Sommaire
Présidence de M. Vincent Delahaye
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin, Mme Victoire Jasmin.
2. Démission et remplacement d’un sénateur
3. Cessation du mandat et remplacement de deux sénateurs
4. Candidatures à des commissions
5. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
6. Simplification des expérimentations du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois
M. Mathieu Darnaud, corapporteur de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 7 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié ter de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 8 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 5 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Amendement n° 10 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 6 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 7
Amendement n° 2 rectifié ter de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Adoption, par scrutin public n° 14, du projet de loi organique dans le texte de la commission.
Nomination de membres de commissions
compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
Mme Victoire Jasmin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 30 octobre 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Démission et remplacement d’un sénateur
M. le président. M. Christophe Priou a fait connaître à la présidence qu’il se démettait de son mandat de sénateur de la Loire-Atlantique à compter du 31 octobre, à minuit.
En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Laurence Garnier, dont le mandat de sénatrice a commencé le 1er novembre, à zéro heure.
En notre nom à tous, je souhaite la plus cordiale bienvenue à notre nouvelle collègue.
3
Cessation du mandat et remplacement de deux sénateurs
M. le président. Conformément à l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, M. le président du Sénat a pris acte de la cessation, le dimanche 1er novembre, à minuit, du mandat sénatorial de MM. Sébastien Lecornu et Jean-Baptiste Lemoyne, membres du Gouvernement, qui avaient été proclamés sénateurs à la suite des opérations électorales du 27 septembre 2020.
M. Loïc Hervé. Je pensais qu’ils allaient rester sénateurs ! (Sourires.)
M. le président. Conformément à l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Nicole Duranton a remplacé, en qualité de sénatrice de l’Eure, M. Sébastien Lecornu ; que, en application de l’article L.O. 319 du code électoral, Mme Marie-Agnès Evrard a remplacé, en qualité de sénatrice de l’Yonne, M. Jean Baptiste Lemoyne.
Le mandat de nos collègues a débuté le 2 novembre 2020, à zéro heure.
En notre nom à tous, je souhaite la plus cordiale bienvenue à nos nouvelles collègues.
4
Candidatures à des commissions
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires sociales ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
5
Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi
M. le président. Mes chers collègues, par courrier en date du vendredi 30 octobre, M. Guillaume Gontard, président du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires demande que le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes, inscrit à l’ordre du jour du mercredi 4 novembre à seize heures trente, soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, nous pourrions attribuer un temps de 45 minutes aux orateurs des groupes.
Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé à demain, onze heures.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
6
Simplification des expérimentations du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution (projet n° 680 [2019-2020], texte de la commission n° 83, rapport n° 82).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les corapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse d’être avec vous aujourd’hui pour examiner ce projet de loi organique consacré à l’assouplissement des expérimentations. Finalement, nous poursuivons ensemble les débats entamés il y a quinze jours, ce qui nous permettra de donner – j’ose l’espérer – une issue favorable à ce travail constructif.
Le texte que je présente aujourd’hui devant vous répond concrètement aux deux principaux besoins exprimés par les élus et les citoyens ces dernières années quant à l’action publique.
Premièrement, le besoin de proximité : la course au gigantisme, qui a marqué la première partie de la décennie 2010, a sans doute laissé nombre de nos concitoyens bien seuls face aux forces de la globalisation, nourrissant ainsi un terrible sentiment de fragmentation pour la Nation et d’abandon pour eux-mêmes.
Deuxièmement, le besoin d’efficacité : en effet, nombre de territoires font déjà la preuve de leur capacité à s’adapter et à innover pour accélérer les grandes transitions contemporaines – écologique, économique, sociale et numérique –, des territoires qui montrent d’ailleurs une nouvelle fois, depuis le début de la crise sanitaire, cette grande capacité d’adaptation.
Ces derniers mois, plus particulièrement encore ces dernières semaines, j’ai d’ailleurs pu apprécier notre large convergence de vues sur ces sujets. Ici, au cœur de la chambre des territoires, nos nombreux échanges à propos des textes du Gouvernement ainsi que de vos propres propositions ont en effet permis un enrichissement constant, comme en témoignent les amendements déposés sur ce texte. Chacun ayant fait un pas vers l’autre, je constate que les points de divergence sont aujourd’hui minimes.
Face aux dynamiques, multiples et complexes, qui traversent en permanence nos territoires et dépassent toujours les cadres institutionnels, le vieux rêve du jardin « à la française » – une place pour chaque chose et chaque chose à sa place – doit en effet être renouvelé.
Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois. C’est vrai !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les territoires doivent avoir les moyens d’être plus dynamiques, plus souples, pour répondre aux défis contemporains. Il est temps de reconnaître la formidable inventivité des territoires et de lui permettre de s’exprimer. À nous désormais, au travers de nos politiques publiques, de mieux prendre en compte la diversité et les singularités de ces derniers, afin de leur permettre d’apporter les réponses les mieux adaptées à leurs besoins et à ceux de leurs habitants. C’est ce que j’appelle – c’est l’une de mes antiennes ! – le « sur-mesure », ou le « cousu-main ».
Cette nouvelle étape que nous vous proposons aujourd’hui, c’est bien celle d’une décentralisation de liberté et, peut-être plus encore, une décentralisation de confiance : confiance dans les territoires, confiance dans les élus locaux et confiance dans les citoyens.
Cette confiance est, je le crois, absolument nécessaire dans le contexte particulièrement difficile que traverse notre pays. À l’heure où nous devons faire face à une crise sanitaire, à bien des égards dramatiques, nous devons également avoir plus que jamais la République en partage.
La cohésion des territoires dont je suis chargée impose de marcher sur une « ligne de crête », de trouver le point d’équilibre entre la pente naturelle vers davantage de liberté et l’impératif de cohésion nationale, c’est-à-dire d’unité de la République et d’équité entre les territoires. Ce débat est essentiel, et je crois que nous allons avoir l’occasion de l’aborder plus en détail puisque le groupe CRCE a déposé une motion tendant à opposer la question préalable sur ce sujet.
Le projet de loi organique que je présente aujourd’hui vise à faciliter les expérimentations pour les collectivités locales, afin qu’elles ouvrent la voie à une différenciation durable.
Trop d’éléments bloquants demeuraient jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, seules quatre expérimentations ont été menées depuis 2003 sur la base du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution.
Le projet de loi organique, issu en grande partie d’une étude du Conseil d’État que nous avions saisi du sujet, doit permettre d’assouplir les conditions des expérimentations territoriales et de les rendre, à la fois, plus simples d’accès, plus rapides à mettre en œuvre et plus attractives pour les collectivités.
Premier objectif : simplifier considérablement la procédure d’entrée dans l’expérimentation.
Les collectivités qui répondent aux conditions prévues par la loi prévoyant l’expérimentation pourront désormais décider elles-mêmes d’y participer. Vous le savez, elles ne peuvent actuellement qu’en faire la demande, la décision finale relevant du Gouvernement, qui fixe par décret la liste des collectivités admises à participer. L’entrée dans l’expérimentation sera ainsi considérablement facilitée : les collectivités pourront le faire par simple délibération de leur assemblée délibérante, au fur et à mesure qu’elles le décideront.
Cette procédure devrait ainsi réduire le délai moyen d’entrée dans l’expérimentation, actuellement d’un an, à deux mois.
Les actes pris dans le cadre des expérimentations ne seront plus publiés qu’à titre d’information au Journal officiel, alors que cette publication conditionne aujourd’hui leur entrée en vigueur.
Enfin, le contrôle de légalité sera allégé. Actuellement, tous les actes pris dans le cadre des expérimentations sont soumis à un contrôle de légalité renforcé et dérogatoire, avec un déféré suspensif. Le projet de loi organique ne restreint ce régime spécial qu’à la décision d’entrée dans l’expérimentation, pour éviter que des collectivités ne répondant pas aux conditions prévues par la loi n’entament sa mise en œuvre.
Deuxième objectif : assurer une évaluation plus pertinente des expérimentations.
D’abord, le rapport d’évaluation final de chaque expérimentation, transmis au Parlement, est naturellement maintenu. Il s’agit d’un préalable indispensable aux décisions sur le devenir des mesures prises à titre exceptionnel.
Ensuite, la commission des lois a introduit un rapport d’évaluation à mi-parcours de chaque expérimentation. J’y suis très favorable. Il s’agirait, en effet, d’un document fort utile pour les collectivités participantes et pour celles qui hésiteraient à rejoindre l’expérimentation.
Enfin, le rapport annuel recensant les propositions et les demandes d’expérimentation apparaît désormais superflu, au vu des deux points précédents. Ce rapport est non pas un rapport d’évaluation des expérimentations, mais un simple recensement des demandes d’entrée dans les expérimentations. Il n’a plus lieu d’être, dans la mesure où les collectivités entreront désormais directement dans les expérimentations, sans demander l’autorisation du Gouvernement.
Troisième objectif, et c’est un élément décisif de notre texte : sortir de l’alternative binaire entre la généralisation ou l’abandon de l’expérimentation.
Le législateur aura désormais quatre options à l’issue de la période d’expérimentation : la prolongation de l’expérimentation, pour une durée ne pouvant excéder trois ans, si l’on estime qu’elle est nécessaire ; la pérennisation et la généralisation des mesures prises à titre expérimental ; la pérennisation, sans généralisation, des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation, ou dans certaines d’entre elles, et leur extension à d’autres collectivités territoriales ; l’abandon de l’expérimentation, au motif qu’elle ne serait pas justifiée.
Au regard du bilan du dispositif expérimenté, la loi pourra également modifier les dispositions régissant l’exercice de la compétence ayant fait l’objet de l’expérimentation. Il s’agit de laisser au législateur une marge d’adaptation pour effectuer les ajustements nécessaires.
Je veux ici préciser que c’est naturellement dans le respect du principe constitutionnel d’égalité que la pérennisation de mesures prises à titre expérimental dans certaines parties du territoire pourra être effectuée.
Simplifier ne suffit pas ; il faut aussi accompagner. Pour nous assurer de l’effectivité des futures expérimentations, nous allons renforcer notre organisation institutionnelle pour mieux accompagner les collectivités dans leur mise en place.
En premier lieu, nous allons suivre la recommandation du Conseil d’État de créer des « guichets permanents » afin de favoriser ces initiatives.
Concrètement, un tel guichet permettra à l’État de recueillir les propositions des collectivités territoriales en matière d’expérimentation, et aux collectivités territoriales de solliciter une ingénierie juridique pour les accompagner dans le montage de leurs dérogations aux normes législatives et réglementaires.
Plusieurs amendements soulignent ce besoin d’accompagnement. Celui-ci est légitime et j’y suis très sensible, mais je tiens à dire qu’il ne relève pas du domaine législatif. Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’agit d’une question sans importance.
En second lieu, et c’est une constante de notre action depuis 2017, nous renforçons en parallèle l’aide à l’ingénierie pour libérer partout les initiatives et les projets des collectivités.
Pour permettre le « sur-mesure » que j’évoquais, nous avons forgé un outil complémentaire de ceux qui existaient déjà dans les territoires : l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), que nous avons créée ensemble le 1er janvier 2020.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte, que je viens d’évoquer devant vous, constitue une nouvelle étape, après la loi Engagement et proximité (loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique), de notre action pour les territoires, parce qu’il repose sur les principes clés qui nous guident depuis plus de trois ans – la liberté et la confiance – et surtout parce qu’il donne de nouveaux moyens concrets aux territoires pour imaginer et mettre en œuvre les nombreux projets et initiatives qui, sans cela, n’auraient peut-être pas vu le jour.
Dès janvier 2021, je présenterai en conseil des ministres le second temps de cette nouvelle étape de la décentralisation, avec le projet de loi dit « 3D », ou « 4D » si vous préférez, dans lequel nous allons consacrer les trois principes de différenciation, décentralisation et déconcentration, auxquels s’ajoute désormais la décomplexification.
Ce texte, pleinement complémentaire, permettra également de fournir aux collectivités l’ensemble des outils nécessaires pour accélérer partout les transitions. Il est guidé par les mêmes grands principes : simplifier – c’est d’ailleurs l’objectif récemment assigné au quatrième « D » que je viens de citer –, accompagner, en rapprochant les moyens de l’État des territoires, et enfin, évidemment, libérer. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme le corapporteur.
Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je salue sincèrement le projet de loi organique que vous nous présentez aujourd’hui, madame la ministre. Je tiens à dire que, de manière générale, je partage assez largement vos propos. Ce texte constitue une nouvelle étape après la loi Engagement et proximité, qui a assoupli le dogme de la loi NOTRe (loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) de reconnaissance de la diversité des territoires.
Toutefois, je me dois de dire, à regret, que ce texte est, tout de même et malgré tout, « à petit souffle ». Le Sénat, qui est souvent taxé de conservatisme, a eu davantage d’audace voilà deux semaines en proposant une réforme au souffle plus ardent pour un nouvel élan des libertés locales.
Néanmoins, nous voterons ce projet de loi organique, même timide, madame la ministre, modifié par quelques amendements, car force est de constater – et je suis d’accord avec vous sur ce point – qu’en la matière l’immobilisme est mortifère.
Autour de l’expérimentation se noue inévitablement le débat sur la différenciation et l’égalité des droits et des libertés, à laquelle nous sommes tous très attachés. Mais cette égalité des droits et des libertés implique assurément une différenciation de moyens. N’est-ce pas là la raison du droit spécifique aux outre-mer ou aux communes de montagne ?
Se noue aussi le débat sur l’interprétation du principe de libre administration des collectivités. Nous avons clairement affirmé ce principe dans notre proposition de loi constitutionnelle, qui rendait l’expérimentation beaucoup plus libre.
