M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Enfin ! Enfin, l’écologie ne serait plus un supplément d’âme : elle serait au cœur de l’action publique, elle-même vivifiée par la démocratie participative avec la Convention citoyenne. Voilà pour la communication !
Pour les actes, c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon : qu’en est-il concrètement de ce projet de loi de finances ?
Ce texte indique globalement un engagement renforcé. Avec les 30 milliards d’euros affichés dans le plan de relance, le projet de budget pour 2021 fait mine d’enclencher le changement de braquet qu’il fallait.
À y regarder attentivement, quand on mesure l’évolution des moyens, quand on décrypte les effets trompe-l’œil et la réalité des redéploiements et des dispositifs, on se met à douter de l’ampleur de ces efforts et de la réelle possibilité d’atteindre ainsi la neutralité carbone en trente ans, de stopper maintenant l’érosion de la biodiversité, de transformer véritablement nos façons de produire, de consommer, de nous loger et de nous déplacer – pour reprendre les termes du cahier des charges de la Convention.
Certes, nous relevons les efforts pour les rénovations thermiques ; certes, les mobilités douces sont mieux servies ; certes, le ferroviaire voit ses moyens abondés. Pour autant, nous n’y voyons pas la puissance et la cohérence de l’engagement qui serait nécessaire.
Du côté de la cohérence, ou plutôt de l’incohérence, le soutien à la compétitivité des entreprises sans aucune conditionnalité, ni sociale ni environnementale, montre combien la marche lourde de la politique gouvernementale contrecarre l’intention écologique.
Le soutien à l’aéronautique, au nucléaire, au secteur automobile ne nous parait pas véritablement en phase avec l’ambition écologique. On ne fera croire à personne que le niveau très symbolique du malus au poids cette année pèsera de façon déterminante sur les choix des acheteurs et des constructeurs automobiles.
Tous les élus locaux le savent : la transition énergétique et écologique nécessite une présence au plus près du terrain pour travailler l’ingénierie, pour accompagner, expliquer, réguler et sans cesse réactiver. En clair, l’écologie, c’est des emplois et une infrastructure mobilisée de compétences publiques. Là-dessus, on est loin du compte : les multiples restructurations auxquelles doivent faire face depuis plusieurs années les administrations chargées des missions environnementales attestent d’une érosion continue de leurs capacités d’interventions.
Pour les ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la perte d’emplois s’élève à 797 équivalents temps plein, soit une baisse de plus de 3 %.
Pour Météo-France, les suppressions d’ETP se poursuivent.
Les subventions du Cerema diminuent. Nous ne pouvons accepter une telle érosion d’un instrument majeur de l’ingénierie au service des collectivités en transition.
L’Ademe est sollicitée pour le pilotage de nombreuses lignes du plan de relance. Il est donc totalement incompréhensible que l’État y prévoie encore une baisse de 18 ETP.
Le temps me manque. Je pourrais encore évoquer les agences de l’eau, décisives pour la restauration des écosystèmes, frappées depuis des années par une baisse d’effectifs et de moyens considérables, ou bien l’Office national des forêts, déjà lourdement réduit, qui bénéficie certes d’un transfert positif de 7 millions d’euros, mais qui ne changera pas véritablement la donne.
On ne peut continuer d’affaiblir ces opérateurs clés. Ces moyens qui manquent, c’est moins de capacité à prendre en compte les spécificités du terrain, moins de souplesse, moins d’adaptation aux territoires. Ce n’est pas de protection de papier dont la nature a besoin.
C’est bien la cohérence de l’État que nous interrogeons : comment tenir la volonté de renoncer aux énergies fossiles carbonées quand les signaux sont si contradictoires ? Certes, on ferme des centrales à charbon, mais, en même temps, le Gouvernement s’apprête à donner en Lorraine le feu vert à vingt ans d’extraction massive de gaz de couche…
M. Gérard Longuet. Excellent !
M. Jacques Fernique. … dans des conditions désastreuses pour l’environnement, ce qui est contraire à l’esprit de la loi Hulot, sans même que cela se révèle payant pour l’emploi.
