Mme Valérie Boyer. C’est tout l’inverse, madame !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Laissez-moi parler : vous reprendrez la parole après, comme vous le faites depuis tout à l’heure pour demander des sanctions, des sanctions et encore des sanctions à l’encontre des familles.

Nous ne sommes évidemment pas étonnés de votre position, mais, de toute évidence, la pression financière exercée à l’encontre de familles, déjà vulnérables dans la plupart des cas, ne ferait qu’accentuer leurs difficultés économiques, sociales et familiales ; cela a été dit par M. le ministre.

Je suis moi-même, comme plusieurs autres parlementaires, allée à la prison de Longuenesse. Huit enfants de 13 ans sont détenus dans cette prison pour adultes. Je me suis renseignée sur ces enfants, qui sont, pour la plupart, des enfants de l’aide sociale à l’enfance, l’ASE. Ils ont été promenés de famille en famille dans des difficultés énormes et sont souvent atteints psychologiquement, sans avoir été suivis.

Les parents, qui sont, aujourd’hui, en train d’être mis à l’index, ont démarché les centres médico-psycho-pédagogiques, les CMPP, pour obtenir des rendez-vous ; ils ont demandé des suivis psychologiques avec des psychologues. Et ils n’en ont pas eu, parce qu’il n’y en a pas, madame !

Voilà ce qui s’est passé. Plusieurs des parents de ces enfants m’ont qu’ils avaient demandé de l’aide aux hôpitaux et même qu’ils avaient prévenu que ces enfants allaient passer à l’acte. Or rien n’a été fait pour ces derniers qui, aujourd’hui, se retrouvent, à 13 ans, avec des adultes à la prison de Longuenesse, dans une situation où un retour en arrière est presque impossible, il faut le dire.

Ils mériteraient d’être dans des structures, parce qu’ils ne sont pas des criminels : ils sont malades, voilà tout. Et que peuvent-ils, ces parents, d’avoir des enfants qui sont malades ? Voilà le problème auquel la société ne répond pas, et c’est pour le résoudre qu’il nous faut des moyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 6 - Amendement n° 55 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs
Article additionnel après l'article 6 bis - Amendement n° 15

Article 6 bis (nouveau)

Au deuxième alinéa de l’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, les mots : « 3 750 euros ou » sont remplacés par les mots : « 7 500 euros et ».

Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article que nous souhaitons modifier au travers de cet amendement prévoit que des mesures éducatives judiciaires provisoires peuvent être prononcées et modifiées sans que le mineur ni ses représentants légaux soient présents.

Cette possibilité illustre, une fois de plus, la logique dans laquelle ce code a été conçu : la primauté de l’éducatif est revue à la baisse et, coûte que coûte, les procédures et les jugements sont accélérés. Un tel raisonnement ne prend pas en considération le caractère solennel que représente le prononcé d’une mesure éducative. Il s’agit, une fois encore, de déshumaniser un peu plus la justice.

Un enfant que l’on sanctionne doit être averti immédiatement de sa sanction, directement et non en différé, par l’intermédiaire de quelque support que ce soit ; cela paraît d’autant plus illogique à ces âges-là.

L’incarnation de la décision et l’explication de la sanction sont, pour nous, primordiales et partie intégrante du processus judiciaire à l’égard des mineurs. Mes chers collègues, il est donc inutile de vous expliquer que l’impact d’une personne qui énonce une sanction est substantiel et supérieur à celui d’un écrit, à plus forte raison quand il s’agit de mesures éducatives.

De plus, la comparution physique permet au cercle familial parent-enfant de se confronter à un tiers, toujours bienvenu dans les relations conflictuelles, fréquentes dans ce genre de cas.

Une confrontation visuelle avec le juge en présentiel permet de redéfinir les contours précis du cadre du vivre ensemble. C’est pourquoi, par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer la nécessité du prononcé de ces mesures en présence du mineur et de ses représentants légaux.

Du fait de cette crise sanitaire, l’heure est déjà à la dématérialisation de toute relation humaine. Cessons d’en rajouter !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur la position de la commission, qui a adopté la possibilité d’augmenter la sanction prononcée à l’égard des parents qui ne défèrent pas aux convocations du tribunal.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cette réforme renforce la responsabilité des parents, évidemment pas au sens pécuniaire, mais au sens de l’investissement et de l’autorité parentale. Il est extrêmement important de le dire.

Pour le reste, je suis favorable à l’amendement déposé par Mme la sénatrice Cukierman.

