M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il nous paraît important que l’examen gynécologique médical des mineures soit protégé par le secret médical. Si vous me donnez cette garantie, madame la ministre, je retirerai mon amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je vous confirme que le secret médical est garanti. Je l’ai d’ailleurs précisé dans mon avis.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 1003 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1003 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 96 rectifié bis, présenté par M. Fichet, Mme Le Houerou, M. Montaugé, Mmes Bonnefoy et Briquet, MM. Lozach, Jeansannetas, Pla et Sueur, Mmes G. Jourda et Harribey, MM. Temal, P. Joly, Michau, Gillé et Bourgi, Mme Artigalas, MM. Tissot et Mérillou, Mmes Blatrix Contat et Monier, MM. Redon-Sarrazy et Cardon, Mmes Lepage, Préville et Meunier, MM. Marie, Durain et J. Bigot, Mmes Van Heghe et Lubin et MM. Bouad et Kerrouche, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 20° bis Les conditions à remplir pour être conventionné, notamment celles relatives aux zones d’exercice définies par l’agence régionale de santé en application de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ; ».
II. – Si dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, aucune mesure de limitation d’accès au conventionnement n’a été instituée dans les conditions prévues au présent II, l’accès des médecins au conventionnement prévu par ledit article est régulé dans les conditions suivantes :
1° Le directeur général de l’agence régionale de santé détermine par arrêté, après concertation avec les représentants des médecins, les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins est particulièrement élevé ;
2° Dans les zones mentionnées au 1° , un médecin ne peut accéder au conventionnement que concomitamment à la cessation d’activité d’un confrère exerçant dans la même zone. Est assimilé à une cessation d’activité le transfert de la résidence professionnelle du confrère vers une zone mentionnée au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique ;
3° Le 2° ne s’applique pas au médecin souhaitant adhérer à la convention mentionnée à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale qui s’engage à respecter les tarifs qui y sont fixés.
Les 1° , 2° et 3° cessent d’avoir effet à la date d’entrée en vigueur des mesures de limitation d’accès au conventionnement instituées dans les conditions prévues au 20° bis de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale.
III. – Les modalités d’application du II sont fixées par décret en Conseil d’État.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement tend à redéfinir les conditions du conventionnement des médecins libéraux afin de les encourager à s’installer dans les zones sous-denses.
En effet, l’augmentation du nombre de déserts médicaux témoigne de l’inefficacité des politiques qui ont été mises en œuvre jusqu’à présent. Un nombre préoccupant de Français rencontrent des difficultés à accéder aux soins dans des conditions de proximité et de délais satisfaisantes.
Nous devons aujourd’hui instaurer des règles de régulation territoriale pour l’installation des médecins, à l’instar de ce qui existe déjà pour de nombreuses autres professions de santé, car, si la télémédecine présente des avantages, elle ne saurait faire office de palliatif lorsque le manque de praticiens se fait criant dans les territoires.
Cet amendement vise donc à instaurer un dispositif prévoyant que dans les zones dans lesquelles existe un fort excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité.
Ce dispositif ne s’appliquerait pas aux médecins qui souhaitent conventionner avec l’assurance maladie en secteur 1 dans un territoire où l’offre de soins est abondante et où les médecins conventionnés en secteur 2 sont nombreux.
Nous préconisons donc, au travers de cet amendement, une réforme claire de l’installation des médecins libéraux par la mise en place de règles de régulation territoriale efficaces.
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié bis, présenté par M. Fichet, Mme Le Houerou, M. Montaugé, Mmes Bonnefoy et Briquet, MM. Lozach, Jeansannetas, Pla et Sueur, Mmes G. Jourda et Harribey, MM. Temal, P. Joly, Michau, Gillé et Bourgi, Mme Artigalas, MM. Tissot et Mérillou, Mmes Blatrix Contat et Monier, MM. Redon-Sarrazy et Cardon, Mmes Lepage, Préville et Meunier, MM. Marie, Durain et J. Bigot, Mmes Van Heghe et Lubin et MM. Bouad et Kerrouche, et ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-…. – Dans les zones définies par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national dans lesquelles est constaté un fort excédent en matière d’offre de soins, le conventionnement à l’assurance maladie d’un médecin libéral ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Cet amendement, dont l’objet est similaire au précédent, tend à souligner les difficultés rencontrées dans les zones désertiques, ainsi que l’effort que réalisent les collectivités territoriales pour financer l’installation de médecins libéraux sur leur territoire.
