compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
Mme Martine Filleul.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mise au point au sujet d’un vote
Mme le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. À la suite d’un problème de vote électronique au sein des sénateurs non inscrits, deux d’entre nous, dont moi-même, avons constaté que, lors du scrutin public n° 34 du mercredi 25 novembre dernier sur la proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh, notre vote n’avait pas été comptabilisé. Nous entendions voter pour ce texte.
Cette rectification me tient d’autant plus à cœur que la présentation de cette proposition de résolution a fait l’objet d’une concertation entre les groupes politiques, qui ont pris soin de ne pas y associer les sénateurs non inscrits. Ayant été exclu de cette concertation puis victime d’un problème de vote électronique, je ne voudrais pas qu’on puisse croire que ma collègue et moi-même voulions nous abstenir ou nous opposer, alors que nous sommes particulièrement favorables à ce texte.
C’est la raison pour laquelle je tenais à ce que cette mise au point figure au compte rendu.
Mme le président. Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Questions orales
Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
crise sanitaire liée à la filière de la betterave
Mme le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, auteur de la question n° 1236, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, j’attire de nouveau votre attention sur la crise sanitaire qui a frappé très durement la filière betterave cette année, en raison de conditions climatiques particulièrement douces qui ont provoqué l’infestation précoce de pucerons verts, vecteurs de la jaunisse virale.
Cette situation a affecté considérablement la filière, provoquant des pertes allant de 30 % à 70 %. Les agriculteurs sont bien sûr inquiets, car le manque à gagner, considérable, entraîne des faillites, notamment parmi les petits producteurs, mais aussi parmi les autres.
Monsieur le ministre, bien que vous-même et tout le Gouvernement ayez compris la nécessité de réautoriser les produits pharmaceutiques pour une durée de trois ans – une décision dont je vous remercie –, le dossier de l’indemnisation n’est en rien réglé. Il est urgent de trouver des solutions robustes pour indemniser les betteraviers les plus touchés.
Alors que les pertes financières sur la récolte 2020 sont estimées à 285 millions d’euros, le Gouvernement propose, selon la règle de minimis, une indemnité soumise à un plafond de 20 000 euros par exploitation. Il est certain que cette offre ne répondra pas aux besoins criants des professionnels, auxquels il est urgent de venir en aide.
Monsieur le ministre, pouvez-vous m’éclairer sur le plan financier et le calendrier que vous devez proposer sans tarder aux agriculteurs ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Cuypers, je vous remercie pour vos propos sur le dossier betterave.
En matière d’indemnisations, il y a des mesures que je peux prendre et d’autres que je ne peux pas prendre.
Au moment du lancement du plan d’action, l’été dernier, nous sommes convenus avec la filière d’activer les de minimis. En effet, la filière ne cotisait pas au fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) et n’avait pas mis en place de système assurantiel.
Comme vous le savez fort bien, l’indemnisation des risques dits sanitaires est extrêmement encadrée. Aujourd’hui, la filière ayant choisi par le passé de ne pas entrer dans d’autres dispositifs, le seul applicable est le de minimis. Nous en avons beaucoup parlé avec la filière, et tout le monde en convient : il n’est pas possible de couvrir a posteriori un risque qui s’est avéré, dès lors qu’un système assurantiel n’a pas été mis en place et que les membres n’ont pas cotisé.
Au-delà du volet assurantiel et des systèmes d’aide européens, un régime de catastrophes agricoles existe, mais il ne couvre pas les risques dits sanitaires, c’est-à-dire liés à des maladies telles que celles qui viennent des insectes.
Un grand travail a été accompli sur ce sujet – vous le savez bien, monsieur le sénateur. Reste que le seul dispositif existant est le de minimis : quelle que soit la volonté politique, c’est le seul moyen d’action pour cette année.
Cette situation soulève la question de la manière dont la filière doit s’organiser en ce qui concerne la couverture de ce type de risques : doit-elle faire le choix d’intégrer le FMSE, doit-on étudier, dans le cadre des débats en cours sur le volet assurantiel, comment étendre ce volet aux risques sanitaires ?
