M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice, à la suite de Mme Deroche, vous rappelez très justement que, en cette période de crise sanitaire, les opérations indispensables qui ne relèvent pas de l’épidémie doivent se poursuivre : bien entendu, c’est le cas des interventions qui supposent des transfusions sanguines et, dès lors, reposent sur le don régulier de sang, de plaquettes ou de plasma.
Je pense notamment à la prise en charge des effets de certaines pathologies de longue durée, comme les cancers ou les maladies du sang.
Vous l’avez dit, la reprise du confinement a pu susciter un certain nombre d’inquiétudes. La limitation des déplacements au strict nécessaire a effectivement un impact sur la mobilisation en faveur des dons.
Depuis toujours, 80 % des dons reçus par l’EFS proviennent de la collecte mobile, en particulier dans les entreprises, dans les écoles et sur les campus.
Or, depuis le mois de mars dernier, ces lieux accueillent beaucoup moins de collectes. L’EFS s’est efforcé de pallier ces difficultés en élargissant ses plages horaires. Néanmoins – vous l’avez rappelé –, à la fin du mois de septembre, les réserves de poches de globules rouges sont tombées à leur plus bas niveau depuis dix ans.
C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un appel aux dons, qui a été fortement relayé. À ce titre, je vous communique le point de situation suivant.
L’appel aux dons a porté ses fruits. Au 3 novembre dernier, les stocks de concentrés de globules rouges, ou CGR, sont bons. Nous en dénombrons 113 000 unités, ce qui, d’après les données prévisionnelles, représente dix-huit jours de réserves. Par ailleurs, on ne répertorie pas de difficulté pour ce qui concerne le groupe O -, celui des donneurs universels.
Le prélèvement est à la baisse par rapport aux trois semaines précédentes, mais il reste conforme aux prévisions que nous avions élaborées. Le besoin est en net recul au cours de la semaine écoulée – cette baisse avoisine les 11 %. Enfin, les stocks de plaquettes sont bons : hier, en fin de matinée, on comptait plus de 1 500 concentrés de plaquettes.
Je tiens donc à vous rassurer et à rassurer la représentation nationale tout entière : à ce jour, ces stocks ne sont pas source d’inquiétude. Néanmoins, nous devons tous rester mobilisés.
Monsieur le président, si vous me le permettez, je conclurai cette séance de questions d’actualité au Gouvernement en lançant un appel à nos concitoyens : prendre une heure pour sauver son sang, c’est sauver trois vies. Il faut donc continuer à donner son sang pour les Français !
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, nous nous associons à cet appel !
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 12 novembre 2020, à quinze heures.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Modifications de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande que l’examen en nouvelle lecture du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire se poursuive le jeudi 5 novembre au soir.
Acte est donné de cette demande.
Nous pourrions fixer le début de la discussion générale sur ce texte demain à dix-neuf heures. La commission se réunirait pour examiner les amendements de séance durant la suspension de séance, et nous entamerions l’examen des articles à la reprise du soir. Enfin, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance serait fixé à l’ouverture de la discussion générale.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, par courrier en date du mardi 3 novembre, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et territoires, demande l’inscription à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du jeudi 19 novembre de deux débats intitulés : « La forêt française face aux défis climatiques, économiques et sociétaux » et « Contenus haineux sur internet : en ligne ou hors ligne, la loi doit être la même ».
Acte est donné de cette demande.
4
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur ont été affichées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Puissat.
Mme Frédérique Puissat. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 8 sur l’ensemble du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, ma collègue Annick Petrus a été enregistrée comme ayant voté pour, alors qu’elle souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
6
Accords avec le Qatar et la Chine portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire
Adoption en procédure d’examen simplifié d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen d’un projet de loi tendant à autoriser l’approbation de deux conventions internationales.
Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc le mettre aux voix.
projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de l’état du qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république populaire de chine
Article 1er
Est autorisée l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 6 juillet 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
Est autorisée l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (ensemble quatre annexes), signé à Paris le 23 novembre 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (projet n° 717 [2019-2020], texte de la commission n° 86, rapport n° 85).
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.
(Le projet de loi est adopté.)
7
Accord avec l’Inde relatif aux stupéfiants
Adoption définitive d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes (projet n° 485 [2019-2020], texte de la commission n° 88, rapport n° 87).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les crises sanitaire et sécuritaire que nous traversons ont démontré l’importance de répondre avec la plus grande détermination au problème mondial de la drogue.