Force est pourtant de constater que les dispositions qui ont été prises sur le plan financier pour encourager l’installation de médecins libéraux sont inefficaces. Les déserts médicaux perdurent, et c’est un véritable drame dans les territoires ruraux, mais aussi dans les zones périurbaines.
M. le président. L’amendement n° 991 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-…. – Dans les zones mentionnées au 2° de l’article L. 1434-4, le conventionnement d’un médecin libéral en application de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans des conditions équivalentes dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Une note récente de Bercy souligne que le nombre de médecins qui choisissent la voie libérale n’est pas compensé par le nombre d’étudiants formés depuis la suppression, en mars dernier, du numerus clausus.
S’y ajoute un double effet de vieillissement défavorable : d’une part, celui des médecins, qui annoncent leur départ en retraite, et, d’autre part, celui, plus général, de la population, qui a pour effet d’accroître la demande de soins.
Cette note souligne que ces différents phénomènes sont accentués médicale inégale sur l’ensemble du territoire.
En effet, selon les experts de Bercy, il n’y a jamais eu autant de médecins en France, mais les disparités territoriales se creusent, malgré les différentes mesures incitatives d’installation, comme les aides financières mises en place depuis 2013 pour inciter les jeunes médecins à s’installer dans les déserts médicaux. Les différentes incitations n’ont pas eu d’effet sur ces déserts médicaux.
Si une adaptation temporaire et ciblée du principe de libre installation dans les zones particulièrement surdotées paraît être une solution partielle, nous avons conscience que les médecins ne doivent pas être punis s’ils exercent dans les territoires où les services publics ont disparu.
Une politique globale est donc nécessaire, le présent amendement ne visant à remédier qu’à l’un des aspects du problème. Il faut revitaliser les territoires, en y réimplantant des services publics pour accueillir les familles des médecins, et investir dans l’hôpital pour favoriser les passerelles entre l’activité libérale et l’activité hospitalière ; enfin, il faut donner les moyens aux universités d’augmenter le nombre d’étudiants formés en médecine.
M. le président. L’amendement n° 472 rectifié bis, présenté par M. P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Todeschini, Montaugé et Sueur, Mme Préville, MM. Temal et Jeansannetas, Mme Lepage, MM. Tissot, Fichet et Lozach, Mme Meunier, M. Pla, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Briquet, MM. M. Vallet et Cozic, Mme Le Houerou et MM. Durain, Michau, Devinaz et Kerrouche, est ainsi libellé :
Après l’article 33
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-…. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans, dans des zones mentionnées au 2° de l’article L. 1434-4 et en concertation avec les agences régionales de santé, en lien avec les conseils territoriaux de santé mentionnés à l’article L. 1434-10 et en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national, le conventionnement d’un médecin libéral en application de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans des conditions équivalentes dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
II. – Les modalités d’application de l’expérimentation sont définies par décret en Conseil d’État.
III. – Au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un bilan de cette expérimentation, qui porte notamment sur l’opportunité de la généralisation du dispositif.
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Comme ceux qui viennent d’être défendus, le présent amendement vise à apporter des réponses aux grandes difficultés d’accès à des professionnels de santé que l’on observe dans les territoires ruraux.
Dans le département que je représente, la Nièvre, l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée, qui permet de mesurer l’accessibilité aux professionnels de santé, est de 2,5 consultations par an et par habitant, alors que la moyenne nationale est à près de 4 – c’est dire ce que cela représente dans les territoires les plus dotés.
Les incitations financières, à la fois de l’État et des collectivités locales, qui ont été mises en œuvre pour pallier ces difficultés n’ont pas donné de résultats satisfaisants. L’État a tenté de mettre à disposition des médecins salariés recrutés par les hôpitaux de proximité.
Toutefois, alors que l’objectif était de favoriser 600 installations, seules quelques dizaines de médecins salariés se sont installées.
Cette situation ne peut perdurer. C’est pourquoi nous proposons de mettre en place un dispositif de régulation à l’installation, comparable aux dispositifs présentés précédemment, mais plus spécifique. De tels dispositifs existent déjà pour d’autres professionnels de santé, comme les infirmiers ou les kinésithérapeutes.
Nous proposons donc, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, que, dans les zones définies par l’ARS, en concertation avec les syndicats de médecins, pour leurs forts excédents en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne puisse s’installer en étant conventionné que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité. Le conventionnement ne serait plus possible que de manière sélective pour de nouvelles installations.