Mme Éliane Assassi. Une fois n’est pas coutume !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Certes, madame Assassi, mais je viens de dire que l’on ne pouvait pas grever les budgets des familles. Le montant de 3 750 euros est déjà très important.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après le mot :

précitée,

rédiger ainsi la fin de cet article :

la deuxième occurrence du mot : « ou » est remplacée par le mot : « et » .

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Comme pour le précédent amendement, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je comprends le sens de cette proposition, mais je suis défavorable à l’automaticité.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Mohamed Soilihi, l’amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 6 bis.

(Larticle 6 bis est adopté.)

Article 6 bis (nouveau)
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Article 7

Article additionnel après l’article 6 bis

Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 6 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 323-2 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Après la première occurrence du mot : « ou », sont insérés les mots : « l’un de » ;

b) Les mots : « peuvent néanmoins être ordonnés ou modifiés » sont remplacés par les mots : « ne doivent être ordonnés ou modifiés » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au besoin, le juge des enfants peut décerner un mandat de comparution contre le mineur et ses représentants légaux. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’article que nous souhaitons modifier prévoit que les mesures éducatives judiciaires provisoires peuvent être prononcées et modifiées sans que le mineur et ses représentants légaux soient présents.

Nous pensons, bien au contraire, que ceux-ci doivent l’être, y compris parce que, à ces âges-là, l’incarnation de la décision et l’explication de la sanction sont primordiales et partie intégrante du processus judiciaire à l’égard des mineurs.

Il me semble inutile d’expliquer que l’impact d’une personne énonçant une sanction est supérieur à l’impact d’un écrit que l’on reçoit a posteriori.

Enfin, la comparution physique permet, notamment au cercle familial parent-enfant, de se confronter à un tiers, toujours bienvenu dans des relations conflictuelles fréquentes dans ce genre de cas.

Une confrontation visuelle avec le juge en présentiel permet de redéfinir des contours précis du cadre du vivre ensemble.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. C’est un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 6 bis - Amendement n° 15
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs
Article additionnel après l'article 7 - Amendement n° 19

Article 7

Le livre IV du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° Après le mot : « office », la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 412-2 est supprimée ;

2° Au 1° de l’article L. 422-1, après le mot : « mineur », sont insérés les mots : « et à ses représentants légaux » ;

3° Le premier alinéa de l’article L. 422-2 est ainsi modifié :

a) Les mots : « de l’article 41-1 du code de procédure pénale relatif aux alternatives aux poursuites à l’égard d’un mineur » sont remplacés par les mots : « , à l’égard d’un mineur, de l’article 41-1 du code de procédure pénale relatif aux alternatives aux poursuites » ;

b) Les mots : « ses représentants légaux » sont remplacés par les mots : « les représentants légaux du mineur » ;

4° L’article L. 422-4 est ainsi modifié :

a) Aux trois premiers alinéas, les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » ;

b) Au dernier alinéa, après la seconde occurrence du mot : « à », il est inséré le mot : « une » ;

5° À l’article L. 423-3, les mots : « en matière de crime contre les mineurs » sont remplacés par les mots : « contre les mineurs en matière de crime » ;

6° À la première phrase du sixième alinéa de l’article L. 423-4, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

7° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 423-6, les références : « alinéas 4 à 6 » sont remplacées par les références : « quatrième à sixième alinéas » ;

8° Au sixième alinéa de l’article L. 423-8, les mots : « de l’alinéa 3 » sont remplacés par les mots : « du troisième alinéa » ;

9° Après le cinquième alinéa de l’article L. 423-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge des enfants qui statue en application de l’alinéa précédent ne peut être chargé du jugement de l’affaire. Lorsque le nombre de juges des enfants dans le tribunal le justifie, ces fonctions sont assurées par un magistrat désigné par le président du tribunal judiciaire en raison de son expérience sur les questions de l’enfance. » ;

9° bis (Supprimé)

10° L’article L. 423-11 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « main levée » sont remplacés par le mot : « mainlevée » et les mots : « la modification ou la révocation » sont remplacés par les mots : « la modification ou la suppression » ;

b et c) (Supprimés)

11° À l’article L. 423-12, les mots : « doit avoir » sont remplacés par le mot : « a » ;

11° bis (Supprimé)

11° ter (nouveau) À l’article L. 431-2, après le mot : « convoqués », sont insérés les mots : « par tout moyen » ;

12° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 432-2, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « dernier » et le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « second » ;

13° À la deuxième phrase du 2° de l’article L. 433-3, la première occurrence du mot : « précité » est remplacée par les mots : « du code de procédure pénale » et, à la fin, la seconde occurrence du mot : « précité » est remplacée par les mots : « du même code » ;

14° À l’article L. 434-4, les mots : « parents ou » sont supprimés ;

15° À l’article L. 435-1, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « ou l’un de ses représentants légaux » ;

16° À l’article L. 435-2, après le mot : « mineur », sont insérés les mots : « ou l’un de ses représentants légaux ».

