M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la participation française au budget de l’Union européenne pour 2021 constitue à bien des égards un révélateur.
Elle est un révélateur de crise, puisque sa forte augmentation est en grande partie un stigmate budgétaire du Brexit, mais aussi des conséquences de la crise sanitaire, au niveau tant des recettes que des dépenses. À situation exceptionnelle, moyens exceptionnels.
Cette participation est aussi un révélateur de cohésion puisque face à ces épreuves, les États membres avaient dans un premier temps fait le choix de maintenir le niveau global de leur ambition budgétaire commune, avant, dans un second temps, de mettre en œuvre de manière conjointe un plan de relance économique à tout point de vue inédit.
Le groupe Les Républicains salue cette capacité des Européens à faire bloc malgré leurs divergences et, parfois, leurs querelles. En conséquence, il votera en faveur de l’article 31 qui nous est soumis aujourd’hui. C’est dit !
Toutefois, ce quitus ne vaut pas satisfecit. En effet, le ressaut de la contribution française, qui atteint cette année un niveau record pour s’établir à 26,9 milliards d’euros, révèle un dernier élément beaucoup moins positif : l’habileté de certains États membres dans la négociation du cadre financier pluriannuel.
Ainsi, les pays dits « frugaux » ont su tirer les marrons du feu budgétaire : ils ont non seulement conservé leurs rabais, mais sont parfois même parvenus à les augmenter. La France, d’une certaine façon affaiblie politiquement et économiquement, n’a pas été en mesure d’y faire obstacle. Elle paie peut-être aussi ses déficits du passé et l’image d’un pays qui n’a pas su ou pas voulu mener les réformes structurelles importantes.
La France, dans sa grande générosité, sera le premier financeur en faveur de pays bénéficiant d’un revenu par habitant supérieur au nôtre ; c’est tout de même paradoxal ! Je regrette que la frugalité de ces pays ne contribuant pas autant à la sécurité collective et à la lutte contre le terrorisme les ait conduits notamment à réduire les crédits du Fonds européen de défense et les ambitions européennes spatiales. Ce n’était pourtant pas le moment de le faire, eu égard à la compétition stratégique mondiale et en pleine pandémie.
La disparition du « chèque » britannique représentait une opportunité peut-être unique de mettre un terme définitif au système opaque et injuste des rabais. Mais, pour s’assurer d’un accord sur le plan de relance, le Gouvernement a accepté la pérennisation et même l’amplification de celui-ci.
Vous conviendrez que la potion est un peu amère, monsieur le secrétaire d’État. Je crains fort qu’après une telle occasion manquée, ce renoncement ne nous contraigne à l’avaler encore longtemps, y compris même après 2027.
Ce revers budgétaire pour notre pays – car c’en est un – au regard des positions qu’il a défendues dans la négociation illustre par ailleurs une réalité objective qu’en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas ignorer : l’envolée en 2021 de la contribution française n’est en rien conjoncturelle.
Je ne méconnais rien des bénéfices économiques tout à fait considérables que nous procure notre appartenance au marché unique et à la zone euro, ainsi que notre participation aux politiques communes de l’Union. Mais les faits sont têtus : la France versera en moyenne 28 milliards d’euros par an durant les sept prochaines années, contre 20 milliards d’euros entre 2014 et 2020. C’est considérable !
Sans être un obsédé du juste retour, on ne peut pas ignorer que, dans ces conditions, notre solde net ne pourra que se dégrader fortement. Cette préoccupation m’amène à m’interroger sur les modalités de financement du plan de relance préparé par les chefs d’État et de gouvernement.
Nous ne sommes pas nécessairement opposés au principe de l’emprunt européen – cela s’est déjà pratiqué dans le passé, certes pour des volumes plus modestes –, mais la communication du Gouvernement sur le sujet se limite à annoncer que le plan européen financera notre plan de relance national à hauteur de 40 %. C’est un peu court en termes de pédagogie, monsieur le secrétaire d’État. Si la France devrait recevoir approximativement 40 milliards d’euros, qu’elle aurait d’ailleurs pu emprunter elle-même sur les marchés, et à des taux peut-être légèrement plus intéressants, rien n’est vraiment expliqué sur la manière dont cet argent sera remboursé.