Le présent amendement vise ainsi à favoriser l’installation dans des zones sous-dotées. Il a également pour objet une évaluation du dispositif durant les six mois précédant la fin de l’expérimentation, cette dernière étant prévue pour une durée de trois ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces amendements tendent à instaurer un conventionnement sélectif des médecins selon que ceux-ci s’installent dans des zones plus ou moins dotées en offre médicale. Je rappelle néanmoins qu’il y a peu de zones surdotées à l’heure actuelle.
M. Patrice Joly. Ce n’est pas vrai !
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Certains des dispositifs proposés passent par la voie conventionnelle pour instaurer ce conventionnement sélectif ; d’autres passent par les agences régionales de santé, directement ou à défaut d’accord conventionnel.
Le Sénat, sur proposition de la commission des affaires sociales, s’était déjà opposé, lors de la discussion de la loi Santé en 2019, aux mesures de restriction à la libre installation des médecins libéraux sur le territoire, car ces mesures sont de faible efficacité.
Il existe d’autres dispositifs incitatifs pour l’installation des médecins,…
M. Patrice Joly. Lesquels ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. … notamment ceux qui ont été instaurés dans le cadre de la loi Santé. Il ne nous paraît donc pas opportun d’empiler les dispositifs en y ajoutant des mesures restrictives et peu efficaces.
M. Patrice Joly. La situation est invivable ! (Marques d’agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure. J’ajoute que, actuellement, on nous expliquerait presque que les étudiants qui commencent leurs études de médecine doivent déjà connaître leurs conditions d’installation. Dans ce contexte, il me paraît qu’une expérimentation de trois ans n’aurait pas beaucoup de sens.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je serais presque tenté de vous dire que vous avez raison.
M. Patrice Joly. Alors prenez les mesures adéquates !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Néanmoins, ce serait une solution de facilité. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
J’ai beaucoup milité et travaillé sur ce sujet dans mon propre territoire. J’observe que depuis dix à quinze ans, chacun y est allé de sa mesure incitative, que ce soit pour aider à l’installation, notamment par des primes, ou pour favoriser les contrats d’engagement de service public. Tout a été fait !
M. Patrice Joly. Mais cela ne marche pas, et cela coûte cher !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cela frémit, monsieur Joly, quand on observe le terrain ; permettez-moi de vous le dire !
J’ai beaucoup discuté avec les étudiants. Or nombreux sont ceux qui préfèrent – c’est culturel, je n’y peux rien –, s’orienter vers le salariat.
M. Patrice Joly. Et les 600 médecins salariés à recruter ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je vous fais part de mon expérience et de ce que les étudiants m’ont dit. Comme vous, je souhaite qu’il y ait des étudiants et des médecins dans mon territoire.
M. Patrice Joly. Embauchez-les !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Les étudiants ne veulent pas qu’on les contraigne : il nous faut l’entendre. Ces étudiants qui, parfois, ne lèvent pas le nez de leurs livres pendant des années n’ont pas envie que, à l’issue de leurs études, on leur impose d’exercer dans tel ou tel territoire sous peine de ne pas être conventionnés. Il faut l’entendre.
Par ailleurs, dans les territoires, les médecins proches de la retraite anticipent que les stagiaires et les internes qui viennent les épauler pendant quelque temps ne voudront pas rester, parce qu’ils jugeront leur cabinet obsolète ou leur patientèle trop importante ; ces jeunes médecins ne veulent pas être corvéables à merci : c’est une évolution que nous devons prendre en compte. Ce n’est plus la médecine d’autrefois, je n’y peux rien !
Certains de ces jeunes médecins souhaitent être salariés, d’autres souhaitent s’installer, mais pas durablement, et d’autres encore veulent exercer à la fois à l’hôpital et en libéral.
J’estime que la contrainte n’est pas la solution pour le moment. Peut-être sera-t-elle à terme une obligation, mais je n’en suis pas sûre, car, comme je l’ai expliqué aux étudiants que j’ai rencontrés, la fin du numerus clausus entraînera un apport de médecins supplémentaires, si bien qu’ils seront contraints, de fait, de s’installer dans les territoires où ils ne seront pas trop nombreux. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
Pour l’heure, nous déployons des moyens palliatifs, mais je sens un frémissement. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Nous y arriverons, à terme, sans la contrainte.
J’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je vais quelque peu freiner votre rythme stakhanoviste – n’y voyez nulle critique ! – dans la tenue de cette séance. (Sourires.)