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 66 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article L. 413-1 est abrogé ;

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’article L. 413-1 du code de la justice pénale des mineurs est une disposition qui prévoit qu’un mineur âgé de 10 à 13 ans puisse être retenu à la disposition d’un officier de police judiciaire, pour une durée allant jusqu’à douze heures.

Il s’agit d’une mesure de privation de liberté pour ces enfants, qui peuvent ainsi être interrogés par la police ou la gendarmerie sous la contrainte.

Cet amendement vise à supprimer l’ensemble de la section relative à cette procédure, qui ne devrait pas concerner des enfants de moins de 13 ans. Tout d’abord, nous rappelons que, juridiquement, la présomption d’irresponsabilité s’applique à ces enfants. Ensuite, nous insistons sur le fait que, à cet âge, ils ne sont pas en mesure de comprendre une telle procédure, ainsi que ses enjeux.

Cette mesure n’est pas acceptable, ni juridiquement ni moralement. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Bourgi, Marie, Leconte, Kerrouche, Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au premier alinéa de l’article L. 413-1, les mots : « dix à » sont supprimés ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article L. 413-1 fixe les conditions dans lesquelles peut être prononcée la retenue d’un mineur.

L’amendement que nous proposons vise à limiter ce dispositif aux enfants de plus de 13 ans, alors que l’article L. 413-1 prévoit que la retenue pourrait être prononcée à l’encontre de mineurs âgés de 10 à 13 ans. Il nous paraît vraiment judicieux de nous situer au-dessus de l’âge de 13 ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il ne nous paraît pas utile de supprimer la retenue qui peut être nécessaire pour obtenir des informations concernant des jeunes de 10 à 13 ans ayant commis des infractions graves.

Cette retenue est très encadrée, n’étant possible que si le mineur est soupçonné d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement. En outre, sa durée est limitée au temps strictement nécessaire et ne peut pas dépasser douze heures, renouvelable une fois avec des garanties supplémentaires.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La retenue est absolument et parfaitement encadrée. Un gamin de 11 ans peut être retenu quelques instants, ne fût-ce que pour obtenir le nom de ses complices. On a besoin de cette procédure, qui est, une fois encore, extrêmement attentive aux droits des enfants.

J’émets donc, moi aussi, un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 66 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 16 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 36 rectifié est présenté par M. Sueur, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Marie, Leconte, Kerrouche, Kanner, Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’article L. 413-2 est abrogé ;

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 16.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement, qui tend à s’inscrire dans la continuité des précédents, vise à abroger le régime de retenue pour les enfants de 10 à 13 ans, puisque ces mesures de privation de liberté sont, à nos yeux, l’équivalent d’une garde à vue pour mineurs.

Même s’il peut être parfois nécessaire de retenir un enfant, nous pensons que cela pourrait être fait, par exemple avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse ou la protection de l’enfance. Cela permettrait d’éviter cette situation douloureuse pour les enfants et qui vise à renforcer, une fois encore, le répressif au détriment de l’éducatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, comme pour les amendements précédents, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mme la rapporteure a parfaitement résumé la situation : mêmes causes, mêmes effets.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 36 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 43, présenté par M. Sueur, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° Les troisième à dernier alinéas de l’article L. 423-4 sont supprimés ;

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est important pour nous, car il vise à supprimer la procédure en audience unique devant le tribunal pour enfants.

En effet, la procédure devant le tribunal pour enfants en audience unique prévue au présent article ne permet pas le temps de travail éducatif qui est pourtant nécessaire et déterminant pour le jeune. Le texte prévoit de reproduire la comparution immédiate des majeurs, ex-flagrant délit, procédure qui nous semble inadaptée pour des mineurs, voire dangereuse.

Monsieur le ministre, il y a une contradiction entre l’état d’esprit que vous affichez dans l’objet du présent projet de loi et cette procédure, qui est vraiment calquée sur la comparution immédiate des majeurs.