En tout cas, je le répète, un risque non couvert initialement ne peut pas être couvert a posteriori. Le système « de minimis » est donc le seul qui existe aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour la réplique.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que je connaissais par avance.
À situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles. De fait, la filière est en grand danger, parce que, au-delà de la première mesure prise, sur laquelle j’espère une décision favorable du Conseil constitutionnel, il faut que les agriculteurs puissent payer les semences pour semer au printemps.
Or les pertes sont aujourd’hui abyssales, de l’ordre de 1 000 à 1 800 euros par hectare, en sorte qu’il n’y a plus de trésorerie. Les exploitations agricoles betteravières sont toutes dans le rouge ! Elles n’ont tout simplement pas la trésorerie pour boucler la fin d’année.
Monsieur le ministre, je sais que vous travaillez sur ces sujets avec la filière, avec laquelle je suis régulièrement en contact. Il ne faut pas lâcher le morceau, et envoyer tout de suite un signal qui permette aux agriculteurs de garder confiance !
situation de l’abattoir de ribérac
Mme le président. La parole est à M. Serge Mérillou, auteur de la question n° 1341, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Serge Mérillou. Monsieur le ministre, le 17 novembre dernier, j’ai attiré votre attention sur la nécessité de soutenir nos abattoirs de proximité, mentionnant plus particulièrement la situation préoccupante de l’abattoir de Ribérac, en Dordogne.
Cette structure, qui emploie dix-huit personnes, est aujourd’hui au bord du gouffre, à la suite du départ de la société Arcadie et de la diminution drastique du nombre d’animaux abattus. Elle cumule 700 000 euros de dettes, dont 200 000 euros de redevances dues à la municipalité.
Monsieur le ministre, élus et éleveurs se battent sur le terrain pour conserver cette structure de proximité, qui permet la mise en place de circuits courts, préserve au mieux le bien-être animal et assure la sauvegarde du label « veau élevé sous la mère ».
Lors de notre dernier échange, vous avez affirmé votre volonté d’accompagner les abattoirs locaux sur le plan financier, notamment pour soutenir la modernisation et accroître la rentabilité de ces outils. Forte de cette logique, la municipalité de Ribérac a déposé ces derniers jours, dans le cadre du plan de relance, un projet ambitieux de création d’une salle de découpe et de transformation sur le site, de nature à sauver la structure tout en conservant l’abattoir. Cette installation bénéficierait à l’ensemble des éleveurs du grand territoire, au-delà même de cette région. Elle permettrait de continuer à développer les circuits courts – et de sauver les dix-huit emplois.
Pour l’heure, la municipalité est à la manœuvre : elle est d’ores et déjà en contact avec des investisseurs et des coopératives d’éleveurs. Néanmoins, monsieur le ministre, il y a urgence : ce projet ne verra jamais le jour s’il n’est pas soutenu par l’État le plus rapidement possible !
Pourriez-vous préciser les modalités de mise en œuvre des mesures de soutien aux abattoirs et nous assurer que l’engagement de l’État interviendra rapidement, si possible dans les trois mois ? Enfin, envisagez-vous des dispositifs spécifiques pour encourager l’investissement privé dans des structures comme Ribérac ?
J’associe à cette question ma collègue sénatrice Marie-Claude Varaillas.
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre soutien aux abattoirs territoriaux. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout, mais nous nous retrouvons vraiment sur la nécessité de les développer – je fais miens les propos que vous avez tenus à cet égard. Comme vous l’avez expliqué, l’indication géographique du territoire dépend parfois de l’abattoir, et inversement.
Vous avez suivi comme moi l’affaire d’Arcadie Sud-Ouest. Dans le cas de l’abattoir de Ribérac, la reprise a été assurée, je crois, par le groupe Carnivor. J’espère qu’il en résultera pour l’abattoir une nouvelle dynamique, car avec Arcadie la dynamique s’était arrêtée.
