M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le plan d’urgence, après le plan de soutien, après les adaptations successives de l’un, puis de l’autre, l’heure est enfin venue d’examiner les crédits alloués au plan de relance. En responsabilité, suivant notre rapporteur spécial, je vous le dis sans attendre, monsieur le ministre, nous soutiendrons ce plan de relance ; mais, au fond de nous, il y a beaucoup de regret devant le temps perdu.
Alors que le PIB dégringolait de près de 14 points au deuxième trimestre 2020 et que nos voisins européens dégainaient différentes mesures favorables à la relance de leur économie, la France a, elle, attendu fin septembre pour présenter les siennes. Dès l’été, le Sénat avait pourtant alerté le Gouvernement sur la nécessité d’une réponse rapide afin d’endiguer les difficultés sociales et de limiter autant que possible les défaillances en cascade de nos entreprises.
Le chiffre rond de 100 milliards d’euros est martelé avec beaucoup de conviction. Mais, à y regarder de plus près, la réalité de ce plan de relance est beaucoup plus ambiguë qu’il n’y paraît, car l’enveloppe globale est artificiellement gonflée.
Vous conjuguez des crédits déjà « budgétés » en 2020 avec d’autres qui ne le seront, au mieux, qu’en 2022. Vous agrégez des mesures tantôt budgétaires, tantôt fiscales, tantôt conjoncturelles, tantôt structurelles ; des sources de financement tantôt nationales, tantôt européennes, tantôt certaines, tantôt hypothétiques. Nous aimerions à cet égard avoir quelques précisions sur la traduction concrète du plan de relance européen à l’échelle du pays. Vous créez une mission ad hoc, mais mobilisez en dehors plus de 15 milliards d’euros d’autorisations d’engagement. Comment s’y retrouver ?
Au bout du compte, seuls 22 milliards d’euros de crédits de paiement seront consacrés l’année prochaine au plan de relance, soit 1 % seulement de la richesse nationale… Préjudiciable pour la confiance des acteurs de terrain, qu’ils soient économiques ou politiques, le manque de clarté l’est finalement aussi pour l’efficacité de la gestion des aides attribuées. En confiant les manettes à Bercy, autrement dit à l’État central, vous prenez le risque d’entraver le déploiement effectif de la relance dans les territoires. Là aussi, nous avons lancé l’alerte depuis plusieurs mois : la réussite de la reprise économique ne pourra s’obtenir qu’en concertation avec les collectivités locales et leurs élus.
Un mot enfin sur le volet social de ce plan de relance. Le mécanisme d’activité partielle a formé un filet de sécurité bienvenu pour bon nombre de salariés. Nous accueillons aussi favorablement le dispositif d’accompagnement des jeunes vers l’emploi. Des trous dans la raquette demeurent toutefois, concernant tout à la fois les travailleurs indépendants, les intérimaires, les emplois précaires et les chômeurs.
Les crispations sociales appellent également un devoir d’exemplarité. C’est pourquoi nous soumettrons à l’approbation de la Haute Assemblée un amendement visant à contrecarrer l’effet d’aubaine créé par l’allocation de fonds au profit de grandes entreprises qui seraient tentées par les délocalisations.
Pour l’engagement des mesures d’urgence et l’extension des mesures de soutien, le groupe Union Centriste a fait son devoir, et il va encore le faire aujourd’hui avec l’adoption des crédits de la mission. Mais, monsieur le ministre, nous vous le disons avec la franchise qu’autorise le débat parlementaire, notre soutien aujourd’hui ne sera pas sans exigences pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous étudions ce jour l’innovation de ce projet de loi de finances : la mission « Plan de relance ».
Commençons par les irritants, à savoir la communication : 100 milliards d’euros. Après analyse, on trouve de tout, cela a été dit : des mesures déjà engagées en 2020, pour 15 milliards ; la baisse des impôts de production, une vieille lune, pour 20 milliards ; le financement du Ségur de la santé, des participations d’organismes variés qui, pour l’essentiel, ne font qu’accélérer leurs programmes, et 49 milliards de crédits budgétaires, dont 36 milliards au strict titre de cette mission et 22 milliards en crédits de paiement.
Cela me rappelle l’annonce du plan de soutien en juillet. Pourquoi avoir évoqué un coût de 450 milliards d’euros, voire de 470 milliards, en mélangeant allègrement dépenses réelles, prêts et garanties… Résultat : 65 milliards d’euros réellement décaissés.