En effet, la pandémie de covid-19 a mis en lumière l’extrême résilience des réseaux de trafiquants, qui ont diversifié et adapté leurs itinéraires et leurs modes de transport au gré des restrictions aux déplacements. Par ailleurs, cette pandémie a accru la vulnérabilité des usagers, qui ont connu des difficultés pour accéder au dispositif de soins ou, parfois, se sont tournés vers des substances ou des modes de consommation plus nocifs.
La fin de la crise sanitaire, quel que soit son horizon, ne résoudra pas ces difficultés, bien au contraire, avec la circulation des stocks de drogue surnuméraires n’ayant pu être écoulés et l’existence de publics encore plus fragilisés.
Alors que les trafics de stupéfiants ne cessent de s’étendre à l’échelle mondiale, notre réponse doit, aujourd’hui plus encore, passer par une action coordonnée à l’échelle internationale.
De fait, ces trafics constituent un phénomène véritablement mondial, qui se joue entre pays de production, de transit et de destination. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres pour agir à la fois en amont, afin d’éviter que nos populations, en particulier les personnes les plus vulnérables, ne tombent dans l’addiction, et en aval, pour offrir une voie de sortie de la dépendance à ceux qui le souhaitent, suivant une approche respectueuse des droits humains.
Pour faire face à ce défi, l’Inde est un partenaire incontournable.
Elle l’est, tout d’abord, en tant qu’alliée majeure de la France dans de multiples domaines. Notre pays et l’Inde sont liés depuis 1998 par un partenariat stratégique, dans le cadre duquel se sont développées des coopérations ambitieuses dans les domaines de la défense, de l’espace, de la sécurité ou encore du climat.
L’accord intergouvernemental relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes, signé à l’occasion de la visite du Président de la République à New Delhi, le 10 mars 2018, et soumis cette après-midi à l’approbation de votre assemblée, s’inscrit dans cette dynamique : il vise à structurer et renforcer la coopération franco-indienne dans un domaine qui représente, pour nos deux pays, l’enjeu essentiel de santé publique et de sécurité que j’ai décrit.
Elle l’est, ensuite, en tant qu’acteur constructif de la scène internationale en matière de lutte contre les produits stupéfiants et en tant que soutien de notre approche équilibrée faisant droit aussi bien aux impératifs de la lutte contre les trafics qu’à la nécessité de mener des politiques de prévention.
L’Inde doit être associée à cette lutte. Face à la double pression exercée par les pays les plus laxistes, désireux notamment de légaliser largement l’usage des drogues, et les plus fermés, promoteurs d’une réponse exclusivement répressive, donc incomplète, l’Inde est un soutien essentiel pour la préservation de ce cadre international.
Elle l’est, enfin, sur le plan sécuritaire, en tant que pays central du point de vue de la problématique de la circulation des drogues aux échelles régionale et mondiale. L’Inde doit être associée aussi à notre approche.
Un renforcement de notre coopération bilatérale est nécessaire, pour mieux appréhender les menaces que peut faire peser sur notre sécurité nationale la situation spécifique de ce pays de plus de 1,3 milliard d’habitants, qui est à la fois une zone de transit, de production et de consommation de stupéfiants. Située à l’interface de plusieurs zones majeures de production, l’Inde est un pays de transit de ces produits vers le monde entier, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Afrique, de l’Amérique du Nord ou même de l’Asie du Sud-Est.
Ce renforcement de notre coopération est d’autant plus nécessaire que la question des drogues, je le rappelle, a partie liée avec le terrorisme. De fait, le trafic de stupéfiants constitue, toujours plus, l’une des premières sources de revenus des réseaux terroristes islamistes mondiaux opérant notamment dans le sous-continent indien, en particulier en Afghanistan.
Par ailleurs, l’Inde est devenue un lieu de production de différents stupéfiants et précurseurs chimiques, exportés vers des marchés étrangers où leur consommation provoque, vous le savez, des difficultés sanitaires majeures au sein des populations de nos pays.
Enfin, la croissance de la consommation de drogues en Inde doit nous alerter, compte tenu de ses conséquences sur la santé publique dans ce pays, comme sur le développement accru de réseaux criminels.