Vous connaissez mon dynamisme en matière d’investissements dans les abattoirs. Nous allons investir plus de 130 millions d’euros dans les abattoirs territoriaux, et celui de Ribérac est en plein dans la cible visée. Je prends bonne note du projet de salle de découpe : il peut tout à fait s’intégrer dans le plan de relance, qui vise la modernisation des abattoirs. Restons en contact pour voir comment appuyer ce projet, aujourd’hui piloté par la municipalité.
Concrètement, les fonds, qui sont en train d’être votés, seront disponibles à partir de janvier 2021, mais les projets sont en cours d’instruction. Nous travaillons en étroite relation avec les collectivités territoriales, qui sont souvent un appui décisif pour permettre aux abattoirs territoriaux de continuer à fonctionner et à investir ; notre intention est de coconstruire les projets avec elles.
Monsieur le sénateur, je le répète, je soutiendrai volontiers le projet de Ribérac.
risque en matière d’influenza aviaire hautement pathogène
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, auteur de la question n° 1349, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, compte tenu de son raccourcissement consécutif au confinement, je souhaiterais que le Gouvernement puisse, exceptionnellement, prolonger la période de chasse.
Si, pour beaucoup, cette activité est une passion, je tiens à rappeler que la chasse permet de réguler la prolifération de certaines espèces, et ainsi de protéger les futures récoltes. Il va de soi que cette régulation ne peut intervenir que durant une certaine période, prenant en compte le cycle de reproduction des espèces. En d’autres termes, il ne sera pas possible d’y revenir ultérieurement.
Je précise que le département du Gard est, comme d’autres, concerné par le risque de grippe aviaire. Une telle prolongation permettrait de diminuer ce risque chez les éleveurs ; elle leur permettrait aussi de vendre une partie de leur élevage.
Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Oui, monsieur le sénateur, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, la chasse peut avoir aussi une utilité sur le plan sanitaire ; il faut la reconnaître comme telle.
Le risque d’influenza aviaire est élevé partout sur le territoire hexagonal. À ce jour, deux sites ont été contaminés : le premier en Haute-Corse, le second dans les Yvelines. Ces contaminations sont liées à tout autre chose que la migration des oiseaux, mais celle-ci reste le principal vecteur de la maladie. Un suivi des oiseaux assuré par les chasseurs est donc très important d’un point de vue sanitaire.
Le Premier ministre a annoncé la réautorisation de la chasse il y a quelques jours – dans la limite, bien entendu, des trois heures et des vingt kilomètres.
Nous avons mené avec les chasseurs un important travail pour déterminer les contraintes, mais aussi les dérogations, liées à l’influenza aviaire. Schématiquement, il s’agit de limiter les contacts entre oiseaux à plumes, moyennant les dérogations convenues avec les fédérations, que je salue, ainsi que le président Schraen et ses équipes, pour le travail réalisé ensemble.
S’agissant de la fin de la période de chasse, il s’agit d’une décision compliquée – et législative. Elle doit être prise en fonction des différentes espèces. Surtout, elle relève du ministère de la transition écologique.
Nous avons montré que nous savons déroger à de nombreuses règles. Il est donc tout à fait pertinent de débattre, a minima, de la question que vous soulevez.
Dans la période récente, j’ai été particulièrement attentif à la situation des élevages de gibiers, affectés par l’arrêt de la chasse. La reprise de la chasse apporte une solution à ces élevages que vous connaissez bien et que vous défendez.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.
M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je regrette que vous ne soyez pas le ministre de la chasse, parce que je constate que vous connaissez bien le sujet. Malheureusement, ce domaine dépend de l’écologie, où, quelquefois, il est maltraité…
En tout cas, nous comptons sur vous en ce qui concerne l’élevage de gibiers. J’espère que vous saurez influencer vos collègues chargés de l’écologie pour que les périodes de chasse soient prolongées.