Ces discours grandiloquents lassent ou inquiètent. On ne fait qu’inquiéter les Français, qui se disent que demain il faudra rembourser et qui, du coup, économisent au lieu de consommer. Si c’est l’objectif recherché, alors c’est réussi !
Finalement, pourquoi une mission spécifique ? Sans doute pour mieux séparer des charges temporaires des dépenses ayant vocation à devenir récurrentes. On pourrait sans doute s’interroger sur la conformité de cette présentation à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, tant certaines dépenses auraient pu trouver tout naturellement leur place dans les missions budgétaires.
Malheureusement, la baisse des impôts de production, elle, est présentée comme ayant vocation à être pérenne. Au-delà du fait que le lien avec la relance économique reste à démontrer, comment peut-on aujourd’hui proposer une réforme visant à priver l’État de 10 milliards d’euros par an au moment où la dette explose ?
Demain, il nous faudra régler cette question de la dette et je ne vois pas comment la croissance, au vu de ce qu’elle a été sur les trente dernières années, pourrait seule y pourvoir. Je note d’ailleurs que la majorité sénatoriale commence à s’interroger sur la recherche de nouvelles ressources. En témoignent les timides avancées vers une taxation exceptionnelle des suppléments de recettes des assurances ou des géants de l’e-commerce.
Rémi Féraud reviendra sur les priorités de notre groupe qui semblent manquer dans votre plan de relance. Je voudrais pour ma part évoquer la situation des jeunes dans notre pays.
Quelques constats : en 2018, le taux des 18-29 ans vivant sous le seuil de pauvreté s’élevait à 12,5 %, soit 4,2 points de plus que la moyenne nationale. Les jeunes sont les premières victimes des chocs économiques. Les effets de la crise sanitaire ont été immédiats, puisque le chômage des jeunes a bondi de 2,6 points sur un an au troisième trimestre 2020, contre 0,6 point pour la moyenne nationale.
Le plan « un jeune, une solution » n’apporte à ce problème qu’une réponse lacunaire, puisqu’au jeune qui ne parviendrait pas à s’inscrire dans l’un des parcours d’insertion, la « solution » proposée se limiterait aux aides ponctuelles de solidarité, comme celles versées à l’été et à l’automne 2020. Je constate d’ailleurs que la ministre du travail est revenue en partie sur ce point ce matin. Si l’on peut noter un renforcement bienvenu des différents dispositifs de la politique de l’emploi, force est de constater que rien ne garantit que les instruments mis en place bénéficient prioritairement aux jeunes les plus en difficulté.
Surtout, ce plan revêt un caractère strictement conjoncturel, alors même que le problème de la pauvreté des jeunes, s’il est accentué par la crise, est bel et bien structurel. Ceux-ci seraient d’ailleurs fortement affectés par la décision obstinée du Gouvernement de maintenir la réforme de l’assurance chômage. En rendant plus restrictives les conditions d’ouverture des droits pour les personnes ayant alterné périodes de chômage et contrats courts, cette réforme pénaliserait avant tout les jeunes, comme l’a démontré l’Observatoire des inégalités.
Aujourd’hui, les conditions d’accès des jeunes aux minima sociaux sont particulièrement limitées, notamment aux jeunes parents et à ceux ayant travaillé au moins deux ans à temps plein au cours des trois dernières années. Près d’un million de jeunes peuvent certes bénéficier d’aides au logement, mais celles-ci ne sauraient être assimilées à un revenu d’existence. La garantie jeunes constitue un dispositif important d’accompagnement vers l’autonomie des jeunes les plus éloignés du marché de l’emploi, mais, avec une éligibilité limitée à dix-huit mois, elle ne saurait apporter de réponse globale au problème de la pauvreté des jeunes.
La France est l’un des rares pays européens dans lesquels les minima sociaux ne sont pas accessibles aux jeunes de moins de 25 ans. À cet égard, je vous renvoie au rapport de Christophe Sirugue en 2016. L’épreuve de la crise doit constituer pour nous l’occasion de reconstruire un lien de confiance entre les générations, en pensant collectivement un nouveau cadre pour favoriser l’émancipation des jeunes adultes.
C’est la raison pour laquelle le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain propose de financer en 2021 le lancement d’une expérimentation territoriale visant à instaurer une dotation d’autonomie pour la jeunesse, permettant d’apporter un soutien monétaire aux jeunes émancipés.