Depuis plus de dix ans, au Sénat et ailleurs, on a tout essayé ; toutes les propositions y sont passées. Or les résultats sont décevants.
Notre collègue Hervé Maurey a proposé je ne sais combien de dispositifs de contrainte que l’on n’a jamais pu faire fonctionner, à l’exception de l’obligation prévue dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires, obligation qui, bien qu’elle n’ait pas survécu très longtemps, a tout de même été appliquée pendant quelques mois.
Il me paraît toutefois difficile de ne pas essayer. Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que les collectivités locales font des efforts absolument fous. Dans l’Orne, le conseil départemental a créé une institution ad hoc et salarie lui-même les médecins, de façon à les répartir sur le territoire. Telle est la créativité des collectivités locales.
Actuellement, seules les collectivités sont susceptibles de faire converger les attentes des médecins et celles de la population. Elles réalisent des efforts incroyables pour attirer et retenir des médecins.
Il me paraît donc nécessaire d’aider encore davantage les collectivités locales, notamment les conseils départementaux, qui jouent un rôle essentiel dans le champ social.
J’ai voté tous les textes prévoyant des contraintes, mais je constate qu’aucun n’a véritablement prospéré. Néanmoins, si je conviens que la solution ne passera sans doute pas par la contrainte, madame la ministre, il faut tout de même donner aux collectivités, notamment aux régions et aux départements, des moyens supplémentaires. Les départements sont réellement à l’écoute, et ils font preuve d’une grande créativité pour essayer d’attirer les médecins.
Le recours à des médecins étrangers n’est pas non plus la solution, car ceux-ci s’installent dans les territoires ruraux, mais les quittent ensuite pour s’installer dans des zones plus urbaines.
Nous sommes démunis, et pour l’instant, nous n’avons pas de solution. Pourtant, le besoin est bien là.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je ne voterai aucun amendement visant à contraindre l’installation des médecins, non pas par posture idéologique, mais tout simplement parce que cela ne fonctionnera pas. (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Patrice Joly. Mais on n’a pas essayé !
Mme Véronique Guillotin. La première raison, c’est qu’il n’y a plus de surpopulation médicale : tous les territoires sont en situation sous-dense, donc menacés de désertification médicale. Il manque des médecins partout, dans les territoires ruraux comme dans les territoires urbains ou périurbains.
Si l’on contraint l’installation des médecins libéraux, les jeunes médecins exerceront autrement : ils deviendront médecins coordonnateurs ou salariés, ce qui aura pour effet d’accentuer encore la désertification médicale. Je ne crois donc pas à cette solution.
Par ailleurs, je m’inscris quelque peu en faux par rapport à vos propos, madame la ministre : j’estime que les jeunes demeurent attachés à la médecine libérale, mais qu’ils ne veulent pas s’installer tout seuls dans un territoire rural.
C’est pourquoi la seule solution est, à mon avis, de poursuivre et d’accélérer la création des structures d’exercice coordonné qui ont été mises en place dans le plan Ma santé 2022. Pour cela, madame la ministre, il faut absolument que les ARS relâchent leur contrôle, afin de fluidifier le processus de création de ces organisations.
Il n’est plus normal aujourd’hui de mettre cinq ans pour monter une maison de santé pluriprofessionnelle, seul endroit où les jeunes médecins généralistes souhaitent travailler, en y faisant un temps plein à deux, en y travaillant trois fois par semaine ou en complétant cette activité par une activité dans l’hôpital de proximité, à raison par exemple de deux fois par semaine. La médecine d’aujourd’hui n’est plus la médecine d’hier. Cela impose toute une réorganisation.
Pour ces raisons, je voterai contre ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Ce débat est ancien, et – j’en donne acte à mes collègues représentant des territoires en situation de sous-densité – nous avançons trop lentement. Il existe pourtant des solutions efficaces, et le travail qui a été fait ces dernières années n’a pas été inutile.
Nathalie Goulet évoquait le dispositif qui vient d’être lancé dans l’Orne. J’ai moi-même reçu le prospectus m’invitant à aller m’installer dans l’Orne, mais, pour l’heure, je reste à Paris. (Sourires.)
Des dispositifs similaires ont été mis en place en Saône-et-Loire et dans d’autres départements,…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. En Vendée !
M. Bernard Jomier. … où l’on constate qu’ils fonctionnent.
Les jeunes médecins sont attachés à l’attractivité d’un territoire et aux conditions d’exercice, notamment à l’exercice regroupé. Ils sont de plus en plus demandeurs du salariat, qui leur permet de prendre des congés et d’avoir une vie de famille.
