M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les différents rapporteurs l’ont déjà mentionné, le projet de loi de finances pour 2021 est profondément marqué par la crise sanitaire, économique et sociale que nous vivons depuis le mois de mars.
C’est d’autant plus vrai pour cette mission « Économie », à laquelle a été ajoutée une nouvelle action Mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire – j’y reviendrai.
Concernant les programmes de cette mission, il y a plusieurs points, sur lesquels j’aimerais revenir.
D’abord, j’évoquerai le ralentissement des réductions d’effectifs à la DGCCRF, ainsi qu’à la direction générale des entreprises. Si l’objectif est de recentrer ces directions sur le cœur de leurs missions de contrôle, il aurait été plus efficace de prévoir une augmentation des effectifs, le but n’étant pas de contrôler pour le plaisir de sanctionner, mais bien de protéger nos petites et moyennes entreprises et de faire respecter la législation en matière de transition écologique.
Ensuite, j’aimerais attirer l’attention sur le plan France Très haut débit, lancé en 2013 en vue de couvrir 100 % du territoire en très haut débit à l’horizon 2022. Il a hélas pris du retard, et c’est regrettable, d’autant plus que le très haut débit est un enjeu considérable pour l’attractivité des territoires hyper-ruraux, comme mon département, la Lozère.
En abondant de 250 millions d’euros le guichet du réseau des initiatives publiques, après les 30 millions d’euros de crédits votés par le Sénat lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement montre qu’il a conscience de ces problématiques. Au total, c’est près d’un demi-milliard d’euros qui est sur la table pour atteindre l’objectif d’une France couverte à 100 % en très haut débit en 2025.
Je partage néanmoins les craintes de nos rapporteurs spéciaux quant à une sous-évaluation des besoins de la mission. C’est pourquoi le groupe du RDSE soutiendra leur amendement tendant à augmenter les crédits du programme.
Concernant les différentes aides aux entreprises, il convient de souligner leur nombre et le soutien déterminant qu’elles apportent à l’économie locale. Je pense notamment aux prêts garantis par l’État, gérés par Bpifrance. Au total, un encours de 300 milliards d’euros sera financé, avec une garantie de deux ans de décalage pour le remboursement.
Je pense également aux zones de revitalisation rurale (ZRR). L’annonce de leur maintien jusqu’en 2022 fut un vrai soulagement dans mon département, particulièrement pour les communautés de communes de Mende et de Marvejols. Plus que jamais, nous devons rappeler notre attachement à ce dispositif qui, s’il n’est pas parfait, permet de compenser de nombreux freins à l’installation dans nos territoires ruraux.
J’émettrai la même critique que nos collègues rapporteurs sur le manque de visibilité et l’absence de pilotage global des différents mécanismes de soutien à l’activité économique.
Sur le soutien aux commerces ruraux, je soutiendrai là encore l’amendement des rapporteurs spéciaux concernant le Fisac. Le souhait de l’enterrer, qui s’accompagne d’une baisse de 80 % des crédits qui lui sont dévolus, est une erreur, d’abord parce que la crise que nous connaissons vient de démontrer l’importance de nos commerces de proximité, ensuite parce que le remplacement du Fisac par le programme « Action cœur de ville » n’est que partiel et que les actions de ce dernier ne sont pas ciblées vers les territoires.
Pour conclure, à l’instar des rapporteurs, nous plaidons pour une plus grande lisibilité, une plus grande coordination des aides à destination des entreprises et pour que l’action publique, au niveau national comme sur nos territoires, soit encore simplifiée.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, la majorité du groupe du RDSE votera les crédits de la mission « Économie ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous déplorons que, dans ce projet de loi de finances pour 2021, les crédits consacrés à l’économie soient éparpillés entre la mission « Économie » et le plan de relance.
Malgré l’illisibilité qui en découle, les lacunes sont évidentes : le commerce de proximité et l’artisanat représentent 3 millions d’entreprises et 3,5 millions de salariés. Une seule question compte : combien d’entre elles baisseront définitivement le rideau après les deux confinements que nous venons de vivre ? Et à cause de ces fermetures, combien de personnes auront tout perdu, leur commerce pour les petits patrons, leur travail pour les salariés, mais aussi leur maison et leurs économies pour beaucoup ?