Monsieur le ministre, le soutien aux entreprises comme aux salariés et aux indépendants est fondamental. Celui que nous devons aux plus fragiles et à notre jeunesse, cette jeunesse qui demain, avec nous, devra gérer la dette creusée par cette pandémie, l’est tout autant. Ce plan de relance ne le dit que trop peu. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme Christine Lavarde. La pandémie de covid-19 et ses conséquences sur notre économie justifient aujourd’hui l’interventionnisme de l’État. Le chiffre de 100 milliards d’euros, sur lequel le Gouvernement communique largement, est impressionnant ; c’est quatre fois plus qu’après la crise de 2008. Il se pourrait pourtant que les montants ne soient pas réellement décaissés.
En juillet, le Président de la République s’est réjoui de l’accord du Conseil sur le plan de relance européen Next Generation EU, mais je voudrais tempérer quelque peu cet enthousiasme.
En effet, les 40 milliards d’euros qui devraient être alloués à la France sont soumis à un certain nombre de contreparties. Notamment, la France va devoir présenter son plan à la Commission au début de l’année prochaine. Dès mercredi 18 novembre dernier, la Commission s’est inquiétée de la conséquence de la baisse des impôts de production sur la soutenabilité de notre dette à moyen terme. Pourtant, les analyses économiques sont assez unanimes pour dire que la baisse des impôts de production est la mesure de ce plan de relance qui aura le plus d’effet sur la croissance de moyen terme. Il se pourrait donc, parce que nous n’allons pas respecter les critères de conditionnalité, qu’une partie des aides de l’Union européenne ne nous soit jamais allouée.
Au-delà du débat sur le montant réel du plan, je formulerai trois critiques sur son contenu.
Tout d’abord, il me semble que ce plan procède un peu de l’économie circulaire : des idées plusieurs fois évoquées reviennent sans que soient apportées de véritables réponses à des faiblesses déjà identifiées.
Ainsi, 4,7 milliards d’euros sont fléchés vers le ferroviaire pour recapitaliser la SNCF et financer des annonces déjà connues, comme la rénovation du réseau ou la suppression du glyphosate. Un focus est opéré sur le fret ferroviaire, avec la gratuité des péages ou des mesures en faveur du wagon isolé. Mais, quelle est l’articulation avec les travaux de régénération ? Avec quels sillons ? Ce sera le quatrième plan fret en vingt ans…
En outre, 6,7 milliards d’euros sont fléchés vers la rénovation thermique des bâtiments. Le « grand plan d’investissement » de l’automne 2017 accordait déjà 9 milliards d’euros à cette politique que nous soutenons, au regard du poids du logement dans notre bilan carbone. Cependant, une étude de l’École des mines de 2019 révèle que le taux de rentabilité interne de la politique de rénovation thermique sur le seul critère des économies d’énergie est de cent vingt ans ! Si l’on s’en tient aux résultats de cette étude, il faudrait plutôt concentrer les moyens publics vers les fournisseurs, de manière à ce qu’ils améliorent la qualité de la rénovation et qu’ils en diminuent le coût, plutôt que vers les consommateurs. C’est d’autant plus indispensable, si l’on veut engager ce mouvement dans la durée, que le budget de MaPrimeRénov’ n’est augmenté que temporairement.
Ensuite, 1,2 milliard d’euros sont fléchés vers l’agriculture : souveraineté alimentaire, transition agroécologique, accompagnement de l’agriculture et de la forêt dans l’adaptation au changement climatique… Des thèmes qui ne sont pas nouveaux. Mais quelles sont les réponses aux problèmes structurels de notre agriculture ? La ferme France perd de la valeur ajoutée, de l’emploi et de la compétitivité.
Le Président de la République, lors de la présentation du plan de relance, a dit : « La véritable ambition de France Relance n’est pas tant dans l’importance des moyens mobilisés pour soutenir l’activité à court terme, que dans la philosophie de transformation qui sous-tend le plan. »
Or cette transformation ne transparaît pas dans le saupoudrage qui nous est proposé : 38 mesures ont un coût inférieur à 1 milliard d’euros. Le caractère très divers des mesures rend difficile l’appréciation du plan sur l’économie. Je cite pêle-mêle : modernisation des centres de tri, plantation de 7 000 kilomètres de haies, soutien à l’accueil des animaux abandonnés, développement de jardins partagés, réseau radio haut débit, acquisition de caméras piétons… Et en même temps : développement de la filière de l’hydrogène vert, soutien au nucléaire et à l’aérospatiale.
