M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Anne Chain-Larché, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques mois, dans cet hémicycle, le Sénat examinait le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Nous demandions au ministre de l’économie, des finances et de la relance un rapide effort de soutien et de relance économique et nous lui transmettions de nombreuses propositions en ce sens.
Dès le mois de juin, la commission des affaires économiques du Sénat lui adressait son plan de relance. Cinq mois plus tard, le Sénat est appelé à se prononcer sur la copie du ministre, traduction budgétaire du plan France Relance. Or la France n’est déjà plus la même.
Alors que, en septembre, un fort rebond se dessinait, en novembre, l’économie est de nouveau figée par un second confinement, qui fait peser une menace existentielle sur notre petit commerce, frappe de nombreux secteurs et met à l’épreuve notre système social. Même les secteurs dont l’activité est relativement préservée craignent désormais un ralentissement durable. Face à l’incertitude, une crise de la demande vient remplacer la crise de l’offre.
La relance qui nous est présentée va, à bien des égards, dans le bon sens. Les défis qui se posent sont correctement identifiés, en particulier l’impératif d’investissement public et privé dans la modernisation, la numérisation et la transition énergétique, le renforcement de notre souveraineté industrielle dans les secteurs stratégiques et l’enjeu d’innovation et de développement des compétences. L’effort budgétaire consenti est considérable.
La commission des affaires économiques invite toutefois à rééquilibrer ce plan. À trop viser la France de 2030, on en oublierait la France de 2021 ; or le stimulus doit être au rendez-vous.
La mission néglige d’importants leviers de relance et des angles morts apparaissent. Seulement 170 millions d’euros sont prévus pour le commerce et l’artisanat, alors que ces secteurs sont parmi les plus touchés. La construction neuve est en berne. Quant à la capacité d’investissement des collectivités, elle est insuffisante.
La mobilisation des crédits dès 2021 sera trop limitée, une partie importante d’entre eux allant vers des politiques de long terme, à l’effet d’entraînement incertain. À l’inverse, les chiffres annoncés pour la mission « Plan de relance » sont gonflés par le transfert purement cosmétique de crédits relevant du plan d’urgence ou de financements ordinaires.
J’ai parlé du « combien », j’évoquerai maintenant le « comment ».
Notre commission s’interroge sur la méthode retenue par le Gouvernement. Des appels d’offres peu accessibles aux petites entreprises, un accompagnement presque absent du plan de relance, une territorialisation balbutiante, complexe et d’ampleur limitée : ces carences impliquent que le Gouvernement fasse un effort particulier en termes de suivi et d’évaluation, sous le regard vigilant du Parlement.
Sous ces réserves, que nous avons traduites en amendements, la commission des affaires économiques du Sénat – Sénat qui, lui, ne manque aucun rendez-vous avec la France –, a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Plan de relance ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois déjà, l’État est omniprésent dans notre économie, d’abord avec les mesures de sauvetage, puis aujourd’hui avec celles de relance. Les premières ont d’ores et déjà été concrétisées en euros sonnants et trébuchants, les secondes manquent encore de matérialité.
En fait, les mesures de sauvetage et les mesures de relance forment un continuum de l’action publique au service de notre économie et de son nécessaire redémarrage. Cette nouvelle mission constitue un outil comptable indispensable au travail du Parlement, qui pourra ainsi suivre l’affectation et la bonne utilisation des crédits votés, puis, le moment venu, évaluer leur performance.
Deux éléments détermineront la réussite du plan de relance. Le premier, c’est la temporalité de cette mission, dont l’essentiel des crédits doit être consommé d’ici à 2022. Le second, c’est la fongibilité des crédits contenus dans les trois programmes de la mission. La combinaison de ces deux éléments doit garantir une exécution efficace des crédits de la mission dans un temps limité, sans doute trop limité. Le plan de relance est nécessaire ; surtout, il doit faire l’effet d’un électrochoc sur notre économie.