L’expérimentation rappelle que les théories doivent être observées et évaluées : c’est le prix de la pertinence et de l’efficience, lesquelles sont encore trop éloignées de notre culture.
En 2003, un pas audacieux fut accompli avec l’inscription dans la Constitution du droit pour les collectivités de déroger, à titre expérimental et pour une durée limitée, aux dispositions législatives et réglementaires.
Vous l’avez rappelé, madame la ministre, à ce jour, seules quatre expérimentations ont été conduites : le revenu de solidarité active, qui a été généralisé ; la tarification sociale de l’eau, étendue dans la loi Engagement et proximité ; les modalités de répartition des fonds libres de la taxe d’apprentissage et l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans, deux dispositions qui ont été « effacées » ou reprises dans la loi sur l’apprentissage.
Le Conseil d’État a récemment déclaré que le cadre excessivement contraignant de l’expérimentation expliquait le faible recours à ce dispositif. Deux reproches sont formulés : une procédure trop lourde et une issue binaire, abandon ou généralisation. Nous en ajouterons deux autres : une évaluation trop lacunaire – Mathieu Darnaud évoquera ce point – et, dans certains cas, l’absence d’accompagnement des petites collectivités, que vous avez évoquée, madame la ministre.
J’aborderai principalement la procédure : longue et complexe, elle s’apparente à un parcours du combattant, qui doit avant tout être patient ; il a fallu deux ans pour conduire l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau. Néanmoins, la généralisation de cette mesure a été plus rapide puisqu’elle a été faite avant son évaluation.
Vous proposez d’abord, fort pertinemment, de simplifier la procédure, en substituant au dispositif existant une simple délibération de la collectivité, validée après vérification du contrôle de légalité et publiée pour information au Journal officiel.
La seconde simplification porte sur le régime juridique des actes pris par la collectivité dans le cadre de l’expérimentation. Vous souhaitez le rapprocher du droit commun, ce qui est une excellente chose. En effet, la publication au Journal officiel ne serait ainsi plus nécessaire pour l’entrée en vigueur de ces actes, et ne serait effectuée qu’à titre informatif. La légalité des actes serait vérifiée par le contrôle de légalité dans les conditions de droit commun.
Avant de céder la parole à Mathieu Darnaud pour évoquer l’évaluation, que j’ai qualifiée de « lacunaire », je veux dire que ce projet de loi organique est salutaire pour l’efficience de l’action publique – un objectif que nous partageons. Inventer des solutions au jour après jour, c’est le lot quotidien des élus locaux. Osez, madame la ministre, osons leur faire confiance, faciliter leurs initiatives, qui naissent de leur sens des responsabilités, comme on le mesure bien aujourd’hui !
Le Sénat, convaincu de l’impérieuse nécessité d’une nouvelle audace décentralisatrice dans notre République une et indivisible, propose de vous encourager à adopter une démarche plus allante. Osons forcer l’allure ! C’est ce que nous attendons du futur projet « 3D » ou plus. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. Mathieu Darnaud, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Vous avez parlé dans votre propos, madame la ministre, de « la République en partage ». Mais nous avons trop souvent le sentiment que ce partage est confisqué par un excès de centralisme : c’est d’ailleurs bien la raison qui nous réunit aujourd’hui pour ce texte, comme il y a quinze jours ici même et lors de l’examen de la loi Engagement et proximité.
Notre volonté est d’assurer les moyens d’une juste décentralisation et d’une juste déconcentration, et de donner des outils clairs à celles et ceux qui font vivre nos territoires, c’est-à-dire les élus, quelles que soient leurs collectivités : régions, départements ou communes.
En ce qui concerne ce projet de loi organique, notre volonté rejoint – je le crois – celle du Gouvernement : il s’agit de clarifier et de simplifier le recours à l’expérimentation. Ma collègue Françoise Gatel estime que ce texte manque de souffle : je le trouve également quelque peu timide. Je rejoins son propos lorsqu’elle vous incite et vous invite à oser, madame la ministre, en imitant l’audace du Sénat sur le texte que nous avons examiné et qui comprenait un versant constitutionnel.
J’en reviens au texte qui nous occupe aujourd’hui, sur lequel je ferai deux remarques essentielles.
Tout d’abord, je veux évoquer l’évaluation.
J’estime, comme la commission des lois, qu’il n’y a jamais d’excès en la matière. Vous savez l’attachement du Sénat, d’une part, aux études d’impact, et, d’autre part, aux évaluations. Or, d’évaluation, il n’en existe point s’agissant de l’expérimentation.
Si l’on examine de façon pratique et pragmatique ce qui s’est fait en matière d’expérimentations, je crois que nous n’avons jamais, ou alors très rarement, eu l’occasion de porter un regard rétrospectif sur leurs apports concrets aux territoires. Ce que nous appelons de nos vœux, c’est qu’au travers des rapports d’évaluation intermédiaire et final nous puissions débattre ici même de l’expérimentation, à laquelle il me semble important que la représentation nationale soit associée de près.
Ensuite, je souhaite revenir sur la question de l’ingénierie.
En réalité, les collectivités ne seront pas incitées à expérimenter tant qu’il n’y aura pas en face l’ingénierie nécessaire et suffisante. De ce point de vue, l’idée du guichet me semble intéressante, car il permet un juste accompagnement des collectivités, singulièrement des plus petites d’entre elles.
Mais il faut aller plus loin, pour éviter d’avoir durablement un problème d’égalité entre nos territoires. C’est une priorité si l’on veut donner toute l’agilité nécessaire à la mise en place d’expérimentations sur nos territoires, et offrir la capacité à chacune des collectivités de trouver les ressources et les ressorts nécessaires pour traiter des problèmes spécifiques qui se posent avec une acuité toute particulière sur certains de nos territoires – je pense notamment aux territoires ruraux, dont je suis élu.
Enfin, je tiens à préciser le regard que nous portons sur la démarche du Gouvernement, telle qu’elle apparaît dans ce texte et dans les annonces que vous faites de la fameuse loi 3D à venir. Même si nous considérons que ce projet de loi organique manque de souffle, il peut cependant constituer – et nous le disons très clairement– une forme d’amuse-bouche…
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. … ou d’entrée en matière pour la suite. En effet, il faut bien en convenir, nous restons sur notre faim. Nous espérons donc que le Gouvernement trouvera bientôt les moyens de rassasier notre appétit et de satisfaire notre soif de déconcentration, de décentralisation et de différenciation.
Madame la ministre, sachez que nous sommes très attachés au suivi de ces travaux, car, à l’heure où notre pays traverse une crise sanitaire, nous ressentons plus que jamais un ardent besoin de nous appuyer sur les collectivités et les territoires pour éclairer nos décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 3 rectifié.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution (n° 83, 2020-2021).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi organique relatif aux expérimentations nous rappelle le grand rendez-vous manqué du quinquennat du président Macron, à savoir la révision constitutionnelle. Cette dernière n’a pas abouti, balayée puis enterrée ; voilà pourtant un texte qui lui ressemble !
En effet, en son article 15, le projet de loi constitutionnel du 9 mai 2018 prévoyait une différenciation territoriale à double visage : d’une part, les collectivités de même niveau pourraient avoir des compétences différentes ; d’autre part, les collectivités pourraient déroger aux lois et règlements sans passer par la case de l’expérimentation.
Or les dispositions prévues à l’article 6 du texte que nous examinons aujourd’hui auront les mêmes effets, à quelques exceptions près.
Après l’échec des débats sur la révision constitutionnelle, le Gouvernement emprunte la voie organique pour tenter de nous revendre une disposition cruciale du texte constitutionnel abandonné.
Le contenant n’est certainement pas le bon, car nous estimons qu’une révision de la Constitution serait nécessaire pour déjouer le subterfuge. La majorité sénatoriale avait d’ailleurs eu l’honnêteté de nous présenter un texte constitutionnel accompagnant un texte organique, lors de l’examen récent des propositions de loi pour le plein exercice des libertés locales.
Quant au contenu, il n’est pas non plus compatible avec la Constitution dans son état actuel, ce qui justifie d’autant mieux que nous posions le débat sur la différenciation territoriale en des termes différents de ceux qui nous sont présentés aujourd’hui.
En effet, bien que pour tenter de « noyer le poisson » le Gouvernement entoure l’article 6 de dispositions portant sur des sujets très larges, celle qui prévoit d’introduire la généralisation d’une expérimentation sur une seule partie du territoire n’en reste pas moins un bouleversement.
La Constitution consacre plusieurs types d’égalité. Celle qui prévaut entre les citoyens prend son origine dans l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». L’égalité entre les collectivités, qui y est étroitement liée, a été inscrite en 2003 dans l’article 72-2 de la Constitution : il prévoit explicitement de « favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
Ces principes constitutionnels, complétés par ceux d’unicité et d’indivisibilité de la République, forment le socle d’un idéal originel très ambitieux que tous se sont efforcés de défendre, depuis la Révolution jusqu’à aujourd’hui. Où qu’ils se trouvent en France et quel que soit leur sort, les citoyens se retrouvent, sans discrimination, autour d’un « commun », constitué par le tout cohérent que forment ces principes. Telle est la toile de fond sur laquelle vient s’inscrire l’aspiration à une « justice territoriale ».
Ceux que fatiguent comme nous les dérives du mot « territoire » préféreront, cependant, parler de « justice spatiale », car le seul territoire que nous reconnaissons est celui de la République et ses subdivisions en collectivités sont liées par l’ensemble des principes constitutionnels que j’ai mentionnés.
Or la différenciation territoriale vient contrarier cet ensemble. Faut-il en effet rappeler que « différencier » signifie « créer de la différence », action qui ne contribue, par nature, ni au respect des différences ni à la correction des inégalités, notamment celles qui existent entre les territoires et que personne ne cherche à nier dans cette assemblée ?
Une fois de plus, le Gouvernement manipule le sens des mots pour tenter, si j’ose dire, de nous « faire avaler des couleuvres », au nom d’une « différenciation égalitaire », concept oxymorique digne du slogan de George Orwell : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force. »
Dans son état actuel, le droit a été conçu pour prendre en compte les différences qui existent entre les personnes et entre les collectivités, et pour tendre vers plus d’égalité.
Par conséquent, la jurisprudence du Conseil constitutionnel admet que des situations puissent être réglées différemment par la loi, dans le respect du principe d’égalité, mais elle s’abstient de définir clairement les conditions d’application d’une telle disposition. Cette dernière se justifie en cas de différence de situations, dès lors qu’elle est motivée par l’intérêt général et qu’elle ne remet pas en cause les conditions essentielles de l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, comme le prévoit le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, consacré à l’expérimentation.
Or la généralisation à seulement une partie du pays de mesures dérogatoires aux normes nationales ne ferait que brouiller encore davantage le périmètre d’application de cette mesure, en créant des situations inédites, quand bien même le Conseil constitutionnel évoluerait vers un renforcement de son contrôle, comme on peut l’espérer.
La jurisprudence que cite le Gouvernement ne suffit donc pas à justifier la constitutionnalité de l’article 6, car elle n’en couvre pas les enjeux : il s’agit, en effet, d’une décision qui date de 1991 et qui porte sur la création d’un fonds de solidarité entre les communes d’Île-de-France.
Dès lors qu’elle permet à l’échelon local de déroger aux lois et aux règlements nationaux, la différenciation signe l’échec de l’ambition d’égalité. Parce qu’elle érode ce principe, elle menace de faire s’écrouler tout l’édifice de la République, dont elle modifie profondément la nature.
Le droit à la différenciation n’a rien de républicain. Au contraire, certains chercheurs vont jusqu’à défendre la thèse selon laquelle il marquerait un retour à la France de l’Ancien régime : son territoire était alors découpé en fonction d’une multiplicité de statuts liés à des revendications locales, et une loi à géométrie variable s’y appliquait.
Comment donc pourrait-on concevoir un changement de cette ampleur sans en mesurer l’impact sur les institutions ?
Ce n’est pas drôle, madame la ministre !
Mme Éliane Assassi. Parmi les principes qui s’imposent au législateur, l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi ont valeur constitutionnelle.
L’organisation territoriale française a déjà été rendue hautement complexe par les réformes qui ont modifié les niveaux de compétences ou qui ont renforcé les intercommunalités. Ce texte, dans lequel le Gouvernement propose que la loi puisse ne pas s’appliquer partout en France, en fonction des collectivités, ajouterait indéniablement de la complexité à un droit déjà peu lisible. Il créerait, en outre, une insécurité juridique sans commune mesure pour les citoyens et pour les élus locaux.
Une telle complexification irait à rebours de tout apaisement de la crise démocratique qui touche la France. La participation aux élections locales semble, en effet, évoluer en parallèle des mouvements de décentralisation.
Or la différenciation rendrait illisible les enjeux politiques locaux, dans la droite ligne du mécanisme qui a consacré l’échec de la décentralisation, et dont la création de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) constitue l’exemple le plus flagrant : elle a perdu le nom de département, tout en gardant le statut de département, mais en ayant des compétences que n’ont pas les autres départements. Le schéma territorial en ressort émietté et le décideur introuvable. Le Gouvernement a saisi l’opportunité de « faire de la décentralisation » par les élus et pour les élus, ce qui ne manquera pas d’aggraver l’éloignement des citoyens de la vie locale : alors que, en 1986 le taux d’abstention aux élections régionales était de 25 %, il atteignait les 50 %, en 2015.