Sur les énergies renouvelables, on connaît les retards de notre pays. Ne nous trompons pas de cap : ce qui gagne aujourd’hui c’est, par exemple, le photovoltaïque. C’est là que se jouent les innovations qui peuvent être fructueuses pour des PME, pour des dynamiques décentralisées. Oui, l’hydrogène bas-carbone est prometteur et nécessite une mobilisation de la recherche ! Mais ne retombons pas dans cette spécialité bien française qui consiste à tout miser sur de grosses machines. La transition énergétique qui est devant nous ne sera pas simpliste, mais foisonnante et diversifiée.
Elle sera notamment, on le sait, fonction de notre capacité à gagner en efficacité énergétique. Cet enjeu, c’est celui de la rénovation thermique des logements. MaPrimeRénov’, c’est indéniablement une augmentation des enveloppes. Est-ce pour autant la stratégie aboutie, répondant aux attentes des ménages modestes et de ceux qui ont plus de moyens pour une rénovation complète ? Est-ce la stratégie qui nous conduira à tenir le demi-million de logements par an ? Sans doute pas encore.
« Pas encore », c’est en définitive ce que nous inspire votre projet de budget : ce n’est pas encore vraiment ça ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en forme de propos liminaire, j’aimerais insister sur le moment dans lequel nous nous trouvons.
Notre pays traverse une période très difficile avec la covid-19 qui frappe de nouveau. Même si nous commençons à entrevoir le bout du tunnel, il reste encore bien du chemin à parcourir, comme l’a rappelé, mardi, le Président de la République.
Oui, nous vivons une crise sanitaire sans précédent face à laquelle les peuples du monde entier se doivent d’être unis pour s’en sortir ensemble, avec l’aide de la science et de la connaissance.
Il en va de même en ce qui concerne la transition écologique, véritable priorité pour le bien-être, et même pour la survie, de nos civilisations. Nous espérons que les cinq ans de l’accord de Paris permettront d’ouvrir de nouvelles perspectives.
Depuis le début de ce quinquennat, gouvernement et majorité présidentielle sont pleinement engagés dans l’action écologique pour transformer en profondeur notre société et pour accompagner le changement vers moins de dioxyde de carbone, moins de déchets, plus de biodiversité, plus de mobilités douces et plus d’énergie verte, avec, entre autres, l’objectif de rendre nos villes plus respirables, la terre plus saine, les eaux moins usées, de préserver les sols et de protéger la faune sauvage.
Fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermeture de toutes les centrales à charbon d’ici à 2022, plan vélo, augmentation des surfaces agricoles dédiées au bio, obligation pour la restauration collective de travailler avec au moins 50 % de produits bio et de qualité, promotion du circuit court, prime à la conversion, fin de l’exploitation des hydrocarbures : toutes ces mesures ne sont qu’un début.
La transition écologique, c’est 30 milliards d’euros dans le cadre du plan France Relance, dont plus de 6 milliards d’euros consacrés à la rénovation énergétique dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov’, dont nous mesurons plus encore toute la pertinence avec le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat – instance essentielle qu’il nous faut conforter, car acteur majeur de cette transition écologique à laquelle nous aspirons toutes et tous.
À cet égard, la présentation, cette semaine, de la dynamique environnementale RE 2020 est un outil supplémentaire indéniable. L’enjeu majeur est simple : diminuer significativement les émissions de carbone du bâtiment.
La transition écologique, c’est aussi la rénovation des bâtiments publics, des logements sociaux et des TPE et PME. La transition écologique, c’est encore plus de 1 milliard d’euros pour soutenir les transports du quotidien et étendre la pratique du vélo, plus de 3 milliards d’euros pour les technologies vertes, plus de 1 milliard d’euros pour la décarbonation de l’industrie. C’est aussi un soutien de 2 milliards d’euros à l’agriculture durable, à la filière bio et aux circuits courts pour revenir et développer une alimentation locale, saine et durable.
La transition écologique, c’est aussi la formidable dynamique entamée pour la mise en place des programmes d’avion décarboné et ce formidable défi que constitue la mise en service d’un avion « zéro émission » d’ici à 2035. Gouvernement, industriels, organismes de recherche sont mobilisés autour de cet objectif avec des moyens sans précédent.