Certes, on trouve des mesures éparses de soutien comme les programmes « Action cœur de ville » et « Petites villes de demain » ou le déploiement de cent foncières pour six mille fonds de commerce, mais elles s’inscrivent toutes dans le long terme.
Or il y a urgence, d’autant que le Gouvernement n’a pas renoncé à la réforme des réseaux consulaires, prévue par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, ni à la diminution des ressources affectées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI) – 350 millions d’euros en moins depuis le début du quinquennat, 100 millions jusqu’en 2022 –, sans parler du Fisac.
Madame la ministre, les mesures en faveur des TPE et des PME sont insuffisantes. Vous me répondrez qu’il y a le chômage partiel, le fonds de solidarité et les prêts garantis par l’État, mais le problème, c’est que le Gouvernement est fort avec les faibles et faible avec les puissants.
Par exemple, plutôt que de travailler à une réouverture des librairies, vous avez fermé les rayons « culture » des hypermarchés. Pendant ce temps, Amazon et les autres géants du e-commerce ont tranquillement régné pendant un mois sur le marché du livre, entre autres secteurs.
Et alors qu’Amazon paie peu d’impôts et participe activement à la fraude fiscale à la TVA de ses revendeurs intracommunautaires, le ministre de l’économie s’est félicité d’avoir fait reculer le Black Friday d’une semaine – la belle affaire ! Amazon s’en est félicité pour en récupérer le mérite et se donner une image vertueuse après un mois de profits au détriment des commerces de proximité. Nous aurions préféré légiférer pour imposer à Amazon une taxe alimentant le fonds de solidarité.
Aujourd’hui, les commerces rouvrent : c’est bien, mais c’est insuffisant, car il va leur falloir compenser plusieurs mois de fermeture. Et ce sera pire pour les restaurants, les cafés et leurs personnels, dont les revenus dépendent en partie des pourboires – ils devront attendre le 20 janvier prochain.
S’ajoutent à cela les difficultés d’accès au fonds de solidarité malgré quelques avancées, obtenues notamment par le Sénat. Par exemple, pourquoi les gérants salariés en sont-ils encore exclus, alors qu’ils cotisent pour l’ensemble des risques et qu’un patron affilié au régime social des indépendants peut en bénéficier ?
Il est quand même incroyable que Bercy soit capable de créer une multitude de conditions pour exclure les petits commerçants du fonds de solidarité et qu’à l’inverse, quand on parle des aides publiques versées aux grands groupes qui dans le même temps licencient, versent des dividendes et ont des filiales dans les paradis fiscaux, le conditionnement devienne tout à coup impossible !
Surtout, fondamentalement, c’est la demande qu’il faudra soutenir pour relancer la machine économique, car, si les fêtes de fin d’année approchent, les Françaises et les Français paient le prix fort de cette crise, avec un chômage en hausse et 1,1 million de salariés au chômage partiel avant même le reconfinement de novembre.
M. le ministre de l’économie l’a d’ailleurs reconnu sur France Inter cette semaine : « Les salariés font des efforts considérables et la vie est difficile pour eux. » Nous n’avons cessé, au groupe CRCE, de le dire. Dans cette même émission, le ministre « demandait » aux entreprises de faire elles aussi des efforts. Demander, madame la ministre, ne pouvons-nous rien faire de plus dans cette période de licenciements massifs ?
L’État, avec le Parlement, a la possibilité, par la loi, de transformer ces demandes en actes, par exemple en interdisant le versement des dividendes en 2021 ou en conditionnant les aides à des critères d’emploi et d’environnement.
Mais les difficultés ne touchent pas seulement les salariés au chômage partiel et ne datent pas de cette crise. Pour soutenir la demande, les salaires doivent être augmentés. Inutile de préciser que nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sursaut économique aussi attendu que souhaité par tous les acteurs politiques et économiques dépendra avant tout de notre capacité à sortir de la crise sanitaire. Avec une chute d’activité de 12 % en novembre contre 31 % en avril, il est difficile de mesurer aujourd’hui la capacité de notre économie à reprendre vite et fort, mais le déconfinement de l’été nous permet d’être un peu plus optimistes.