Une autre raison pour laquelle nous refusons de laisser prospérer un tel projet tient à ce qu’il vient nourrir des antagonismes que nous estimons néfastes pour notre République. De nouvelles réflexions émergent autour du concept pluriel des « territoires », qui sert à opposer les territoires locaux à celui de l’État mais également les collectivités entre elles. Une telle vision ne peut que renforcer les particularismes locaux et les desiderata identitaires.
Les enjeux politiques, de plus en plus complexes, favorisent une incompréhension générale, qui offre aux mouvements régionalistes un terrain fertile où se développer, en mettant en avant des arguments identitaires dans lesquels les électeurs se reconnaîtront d’autant plus facilement.
Le fait de différencier les compétences et l’application des lois accrédite également ces mouvements. Attribuer une dérogation ou une compétence spéciale à une collectivité revient, en effet, à reconnaître son exceptionnalité et à renforcer un sentiment d’identité particulière. Le statut spécifique attribué à la Corse, en 1991, par exemple, n’a fait qu’exacerber le régionalisme corse.
Ce cercle vicieux favorise, en outre, la surenchère entre collectivités : à la suite de la création de la CEA, la Moselle veut devenir un « eurodépartement ». Pourtant, ce n’est pas l’identité d’une collectivité qui la rend plus à même de gérer telle ou telle compétence.
Enfin, le droit à la différenciation territoriale représente une rupture singulière, qui ne pourra que creuser les inégalités entre les territoires et a fortiori entre les citoyens. En effet, exercer une compétence nécessite d’en avoir les moyens. Or seules les collectivités les plus dotées se lanceront sans inquiétude dans de tels combats, pour en tirer avantage aux dépens des collectivités plus pauvres. Les oppositions en sortiront renforcées, que ce soit entre territoires urbains et ruraux, villes riches et villes pauvres, métropole et périphérie.
Mes chers collègues, nous ne sommes plus dans un débat où s’affronteraient Jacobins et Girondins. J’en veux pour preuve qu’aucun Girondin n’a jamais interrogé l’unité de la loi. Le président Macron n’est ni l’un ni l’autre ; il est profondément européen, non pas comme je le suis, mais dans un sens libéral. Il défend une organisation de grandes collectivités autonomes, formées autour de métropoles assez puissantes et indépendantes pour se positionner sur le marché de la mondialisation.
Le texte qui nous est présenté peut sembler n’être qu’un petit pas dans cette voie. Cependant, les petits pas nous éloigneront l’un après l’autre des principes que nous voulons défendre pour notre pays.
C’est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain citoyen et écologiste souhaite ne pas poursuivre la délibération sur ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Mme Catherine Belrhiti. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si j’interviens aujourd’hui devant vous pour m’exprimer contre la motion déposée par Mme Assassi et les membres du groupe CRCE, ce n’est certainement pas pour saluer l’ambition et l’ampleur de la réforme du droit des collectivités territoriales traduites dans le texte que nous présente le Gouvernement.
En effet, comme le relèvent très justement mes collègues Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, corapporteurs de la commission des lois, ce texte se contente « d’ajustements essentiellement techniques, qui ne sont pas de nature à consacrer un véritable droit à la différenciation ».
Nous sommes donc loin du « grand soir » de la différenciation, ainsi que des propositions gouvernementales d’évolution de la Constitution, contrairement à ce qu’ont laissé entendre nos collègues du groupe CRCE dans l’objet de leur motion. Ce n’est d’ailleurs pas une mauvaise chose, compte tenu des problématiques soulevées, à l’époque, par certaines des orientations territoriales envisagées dans le projet de révision constitutionnelle.
Les ambitions affichées du Gouvernement seraient, de toute manière, impossibles à concrétiser par la loi organique. En effet, l’encadrement des expérimentations, tel qu’il figure au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, impose sur ces questions des limites à la créativité de l’exécutif.
Pourtant, le mot d’ordre de « différenciation » a son importance : à une époque où l’échelon local et la proximité sont plus pertinents que jamais dans l’action publique, ce terme résonne chez nos concitoyens et leurs élus locaux. On devine dans le texte d’aujourd’hui un premier pas dans cette direction, dans l’attente d’une loi 3D – ou 4D, entend-on dire aussi maintenant – dont la genèse a été jusqu’ici assez difficile.
En l’occurrence, il est question, en plus d’un certain nombre de mesures purement procédurales et de contrôle parlementaire, de rendre plus flexible l’issue des expérimentations, en autorisant la pérennisation locale des dispositions expérimentales, ou leur extension à une partie seulement des autres collectivités.
Je comprends la nature des questions juridiques soulevées par Mme Assassi, qui nous dit qu’une telle disposition constituerait une brèche dans les principes d’égalité entre les collectivités, d’une part, et entre les citoyens, d’autre part.
En examinant la question sur le plan juridique, je considère néanmoins que les inquiétudes sur la constitutionnalité des modifications qui nous sont présentées restent globalement infondées.
En effet, la Constitution n’impose pas l’absolue identité des règles applicables aux collectivités. J’en veux pour preuve que l’existence de différences, de nature constitutionnelle pour certaines, ou infraconstitutionnelle pour d’autres, est déjà une réalité. Or ces différences ne portent guère de risques pour l’unité nationale de notre pays. Des territoires aussi variés que la Polynésie, la métropole de Lyon ou encore l’Alsace-Moselle – Moselle que je représente au Sénat – possèdent déjà certaines spécificités, sans que cela semble annoncer la fédéralisation de la France.
Par ailleurs, comme je le mentionnais, il semblerait que la transition du véhicule constitutionnel au véhicule organique, pour les mesures proposées par le Gouvernement, se soit également accompagnée d’une diminution sensible de leur ambition. Le Conseil d’État, dans son avis du 16 juillet dernier, n’a pas soulevé de difficultés particulières à ce sujet.
Enfin, je me dois aussi de relever que la commission des lois a effectué un travail de consolidation juridique de nature à garantir la constitutionnalité des dispositions de l’article 6 du texte : les expérimentations devront nécessairement intervenir « dans le respect du principe d’égalité ».
La question politique demeure donc de savoir s’il faut de la différenciation territoriale. La commission et mon groupe y apportent une réponse globalement favorable ; avec pour réserve que cette différenciation devra être soigneusement discutée et calibrée. Une révision du dispositif des expérimentations de l’article 72 de la Constitution, même d’envergure limitée, est un petit pas dans la bonne direction.
Dans ses cinquante propositions pour le plein exercice des libertés locales, la Haute Assemblée a déjà posé des jalons. De nombreux travaux restent à mener pour trouver les bons équilibres, par exemple en ce qui concerne l’outre-mer, comme le démontrait, dans son dernier rapport, notre ancien collègue président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, M. Michel Magras.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains est en désaccord avec la motion des membres du groupe CRCE, et votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Madame la présidente Assassi, j’ai écouté avec attention votre intervention et je voudrais faire deux observations.
Tout d’abord, ce projet de loi organique s’inscrit dans le cadre constitutionnel actuel, qui respecte le principe d’égalité des collectivités territoriales ; qui nous a déjà permis d’adopter des dispositions pour certaines communes, dans le cadre de la loi Montagne ou de la loi Littoral ; et qui autorise également la cohabitation d’intercommunalités de catégories différentes exerçant des compétences différentes.
Ensuite, le projet de loi organique que présente Mme la ministre contient des dispositions de simplification qui nous paraissent tout à fait pertinentes.
Pour ces raisons, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à vous dire que, moi aussi, j’aurais aimé que le projet de révision constitutionnelle aille à son terme ! Il aurait permis de simplifier encore davantage la procédure et d’aller plus loin dans la différenciation.
Pour autant, je ne crois pas qu’il fallait ne rien faire et rester les bras ballants. Par conséquent, madame la présidente Assassi, ce texte n’est ni un subterfuge ni une manipulation, c’est un moyen de donner du souffle, pour reprendre le terme employé par Mme Gatel, pour avancer dans le cadre du droit constitutionnel constant.
En effet, aucune modification de la Constitution n’est nécessaire pour adopter les dispositions que contient ce projet de loi organique, dont je rappelle qu’il devra être soumis à l’examen du Conseil constitutionnel. Voilà une garantie importante.
Le Conseil d’État l’a énoncé à deux reprises, ces dernières années, dans son avis du 7 décembre 2017, et dans son étude sur les expérimentations, publiée en octobre 2019 : la différenciation est possible à cadre constitutionnel constant et se fonde sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, plus précisément la décision du 6 mai 1991, aux termes de laquelle « le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ».
Il en résulte donc que les règles régissant l’exercice des compétences locales peuvent être différentes selon les territoires, sous réserve qu’elles soient justifiées par des différences de situation entre ces territoires.
C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État a permis que nous prévoyions que les mesures prises à titre expérimental puissent être maintenues dans tout ou partie des collectivités expérimentatrices, et étendues à d’autres.
Quant à vos craintes que ce projet de loi organique mette à mal l’égalité entre les territoires et l’unicité de la République, je veux faire preuve de la plus grande clarté.
D’abord, il est important de distinguer l’égalité « formelle », à laquelle vous faites référence, de l’égalité « réelle ». Ces dernières années, l’égalité formelle de traitement entre les territoires n’a pas contribué à résorber les fractures territoriales. Au contraire, ces dernières se traduisent très concrètement par de très fortes assignations à résidence et d’insupportables inégalités de destins, ce qui in fine remet fortement en cause notre modèle social.
Dès la première Conférence des territoires, qui s’est tenue au Sénat, en juillet 2017, le Président de la République avait prévenu : « L’égalité, qui crée de l’uniformité, n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire, aujourd’hui. »
Voilà pourquoi l’égalité devant la loi doit parfois être contrebalancée par un principe d’équité. En effet, qui comprendrait qu’on traite exactement de la même manière un quartier politique de la ville ou un quartier d’affaires ? Un territoire urbain ou un territoire rural ? Un territoire de montagne ou un territoire littoral ? Les revendications sur ces sujets se font souvent entendre dans la Haute Assemblée.
Les politiques publiques sont déjà différenciées et les territoires souhaitent que le Gouvernement accentue cette tendance, de sorte que nous ne pouvons pas rater cette étape.
En tant que ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, je veillerai à garantir l’équilibre, l’équité et l’unité de notre pays. Le texte que nous examinons aujourd’hui est une chance pour les territoires qui souffrent de la fracture territoriale.
Le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cette motion. (M. Alain Richard applaudit.)
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3 rectifié, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 13 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 263 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les expérimentations constituent un outil essentiel pour adapter notre droit aux réalités locales.
Le projet de loi organique que nous examinons a pour objectif de simplifier leur recours et de prévoir explicitement de nouvelles voies d’action dès lors qu’elles arrivent à leur terme.
Le droit français a progressivement fait une place assez large aux expérimentations. C’est ainsi qu’en 2003, après la révision constitutionnelle, le législateur a permis aux collectivités territoriales de déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités – une durée de cinq ans, renouvelable une fois, pour une durée maximale de trois ans – aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences.
Cette forme d’expérimentation locale est inscrite au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution. Les modalités de ces expérimentations ont été précisées par la loi organique du 1er août 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, dont les dispositions ont été codifiées dans le code général des collectivités territoriales.
Toutefois, on peut déplorer que cette forme d’expérimentation n’ait pas prospéré, puisque seules quatre expérimentations ont été menées sur son fondement : l’expérimentation concernant la répartition des fonds non affectés de la taxe d’apprentissage, qui a été abandonnée à la suite de la réforme de l’apprentissage, et celles qui concernaient le revenu de solidarité active (RSA), la tarification sociale de l’eau et l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans, généralisées avant même leur évaluation.
Le faible nombre d’expérimentations menées sur le fondement de l’article 72 de la Constitution ne doit pas nous inciter à penser que les collectivités territoriales sont réservées à l’idée d’utiliser la méthode expérimentale, puisque des collectivités se sont souvent engagées dans des expérimentations menées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution. En effet, dans le cadre de la « mission flash » de 2018 intitulée « Expérimentation et différenciation territoriale » et conduite dans la perspective de la révision constitutionnelle, nos collègues députés Jean-René Cazeneuve et Arnaud Viala ont estimé que vingt-huit expérimentations mises en œuvre sur le fondement de cet article concernaient les collectivités territoriales.
Le faible recours aux expérimentations locales s’explique plutôt par un cadre excessivement contraignant. C’est d’ailleurs ce qu’a relevé le Conseil d’État dans une étude sur les expérimentations publiée en octobre dernier, dans laquelle il formule notamment deux reproches. Premièrement, la procédure est trop lourde ; deuxièmement, les issues de l’expérimentation sont binaires : généralisation à l’ensemble des collectivités ou abandon.
Aussi, je me réjouis que la commission des lois ait clarifié les issues possibles au terme de l’expérimentation et en ait renforcé l’évaluation, consubstantielle à la méthode expérimentale.
Ainsi, alors que le Gouvernement avait indiqué souhaiter se concentrer sur l’évaluation finale des expérimentations, la commission a consacré, conformément aux recommandations du Conseil d’État, trois moments d’évaluation au cours d’une expérimentation : l’évaluation finale, déjà prévue dans le projet de loi organique ; une évaluation intermédiaire afin, le cas échéant, d’adapter la mise en œuvre de l’expérimentation ; et un rapport annuel, qui listerait, d’une part, les collectivités ayant décidé au cours de l’année écoulée de participer aux expérimentations en cours, et, d’autre part, les demandes d’expérimentations adressées par les collectivités au Gouvernement.
Par ailleurs, je rejoins la position de la commission, qui a souhaité, d’une part, préciser que la pérennisation sur une partie seulement du territoire se fera dans le respect du principe d’égalité, conformément au cadre constitutionnel en vigueur, et, d’autre part, maintenir l’abandon parmi les issues possibles de l’expérimentation mentionnées à l’article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales.