Pour paraphraser – une fois n’est pas coutume – le Président de la République, il n’y a pas d’« argent magique ». Si la valse des milliards d’euros mobilisés ces derniers mois peut nous donner l’impression inverse, les sommes empruntées devront bien être remboursées, n’en déplaise à certains, certes pas directement par les États membres pour ce qui est du volet « subventions » de 390 milliards d’euros de la facilité pour la reprise et la résilience, mais par le budget de l’Union.
Sans pouvoir préjuger des taux de croissance de chaque État membre dans les trente ans à venir, la part de la France dans le budget européen laisse entrevoir une participation au remboursement des emprunts bien supérieure aux 40 milliards d’euros reçus. Les estimations oscillent le plus souvent entre 60 milliards d’euros et 70 milliards d’euros – l’orateur précédent a avancé le chiffre de 75 milliards d’euros – soit, bon an mal an, plus 2 milliards d’euros supplémentaires tous les ans à la charge de notre pays.
J’en viens à la question des ressources propres. L’accord politique global conclu entre le Conseil et le Parlement européen la semaine dernière contient une feuille de route détaillant l’introduction progressive d’ici à 2026 d’un panier de nouvelles ressources, dont certaines apparaissent de bon sens stratégique.
Cet accord les prévoit, mais il ne les crée pas. Or les expériences de la taxe sur les transactions financières ou encore de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés nous enseignent qu’en matière de fiscalité européenne, il y a généralement fort loin de la coupe aux lèvres. Rien ne garantit donc à 100 % que les engagements d’aujourd’hui déboucheront bien sur les ressources de demain.
En tout état de cause, si ces nouvelles ressources propres devaient effectivement voir le jour, elles contribueraient à faire basculer le mode de financement de l’Union vers un tout autre modèle. Pour certains, il s’agit d’un retour aux sources du mode de financement originel de l’Union, à la différence toutefois que les taxes communes proposées aujourd’hui financeraient non seulement des politiques concertées de relance, mais aussi, ce qui est plus nouveau, l’émission d’une dette commune.
Si nous ne sommes pas, comme cela a pu être avancé un peu hâtivement après l’accord du 21 juillet, dans un « moment hamiltonien », force est de le constater, il s’agit tout de même d’un pas supplémentaire en direction d’un fédéralisme budgétaire qui ne dit pas son nom. Une telle évolution ne pourrait légitimement être gravée dans le marbre à la seule faveur de la riposte à la crise que nous devons affronter actuellement. Elle nécessite au contraire un débat large, approfondi et éclairé sur la nature de l’Europe que nous voulons pour l’avenir. Or, pour l’instant, monsieur le secrétaire d’État, il ne me paraît pas que la question ait été présentée en ces termes aux Français.
Enfin, il m’apparaît essentiel que les sommes mobilisées bénéficient à la croissance et à la compétitivité des pays de l’Union au travers de l’utilisation avisée des fonds octroyés, mais aussi du financement de réformes fondamentales qui devront assurer que l’argent emprunté par les Européens et gagé sur les finances des Européens bénéficie bien aux Européens et ne contribue pas seulement à alimenter l’économie de nos concurrents. Rien n’est moins sûr…
Je pense par exemple à la révision de nos règles de concurrence, au renforcement de notre exigence commerciale à tout niveau, au développement d’une politique industrielle et numérique offensive. Alors que les États-Unis, la Chine et d’autres pays s’affirment comme puissances, en Europe, ce mot fait encore un peu peur. Monsieur le secrétaire d’État, il ne faudrait pas que nous nous fassions reléguer à terme au rôle de simple espace de libre-échange et de terminus des flux migratoires. Ce n’est pas l’Europe que nous voulons.
Certaines réformes sont annoncées ; d’autres sont lancées. Mais aucune n’est pour l’instant concrétisée. Monsieur le secrétaire d’État, il faut aller vite, car, pour assurer son avenir, l’Europe ne peut se contenter d’emprunter. Elle doit aussi et avant tout se réformer et s’affirmer dans la cohésion face à des États puissances et à des entreprises mondialisées, qui, eux, ne font plus de politesse et avancent de concert. C’est un Européen convaincu qui vous le dit, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce soir l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021.