Cependant, cette reprise ne sera réelle que si la casse économique est limitée et si les entreprises sont accompagnées au maximum. Les plans d’urgence et de relance proposés par le Gouvernement constituent des réponses indispensables à la marche de l’économie.
On peut se réjouir de leur existence et des mesures qu’ils prévoient. Sur la forme, on peut néanmoins regretter la difficulté à lire les crédits consacrés à la relance qui se trouvent à la fois dans la mission « Économie » et dans la mission « Plan de relance », examinée il y a deux jours. La mission « Économie » a d’ailleurs servi d’outil, dès cette année, notamment pour porter les prêts garantis par l’État et les prêts à taux bonifiés.
Pour que la reprise soit efficace, il faut qu’elle irrigue tous les territoires, qu’elle touche les populations les plus en difficulté et qu’elle anticipe l’avenir. C’est pourquoi j’aimerais, à ce stade, insister sur quelques points.
Tout d’abord, la vitalité des territoires ruraux et la survie de certains centres-bourgs dépendront du dynamisme du commerce de proximité et de l’artisanat. Comme la plupart des intervenants à cette tribune, je vous parlerai aussi du Fisac. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Vous le savez, la disparition désormais effective de ce fonds n’est pas du tout admise par notre assemblée.
Le confinement a été très rude pour ces activités économiques : des milliers d’entreprises disparaîtront sans doute demain. Le Fisac contribuait à les aider et confiait aux élus locaux et aux préfets la responsabilité des choix à opérer. Nous voterons donc l’amendement proposé par la commission des finances pour rétablir cet outil simple et primordial.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean-Pierre Moga. Ensuite, préparer l’avenir, c’est déployer le très haut débit sur tout notre territoire.
Je salue, comme ma collègue Anne-Catherine Loisier, la hausse des crédits alloués au plan France Très haut débit prévue par cette mission. Les objectifs sont bons, mais pourriez-vous, madame la ministre, faire un point sur les réalisations ?
Ne passons pas non plus à côté de la couverture de tout notre territoire en 4G : parler de la 5G, c’est bien, mais prenons garde de ne pas accentuer la fracture numérique. Aujourd’hui, la précarité se développe. Les plus jeunes habitants des zones rurales sont les plus en difficulté.
Enfin, la crise que nous traversons a mis en lumière les difficultés de notre économie mondialisée : problèmes liés aux délocalisations des activités industrielles, manques de compétences, problèmes d’approvisionnement et difficultés d’exportation. La santé et l’alimentation sont devenues des secteurs essentiels : l’État doit définir clairement sa stratégie en la matière pour protéger, relocaliser et développer.
La création et le développement d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) performantes, innovantes et exportatrices constitueraient une stratégie nouvelle et efficace pour notre pays. Il y va aussi du développement du commerce extérieur et, donc, de la balance commerciale de la France. Madame la ministre, nous aurions aimé connaître les ambitions du Gouvernement dans ce domaine. Existe-t-il une stratégie nationale ou à tout le moins européenne ?
Les membres du groupe Union Centriste voteront en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite de l’intervention du Président de la République le mardi 24 novembre et de celle du Premier ministre le jeudi 26, nous connaissons aujourd’hui les premières mesures de déconfinement après la deuxième vague de la pandémie.
Si, dans nos territoires, et pour la première fois depuis plusieurs semaines, quelques-uns de nos commerces, de nos ateliers et autres lieux d’activité ont la possibilité d’ouvrir à nouveau, les difficultés qu’ils ont rencontrées au cours de l’année 2020 ne sont pas pour autant surmontées ni résolues.
C’est dans ce contexte singulier et particulier que les sénateurs et sénatrices socialistes, écologistes et républicains vous font part de leur analyse et de leurs remarques sur les crédits de la mission « Économie ».
Une simple lecture comptable fait apparaître une hausse globale substantielle de ces crédits pour 2021 par rapport à 2020, mais cette lecture peut être trompeuse. Aussi faut-il examiner plus précisément le fond du dossier et les chiffres.
Au cours de l’exercice en cours, la mission « Économie » a servi de support improvisé : au sein du programme 134, une nouvelle action n° 25 a en effet été créée pour prendre d’éventuelles mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire. Mais notons-le, comme elle n’est pas dotée de crédits spécifiques pour l’année 2021, se posera la question de savoir où seront ponctionnées les ressources budgétaires en cas de besoin.