Cette audience unique participe à l’accélération forte de la procédure pénale prévue dans le présent projet. Or il convient de rappeler que les enfants sont des êtres en construction, qui ont besoin de temps pour grandir, évoluer, mûrir. La sanction immédiate n’est pas une réponse efficace contre la délinquance des mineurs, mais la rapidité de l’intervention éducative l’est certainement.

En outre, le texte initial prévoit qu’il suffit d’un rapport de moins d’un an pour pouvoir se prononcer, délai totalement injustifié pour un mineur au comportement, par nature, extrêmement évolutif.

De plus, nous souhaitons alerter sur le b) du deuxième alinéa, qui vise particulièrement les mineurs non accompagnés.

Nous savons que c’est un sujet difficile. Il est, en effet, courant que les mineurs en situation de migration refusent de se soumettre aux opérations de prélèvement, souvent car ils ne sont pas informés.

Cette mesure interroge plus largement, dans un contexte où l’on constate que les mineurs non accompagnés sont plus souvent déférés devant le juge des enfants à l’issue d’une garde à vue, et davantage incarcérés que le reste des mineurs délinquants. Le rapport 2018 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté faisait état d’un tiers de mineurs non accompagnés dans certains quartiers mineurs, et jusqu’à 50 % en établissement pénitentiaire unique.

La généralisation des audiences uniques sera donc néfaste pour les mineurs en général et pour ces mineurs non accompagnés en particulier.

Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par M. Sueur, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Antiste et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 10

Insérer deux alinéas ainsi rédigé :

…° Au troisième alinéa de l’article L. 423-4, après le mot : « exceptionnel » sont insérés les mots : « et par décision motivée » ;

…° Au 1° du même article L. 423-4, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le mot : « trois » est remplacés par le mot : « cinq » ;

II. – Alinéa 11

Après la référence :

L. 423-4,

insérer les mots :

les mots : « déclaration de culpabilité ou » sont supprimés et

La parole est à Mme Laurence Harribey.

Mme Laurence Harribey. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent.

Dans l’hypothèse où l’on maintient la procédure d’audience unique, il convient de hausser le niveau d’exigence nécessaire pour y recourir, c’est-à-dire de l’encadrer davantage, sinon cette procédure d’audience unique deviendra rapidement la voie de droit commun et signera la disparition de la spécificité de la justice des mineurs.

Selon nous, une simple décision antérieure de culpabilité ne saurait suffire à justifier le recours à la procédure unique, qu’il faut encadrer pour qu’elle ne devienne pas la procédure de droit commun.

Nous reconnaissons qu’il s’agit quelque peu d’un exercice d’équilibre, mais nous préférons bien encadrer cette procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous sommes favorables à l’audience unique, qui fait partie de l’équilibre de ce texte.

Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, les réitérants, qui représentent souvent 5 % des jeunes et sont dans une spirale infernale, occupent 50 % des affaires. Pour ces jeunes très connus des services de police, des magistrats et de la protection judiciaire de la jeunesse, il faut une réponse et une sanction rapides. C’est toute l’utilité de cette audience unique. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas des mesures éducatives, qui interviendront en amont ou en aval.

Nous sommes donc favorables au maintien de l’audience unique, qui répond aussi, comme vous l’avez évoqué, monsieur Sueur, à certaines situations quelque peu particulières des mineurs non accompagnés, même s’il ne faut pas réduire l’audience unique aux mineurs non accompagnés.

L’audience unique permet de répondre à cette réalité des jeunes qui tombent dans la délinquance, tout en sachant qu’elle doit rester une exception et, en aucun cas, ne devenir un principe.

Nous émettons donc des avis défavorables sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout a été dit par Mme la rapporteure !

Je le répète, nous sommes extrêmement attachés à l’audience unique. Cette procédure a du sens et n’interdit en rien les mesures éducatives, ainsi que cela vient d’être rappelé.

Le Gouvernement est donc défavorable aux deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour explication de vote.

Mme Laurence Harribey. Notre amendement vise non pas le principe même de l’audience unique, mais les moyens de faire en sorte que celle-ci ne devienne pas la procédure de droit commun, car tel est notre souci. C’est aussi en pensant au problème des petits réitérants et à celui des MNA, les mineurs non accompagnés, que nous proposons de l’encadrer.

L’audience unique est l’un des éléments importants de la réforme. Faisons-en le pari, mais, compte tenu des problèmes qui se posent et des moyens alloués, nous doutons fortement qu’elle ne deviendra pas la procédure de droit commun.

Dans ce contexte, nous maintenons cet amendement, pour prendre date.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)