Madame la ministre, chers collègues, ce texte permet de procéder à une simplification, certes timide, du recours aux expérimentations locales et prévoit de nouvelles issues au terme de celles-ci. Par conséquent, bien que nous ayons du mal à comprendre ce que représente ce texte – peut-être ne constitue-t-il qu’une mise en bouche pour le projet de loi décentralisation, différenciation et déconcentration, dit « 3D », dans lequel nous avons placé beaucoup d’espoirs au cours de la campagne des élections sénatoriales qui viennent d’avoir lieu –, le groupe Les Indépendants, partageant l’objectif de ce projet de loi organique, votera le texte tel que modifié en commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà près de vingt ans que le droit à l’expérimentation s’exerce en France, avec un bilan mitigé.
Le projet de loi organique discuté aujourd’hui s’appuie sur le rapport rendu par le Conseil d’État à la suite d’une commande du Premier ministre datant de janvier 2019 et l’on entend traduire, au travers de ce texte, certaines des préconisations de ce rapport, mais pas toutes.
Ainsi, l’une des principales recommandations consistait à alléger les contraintes de procédure qui freinent la participation des collectivités territoriales aux expérimentations. Nous partageons le constat ; la procédure à suivre pour participer à ce type d’expérimentation, qui comprend sept étapes, est trop lourde et elle dissuade les collectivités territoriales. Elle n’est pas en adéquation avec les pratiques en matière de politique locale et les élus attendent plus de facilité et de souplesse dans la mise en œuvre des expérimentations.
Le principe même de celles-ci repose sur la méthode expérimentale théorisée par les sciences empiriques, en particulier par les travaux de Claude Bernard, notamment dans son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, publiée en 1865 : la science progresse par essais et par erreurs, par conjonctures et par réfutations. Le concept est donc ancien, mais les pratiques sont encore très récentes, même si elles se sont développées au cours des dernières années, de même que la pratique du retour d’expérience.
Pour encourager les collectivités à recourir davantage à l’expérimentation, l’assouplissement de la procédure permettant d’y participer ne suffira pas ; nous devons également accroître les moyens des collectivités afin de sécuriser, en amont, la méthodologie utilisée et de permettre une meilleure capitalisation des expériences menées.
Sur ces points, il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas suivi les recommandations du Conseil d’État, préférant notamment renoncer à la transmission obligatoire au Parlement, par l’exécutif, de rapports annuels d’évaluation, qui sont pourtant la clé de voûte du dispositif d’expérimentation, car cela permet de comprendre, de mesurer et d’ajuster les politiques publiques. Heureusement, la commission des lois a amélioré, au travers des amendements des corapporteurs, le projet initial du Gouvernement sur ce point.
Autre écueil de ce texte : l’absence de prise en compte du cadre méthodologique utilisé par les collectivités. Nombre d’expérimentations souffrent encore de carences méthodologiques : objectifs contradictoires, faible association des citoyens et des publics concernés par l’expérimentation ou encore absence d’outils d’évaluation.
Certaines actions sont également présentées à tort comme des expérimentations, faute de cadre méthodologique et d’évaluation, et ressemblent plus à des manœuvres visant à faire accepter une décision déjà prise plutôt qu’à une vérification de la pertinence d’une réforme envisagée. Soyons collectivement responsables et rigoureux sur le cadre proposé pour mener ces expérimentations et ne dévoyons pas l’outil.
D’autres recommandations du rapport ont été occultées alors qu’elles contribueraient à la qualité et à la fiabilité des expérimentations, notamment le renforcement du besoin d’ingénierie et d’accompagnement par l’État, l’amélioration des modalités d’évaluation ou encore la capitalisation des expérimentations menées.
Enfin, ne l’oublions pas – le Conseil d’État vient de nous le rappeler –, le « recours accru aux expérimentations […] est aussi un symptôme de la complexité et de la rigidité de notre système normatif. » Dans la mesure où les lois et règlements sont trop nombreux et trop complexes et qu’ils laissent peu de place au pouvoir réglementaire local, nous pouvons assouplir le processus du recours aux expérimentations, mais nous devons aussi veiller à simplifier le cadre normatif et à accélérer les étapes de la décentralisation, afin de redonner plus de pouvoir aux collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partons ici de la révision constitutionnelle de 2003, qui a représenté un progrès et une consolidation de notre système de décentralisation ; le moment ne me semble donc pas mal choisi pour la saluer.
Cependant, le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, sur lequel nous travaillons, a été conçu pour expérimenter et non pour différencier ; c’est en réalité le support d’une politique d’innovation, d’essai, et les collectivités qui forment le groupe expérimentateur constituent, au fond, un groupe témoin et non un prototype visant à créer des différences sur le territoire.
Au travers de cette révision constitutionnelle et de la loi organique qui a appliqué celle-ci, on a prévu, par prudence, une procédure préalable assez rigoureuse d’autorisation de l’expérimentation. Cette précaution était justifiée par un principe énoncé dans la Constitution, sur lequel nous nous rejoignons tous, je crois : l’expérimentation pouvant éventuellement se conclure par des formes de différenciation doit respecter – les termes sont importants – « les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ». Il s’agit donc non d’un contrôle ou d’un cadre formel, mais d’une exigence réelle : le respect des « conditions essentielles » des principes qui fondent la République une et indivisible ; Mme Assassi l’a bien exprimé, dans un texte dont je salue la qualité juridique.
Sur ces principes, nous nous rassemblons, et cela me conduit à vouloir conserver une expression mesurée sur l’étendue que peut avoir in fine la différenciation : celle-ci doit toujours respecter les principes fondamentaux de la République et du service public.
Le présent projet de loi organique définit un cadre élargi en facilitant le lancement de la procédure d’expérimentation, en rationalisant l’évaluation – on examine attentivement et de façon contradictoire, débattue, le résultat de l’expérimentation – et, ensuite, on peut conclure. La principale nouveauté consiste en ce que la conclusion de l’expérimentation, la décision prise à son issue, en tout cas dans le domaine de l’exercice, par les collectivités territoriales, de leurs compétences, pourra être soit l’abandon, soit la généralisation, soit, désormais, l’application à celles des collectivités qui seraient intéressées et éventuellement à de nouvelles.
Je souhaite souligner un point important, rappelé par Mme la ministre précédemment, lors de son intervention relative à la motion tendant à opposer la question préalable : il faudra au moins un critère de pertinence dans le choix des collectivités auxquelles s’appliquera la différenciation. Cela ne peut se faire – pardonnez-moi l’expression – à la tête du client. Mme le corapporteur l’a indiqué, s’il existe une loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « Littoral » c’est bien à cause de conditions géographiques spécifiques qui la justifient, et il ne serait pas justifié que l’on appliquât les mêmes normes à d’autres territoires. Cela n’est écrit nulle part dans le texte dont nous discutons, mais cela doit être clairement entendu entre tous ceux qui légifèrent. Lorsqu’il y aura différenciation, ce sera sur le fondement de différences objectives, non subjectives.
M. Alain Richard. Par ailleurs, en vertu du texte plus formel de la Constitution, une quatrième issue possible est que le législateur reprenne l’analyse du champ de compétences considéré – champ social, économique, de formation professionnelle ou autre – et décide de clarifier, voire de diversifier, dans un texte national, les conditions d’exercice de la compétence afin d’élargir les marges de choix des collectivités territoriales.
Cela conduit le groupe RDPI à défendre ce texte dans le même esprit que le Gouvernement et à se différencier des divers adjectifs ou expressions employés par certains collègues, qui affirmaient que l’on aurait dû faire plus, plus grand ou plus fort. En effet, ni les limites du droit formel ni notre conception partagée de la République ne nous permettront de faire une République largement différenciée, dans laquelle les principes du service public dû aux citoyens ne seraient pas les mêmes d’une région à l’autre, d’un département à l’autre.
Nous devons garder ce cadre de principe, et ce schéma d’expérimentation donnera une dynamique supplémentaire, là où les collectivités le souhaiteront. Il complétera quelque chose qui existe dans la réalité, dans les textes d’aujourd’hui : l’adaptation aux circonstances et la diversité des politiques locales, en matière, par exemple, d’enfance, de petite enfance ou encore d’accompagnement scolaire. Je le répète, il y a déjà, au sein du cadre légal général, la possibilité d’une forte diversification.
Par conséquent, la différenciation portera beaucoup plus – mieux vaut se le dire clairement – sur les modalités d’exercice du service public que sur ses finalités, lesquelles doivent rester celles de la loi républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis longtemps, les scientifiques, davantage que les juristes, savent saluer les bienfaits de l’expérience. Claude Bernard, fondateur de la médecine expérimentale, le soulignait : « Le savant s’instruit chaque jour par l’expérience ; par elle il corrige incessamment ses idées […], ses théories, les rectifie pour les mettre en harmonie avec un nombre de faits de plus en plus grands, et pour approcher ainsi de plus en plus de la vérité. »
Ces mots doivent entrer en résonance avec le projet de loi organique aujourd’hui en discussion. Les réformes incessantes de la décentralisation, depuis 1982 jusqu’au projet de loi 3D annoncé par le Gouvernement, nous montrent comme la vérité peine à se révéler en cette matière. Elles soulignent comme notre droit et nos institutions peinent à être en harmonie avec les faits, lorsqu’il est question de la vie de nos territoires locaux et de nos concitoyens.
Face à un tel constat, la possibilité de procéder à des expérimentations locales telles que permises par la Constitution depuis 2003 aurait dû être une source de solutions pour davantage de pragmatisme et une meilleure adaptation du droit. Ce dispositif devait permettre aux collectivités territoriales de déroger, dans le cadre de leurs compétences, sur une habilitation propre et pour une durée déterminée, aux dispositions législatives ou réglementaires existantes, afin d’éprouver la pertinence des réformes envisagées.
Ce dispositif, indéniablement prometteur dans ses principes, connut pourtant un succès plus que limité. Cela a pu être souligné, outre le faible nombre d’expérimentations effectuées, celles qui furent menées le furent le plus souvent sans respecter la méthodologie prévue par le constituant.
Légitimement, il faut s’interroger sur les raisons de l’échec du dispositif. Est-ce dû à un manque d’intérêt de la part des collectivités territoriales pour ces expérimentations ? Ce n’est pas mon sentiment. Pour prendre l’exemple du département dont je suis élue, je ne doute pas que les élus de Lozère désirent s’inscrire dans de tels programmes expérimentaux. Il leur serait bénéfique de pouvoir mettre en valeur les spécificités de leur population, de leur territoire et de l’aménagement atypique de celui-ci.
Le faible entrain pour les expérimentations locales est-il alors dû à la contrainte juridique excessive du dispositif en vigueur ? Cette explication n’est sans doute pas suffisante, mais elle peut être avancée et elle justifie qu’il faille en réformer le régime.
En effet, cet échec, quels qu’en soient les motifs, est regrettable et nous impose d’y remédier. Des expériences locales seraient l’occasion d’observer les différences que peuvent introduire les territoires dans leur réglementation. Faut-il administrer une zone « hyper-urbanisée » comme on administrerait un territoire « hyper-rural » ?
Notre regretté collègue, Alain Bertrand, avait souligné l’attention singulière dont cette « hyper-ruralité » devait bénéficier. Il indiquait déjà, dans son rapport de juillet 2014 intitulé Hyper-ruralité : un pacte national en six mesures et quatre recommandations pour restaurer l’égalité républicaine, combien ces territoires se distinguent par la faible densité et le vieillissement de leur population, par leur enclavement, leurs faibles ressources financières ou encore leur manque d’équipement et de services.
Face à cela, les zones hyper-urbanisées, telles que les métropoles, sont confrontées à d’autres problèmes politiques : pénurie de logements, habitats insalubres, congestion de la circulation urbaine, concentration des inégalités, densité démographique…
Face à cet éventail de particularismes, chaque région, chaque département, chaque commune connaît ses propres dynamiques, ses propres problématiques et quand, d’aventure, leurs problématiques sont les mêmes, il est rare qu’elles trouvent des réponses identiques d’un territoire à l’autre, d’une collectivité à l’autre.
Pour ces raisons, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même sommes favorables à tout mécanisme qui participerait à ce que l’action publique s’adapte mieux aux besoins spécifiques du lieu où elle est mise en œuvre. L’assouplissement et la simplification du régime juridique des expérimentations locales nous paraissent s’inscrire dans un tel mécanisme.
Toutefois, si ce texte devait constituer un préambule au futur projet de loi 3D, nous veillerions à rester mesurés dans notre approbation, car il ne faudrait pas non plus que les réformes participent à un délitement de l’administration locale sur le territoire national.
L’unité républicaine passe aussi par le maintien d’une forme d’uniformité de l’action publique sur tout le territoire. Le réseau des préfectures et des sous-préfectures ne doit pas être délaissé, afin de pouvoir accompagner les collectivités territoriales et favoriser l’accès aux services publics.
La Nation française n’est pas un agrégat de collectivités mises bout à bout. Il faut donc veiller à ce que cette différenciation ne conduise pas à un abandon, par l’État et dans l’État, des collectivités locales les plus démunies, les moins armées tant financièrement qu’humainement, pour faire face aux difficultés qu’elles rencontreraient. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à balayer un faux problème, un faux débat, s’il en était encore besoin. Bien évidemment, la position du groupe CRCE sur ce projet de loi organique ne se limite pas à son titre. Si l’ambition de ces six articles avait simplement consisté en la simplification des expérimentations, nous n’aurions pas eu tous ces débats et notre groupe n’aurait même pas déposé cette motion tendant à opposer la question préalable.