Par ailleurs, la mise en œuvre d’un plan de relance de l’économie doté de 100 milliards d’euros sur deux ans a certes recueilli les faveurs de l’opinion publique, mais il ne faudrait pas que les effets d’annonce brouillent l’action, certes moins médiatique, mais plus pérenne du programme 134 et des autres programmes de la mission.
J’en reviens donc aux difficultés que rencontrent déjà – elles seront plus aiguës encore dans les prochains mois – les entreprises, commerces et artisans dans nos territoires et régions. Leurs besoins sont immédiats, mais doivent aussi trouver des réponses dans la durée.
Le projet de budget entérine la réorganisation de la direction générale des entreprises sur nos territoires, avec notamment la création des services économiques de l’État en région et la mise en place de pôles « entreprises, emploi, économie ». Nous n’en contestons pas le principe, mais ces décisions aboutissent néanmoins à une réduction du nombre des fonctionnaires sur le terrain au moment où leur mission de conseil et de soutien est particulièrement nécessaire.
Année après année, les coups de rabot sur le budget sont portés sans vision à moyen terme, au nom d’une rationalisation des services déconcentrés. Ils affaiblissent globalement l’action de l’État dans les territoires.
Comme l’ont souligné nos collègues rapporteurs, il faut faire beaucoup plus pour les PME et les ETI, l’artisanat et le commerce dans nos territoires. Ces activités sont le poumon économique de nos régions et sont le plus souvent très riches en emplois. Selon les calculs de nos collègues, l’effort financier de l’État en faveur des commerces et de l’artisanat a diminué de 89 % en dix ans. Il n’est plus véritablement lisible aujourd’hui, car il est intégré dans l’action n° 23.
Nous considérons que les activités productives, les commerces et les services de proximité doivent être prioritaires. Nous avons proposé la création d’une contribution exceptionnelle des acteurs économiques ayant perçu des bénéfices accrus en 2020, comme les assureurs et les acteurs du e-commerce. L’objectif était d’en redistribuer le produit aux acteurs économiques qui ont dû fermer ou dont l’activité s’est effondrée.
L’économie de proximité doit être identifiée comme une priorité dans le cadre de la relance économique. Des annonces ont été faites en ce sens en juin 2020 avec, comme mesure principale, un renforcement du soutien à la création de foncières de rénovation commerciale. Cela nous semble bienvenu, mais là encore, au-delà de l’effet d’annonce, nous souhaitons qu’une réponse soit véritablement apportée à la dévitalisation commerciale qui frappe nombre de nos communes, avec un ciblage resserré sur les territoires les plus fragiles.
Dans ce cadre, le soutien public à la numérisation des PME, des entreprises artisanales et des commerces est source de modernisation, de gains de productivité et de rebond économique. Comme l’a justement souligné le rapporteur spécial, il faut changer d’échelle dans ce domaine, pour répondre tant aux attentes et aux retards déjà constatés qu’aux besoins massifs en formation et en équipement de ces entreprises.
Par ailleurs, la hausse des crédits dédiés au soutien des entreprises – mes collègues rapporteurs l’ont indiqué – concerne essentiellement la compensation carbone ; elle cache en réalité une diminution de 53 % des crédits, hors compensation carbone. Il est indispensable, dans la situation actuelle, de rétablir de façon pérenne ces crédits et d’élaborer une véritable stratégie de pilotage du soutien aux entreprises.
Au-delà de ces réserves, les rapporteurs spéciaux proposent des avancées significatives pour soutenir efficacement l’activité de proximité, à savoir le maintien du Fisac et le renforcement de ses moyens, mais aussi une hausse des crédits alloués au plan France Très haut débit. Ils proposent également de garantir le maintien d’une présence postale sur l’ensemble des territoires.
Ce sont ces mesures que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient fortement, car elles auront des effets immédiats et visibles pour nos concitoyens, nos commerces et nos artisans. Si ces amendements sont adoptés, mon groupe votera les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon et M. Jean-Pierre Moga applaudissent également.)
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention s’articulera autour de deux axes.