Le budget de l’État pour 2021 est à la hauteur des ambitions environnementales de la France, puisque près de 43 milliards d’euros de dépenses sont favorables à l’environnement, soit une hausse de 8,5 milliards d’euros par rapport à 2020, ce qui illustre l’engagement total du Gouvernement pour la transformation écologique de notre pays.
Cet engagement est vital. À l’heure des fake news et autres faits alternatifs, nous avons collectivement l’impérieux devoir de rappeler la réalité du changement climatique et les conséquences désastreuses qu’il occasionne. Rappelons-nous que, le mois dernier, trois vallées au nord de Nice ont été frappées par des pluies torrentielles et par des crues brutales occasionnant de lourdes pertes humaines et des dégâts considérables.
Malheureusement, ce type de désastre se répète et s’amplifie. Il faut réagir. C’est la raison pour laquelle la part du budget du ministère allouée à la prévention des risques naturels majeurs est en très forte hausse, de plus de 55 %. Cela permettra d’être au plus près des territoires et de leurs habitants pour plus et mieux les protéger.
Anticiper, innover et trouver des solutions efficaces à la crise climatique et écologique sont les axes majeurs de ce budget. La réduction du déficit écologique, au cœur de ce budget, va dans ce sens.
En effet, la France est le premier pays au monde à mesurer l’impact du budget de l’État sur l’environnement au regard de différents critères tels que la lutte contre le changement climatique, la protection des espaces naturels ou la lutte contre les pollutions. Il s’agit d’une pratique innovante en matière budgétaire, qui permet de vérifier la concrétisation sur le terrain des mesures écologiques que nous adoptons.
Avec ce budget, il s’agit de protéger les Français dans leur quotidien, d’améliorer l’air que nous respirons, de préserver la biodiversité pour les générations futures, d’améliorer le logement, la consommation, la production, mais aussi les déplacements et le transport, si essentiels dans le quotidien des Françaises et des Français.
Le budget pour 2021 qui nous est présenté par le ministère de la transition écologique est un budget de combat, un budget qui prépare le rebond de notre pays et qui se donne les moyens de ses ambitions pour répondre aux diverses crises que notre époque rencontre.
Le défi de la transition écologique, nous avons à le relever ensemble ; nous ne le relèverons pas les uns contre les autres, ni les uns au détriment des autres. L’écologie, c’est notre destin commun.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants votera les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi Énergie-climat, adoptée voilà un an, a fixé des objectifs en matière de transition écologique : neutralité carbone en 2050, moins de 40 % de consommation d’énergie fossile et 33 % d’énergies renouvelables en 2030. Mais tout cela resterait vain sans une déclinaison opérationnelle de court terme.
Cette année, pour la première fois, le PLF comporte un budget vert, sous la forme d’un rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État. De son côté, le plan de relance consacre près de 30 % des actions à la transition écologique, avec des investissements importants dans la politique énergétique pour les années à venir.
Les intentions sont donc bien là et, en attendant de connaître le contenu de la future loi Climat initiée par la Convention citoyenne, nous pouvons nous en réjouir.
Comme je le soulignais, même si l’exercice doit être amélioré, nous pouvons compter cette année sur une annexe présentant l’impact environnemental du budget. On y apprend que 91 % des 574 milliards d’euros de dépenses budgétaires sont neutres, que 38 milliards d’euros sont favorables à l’environnement et que 10 milliards d’euros lui sont défavorables.
Sur ces 10 milliards d’euros, on trouve bien évidemment des dépenses liées aux transports. Je pense tout d’abord à l’aérien qui a connu, nous le savons, une baisse historique de son trafic d’environ 60 % à 70 % par rapport à 2019, avec la crainte d’un retour à la normale n’intervenant pas avant 2024.
Si le Gouvernement affirme mettre l’accent sur les mobilités du quotidien avec l’entretien des réseaux existants et le développement d’alternatives plus propres, peu de secteurs ont bénéficié d’un appui aussi massif et rapide de l’État que l’aérien.
Mais le transport, dans toutes ses composantes, est aussi une question d’aménagement du territoire. Il ne doit donc pas être appréhendé sous le seul prisme vert. Il participe au désenclavement des territoires et doit, en ce sens, bénéficier des investissements nécessaires au renforcement de la performance et de la sécurité de l’offre.