Toutefois, à la lecture de votre projet de loi organique, madame la ministre, nous nous sommes assez rapidement rendu compte qu’il s’agit d’un peu plus que d’une modeste simplification des expérimentations existantes.
En effet, avant même le travail de la commission, ce texte visait déjà à faire plus que simplifier la demande d’évaluation et le contrôle du Parlement sur ces expérimentations. Cela a déjà été dit, mais je tiens à le répéter, vouloir trop réduire l’évaluation n’est pas un gage d’efficacité. Si l’on cherche à simplifier, c’est bien pour permettre aux élus locaux d’être plus efficaces dans leur prise de décision ; or, justement, nous pensons à l’inverse que l’évaluation est indispensable à la sécurisation du dispositif, tant pour les parlementaires, dans l’analyse de l’expérimentation, que pour les élus locaux, au moment de prendre une décision.
Ensuite, il y a évidemment cet article 6, qui introduit bien plus qu’une simplification puisqu’il fait évoluer le droit à l’expérimentation, sur lequel nous pouvons effectivement avoir un débat contradictoire. Il s’agit de faire durer, sur une partie du territoire de la République, certaines expérimentations réalisées.
Toute la question motivant les articles relatifs à la simplification est : le faible recours, au cours des dernières années, à l’expérimentation est-il lié à une trop forte complexité de la procédure ? On pourrait en discuter pendant de longues heures, mais, personnellement, je ne le pense pas ; cela dit, pourquoi pas ? Simplifions cela.
Je le répète, balayons les faux problèmes ou les caricatures : oui, la différence est consubstantielle à toute société, nous le reconnaissons et il ne s’agit pas le nier. Toutefois, madame la ministre, selon moi, l’égalité, comme tout principe de la République, ne peut se qualifier. Il n’y a pas une égalité réelle et une égalité formelle ; il n’y a que l’égalité.
M. Alain Richard. C’est pourtant ce que dit le Parti communiste depuis un siècle !
Mme Cécile Cukierman. Je suis peut-être trop jeune pour rappeler ce que les communistes disent depuis un siècle mais seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ; cela dit, voyez-vous, mon cher collègue, garder quelques convictions, à travers les décennies et les siècles, peut aussi être parfois utile…
L’égalité, donc, ne se définit pas et elle a toujours été, comme la laïcité, l’un des grands combats de la République. Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille faire tout le temps pareil partout, parce que cela reviendrait à nier un autre grand combat, y compris des élus communistes, puisque nous sommes dans ce registre… : celui de la décentralisation et de l’octroi de moyens financiers, administratifs et réglementaires réels aux collectivités, afin que ces dernières puissent répondre, au plus près, aux besoins de la population, dans les quartiers populaires, particulièrement exposés, mais aussi dans les communes rurales, puisque les élus communistes ont également été nombreux à administrer ces territoires. (Mme Éliane Assassi applaudit.)
Pour revenir au cœur de notre débat, puisque tout cela est lié, notre objectif n’est certainement pas de nier les libertés locales. C’est d’ailleurs pour cela que nous continuerons à défendre, pendant encore un siècle, je l’espère, la clause de compétence générale des collectivités locales. En effet, c’est plus ce principe que l’évolution proposée du droit à l’expérimentation qui permettra, selon nous, de répondre aux besoins des femmes et des hommes de notre pays et à l’enjeu républicain selon lequel, en république, la loi est la même pour tous et partout. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte porte simplification des expérimentations, mais il s’agit sans doute d’une réforme trop simple.
Si j’osais, je dirais que ce texte est d’actualité ; en effet, si la situation n’était pas aussi grave, on pourrait soutenir que, d’une certaine façon, cela fait neuf mois que le Gouvernement est en pleine expérimentation…
Quel est le contexte général de ce texte ? Une révision constitutionnelle est en apesanteur,…
M. Éric Kerrouche. … d’où ce projet de loi organique. La loi Engagement et proximité est utile mais limitée ; en particulier, elle n’a pas traité son objet principal, à savoir la question du statut de l’élu, puisqu’elle n’avait qu’une vocation corrective. Un projet de loi intitulé « 3D » puis « 4D » a été annoncé, confirmé, réannoncé, reconfirmé, mais il est toujours différé. Enfin, on nous présente ce projet de loi organique, deuxième véritable texte du Gouvernement.
Beaucoup de choses ayant été dites, je ne reviendrai pas sur tout.
Nous nous inscrivons dans le cadre du quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution, qui permet aux collectivités territoriales de déroger, pendant un temps limité et sur un objet circonscrit, aux dispositions législatives et réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences.
L’expérimentation, c’est, précisons-le, de l’adaptation. Pour reprendre les conclusions de ma collègue, le professeur Géraldine Chavrier, l’expérimentation permet de vérifier qu’une adaptation n’est pas dangereuse et qu’elle est pertinente. Ainsi, l’idée d’expérimentation renvoie plutôt à une technique d’élaboration des normes fondée sur l’expérience et sur l’évaluation ; elle se distingue donc de la différenciation.
Il y a eu peu d’utilisations de cette faculté, cela a été dit, peut-être par manque d’appétence pour les possibilités qu’elle offre, mais ce n’est pas sûr, puisque les collectivités ont recouru aux expérimentations prévues à l’article 37-1 de la Constitution.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas, par principe, hostile à la démarche expérimentale en tant que telle. D’ailleurs, l’expérimentation existe dans de multiples textes : elle concerne les modes d’organisation de la fonction publique ou le transfert de certaines compétences de l’État vers les collectivités territoriales et elle s’est appliquée dans le domaine des transports ou des télécommunications. Par exemple, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité confiait déjà, à titre expérimental, des compétences aux régions en matière de port maritime, d’aérodrome ou de patrimoine culturel.
Par conséquent, quel est l’objet de ce texte et y répond-il ? Son objet est tout simple : il s’agit de simplifier l’expérimentation sans passer par une révision constitutionnelle, puisque, selon le Conseil d’État, les différents blocages de l’expérimentation sont liés à son caractère trop contraignant. Ainsi, ce texte s’inscrit dans une logique – peut-être trop – procédurale et il n’apporte pas, cela a été dit, de grands bouleversements.
Pour l’instant, sept étapes sont nécessaires pour lancer une expérimentation ; le texte propose de simplifier ces étapes : il suffirait désormais d’une délibération motivée de la collectivité. De la même façon, le projet de loi organique instaure un rapprochement entre le régime juridique des actes pris pendant l’expérimentation et le droit commun. Enfin, le Gouvernement offre, et c’est une bonne chose, de nouvelles issues à l’expérimentation, en se fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle les règles applicables aux compétences des collectivités territoriales ne sont pas forcément identiques pour toutes les collectivités qui relèvent de la même catégorie.
Je rappelle juste que l’identité ne saurait forcément conduire à l’égalité et qu’il faut traiter de façon différente les situations qui ne sont pas identiques. C’est le sens des deux issues ajoutées par le Gouvernement : le maintien des mesures dans les collectivités locales de l’expérimentation pour certaines de ces collectivités ou pour d’autres ; la modification des dispositions régissant l’exercice de la compétence qui a fait l’objet de l’expérimentation.
Pour autant, si, je le répète, le texte n’est pas mauvais, va-t-il apporter des solutions à la faiblesse des expérimentations ? Les rend-il plus incitatives ? Rien n’est moins certain.
L’exposé des motifs indique que la loi organique permettra d’« illustrer le principe de différenciation territoriale ». Or le texte n’a absolument pas cette portée ! Outre la différence que j’ai soulignée entre expérimentation et différenciation, sans modification constitutionnelle, le projet de loi organique n’a pas la portée qu’il prétend avoir.
Ergo, la pérennisation de l’expérimentation ne pourra se faire que dans le respect du principe d’égalité, comme cela a été précisé dans le texte par la commission des lois.
De la même façon, celle-ci a ajouté le maintien de la possibilité d’abandon, qui était nécessaire.
Je répète qu’elle a également insisté sur le fait que l’évaluation est consubstantielle de l’expérimentation. Je crois qu’il faut se réjouir de cette prise de position, parce que la vision du Gouvernement en la matière était trop limitative.
Au final, ce texte ressemble surtout à un texte d’attente pour faire patienter les territoires.
Qu’y manque-t-il ? Ce n’est sûrement pas à moi, madame la ministre, de vous dire ce qu’il faut faire. De toute façon, vous ne m’écouteriez pas plus qu’actuellement et cela ne changerait pas grand-chose… (Sourires.)
Pour autant, vous avez évoqué, dans l’étude d’impact, des guichets uniques et des appels à projets pour que les collectivités puissent exprimer leurs demandes d’expérimentation. Dès lors, pourquoi n’avez-vous pas assorti le projet de loi organique d’un autre véhicule juridique qui vous permette de traiter tous ces aspects ?
Vous savez que la question de l’ingénierie est discriminante. Vous savez aussi qu’il faudrait sans doute que l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dispose explicitement de la mission d’inciter à l’expérimentation. Vous savez aussi qu’il manquera des moyens… Pourquoi ne pas avoir « accompagné » l’ensemble du texte de mesures qui permettent de le rendre opérationnel ?
En conclusion, que déduire ?
D’abord, par ce texte, l’exécutif envoie deux messages, peut-être à son insu.
Il nous annonce qu’il n’y aura pas de révision constitutionnelle jusqu’à la fin du quinquennat, pour l’expérimentation comme pour le reste.
M. Éric Kerrouche. Peut-être à vous, si je me fonde sur votre proposition initiale !
Surtout, il peine manifestement à porter un geste décentralisateur ambitieux. Même quand on parle de décentralisation, la vision qu’on en a est toujours aussi verticale. Vous mettez l’expérimentation en valeur au travers de ce texte, mais je rappelle que la proposition de loi socialiste visant à expérimenter le revenu de base n’a pas été adoptée.
Je rappelle également que, dans le cadre de la discussion budgétaire, les impôts de production sont toujours supprimés.
Je rappelle encore que le plan de relance procède d’une vision centralisatrice, les élus étant amenés avant tout à accompagner le préfet.
Le projet de loi organique ne permet pas véritablement de connaître la vision que le Gouvernement a de la décentralisation. Il constitue une bande-annonce décevante. Nous attendons donc le film du texte 3D – ou 4D, voire 5D… –, en espérant qu’il puisera davantage dans le registre du cinéma réaliste que dans celui de la comédie.
Sur le fond, au vu du faible impact probable des mesures proposées, mais, je le répète, dans la mesure où ce texte s’inscrit dans une perspective de simplification, nous le voterons. Il ne mérite ni excès d’honneur ni indignité, mais nous resterons dubitatifs quant aux effets qu’il aura dans le temps. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi organique, comme son intitulé l’indique, a deux objectifs attendus par de nombreux élus : simplifier et différencier l’application du droit.
Comme cela a été rappelé, l’expérimentation a été créée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, qui visait à donner des moyens normatifs à l’organisation décentralisée de la République. Ainsi, le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution permet aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de déroger, lorsque la loi ou le règlement l’a prévu, « à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ».
Cette possibilité offerte aux collectivités territoriales a montré à de rares reprises son efficacité, comme ce fut le cas pour le revenu de solidarité active, la tarification sociale de l’eau, l’accès à l’apprentissage jusqu’à l’âge de 30 ans ou encore la répartition de la taxe d’apprentissage.
Alors que la tradition centralisatrice de l’État pèse toujours sur la mise en œuvre des politiques publiques, l’expérimentation était considérée, à l’origine, comme une façon de renforcer la décentralisation, en donnant plus d’autonomie aux collectivités locales. Aujourd’hui, elle apparaît comme un moyen, souhaité par de nombreux élus locaux, de différenciation des territoires les uns par rapport aux autres.
La volonté du Gouvernement de simplifier le recours à l’expérimentation pour assurer plus d’agilité locale, donc plus de différenciation, est a priori louable. Cependant, l’adoption du projet de loi organique relatif à l’expérimentation avant le projet de loi plus fondateur – du moins l’espérons-nous – et tant attendu « 3D+ » ou « 4D », qui doit fixer l’objectif de différenciation, relève, selon nous, d’un illogisme législatif. Plus clairement, cela consiste à « mettre la charrue avant les bœufs », comme on le dit en pays cauchois, en définissant les moyens avant de connaître clairement la cible.
Cela est d’autant plus vrai que, pour donner véritablement tout son sens à l’expérimentation locale, c’est non seulement la loi organique qu’il fallait modifier, mais aussi, comme cela a été dit à plusieurs reprises, notamment par les corapporteurs, la Constitution elle-même, ainsi que l’a proposé le Sénat, afin d’éviter le couperet du principe d’égalité pour la pérennisation des expérimentations.
Je veux ici saluer l’excellent travail des corapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, qui portent, au cours des débats successifs, les propositions du Sénat, sur l’initiative de son président, Gérard Larcher, « pour une nouvelle génération de la décentralisation » et qui tentent ici, par leurs apports, de donner plus de souffle à cet outil technique qu’est l’expérimentation.
De fait, le faible nombre d’expérimentations conduites au titre de l’alinéa 4 de l’article 72 de la Constitution démontre que ces dispositions ne fonctionnent pas suffisamment et que ce droit constitutionnel est resté une mesure très exceptionnelle en comparaison des expérimentations menées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, comme le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », en cours de discussion.
Ce demi-échec s’explique par la lourdeur de la procédure, les débouchés limités et l’absence d’évaluation utile.
Le principal facteur limitant l’expérimentation territoriale est identifié : la complexité et la lourdeur de la procédure pour participer à une expérimentation sont de nature à dissuader toutes les collectivités territoriales de se lancer dans ce projet expérimental. Les sept étapes préalables à l’expérimentation ont surtout conduit à refermer le droit qui avait été ouvert. La simplification des conditions de participation est donc essentielle pour permettre son effectivité. Ainsi, permettre aux collectivités de décider d’y participer par une simple délibération, sans qu’il leur soit nécessaire d’y être autorisées par un décret, va dans le bon sens.