Quelle est donc votre véritable vision de l’économie française dans dix ans ?
M. Vincent Segouin. Il n’y en a pas !
Mme Christine Lavarde. Je l’ai déjà dit, nous pensons que ce plan est trop tardif. Seuls 25 milliards d’euros seront consommés fin 2021 ; la totalité de l’enveloppe ne le sera qu’en 2025. Dans le même temps, la quasi-totalité du plan de relance de l’Allemagne devrait être déployée d’ici à la fin de l’exercice 2021.
Nous sommes aussi un peu inquiets quant à la mise en œuvre. Le 30 août, la ministre de la transformation et de la fonction publiques indiquait que les sous-préfets à la transformation et à la relance auraient pour mission de faire « remonter tous les blocages administratifs de procédures, de dispositifs très compliqués ».
Ce plan de relance est un pari pour relancer l’économie ; c’est un pari sur l’offre. Nous croyons à cette option, car c’est la seule à même de développer la croissance potentielle de l’économie française et ainsi d’avoir un effet à long terme sur l’emploi. Mais c’est aussi un pari sur notre capacité à engager des réformes structurelles pour dégager des excédents permettant de rembourser la dette covid.
C’est un véritable pari qui engage les gouvernements sur plusieurs quinquennats. En effet, l’emprunt commun européen ne commencera à être remboursé qu’en 2028, sur la base de conditions qui ne sont pas encore connues. Alors, nous allons faire avec vous ce pari, car nous pensons important de relancer l’économie, mais, comme d’habitude, nous serons très vigilants sur l’exécution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plan de relance consacre environ 7 milliards d’euros au secteur du bâtiment ; ce chiffre impressionne. À l’échelle des 100 milliards du plan de relance, la part qui lui est dévolue correspond en fait à son poids dans l’économie nationale.
Si l’on pousse l’analyse, plusieurs questions se posent : la rénovation thermique bénéficie de moyens supplémentaires, mais sont-ils à la hauteur ? La construction neuve n’a-t-elle pas été oubliée ? Quant aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, les maires qui ont signé l’appel du 14 novembre dernier nous disent combien le compte n’y est pas.
La rénovation thermique des bâtiments, tout d’abord, est bien la principale destinataire des crédits, avec une enveloppe d’environ 6,7 milliards d’euros : 4 milliards sont attribués aux bâtiments publics, 200 millions aux locaux des TPE-PME et 500 millions aux bailleurs sociaux. En outre, 2 milliards d’euros seront attribués aux particuliers dans le cadre de MaPrimeRénov’. Cette prime réintégrera tous les Français, bailleurs comme locataires ; surtout, elle s’ouvre aux copropriétés, ce qui est une bonne chose.
Deux bémols subsistent toutefois. Le premier, c’est que, loin de correspondre à des crédits nouveaux, MaPrimeRénov’ recycle très largement les moyens précédemment dévolus au crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, qui dépassaient 1,1 milliard d’euros par an. De ce fait, on se demande comment cet élan se poursuivra après le plan de relance, c’est-à-dire après 2022.
Le second bémol, c’est le grand décalage entre les moyens déployés - 2 milliards d’euros – et le chiffrage de la transformation des logements évoqué par la Convention citoyenne pour le climat, qui s’élève à plus de 20 milliards, soit dix fois plus. Peut-être pourrez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment on arrive à relier ces deux chiffres…
Près de 7 milliards d’euros pour la rénovation du bâtiment, c’est bien, mais que trouve-t-on pour la construction neuve ? Aussi étonnant que cela puisse paraître : rien ! Elle est dans l’angle mort du plan de relance. Pourtant, la situation est grave. Malgré le rebond observé après le premier confinement, les professionnels estiment que l’on devrait atteindre moins de 350 000 permis de construire. Au total, sur 2020-2021, on déplorera sans doute 100 000 constructions de logements de moins. J’avais déjà averti à cette tribune : après la crise sanitaire arrive la crise du logement.