Cette discussion intervient dans un contexte particulier à plusieurs titres. En effet, 2021 constitue la première année du nouveau cadre financier pluriannuel européen, qui traduira les ambitions de la politique de l’Union européenne jusqu’en 2027. Mais l’année 2021 représente également un défi pour l’Europe, qui doit faire face à une crise sanitaire et, par voie de conséquence, à une crise économique sans précédent.
Selon l’office statistique de l’Union européenne, la zone euro a enregistré entre avril et juin une baisse de 12,1 % de son PIB. Face aux nombreux enjeux, l’Union européenne a su répondre collectivement en réaffirmant son projet commun et en s’engageant à répondre d’une seule voix à la crise et aux immenses défis qu’elle doit relever. Le plan de relance et le choix de l’endettement communs sont des avancées inédites dans l’intégration et la solidarité européenne.
Pour l’année 2021, la contribution française s’établira à 26,9 milliards d’euros, auxquels il faudra ajouter 1,6 milliard d’euros de droits de douane. Cela représente une hausse de 25 % par rapport à la loi de finances initiale de l’année 2020, et une hausse aux alentours de 13,5 % par rapport à la dernière loi de finances rectificative pour 2020. Nos voisins allemands seraient frappés d’une hausse de 42 %.
Cette augmentation tient à plusieurs facteurs : les conséquences de la crise sur les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, les augmentations des crédits de paiement, l’impact encore incertain du Brexit et les rabais négociés par certains États membres lors du Conseil de juillet dernier. Cette prévision reste soumise à des incertitudes. De plus, les négociations interinstitutionnelles ne sont pas terminées.
Pourtant, nous ne pouvons que saluer l’accord trouvé le 10 novembre dernier avec le Parlement européen. Il entérine un complément budgétaire de 16 milliards d’euros appelé « ressources propres », dont le montant sera réparti entre le programme Erasmus +, le programme de recherche Horizon Europe et le programme de santé EU4Health, nécessaire pour poursuivre la lutte contre la pandémie actuelle.
Cependant, la ratification de tous les parlements nationaux est nécessaire. Vous l’avez dit, la Hongrie, la Pologne et la Slovénie ont menacé de bloquer le processus si le versement des aides européennes restait conditionné au respect du principe de l’État de droit. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur les avancées de ces négociations ?
L’Union européenne doit également faire face à la crise et aux incertitudes que provoque le Brexit. Même si les négociations se poursuivent, nous ignorons encore les conditions exactes dans lesquelles il se fera et quelles en seront les véritables conséquences économiques pour les États membres. Dans mon territoire, mais pas seulement, l’avenir des zones de pêche est un sujet de préoccupation.
Malgré ces incertitudes, qui sont encore nombreuses, nous devons dire notre satisfaction s’agissant des nouvelles priorités de l’Union. Nous nous réjouissons du renforcement des objectifs climatiques, le Conseil ayant porté de 25 % à 30 % les parts des dépenses totales du CFP et du plan de relance consacrées au climat. Cet effort budgétaire, en cohérence avec l’arsenal législatif annoncé par la Commission dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, dont la colonne vertébrale est la « loi climat », accroît significativement les ambitions de réduction des émissions de carbone.
Notons que, pour la première fois, il est fait recours au mécanisme de conditionnalité relatif au respect de l’État de droit.
Je tiens également à souligner la remise en œuvre du chantier des ressources propres, nécessaires au remboursement de l’emprunt contracté pour le plan de relance. La première, c’est-à-dire la taxe sur les déchets plastiques non recyclés, doit être mise en œuvre très prochainement. D’autres devraient suivre : la taxe sur les géants du numérique, une taxe carbone aux frontières et, à horizon plus lointain, une taxe sur les transactions financières.
Si le calendrier établi par l’Europe semble précis, que se passera-t-il si nous faisons face à une absence de ressources suffisantes pour rembourser notre emprunt ? Les termes de l’accord de juillet dernier précisent bien que ce serait alors aux États membres de prendre le relais. Je le rappelle, cela représenterait pour la France un coût de 2,5 milliards d’euros par an.