Ces dispositifs sont bien conçus, car ils répondent aux préoccupations des jeunes médecins, que ce soit en termes de qualité de leurs conditions d’exercice ou de respect de la vie privée. Ainsi, des territoires où l’on craignait ne pas parvenir à lutter contre la désertification recrutent et voient leur démographie médicale s’améliorer.
D’un point de vue philosophique, je pourrais tout à fait souscrire à l’idée d’un conventionnement sélectif, mais cela ne peut fonctionner que dans un système clos. Il faudrait que les médecins ne puissent pas travailler ailleurs que dans les zones où l’on souhaite favoriser leur installation.
Or la réalité est que nous manquons globalement de ces professionnels, si bien que si, on leur refuse le conventionnement à tel endroit, ils ne s’installeront pas à tel autre endroit où l’on souhaite qu’ils s’installent ; ils choisiront de rejoindre une structure située dans le territoire où ils veulent vivre, et pas à 300 kilomètres.
Ces dispositifs peuvent paraître séduisants, mais ils sont vains. D’autres pays ont essayé de type de solution, y compris l’Algérie qui, dans les années 1960, avait entrepris une planification sanitaire fondée sur les mêmes principes. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Cela a été un échec complet, en Algérie comme dans tant d’autres pays qui ont tenté la même démarche, car ce type de dispositif n’est pas efficace pour pallier une pénurie de personnel qualifié, en l’occurrence, une pénurie de médecins.
C’est pourquoi je ne voterai pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Je trouve surprenant que l’on ne tente même pas d’expérimenter un tel dispositif, au motif qu’il ne fonctionnera pas !
La formation d’un médecin généraliste coûte 150 000 euros à l’État. (M. Alain Milon s’exclame.) Il ne me semble pas démesuré, eu égard à l’argent public déboursé, d’avoir un minimum d’exigence quant à la localisation du conventionnement des jeunes médecins.
Les médecins généralistes pourraient eux-mêmes se sentir quelque peu redevables et considérer qu’il est normal de s’installer, au moins pour leurs cinq premières années d’exercice, là où l’on a réellement besoin d’eux. Cela ne me semble pas de nature à porter atteinte à la liberté d’installation.
Je pense donc que, si nous n’agissons pas, la situation deviendra extrêmement difficile.
Aujourd’hui, neuf millions de Français n’ont pas de médecin traitant, non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les territoires péri-périurbains et dans les quartiers difficiles. C’est un défi auquel nous devons répondre. À cet égard, la mise en place des maisons de santé et le relèvement du numerus clausus ont été de bonnes initiatives, mais nous devons encore progresser.
Au sein du corps médical, les médecins sont les seuls à n’avoir pas de contrainte à l’installation, contrairement aux professions paramédicales, telles que les pharmaciens ou les kinésithérapeutes. Ces derniers ont un minimum de contrainte, et cela fonctionne assez bien.
C’est pour ces raisons que je souhaite que ces amendements soient adoptés.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Une fois n’est pas coutume, madame la ministre : je suis d’accord avec vous.
Il ne faut pas, selon moi, opposer médecine libérale et médecine salariée. Le fait que les jeunes médecins, qui sortent de leurs études au bout de huit, neuf ou dix ans, reprennent la patientèle de leurs parents eux-mêmes médecins libéraux – c’est le cas dans ma ville –, est une très bonne chose. Mais il faut en même temps développer la médecine salariée, notamment au travers des centres de santé. Certains départements et communes les expérimentent déjà, avec, semble-t-il, un certain succès.
Dans mon département du Pas-de-Calais, qui comporte, vous le savez, de nombreux déserts médicaux, la petite commune d’Annequin – elle compte 2 348 habitants – a fait le pari d’ouvrir un centre de santé. Grâce au maire, qui a racheté pour l’occasion un ancien dispensaire des mines, on est passé d’un à quatre médecins salariés, trois d’entre eux étant des jeunes femmes. Il y a, en effet, de plus en plus de médecins femmes ; elles souhaitent avoir une vie de famille et être salariées.
Il faut valoriser ces centres de santés salariés, qui, d’ailleurs, grâce aux secrétaires mises à disposition, allègent le poids de la charge administrative très lourde qui pèse sur ces jeunes médecins. Dès lors, ces derniers sont tout à fait satisfaits et travaillent dans de bonnes conditions.