Le premier concerne le numérique et, plus particulièrement, le plan France Très haut débit. L’année dernière, nous avions dû batailler pour faire adopter un amendement tendant à abonder ce plan, amendement rejeté sans autre forme de procès par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Cette année, nous n’aurons pas besoin de livrer une nouvelle bataille, car, entre la troisième loi de finances rectificative et le plan de relance, le plan France Très haut débit dispose désormais de 550 millions d’euros, ce qui prouve bien, madame la ministre, que nous avions raison il y a un an de vouloir augmenter les crédits du Fonds pour la société numérique. Notre position n’était en rien « détestable » – votre expression de l’époque !
Avec ces 550 millions d’euros, nous ne sommes plus très loin des 630 millions nécessaires au financement du 100 % raccordable au FTTH (Fiber To The Home), c’est-à-dire la fibre jusqu’au domicile, dans les zones les plus rurales de notre territoire. C’est d’autant plus vrai que l’État dispose encore de près de 50 millions d’euros de subventions aux opérateurs privés inutilisées dans le cadre du guichet de cohésion numérique des territoires, subventions qu’il convient de flécher à nouveau vers l’achèvement de la couverture FTTH du territoire.
Il faut comprendre l’absence de dépôt d’amendement par notre groupe sur ce sujet comme un gage de confiance donné à l’État, qui déclare désormais sans ambiguïté viser une couverture de 100 % en FTTH pour 2025.
Mais, pour que rien ne vienne entacher ce gage de confiance que nous accordons à la nouvelle dynamique engagée par l’État, je demande avec force et sans ambiguïté que les 550 millions d’euros qu’il a mobilisés soient intégralement affectés à la desserte FTTH des dernières zones d’initiative publique de notre territoire, qui sont les plus coûteuses à réaliser. Je parle bien de la « desserte », ce qui, techniquement et réglementairement, a tout son sens.
Je soutiens également la volonté de l’État d’expérimenter un dispositif de financement des raccordements non standards au FTTH en zone publique : il est en effet incompréhensible pour certains de nos concitoyens d’apprendre qu’ils devront attendre six mois de plus que leurs voisins pour être raccordés à la fibre ou qu’ils devront payer des frais élevés de raccordement. Sur ce point, je vous donne rendez-vous lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.
À présent, j’aborde le second axe de mon intervention, qui a trait à La Poste. Je veux intervenir, non pas au sujet des crédits de la mission « Économie », mais pour souligner ceux qui n’y figurent pas…
En tant que sénateur et président de l’Observatoire national de la présence postale, je me permets d’appeler votre attention sur la mission d’aménagement du territoire de La Poste, qui est bien souvent le dernier réseau présent dans les territoires. Le maillage d’au moins 17 000 points de contact, prévus par la loi et répartis sur tout le territoire, est garanti dans les zones urbaines et les zones rurales, dans les territoires périurbains, dans les zones de montagne et en outre-mer.
Cette mission impose à La Poste une norme d’accessibilité dont le respect est assuré, chaque année, par les commissions départementales de présence postale territoriale. C’est également dans le cadre de cette mission que La Poste peut adapter sa présence : agences postales communales, relais commerçants, guichets France services, équipements numériques, accompagnements des fragilités sociales ont ainsi pu voir le jour.
Ce n’est pas aux élus de terrain que j’apprendrai qu’à travers La Poste, c’est tout le dynamisme économique et social de la commune qui est en jeu. C’est l’accès aux espèces, aux colis – à l’heure du boom du e-commerce –, mais aussi, et de plus en plus, au numérique – l’inclusion numérique constitue désormais un besoin prégnant.
Grâce au fonds postal national de péréquation territoriale qui finance la mission d’aménagement du territoire, les élus ont pu apporter des réponses concrètes. Autant d’actions nécessaires pour combattre la fracture numérique qui risquent de ne plus pouvoir être menées, si l’État ne respecte pas les engagements de financement qu’il a pris dans le contrat de présence postale territoriale 2020-2022.
En effet, le cadre de gouvernance de la mission est aujourd’hui largement aux mains des élus. Le contrat encadrant la mission est signé par l’État, l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité et La Poste. Les projets qui sont financés par le fonds postal de péréquation sont votés par les élus des commissions départementales de présence postale territoriale.
J’en viens donc à la problématique du financement de cette mission d’intérêt général, problématique liée à la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) inscrite en première partie du projet de loi de finances.