Si la France reste l’un des principaux contributeurs au budget de l’Union européenne – sa contribution s’élevait à 21,5 milliards d’euros en 2020 –, il ne faut pas occulter le fait qu’elle est également l’une des principales bénéficiaires des dépenses de l’Union. En 2019, les dépenses européennes au profit de la France se sont élevées à 15,1 milliards d’euros. La France est même la première bénéficiaire des dépenses de la politique agricole commune, pour un montant de 9,6 milliards d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque nous sommes réunis pour discuter de chiffres, je souhaiterais connaître votre avis sur le devenir de la dette britannique à l’endroit de l’Europe. Son montant est-il fixé ? Les modalités de remboursement en sont-elles définies ? Alors que le terme des négociations approche à grands pas, ces données n’apparaissent pas, ou plus, dans le paysage. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’essaierai d’apporter un certain nombre de réponses aussi précises que possible aux interrogations que vous avez légitimement soulevées. J’ai toutefois noté un assez large consensus en faveur des grandes avancées et des principales orientations de ce cadre financier pluriannuel et, plus largement, du paquet budgétaire, qui inclut un plan de relance inédit.
Permettez-moi de revenir sur l’ambition générale qui caractérise ce cadre budgétaire. Il y a un budget pour sept années, de 2021 à 2027. Il comporte – j’y reviendrai pour le cas de la France – un certain nombre d’augmentations des crédits alloués à des politiques absolument fondamentales. Si l’on y ajoute le plan de relance de 750 milliards d’euros, dont près de 400 milliards d’euros de subventions directes, le montant total de cet ensemble budgétaire s’élève à 1 800 milliards d’euros.
Le plan de relance sera concentré sur le début de la programmation budgétaire. C’est donc un doublement du budget annuel de l’Union européenne qui est proposé pour les trois prochaines années.
Je n’entrerai pas dans une querelle sémantique, mais j’estime que ce n’est pas galvauder les termes que de parler de « pas historique » ou d’« avancée inédite ». Dans un contexte de crise sanitaire et économique tout aussi inédit, c’est une réponse à la hauteur, une réponse de solidarité. Elle était nécessaire.
Je souhaite toutefois vous répondre d’ores et déjà sur certains points, monsieur Allizard. On peut faire le choix d’une optique budgétaire nationale. Vous l’avez vous-même dépassée.
Vous avez indiqué que nous emprunterions à des taux moins élevés si nous le faisions à l’échelon français. Cela peut se discuter, car les taux des premières émissions de l’Union européenne sont de plus en plus bas. Les emprunts de l’Union européenne faisant référence sur le marché, ils entraînent nos propres émissions de dette vers des niveaux de nouveau historiquement bas.
De plus, ces émissions créent une solidarité européenne dont nous bénéficierons, non seulement parce que la France est le troisième bénéficiaire de ce plan, mais aussi parce qu’il permet une relance économique chez nos voisins directs, ceux vers lesquels nous exportons et avec lesquels nous commerçons. Cela n’aurait été possible ni au même rythme ni avec la même ampleur sans le plan de relance européen.
Ce dont nous parlons n’est pas simplement une dette, une mesure technique ou même un simple montant. C’est une étape de solidarité européenne qui était probablement impensable voilà quelques semaines. À l’instar de M. Fernique, je pense qu’on peut saluer le chemin parcouru ; beaucoup d’orateurs l’ont fait.
Ce budget est aussi le résultat de l’étape historique que constitue l’accord du 21 juillet entre les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement. Comme beaucoup l’ont également rappelé, une négociation s’en est suivie – c’est légitime et démocratiquement fondé –, en particulier avec le Parlement européen. Elle a abouti voilà exactement huit jours à un accord entre les institutions européennes – je reviendrai sur le blocage actuel – et permis d’augmenter le cadre financier pour les sept prochaines années de 16 milliards d’euros supplémentaires, afin de financer des politiques considérées comme prioritaires par la France, ainsi, sans doute, que sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
Ainsi, plus de 3 milliards d’euros supplémentaires sont alloués à un nouveau programme d’urgence et de réponse sanitaire européenne, les crédits du programme Erasmus + sont renforcés à hauteur de 70 % dans les sept années à venir, tandis que ceux de la recherche et de l’innovation sont en hausse de plus de 40 %. Même en période de crise, on voit rarement de telles augmentations budgétaires.