Sur l’aérien, je pense, par exemple, aux lignes d’aménagement du territoire. La compensation proposée par l’État aux collectivités qui les subventionnent fera d’ailleurs l’objet d’un amendement bienvenu de notre commission.
En ce qui concerne le ferroviaire, l’accent est mis sur le renforcement des réseaux existants, des lignes de desserte fine et du fret. Le plan de relance prévoit notamment 4,7 milliards d’euros pour le secteur.
Toutefois, ces budgets compensent pour beaucoup les pertes colossales subies par la SNCF entre la grève de l’hiver dernier et la crise sanitaire qui a suivi. Or, selon les estimations, il faudrait 3 milliards d’euros de plus par an jusqu’en 2030 pour tenir les objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone.
Nous défendrons ainsi un amendement visant à investir 150 millions d’euros dès 2021 pour reconstituer le parc de matériel roulant des trains de nuit.
D’autres sujets font l’objet de préoccupations de la part de notre groupe, tels les crédits pour soutenir les petites lignes ou encore les recettes en forte baisse de l’Afitf, qui doit pourtant décliner 2,5 milliards d’euros supplémentaires au titre du plan de relance.
Il faut souligner l’augmentation importante des crédits du programme « Paysages, eau et biodiversité », à hauteur de 14 %, soit 30 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’an passé, même si elle masque aussi des diminutions d’emplois, notamment à l’Office français de la biodiversité et dans les agences de l’eau, dont on peut craindre qu’elles limiteront la mise en œuvre opérationnelle des mesures.
De plus, 426 millions d’euros sont consacrés à la biodiversité et à la lutte contre l’artificialisation dans le plan de relance, mais seuls 50 millions d’euros seront directement affectés à des projets de protection de la biodiversité. Si nous saluons les efforts consentis, nous pensons que ces sujets mériteraient davantage.
De même, le budget du programme « Prévention des risques » est en baisse de 4,5 % alors que le changement climatique et le vieillissement des installations nécessiteraient un accroissement des moyens. Les effectifs augmentent, mais ils ne peuvent suffire en l’état à assurer le contrôle des 450 000 installations classées dans lesquelles le nombre d’incidents et d’accidents est en forte hausse. Nous soutiendrons donc l’amendement de la commission visant à augmenter le plafond d’emplois, conformément aux annonces du Gouvernement à la suite de l’incendie de Lubrizol.
Enfin, les crédits consacrés à MaPrimeRénov’ sont en augmentation pour tenir compte de l’ouverture du dispositif à tous les ménages en 2021. Le groupe du RDSE défend des mesures fortes en matière de lutte contre les passoires énergétiques. Nous saluons donc l’élargissement des conditions d’attribution des aides, tout en défendant deux amendements visant à atteindre au moins le niveau des dépenses de 2018 au titre du crédit d’impôt transition énergétique.
Toutefois, le financement des travaux doit être accompagné de mesures de contrôle plus efficaces a priori et a posteriori : rappelons que les pratiques frauduleuses ont conduit à un abaissement du barème des aides en juillet. Sur ce sujet majeur, qui représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre, les mois à venir seront déterminants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire inédite que nous vivons nous oblige plus que jamais à prendre conscience de l’urgence écologique et climatique, de la nécessité de réorienter significativement notre modèle économique et nos choix. La transition sociale et écologique s’impose à nous.
Malheureusement, l’examen de la première partie de ce projet de loi de finances nous laisse amers. L’ensemble de nos amendements a été rejeté, alors qu’il convient, pour donner plus de poids aux politiques environnementales, de renforcer prioritairement les recettes affectées à ces politiques. Pour cela, il faut cesser de soutenir le secteur carboné et trouver de nouvelles sources de financement, notamment pour les transports ferroviaires. Ce n’est toujours pas le cas.
Je voudrais revenir sur quelques éléments qui me semblent particulièrement significatifs du décalage entre les déclarations d’intention et le réel.
J’évoquerai, pour commencer, la question du ferroviaire, poste principal de cette mission qui joue un rôle structurant pour nos territoires. Nous regrettons que la relance du rail ne soit pas au rendez-vous, notamment en ce qui concerne les petites lignes, le fret et le développement des trains de nuit.