Afin de financer le coût que représente sa mission d’intérêt général, La Poste bénéficie d’un allégement de fiscalité locale, dont le montant abonde le fonds postal de péréquation. Le taux des abattements appliqués aux bases de contribution économique territoriale et de taxe foncière est arrêté, chaque année, par décret, la CVAE représentant pas loin de 80 % de la base d’abattement alimentant le fonds.
C’est pourquoi la réforme de la CVAE a un impact conséquent sur le fonds postal de péréquation. Selon les évaluations, cet impact représenterait 66 millions d’euros en moins, par an, sur un total de 174 millions.
Pour le dire plus concrètement, sans compensation de cette perte de 66 millions d’euros, la mission d’aménagement du territoire de La Poste sera réduite à peau de chagrin, c’est-à-dire au financement des annuités des partenaires – agences postales communales et relais commerçants. Les commissions départementales de présence postale territoriale, composées d’élus locaux, n’auront plus de moyens à leur disposition et se verront privées de leur rôle. Elles deviendront des chambres d’enregistrement et de répartition de dépenses obligatoires.
Certes, on pourrait envisager de laisser La Poste compenser les 66 millions d’euros sur ses propres deniers, mais ce serait un non-sens économique : on ne peut pas demander à une entreprise fonctionnant dans un environnement concurrentiel, fût-elle à capitaux publics, de financer la charge d’une mission d’intérêt général qui lui a été imposée par l’État et qui est déjà sous-compensée à hauteur de plus de 60 millions d’euros. En effet, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), qui est une autorité indépendante, estime le coût de la mission à 230 millions d’euros par an.
Ne laissons pas ce trou se creuser encore plus au détriment de La Poste, dont le modèle économique est déjà particulièrement ébranlé par la baisse vertigineuse du volume du courrier.
C’est aussi une question de principe, que nous devons défendre en tant que parlementaires : une mission de service public doit être assurée et, donc, compensée financièrement par l’État avec de l’argent public. Ainsi, dans le cas de La Poste, pourrons-nous légitimement contrôler qu’elle s’acquitte correctement des obligations fixées et serons-nous en mesure de lui demander des comptes.
Faisons preuve de cohérence, mes chers collègues ! En tant qu’élus, nous nous battons localement pour que La Poste reste dans nos quartiers et nos villages. Aujourd’hui, la question de sa présence et de son activité dans les territoires se pose à nous, en tant que législateurs, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. C’est pourquoi je vous invite à voter en faveur des amendements que j’ai déposés avec certains de nos collègues, afin de garantir le financement de la mission de service public d’aménagement du territoire de La Poste.
Sous cette réserve, notre groupe votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, comme pour la discussion précédente, je salue la qualité de l’analyse menée par les rapporteurs et les groupes et vous remercie du niveau d’exigence, dont celle-ci témoigne. C’est une garantie de qualité pour notre débat.
Je vous répondrai en mettant en exergue trois objectifs fondamentaux de notre action.
Le premier objectif de notre action, c’est de renforcer le soutien au commerce, à l’artisanat et aux territoires.
La crise sanitaire est une épreuve pour nos commerçants, nos restaurateurs, nos artisans ou encore nos indépendants. Beaucoup d’efforts leur ont été demandés et nous en sommes pleinement conscients.
Je veux d’abord les remercier de tous ces efforts consentis. Je comprends combien il est difficile de ne pas être autorisé à travailler quand, en tant qu’indépendant, on a engagé toutes ses économies, mis toute son énergie et fait des sacrifices immenses pour développer son activité.
Face à ces difficultés, notre politique est très claire : tout mettre en œuvre pour leur permettre de passer ce cap.
Au fil des projets de loi de finances rectificative et, aujourd’hui, du projet de loi de finances, vous avez souhaité adopter des mesures de soutien massif : le fonds de solidarité – je rappelle qu’il bénéficie à 1,7 million d’entreprises, ce qui laisse à penser que peu ont été oubliées –, le prêt garanti par l’État (PGE), les exonérations de charges sociales, les mesures en faveur de l’allégement des loyers ou la prise en charge de l’activité partielle qui a permis de maintenir le salaire et l’emploi de millions de salariés.