Je souhaite indiquer ce que la France a « obtenu ». Veuillez m’excuser d’utiliser ce terme ; je sais que beaucoup d’entre vous, comme moi, ont souhaité dépasser la logique du juste retour. Toutefois, il me paraît nécessaire de clarifier un certain nombre de points, de nombreuses interrogations – c’est bien normal – ayant été formulées quant à nos intérêts budgétaires.
La politique agricole commune (PAC), qui est notre principal « retour » sur le budget européen, était menacée d’un recul inédit de 15 milliards d’euros, dans la proposition initiale de la Commission européenne. Nous en avons relevé le montant, de sorte que les crédits seront probablement en légère augmentation ou, du moins, stabilisés de manière certaine sur les paiements directs, qui constituent le fameux premier pilier de la politique agricole. C’est une réussite qui n’est pas négligeable. La PAC, qui apporte un revenu essentiel à nos agriculteurs, est donc sécurisée pour cette année.
En outre, les crédits attribués à nos régions d’outre-mer ont augmenté de 5 % sur la prochaine programmation pluriannuelle.
Et j’ai déjà évoqué les hausses de crédits en faveur du programme Erasmus + et de la recherche.
Même s’il y a des déceptions, elles sont à relativiser. Certes, monsieur Allizard, le Fonds européen de défense st moins important que ce que la Commission européenne proposait et que ce que la France aurait souhaité. Cependant, c’est une première étape vers une mutualisation des efforts financiers en matière de défense.
Dans la négociation budgétaire, nous n’avons jamais perdu de vue – c’était notre responsabilité et, en premier lieu, celle du Président de la République – l’intérêt de la France et notre ambition européenne.
Certes, ce budget porte un ressaut de dépenses important ; c’est l’objet de nos discussions sur l’article 31. Pour l’année 2021, cette hausse s’explique à 80 % par la double crise du Brexit, qui est malheureusement durable, et de la covid, que j’espère moins longue.
Sur la période 2021-2027, l’augmentation budgétaire restera importante, liée à la montée en puissance de certaines politiques prioritaires et à la facture du Brexit. Lorsqu’un pays contributeur quitte l’Union européenne, cela a un coût pour les autres, à moins de renier nos ambitions européennes. Or nous n’avons voulu rogner ni sur la politique de cohésion ni sur la politique agricole commune.
Nous partageons tous le même constat sur les rabais, qui, par la logique même qu’ils incarnent, sont en soi un échec européen. Ils ont d’abord été introduits en 1984 pour le Royaume-Uni, puis élargis à cinq autres pays, de manière relativement œcuménique sur le plan politique, à l’époque de la cohabitation, lors de la négociation du cadre financier budgétaire qui a commencé en l’an 2000. Je le regrette.
La négociation historique que nous avons menée a non seulement permis certaines augmentations de crédits, mais elle a surtout été l’occasion de franchir l’étape de la solidarité par la dette commune. Le combat pour mettre fin aux rabais continue. Leur facture globale diminue, puisque nous n’aurons plus à assumer le rabais britannique ; c’est l’une des – rares – bonnes nouvelles liées au Brexit.
Vos questions sur le blocage en cours et sur la matérialisation du plan de relance européen sont légitimes. Ce soutien viendra abonder, et même en partie rembourser – le mot ne m’effraie pas – le plan de relance national, largement financé par ces crédits européens dans le PLF pour 2021.
Ces 40 milliards d’euros arriveront, je l’espère, le plus vite possible en 2021. Je maintiens qu’ils ne ralentiront pas d’un seul jour la mise en œuvre complète de notre plan de relance pour son montant intégral de 100 milliards d’euros. C’est essentiel pour nos entreprises, nos concitoyens et nos territoires.