Ces derniers devraient se voir dotés, dans le cadre du plan de relance, de 50 millions d’euros sur quatre ans. La régénération des petites lignes pèserait pour 300 millions d’euros alors même que, selon les estimations réalisées par SNCF Réseau, il conviendrait de trouver encore 6,4 milliards d’euros d’ici à 2028.
Le soutien au fret atteindrait 250 millions d’euros sur quatre ans dans le cadre du plan de relance et 170 millions d’euros pour 2021, au titre du transport combiné. Ces crédits sont extrêmement faibles face aux besoins et à la demande.
Comment se satisfaire de ces montants alors que l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques accordée aux transports routiers coûte encore 1,2 milliard d’euros au budget de l’État, que la prime à la conversion pèse également pour 1,2 milliard d’euros et que des milliards d’euros sont accordés à l’aérien et à l’automobile sans aucune contrepartie sociale et environnementale ? On voit donc clairement les priorités de ce gouvernement en matière de rééquilibrage modal.
Le verdissement des transports individuels reste une priorité sur le développement des transports collectifs, conformément aux objectifs de la loi LOM.
Nous estimons, bien au contraire, que priorité doit être donnée aux transports collectifs, que l’outil SNCF doit être repensé pour répondre à ces besoins économiques et environnementaux et pour en faire la cheville ouvrière de la transition écologique. Pour cela, il faut bien évidemment revoir les modèles de segmentation des activités et de libéralisation. C’est une priorité.
Par ailleurs, nous regrettons la suppression du compte d’affection spéciale pour les lignes d’aménagement du territoire, dont les crédits sont encore en recul. Ils passent ainsi de 312 millions à 293 millions d’euros, bien loin de la relance annoncée.
Autre point majeur de préoccupation pour notre groupe : la faiblesse des crédits pour la rénovation énergétique, notamment en ce qui concerne les logements sociaux. L’ANAH n’a pas aujourd’hui les capacités humaines nécessaires pour affronter toutes les demandes. Il y a donc fort à craindre que l’ensemble des crédits ne soit pas consommé et que l’objectif annuel de rénovation de 500 000 passoires thermiques ne soit pas atteint. Pourtant, il s’agit d’un secteur de relance puissant en faveur du BTP, créateur d’emplois non délocalisables et à même d’améliorer le pouvoir d’achat des ménages.
Concernant les risques industriels, les annonces de Mme Borne, à la suite de l’accident de Lubrizol, n’auront que peu de traductions. Alors que la direction générale de la prévention des risques estime les besoins à 200 inspecteurs supplémentaires, seuls trente postes sont créés initialement. Pire, pour l’Ineris, les baisses d’effectifs cumulées sur trois ans représentent 20 % du personnel.
Pour finir, je regrette la coupe continue dans l’emploi public au moment où le sens de la transition écologique est bien indissociable de la solidarité.
Près de 800 postes équivalents temps plein seraient ainsi supprimés parmi les opérateurs de l’État, soit une baisse de plus de 3 % qui vient s’ajouter à la saignée de 5,3 % de l’année dernière. Tous les opérateurs sont touchés : les agences de l’eau, l’Office de la biodiversité, l’IGN, le Cerema, Météo-France ; une politique sociale qui se conjugue avec des baisses de subventions pour charge de service public.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre ces propositions budgétaires, qui ne témoignent pas d’un changement de paradigme, qui méprisent les travaux de la Convention citoyenne et qui poursuivent le désengagement de l’État pour impulser, accompagner et porter des projets vers une transition écologique au service du plus grand nombre avec les personnels indispensables à cette mission. (M. Pascal Savoldelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je souhaite partager avec vous les remarques sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » qui ont été retenues par notre commission après l’important travail de nos rapporteurs pour avis.
Ma première remarque concerne le nouveau document joint au projet de loi de finances : le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État.