Cette volonté de soutien aux commerces et de revitalisation de nos centres-villes se traduit également dans la mission « Économie » et les programmes déjà mis en place par le Gouvernement.
Je pense, notamment, à la mise en œuvre du programme « Action cœur de ville », qui comprend un axe dédié au développement économique pour soutenir le commerce de proximité et l’artisanat.
Je pense aussi au programme « Petites villes de demain », piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui cible les communes de moins de 20 000 habitants appelant une revitalisation.
Je pense enfin à la structuration d’une centaine de foncières, avec l’appui de la Banque des territoires, que nous avons annoncée à la fin du mois de juin avec Bruno Le Maire. Pour ces structures de soutien aux commerçants et artisans, notre objectif est de traiter jusqu’à 6 000 commerces dans des centres-villes fragilisés.
Le plan de relance prévoit par ailleurs 60 millions d’euros pour la création d’un fonds de déficit d’opérations d’aménagement commercial.
Ainsi, et pour répondre aux questions soulevées par les rapporteurs spéciaux, nous mobilisons des moyens à la hauteur des enjeux.
Le soutien à l’artisanat est également au cœur de nos préoccupations – et je réponds là à M. le rapporteur pour avis Serge Babary.
La stratégie nationale en faveur de l’artisanat et du commerce de proximité, que j’ai présentée en octobre 2019, continue d’être mise en œuvre. Nous inscrivons ainsi au projet de loi de finances pour 2021 la suppression sur trois ans de la majoration de la base taxable de 25 % pour les indépendants non adhérents d’un organisme de gestion. C’était une demande des professionnels, réitérée depuis de longues années.
Le plan de soutien en faveur du commerce de proximité, de l’artisanat et des indépendants du 29 juin 2020, ainsi que le plan de relance amplifient cette stratégie.
Enfin, l’État soutient l’économie des territoires. Il n’y a pas de désengagement en la matière, mais nous modifions la répartition des rôles.
Nous avons mis en place un portage par les collectivités des aides aux entreprises, permettant de clarifier la répartition des rôles entre l’État et les régions en matière de développement économique. Cette évolution, en lien avec la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite NOTRe, répond à une demande des régions.
Concernant l’État, nous assumons avoir mis fin à certains dispositifs qui s’avéraient peu opérationnels pour privilégier des outils plus efficaces. Afin de rendre plus lisibles les crédits budgétaires et le pilotage du soutien aux entreprises, le programme 134 ne porte plus d’aides individuelles.
Le deuxième objectif de notre action, c’est de poursuivre et renforcer la modernisation de l’économie. La crise l’a démontré une nouvelle fois, elle nous oblige, comme l’ont souligné les rapporteurs pour avis, à amorcer ou accélérer la numérisation de nos entreprises.
La numérisation permettra la maîtrise de nouvelles compétences, l’ouverture de nouveaux marchés, l’optimisation des activités de nos entreprises. Nous voyons déjà les différences d’un confinement à l’autre : alors que l’activité économique était pratiquement à l’arrêt lors du premier confinement, elle s’est largement poursuivie lors du deuxième.
Les entreprises ont accéléré leur transformation et les performances enregistrées par certains commerces sont impressionnantes : on voit ainsi de très petites entreprises faire des bonds de chiffre d’affaires de 30 %, parce qu’elles ont saisi l’occasion. Bien sûr, ces situations sont encore isolées.
L’enjeu est donc d’accélérer cette transformation. Le Gouvernement a largement encouragé le click and collect, en l’autorisant durant le second confinement, mais aussi en déployant le plan « Clique mon commerce » qui offre un accompagnement méthodologique et financier à chaque commerçant ou artisan indépendant pour la création de son site de vente en ligne.
L’initiative France Num sera ainsi considérablement renforcée par le plan de relance, avec une enveloppe de 29 millions d’euros supplémentaires. Il n’est donc pas nécessaire de la renforcer encore dans le cadre de cette mission « Économie », d’autant que le Gouvernement a déjà fourni des efforts conséquents, avec 11 millions d’euros en LFR 3 et 60 millions en LFR 4 pour la seule digitalisation des commerçants et artisans.
Pour permettre à tous les territoires de bénéficier des avantages du haut débit, le plan France Très haut débit est poursuivi et renforcé.