Mais la multiplication du recours aux expérimentations ne dépendra pas uniquement de la simplification des procédures. Elle dépendra surtout de la capacité de l’État décentralisé à accompagner les projets. Cela impose un changement de logiciel des services de l’État, qui doivent non pas se limiter à contrôler les actes des collectivités locales, mais bien accompagner les élus locaux dans leurs décisions, puisque, aujourd’hui, c’est encore au niveau national, à Paris, que se trouve la compétence pour autoriser ou non une collectivité à participer à une expérimentation. Cette méthode témoigne d’une philosophie de l’État à l’égard des collectivités territoriales qui ne se fonde pas sur une confiance mutuelle, alors que seule la proximité peut permettre une efficience des politiques publiques.
Il faut, sur le modèle du tandem préfet-collectivités qui a été réclamé au début de la crise sanitaire, en mars dernier, une organisation opportune pour fluidifier les conditions de leur mise en œuvre, d’autant que les plus petites collectivités ne disposent souvent ni de l’ingénierie ni des moyens financiers suffisants pour mener seules ces expérimentations souhaitées.
Par ailleurs, si la procédure est un frein majeur, elle n’est pas l’unique problème de ce blocage législatif : reste celui de la finalité de ces expérimentations. Les expérimentations aboutissent, à la fin des fins, soit à un abandon pur et simple, partout et pour tous, soit à une généralisation nationale sans distinction réelle et territoriale. L’alternative entre abandon et généralisation est brutale et n’incite pas les collectivités territoriales à risquer une expérimentation sans débouchés alternatifs.
En proposant que les mesures expérimentales puissent être maintenues dans tout ou partie des collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation et étendues à d’autres, le projet de loi organique ouvre des voies plus attrayantes. Cette possibilité sera ouverte aux collectivités territoriales justifiant d’une différence de situation qui autoriserait qu’il soit ainsi dérogé au principe d’égalité. C’est la logique de cette loi organique, qui, avec les réformes territoriales, dont le Sénat attend beaucoup, doit être le premier pas d’une politique de différenciation territoriale.
La différenciation territoriale n’est pas un risque de division. C’est bien une méthode de gouvernance qui permettra de mieux prendre en compte les réalités locales. Nous en avons fait l’expérience avec la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, qui en est un bon exemple et qui ouvre une voie.
Enfin, une bonne expérimentation est une expérimentation évaluée, dont les effets sont mesurés à l’aune des objectifs recherchés. L’évaluation permet de définir les évolutions voulues pour l’expérimentation, tant à son terme qu’au cours de sa réalisation. Elle permet surtout d’assurer le suivi de l’expérimentation, comme l’a justement dit Mathieu Darnaud, et d’informer sur la nécessité ou non de la poursuivre. C’est pourquoi, à l’instar des corapporteurs, nous pensons qu’il est opportun de renforcer l’évaluation durant tout le déroulement de l’expérimentation, sans en alourdir la procédure.
De même, l’information chaque année du Parlement est incontournable pour permettre au législateur de connaître les applications différenciées de la loi sur le territoire.
En conclusion, nous voterons ce projet de loi organique, qui, même s’il ne consacre pas un véritable droit à la différenciation, lequel mériterait une révision constitutionnelle plus globale, permettra une meilleure agilité dans la mise en œuvre des politiques publiques, ce que réclament depuis longtemps le Sénat et les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous étudions aujourd’hui est le bienvenu.
En effet, il vise à faciliter l’expérimentation, en prévision du très attendu projet de loi 3D. Voilà qui est bien. Commençons par expérimenter. Nous pourrons ensuite différencier. Je pense que nous ne pourrons avoir une différenciation qu’après une expérimentation réussie.
Je veux souligner deux points particuliers concernant ce projet de loi organique : l’évaluation et les moyens mis à la disposition des collectivités pour les accompagner dans ces expérimentations.
Premièrement, pour qu’une expérimentation soit réussie – du moins, jugée comme telle –, il est indispensable de faire une évaluation détaillée.
C’est sur ce thème que portent principalement les divergences entre votre texte, madame la ministre, et la version amendée de la commission des lois.
Un rapport annuel était déjà prévu depuis 2003 pour lister les expérimentations en cours et indiquer les collectivités ayant souhaité réaliser une expérimentation sans en obtenir l’autorisation. Comme cela a été dit plusieurs fois, le Gouvernement n’a pas réalisé ce rapport. Plutôt que de chercher à y mettre plus de cœur, vous avez préféré le supprimer. C’est effectivement la meilleure solution pour vous conformer à la loi, mais cela paraît étonnant au moment précis où vous souhaitez intensifier les expérimentations.
Peut-être ce rapport n’a-t-il jamais été remis parce qu’il n’y avait pas de sujet : quatre expérimentations en dix-sept ans, dont deux interrompues avant la fin, cela ne justifie pas un rapport annuel… Mais, à partir du moment où l’on veut vraiment se lancer dans l’expérimentation, et justement avant de mettre en place la différenciation, cela vaut le coup de lister ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, et en expliquer les raisons. Cela n’empêchera pas le rapport final de l’expérimentation, que vous conservez dans votre projet de loi organique et qui doit même être complémentaire.
Il semblerait qu’il soit compliqué de lister les demandes, mais, dès lors que vous mettez en place un guichet unique, ce qui constitue une avancée très positive, vous ne devriez avoir aucun mal à répertorier ces expérimentations.
Le rapport final, quant à lui, permettra de développer cette culture de l’évaluation qui nous manque tant, d’autant que, pour pérenniser les expérimentations, sans passer par une modification de l’article 72 de la Constitution, il va falloir justifier du respect du principe d’égalité, donc expliquer, comme l’indique le Conseil d’État, les raisons pour lesquelles, sur le thème expérimenté, la loi peut, à droit constitutionnel constant, différencier les modalités d’exercice des compétences en fonction de différences objectives entre les collectivités territoriales. Cette évaluation permettra à la collectivité concernée de justifier de ces différences objectives.
Un rapport intermédiaire vous est également demandé sur chacune de ces expérimentations. Il permettra de réorienter éventuellement les expérimentations en cours et, au législateur, de savoir ce qui se prépare et dans quelles conditions.
Cela fait beaucoup de rapports demandés par le Sénat qui, d’habitude, n’en est pas très friand, mais j’ai bien entendu, madame la ministre, que vous étiez favorable aux deux rapports d’évaluation – le rapport final et le rapport intermédiaire. Je suis certaine qu’il ne vous sera pas bien difficile de vous montrer également favorable au rapport annuel…
J’en viens aux moyens mis à la disposition des collectivités.
Lors des différentes auditions, je me suis rendu compte que, pour ces différenciations, on évoquait plutôt les départements ou les régions et assez peu les communautés de communes ou les communes. Il est vrai que les expérimentations déjà menées concernaient ces échelles.
Il est vrai aussi que l’on ne sait pas de quels types d’expérimentations les collectivités souhaiteront se saisir, mais il est sûr que celles qui réfléchissent à cette possibilité ont déjà une taille importante, leur permettant d’avoir l’ingénierie technique, financière et juridique adéquate pour y réfléchir.
Sans aller jusqu’aux communes, dont je ne suis pas certaine qu’elles puissent être véritablement concernées par le projet de loi organique, les communautés de communes ou les départements ruraux, souvent plus pauvres et moins calibrés en ingénierie, auront-ils la possibilité de se saisir de cette opportunité d’expérimenter ? Vous le savez, madame la ministre, ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’argent qu’on n’a pas d’idées… Mais vous m’avez rassurée : j’ai bien entendu que le guichet unique qui recueillera les demandes aura la possibilité d’accompagner les collectivités sur le plan juridique et que les moyens de l’État qui seraient mis à la disposition de l’ANCT dans les départements pourraient également participer à ce dispositif sur les aspects plus techniques. Je vous en remercie, car les territoires ruraux ont un vrai besoin d’accompagnement.
En conclusion, vous l’aurez compris, madame la ministre, les sénateurs de mon groupe sont favorables à ce projet de loi organique, mais ils suivront les recommandations pertinentes de nos corapporteurs de la commission des lois, Mathieu Darnaud et Françoise Gatel. Vous savez que nous suivons toujours les recommandations de la nouvelle présidente de notre délégation aux collectivités territoriales…
Les sénateurs du groupe Union Centriste voteront donc la version amendée par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 72 de la constitution
Article 1er
Le second alinéa de l’article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« La loi précise également les catégories et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à participer à l’expérimentation et les cas dans lesquels l’expérimentation peut être entreprise. Elle fixe le délai dans lequel les collectivités territoriales qui remplissent les conditions fixées prennent leur décision de participer à l’expérimentation. »
M. le président. L’amendement n° 7, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Au début, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au premier alinéa de l’article L. O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « expérimentation » sont insérés les mots : « et le cadre méthodologique ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’amendement tend à inscrire dans la délibération prise par l’assemblée pour s’engager dans une expérimentation le cadre méthodologique qui sera mis en œuvre.
Suivant l’avis des corapporteurs, la commission des lois a adopté le projet de loi organique en précisant les issues possibles à la fin de l’expérimentation et en renforçant son évaluation. Ces deux points participent nettement à l’amélioration du texte initial.
Toutefois, un aspect nous semble toujours manquer dans cette nouvelle version : le renforcement du cadre méthodologique de l’expérimentation, pourtant clé de voûte du dispositif.
L’amendement proposé vise à y remédier. Il s’agit d’ailleurs d’une recommandation du Conseil d’État, qui, dans son rapport, précise que la fiabilité d’une expérimentation dépend largement de la méthode suivie, des conditions de sa mise en place et de son accompagnement.
Les conditions de lancement de l’expérimentation ayant toujours un impact sur les résultats produits, il nous paraît indispensable d’inciter le maître d’ouvrage à s’interroger sur les objectifs recherchés et les moyens à atteindre.
Renforcer le cadre méthodologique d’une expérimentation est nécessaire à double titre : d’une part, afin d’éclairer les débats au sein de l’assemblée délibérante ; d’autre part, en vue de justifier la dérogation au principe d’égalité, en étant extrêmement précis sur les objectifs recherchés et les moyens mis en œuvre pour mesurer les résultats produits.
La référence au cadre méthodologique dans la délibération de lancement d’un projet existe déjà dans d’autres procédures, par exemple s’agissant des modalités d’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI).
Cet amendement a donc pour objet d’inscrire dans la délibération prise par l’assemblée le cadre méthodologique, à savoir les objectifs, les modalités de pilotage et d’évaluation ainsi que les critères de réussite. Son adoption permettra de garantir les conditions d’une expérimentation réussie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Cher collègue, votre amendement me semble satisfait par le projet de loi organique, qui va définir le cadre méthodologique et le champ des possibilités. Il sera demandé aux collectivités de prendre une délibération motivée.
Je crois qu’il ne faut pas définir dans la loi un cadre méthodologique trop précis, comme, par exemple, un calendrier.
Je rappelle, en outre, que les délibérations feront l’objet d’un contrôle de légalité.
Convaincue que votre préoccupation légitime est satisfaite par le texte, je sollicite le retrait de votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de l’amendement.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, monsieur le président.
Nous pensons réellement que le cadre méthodologique mérite d’être notifié clairement dans le texte. Il nous paraît véritablement indispensable, dès le départ, pour la réussite d’une expérimentation.
Au reste, il ne nous semble pas que l’amendement soit totalement satisfait par le texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je ne comprends pas pourquoi on corsèterait encore plus le cadre méthodologique.
Je reviens sur l’exemple des PLUI. Actuellement, toutes les collectivités locales sont en train d’élaborer leur PLUI. Je peux vous dire que ça chauffe ! Pourquoi ? Parce que nous nous sommes appuyés sur les schémas de cohérence territoriale (SCOT), quand, sur le plan national, l’équivalent d’un petit département français a été artificialisé tous les dix ans. De nombreux départements ruraux ont respecté la loi Montagne, voire la loi Littoral s’ils ont des lacs de plus de 1 000 hectares. Ils n’ont absolument pas abîmé la nature française. En revanche, dans d’autres départements, on a fait n’importe quoi. Je pense, entre autres, à la Loire-Atlantique. Aujourd’hui, nous, départements ruraux, sommes les otages de cette politique…
J’espère bien que la loi 3D ou 4D nous permettra, à l’heure où les Français reviennent en milieu rural, surtout en cette époque difficile d’urgence sanitaire, de desserrer un peu la vis.
Je suis désolé, cher collègue, mais prendre l’exemple du PLUI ne me semble absolument pas opportun. Ne corsetons pas encore plus les collectivités locales au moment où l’on cherche à accroître les fluidités et à mieux asseoir leurs politiques !
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par M. Roux, Mme M. Carrère, M. Guérini, Mme Guillotin, MM. Gold et Requier, Mme Pantel, M. Guiol, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Bilhac et Cabanel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le même article L.O. 1113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales entrent dans le champ d’application de l’expérimentation qu’elle définit, afin qu’elles puissent y prendre part de manière effective. »
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Il est nécessaire de simplifier le régime des expérimentations locales.
Néanmoins, il faut veiller à ce que ces expérimentations se déroulent dans des conditions satisfaisantes, afin qu’elles puissent atteindre leur but, celui d’une différenciation territoriale ajustée aux besoins de chaque territoire et de chaque collectivité.