Lors des deux confinements, les chasseurs n’ont pas pu pratiquer leur passion. Je tiens à souligner que la plupart sont ouvriers ou employés : la chasse, c’est une activité populaire ! La prolongation serait un geste fort du Gouvernement envers les 1,9 million de Français qui pratiquent cette passion – et qui sont, avant tout, des aménageurs du territoire.
territorialisation du plan de relance pour la guyane
Mme le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 1385, adressée à M. le ministre des outre-mer.
M. Georges Patient. Monsieur le ministre des outre-mer, ma question porte sur le plan de relance et sa déclinaison guyanaise.
Sur les 100 milliards d’euros engagés d’ici à 2022, 1,5 milliard sont destinés aux outre-mer. Cette part est trois fois inférieure au poids démographique de ces territoires dans l’ensemble national. C’est d’autant plus inéquitable compte tenu du besoin de rattrapage des outre-mer par rapport à l’Hexagone. Une première question s’impose donc : tous les outre-mer seront-ils correctement pris en considération dans ce plan ?
S’agissant de la Guyane en particulier, le plan de relance se substituera-t-il au plan d’urgence issu des accords de Guyane, aux programmes européens et aux contrats de convergence qui existent déjà ? Ou s’y ajoutera-t-il ?
Par ailleurs, ce plan repose en grande partie sur des investissements publics réalisés par les collectivités territoriales. Monsieur le ministre, pensez-vous qu’elles disposent des ressources de fonctionnement suffisantes et de l’ingénierie nécessaire pour les réaliser dans le délai imparti, soit avant 2022, étant donné l’ampleur actuelle de la sous-consommation ou de la sous-exécution des crédits dévolus aux outre-mer ? Des fonds leur seront-ils alloués pour leur donner les moyens et la possibilité d’intervenir ? Je pense en particulier à la collectivité territoriale de Guyane, dont le rebasage tarde : elle est un acteur incontournable pour ce plan de relance !
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Patient, vous m’interrogez sur la territorialisation du plan de relance en Guyane.
Les mesures d’urgence continuent évidemment de s’appliquer. À ce titre, quelque 300 millions d’euros ont été mobilisés en Guyane : 168 millions d’euros de prêts garantis par l’État, 55 millions d’euros au titre du fonds social européen, 40 millions d’euros pour l’activité partielle et 43 millions d’euros de reports de charges. Lors du dernier déplacement du Premier ministre sur place, en juillet dernier, le plafond du fonds de solidarité a été porté à 3 000 euros.
Dans le cadre de la relance, nous allons flécher vers le territoire de la Guyane 125 millions d’euros sur les 16 milliards d’euros de crédits territorialisés, dont : 8 millions d’euros pour l’agriculture, 10 millions d’euros dans le cadre du Ségur de la santé, 25 millions d’euros pour les jeunes, 30 millions d’euros pour accélérer les travaux sur les routes – une attente forte sur place, notamment des maires – et 40 millions d’euros dans le cadre de la transition écologique.
Par rapport à la population, le ratio est deux fois supérieur à celui de l’Hexagone. Mais ce qu’il faut surtout considérer, c’est la capacité à bâtir des projets. Si les projets sont mûrs, nous pourrons peut-être aller plus vite et plus loin.
Oui, ces fonds s’ajoutent à ceux qui étaient déjà prévus, notamment dans le cadre des accords de Guyane. Mais, cela va sans dire, ils serviront parfois à l’accélération de projets déjà lancés.
Sur le plan de la méthode, nous avons souhaité une vraie territorialisation, notamment avec le président Rodolphe Alexandre et l’ensemble des maires de la Guyane. Un premier comité régional a été installé ; il va continuer à travailler et à nous soumettre des projets.
Je précise que certains crédits seront automatiques, comme ceux qui sont liés à la baisse des impôts de production, à la compensation des recettes des collectivités territoriales et au soutien à la filière spatiale. Par ailleurs, les appels à projets vont continuer d’être déclinés.