Pour autant, remboursement ne signifie pas soutien secondaire ou superflu : sans cette garantie de 40 milliards d’euros, nous n’aurions pas pu porter le plan de relance national au même niveau d’ambition et de soutien économique. L’aide européenne est donc une composante essentielle et intrinsèque de l’effort national de relance.
Ces crédits arriveront, je l’espère, dès le premier semestre 2021. Il y a aujourd’hui un blocage, qui est lié à la question de l’État de droit. Comme je l’ai dit hier devant la Haute Assemblée, nous ne renoncerons pas à cette ambition de principe, qui incarne nos valeurs européennes.
Les discussions sont en cours avec les deux pays concernés. À cet égard, je souhaite nuancer ce que plusieurs orateurs ont indiqué à propos de la Slovénie. Dans un courrier peu responsable, les autorités slovènes ont apporté une compréhension ou un soutien aux gouvernements hongrois et polonais sans partager exactement la même position. Nous sommes prêts à demander des clarifications techniques à la Commission européenne, afin d’expliquer en détail ce mécanisme de l’État de droit et d’éviter ainsi tout fantasme ou toute interprétation excessive. Mais nous ne renoncerons pas sur le contenu.
Le moment politique est effectivement difficile. Il faut en assumer la tension. Cependant, et je pense que vous partagerez certainement tous cette conviction européenne, nous ne pourrions pas renoncer à un mécanisme que tous les chefs d’État et de gouvernement ont accepté le 21 juillet dernier.
Le principe des ressources propres a également été approuvé pour la première fois le 21 juillet dernier : c’est historique. Cependant, je le dis avec transparence et honnêteté, il reste des étapes à franchir pour créer ces ressources propres, catégorie par catégorie. Je ne reviendrai pas sur toutes celles que vous avez mentionnées, mais parmi les plus prometteuses figurent la taxe sur le numérique et celle sur le prix du carbone aux frontières européennes, qui est tout à la fois un gage d’abondement du budget européen et d’équité dans la concurrence internationale.
Dans un esprit constructif, le Parlement européen a souhaité renforcer durant la négociation son exigence en matière de ressources propres. Il a demandé à la Commission européenne de s’engager à présenter, avant la fin du premier semestre 2021, la liste et les propositions législatives précises sur ces ressources. Il a également demandé au législateur européen de s’engager à statuer sur le sujet avant la fin de l’année 2022.
J’espère que nous pourrons continuer à mener ce combat ensemble. Des étapes majeures ont déjà été franchies. Chacun comprend désormais l’intérêt qu’il y a à disposer de ressources propres, qui sont aussi des ressources justes, car elles font contribuer des acteurs qui bénéficient des avantages de l’Europe sans y contribuer. Cela vaut pour les deux taxes que j’ai citées, mais aussi pour celle sur les transactions financières.
Il n’y a pas de finances publiques magiques, vous l’avez rappelé, mais il y a en revanche des iniquités ou des injustices fiscales à réparer. L’Europe progresse sur ce chemin. J’espère que nous pourrons en discuter dès l’an prochain pour franchir une nouvelle étape sur la mise en œuvre de ces ressources.
Monsieur Gattolin, pour faire écho à votre rêve – ou à votre cauchemar ? –, le rapport que vous souhaitez existe : c’est le jaune budgétaire. Il peut être enrichi. Je partage avec vous l’idée que nous n’illustrons pas assez ce que l’on appelait autrefois « les coûts de la non-Europe » ; nous n’insistons pas assez sur l’ensemble des bénéfices liés à l’appartenance au marché et au projet politique européens.
À cet égard, je ne citerai qu’un seul chiffre budgétaire : entre 1999, avant l’introduction de l’euro, et aujourd’hui, la charge de notre dette est restée stable ; à l’issue de la crise, le poids de notre dette dans le PIB a doublé. Nul besoin de grands calculs : la charge de la dette est de 37 milliards d’euros dans le PLF pour 2021 ; nous la doublerions si nous n’étions pas dans l’euro et dans l’Union européenne. Ce seul chiffre suffit à illustrer l’absurdité de la logique de juste retour, au-delà d’une Europe de la solidarité, d’une Europe de l’ambition et de la puissance que vous avez également appelée de vos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article 31.
Article 31
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2021 à 26 864 000 000 €.