Face à cette situation, les solutions mises en œuvre par le Gouvernement sont insuffisantes, alors que l’on considère que 100 000 logements construits équivalent à 200 000 emplois préservés ou créés. Le secteur du bâtiment a arraché in extremis la prolongation des dispositifs d’investissement locatif intermédiaire Pinel et d’aide à l’accession sociale au travers du prêt à taux zéro, le PTZ, mais ce ne sont pas là des mesures nouvelles. Ce n’est pas une relance.
D’autres mesures étaient possibles, comme le retour à une TVA de 5,5 %, au lieu de 10 %, pour les logements sociaux. Ce taux réduit représente 5 000 euros de moins par logement. On comprend l’effet massif que l’on peut obtenir, en l’appliquant à plusieurs dizaines de milliers de logements par an. On pouvait également soutenir les opérations de reconversion de locaux en logements ou encore l’accession à la propriété au travers du rétablissement de l’APL-accession, injustement supprimée il y a deux ans. On pouvait également prendre des mesures structurelles, en libérant les bailleurs sociaux du poids de la réduction de loyer de solidarité, la RLS, qui pèse 1,3 milliard d’euros par an, ou créer enfin un véritable statut du bailleur privé, qui ne doit plus être considéré comme un rentier improductif, mais bien comme un entrepreneur en logement.
Enfin, les quartiers populaires sont les oubliés de ce plan de relance. Trois ans après le discours de Tourcoing, le constat est amer. Le rapport Borloo est resté lettre morte. Ces quartiers sont aujourd’hui en plein désarroi. Partout, sur le terrain, les signaux sont au rouge. Les quartiers populaires sont deux fois plus infectés par la covid-19 en raison de l’exiguïté des logements. De plus, la crise sanitaire a provoqué une très grave crise économique et sociale. Les maires de ces quartiers dénoncent aujourd’hui une véritable non-assistance à des territoires en danger de décrochage de la République. (Mme Sophie Primas applaudit.)
En dépit des alertes, aucune mesure ambitieuse n’a été prise. Aux Mureaux, le 2 octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé un investissement supplémentaire dans l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, mais en réalité la contribution de l’État à la rénovation urbaine diminue de 10 millions d’euros cette année. En 2008, au contraire, des mesures spécifiques importantes et rapides avaient été prises pour les quartiers par le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, ces maires demandent 1 % du plan de relance : alors, écoutez-les, monsieur le ministre, pour résorber cette fracture territoriale qui nourrit le séparatisme !
Pour conclure, faites confiance aux territoires, monsieur le ministre, donnez-leur les moyens d’agir : sans les territoires, vous aurez le plus grand mal à rendre efficace et rapide votre plan de relance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débutons l’examen des crédits de la mission « Plan de relance » et j’aimerais m’arrêter sur plusieurs points chers à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable que j’ai l’honneur de présider.
Mon premier point est un motif de satisfaction. La nouvelle mission consacre 240 millions d’euros au déploiement de la fibre dans le cadre du plan France Très haut débit. Ces crédits s’ajoutent aux 30 millions d’euros ouverts par la troisième loi de finances rectificative, à l’initiative de notre assemblée, et aux 280 millions de crédits « recyclés » promis par le Gouvernement en début d’année. En cumulé, avec 550 millions d’euros, les moyens pourraient être suffisants pour un déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire d’ici à 2025. J’insiste, car il s’agit là d’une victoire politique majeure pour le Sénat, mais également pour notre commission qui a engagé le combat de la couverture numérique des territoires depuis plusieurs années.
J’ai un second motif de satisfaction sur ce plan de relance concernant les efforts budgétaires consentis en faveur de la sécurité des ponts. La mission d’information conduite par notre commission l’année dernière avait dressé un constat alarmant sur ce sujet et mis en évidence le fait que de nombreux ponts gérés par les collectivités territoriales sont en mauvais état.
Nous avions recommandé la mise en place d’un « plan Marshall » et la création d’un fonds d’aide aux collectivités territoriales doté de 130 millions d’euros par an. Les crédits prévus par le plan de relance constituent donc une première étape importante qui permettra d’aider les collectivités à recenser et à diagnostiquer l’état de leurs ponts. Cependant, elle reste insuffisante ; il faut aller plus loin et aider les petites collectivités qui n’ont pas les ressources suffisantes pour réparer leurs ponts en mauvais état. Tel est le sens d’un amendement qui sera présenté tout à l’heure au nom de la commission.