S’agissant enfin de l’ingénierie, le plan de relance comprend 30 millions d’euros pour permettre aux collectivités territoriales d’outre-mer d’être accompagnées par l’Agence française de développement. Plus largement, les contrats Patient-Cazeneuve nous donneront l’occasion de débattre de cette question après-demain, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2021.
Mme le président. La parole est à M. Georges Patient, pour la réplique.
M. Georges Patient. Monsieur le ministre, si je salue toutes les mesures que vous venez d’annoncer pour la Guyane – elles sont nombreuses –, je demeure persuadé qu’il faut à ce territoire, davantage qu’un plan de relance, un grand plan de décollage.
Pour être relancée, il faudrait déjà que la Guyane ait atteint un certain niveau de développement. Ce n’est pas le cas, en dépit de son potentiel important dans bon nombre de secteurs : elle ne fait actuellement que vivoter, sous perfusion de transferts publics.
Cessons de la mettre sous cloche, libérons l’exploitation de ses ressources de façon raisonnable et rationnelle et profitons du mouvement de différenciation qui s’annonce pour faire tomber toutes les entraves à son développement, avec des méthodes et des objectifs qui lui soient propres !
caducité des plans d’occupation des sols et plans locaux d’urbanisme intercommunaux
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1383, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Patricia Schillinger. J’attire l’attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les difficultés rencontrées par certaines intercommunalités dans l’élaboration de leur plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), en particulier sur les craintes des communes membres quant à la validité de leur plan d’occupation des sols (POS) au 1er janvier prochain.
Les communes appartenant à une intercommunalité qui s’est lancée avant le 31 décembre 2015 dans l’élaboration d’un PLUI ont pu bénéficier, à la suite de l’adoption de la loi Engagement et proximité (loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique), d’une prolongation de la validité de leur plan d’occupation des sols jusqu’au 31 décembre 2020. Faute de l’adoption d’un PLUI à cette date, les POS, opposables jusque-là, seront déclarés caducs ; c’est alors le règlement national d’urbanisme (RNU) qui s’appliquera dans ces communes, jusqu’à l’approbation d’un PLUI par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) d’appartenance.
Si le report à la fin de 2020 de la caducité des POS a octroyé aux collectivités territoriales un délai supplémentaire, il s’avère insuffisant pour les EPCI qui, au début de 2020, n’avaient pas encore achevé leurs travaux. Pour ceux-là, de nouvelles délibérations étaient nécessaires, mais la crise sanitaire intervenue dès le mois de mars a considérablement retardé les travaux des intercommunalités.
Les mesures de confinement liées à la crise sanitaire, le report des élections municipales et le retard consécutif pour le renouvellement et l’installation des exécutifs intercommunaux ont perturbé la réalisation d’étapes essentielles à l’élaboration de ces PLUI. Dans ces conditions, il sera compliqué, voire impossible, aux intercommunalités concernées de faire approuver leur projet de PLUI avant la fin de l’année.
La caducité qui frappera les POS sera préjudiciable aux communes membres de ces ensembles intercommunaux : l’application du RNU limitera considérablement leurs prérogatives en matière d’urbanisme et ne leur permettra plus d’assurer la gestion pragmatique de l’urbanisme de leur territoire.
Dès lors, le Gouvernement est-il prêt à envisager un nouveau report de la caducité des POS, éventuellement au 31 décembre 2021 ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice Schillinger, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de la ministre Jacqueline Gourault, qui m’a confié le soin de vous donner lecture de la réponse qu’elle a préparée à votre attention.
Vous avez rappelé qu’il y a près de vingt ans la loi SRU (loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains) posait le principe de la caducité des plans d’occupation des sols, les POS, et de leur remplacement progressif par des plans locaux d’urbanisme, les PLU.