L’accord soumis à votre approbation, le premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l’Inde en matière de coopération policière et judiciaire, constitue un jalon essentiel pour nous permettre d’atteindre l’ensemble de ces objectifs.
Il a été élaboré et négocié dans le respect de l’approche équilibrée prônée par la France, et sa mise en œuvre en attestera l’efficacité et la pertinence. En effet, les champs de coopération renforcée qu’il ouvre permettront à la fois une montée en puissance de notre action commune en matière de lutte contre la consommation et le trafic de stupéfiants et une meilleure prise en compte dans nos échanges de l’ensemble des enjeux sanitaires et sociaux.
Ainsi, cet accord permettra d’encourager le développement d’actions de coopération visant à réduire effectivement la production de stupéfiants, notamment de précurseurs chimiques, ainsi que leur éventuel trafic entre nos deux pays et au-delà.
Il nous donnera également les moyens d’agir sur la demande, en promouvant auprès de nos partenaires indiens notre approche en matière de prévention de la consommation de drogues. Là aussi, cela passera par la conduite nouvelle d’actions conjointes d’éducation et de sensibilisation des publics les plus vulnérables.
À cette fin, la coopération opérationnelle et technique entre les services spécialisés de nos deux pays sera renforcée, au travers d’échanges d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques. Cet accord bilatéral prévoit également des formations, ainsi que la fourniture d’une assistance technique et scientifique, à destination des services indiens.
Ainsi qu’il ressort des articles 6 et 7 de l’accord, ces échanges ont fait l’objet, dès le début de la négociation en 2013, de la plus grande attention de la part des autorités françaises, afin que toutes les garanties nécessaires soient prévues en matière de protection des données à caractère personnel. Il s’agit d’un enjeu essentiel, sur lequel la France, de manière générale, est particulièrement engagée.
Ainsi, nous nous sommes assurés que ces échanges ne puissent avoir lieu que dans le strict respect de la législation nationale de chaque partie – en ce qui nous concerne, une législation européenne.
L’accord garantit donc à nos ressortissants et à nos services un niveau adéquat de protection de la vie privée, en fixant un socle d’obligations et de garanties fondamentales précises en matière de protection des données personnelles, en deçà duquel aucune opération de traitement ou de transfert de données ne pourra être effectuée.
Cette vigilance, nous en avons fait preuve à plus forte raison pour nous assurer que la mise en œuvre de l’accord ne puisse servir dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des condamnations à la peine de mort, à laquelle la France, au demeurant engagée par des accords internationaux, est évidemment opposée en tout lieu et en toutes circonstances.
Les restrictions imposées par la Cour suprême indienne au recours à la peine capitale la rendent en pratique tout à fait exceptionnelle – et même, dans les affaires de trafic de drogue, théorique. Néanmoins, son application reste en principe possible.
C’est la raison pour laquelle la France a insisté pour que des références explicites et précises au respect de nos engagements internationaux en matière de refus de la peine capitale soient inscrites dans l’accord. Figurant aux paragraphes 3 des articles 2 et 5, ces garanties permettront à nos services opérationnels, dans tous les domaines et dans tous les cas, de s’opposer à une demande de coopération susceptible de conduire à l’application de la peine de mort.
La mise en œuvre de cet accord, pour l’application duquel l’Inde a d’ores et déjà mené à bien les procédures internes nécessaires, revêtira pour notre pays une importance double, si bien sûr votre assemblée approuve définitivement ce texte.
Tout d’abord, elle servira utilement la conduite de notre stratégie internationale en matière de lutte contre les drogues et les produits stupéfiants. Ensuite, elle viendra, de manière plus générale, conforter la dynamique, voulue par le Président de la République, de renforcement de notre relation bilatérale avec l’Inde, notamment sur les questions stratégiques et de sécurité.
Dans le contexte actuel, il est nécessaire de renforcer encore la coopération internationale pour lutter contre les menaces, qui ne connaissent pas de frontières. Nous l’avons vu en ce qui concerne la pandémie de la covid-19 ; nous le voyons aussi dans la lutte sans merci que nous menons contre le terrorisme et la diffusion de l’idéologie extrémiste. Nous devons agir de même contre d’autres fléaux internationaux, qui d’ailleurs renforcent souvent ces dynamiques, en particulier contre les trafics de drogue et tous les mécanismes qui les alimentent ou les facilitent.