Cette intensité d’exécution ne doit pas nous empêcher de préparer les fondements d’une croissance renouvelée – c’est même une exigence. Il s’agit ainsi d’articuler tactique et stratégie : la tactique, c’est l’électrochoc à court terme ; la stratégie, c’est la préparation d’une croissance d’avenir, tournée vers les secteurs du futur.
Je tiens à cet égard à évoquer les deux leviers d’action qui me paraissent les plus efficaces.
Le premier, c’est la rénovation énergétique de nos logements. Actionner ce levier nous permettra, d’une part, d’atteindre enfin les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés pour ce secteur qui demeure l’un des plus énergivores et des plus émetteurs de gaz à effet de serre, d’autre part, de stimuler le tissu économique de nos territoires, notamment nos entreprises et nos artisans de proximité.
Les collectivités territoriales doivent prendre toute leur part dans cette dynamique d’investissement. Les élus locaux sont sans doute les mieux placés pour organiser au plus près du terrain la mise en œuvre de ce nécessaire élan national. C’est pourquoi je soutiens les amendements de Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques qui cherche à provoquer un électrochoc à la fois sur l’offre et sur la demande. Je regrette que le Sénat n’ait pas pu, à ce stade, accepter le taux réduit de TVA sur les opérations de rénovation. J’espère que nous adopterons ce taux sur les capacités d’investissement des collectivités.
Le second levier d’action, c’est le développement des énergies d’avenir, au premier rang desquelles figure l’hydrogène. Il est urgent de déployer rapidement une stratégie ambitieuse dans ce domaine. C’est pourquoi je salue le choix du Gouvernement de consacrer 7 milliards d’euros au développement de l’hydrogène. Cet investissement public pourra avoir un effet d’entraînement important sur l’investissement privé et permettra de bâtir cette filière d’avenir.
À cet égard, l’épargne que les Français ont constituée au cours des deux épisodes de confinement ne demande qu’à être réinvestie. La mobilisation de ces capitaux sera également déterminante pour la réussite du plan de relance. Nos débats doivent donc permettre de renforcer les politiques en faveur de la demande.
En conclusion, je pense que le succès de la relance nécessite d’activer d’autres leviers, notre pays ayant besoin d’un double choc pour relancer son économie.
Le premier choc, c’est un choc de compétitivité. La baisse des impôts de production se révélera à cet égard salutaire pour nos entreprises, notamment pour nos PME et nos entreprises industrielles de taille intermédiaire. C’est une excellente politique que nous devons continuer de mettre en œuvre avec la même ambition.
Le second choc, c’est un choc de simplification. Il s’agit de faciliter le désir d’entreprendre, d’investir et de créer dans notre pays. C’est le grand défi qui nous attend désormais : inventer une nouvelle forme de croissance, adaptée aux impératifs écologiques et territoriaux et libérée des freins inutiles. Cette crise doit permettre à notre pays de faire les bons choix d’avenir, fondés sur l’investissement, l’innovation, la compétitivité et la simplification.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui, au cœur de la crise, pour examiner le plan de relance.
Avouons-le tout de suite, nous sommes frustrés, parce que ce plan n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait injecter dans l’économie. Il est davantage un plan de communication ! Les 100 milliards d’euros que vous annonciez comprennent par exemple une baisse de 20 milliards d’euros des impôts de production, non ciblée, non conditionnée – nous en avons déjà beaucoup parlé –, et au final seuls 22 milliards d’euros sont aujourd’hui soumis à notre examen.
Qui plus est, de nombreux crédits servent en fait à remettre à niveau les budgets de certains ministères. Il s’agit donc plutôt d’un plan de rattrapage, comme l’a dit M. le rapporteur spécial. Ainsi, des crédits sont destinés à l’achat de matériel informatique ou, plus farfelu, de tasers pour les forces de l’ordre – ils sont répertoriés comme des achats en faveur de la transition numérique…
J’en viens à des remarques plus structurantes. Dans un véritable plan de relance pour le monde d’après, nous attendions un investissement extrêmement fort en faveur du train. Or que voyons-nous ? Une simple mise à niveau, et encore, à peine ! Les enjeux sont pourtant immenses.