Le Gouvernement s’était engagé, l’année dernière, à produire un tel document ; c’est chose faite, aujourd’hui, avec ce qu’on peut en effet appeler la première budgétisation environnementale, le premier « budget vert ». Notre commission se félicite que cette étape, qu’elle appelait de ses vœux depuis plusieurs années – n’est-ce pas, Hervé Maurey –, ait été franchie. Elle avait d’ailleurs déjà proposé une méthode de révision des indicateurs du dispositif de performance budgétaire s’appuyant sur les indicateurs de suivi des objectifs de développement durable (ODD), sur le modèle de ce que fait la Finlande par exemple.
Si ce premier « budget vert » est encore à parfaire, de l’aveu du Gouvernement lui-même, nous soutenons cette démarche qui met le budget, c’est-à-dire le plus stratégique de nos outils, au service de la transition écologique durable. Le respect des engagements climatiques que nous avons pris dans le cadre de l’accord de Paris, dont nous allons bientôt fêter, en décembre, la date anniversaire, passe en premier lieu par un diagnostic précis de l’impact de nos politiques publiques sur l’environnement et sur le climat.
Ma deuxième remarque est également un point de satisfaction. Un effort réel est consacré, dans le cadre de ce projet de loi de finances, à la transition écologique. Les crédits de la mission augmentent : plus de moyens – enfin ! – pour le secteur du transport ferroviaire ; une importante hausse des dépenses d’investissement en faveur du transport fluvial ; un renforcement des aides à l’acquisition de véhicules propres ; plus de moyens pour l’entretien des infrastructures routières et la mise en œuvre des projets routiers des contrats de plan État-région ; des crédits supplémentaires pour les aires protégées et des moyens budgétaires inédits pour les agences de l’eau, acteurs essentiels de la relance sur les territoires ; une augmentation des ressources du fonds Barnier – cela a été dit. Voilà autant de raisons de nous réjouir.
Mais il y a bel et bien, selon nous, une ombre au tableau.
Si nous saluons l’effort budgétaire accompli, nous nous inquiétons grandement, en revanche, de la baisse importante des moyens humains dont il s’assortit – ce sera ma dernière remarque.
Les emplois du ministère et, surtout, ceux des opérateurs diminuent fortement cette année. Pour certains établissements comme le Cerema, les parcs nationaux ou les agences de l’eau, ces baisses sont particulièrement préoccupantes. Comment, dans ce contexte, atteindre nos objectifs ? Comment accompagner les collectivités territoriales, qui sont fortement impactées par les crises que nous traversons, qu’elles soient sanitaires ou liées à une catastrophe naturelle – je pense à la tempête Alex –, pour qu’elles puissent mener à bien leurs projets de transition écologique ?
Nous savons qu’il est souvent possible, et qu’il est louable, de faire aussi bien, voire mieux, en se réorganisant, en mutualisant, en rationalisant. Mais il arrive un stade où l’on met en péril le cœur des missions de ces opérateurs, dont les tâches ne cessent de s’élargir et dont les effectifs ne cessent de fondre au détriment d’un maillage territorial précieux et indispensable en ingénierie et en accompagnement pour nos collectivités.
Vous le verrez : notre commission proposera un certain nombre d’amendements pour remédier à ce problème. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, RDSE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Joël Bigot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous abordons l’examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », mission emblématique s’il en est là où il s’agit de donner corps aux engagements environnementaux de la France.
Le contexte inédit de pandémie, qui est en lien étroit avec la crise écologique, ne doit pas obérer la nécessité profonde de transformation, alors que, de surcroît, le Conseil d’État, dans une décision inédite du jeudi 19 novembre dernier, donne trois mois au Gouvernement pour qu’il justifie du respect de la trajectoire de réduction des émissions carbone à l’horizon 2030.
Aussi nous attendions-nous à un volontarisme bien plus important. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que le résultat nous déçoit – quant au plan de relance, il est de maigre consolation face à tant de renoncements. Tel est aussi l’avis, d’ailleurs, des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat.
Tant de renoncements, dis-je, et au premier chef sur le front de l’emploi public : l’année dernière déjà, j’interrogeais ici même Élisabeth Borne pour lui demander, comme le faisaient l’ensemble des syndicats du ministère de l’écologie, de stopper la suppression des moyens humains et le démantèlement progressif du service public de l’environnement.