Aujourd’hui plus que jamais, le renforcement de notre action bilatérale comme de notre engagement multilatéral est indispensable !
Telles sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu’appelle cet accord du 10 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde, relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes. (MM. André Gattolin et Richard Yung applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gilbert Bouchet, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France entretient avec l’Inde une relation bilatérale ancienne, fondée sur la confiance et le partage de valeurs communes. Cette relation s’est enrichie ces dernières années, avec la multiplication de rencontres de haut niveau.
En 1998, l’Inde et la France ont conclu un partenariat stratégique global, qui a mis en place une coopération étroite dans les secteurs de la diplomatie de la défense. Il s’est traduit par la conclusion, en 2016, d’un contrat d’acquisition de trente-six avions de combat Rafale, dont le premier a été livré en octobre 2019.
Notre coopération est intense dans les domaines de la sécurité, du nucléaire civil et de l’énergie. Un dialogue stratégique réunit les deux parties au plus haut niveau deux fois par an. L’Inde occupe une place importante dans la stratégie de défense française en Indopacifique.
S’agissant de la lutte contre les trafics de drogue, l’Inde y prend une part active, notamment en participant aux travaux de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ainsi qu’à l’initiative du Pacte de Paris, lancée en 2003 pour lutter contre le trafic d’opiacés en provenance d’Afghanistan.
Compte tenu de son poids démographique et de son positionnement géographique, l’Inde est un acteur régional majeur de la lutte contre les flux illicites de produits stupéfiants, dont elle est à la fois un pays de consommation, de transit et de production.
Comme en France, on y observe une augmentation de la consommation de drogues, qu’il s’agisse d’héroïne, d’opioïdes détournés de leur usage médical ou encore de cannabis.
De par sa situation à proximité du Triangle d’or et surtout du Croissant d’or, zone de production d’opium la plus importante au monde, l’Inde est l’une des principales routes pour le trafic international d’héroïne à destination de la Chine et de l’Asie du Sud-Est, mais aussi de l’Australie et de l’Amérique du Nord. L’Inde se situe aussi sur la route sud par laquelle transiteraient environ 10 % des opiacés à destination de l’Europe et de la France.
Enfin, l’Inde, deuxième leader mondial des médicaments génériques derrière la Chine, avec 20 milliards de dollars d’exportations annuelles cette année, connaît de nombreux détournements de médicaments par des organisations criminelles. Sont concernés notamment l’éphédrine et certains antalgiques, comme le Tramadol, qui sont consommés comme drogues, sans parler des médicaments contrefaits par des entreprises installées sur le territoire indien.
Cet accord bilatéral est le premier engagement juridiquement contraignant conclu avec l’Inde en matière de coopération policière. Il s’agit d’un accord sectoriel, portant exclusivement sur la prévention de la consommation illicite et la réduction du trafic illicite de stupéfiants.
Il sera mis en œuvre en parfaite cohérence avec les engagements bilatéraux liant nos deux États dans le domaine de l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition : la convention bilatérale d’entraide judiciaire pénale du 25 janvier 1988 et la convention bilatérale d’extradition du 24 janvier 2003.
La commission s’est naturellement penchée avec la plus grande attention sur l’applicabilité de la peine de mort, proscrite par notre Constitution, mais encore en vigueur en Inde.
La convention d’extradition de 2003 permet déjà expressément à la France de refuser la remise d’un individu demandée par l’Inde en l’absence de garantie que la peine de mort ne sera pas prononcée, a fortiori exécutée.
Comme l’accord d’entraide judiciaire de 1988, l’accord que nous examinons aujourd’hui contient des dispositions supplémentaires permettant, comme M. le secrétaire d’État l’a expliqué, d’opposer un refus aux demandes de coopération si elles devaient aboutir à l’exécution de la peine capitale par l’Inde.
Au demeurant, en l’absence même de toute clause expresse, l’ordre public français et les engagements internationaux de la France s’opposent à ce que notre pays puisse apporter son aide en matière pénale aux États dans lesquels une personne mise en cause est exposée à la peine capitale ou à des traitements inhumains ou dégradants.