Aussi, l’une des principales difficultés qui pourraient résulter du système mis en place par ce projet de loi organique est que la liberté qu’il offre aux collectivités devienne un vecteur d’inégalités. Comment s’assurer que les collectivités les plus isolées, les moins dotées en moyens humains et financiers s’engagent dans les expérimentations avec la même facilité que d’autres plus aisées ? Comment s’assurer que ces collectivités, déjà submergées par les textes, les réglementations et les normes, ne passent pas à côté de cette opportunité d’expérimenter ?
La différenciation ne doit pas se faire à plusieurs vitesses. Elle ne doit pas être le privilège de certains territoires. Le législateur doit y veiller à chaque expérimentation, par la mise en place de dispositifs d’aides financières ou de moyens humains ou, plus modestement, de moyens d’information et d’orientation au bénéfice des territoires candidats aux expérimentations.
L’objet de cet amendement est donc de poser comme principe que toute loi instituant une nouvelle expérimentation ne se limite pas à dresser une liste des collectivités pouvant y participer : elle devra aussi s’assurer que chaque collectivité puisse effectivement être en capacité de s’engager dans le dispositif expérimental.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. La capacité théorique de chaque collectivité d’une même catégorie à prétendre à l’expérimentation est définie par la loi.
Vous exprimez par ailleurs le souci de rendre cette capacité réelle pour toute collectivité qui souhaitait réaliser une expérimentation, évoquant des collectivités qui manqueraient de moyens.
Je comprends votre préoccupation, mais je ne crois pas que l’égalité réelle des capacités d’ingénierie puisse être assurée par le biais d’un amendement au projet de loi organique.
Certains amendements nous donneront l’occasion de débattre de l’égalité des capacités d’ingénierie des collectivités, qui a été évoquée dans la discussion générale. D’aucuns proposent notamment de recourir à l’ANCT.
La commission sollicite donc le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame la sénatrice, je comprends votre objectif relatif à la capacité réelle de toute collectivité et de tout niveau de collectivité à accéder à l’expérimentation, à leur environnement en ingénierie… Nous en avons déjà parlé.
Mais, tel qu’il est rédigé, l’amendement ne semble pas très utile, dès lors que son dispositif est déjà satisfait par les dispositions de l’article L.O. 1113-1 dans leur rédaction résultant de l’article 1er du projet de loi organique.
En effet, ces dispositions prévoient que la loi autorisant une expérimentation précise les catégories et les caractéristiques des collectivités territoriales autorisées à y participer. Bien évidemment, toute collectivité qui remplit ces critères peut y participer.
L’environnement et l’accompagnement sont évidemment fondamentaux. Cela dit, je sollicite le retrait de l’amendement.
L’agence d’État qu’est l’ANCT pourra vous aider. Quand nous avons débattu, dans cet hémicycle, de la création de celle-ci, on m’a fait préciser je ne sais combien de fois qu’elle ne pouvait pas entrer en concurrence avec de l’ingénierie créée par les collectivités territoriales, quelles qu’elles soient.
L’ANCT peut répondre à la demande d’ingénierie, mais les collectivités peuvent aussi trouver d’autres aides dans les territoires – on me l’a suffisamment répété ici même lors de nos débats ! Je ne survends donc pas l’ANCT, de peur qu’on me le reproche.
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 1 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, nous nous rangeons à l’avis de Mme le corapporteur et de Mme la ministre, et je retire donc l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L.O. 1113-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 1113-2. – Toute collectivité territoriale entrant dans le champ d’application défini par la loi mentionnée à l’article L.O. 1113-1 peut, dans le délai prévu au second alinéa du même article L.O. 1113-1 décider de participer à l’expérimentation mentionnée par cette loi par une délibération motivée de son assemblée délibérante.
« Cette délibération est publiée, à titre d’information, au Journal officiel. »
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les collectivités de moins de 50 000 habitants, les modalités d’accompagnement des services de l’État dans l’élaboration, la conduite et l’évaluation des expérimentations sont précisées dans un contrat-cadre, déjà existant ou à créer, entre l’État et la collectivité.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à accompagner les collectivités de taille petite et moyenne dans la conduite de leurs expérimentations.
Nous l’avons souligné au cours de la discussion générale, la phase préparatoire au lancement d’une expérimentation est déterminante pour la qualité des résultats produits, donc pour l’évaluation finale.
S’interroger sur les objectifs, construire un échantillon suffisamment représentatif, préparer les services aux changements d’organisation… Tout cela nécessite un appui en termes d’ingénierie. Or le manque de moyens, notamment en ingénierie, conduira certaines des plus petites collectivités à renoncer au lancement d’une expérimentation.
Afin de réduire ces disparités, cet amendement tend à rendre obligatoire l’accompagnement des services de l’État dans la conduite des expérimentations locales des collectivités de moins de 50 000 habitants – un seuil déjà utilisé dans de nombreux contrats territoriaux.
Pour les périmètres déjà couverts par un contrat entre l’État et les collectivités – je pense, par exemple, aux contrats de ruralité –, l’accompagnement des services de l’État sera intégré au contrat-cadre par un simple avenant. Pour les autres périmètres, un contrat-cadre sera établi avec l’État au moment des délibérations de l’assemblée, pour préciser les modalités d’accompagnement.
L’Agence nationale de la cohésion des territoires, dont la mission principale est de soutenir les collectivités locales pour concrétiser leurs projets, notamment en apportant de l’ingénierie technique et financière, pourrait mener à bien cette mission d’accompagnement, en effet.
Ne laissons pas au bord de la route certaines de nos collectivités qui ont inscrit l’innovation territoriale au cœur de leurs enjeux économiques et sociaux. L’expérimentation pourrait tant leur apporter !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Monsieur Benarroche, votre proposition pose la question de la capacité de toutes les collectivités d’une même catégorie à accéder à la simplification.
Nous avons abordé cette question voilà quelques instants avec Mme Carrère. Il s’agit d’un vrai sujet, et sans doute aurons-nous l’occasion de débattre du rôle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dont nous allons suivre la mise en place et l’activité d’accompagnement.
Pour autant, mon cher collègue, ce texte d’expérimentation s’inscrit dans une démarche plus large de liberté locale. Or je serais extrêmement gênée, d’un côté, d’encourager et de faciliter les initiatives, et, de l’autre côté, d’imposer à certaines collectivités la conclusion d’un accord-cadre avec l’État, alors même qu’elles pourraient travailler autrement.
Par ailleurs, depuis la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe, nous souffrons, dans cette assemblée, d’une très grave phobie des seuils (Sourires.) : nous ne pensons pas que la République et les territoires puissent être mis en équation. Quels qu’ils soient, les seuils sont une très mauvaise maladie française, très éloignée du réel.
Je comprends votre propos, mais je ne pense pas que ce soit la bonne réponse. En outre, inscrire un tel dispositif dans une loi organique ne serait pas opérant. Continuons de travailler avec Mme la ministre dans un certain nombre d’instances sur la mise en œuvre, la mise en place et l’efficacité de l’ANCT. Nous aurons, nous aussi, un devoir d’évaluation de ce que nous votons.
Pour ces raisons, mon cher collègue, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement n’est pas de rang organique.
Par ailleurs, comme me l’ont fait récemment remarquer des élus, on parle toujours d’ingénierie comme d’un mot généraliste. Or il faut décliner ce terme : l’Agence nationale de la cohésion des territoires accompagne soit des projets qui viennent du territoire, soit des politiques publiques comme « Action cœur de ville » pour les villes moyennes et « Petites villes de demain ». L’État va alors apporter une ingénierie technique pour aider les maires à monter leurs projets.
L’ingénierie peut aussi consister en une offre juridique, et cela va aussi compter dans l’expérimentation. La démarche est de nature différente, mais vous pourrez vous adresser aux représentants de l’ANCT dans les territoires, à savoir les préfets. Les services de la préfecture peuvent fournir une aide juridique, tout comme les services de la direction générale des collectivités locales.
Enfin, je voudrais faire savoir aux nouveaux élus ici présents que les directions départementales des finances publiques peuvent également accompagner les collectivités en matière d’ingénierie financière.
Cela étant précisé, le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
L’article L.O. 1113-3 du code général des collectivités territoriales, qui devient l’article L.O. 1113-4, est ainsi modifié :
1° Les deux dernières phrases sont supprimées ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont publiés, à titre d’information, au Journal officiel. » – (Adopté.)
Article 4
L’article L.O. 1113-3 du code général des collectivités territoriales est ainsi rétabli :
« Art. L.O. 1113-3. – Le représentant de l’État peut assortir un recours dirigé contre la délibération mentionnée à l’article L.O. 1113-2 d’une demande de suspension ; cette délibération cesse alors de produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande. Si le tribunal administratif n’a pas statué dans un délai d’un mois suivant sa saisine, la délibération redevient exécutoire.
« En cas de demande de suspension, la publication au Journal officiel mentionnée au second alinéa du même article L.O. 1113-2 est différée jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande ou jusqu’au terme du délai d’un mois mentionné au premier alinéa du présent article. » – (Adopté.)
Article 5
L’article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° (nouveau) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la moitié de la durée fixée pour l’expérimentation, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport assorti, le cas échéant, des observations des collectivités territoriales participant à l’expérimentation. Ce rapport présente les collectivités ayant décidé de participer à l’expérimentation ainsi qu’une évaluation intermédiaire des effets mentionnés à la seconde phrase du premier alinéa du présent article. » ;
2° (nouveau) Le second alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « rapport », sont insérés les mots : « présentant les collectivités territoriales ayant décidé de participer à une expérimentation définie par une loi mentionnée à l’article L.O. 1113-1 et » ;
b) Les mots : « et demandes formulées au titre de l’article L.O. 1113-2 » sont supprimés.
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…. Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’avis des associations d’élus y est également présenté. » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.
L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Le second alinéa est supprimé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement vise à supprimer le rapport annuel que le Gouvernement doit transmettre au Parlement, conformément aux dispositions du second alinéa de l’article L.O. 1113-5 du CGCT, le code général des collectivités territoriales.
Je salue le travail effectué en commission des lois et la création d’un rapport intermédiaire, qui semble tout à fait bienvenu et qui permettra aux collectivités désireuses d’entrer dans l’expérimentation de profiter d’un premier retour d’expérience.
Toutefois, et sans surprise, le Gouvernement souhaite, par cet amendement, supprimer le rapport qu’il devrait transmettre au Parlement chaque année et qui m’apparaît aujourd’hui superfétatoire. En effet, l’évaluation à laquelle nous sommes tous attachés est bien garantie à différentes étapes de l’expérimentation.
Ce rapport, auquel la commission des lois a dessiné de nouveaux contours, doit désormais présenter les collectivités territoriales participant aux expérimentations. Or il ne semble pas utile que cette information fasse l’objet d’un rapport spécifique, dès lors qu’elle doit déjà figurer dans le rapport d’évaluation établi pour chaque expérimentation.
De plus, l’article 2 du projet de loi organique supprime la procédure de candidature des collectivités aux expérimentations, ce qui rend caduc le deuxième objet de ce rapport. Dans un esprit de simplification, il nous semble donc cohérent de le supprimer.
Imaginons une expérimentation qui dure huit ans, c’est-à-dire cinq ans, plus trois ans : il y aurait donc un rapport intermédiaire, un rapport final et huit rapports annuels ! Cela ferait tout de même beaucoup… Loin de vouloir contrarier la commission des lois dont je reconnais l’excellent travail. Toutefois, si l’on peut aimer les rapports, en l’espèce, encore une fois, cela fait beaucoup.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je voudrais tout d’abord rassurer Mme la ministre, en lui assurant qu’elle ne nous contrarie absolument pas, ma collègue Françoise Gatel, le président de la commission des lois et moi-même.
Ce débat nous a éclairés sur un point : la définition de l’expérimentation varie, au gré non des humeurs, mais du point de vue de chacun, car nous en avons une vision quelque peu différente. Il convient donc, au fil du temps, d’en définir plus précisément les contours, notamment pour éviter les écueils évoqués par Mme Assassi lors de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Il s’agit d’une question importante, sur laquelle il faudra peut-être revenir. Personne ne peut dire qu’il s’agit d’un exercice harassant, qui a demandé beaucoup d’heures de travail au Parlement : depuis 2003, nous n’avons pas consacré la moindre minute à l’examen d’un quelconque rapport sur une expérimentation.
Il me semble que le Parlement, singulièrement le Sénat, doit s’inviter dans ce débat sur l’expérimentation. Consacrer un rapport annuel sur ce sujet ô combien important, surtout au regard des perspectives en termes de différenciation et de décentralisation réaffirmées dans le futur projet de loi 3D, me semble très utile. Nous devons pouvoir débattre et surtout évaluer, notamment pour tenir compte des retours qui ne seraient pas favorables.
C’est ensemble que nous devons faire œuvre utile sur ce sujet. Comme le soulignait Dominique Vérien, nous ne sommes pas des aficionados des rapports – nous le démontrons lors de l’examen de chaque texte –, mais il s’agit là d’un rendez-vous lié à l’évaluation. C’est la raison pour laquelle nous tenons à ce que ces rapports annuels puissent voir le jour, au moins dans les premiers temps.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je souhaiterais que la commission revienne sur sa position.
Nous discutons d’une loi organique dont les dispositions vont s’imposer aux lois ordinaires. Or chaque décision de nouvelle expérimentation procédera d’une loi. Je pense donc que la formule défendue par Mme la ministre est préférable à l’inscription rigide dans le présent texte de la remise d’un rapport annuel relatif à chaque expérimentation, quel qu’en soit l’objet.