À cet égard, je veux rappeler la position défendue, ici même, par le Gouvernement l’an dernier – je crois d’ailleurs que c’était moi qui avais assuré cette défense. Nous avions indiqué n’avoir pas besoin de crédits supplémentaires pour l’année 2020 – et effectivement, nous n’en avions pas besoin – et nous vous avions donné rendez-vous pour l’année 2021. Nous sommes fidèles à ce rendez-vous !
Je précise également que les principaux obstacles au déploiement du très haut débit sont actuellement des problèmes de procédure, d’installation et de compétences disponibles pour réaliser les travaux. C’est ce que l’on constate, malheureusement, au-delà de la volonté collective de déployer ce plan.
Néanmoins, 240 millions d’euros supplémentaires sont mis à disposition au travers du plan de relance, ce qui porte l’enveloppe à 550 millions d’euros.
Puisque je suis interrogée sur le sujet, j’indique que, sur la 4G, en termes de déploiement, nous avons fait autant en trois ans que sur les neuf années ayant précédé, soit une multiplication par trois du rythme de déploiement. S’agissant du très haut débit, nous enregistrons une multiplication par deux du nombre de prises effectivement déployées.
La montée en puissance se poursuit donc, même si, il est vrai, nous partions de loin. Certes, les classements européens ne nous classaient pas à la dernière place, mais ils nous accordaient la vingt-cinquième ou vingt-sixième position, ce qui n’est pas forcément attendu pour un pays comme la France.
Le troisième objectif de notre action, c’est de poursuivre les réformes, car elles ont fait leurs preuves.
Nos choix en matière de soutien à l’export et de diplomatie économique nous ont permis de devenir la première destination pour les investissements directs étrangers en Europe. Il faut continuer.
Concernant l’export et l’attractivité, nous avons inscrit des moyens destinés au développement international des entreprises, dans le cadre de démarches pluriannuelles engagées par l’État avec Business France et Bpifrance Assurance Export. Nous n’avons d’ailleurs pas réinventé la poudre : les dispositifs existants étant solides, nous estimons qu’il faut plutôt les abonder et les utiliser.
Une subvention de 60 millions d’euros à destination de Business France est inscrite en projet de loi de finances pour 2021, au titre du volet export du plan de relance.
Compte tenu des incertitudes pesant sur l’évolution de la situation sanitaire et de son impact potentiel, la répartition des enveloppes accordées à chaque mesure fera l’objet d’une gestion flexible, afin d’orienter les crédits vers les dispositifs les plus appropriés et les plus efficaces en fonction du moment.
Je vais maintenant compléter mon propos par des réponses aux questions qui m’ont été posées.
S’agissant de La Poste, je partage le diagnostic établi par la rapporteure pour avis Anne-Catherine Loisier et plusieurs autres intervenants et une solution sera trouvée en nouvelle lecture.
S’agissant du financement des garanties proposées par Bpifrance, le recyclage, je le rappelle, est avant tout une solution de bonne gestion qui n’a jamais freiné, à aucun moment, l’activité de la banque publique d’investissement. En tout état de cause, le jour où un abondement sera nécessaire, le sujet sera traité.
S’agissant de la conditionnalité, les mesures du plan de relance sont bien conditionnées – nous le verrons plus tard dans nos débats.
Le plan de relance bénéficie essentiellement aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les chiffres sont têtus, mesdames, messieurs les sénateurs… La baisse des impôts de production profite à 75 % aux PME et aux ETI, et ce pour une raison simple : pour en bénéficier, il faut produire en France. Par construction, le dispositif ne s’adresse pas à des entreprises ayant eu des stratégies de délocalisation massive, ou alors c’est qu’elles continuent de produire en France.
Tous les autres dispositifs d’accompagnement, notamment les appels à projets, se concentrent essentiellement sur les PME et les ETI, que ce soit en valeur ou en nombre d’entreprises.
À la fin du mois de novembre, je le précise, puisque la question a été posée, 500 entreprises sont accompagnées dans le cadre de mesures industrielles. La moitié environ des projets correspond, notamment pour l’initiative « Territoires d’industrie », à une localisation, une relocalisation ou une extension de production en France. Les enveloppes votées en LFR 4 seront engagées, en intégralité ou presque, à la fin de ce mois.