Cette année, le projet de loi de finances supprime près de 800 emplois équivalents temps plein – l’ensemble des rapporteurs ont pointé du doigt cette situation. En trois ans, ce sont près de 4 000 emplois qui ont été supprimés. Quand va-t-on arrêter d’appauvrir l’État de ses compétences ?
L’analyse des programmes 217, 113, 159 et 181 est formelle : tous les opérateurs de l’État sont touchés ; 50 % des départs à la retraite ne sont pas remplacés. Le ministère de l’écologie est le ministère qui contribue le plus aux efforts d’économie budgétaire. Comment justifier un tel choix politique ?
Comment, par exemple, l’Ademe assurera-t-elle les nouvelles missions qui lui sont dévolues dans le cadre du plan de relance et des dispositions de la loi AGEC, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ? Même en comptant les 27 emplois supplémentaires affectés à la supervision des nouvelles filières de responsabilité élargie du producteur, dites REP, vous supprimez 18 emplois dans le cadre de cette mission ; le signal envoyé est illisible.
Recruter des intérimaires pour 18 mois n’est pas une solution ; ce laps de temps ne permet pas d’assurer le suivi des crédits du plan de relance ! Il faut au ministère de la transition écologique des moyens humains propres et stables qui garantissent une expertise publique indépendante et de long terme.
On ne compte plus les agences pour lesquelles on constate des diminutions des plafonds d’emploi, alors que leurs travaux sont au cœur des politiques publiques environnementales. Je pense à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), alors que la sécurité sanitaire est au cœur de nos préoccupations, à l’Office français de la biodiversité, alors que nous assistons à l’effondrement des espèces, à Météo-France, aux agences de l’eau, à l’Ineris, et j’en passe.
Pire : alors que les collectivités locales ont un réel besoin d’outillage en ingénierie de projets écologiques, l’État supprime également des postes au Cerema. On déshabille Pierre sans habiller Paul ! C’est encore un mauvais signal pour l’Agence nationale de la cohésion des territoires et pour les nouveaux contrats territoriaux de relance et de transition écologique prévus sur l’ensemble du territoire. C’est incohérent !
Nous croyons profondément que la logique de destruction de l’emploi public doit être aujourd’hui remise en cause à l’aune de nos objectifs de transition écologique. Nous nous tirons une balle dans le pied, et c’est toute la chaîne de projets, toute l’ingénierie sur nos territoires, toute la mise en œuvre concrète des politiques publiques environnementales, qui sont impactées. Nous espérons, dans le cadre de la discussion des amendements, pouvoir infléchir cette trajectoire.
Et voilà que l’on change l’architecture des programmes pour maquiller un budget et lui donner l’apparence d’un budget à la hausse ! Hors transports, les crédits de paiement alloués à la mission « Écologie » diminuent en réalité, à périmètre constant, de 6 % – cela a déjà été dit. L’intégration du fonds Barnier au budget général est vantée par la ministre de la transition écologique, mais nous nous interrogeons sur les motivations d’une telle budgétisation.
En effet, celle-ci pourrait permettre au Gouvernement de fixer chaque année des crédits budgétaires différents tout en percevant désormais directement dans le budget de l’État 100 % des cotisations des assurés. Nous en rediscuterons également lors de l’examen des amendements ; c’est un sujet important au regard de la recrudescence des catastrophes naturelles qui touchent la France.
Il ne s’agit pas ici de dresser un bilan apocalyptique de votre projet de budget. Il n’y a aucune posture dans la position que nous adoptons ; simplement la conviction qu’il vous faut élever vos ambitions, lesquelles nous paraissent timorées compte tenu des enjeux climatiques.
Les amendements présentés par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain vous sembleront certainement démesurés, monsieur le ministre, mais tous traduisent cette nécessité d’investir lourdement dans la transition écologique, dans la rénovation énergétique des bâtiments, dans les énergies renouvelables, dans les transports ferroviaires, dans l’économie circulaire, pour réussir la « nouvelle grande transformation ».
Nous touchons peut-être là aux limites de l’exercice budgétaire. À force d’appauvrir les ressources de l’État en recettes, nous n’avons plus de quoi financer ses dépenses ; l’équation est imparable, et l’événement d’hier marquera les consciences.
Aussi, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, et pour celles qu’exposera bientôt ma collègue Angèle Préville, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)