La preuve que votre plan de relance n’est pas à la hauteur, c’est qu’il prévoit que, d’ici à 2022, si tout se passe bien, la France comptera encore 160 000 chômeurs de plus qu’avant la crise. Nous sommes donc, et vous le notez vous aussi, bien en deçà de ce que devrait être une gestion de crise qui permette de limiter la casse sociale. En fait, vous avez sans arrêt un plan de retard, que ce soit pour la relance ou pour l’urgence !
Le Premier ministre a annoncé tout à l’heure que le nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes serait porté de 100 000 à 200 000. En réalité, il avait déjà annoncé une augmentation de 50 000… Pour notre part, nous demandons le RSA pour tous les jeunes – c’est cela, être à la hauteur ! Je le répète, vous courez après la crise, vous avez toujours un plan de retard.
Alors qu’il faudrait un changement profond de modèle pour faire face à la crise climatique qui est déjà là et qui va s’aggraver – nous le voyons bien dans les territoires –, vous engagez une course à la consommation.
Le plan de relance prévoit certes des projets très intéressants, comme le développement de la filière de l’hydrogène, mais ils ne dénotent pas un véritable intérêt pour la transition écologique, parce que ce qui vous intéresse, c’est la rapidité de consommation des crédits, non la qualité des projets.
Alors, que va-t-il se passer finalement ? Le plan de relance sera en fait utilisé par les plus gros porteurs de projets, ceux qui disposent de l’ingénierie, et ce sont les projets les plus simples, pas forcément les plus vertueux, qui seront soutenus.
Ce plan ne met donc pas en œuvre un nouveau modèle et la manière dont vous l’avez organisé ne permettra pas qu’il irrigue les territoires.
Je l’ai dit, il s’agit d’un plan de communication, alors même que vous avez sans arrêt un, deux, voire trois temps de retard sur les questions sociales. En outre, vous n’êtes pas du tout à la hauteur des enjeux climatiques.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne peut donc pas être en accord avec ce plan de relance. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire face à l’épidémie de covid-19, c’est bien entendu, aussi, préparer l’avenir. La relance est nécessaire, mais elle ne peut se faire qu’en accompagnant les plus touchés par la crise, les plus fragilisés.
Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez a mis en place dès le début de la crise des dispositifs exceptionnels de soutien aux entreprises et aux salariés, lesquels continuent aujourd’hui d’être mobilisables.
De nombreux textes nous ont été soumis. Récemment, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a intégré des mesures d’urgence et les engagements pris dans le cadre du Ségur de la santé. Le quatrième collectif budgétaire, adopté ici même mardi après-midi, prévoit quant à lui de mobiliser 20 milliards d’euros supplémentaires pour aider les entreprises, les petits commerces, les salariés et les ménages précaires.
Nous connaissons désormais le calendrier d’assouplissement du deuxième confinement.
L’examen de la seconde partie du projet de loi de finances commence aujourd’hui, avec la présentation des dépenses, en particulier celles qui sont destinées à permettre le redressement. Elles correspondent au plan de relance et au plan d’urgence face à la crise sanitaire.
Le but du plan de relance est de redynamiser durablement et efficacement l’économie française. Ce plan est exceptionnel : 100 milliards d’euros seront répartis dans trois volets principaux – l’écologie, la compétitivité et la cohésion. Tous les champs des politiques publiques sont concernés, tous les acteurs impliqués : collectivités, administrations, particuliers et entreprises.
L’objectif est de rebondir le plus rapidement possible dans un contexte de récession. Alors que nous connaissons une croissance de nouveau négative ce trimestre, il s’agit de dépenser la moitié des fonds du plan de relance dans les quinze mois qui viennent.
Les crédits de la mission « Plan de relance » pour 2021 représentent à eux seuls plus d’un tiers des crédits globaux du plan de relance. Il s’agit de sommes considérables.