Quant aux stipulations relatives à la protection des données personnelles, elles apportent un haut niveau de garantie, dans la mesure où la communication de ces données aura lieu dans le strict respect de la législation nationale et des procédures définies par le droit interne.
En outre, les échanges d’informations prévus par le présent accord ne seront pas, par nature, liés à une enquête spécifique en cours ou à un dossier relatif à une personne en particulier, mais porteront davantage, s’agissant de la coopération opérationnelle, sur la structure d’une organisation criminelle, son mode opératoire ou les techniques de blanchiment d’argent.
Cet accord de coopération nous a semblé un instrument utile dans la lutte contre le trafic de drogue. Son approbation est attendue par les services des ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et de la justice.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la seule consommation des drogues a causé la mort de 585 000 personnes en 2017, d’après un rapport des Nations unies réalisé en 2019.
Si les produits stupéfiants sont dangereux pour la santé de ceux qui les consomment, leurs trafics sont néfastes, plus généralement, pour l’ensemble de la société. En effet, ces produits font l’objet d’un commerce lucratif dont les fonds viennent alimenter d’autres activités criminelles, au premier rang desquelles le terrorisme.
Ainsi, les liens entre la culture afghane du pavot et le financement des talibans ne sont plus à démontrer – non plus que ceux qui unissent les productions du Triangle d’or aux mafias et guérillas de cette région.
Parce que le trafic de drogue ne connaît pas de frontières, parce qu’il participe au financement d’actions de déstabilisation contre les États, ces derniers ont intérêt à unir leurs moyens dans leur combat contre la drogue, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé.
Or l’Inde, en raison notamment de sa situation géographique, qui la place au carrefour de nombreux trafics, est d’ores et déjà un des acteurs incontournables de la lutte antidrogue. L’accord soumis à notre approbation cet après-midi vise à améliorer la coopération policière entre nos deux pays dans ce domaine.
Je fais partie des voix qui se sont élevées pour alerter sur le risque potentiel que comporterait cet accord. De fait, l’Inde applique la peine de mort à l’encontre des auteurs de certaines infractions relatives aux stupéfiants. La France n’enfreindrait-elle pas ses engagements abolitionnistes en coopérant avec un pays qui, sur la base de cette coopération, pourrait condamner des individus à mort ?
À cet égard, en plus de nos engagements internationaux, l’article 66-1 de notre Constitution dispose : « Nul ne peut être condamné à la peine de mort ».
La question que nous nous posons en ce qui concerne les stupéfiants pourrait se poser aussi dans d’autres domaines, singulièrement celui du terrorisme : faut-il coopérer avec des pays qui continuent de condamner à mort ? Si nous y renoncions, nous fermerions la porte à cinquante-cinq pays qui nous aident à lutter contre le fléau du terrorisme, ce qui limiterait notre capacité à nous prémunir contre des attentats mettant en danger la vie de nos concitoyens.
Chaque État est souverain : il décide donc souverainement des règles qu’il souhaite établir. Il n’appartient à personne de dire à l’Inde, État souverain et démocratie de plus de 1,353 milliard de personnes, ce qu’elle devrait ou ne devrait pas faire.
L’Inde et la France luttent toutes deux contre le trafic de drogue et peuvent envisager de coopérer dans ce domaine, dans le respect de la souveraineté de nos deux pays.
Toutefois, nous devons analyser cet accord en nous assurant qu’il ne contribue pas à faire concourir la France, par ce canal, à l’exécution de peines capitales. En effet, les engagements de notre pays l’obligent à abandonner une coopération lorsque la peine de mort est envisagée à l’encontre de personnes mises en cause. Ce principe est inscrit dans les accords relatifs à la coopération judiciaire et l’extradition.
À la lumière de ce constat et sous réserve du respect strict et contrôlé de la mise en œuvre de cette coopération, nous pouvons approuver l’accord qui nous est soumis.
En effet, comme le secrétaire d’État et le rapporteur l’ont souligné, il ne vise que la coopération technique et opérationnelle en matière policière ; il ne concerne ni la coopération judiciaire ni l’extradition. Il n’est donc pas question que la France participe directement à la condamnation à mort d’un individu.
Aussi, compte tenu des réponses qui nous ont été apportées et qui ont dissipé notre inquiétude et en raison de la nécessité d’optimiser nos actions de lutte contre tout trafic, le groupe Les Indépendants votera unanimement le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)