cette filière, constituée principalement d’artisans et de très petites entreprises, compte plus de 20 000 emplois dans plusieurs secteurs d’activité de notre économie. Qu’il s’agisse de carrosserie, de mécanique, de négoce ou encore d’événementiel, cette activité est en croissance et son chiffre d’affaires annuel est évalué à 4 milliards d’euros. Sa préservation doit donc être encouragée, notamment au titre de sa singularité patrimoniale.
C’est la préservation de l’environnement et le respect des normes Crit’Air qui nous conduisent à légiférer, alors même que l’Assemblée nationale est en train de débattre du projet de loi relatif au climat.
Il apparaît à certains d’entre nous que la création d’une vignette envoie un mauvais signal aux Français et ouvre la voie à de nombreuses autres dérogations. Je ne partage pas cette analyse.
Les véhicules historiques représentent en effet moins de 2 % du parc de véhicules et 0,05 % des kilomètres parcourus. Ainsi, au regard des bénéfices tout à fait négligeables, voire indémontrables, qui en résulteraient pour la qualité de l’air dans les zones concernées, une interdiction ou des restrictions de circulation seraient totalement disproportionnées. En revanche, elles auraient des conséquences ravageuses pour de nombreux secteurs d’activité.
Doit-on contraindre les propriétaires de véhicules de collection à ne plus se déplacer, même occasionnellement ? Les Français sont las de toutes ces interdictions. Ils veulent un peu de liberté ! Ils aspirent à une réelle qualité de vie et appellent de leurs vœux des mesures de préservation de l’environnement relevant du bon sens.
Parce que ces voitures représentent une partie infime du parc roulant et que leur pollution est donc minime, je voterai, à titre personnel, en faveur de cette proposition de loi ; et, dès que je le pourrai, je m’achèterai une jolie voiture de collection ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
proposition de loi visant à la création d’une vignette « collection » pour le maintien de la circulation des véhicules d’époque
Article 1er
I. – Après le troisième alinéa de l’article L. 318-1 du code de la route, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa du présent article, les véhicules de collection tels que définis par voie réglementaire, disposant d’un certificat d’immatriculation avec la mention “véhicule de collection”, font l’objet d’une identification sous la forme d’une vignette “collection”. »
II. – Après le premier alinéa du II de l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures de restrictions de circulation prévues au premier alinéa du présent II ne concernent pas les véhicules de collection mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 318-1 du code de la route. »