La première priorité du plan de relance est l’environnement. Parmi les mesures phares figurent la rénovation énergétique des bâtiments, la moitié des crédits étant destinés aux bâtiments publics, et le développement des énergies propres, notamment la filière de l’hydrogène vert. Le plan France Relance fait en effet de la transition écologique un objectif stratégique, 30 milliards d’euros étant exclusivement consacrés aux investissements verts.
Hors plan de relance, le budget du ministère de la transition écologique augmente de 1,3 milliard d’euros afin de répondre à deux objectifs : décarboner notre économie, en réduisant nos émissions de carbone de 40 % d’ici à 2030, et soutenir nos secteurs d’avenir, en misant sur les technologies vertes.
Des crédits seront également fléchés vers la filière de la pêche, qui connaît de nombreux bouleversements hors crise sanitaire, notamment le Brexit ; vers la lutte contre l’artificialisation des sols, en soutien à l’économie sociale et solidaire et aux circuits courts ; vers le renforcement de notre souveraineté agricole et alimentaire grâce à l’accélération de la transition agroécologique.
Dans son volet relatif à la compétitivité, le plan prend en compte les difficultés d’approvisionnement en masques et en principes actifs de médicaments. Le ministère de l’économie soutient l’investissement dans de nouvelles capacités de production pour des secteurs stratégiques et sécurise les approvisionnements critiques et la relocalisation de projets industriels. Près de cent trente dossiers, portant sur des investissements supérieurs à 1 million d’euros, ont déjà été déposés dans le cadre d’un appel à projets ; trente et un ont été retenus. D’autres suivront, l’objectif étant que toutes les régions en bénéficient. C’est là un enjeu de souveraineté et d’équilibre territorial.
Le volet relatif à la cohésion prévoit 5 milliards d’euros pour la sauvegarde de l’emploi et le financement du chômage partiel et de la formation et 4 milliards d’euros pour les jeunes, notamment pour leur entrée dans la vie professionnelle. Sont également concernés le service civique, le sport, la vie associative, l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur.
À cet égard, je souhaite insister sur le lancement, la semaine dernière, de la plateforme « un jeune, une solution ». Cette plateforme est indispensable. Le Président de la République a précisé mardi que les moyens dédiés seraient encore renforcés. Je pense notamment aux jeunes de l’aide sociale à l’enfance, dont il faut sécuriser le passage à l’âge adulte, rendu encore plus difficile en cette période chaotique, et à l’aide à l’embauche des travailleurs handicapés.
Pour financer cette relance, le Gouvernement s’appuiera également sur les 40 milliards d’euros de l’Union européenne, obtenus grâce à l’accord de juillet. Saluons l’action résolue et efficace de nos eurodéputés, qui se battent encore contre certaines résistances. Je pense à Valérie Hayer, députée européenne et rapporteure sur les ressources propres de l’Union, qui a été auditionnée la semaine dernière par la commission des affaires européennes. Pour la première fois dans l’histoire de l’Europe, les Européens empruntent en commun pour investir ensemble.
En plus des crédits, l’articulation des différentes aides et des différents opérateurs est fondamentale, notamment avec les collectivités territoriales. À cet égard, le rôle de coordination de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et celui des sous-préfets à la relance est primordial.
Au cours des prochains mois, nous devrons rester vigilants et responsables. « Chacun de nous a entre ses mains une part de la solution », a rappelé le Président de la République mardi soir. Il en ira de même pour le redressement économique, spécifiquement pour l’accompagnement de notre jeunesse qui souffre particulièrement de la crise pour ses études et l’accès au marché du travail.
Nous voterons bien entendu les crédits qui nous sont présentés aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Plan de relance », avec ses 36,4 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 22 milliards d’euros de crédits de paiement, rassemble une multitude de dispositions relevant habituellement d’autres missions. Elle mélange le court et le moyen terme, le fonctionnement et l’investissement, entretenant ainsi une certaine confusion, source d’un manque de lisibilité.
Cette mission s’articule autour de trois programmes. Le programme 362, « Écologie », est doté de 18,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de seulement 6,6 milliards d’euros en crédits de paiement ; le programme 363, « Compétitivité », de 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 4 milliards d’euros en crédits de paiement ; le programme 364, « Cohésion », de 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 11,4 milliards d’euros en crédits de paiement.