En effet, il faut un certain temps pour disposer de données factuelles suffisantes et pouvoir travailler sur les sujets à évaluer. Il me semble que la remise d’un rapport à mi-course, puis d’un deuxième rapport, si l’expérimentation est prolongée, à l’issue des cinq ans, avant celle du rapport final, est le bon cadre à fixer dans la loi organique.
Le Parlement sera toujours libre de demander la remise d’un rapport annuel pour une expérimentation particulière, en raison, par exemple, de sa nature ou de son objet social. Encore une fois, inscrire une telle obligation dans la loi organique me semble par trop rigide.
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Monsieur Richard, il s’agit d’un rapport annuel sur l’ensemble des expérimentations, non d’un rapport sur chacune d’entre elles.
Lors de nos travaux en commission, nous avons tous deux souligné que les expérimentations n’étaient pas légion. Le Parlement peut donc tout à fait s’astreindre à l’examen de ces rapports.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Article 6
L’article L.O. 1113-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa, les mots : « selon le cas » sont remplacés par les mots : « le cas échéant » ;
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – le maintien des mesures prises à titre expérimental dans les collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation, ou dans certaines d’entre elles, et leur extension à d’autres collectivités territoriales, dans le respect du principe d’égalité. » ;
3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La loi peut également modifier les dispositions régissant l’exercice de la compétence ayant fait l’objet de l’expérimentation. » ;
4° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « de ces effets » sont remplacés par les mots : « l’un des effets mentionnés aux deuxième à quatrième alinéas ou au cinquième alinéa » ;
b) À la fin de la seconde phrase, les mots : « de la République française » sont supprimés ;
5° (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « ci-dessus » sont remplacés par les mots : « à l’avant-dernier alinéa du présent article ».
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Mes chers collègues, sans surprise, nous souhaitons supprimer cet article.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe même de l’expérimentation, dont le but est de tester des dispositifs pour enrichir la loi et mieux servir l’intérêt général.
Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, oui, l’ingénierie est diverse. C’est celle de la collectivité proprement dite, celle des communes, celle de leurs groupements, mais aussi celle des départements et des régions.
Il existe aussi toute une ingénierie publique, celle des services de l’État dans les départements, même si certaines sous-préfectures s’apparentent parfois désormais à des manoirs hantés, hérités d’une autre époque, dans lesquels il faudrait remettre quelques êtres humains pour qu’elles viennent enfin en appui des collectivités… Ne doutons pas que les annonces du Premier ministre de juillet dernier se concrétiseront et que la vie reviendra dans les sous-préfectures dès janvier prochain !
Madame la ministre, vous avez évoqué la question de l’ingénierie financière. Nous avons tous ici notre propre avis sur la réorganisation des directions départementales des finances publiques. Mais force est de constater que la proximité, la connaissance et la confiance, car c’est bien de confiance qu’il s’agit quand il est question d’accompagnement, ont bien du mal à s’installer quand le personnel change ou est mutualisé et quand les trésoriers sont moins souvent affectés sur une longue durée au suivi et à l’accompagnement budgétaires – et je ne pense pas que cette situation soit propre au département de la Loire.
C’est en sécurisant les élus et en renforçant la présence de l’État dans nos départements que nous redonnerons toute sa place à la liberté locale et à une véritable décentralisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Il me semble que Mme Cukierman a quelque peu dévié du sujet initial de l’amendement, qui, je le rappelle, vise à supprimer cet article… (Sourires.)
Sur le fond, l’excès d’expérimentation peut susciter une inquiétude. C’est d’ailleurs ce qu’exprimait la présidente Assassi en défendant la motion visant à opposer la question préalable.
Nous sommes nombreux ici à redouter qu’un recours excessif à l’expérimentation puisse déboucher sur une trop grande différenciation, notamment en ce qui concerne les formes d’institutions. L’apparition de collectivités à statut particulier, par exemple, aurait sans doute un effet plus négatif sur la cohésion de nos territoires que positif en termes d’efficience de l’action et des politiques publiques.
En revanche, je ne partage pas votre crainte de la pérennisation d’une expérimentation sur une partie seulement du territoire. Une telle situation existe déjà avec la loi Gayssot relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, qui différencie les communes non urbanisées et les communes isolées. Il faut donc vraiment avoir une lecture fine de ce sujet.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Cukierman, le Gouvernement est bien évidemment défavorable à votre amendement.
Nous sommes ici au cœur de l’innovation et de l’expérimentation. J’entends bien vos propos, mais le cadre constitutionnel constant dans lequel nous légiférons garantit l’égalité des territoires.
Pour en avoir déjà discuté à plusieurs reprises avec la présidente Assassi, je sais bien quelle est votre inquiétude, mais ce dispositif est très encadré, surtout par le législateur.
Les choses sont parfois surprenantes : tout à l’heure, vous regrettiez que la révision constitutionnelle, qui nous aurait pourtant permis d’aller plus loin, n’ait pas eu lieu…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il me semble que si, madame la présidente !
J’aurais aussi souhaité que cette révision constitutionnelle nous apporte son aide, mais sachez que nous avons fait le maximum dans le droit actuel. Le principe d’égalité entre les territoires, constitutionnellement garanti, est protégé.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame la ministre, puisque l’heure est à convoquer le passé, allons-y !
Je tiens tout d’abord à rassurer tout le monde en tempérant la vision que d’aucuns semblent avoir des communistes : je laisse à d’autres l’adoration des grandes femmes et des grands hommes du passé – mon sentiment, du reste, est qu’une telle adoration n’aide pas à se construire un avenir.
Il y a évidemment eu, dans l’histoire de notre pays et de notre République, des ministres communistes, qui ont fait de grandes choses. La loi SRU en est une, monsieur le corapporteur. Je note d’ailleurs qu’elle n’est pas le fruit d’une simple expérimentation : elle répond à un besoin humain et citoyen, celui du droit au logement, qui exige de mettre en œuvre une solidarité territoriale, au lieu de renvoyer chacun à sa propre liberté locale.
J’aurais pu citer, a contrario, d’autres initiatives prises par le ministre que j’ai cité et auxquelles aujourd’hui je n’adhérerais pas, dont certaines ont d’ailleurs été remises en cause par la suite. Vous voyez qu’il faut bien choisir ses exemples…
J’entends l’argument qui nous est opposé, et j’y réponds avec le plus grand sérieux : en définitive, que préférons-nous, ou plutôt, quelle est l’option la moins mauvaise ?
Certes, le recours aux expérimentations encadré par la loi évite la multiplication des collectivités à statut particulier, dont nous savons qu’elles ont connu un certain développement ces dernières années. Même si certains aspirent à un tel statut, la concrétisation de leurs aspirations sera certainement difficile ; elle sera, en tout état de cause, plus nocive que l’expérimentation pour ce qui est du détricotage de la République telle que nous la concevons.
Cependant – peut-être en reparlerons-nous d’ici quelques années, mais, pour le moment, il faut agir avec précaution –, il nous semble que l’autorisation prévue à l’article 6 est déjà un premier pas en avant, non vers davantage de libertés locales, mais vers une concurrence accrue entre les collectivités territoriales, avec à la clé de moins bonnes réponses aux populations qui en ont le plus besoin.
Je maintiendrai donc, bien sûr, cet amendement, et nous voterons contre l’article.
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et après transmission par le Gouvernement au Parlement de son évaluation détaillée mentionnée au premier alinéa de l’article L.O. 1113-5, la loi détermine selon le cas : »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. J’ai cru comprendre que cet amendement était superfétatoire ; comme, de toute façon, nous ne souscrivons pas à l’esprit de l’article 6, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
Le deuxième alinéa de l’article L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « demander à bénéficier de » sont remplacés par les mots : « décider de participer à » ;
2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La délibération prise en application de la première phrase du présent alinéa peut faire l’objet d’un recours du représentant de l’État dans les conditions prévues à l’article L.O. 1113-3. » ;
3° À la deuxième phrase, les mots : « L.O. 1113-3 et peuvent faire l’objet d’un recours du représentant de l’État dans les conditions exposées à l’article » sont supprimés ;
4° (nouveau) Au dernier alinéa, les mots : « prévues à » sont remplacés par les mots : « prévues aux deuxième à quatrième alinéas de ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par M. Roux, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier, Bilhac et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. O. 1113-… ainsi rédigé :
« Art. L. O. 1113-…. – L’Agence nationale de la cohésion des territoires informe et oriente, le cas échéant, toute collectivité territoriale entrant dans le champ d’application défini par la loi mentionnée à l’article L. O. 1113-1.
« Durant la durée de l’expérimentation, toute collectivité y participant peut solliciter le concours de l’agence à des fins d’ingénierie juridique, financière et technique.
« Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation, l’agence informe toute collectivité n’ayant pas participé à l’expérimentation et étant susceptible, à l’issue de l’expérimentation, de se voir étendre les mesures prises à titre expérimental. »
La parole est à Mme Guylène Pantel.
Mme Guylène Pantel. Mes chers collègues, vous connaissez l’attachement du groupe du RDSE à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT ; cet amendement ne vous surprendra donc pas.
Nous regrettons qu’un dispositif aussi innovant et aussi important pour l’administration des collectivités territoriales ait laissé de côté l’ANCT. Nous ne doutons pourtant pas que cette dernière puisse jouer un rôle privilégié dans l’accompagnement des collectivités, au titre des différentes expérimentations qui pourraient être développées.
Si l’objet de ce projet de loi organique est de contribuer à la différenciation territoriale, il faut veiller à ce que cette différenciation soit menée avec le souci constant de l’accompagnement et de l’information des élus locaux comme des administrés.
Aussi cet amendement vise-t-il à investir l’ANCT d’une série de nouvelles missions, afin qu’elle remplisse encore mieux son rôle au service de la cohésion territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je ne suis pas totalement convaincu qu’il faille inscrire cette disposition dans la loi organique.
Par ailleurs, et surtout – je précise bien que les propos que je vais tenir ne sont pas une critique de l’ANCT ; les interpréter ainsi serait mal les comprendre ! –, je voudrais que nous arrivions à définir, ensemble, quelles seront demain les missions de l’Agence.
Je crois d’ailleurs que votre groupe a demandé l’organisation d’un débat sur ce sujet important. À vouloir mettre l’ANCT sur tous les dossiers, je crains, vu son budget, que nous ayons des difficultés, au-delà même du fait que nous ne souhaitons pas – cela vient d’être dit, Mme la ministre le rappelait et beaucoup le pensent ici – que l’ANCT empiète sur l’ingénierie existante.
L’ANCT peut avoir une plus-value certaine, dès lors qu’elle permet notamment de faire écho à certaines préoccupations particulières ; je pense aux problématiques que l’on peut rencontrer en matière de téléphonie ou de mobilités dans certains territoires, notamment ruraux, comme le vôtre ou comme le mien, qui sont voisins, ma chère collègue, et où l’on se sent parfois démuni.
En tout cas, au-delà de la seule question de la gouvernance, il y a vraiment urgence à définir les missions de l’ANCT, le rôle que l’on entend lui faire jouer et la nature de sa présence sur le territoire. Aussi, je suggère de ne pas inscrire votre proposition dans ce projet de loi organique.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai anticipé en parlant de l’ANCT ; je ne vais pas recommencer.
Je rappelle simplement que l’objectif du Gouvernement est de confier ces questions à un guichet national spécialisé, en s’appuyant territorialement sur les préfets, mais aussi, et surtout, sur la direction générale des collectivités locales, puisqu’on est là au cœur du métier de la DGCL.
Quand j’ai décliné les différents types d’ingénierie, j’ai décrit une situation qui est exactement conforme à celle que vient de décrire Mathieu Darnaud : il y a plusieurs offres de services sur les territoires, dont celle de l’ANCT, qui accompagne un certain nombre de politiques ; il faut laisser ce champ ouvert, sans compter qu’une telle question n’est vraiment pas de niveau organique.
Tout en comprenant parfaitement la préoccupation exprimée, je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Madame Pantel, l’amendement n° 2 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Guylène Pantel. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi organique.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 14 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 327 |
Contre | 15 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 4 novembre 2020 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Une convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié : projet de loi autorisant l’approbation de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar et de l’accord portant reconnaissance réciproque et échange des permis de conduire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine (texte de la commission n° 86, 2020-2021) ;
Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde relatif à la prévention de la consommation illicite et à la réduction du trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes et de précurseurs chimiques, et des délits connexes (procédure accélérée ; texte de la commission n° 88, 2020-2021) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (texte de la commission n° 94, 2020-2021) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (texte de la commission n° 90, 2020-2021) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (texte de la commission n° 92, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures.)
nomination de membres de commissions
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Laurence Garnier est proclamée membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Christophe Priou, démissionnaire.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Nicole Duranton est proclamée membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Sébastien Lecornu, dont le mandat de sénateur a cessé.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Marie-Agnès Evrard est proclamée membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Jean-Baptiste Lemoyne, dont le mandat de sénateur a cessé.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER
Erratum
au compte rendu intégral de la séance du 28 octobre 2020
Sous le titre « Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 », page 7948 :
- première colonne, après les mots « L’amendement n° 75 rectifié bis est présenté par »,
Lire : « Mmes Lepage et Robert, MM. Cardon, Lurel et Dagbert, Mmes Meunier et Préville, MM. Vaugrenard, Tissot, Redon-Sarrazy, Bigot, Devinaz, Leconte et Temal et Mme Monier. » ;
- première colonne, après les mots « L’amendement n° 167 rectifié est présenté par »,
Lire : « MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme Carrère, M. Corbisez, Mme Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux. » ;
- dernière ligne de la première colonne et première ligne de la seconde colonne :
Au lieu de : « Mme Claudine Lepage »,
Lire : « Mme Angèle Préville ».