Par la suite, la loi ALUR (loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) a fixé ce délai de caducité au 31 décembre 2015. Elle prévoit toutefois que les collectivités ayant entamé une démarche d’élaboration d’un PLUI au 31 décembre 2015 bénéficient d’un délai supplémentaire de quatre ans, soit au plus tard jusqu’au 31 décembre 2019.
La loi Engagement et proximité, que j’ai eu l’honneur de défendre dans cet hémicycle, reporte ce délai d’une année supplémentaire pour terminer les procédures en cours – je vous remercie de l’avoir rappelé –, soit jusqu’au 31 décembre 2020.
Au total, un délai de six années a ainsi été accordé pour achever l’élaboration de ces PLUI, le délai moyen d’élaboration de ces derniers étant de trois ans et demi.
Ces délais supplémentaires ont permis de réduire considérablement le nombre de POS concernés par la caducité : en 2014, 7 500 POS étaient toujours actifs ; ils n’étaient plus que 546 au 1er septembre 2020.
Plus de 90 % des POS en vigueur ont donc été convertis en PLUI. Ainsi le nombre de communes qui reviendraient au règlement national d’urbanisme, le RNU, faute d’avoir approuvé leur PLUI s’en trouve nettement diminué.
Par ailleurs, l’ordonnance du 27 mars 2020, prise en application de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a permis aux EPCI compétents pour l’élaboration des PLUI d’avoir recours à des procédures dématérialisées afin de juguler le ralentissement de l’activité de ces instances dans un contexte sanitaire inédit – nous en avions d’ailleurs débattu au sein de cet hémicycle.
Pour ces raisons, un nouveau report n’est pas envisagé par le Gouvernement. La caducité des POS ne bloque pas les projets des collectivités. Dans l’attente de l’entrée en vigueur du PLUI, le RNU permet à une collectivité d’autoriser des projets lorsque l’intérêt général le justifie et que cela ne porte pas atteinte aux espaces naturels et aux paysages en dehors de l’aire urbaine existante.
Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.
Mme Patricia Schillinger. C’est dommage pour les communes rurales, qui sont toujours les plus pénalisées et qui devront appliquer le RNU, ce qui n’est pas souhaitable. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais celle-ci n’est pas satisfaisante.
renouvellement des concessions hydroélectriques de la vallée d’ossau
Mme le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, auteur de la question n° 1356, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Denise Saint-Pé. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’attirer votre attention sur un sujet important ayant trait aux énergies renouvelables.
À l’instar d’autres départements, les Pyrénées-Atlantiques sont concernées par la question du renouvellement des concessions hydroélectriques. Il s’agit en l’occurrence de trois concessions situées dans la vallée d’Ossau, en Béarn, près de Pau, et qui sont actuellement attribuées à la Société hydroélectrique du Midi (SHEM), filiale d’Engie. Or ces délégations de service public (DSP) de l’État sont arrivées à leur terme le 31 décembre 2012 et n’ont pas été renouvelées depuis, prorogeant de fait les concessions aux conditions antérieures.
Il y a un peu moins d’un an, j’avais alerté la précédente ministre de la transition écologique sur cette situation juridiquement instable de nature à porter préjudice aux collectivités du département, notamment aux communes traversées par les cours d’eau utilisés. En effet, conformément au code de l’énergie, celles-ci percevraient une redevance annuelle en cas de renouvellement de la concession notamment.
Mme Borne m’avait répondu qu’attache avait été prise avec la Commission européenne pour sortir de ce statu quo à la suite des mises en demeure de cette dernière en 2015 et en 2019. Ainsi, Gouvernement et Commission exploraient, à côté de l’option de mise en concurrence, l’hypothèse d’une quasi-régie, dispositif permettant d’octroyer sans mise en concurrence des concessions à une structure publique dédiée.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer où en sont ces discussions avec la Commission ? Quelles seraient les solutions proposées aux opérateurs alternatifs tels que la SHEM ? Concessionnaires et collectivités doivent coconstruire d’urgence de vrais projets de territoire qui n’existent pas aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.