À ces crédits, il faut ajouter 20 milliards d’euros sur deux ans, coût de la baisse des impôts de production. Des crédits sont insufflés dans d’autres missions, à hauteur de 13 milliards d’euros. Enfin, 9 milliards d’euros sont mis en œuvre par les administrations de la sécurité sociale et 5,5 milliards d’euros par Bpifrance et la Banque des territoires.
La construction hétéroclite de ces programmes budgétaires suscite des inquiétudes sur les conditions de leur exécution, car il y a un risque de confusion lors de leur mise en œuvre. Les services ministériels devront faire preuve d’une grande rigueur pour coordonner l’exécution des crédits de cette mission.
Un tel patchwork budgétaire s’apparente à du bricolage, alors que notre pays est malade, économiquement et socialement. Si certaines causes de la crise sont conjoncturelles et nécessitent que des mesures soient rapidement mises en œuvre sur le terrain, d’autres sont de nature structurelle.
Je m’interroge : serons-nous capables, demain, de sortir de cette crise structurelle, de rétablir la confiance, de permettre le retour à l’emploi et de rendre leur dignité au plus grand nombre ?
Les crédits de cette mission sont considérables : ils représentent un tiers des 100 milliards d’euros du plan national France Relance.
Comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion générale sur la première partie du projet de loi de finances, je déplore que cette mission ne mobilise pas suffisamment de moyens pour soutenir les collectivités territoriales, d’une part, pour faire face à la gestion de la crise sanitaire, d’autre part, pour participer à la relance économique. Leur rôle de levier est pourtant prépondérant pour le tissu économique et social de nos territoires.
Les associations d’élus du bloc communal s’inquiètent du manque de confiance et de la faiblesse des crédits accordés aux territoires par le Gouvernement. Leurs marges de manœuvre financières et fiscales ne cessent d’être rognées et les ressources locales s’érodent encore davantage avec la crise sanitaire.
Les petits commerces pourront rouvrir ce samedi, mais combien se relèveront de façon pérenne ? Quel avenir se dessine pour le secteur de la restauration et du tourisme et, par voie de conséquence, pour la viticulture ? Ce sont les piliers de l’économie de mon département, l’Hérault. Quel avenir également pour la culture ?
Toutes ces questions appellent une réponse politique forte pour soutenir un redémarrage rapide des trains de l’activité, avec les collectivités locales en locomotives. Ces dernières sont des interlocutrices privilégiées qui devraient être associées à la définition des projets, matérialisés par les contrats régionaux ou infrarégionaux de relance, au pilotage des crédits et à leur suivi dans le cadre des comités régionaux et départementaux. Par leur connaissance du terrain, les collectivités sont les mieux placées pour relayer les difficultés opérationnelles constatées dans leurs territoires et pour proposer des ajustements, en concertation avec les sous-préfets à la relance.
Aussi, le groupe du RDSE sera attentif à la volonté du Gouvernement d’établir un dialogue, dans la confiance, avec les collectivités locales. Nous espérons qu’il les consultera de façon régulière, voire systématique, sur les décisions susceptibles d’avoir un effet sur leurs capacités financières à participer au plan de relance afin de permettre la mise en place de solutions efficaces et adaptées.
Sous ces réserves et compte tenu de la situation que nous connaissons, les membres du groupe du RDSE voteront les crédits de la mission « Plan de relance ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plan de relance nous a été présenté avec tambours et trompettes en septembre dernier comme un vaste programme d’une ambition et d’une ampleur historique, dixit M. le Premier ministre. Ce plan est un cocktail de mesures à trois composantes.
Or seuls 30 % des crédits seront déboursés en 2021, soit 30 milliards d’euros. Ils représentent un peu plus d’un point de PIB, soit pas plus que l’effort réalisé en 2009.
Ce plan de relance constitue surtout la poursuite de la politique de l’offre menée durant le quinquennat de M. Macron et engagée lors du quinquennat précédent.