Enfin, s’agissant de la prévention des risques et de la lutte contre les pollutions de toutes natures, je salue le renforcement des moyens de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe.
Ces différents motifs de satisfaction n’empêchent pas pour autant quelques inquiétudes. Je regrette en effet le manque d’envergure du plan de relance sur la question des risques naturels, alors que, vous le savez, un euro investi dans la prévention permet d’économiser à terme sept euros de travaux.
Sur le secteur ferroviaire, je regrette que le plan de relance n’aille pas plus loin. Les moyens consacrés à la régénération du réseau et à la remise en état des petites lignes restent inférieurs aux préconisations du rapport Philizot. Quant au fret, les mesures sont évidemment bienvenues, mais cette première étape devra être intensifiée dans le cadre de la stratégie pour son développement qui doit être présentée prochainement par le Gouvernement.
Ainsi, ce plan de relance s’apparente plutôt, par certains aspects, à un plan de soutien : une part importante des montants prévus recouvre soit la compensation de pertes et de retards liés à la crise, soit des dépenses déjà prévues, mais non budgétées.
Enfin, ce manque d’ambition se constate également en matière de protection de la biodiversité. Les moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions face aux récentes et constantes alertes sur l’état de la biodiversité, sans rappeler son lien avec la crise sanitaire actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite du président de la commission des finances Claude Raynal, je vous le confirme, ce que nous regrettons, ce ne sont pas tant les crédits inscrits dans ce plan de relance que ceux qui n’y sont pas, c’est-à-dire le plan d’urgence dont notre pays a besoin dans la crise et qui manque cruellement. Ce plan gouvernemental a le mérite d’exister, mais il n’est pas si grand que la communication qui l’accompagne, et surtout il est incomplet : c’est pourquoi nous avons présenté un budget alternatif, dont les mesures seront illustrées par nos amendements.
Car comment oublier les jeunes, cette génération sacrifiée à la fois par la crise sanitaire et ses répercussions économiques ?
Parce qu’il n’est pas normal que notre pays laisse tant de jeunes tomber dans la pauvreté, nous proposerons la création d’une dotation d’autonomie pour la jeunesse destinée aux 18-25 ans, leur permettant de disposer des ressources auxquelles ils n’ont plus accès en raison des restrictions actuelles d’activité.
Et parce que chaque jeune porteur d’un projet associatif ou professionnel doit pouvoir se faire aider, particulièrement dans cette période, nous proposerons aussi de renforcer le financement de ces projets.
Face à la crise que nous traversons, il est évidemment impératif de relancer l’activité économique, mais il n’est pas possible pour autant de faire abstraction du défi climatique. C’est pourquoi nous devons accélérer dans le développement d’offres de transports propres, tant en milieu urbain que dans les zones rurales. Nous proposerons, dans ce sens, un « choc écologique » des transports, en plus d’un soutien spécifique destiné aux territoires ruraux.
Comme nous l’avons déjà fait remarquer au cours de nos débats, ce projet de loi fait la part belle aux grandes entreprises. Toutefois, parce que la transition écologique ne passera pas seulement par les multinationales, nous voulons créer un fonds de transition écologique destiné exclusivement aux TPE et aux PME.
Vous le voyez, nous n’opposons pas le développement économique et la transition écologique, non plus que le développement économique et la justice sociale. À la politique de l’offre du Gouvernement, nous ajoutons un indispensable soutien à la demande, en mettant au cœur de notre budget la hausse du pouvoir d’achat des ménages par la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA), l’amélioration de la prise en charge du chômage partiel et l’augmentation des aides au logement.
Pour soutenir le monde associatif et le secteur culturel si touchés par cette crise, nous proposons aussi un total de 800 millions d’euros répartis en un plan de soutien à la vie associative et un renforcement des aides à la culture.
Enfin, nous ne devrions pas oublier nos soignants. C’est pourquoi nous proposons bien davantage que le Gouvernement pour l’hôpital et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Dire de nos soignants, à juste titre, qu’ils sont les héros du quotidien ne suffit pas. Le Ségur de la santé ne doit être qu’un premier pas. Nous voulons un grand plan pour l’hôpital et l’autonomie.
Notre pays, mes chers collègues, a besoin d’un choc social et écologique qui accompagne la relance économique. Saisissons-nous de ces sujets : il est encore temps d’agir et nous pouvons le faire, en amendant aujourd’hui le projet du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)