Un montant suffisamment énorme, ronflant – 100 milliards d’euros –, a été retenu afin de prouver l’engagement de l’État. Il permet d’user de superlatifs et d’évoquer « le plus grand plan de relance de l’histoire » ! Enfin, ce plan contient tous les ingrédients des discours à la mode, à commencer par le verdissement et l’innovation.
Monsieur le ministre, que sont les 100 milliards d’euros devenus ?
Le manque le plus évident de ce plan réside dans l’absence quasi totale de mesures visant à stimuler la demande. Pourtant, les consommateurs sont en ce moment sur la défensive, et cela se comprend fort bien. Les annonces de plans sociaux se multiplient, les risques de chômage partiel et de pertes de salaire aussi. Enfin, avec la pandémie plane la menace permanente d’un nouveau reconfinement.
M. Bruno Le Maire, abondamment cité dans cet hémicycle, malheureusement jamais présent pour pouvoir s’en réjouir (Rires), déclarait à l’Assemblée nationale en juillet dernier : « La France n’a pas de problème de demande, il n’y a donc pas de plan de relance de la consommation, pas de renforcement des transferts sociaux ni de développement de l’emploi public ».
Ce choix a des conséquences très claires d’un point de vue social : les plus fragiles de nos concitoyens n’ont pas grand-chose à attendre de ce plan. Le soutien aux personnes précaires s’établit à 800 millions d’euros, soit 0,8 % du plan, ce qui inclut la revalorisation ponctuelle de l’allocation de rentrée scolaire, le ticket-restaurant à un euro et le soutien à l’hébergement d’urgence.
Monsieur le ministre, dans ce contexte si particulier, il aurait été essentiel de soutenir une politique sociale forte. Après la hausse de la collecte de l’épargne que nous avons tous constatée, nous aurions dû engager une réflexion sur un emprunt national, à l’instar de ce qui s’est fait dans notre pays au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
La relance ne passera donc pas par la relance de la consommation, notamment pour les plus fragiles. Bien au contraire, car ces derniers resteront sous la menace des réformes gouvernementales de l’assurance chômage et du marché du travail, réformes structurelles imposées par Bruxelles et les marchés financiers, notamment, et auxquelles le Gouvernement est si fortement attaché.
Le cœur de ce plan n’a donc rien à voir avec la relance. C’est d’abord la reprise de la politique de l’offre du Gouvernement Philippe qui est accélérée, avec une baisse massive des impôts de production pour 20 milliards d’euros sur deux ans.
Pour le Gouvernement, ces baisses devraient permettre de réindustrialiser la France, mais il ne demande aucune garantie à cet égard. S’agissant des grands groupes, nul ne sait si cet argent ne finira pas à terme en dividendes, en épargne personnelle, en investissements à l’étranger ou sur les marchés financiers.
D’ailleurs, il apparaît que cette baisse de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) va d’abord profiter aux plus grandes entreprises. Selon de nombreux économistes, un quart de cette baisse profitera à 280 entreprises, tandis que 250 000 autres, les plus petites, n’y gagneront que 125 euros.
L’aspect massif de ce plan cache en réalité une diffusion lente propre à la politique de l’offre. Sur les 100 milliards d’euros claironnés, seulement 30 milliards seront disponibles l’an prochain. Nous sommes très loin du New Deal des années 1930.
Nous pensons que ce plan de relance est largement sous-calibré face à la crise que nous traversons. Le Gouvernement prévoit qu’il permette d’augmenter la croissance de 1,5 point en 2021 et le Premier ministre a annoncé qu’il créerait 160 000 emplois, soit 20 % des pertes annoncées pour l’année 2020, estimées à 800 000.
Vous avez fait le choix de la dette et, dans la période à venir, nous ne ferons pas l’économie d’un débat de fond sur ce sujet, en n’excluant aucune option, sans catastrophisme. Le débat sur la dette est un débat politique.
Magritte a peint un tableau célèbre, en 1928, accompagné de la légende : « Ceci n’est pas une pipe. » Monsieur le ministre, ceci n’est pas un plan de relance ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)